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System of a Down: une opposition à la décadence et au capitalisme guerrier

Les années 1990 ont vu le groupe System of a Down (SOAD) se monter, dans le contexte d’un capitalisme américain très agressif, disposant d’une très grande puissance et influence à travers le monde.
SOAD, par les origines arméniennes de tous ses membres, a produit une musique puissante puisant dans diverses influences, vectrice d’un rejet et d’une très grande colère envers le génocide arménien, mais aussi des guerres menées par les USA, et de la décadence d’une société capitaliste où tout n’est qu’aliénation. Le nom du groupe annonce déjà la couleur.
En cherchant à exprimer cette souffrance, SOAD a donc naturellement produit des chansons contre les dictateurs sanglants écrasant des peuples entiers pour le compte d’une poignée de personnes, contre les monopoles et les grandes puissances impérialistes du monde. Cette expression, certes teintée d’une vision idéaliste de la réalité, n’en demeure pas moins d’une qualité exceptionnelle, particulièrement sur le plan musical.
Les harmonies au chant sont d’ailleurs généralement ce qui attire le plus ceux qui découvrent le groupe. Holy Mountains, leur plus grosse chanson sur le génocide arménien, représente parfaitement leur musique.

Le groupe ne s’arrête cependant pas à la dénonciation des guerres et des crimes qui les accompagnent. Le malaise englobe tous les aspects de la société, et par extension, leur expression musicale également. Dans une chanson comme Spiders, très riche musicalement, on retrouve sous l’idéalisme initial une critique de la partialité des médias diffusant largement les idées néfastes de la classe dominante dans toute la population. Une manière de s’opposer à la corruption des masses par ce qu’elles voient à la télé.

System of a Down, vu les valeurs mises en avant, a donc su entrer en vibration avec les masses à l’échelle internationale. L’impact culturel du groupe dans le monde a été immense. Leur chanson Chop Suey totalise presque le milliard de vues sur YouTube, sans doute déjà dépassé en prenant en compte toutes les autres versions vidéo de la chanson, avec clip, avec karaoké, avec simplement la pochette de l’album en image de fond… SOAD a été une inspiration pour beaucoup d’artistes, les morceaux les plus connus étant repris allant du remix techno hardcore… aux lecteurs disquettes !
Contre la corruption de la classe dominante, des chansons comme Prison Song dénoncent avec violence le business carcéral des prisons privées aux États-Unis. Contre la décadence, ce sont des chansons comme Lost in Hollywood qu’il faut écouter, dans laquelle est peint un portrait critique de l’hypocrisie et la décadence morale de l’industrie cinématographique de Hollywood, broyant les artistes et acteurs, issus de milieux populaires ou non, sous la pression de son absence de valeurs morales. On peut également mentionner la chanson Violent Pornography, qui critique l’exploitation et le viol des femmes par l’industrie du porno, vecteur d’une violence patriarcale inacceptable pourtant disponible sur nos écrans à volonté et procédant à un véritable brainwashing de ceux qui en consomment.

System of a Down, de part son nom même, cherche à se placer en opposition à la violence, à la corruption, bref : au capitalisme. Le groupe n’est pas exempt de défauts, mais malgré un certain idéalisme, l’aspect principal reste l’appel à la civilisation, à la résistance aux valeurs que véhicule le capitalisme, à la défense de la Nature vue comme une mère contre les activités humaines…
SOAD est porteur d’une grande dignité, offrant une musique puissante dans un style metal très hybride puisant aussi bien dans Rage Against the Machine que dans Black Sabbath, le rap, ou la musique traditionnelle arménienne. Cela donne un groupe sans style musical bien défini si ce n’est « neometal », mais qui a su trouver un écho puissant au sein des masses, y voyant des valeurs culturelles et musicales indéniables.
Il faut écouter et réécouter leur musique, car il se trouve une volonté sincère de voir se former un monde démocratique, de paix et d’harmonie avec notre Biosphère.
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Excellent album post-punk retro-wave de Vandal Moon: «Black kiss »

La vague de retro-wave a produit ici une rencontre synthétique surprenante : Vandal Moon mélange dans les albums, avec un esprit cohérent, la darkwave, la synthwave, la touche post-punk et batcave. On a une sorte de revue des genres, mais avec un esprit 2020 néo-années 1980 néo-romantique permettant de brasser le tout avec succès.

