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Culture Culture & esthétique

Playlist Euphories

Le jeune et talentueux duo nantais Videoclub a encore frappé avec une chanson entraînante, pleine de romance et accompagnée d’une mise en scène particulièrement réussie. De l’esprit et de la musique électronique, voilà la French Touch !

Une telle réussite exigeait un petit accompagnement au moyen d’une playlist se voulant dans la même perspective, rafraîchissante et créative, entraînante et colorée, avec de la mélodie et du beat… à l’instar du duo (russe) Tesla Boy et Sabrina.

On notera que ce retour à la mélodie dans un sens années 1980 s’accompagne justement de cette esthétique très stylé Adidas, avec également un côté décalé, des références aux jeux vidéos souvent également. Il y a un côté frais, euphorique sentimentalement parlant, libéré mais contenu en même temps, avec une certaine mélancolie.

Voici la vidéo avec la playlist, suivie de la liste des chansons la composant.

VIDEO PLAYLIST

  1. Videoclub : Euphories, 2020
  2. Tesla Boy – Прогулка (feat. Сабрина), 2020
  3. Soccer Mommy – Bloodstream, 2020
  4. Kennedy Rd. – Falling, 2019
  5. Moussa – Cabrioli, 2018
  6. Drake – Take Care ft. Rihanna, 2012
  7. The Pirouettes – Héros de la ville, 2019
  8. Childish Gambino – Feels Like Summer, 2018
  9. Mura Masa – Love$ick (Official Video) ft. A$AP Rocky, 2016
  10. Kilo Kish – Locket, 2014
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Culture

«Acts of rebellion» d’Ela Minus, punk du futur

Ela Minus est une artiste colombienne vivant aux États-Unis depuis une dizaine d’années. Elle réalise avec « Acts of rebellion » un album électro-pop (analogique) très marquant, grâce à un esprit néo-punk particulièrement novateur et une touche très en phase avec les tourments de la société américaine (et sud-américaine).

Avec le somptueux « They told us it was hard, but they were wrong » (Ils nous ont dit que c’était dur, mais ils avaient tort), Ela Minus avait marqué le printemps 2020 sur un mode électro-pop atmosphérique très envoûtant.

Son album « Acts of rebellion » sorti le 23 octobre 2020 est largement à la hauteur des attentes, avec 10 titres d’une grande qualité très cohérents dans leur enchaînement. On y trouve notamment « El cielo no es de nadie » (le ciel n’est à personne), un morceau indiscutablement techno, mais dans un style soft et pop aussi novateur que réussi. Elle le présente comme « un appel pour nous tous à chercher et à donner le vrai amour. »

Le titre « Dominique », dont le clip a été dévoilé quelques jours avant l’album, est peut-être celui sur lequel l’artiste native de Bogotá imprime le plus franchement sa touche.

C’est toutefois par le morceau « Megapunk » que l’album acquiert toute sa dimension et prend tout son sens. Le clip, sur le mode collage punk version 2020, illustre parfaitement le « you won’t make us stop » (ils ne nous feront jamais stopper) asséné tout au long du morceau comme un slogan ! Elle explique d’ailleurs qu’il a été composé pour être un hymne motivant pour que les gens « se mobilisent, s’organisent et défilent », avec à l’esprit l’image d’un groupe de femmes marchant pour le féminisme.

L’album est d’autant plus marquant qu’il est composé et joué tout en analogique, comme sur ce live :

Enfin, on ne sera pas vraiment étonné d’apprendre qu’Ela Minus (Gabriela Jimeno de son vrai nom) vient à l’origine de la scène punk hardcore ; très jeune, elle jouait à la batterie et chantait dans le groupe Ratón Pérez :

>> L’album « Acts of rebellion » d’Ela Minus est sorti sous le label anglais Domino Records. Un concert est prévu à Paris à la Boule Noire le 19 février 2021, mais rien n’est moins sûr vue le contexte sanitaire… 

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Culture Vie quotidienne

Détruire ce qui nous détruit

Slogan de la Gauche allemande alternative, « détruire ce qui nous détruit » est emblématique d’une exigence de transformation de la vie quotidienne.

« Détruire ce qui nous détruit » est un slogan classique de la Gauche allemande alternative des années 1970 en Allemagne de l’Ouest ; à rebours complet de la logique syndicale, il place les revendications sur le plan de la vie quotidienne. C’est exemplaire de la différence d’ailleurs entre la Gauche française des années 1960-1970 et son équivalent allemand.

Ce slogan est connu par le groupe « Ton Steine Scherben » (Hauteur de voix Pierres Bris de vitres), dont c’est le premier single en 1970. Le groupe, qui pratique une sorte de rock, est devenu emblématique d’une scène allant des Verts alternatifs à la Fraction Armée Rouge en passant par les autonomes et tous les squats berlinois des années 1980, avec comme dénominateur commun la revendication de la transformation de la vie quotidienne. En France, le journal L’Internationale liée à Action Directe reprendra d’ailleurs le slogan en couverture de son numéro de décembre 1983 ; il est souvent employé par le PCF(mlm).

Voici la chanson de Ton Steine Scherben.

En voici les paroles, les dernières lignes étant présentes sur la version de l’album.

« Les radios sont allumés, les disques tournent
Les films sont diffusés, les télévisions allumés
Acheter des voyages, acheter des voitures

Acheter des maisons, acheter des meubles
Pourquoi ?

Détruisez ce qui vous détruit !

Détruisez ce qui vous détruit !

Les trains roulent, les dollars roulent

Les gens s’épuisent au boulot, les machines tournent

Construire des usines, construire des machines
Construire des moteurs, construire des canons

Pour qui ?

Détruisez ce qui vous détruit !

Détruisez ce qui vous détruit !

Les bombardiers volent, les chars roulent,

Les policiers frappent, les soldats tombent
Protéger les chefs, protéger les actions

Protéger le Droit, protéger l’État

De nous !

[A quoi s’ajoute sur l’album la chanson du Front de l’unité de Bertolt Brecht et Hanns Eisler :

Et parce que l’homme est un homme
voilà pourquoi il lui faut de quoi manger, eh oui!
Aucun bavardage ne le rassasie
ça ne ramène pas de bouffe.

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur

Et parce que l’homme est un homme
voilà pourquoi il lui faut aussi vêtements et chaussures.
Aucun bavardage ne le réchauffe
et pas de roulement de tambour, non plus

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur

Et parce que l’homme est un homme
voilà pourquoi les bottes dans la figure ne lui plaisent pas.
Il ne veut voir parmi soi aucun esclave
et au-dessus de lui aucun maître.

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur

Et parce que le prolétaire est un prolétaire
voilà pourquoi aucun autre le libérera,
la libération de la classe ouvrière
ne peut être que l’œuvre des ouvriers

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur] »

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Culture

«Vers Amalfi, avec des filles d’Palerme»: le magnifique album «Beauseigne» de Zed Yun Pavarotti

Beauseigne est une expression courante du parler gaga de la région de Saint-Étienne, pour désigner avec compassion une personne dans une situation de faiblesse, par exemple un enfant qui vient de se faire mal. L’intitulé « Beauseigne » du nouvel album de Zed Yun Pavarotti décrit ainsi un artiste prolétaire, ou plutôt un prolétaire artiste, à la merci d’un monde qui n’est pas fait pour lui, ni pour personne d’ailleurs.

On ne peut qu’être saisi par le sens et la sonorité du titre éponyme ouvrant l’album, dont voici le clip dévoilé à l’occasion de la sortie vendredi 9 octobre 2020 :

Visuellement, c’est très marquant, de part un style à la fois brut et quotidien, très ancré dans le réel. Et cela marque une œuvre, l’intégrant franchement dans le champ de la culture populaire. Au programme, on a donc l’agenda du peuple : du love et du soleil.

« J’ai sept collines, j’fais mes poèmes
On s’retrouve mes amis bientôt
J’ai mis la clim’ sur mon p’tit radeau
Vers Amalfi avec des filles d’Palerme
Des éclats d’rire et du rouge à lèvre »

Les sept collines désignent ici Saint-Étienne, dans une allusion classique localement aux 7 collines de Rome, et Amalfi est une ville splendide du golfe de Salerne, au soleil, en Italie.

Tout l’album est dans ce registre, avec un goût très prononcé pour le chant, maîtrisé à merveille, dans un style très moderne, qui assume le tourment, mais est toujours tourné vers le positif. Le style est varié, tendant cependant inexorablement vers la ballade mélodique, à la fois délicate et puissante, de manière très française et dans la lignée de la chanson francophone du XXe siècle.

Sur le plan du contenu, c’est très exigeant, tant musicalement que pour le texte lui-même, qui est souvent très complexe et ne se laisse dévoiler que subtilement, parfois difficilement, au fur et à mesure des écoutes.

Ce n’est toutefois pas un problème et c’est là où Zed Yun Pavarotti est véritablement un artiste de grand talent : ses morceaux sont surtout une quête de l’émotion, de la sensibilité propre à des situations concrètes.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on y retrouve aucun featuring, la profondeur de la démarche exigeant forcément une sensibilité personnelle, une intimité, qui ne soit pas « empêchée » par un autre artiste.

Il avait déjà été parlé ici du très marquant morceau Lalaland lors de la sortie du clip en mai dernier. Le revoici, tellement il mérite d’être vu et revu, avec toujours autant de plaisir :

On s’arrêtera également sur le clip de Mon frère, qui relève indiscutablement de la variété française, mais de celle des années 1980, pas de la soupe insipide des années 2000 ou 2010 :

Dans un style pop-rap plus proche des précédentes productions de Zed Yun Pavarotti, il y a également Îles, dont le clip sorti pendant le confinement avait été une petite bouffée d’oxygène (malgré le joint fumé) :

Enfin, on attendra (ou souhaitera) avec impatience la sortie du clip du morceau Ta bouche, ce magnifique poème d’amour :

Avec une telle sensibilité, et surtout une telle expression de la sensibilité, Zed Yun Pavarotti est forcément promis à une grande célébrité populaire dans les années à venir. Ou alors c’est que les années 2020 auront été un échec. On a ici une sorte d’ingénieur des âmes et si le peuple passe à côté de cela, c’est qu’il est vraiment empêtré dans une terrible aliénation.

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Culture

La musique populaire, miroirs des liens forts entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Si vous voulez pleurer ou être pris d’une rage folle, il suffit de faire face à ces deux chanson nationalistes et militaristes, naturellement nulles et caricaturales, une insulte aux cultures arménienne et azérie.

Quelle infamie, alors que la musique est un aspect incontournable des peuples du Caucase, avec des échanges qui sont innombrables, avec bien entendu également des influences diverses de Turquie et d’Iran, des pays abritant eux-mêmes différents peuples. Tout se mélange, tout est inextricablement lié et les nationalismes n’en apparaissent que totalement aberrants quand on regarde la culture avec un regard démocratique.

Voici par exemple deux chansons de Lusik Koshyan, Arménienne née en 1921 à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan.

Voici une reprise moderne de cette seconde chanson, une chanson d’amour traditionnelle destinée à une femme des montagnes. Il n’est pas besoin de dire à quel point les tenues et les bijoux placent l’Arménie en Orient…

Voici la même chanson, interprétée de manière plus moderne jazzy par une Kurde (de Turquie).

Et si Lusik Koshyan vient de Bakou, le plus grand compositeur d’Azerbaïdjan, Üzeyir Hacıbəyov, vient lui du Nagorny Karabagh, en l’occurrence de la seule ville, Shusha, peuplé historiquement par des Azéris et l’un des principaux centres musicaux du Caucase. Il a notamment composé l’hymne nationale de la république démocratique puis de la république soviétique, ainsi que plusieurs opéras.

On a encore un bon exemple de cet échange et esprit commun avec Hayko, une figure du rabiz arménien, une démarche populaire, parfois trop facile, de s’ouvrir aux mélodies orientales, si fortes en mélancolie du côté turc et azéri.

La chanson Mi gna de ce genre a été un grand tube, notamment en Turquie, elle a d’ailleurs été reprise par notre maître Gims national avec les chanteurs arméniens !

Hayko a d’ailleurs provoqué un grand scandale dans le camp nationaliste arménien (mais également du côté azerbaïdjanais), alors qu’on le voit dans une vidéo à une fête en train de chanter avec l’Azerbaïdjanais Nasib Ceferov la chanson Haydi söyle du Kurde de Turquie Ibrahim Tatlıses.

Un exemple de culture contre le nationalisme.

Voici un exemple tout à fait significatif. Hayko se lance ici dans une prestation tout à fait dans l’esprit régional oriental, le titre étant même une référence au style azéri, le mugham, et pourtant on retrouve un drapeau arménien.

En fait, ces peuples ont tellement de retard qu’ils sont en avance, au sens où la notion de copyright n’avait pas de sens de par le passé dans une mosaïque vivante, et cela sera bien entendu le cas dans le futur également.

Les nationalistes s’interposent à cela en disant au sujet de telle ou telle œuvre : cela vient de chez nous, ils nous l’ont volé, etc. Ils le font à toutes les occasions, dénonçant les autres comme des barbares n’ayant pas de réelle culture et devant s’effacer. Les nationalistes azerbaïdjanais traitent les Arméniens d’ « invités », les Arméniens nient la culture azérie en les dénonçant comme des « Turco-tatars ».

En voici un exemple avec la vidéo de Tamam Ashkhar, une chanson de Sayat-Nova, un barde arménien du 18e siècle, avec ici à l’œuvre l’un des plus grands chanteurs arméniens, Norayr Mnatsakanyan, spécialisé dans la musique des troubadours, les Gusans.

Le début de la vidéo présente une thématique ultra-nationaliste arménienne… Alors que Sayat-Nova, s’il est Arménien, est né en Géorgie, que le titre de la chanson est en arméno-turc, que les poèmes de Sayat-Nova alternent l’arménien, le géorgien, le perse et le dialecte turc Ayrum d’une zone de l’Arménie (et c’est même en cette langue qu’il écrivit le plus de poèmes).

Le niveau musical de ces peuples est admirable, la profondeur de leur sensibilité immense.

Et surtout, la musique de cette région est à la fois fine et profonde, accessible et lié aux gens. Tout cela va ensemble dans la véritable culture, à l’opposé des facilités, de la superficialité, etc.

Concluons pour montrer l’importance du mélange avec Lorke, une chanson consistant en un appel à la danse à l’occasion d’un mariage. On s’imagine bien que le combo mariage + danse + musique suffit à rassembler les gens. C’est autre chose que le nationalisme avec ses tanks.

Cette chanson est donc un grand classique, dont voici un exemple arménien. Suit la chanson, dans une version rock de 1966 par un groupe turc, une version kurde, une autre version arménienne avec une danse, une par un chanteur kurde yézidi, une version rock turc de 1971, une version dance arménienne, une version traditionnelle kurde, un extrait d’une fête turque ou azéri on ne sait trop et qu’importe, une version turque, une autre version turque, une version dans un mariage arménien…

On ne sait pas d’où ça vient, on ne sait plus, et peu importe car cela vient du peuple, cela va au peuple, et c’est bien ainsi !

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Culture

Working Men’s club sort son premier album

Working Men’s club est un groupe de musique « indé » anglais. Au mois d’août, le groupe a réalisé un clip de la dernière chanson de son nouvel album au titre éponyme du groupe sortie officiellement ce vendredi 2 octobre 2020, après quelques productions notables déjà.

On sait ce que l’Angleterre a apporté à la musique alternative, allant du rock au post-punk en passant par le punk tout court. La vague des « sixties » a été d’une très grande profondeur culturelle, produisant des artistes d’une très haute valeur artistique, tout en étant marquée par la culture populaire, voir carrément ouvrière. L’apport géniale de la classe ouvrière anglaise, c’est bien sa production culturelle.

« Working Men’s Club » est un pur produit de cet héritage, synthétisant ce qu’il y a meilleur tout en composant de manière admirable avec la techno américaine de Détroit. Le groupe est issu du nord-ouest de l’Angleterre, et plus précisément de Todmorden, une petite ville de 15 000 habitants qui s’est bâtie au XIXe siècle sur l’industrie textile cotonnière. Il est nullement étonnant que le nom du groupe tire son origine des clubs de la classe ouvrière nés au même moment dans le nord du pays pour apporter sociabilité et culture aux travailleurs.