Duo californien actif depuis quelques années, Vandal Moon fait partie des ces groupes pointus mais somme toute tout à fait accessible et on se demande comment une chanson comme Computer love ne peut avoir que moins de 10 000 vues en pratiquement deux ans. Même si les gens n’aiment pas, qu’ils ne passent même pas par cette vidéo est totalement délirant et inacceptable.

Vandal Moon a vu son album Black kiss apprécié dès sa sortie le 15 mai, avec un petit coup de pouce de FM attack, un projet canadien qui est un grand classique de retrowave. C’est que le projet de Vandal Moon a ceci d’ambitieux qu’il mélange des genres proches mais parallèles, tous reliés au début des années 1980 pour le son et l’esthétique, mais avec des touches différentes.

Vandal Moon se revendique pour cet album de Depeche Mode, Sisters of Mercy et Gary Numan, cependant cela va bien plus loin. On a d’ailleurs une influence massive de Christian Death, des Cure, et impossible de ne pas penser au groupe turc She Past Away, qui depuis 2006 assène des coups dans un genre post-punk très puissant.

 

Vandal Moon a toutefois une direction plus synth-wave, retro-wave, tout en maintenant la substance darkwave.

 

L’album dans son ensemble vaut le détour de toutes façons, pour voir comment le tout est agencé. On a ici un esprit « album » qui est retrouvé et qui permet de donner du sens à chaque chanson, de par l’assemblage de chacune avec les autres.


Vue l’ambiance du moment, on ne peut qu’être surpris que Vandal Moon ne dispose pas d’un succès bien plus grand !

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Lalaland de Zed Yun Pavarotti

La La Land est le surnom donné à la ville de Los Angeles. C’est une expression signifiant la déconnexion avec le réel, une sorte de flottement au-dessus du monde où les fantasmes dominent les choses concrètes.

Avec son nouveau titre, deuxième extrait de son album à venir, Zed Yun Pavarotti sort encore un morceau de grande qualité, absolument moderne dans sa réalisation et très puissant émotionnellement. L’écriture est comme toujours avec lui très poétique et très dense, le clip mettant formidablement bien en valeurs l’ensemble qui est somptueux.

Issu de la très prolétaire ville de Saint-Étienne, Zed Yun Pavarotti fait partie de ces artistes authentiquement populaires avec une grande exigence culturelle. C’est probablement l’un des chanteurs les plus prometteurs actuellement en France et son premier album pourrait-être très marquant. On l’attend en tous cas avec impatience.

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Michel: beaux-arts style et culture pop

Michel fait typiquement partie de cette nouvelle génération de rappeur-chanteur ou chanteur-rappeur, assumant l’électro et la pop avec un grand sens artistique. Il est d’ailleurs à la pointe de toute une esthétique florissante dans et autours des écoles des beaux-arts, combinant le style banlieusard de la fin des années 1990 et du début des années 2000 avec une fascination/attraction pour toute une frange de culture populaire, de la culture de masse.

Ce clip, une reprise/détournement de holydays de Michel Delpech, est absolument somptueux de ce point de vue, avec une grande finesse.

Le filtrage vidéo force volontairement le trait pour donner un ton 1990, tout comme l’instrumentale typique de l’eurodance de l’époque. Tout le sens du clip réside dans ce décalage entre lui, jeune branché, qui surjoue l’ennui, et son entourage familial habillé de manière ordinaire, qui s’amuse grandement. Le choix d’un tel film dans une famille populaire, en l’occurrence sa propre famille lors d’une véritable fête, montre d’ailleurs l’approche démocratique/populaire, authentique, que peut avoir l’artiste, originaire de la périphérie de Valenciennes dans le Nord.