Il suffit d’apprécier le morceau « Valleys » (vallée) pour se convaincre de l’énième contribution musicale de la classe ouvrière la culture universelle mondiale. Au magazine « Dork », Syd, membre du groupe décrit :

« Valleys’ is probably the most honest song on the record and I guess sets a premise for the rest of the album, growing up in a small town and trying to escape »

(«  »Valleys » est probablement la chanson la plus honnête du disque et je suppose qu’elle pose un postulat pour le reste de l’album, celui de grandir dans une petite ville et d’essayer de s’échapper »)

On a là résumé toute la tourmente existentielle de la jeunesse ouvrière des campagnes dans les pays capitalistes développés. Il suffit de lire les paroles pour se convaincre de la très juste description de ce sentiment psychologique. D’ailleurs, le clip a été tourné juste après le confinement du printemps, ce qui ajoute à la fraîcheur de l’oeuvre.

Voici le clip :

En voici les paroles, avec la traduction :

Trapped inside a town / Piégé dans une ville
Inside my mind / Dans mon esprit
Stuck with no ideas / Coincés sans idées
I’m running out of time / Je n’ai plus de temps à perdre
There’s no quick escape / Il n’y a pas d’échappatoire rapide
So many mistakes / Tant d’erreurs

I’ll play the long game / Je vais jouer le jeu de la longueur
Winter is a curse / L’hiver est une malédiction
And this valley is my hearse / Et cette vallée est mon corbillard
When will it take me to the grave? / Quand me conduira-t-elle à la tombe ?

Why is the night just so strong? / Pourquoi la nuit est-elle si forte ?
I’m feeling broken again / Je me sens à nouveau brisé
So many voices fight / Tant de voix se battent
The fusion is right as the sense / La fusion est aussi juste que le sens

Why is the night just so strong? / Pourquoi la nuit est-elle si forte ?
I’m feeling broken again / Je me sens à nouveau brisé
So many voices fight / Tant de voix se battent
The fusion is right as the sense / La fusion est aussi juste que le sens
There’s a reason for this life / Il y a une raison à cette vie

The soul just a light / L’âme n’est qu’une lumière
Have you ever thought about it? / Y avez-vous déjà pensé ?
There’s no reason for this life / Il n’y a aucune raison à cette vie
The soul just a lie / L’âme n’est qu’un mensonge
You need to think about it / Vous devez y réfléchir

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Culture

L’essor de la «phonk» dans le milieu des années 2010

La « Phonk » ou « vaportrap » est un courant musical lié à la Trap, elle-même sous-genre musical du Hip-Hop, qui a explosé au milieu des années 2010. Il puise ses racines dans le rap des années 1990 de la côte Est américaine, notamment de Memphis, Houston ou Miami. Une vague musicale qui marque de son empreinte la jeunesse des années 2010.

L’essor de la « phonk » date véritablement de 2010 avec le morceau « Bringing Da Phonk » de SpaceGhostPurpp, rappeur et producteur de Miami, dont le clip est basé sur des vidéos type VHS. La « phonk » c’est ce style de trap vaporeux très axé sur l’instrumental, réalisé sur de long mix inventifs entre jazz, funk et hip-hop.

Le genre s’est rapidement répandu grâce à DJ Smokey, un jeune artiste d’Hamilton, une ville de l’Ontario au Canada très impactée par la pollution de l’air générée par l’industrie sidérurgique. Influencé par les mix de « SpaceGhostPurpp », il sort son premier volume en 2013, « Evil Wayz Vol.1 ».

Portée par une génération née à la fin des années 1990, la «phonk » est tournée vers cette décennie, jusqu’à la nostalgie. Evidemment, être entièrement tourné vers le passé ne peut rien vraiment produire de nouveau, de populaire. Il serait donc faux de croire qu’il n’y ait là qu’une nostalgie.

Le style puise ses origines dans le style trap de la côte Est américaine, propulsé dans les années 1990 entre autres par « Three Six Mafia » de Memphis ou par DJ Screw de Houston à l’origine de la technique « Chopped & Screwed » (ralentir et répéter un passage en boucle).

Pour l’anecdote, pas si anecdotique que cela d’ailleurs, George Floyd, homme noir tué par un policier à Minneapolis le 25 mai 2020, avait participé sous le nom de « Big Floyd » à une compil’ de Dj Screw.

Mais, la nouvelle génération « phonk » parvient à dépasser ses origines, ne serait-ce par les sonorités et le style qui tournent en dérision justement l’aspect « gangsta » des débuts du sous-genre hip-hop. On le voit avec les images de cartoon ou les pochettes d’album qui se moque du fameux « parental advisory explicit lyrics ».

Avec la « phonk », on a une approche plus posée avec des mix aux basses saturées, des sonorités déformées jusqu’à l’extrême dans une ambiance trap temporisée. A ce titre, il est à l’opposé d’un autre genre de trap qu’est la Drill, assumant le style violent, grave et agressif du gangsta rap.

Depuis le milieu des années 2010, le genre connaît un élan jusqu’à devenir la première référence sur la plateforme SoundCloud en 2016 avec le mot clef #phonk. Cela n’est pas pour rien que c’est sur cette plateforme que ce genre s’est imposé : au-delà de mieux conserver la qualité musicale, elle est aussi un véritable espace tourné vers l’échange et le partage strictement musical.

En France, Soudière est un des artistes de renommée mondiale le plus en vue du genre. Originaire de Nancy, il a découvert le genre en tant que skater après avoir visionné la très fameuse « part » de Beagle dans la « Baker 3 » (2005).

Avec un style de skate original, le morceau « Smoke A Sack » de « DJ Paul & Juicy J » a indéniablement marqué tout skater de ces années là, valorisant un esprit amusant, fun et 100 % décontracté, tranchant avec l’esprit « piss drunk ».

Avec la « phonk », on a une jeunesse cherchant l’esprit de synthèse. C’est une génération qui profite des avancées technologiques de l’informatique et d’internet pour produire de la « phonk » à la fois liée à ses origines des 90’s, tout en la complexifiant musicalement et en assumant une critique des aspects culturels jugés dérisoires de cette époque.

Et en même temps, la critique, la synthèse ne parvient pas à pleine maturité. Elle est une jeunesse encore prisonnière des vicissitudes de son époque, tourmentée par le désir de paix, le « chill » agissant comme une véritable anti-dépresseur et la dépendance aux drogues comme fuite en avant.

La « vaportrape » est indéniablement liée à la codéine et au cannabis, dont certains albums et certaines sonorités font explicitement la référence. Est-ce étonnant de ce point de vue que le genre ait été notamment propulsé par DJ Smokey, originaire d’Hamilton, la ville canadienne la plus ravagée par la récente crise de opioïdes ?

La « phonk » exprime bien l’expérience de la jeunesse des années 2010 qui cherche inévitablement à progresser vers l’avenir, sans arriver à se départir complètement de son époque.

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Culture

Le vrai Michel 2, la hype prolétaire

Le vrai Michel 2 de Michel sortie vendredi 4 septembre met la barre très haut en combinant une esthétique prolétaire masculine très typique avec toute une attitude parisienne ultra-branchée. C’est d’une fraîcheur incroyable et il faudrait vraiment être en dehors du temps pour ne pas y être sensible.

Si l’on combine le meilleur de la musique de niche pour jeunes urbains branchés avec ce que la pop-rap, frôlant la variété, a de mieux à offrir, on a le rappeur-chanteur Michel. C’est léger, aérien, bien ficelé, entraînant et plein de subtilité, bref, c’est de la très très bonne musique.

> Lire également : Michel: beaux-arts style et culture pop

 

Michel vient de la périphérie de Valenciennes dans le Nord et sa culture est incontestablement prolétaire. Cela produit forcément un décalage quand on est artiste musical, tant en France les artistes musicaux sont dans une perspective petite-bourgeoise ou bourgeoise, surtout à Paris.