On retrouve la même démarche avec cet autre clip, reprise/détournement de Michel Fugain, cette fois dans un bar karaoké de Belleville. Les paroles assumant les drogues dures et le champ lexical de la drogue sont là aussi bien trouvées. Ni apologie, ni critique de la drogue, c’est surtout une manière de jouer sur la contradiction entre une chanson originale assez lisse, pour ne pas dire insipide, typique d’une certaine époque disons insouciante, et sa version actuelle plus rude, à l’image de l’époque nouvelle. Le tout bien sûr autour d’une esthétique faussement kitch, ou volontairement kitch si l’on veut, soigneusement travaillée.

Michel a sortir un EP « Le vrai Michel », en janvier 2020 avec 8 titres d’une grande qualité dont voici un extrait :

Il a sorti hier le clip, là encore très esthétiques, de son dernier titre tejla :

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Moby appelle à un retour à l’esprit techno de la fin des années 1980

Moby vient de sortir un album et c’est toujours l’occasion de saluer cette figure musicale, culturelle, politique. Il a réussi à maintenir une profonde cohérence, des valeurs sérieuses tout en cherchant autant que possible à éviter toute forme de corruption.

Moby a sorti son 17e album et on aurait tort de le juger selon des critères traditionnels. Moby ne prétend pas à la nouveauté et il n’est pas là pour étaler son ego. Il aurait pu aisément mener une carrière commerciale, mais il a réussi à maintenir son intégrité punk initiale. L’un de ses coups marquants a été, après l’important succès de l’album Everything Is Wrong en 1995, la sortie l’année d’après d’un album d’alternative rock au son parfois carrément abrasif, sur une base punk ou hardcore, Animal rights.

Sa carrière commerciale fut torpillée, mais lui s’en moqua très clairement. C’était une question d’intégrité. Il considère d’ailleurs Animal rights comme son meilleur album. Et l’album suivant, Play, avec un retour à la musique électronique fut son plus grand succès. Là les choses se passèrent mal : il sombra dans la décadence. Drogues, alcool, coucheries, jusqu’à l’implosion. Qu’à cela ne tienne, assumant le combat et la rupture, il vit désormais dans un trois pièces, rejetant ce passé corrompu.

Car, de quel « succès » parle-t-on ? Moby est l’un des nôtres. Lui, qui a désormais « vegan for life » de tatoué sur le cou, a distribué ces dix dernières années la quasi totalité de son argent gagné à des associations, notamment en faveur des animaux. On ne peut pas le juger selon des critères propres au capitalisme et il en va de même pour son dernier album.

Si demain il y avait le Socialisme et qu’on confisquait ses richesses, en admettant qu’il en ait réellement, il dirait : ah, cool. Et il faut bien faire attention : Moby ne vient pas de la petite-bourgeoisie intellectuelle. Il vient des couches populaires. Il a même vécu à un moment dans une usine à moitié abandonnée, sans eau courante mais avec l’électricité gratuite, lui permettant d’élaborer de la musique électronique après qu’il ait participé à la scène punk hardcore.

Il n’a d’ailleurs jamais pu s’entendre avec les « majors » de l’industrie musicale ni tous les escrocs de ce milieu et finalement il est bien content d’être un énorme travailleur produisant énormément de choses, faisant de la « méditation », « déçu » d’être hétéro mais ne passant pas pour autant dans les délires postmodernes. Il est à la frontière : son difficile parcours et ses racines, tant alternatives que populaires, en font quelqu’un d’ancré dans le réel. Il faut dire que le véganisme ne pardonne pas niveau ancrage dans le réel, surtout quand on l’est comme lui depuis 1997.


Sur son compte Twitter, Moby se définit comme « un amoureux de l’ALF » et il est d’ailleurs évidemment également straight edge, avec VX (pour vegan straight edge) tatoué à côté de son œil droit. Il a un regard très critique sur ses errements passés à la suite du succès de l’album Play et dans une interview au JDD à l’occasion du nouvel album, il raconte avoir rencontré Donald Trump « à plusieurs reprises quand [il vivait] à New York durant [ses] années décadentes ».