Il exprime cela avec une profondeur incroyable dans le morceau « Air Max », l’un des plus brillant qu’il ait fait jusqu’à présent :

À côté de cela, Michel communique beaucoup sur les réseaux sociaux avec un très grand sens de la mise en scène. Il s’est ainsi construit un personnage très subtil, à la fois outrancièrement benêt, qui ne pense qu’à jouer à Fifa ou à épater la galerie sans en avoir les moyens, et en même temps toujours très sincère, particulièrement avenant, etc.

Voici la compilation des petits épisodes ayant servit de teasing à la sortie de son EP (présentée comme une mixtape), qui sont franchement très drôles :

Michel est un des artistes musicaux les plus marquants de ce début des années 2020 et il reflète un véritable changement de fond dans la société. Les grilles de lecture s’estompent, s’effacent, le côté populaire part à la conquête du style, en assumant un haut niveau. C’est un signe des temps : en profondeur, le peuple prend toujours plus de hauteur, il a gagne en densité, il est prêt à prendre les commandes de la société.

Le peuple n’en a encore pas du tout conscience, il n’en entrevoit la nécessité que de manière floue, mais il est déjà dans l’affirmation.

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Culture Culture & esthétique

Soleil de fin d’été en mode alternative R&B

La fin des années 2010 a connu des productions de véritables splendeurs de la part d’une vaste mouvance alternative R&B.

Le R&B a été extrêmement populaire en France dans les années 1990, il a été un marqueur très fort d’une culture populaire enracinée dans la funk et extérieure aux formes commerciales. Cependant, le R&B était importé des États-Unis et, forcément, la dimension commerciale l’a emporté. Cela se lit avec le mélisme. Le mélisme, c’est quand un chanteur, plus souvent une chanteuse, jongle mélodiquement avec un mot, de manière appuyée et prolongée, au lieu de le prononcer simplement. Mariah Carey est très connue pour ce genre de courses vocales dans les chansons.

S’agit-il d’une démarche typique de la variété afin de jouer sur les sentiments de manière superficielle ? Il y a lieu de se le demander, car si on regarde l’évolution de certains chanteurs et groupes, il est flagrant que le passage dans la dimension commerciale fait passer d’un phrasé « normal » aux courses vocales : Jean-Jacques Goldman par rapport au mélisme de Fredericks Goldman Jones, Wham ! par rapport au mélisme de George Michael en solo, ou encore l’évolution de Depeche Mode, The Cure, U2… Il viendra sans doute à l’esprit, immédiatement, le nom de tel ou tel chanteur, de telle ou telle chanteuse, de tel ou tel groupe.

L’alternative R&B, qui s’est surtout développé au cours des années 2010, n’a pas du tout cette démarche de mélisme et, d’ailleurs, il est fascinant de voir qu’il privilégie systématiquement la présentation de tranches de vie, n’hésitant pas à régulièrement manier le copié-collé d’enregistrements de la vie quotidienne.

L’influence de la Soul et du Folk est par ailleurs massive et il est également clair que, même si beaucoup de ces artistes sont afro-américains, la démarche est américaine tout court. La reprise modifiée de Hotel California par Frank Ocean, sous le titre d’American Wedding, en témoigne ; elle hante véritablement celui qui l’a écouté. Il faut dire que Frank Ocean est indubitablement l’une des figures artistiques majeures du début du 21e siècle, de par sa variété mêlée d’unité, sa qualité et sa profondeur, son sens vocal exprimant une sensibilité toujours concrète.

« Eh bien, tu peux avoir ma Mustang, c’est tout ce que j’ai en mon nom / Mais au nom de Jésus-Christ, ne me brise pas le cœur / Cette alliance ne s’effacera jamais / Mais si tu restes, oh, si tu restes / Tu partiras probablement plus tard de toute façon, c’est de l’amour made in USA »

https://www.youtube.com/watch?v=3C0tPaHLhqQ

L’alternative R&B reste, malgré son très haut niveau, très marginal. Il y a un véritable plafond de verre, le capitalisme barrant totalement la route ne serait-ce qu’à son accès, alors que matériellement cet accès est possible. Une chanson surprenante, frappante comme Goldmine de Kilo Kish a environ 70 000 vues en sept ans sur YouTube… et ce même alors que le label / marque d’habits Maison Kitsuné la place sur une de ses compilations.

« Eh bien ce téléphone n’est pas le meilleur pour écrire des chansons

Mais néanmoins un vaisseau pour les fantasmes et les pensées voilées

Et alors que la lumière entre et m’attend sur mon mur

Je rassemble tout ce que j’ai et jette le voile une fois pour toutes

J’aimerais dire que c’est très bien

Ce ne pourrait jamais être une nuit perdue

5 heures du matin avant la lumière

Et si tu te réveilles bien

Appelle-moi, ce ne sera pas horrible

Je perds le sommeil à penser à toi, je trouve ça génial

J’ai cherché vraiment à fond

Mais je suis revenu les mains vide

J’ai pensé que le seul

Pour toi, c’est moi »

Il faut souligner que l’alternative R&B part dans des directions très différentes et qu’on y trouve, comme dans le metal, des orientations très différentes, des sensibilités ou des thématiques très variées. La musique électronique est plus ou moins présente, le rapport au hip-hop plus ou moins fort, la démarche peut être sombre ou lumineuse, etc. La vie quotidienne est en tout cas un axe central de l’approche, avec un profond intimisme couplé à une grande ouverture musicale et un côté accessible maintenu malgré le côté parfois pointu.

https://www.youtube.com/watch?v=VQKdJlzuzts

Tout cela fait de l’alternative R&B une perpétuelle redécouverte, quelque chose de très productif et ce n’est nullement un hasard qu’on y trouve un hégémonie féminine. On est à rebours de la course à la destruction du rap.

Voici la playlist en lecture automatique. Utilisez les boutons du lecteur pour passer d’un morceau à l’autre :

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Le DJ Dave Clarke ou comment la crise sanitaire révèle les contradictions de la scène techno

Dans une lettre ouverte acerbe, le DJ/producteur techno Dave Clarke fait part de sa déception vis-à-vis de la scène techno, pointant particulièrement du doigt la participation à des événements illégaux sans considération pour les mesures sanitaires. Anglais, il joue et produit cette musique depuis la fin des années 1980 ; il connaît ainsi tout à fait l’esprit alternatif d’une partie de la scène et se retrouve maintenant en colère face aux dérives.

Si la musique électro, en général, a facilement pris le chemin de l’industrie musicale, du commercial à outrance, tel n’a pas été le cas d’une partie de la techno qui est restée en dehors de cela. Et ce malgré parfois une base immense de plusieurs millions de personnes et des événements de grande ampleur ainsi que tout un réseau de clubs très connus.

Un exemple typique pour illustrer cette différence : dans une boîte de nuit classique, électro ou variété, l’entrée est contrôlée par des « physio », qui empêcheront de rentrer un groupe d’hommes « non accompagnés » de femmes, ou alors parce qu’ils portent des baskets, etc. Cela n’existe pas dans les clubs technos où l’on peut venir aussi bien en jean et casquette qu’avec un survêtement et un sac banane, en jupe de sport avec une visière fluo sur la tête ou en Converses avec un kway sur les épaules, etc.

La drogue, très présente dans la scène techno, est également considérée, selon ce point de vue, comme relevant de la « liberté » (sans comprendre qu’il s’agit en fait d’un piège tendue par le capitalisme).

Toujours est-il qu’on a ainsi une scène avec une culture « underground », dans des clubs souvent volontairement rudimentaires dans l’architecture intérieur ou la déco, mais qui tend en même temps inévitablement vers la pop, dans le sens le sens positif d’une musique populaire.

Cela fait que ce sont multipliés depuis les années 1990 (voir la fin des années 1980 en Angleterre) des grands événements techno, parfois immenses avec plusieurs milliers de personnes… Le corollaire est bien sûr une starification de certains DJ/producteur, ainsi que beaucoup d’argent allant avec… beaucoup, beaucoup d’argent.