Tout cela pour dire qu’il est un personnage terriblement sympathique, à rebours des beaufs et Dieu sait s’il y en a en France et aux États-Unis. Ce qui amène la question : pourquoi n’y a-t-il pas plus de Moby ? Et puis où sont tous nos Moby français ? Il faut dire ici que les Français considèrent la viande, l’alcool et les coucheries comme un haut niveau de civilisation, ce qui fait qu’on est évidemment très loin du compte.

On ne doit pas s’étonner que le nouvel album, All visible objects, a ainsi une approche assez recherchée. Musicalement, c’est en quelque sorte un retour de la fin des années 1980, avec ce son des début de la musique électronique, dont Voodoo Ray d’A guy called Gerald fut un sacré emblème. On est dans cet esprit mêlant sonorités house, dub, revendication d’universalisme et de paix, avec des nappes électroniques ambiantes.


C’est un choix esthétique de Moby, sa contribution. Il est conscient que la fin des années 1980, dont il explique être nostalgique avec « 10 000 autres ravers », portait dans la musique électronique une énorme volonté de changement, avec une profonde dimension existentielle. Ce qui s’est déroulé en Grande-Bretagne a été énorme, d’une ampleur formidable, malheureusement anéantie par les drogues. La techno assumait l’universalisme, la modernité technologique, le fait de vivre en paix, de vouloir l’harmonie avec la planète. C’est avec cela que Moby appelle à renouer. Et il a raison.

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French touch 2020 (playlist)

La scène musicale française est très productive. Elle est portée par des artistes brillants, assumant une touche très spécifique, que l’on pourrait qualifier de mélodique-mélancolique, avec toujours une attention donnée au style, à l’attitude. On reconnaît en général une certaine légèreté, mais qui est construite, élaborée, travaillée.

Voici une petite sélection de morceaux récents, voir très récents, avec souvent un nombre incroyablement bas de vues. Quelle est donc cette jeunesse incapable de reconnaître les talents qu’elle produit ?

[le service multiplateforme de streaming que nous utilisions habituellement clôt malheureusement ses services à la fin du moins ; les playlists seront dorénavant sur YouTube uniquement].

1. MAGENTA – Chance feat. Vendredi sur Mer
2. Mou – Sophie Marceau
3. Hier soir – Midi Minuit
4. The Pirouettes feat. Timothée Joly – Lâcher prise
5. Sally – ROULETTE RUSSE
6. Moussa – Element
7. Myth Syzer – Nirvana
8. Zed Yun Pavarotti – îles

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Décès de Gabi Delgado Lopez (DAF) et de Genesis P-Orridge

Ce sont deux figures de la musique industrielle qui viennent de décéder. Un bon prétexte pour voir l’intérêt de DAF et de Throbbing Gristle, et finalement leurs immenses limites.

Nous sommes à la fin des années 1970, en Angleterre et en Allemagne, et une poignée de jeunes cherchent à exprimer l’horreur sociale, le poids du conformisme, à travers une révolte punk. Il y a toutefois une volonté d’esthétisation provocatrice et l’utilisation de la musique électronique, alors à ses débuts.

Occultisme, pornographie, nazisme, fascisme, militarisme, tueurs en série, fascination pour la marge, le morbide, tout cela est recyclé pour un collage musical agressif néo-punk en 1980-1981.

https://www.youtube.com/watch?v=e4fiukLnJ_I&list=RDe4fiukLnJ_I&start_radio=1&t=389

Gabi Delgado Lopez, le chanteur de Deutsch Amerikanische Freundschaft (DAF), est mort ce 22 mars, Genesis P-Orridge de Throbbing Gristle le 14 mars. Ce dernier anticipe d’ailleurs l’idéologie transgenre actuelle, avec la fascination pour le changement d’identité (il change de nom dès 1971), la modification corporelle par la chirurgie plastique, la quête identitaire permanente, etc.