Cela prête forcément le flan à tout un tas de récupérations de la part d’organisateurs cupides, ainsi qu’à des opportunismes de la part des DJ/producteurs de techno. La pire illustration de cela étant sans doute l’île d’Ibiza qui d’ancien « paradis » hippie est devenue un lieu de débauche bourgeoise et de fortune pour les DJ stars.

Tout cela n’a rien de nouveau évidemment, mais avec la crise du Covid-19, cette dérive de la techno a littéralement sauté aux yeux de beaucoup, mettant au grand jour la décadence d’une immense partie de la scène, y compris celle censée relever de sa frange alternative.

Ce qui s’est passé est très simple : les tenants d’une scène techno alternative, des DJ historiques, mais aussi des DJ ou des organisateurs de soirée bien plus jeunes, nés dans les années 1990, ont été terrassés par la crise sanitaire, en raison de l’impossibilité d’organiser leurs soirées et éventements.

À côté de cela se sont développées tout un tas de soirées illégales depuis le printemps et tout cet été, sur le mode semi-privé pour contourner les interdictions, voir parfois en assumant totalement l’illégalité. Et beaucoup de DJ se sont engouffrés dans la brèche, montrant par là leur grande décadence et leur irresponsabilité.

C’est ce que dénonce avec beaucoup de vigueur et une grande justesse le DJ/producteur Dave Clarke dans une lettre publique publiée le 17 août 2020  :

« Très déçu par « La Scène »…. Pour être clair, je ne parle pas d’un DJ qui aurait de véritables soucis financiers et qui doit travailler, cette décision lui appartient, mais il y a quelques DJ de haut vol qui n’ont PAS besoin d’argent mais qui développent un syndrome FOMO [une anxiété sociale exprimant la peur de louper quelque-chose, NDLR] (poussé par leurs managers sans aucun doute) et mixent dans des environnements qui sont loin d’être légaux.

La «Scène» donne vraiment un excellent argument pour retirer le mot « Culture » de tous ces clubs et événements légitimes qui ont fermé leurs portes et qui font face à des difficultés en mettant en avant leur propre éthique avide des affaires avant tout le reste.

Ces DJ internationaux qui participent à ces fêtes ont littéralement craché sur ces industries légitimes, ils ont craché sur les gens à l’arrière-plan qui ont fait d’eux comme des héros, et pourquoi ?

Un statut sponsorisé publié avec succès sur les réseaux sociaux, parlant de la façon dont les live set leur manque, putains d’idiots, ce n’est pas fini et ils ont probablement aggravé la situation [sanitaire] en toute connaissance de cause, mais : « hey quel bon live set c’était »

Je les respecterais davantage s’ils étaient en fait des complotistes (je crois que dans l’état actuel des choses, ce virus est réel et que la 5G ne cuit pas les moineaux) et prenaient une position stupide, mais il ne s’agit que de leur ego et de leurs honoraires.

J’ai observé (comme beaucoup dans notre industrie) ce qui se passait, tant de « coïncidences »… En Belgique il y avait une fête près d’Anvers qui a envoyé un email disant : « Het goede is dat we geen rekening moeten houden met social distancing en mondmaskers zijn niet verplicht. » (les mesures de distanciation sociale de base et les masques ne sont pas obligatoires), puis quelques semaines plus tard, Anvers a décrété un couvre-feu.

À Paris, il y a eu aussi des fêtes étranges, maintenant Paris a également vu une augmentation du virus et oui bien sûr l’Italie connaît maintenant une grande augmentation du virus.

Cela nous manque à tous de jouer, mais jouer dans ces événements en tant que DJ internationaux de renom a donné des arguments à ceux qui cherchent pour une raison quelconque à ne pas rendre les choses faciles pour notre industrie.


Faire ces événements sans les faire correctement (j’ai vu un événement ici à Amsterdam, c’était étrange mais bien fait, d’autres clubs comme Fuse et Kompass ont fait de leur mieux en ces temps étranges et apportent de la joie dans des circonstances pas idéales) est égoïste.
Et s’il vous plaît ne vous considérez pas comme des rebelles légitimes, pour citer Mike Ziemer :


«Les raves 
underground des années 90 étaient une réponse pour mettre en avant la techno et la house music parce que les salles ne voulaient pas les jouer, ce n’était pas une façon détournée de lancer des événements pendant une crise sanitaire mondiale. Arrêtez de faire référence au passé pour justifier la destruction de notre avenir »… Vous le faites juste pour l’ego et le profit.

Bien sûr, il y a des incohérences dans tout cela [les restrictions sanitaires] et cela ne semble pas juste, mais en faisant ces concerts, vous donnez des munitions aux autorités pour retarder davantage le retour des événements. Et maintenant, malgré un sentiment pragmatique que, peut-être, de petits événements pourraient avoir lieu cette année, je doute sérieusement que le mondre festival majeur ait lieu en Europe, l’année prochaine non plus. »

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Culture

Comment les chansons de Tessae témoignent du changement d’époque

La chanson et le clip « salope » de la jeune artiste marseillaise Tessae témoignent indéniablement d’un changement d’époque. C’est de la pop dans une version très chantée qui relève ouvertement de la variété/commerciale… mais avec une affirmation culturelle élevée, et surtout nouvelle.

Le titre évoque ces hommes arriérés interpellant les jeunes filles dans la rue, souvent le soir, souvent en prenant prétexte de leur habillement, souvent en les traitant de « salopes ». Quand elle présente sa chanson, Tessae ne prétend ici à un aucun militantisme féministe, et c’est peut être ce qui fait sa force, de part la justesse populaire de son propos : elle explique tout simplement qu’elle ne comprend pas que de tels comportements puisent exister à notre époque.

On a là une certaine candeur qui, associée à un goût prononcer pour la mélodie dans un état d’esprit tourné vers l’avenir, donne quelque chose d’éminemment nouveau, avec une grande puissance positive.

Il faut mettre cela en rapport avec son morceau « Bling », dont le clip est un succès avec près de trois millions de vues sur YouTube : ces deux chansons sont de véritables et merveilleux hymnes anti-beauferie ! Et c’est très très réjouissant !

Ce ne sont pas de simples témoignages, mais directement l’expression d’une génération jetant un vieux monde par la fenêtre, ne supportant plus les arriérations comme le sexisme, la superficialité, le racisme, les idéalismes identitaires, etc.

La jeunesse veut la paix, l’international et le life deluxe for all… On a changé d’époque, totalement, la crise du Covid-19 en est un aspect, mais pas le seul !

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Culture Culture & esthétique

La playlist «Hier et demain»

La playlist « Hier et demain » présente des versions modernes de la musique folklorique. Si en France la musique folklorique et le folklore ont été pratiquement anéantis avec la révolution française, ce n’est pas le cas du tout dans la plupart des pays. Il y a alors un patrimoine musical, ou même plus généralement culturel, qui ne s’efface pas.

On ne parle pas ici de reconstruction artificielle comme en Bretagne, avec une langue bretonne bricolée au XXe siècle, dans le prolongement d’un drapeau calqué sur le drapeau américain. On parle d’une continuité et d’une insertion dans la culture moderne. D’ailleurs, les groupes de musique se tournant vers le folklore présentent souvent les mêmes caractéristiques :

– ils se veulent « pop » ;

– ils ont un haut niveau technique sur le plan musical ;

– ils sont ouverts sur le monde et nullement « traditionalistes » ;

– il n’y a pas de dimension identitaire et il y a des échanges culturels assumés.

Il y a évidemment des pôles. À l’un, on a des formes qui ne se distinguent pas vraiment de la musique folklorique, voire en relèvent carrément. À l’autre, on a des inspirations plus qu’autre chose, comme le groupe allemand Heilung qui va puiser de manière assez imaginaire dans le milieu eurasien de la Norvège à la Russie actuelles, avec un goût prononcé pour le chamanisme.

On aura compris le choix du nom de la playlist : en parlant d’hier, ces musiques parlent en fait de demain. Il y a un besoin de culture, de vie en communauté de manière harmonieuse. C’est là l’idéal de la Gauche. Et il va sans dire que si la Gauche oublie la culture, le « national-socialisme » interviendra ici pour dévier ces aspirations. C’est d’ailleurs le cas en Russie où, à côté de la main-mise de la religion orthodoxe sur les gens, il y a une vague très forte de paganisme mystique, identitaire et aberrant.

La playlist ne se veut évidemment nullement exhaustive ; elle est d’ailleurs principalement tourné vers l’Est et le Nord de l’Europe. C’est simplement qu’un portrait relativement unifié et la formidable richesse des musiques africaines demande une présentation spécifique.

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Culture

Le nouvel EP du groupe punk hardcore «Ecostrike»

Originaire du sud de la Floride aux États-Unis, Ecostrike est un groupe de punk évoluant dans la tradition du hardcore « vegan straight edge » née dans les années 1990. Le nom même du groupe résume en lui-même toute la démarche : « ecostrike », que l’on peut traduire allégoriquement comme « bataille de la nature », ou plus spécifiquement coup (strike) écologiste (eco-logical), une allusion au sabotage pour la défense de la planète.

Le groupe a déjà à son répertoire deux productions d’une grande qualité musicale, dont la teneur rappelle des emblématiques groupes comme « Earth Crisis » ou encore « Unbroken » : « Times Is Now » en février 2017 et une démo en 2016, d’une profonde énergie avec des paroles incisives et appelant à l’engagement en défense de la Terre.

Sorti ce 24 juillet par le label de Boston « Trible B Records », l’EP s’intitule « A Truth We Still Believe » (« une vérité à laquelle nous croyons encore »). Tant le titre de l’EP que les paroles chantées sur des riffs de guitare lourds et agressifs rappellent toute la vitalité d’un groupe qui ne renonce pas à l’idéal de rupture d’avec les valeurs dominantes destructrices de la vie.

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Société

L’intolérable multiplication des « free parties » en France, en dépit du contexte sanitaire

Le libéralisme culturel et le conformisme à la société de consommation ont largement envahi la musique techno française, en particulier pour tout ce qui relève des « free parties ». Le fait que des dizaines d’événements sauvages soient organisés ces derniers jours dans le plus grand mépris pour toutes considérations sociales et sanitaires en dit très long à ce sujet.

Quelques jours avant le confinement en mars dernier, on apprenait que le collectif Heretik reportait en septembre une grande soirée, en présence de l’emblématique Manu Le Malin. Il s’agit si l’on peut dire de la crème de la scène techno à la française des années 1990 et 2000, avec les fameuses raves parties et toute une culture alternative allant avec, dont l’apogée est sans conteste l’événement devenu mythique de la piscine parisienne Molitor, alors désaffectée, en 2001.

Les billets sont toujours en vente et la description de la soirée sur Facebook se contente du commentaire :

« Ne souscrit pas à la doctrine établie ».

Au regard des événements récents, la question se pose clairement de l’interprétation qu’il faut faire de ce slogan typique de cette scène. Car justement, la doctrine établie en France c’est le libéralisme et force est de constater que les « free parties » en sont devenues des postes avancés.

Le début du mois de juillet a été particulièrement chargé en la matière : en plus du grand événement tenu dans la Nièvre regroupant 5000 personnes, il y a eu 2000 personnes dans le bassin d’Arcachon, ainsi que des groupes de plusieurs centaines ici et là. De manière particulièrement marquante, il y a eu à Montreuil (Seine-Saint-Denis), à 10 jours d’intervalle, deux « teufs » au parc des Beaumonts. Ce parc se situe à deux pas des habitations, mais il est surtout… une réserve écologique pour les animaux, classée Natura 2000.

C’est un véritable scandale, une honte s’ajoutant au fait déjà honteux d’organiser un tel événement sans respect pour les mesures sanitaires. Les gens ayant fait cela devraient être conspués, dénoncés comme les pires avatars du capitalisme moderne dévastant tout, méprisant tout.

Au lieu de cela, on a en France une scène des « free parties » qui vit dans un mensonge permanent depuis au moins dix ans, en prétendant à une culture alternative, autonome, « libre », etc. En vérité, les « teufs » sont surtout des supermarchés de la drogue à ciel ouvert, avec des murs de son diffusant une techno toujours plus mauvaise, vulgaires, qui n’est qu’un strict équivalent inversé de « l’électro » insipide des radios commerciales.

En fait, pour trouver ce qu’il peut rester d’alternatif et de culturel dans la musique techno, il faut surtout se tourner vers les villes et les clubs, d’inspiration plutôt berlinoise. Il n’y est en général pas question de « changer le monde », mais on a au moins des gens sérieux, concernés, cohérents dans leurs valeurs.

On a de ce côté des personnes ayant cherché à mettre en place des choses pour ouvrir les dancefloors en respectant les enjeux sanitaires, sans non plus se ranger derrière les préoccupations uniquement commerciales des discothèques classiques. On peut toujours penser que c’était voué à l’échec par nature, et c’est d’ailleurs ce qu’a fait l’État qui refuse tout discussion à ce sujet. Cela a néanmoins du sens, et surtout une grande dignité.

C’est tout l’inverse de ces « free parties » décadentes, ouvertement tolérées par le gouvernement, qui est souvent au courant et ne fait pas grand-chose pour les empêcher.

Il faut dire qu’entre partisans du libéralisme et de l’individualisme forcené, on se comprend. C’est donc la « Ministre de la citoyenneté » qui s’est rendu sur place dans la Nièvre pour demander gentiment aux teufeurs de porter un masque…

Elle s’est félicité de la distribution de 3000 masques ainsi que de 6000 « bons pour être testé ».

C’est directement l’Agence régionale de santé qui a été dépêchée sur place pour organiser, cette même agence tant décriée depuis le début de la crise du covid-19 pour ses insuffisances. Les sapeur-pompiers chargés de la distribution expliquent alors :

« Les gens sont très contents qu’on leur donne ce bon. Ils prennent le papier, choisissent le laboratoire, et les résultats vont au médecin qu’ils veulent ».

Dans le même genre, on a la gendarmerie expliquant à la presse que des participants ont été « invités » à « passer une nuit de plus sur le site » en raison de leur état d’ébriété. C’est directement le colonel de Gendarmerie de la Nièvre qui précise ensuite, de manière particulièrement bienveillante :

« pour moi l’objectif recherché par la gendarmerie sera atteint si, mercredi matin, on se réveille sur le constat d’aucune victime sur la route ».

On a donc un État complètement débordé par la crise sanitaire depuis des mois, mais qui accompagne tranquillement des irresponsables anti-sociaux, méprisant totalement l’effort sanitaire du reste de la population.

Il ne faudrait pas croire ici qu’il s’agit de « jeunes » voulant simplement s’amuser et faisant une sorte de bêtise de jeunesse. Ces événements sont au contraire très organisés avec une logistique bien rodée, une coordination à grande échelle, des gens avec des talkies-walkies organisant sur place et des participants venant de très loin, y compris de Belgique, d’Italie, d’Espagne, et même d’Europe de l’Est, circulant pour beaucoup dans des camions aménagés tels de véritables camping-car.

Ces chiffres en disent très long sur l’état d’esprit de la « fête », particulièrement décadente :

200 verbalisations en raison de produits stupéfiants, une vingtaine de permis retirés pour conduite en état d’ivresse, 61 personnes admises au poste médical avancé, 11 évacuées à l’hôpital de Nevers dont 3 en urgence absolue…

> Lire également : L’échec des free, entre Docteur Jeckyll et Mister Hyde

Tout cela est un aspect du capitalisme, seulement un aspect du capitalisme, contrairement aux prétentions des « free parties » qui s’imaginent être une contre-société.

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Culture

L’échec des free, entre Docteur Jeckyll et Mister Hyde

Les free ont été des événements pour beaucoup de gens, une bulle d’air dans un monde irrespirable. Mais l’air était contaminé.

Vous naviguez en voiture, à la tombée de la nuit, dans un coin perdu qu’on imagine pas trop loin, qu’on espère pas trop loin… d’une free party annoncée par une hotline au dernier moment. Vous vous précipitez et là, quand elle est significative, vous roulez sur une route de campagne… avant de voir une série de lumières, telle une petite ville, un aéroport. Mais ce sont en réalité les sons qui sont installés, décorés, entourés bientôt d’une foule de gens bienveillants s’ordonnant au rythme de la musique techno. Les heures passent alors, elles passent et repassent plutôt, car les sons sont répétitifs, les esprits anesthésiés par les drogues et tout le monde se ressemble, s’assemble.