On est ici dans la tentative de mettre mal à l’aise, de troubler, de perturber. Mais à l’opposé du punk, nihiliste ou bien engagé politiquement (le véganisme apparaît ainsi dans la foulée post-punk), on est ici dans une esthétique se présentant comme une fin en soi.

Musicalement, il y a l’ouverture d’un horizon musical, comme la chanson de DAF « Der Mussolini » en est un excellent exemple. Mais il n’y aura pas de suite. C’est juste une contribution énorme, mais temporaire, s’auto-détruisant immédiatement, de par la provocation comme fin en soi (« Applaudit des mains et danse le Adolf Hitler et danse le Mussolini et maintenant le Jésus-Christ et maintenant le Jésus-Christ applaudis des mains et danse le communisme et maintenant le Mussolini »)..

Il y a l’émergence de l’horizon musicale électronique – chez Throbbing Gristle dès 1976 – mais cela s’enlise dans l’esthétisme, comme ici avec « United ». Ce single de 1978, sorti sur le propre label du groupe, Industrial Records, reprend le symbole nazi de la SS mais plus directement le logo de la British Union of Fascists des années 1930, la face B s’intitulant « Zyklon B Zombie ».

Ce problème de l’avant-gardisme décadent en fin en soi est très connu dans les scènes expérimentales ; on connaît bien le problème avec la première vague de black metal, avec la dark folk et notamment le groupe Death in June, etc.

On a en fait des gens tellement réellement des fascistes, c’est-à-dire des petits-bourgeois expérimentateurs et en rébellion complète, qu’ils ne comprennent absolument pas qu’on les considère comme fascistes, car pour eux tout est révolte existentielle, l’esthétique une inspiration seulement et un vecteur de provocation pour arracher un sens au réel.

S’ils sont sincères, alors la seule critique qu’ils sont capables de saisir, c’est que la fascination pour le malsain les empêche de produire. DAF et Throbbing Gristle, c’est un album consistant en une contribution musicale chacun au mieux et il en va de même pour tous ces avant-gardistes. Ensuite, il y a la répétition ad nauseam de cet album, en toujours pire, en toujours plus caricatural pour compenser la vanité de l’entreprise.

L’incapacité à produire se conjugue avec la dimension anti-populaire, avec le mépris pour le côté accessible, qui n’est pourtant pas du tout un compromis, même s’il y a bien entendu ce risque, sur lequel s’est effondré Nirvana, né de l’expérimentation avant-gardiste justement pour passer dans le camp d’une accessibilité commerciale (d’où le suicide de son chanteur face à un dilemme lui semblant cornélien).

https://www.youtube.com/watch?v=27ipC6FvCdw

On a ici une problématique compliquée, aux enjeux culturels importants. Et cela d’autant plus que le capitalisme bloque tous les horizons et pousse les révoltés à se précipiter dans le nihilisme, en leur faisant croire que c’est leur choix. C’est le capitalisme qui pousse vers le fascisme, l’islamisme, toute cette auto-destruction totalement étrangère aux principes de la vie.

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Culture Culture & esthétique

Playlist «pop intelligente»

La disco a été un mouvement populaire, avec une forte participation à la base. Le punk a critiqué la dimension passive des gens et le tournant post-punk a consisté en une approche esthétisante, relativement élitiste, mais parfois orienté pop au sens strict. Cette contradiction a, au début des années 1980, pu être très productive.

Au sens strict, on est chez les hipsters à l’origine même du phénomène, avant que cela ne devienne un snobisme. On a en effet des petits-bourgeois cultivés chez les prolétaires, la rencontre entre la culture et le punk. L’idée est simple : conserver la rage populaire, sa dureté, voire ses utopies politiques. Et y ajouter un certain raffinement, une qualité musicale d’un vrai niveau.

La chanson Making Plans For Nigel de XTC est emblématique de cette démarche, fragile mais pas précieuse, mélodique mais s’appuyant sur un fond post-punk.