Telle est une tranche de vie et, pour nombre de gens, c’était la vie elle-même. Loin du travail et des tracas, les free c’était le moment tant attendu, une actualité totalement différente de la banalité d’une société de consommation insupportable. C’était la boue, la fatigue, la saleté, le basculement dans les drogues, mais aussi une sorte de communauté où l’on était accueillie tel quel.

Bien entend, il y a de la mauvaise foi dans tout cela, dans la mesure où les mafias étaient omniprésentes pour vendre les drogues, que l’ampleur des infrastructures faisait que finalement les mobilisations possédaient une dimension opaque certaine. Les mafias étaient-elles de mèche avec les organisateurs et à quel degré ? Qui profite de quoi ? Personne n’en sait rien, car les free n’ont pas été un mouvement démocratique, mais une fuite passive, avec un investissement actif, mais sans esprit de responsabilité.

Cela ne veut pas dire pas de culture : derrière une free, on ne trouvait aucune ordure de laissée. Mais ce n’était pas une société, simplement un refuge. Il suffit de voir d’ailleurs la « hype » autour du collectif Heretik, de par la free à la piscine Molitor à Paris en 2001. Une piscine à ciel ouvert désaffecté depuis plusieurs années, transformé en free party : ce fut la gloire. Une gloire accompagnée pourtant : la police était déjà sur les toits du bâtiment avoisinant et ce dès le départ. L’État savait et a laissé faire, pour étouffer les free dans la foulée, pour assécher un mouvement devenant indéniablement populaire, car les rats des champs se voyaient toujours plus rejoints par les rats des villes, qui ne trouvaient plus dans des villes neutralisées ou embourgeoisées quoi que ce soit de satisfaisant.

Et en même temps, les mafias se systématisaient, les éléments antisociaux étaient attirés pour trouver des personnes à transformer en victimes, notamment des femmes pour des viols. Il y a eu la tentative de teknival légalisé-encadré, le « Sarkoval ». Lassés du parcours du combattant, avec la galère du matériel saisi, de nombreux activistes ont vendu leur âme… Au final, tout est une sorte d’histoire d’un grand ratage. En Angleterre, ce sont les drogues qui ont pétrifié un mouvement s’assumant contestataire. En France, c’est un esprit petit-bourgeois pour qui jouer la chanson « Porcherie » des Béruriers Noirs en fin de free c’est une rébellion généralisée.

L’idéal du teufeur, cela a malheureusement été Docteur Jeckyll et Mister Hyde : je fais semblant la semaine, je me défonce le week-end. Avec une telle schizophrénie, l’échec était évident sur les deux tableaux. Le mouvement s’est beaufisé, ne portant plus de valeur alternative même en apparence à part un anarchisme digne des gilets jaunes. Quant à la vie quotidienne, elle est passée dans l’acceptation : il n’y a pas de culture rebelle qui s’est généralisée.

Quelqu’un qui a vraiment saisi l’esprit free, qui s’y est reconnu, ne peut que penser : le covid là, c’est l’expression d’un monde qui va dans le mur, exactement ce qu’on a refusé, ce qu’on a voulu éviter avec une autre approche de la vie.

Alors autant profiter de cette expérience populaire, d’en faire un patrimoine et d’aller de l’avant.

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Kraftwerk : Tour de France

Sorti pour les cent ans du Tour de France en 2003, l’album Tour de France de Kraftwerk est une réussite vers laquelle on revient toujours. Il y a déjà ce mystère : comment la chanson Tour de France a-t-elle pu passer inaperçue en 1983 ?

L’album de 2003 est une réussite splendide avec son minimalisme techno post-kraftwerk des années 1980. Un excellent renouvellement, très ambient, très posé, très français, très Tour de France.

Tour de France est un album à la fois tout à fait français et tout à fait franco-allemand. C’est un excellent exemple de l’avancée dans l’amitié des peuples, leurs rencontres culturelles, leur fusion inévitable !

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L’été 2020 sera définitivement sans dancefloors

L’été 2020 sera définitivement sans dancefloors, sans concerts, sans festivals, sans clubs ni discothèques. Si la question se posait encore fin juin, elle est maintenant définitivement réglée. Quand on dit « réglée », il faut bien insister sur ce mot : la question a été véritablement réglée, dans le sens d’une décision froide, administrative, balayant d’un revers de main tout un pan de la culture populaire et de la vie de la jeunesse.

La crise sanitaire, qui est tout sauf derrière nous, ne permet pas un certain nombre de choses. Elle n’empêche pourtant pas de se poser et de discuter démocratiquement, d’envisager des choses.

C’était par exemple le sens d’une tribune publiée par deux acteurs du milieu techno, intitulée « sauvons la fête, agissons ! » et finissant par l’espoir que « la Nuit doit rouvrir au plus tard le 11 juillet ».

Au lieu de cela, ce 11 juillet 2020 il y a eu l’information comme quoi sept préfectures du Centre-Val de Loire et de l’Aquitaine ont pris des mesures pour empêcher une immense rave-party qui aurait pu se tenir. Les moyens mis en place ont été drastiques, avec des arrêtés d’interdiction de circulation de « poids lourds transportant du matériel de sons », etc.

Il ne s’agit pas de penser que les organisateurs de ce possible teknival sauvage avaient raison : organiser un tel événement sans encadrement spécifique dans un tel contexte sanitaire, ce serait totalement irresponsable. Impossible de nier le risque de foyer épidémique évoqué par les autorités dans une pareille situation, alors que le coronavirus circule toujours et que la maladie qu’il engendre tue encore chaque jour des personnes en France.

On ne peut pas cependant se contenter d’arrêter le raisonnement ici, en imaginant qu’il suffit d’interdire par en haut aux jeunes de danser, et que tout ira bien. C’est ce que fait pourtant le Ministre des solidarités et de la Santé Olivier Véran, qui a expliqué devant l’Assemblée Nationale ce mardi 8 juillet :

« La France a pris la décision de ne pas rouvrir les discothèques en l’état compte tenu de la situation sanitaire et des risques. Ce n’est pas la faute des acteurs du monde de la nuit, ce n’est pas non plus la faute des personnes qui dansent et qui font la fête, et on peut parfaitement le comprendre. C’est la faute à un virus qui circule et des conditions qui permettent à ce virus de se transmettre et de mettre en danger tout le plan de levé du confinement. »

Cela ne l’empêche pas par contre d’organiser une soirée au Grand Palais à Paris ce 13 juillet, avec 800 à 1000 « convives » selon la presse, pour soi-disant remercier les personnels de santé…

Il est précisé que cela se fera « dans le respect des distanciations sociales et des gestes barrières ». Mais si c’est possible pour le ministère, pourquoi cela serait impossible pour un organisateur de soirée techno, avec un protocole très strict ?

Il y a en France une jeunesse qui considère avoir joué le jeu du confinement, qui est prête à beaucoup de choses comme porter des masques quand c’est obligatoire, mais qui ne comprend pas qu’il lui soit interdit de danser cet été. Le raisonnement paraîtra peut-être trop faible, mais il a toute sa dignité.

Le problème, c’est que cette dignité est rejetée, niée : c’est la porte ouverte aux comportements irresponsables, alors que la société est déjà rongée par le libéralisme depuis des années et des années. On se retrouve donc avec des soirées clandestines, très nombreuses… mais également des soirées plus officielles, dans des bars, avec des terrasses bondées, des gens littéralement les uns sur les autres, sans aucune considération sanitaire.

Le ministre dit avoir « conscience des fêtes clandestines [et] des bars qui ne jouent pas le jeu », en affirmant qu’il faut du contrôle. Dans les faits pourtant, l’État français est strictement incapable d’un tel contrôle et cela fait déjà plusieurs semaines que les choses sont ainsi, dans une situation de décadence généralisée où une partie de plus en plus importante de la population en arriver à nier la crise sanitaire, si ce n’est en parole, en tous cas en pratique.

D’ailleurs, les hippodromes rouvrent, comme les cafés et restaurants depuis plusieurs semaines, des festivités du 14 juillets sont prévues, le port du masque est de moins en moins suivi dans les magasins (alors que ce devrait être obligatoire), des manifestations ont lieu régulièrement et il y a même ce dimanche 12 juillet 2020… un match de football devant 5000 personnes. C’est un match amical entre le PSG et Le Havre, la ville dont l’ancien premier ministre est le maire.

C’est inacceptable, indéfendable, alors que dans le même temps le gouvernement ne fait même pas semblant d’étudier les propositions qui lui sont faite par les milieux culturels.

Il ne faudrait pas croire ici que ces propositions ne concernent que des patrons de discothèques, qui ont tenté de faire rouvrir leurs établissements en les requalifiant administrativement comme des bars, balayant par la même leur propre raison d’être dans un but uniquement commercial.

Il y a également, et même surtout, toute une scène culturelle, qui se retrouve désemparé. David Asko, à l’origine de la pétition « sauvons la fête, agissons ! » évoquée plus haut, fait à juste titre un distinguo très clair entre les discothèques et la culture des clubs, liée à la musique électronique au sens large :

« Il y a un vide abyssal entre ces deux visions de la fête en France […] Dans les clubs, on fait de la culture, on y invite des DJs, des VJs, des scénographes, des photographes, des performeurs et tous types d’intermittents. On y fait vivre tout un écosystème qui est important en France, surtout dans les musiques actuelles. Nous ne sommes pas là juste pour vendre des tables et des bouteilles ».

Il y a en effet à l’arrière-plan de cela une crise de grande ampleur qui se profile, qui est déjà là, et dont on aurait tort de croire qu’elle est uniquement économique. Quand la crise touche la culture, et le quotidien de la jeunesse, elle-même, c’est qu’on est à l’aube d’une situation explosive !

Reste maintenant à savoir si l’explosion se fera dans un sens démocratique, populaire, collectif… ou bien si ce sera une fuite en avant dans l’individualisme et la décadence, avec au bout du compte le nationalisme qui tentera de redresser la barre en mettant le pays au pas.

On ne s’en rend peut-être pas compte aujourd’hui, mais cet été 2020 sans dancefloors sera peut-être l’un des étés les plus marquants pour la société française, alors qu’il précède un grand tournant dans la vie du pays.

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Culture

Ellen Allien – Walking In The Dark

Ellen Allien est une figure de la musique techno, qu’elle joue depuis le début des années 1990 à Berlin.

Voici l’un de ses derniers morceaux, dans un style visuel et sonore hypnotique des plus réussi.

La vidéo est accompagnée de ce commentaire :

« After the darkness comes light.
Our planet is healing, let’s step into our power and align with divinity. »

(Après l’obscurité vient la lumière.
Notre planète guérit, entrons dans notre pouvoir et alignons-nous avec la divinité.)

Dans une interview récente, elle expliquait à propos de son dernier album, de manière typique à tout un état d’esprit de la techno :

« Le chant concerne l’espace, la terre et le désir d’être connecté aux auras de notre planète. Ma vibe quand j’ai fait cet album était de construire un monde musical qui introduit une nouvelle dimension d’énergie et qui peut changer la pièce. Comme lorsque je suis DJ, je suis dans la même ambiance, je m’efforce d’ouvrir l’âme pour découvrir une nouvelle façon pour votre corps de ressentir et d’activer le cerveau de nouvelles façons. »

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Un été sans dancefloors?

La veille de la fête de la musique, le gouvernement annonçait le maintien de la fermeture des clubs, discothèques ou boites de nuit jusqu’en septembre (au moins). La justification sanitaire est simple : ces lieux en intérieur, où la norme est par définition la promiscuité, favoriseraient forcément des foyers épidémiques alors que le coronavirus circule toujours.

Le cas de la Corée du Sud où un clubber avait contaminé plus de 50 personnes en fréquentant plusieurs établissements dans une même nuit est un exemple connu et mis en avant par les autorités, qui disent ne vouloir prendre aucun risque.

Cela est tout à fait entendable. Le problème par contre, c’est que la décision est prise par en haut, administrativement, avec le mépris habituel pour tout ce qui relève de la culture liée à la musique électronique et à la nuit en général.

Les clubs, discothèques ou boites de nuit, qu’ils relèvent d’une tradition alternative comme certains clubs techno (de moins en moins), ou d’une culture de masse avec des établissements plus classiques, sont souvent caricaturés comme étant des lieux de dépravation. Dans les faits, ils le sont en général bien moins que de simples bars où l’alcool coule à flots et les soirées décadentes type « tonus » étudiants ne sont pas la norme.

Ce sont des lieux de sociabilité majeur, très importants dans la culture populaire, particulièrement dans la jeunesse, particulièrement l’été.

La société se retrouve donc face à une contradiction majeure, mais, plutôt que d’envisager les choses démocratiquement, il est procédé à une interdiction de manière brutale.

Est-il possible de faire autrement que de maintenir ces fermetures ? Peut-être pas, mais peut-être aussi. Pour répondre à cela, il faudrait se pencher réellement sur la question, en impliquant les acteurs concernés, à commencer par le public. Il faut dire cependant que le public est en général, et de plus en plus, lui-même dans une attitude consommatrice, passive, abandonnant ces questions aux organisateurs.

Les organisateurs de soirées sont par contre très nombreux et multiples, bien au-delà des seuls propriétaires des établissements. Il y a là tout un écosystème à mi-chemin entre le commercial et l’associatif, avec de nombreuses de structures, de nombreuses personnes impliquées, et pas seulement dans les grandes villes.

Tout ce milieu se retrouve désemparé, assommé par une décision unilatérale de l’État, balayant la question d’un revers de la main.

Cela est d’autant plus insupportable que, dans le même temps, tout un tas d’activités très discutables sur le plan sanitaire sont autorisées, ou en tous cas largement tolérées. De nombreux bars sont bondés depuis plusieurs jours, avec parfois même une piste de danse ainsi que des DJ set. Administrativement cependant, ces lieux relèvent de la catégorie « P » (comme les restaurants), alors cela est possible…

De la même manière, on sait très bien que les soirées faussement privées vont se multiplier, alors qu’elles existent déjà depuis quelques semaines. La généralisation depuis quelques années en banlieue parisienne des warehouses (soirées dans des lieux occasionnels) semi-légales va forcément connaître un nouveau souffle cet été, mais cette fois en dehors de toute norme, de tout contrôle social. Il en sera très probablement de même pour les free parties à la campagne, qui en général ne sont pas déclarées de toutes manières. Que va faire l’État, envoyer les CRS tenter d’empêcher cela pour des raisons sanitaires, alors que dans le même temps dans les centre-villes on a des gens les uns sur les autres dans les bars depuis plusieurs semaines ? On imagine que non, ou en tous cas pas sans vague.

On n’aura donc rien gagné sur le plan sanitaire, alors qu’une concertation permettrait d’envisager des choses… ou même d’accepter collectivement une interdiction. Il faudrait cependant pour cela une cohérence générale à l’échelle de la société, avec une généralisation des masques obligatoires, des interdictions de rassemblement publics de plus de 10 personnes sans distanciation sociale qui soit réellement mises en place, un vrai suivi de l’épidémie, etc.

Il faudrait également, et surtout, une société fonctionnement réellement de manière démocratique, avec une implication totale de la population dans l’organisation de sa propre réalité quotidienne. C’est précisément le projet social de la Gauche historique, qui est à l’heure actuelle d’une faiblesse inouïe, avec une Gauche en général complètement dépassée sur le plan culturel. C’est alors le libéralisme qui va l’emporter comme d’habitude, tant économiquement que culturellement.

On se dirige donc vers un été sans dancefloors… mais avec des dancefloors quand-même, de manière dispersée, non-concertée, chaotique et finalement dangereuse sur le plan sanitaire.

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Culture

«The Great Consumer» et «Remind You» de Kölsch

Voici « The Great Consumer » et « Remind You », les deux nouveaux titres de l’artiste danois Kölsch. Deux morceaux d’une fraîcheur bienvenue, le premier dans un style techno posé très entraînant, le second typique House de Detroit, et non-moins agréable !