C’est une aventure personnelle de la part d’artistes se baladant dans le punk, qui va produire une culture de haute qualité. Une aventure, car il faut avoir ici en tête qu’au début des années 1980, les instruments de musique coûtaient plus chers qu’aujourd’hui, l’accès à la musique plus compliqué. Et l’idée de partir du dissonant pour aller à la pop était une exigence très difficile à mettre en œuvre. L’une des grandes références, ce fut les Talking Head, passé de la scène pré-punk à la scène post-punk.

On a pareillement les Stranglers, passé d’un punk hargneux à une sorte de pop somptueusement sculptée, l’album Feline étant un bijou. Voici une chanson de 1977 liée à l’esprit punk, et une autre de 1982, très connue, Golden Brown.

Les groupes les plus fameux – des références absolues pour les esthètes de la musique en quête de pop intelligente – ce sont XTC et Wire d’un côté, Talk Talk de l’autre. Les premiers sont issus du punk au sens strict, Talk Talk étant passé par l’intermédiaire de la new wave. L’album Spirit of Eden de Talk Talk, sorti en 1988, est désormais considéré comme un classique.

Et les premiers albums de XTC et de Wire sont considérés comme incontournables, Wire étant d’autant plus apprécié pour son côté assez cryptique.

La dimension expérimentale est également parfois très présente, notamment chez Public Image Limited, avec au chant l’ancien chanteur des Sex Pistols. On oscille ici entre pop et une orientation intellectuelle et expérimentale.

Il va de soi que les groupes les plus connus ayant pris cette orientation sont U2 et The Police, ou bien, dans une certaine mesure, Téléphone en France. Mais leurs perspectives sont très différentes, car ils n’ont pas voulu conserver une ligne de rupture culturelle, U2 surfant justement sur une fausse ligne de rupture, malgré ses qualités indéniables.

Il y a beaucoup à réfléchir sur la rencontre d’une énergie prolétaire et de petits-bourgeois cultivés se reconnaissant – la rencontre étant capable du meilleur en renforçant l’authenticité comme du pire par l’esthétisation outrancière jusqu’au commercial.

Comme d’habitude, la playlist est disponible pendant plusieurs semaines dans la colonne de droite (version web) ou en bas de page (version mobile) ainsi que sur la page des playlists.

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«Les humains» de Voyou

Une histoire parlant d’amour simplement, mais de manière très profonde. Une production soignée et complexe, mais avec une approche résolument pop. Cela donne un morceau de grande qualité et ça s’appelle « Les humains », par l’artiste Voyou.

La réalisation du clip par l’artiste Norma (qui assure les cœurs) est également à souligner, car il y a là un style, une véritable identité artistique correspondant à la fois à l’univers de Voyou, mais aussi au titre lui-même. On n’est pas dans l’illustration sans âme destinée à simplement faire des vues sur YouTube.

D’ailleurs, les vues YouTube ne sont pas vraiment au rendez-vous pour un artiste de ce talent. À peine 25 000 vues dans la soirée de samedi pour un clip sorti mercredi, c’est malheureusement très faible. Cela en dit long sur le niveau culturel de la France et notamment de la jeunesse… qui pourtant passe son temps sur YouTube.

Ce n’est pas comme si Voyou n’était pas connu. Ses morceaux sont régulièrement dans les playlists Deezer ou Spotify. Même France Inter, la radio la plus écoutée en France selon Mediametrie, l’a joué et même invité en live.

Qui plus est, le clip « Les humains » est relayé sur tout un tas de sites, dont ceux des Inrockuptibles et de Radio Nova, deux médias appartement dorénavant au même groupe et censés représenter l’avant-garde culturelle version grand-public en France. Ces médias n’ont-ils plus de surface ?

C’est probable, car le public aujourd’hui ne fait que consommer, de manière passive, et il n’y a de la place que pour le pré-mâché, les grosses productions, pas à des œuvres aussi sensibles que celle de Voyou.

Bien sûr, le morceau aura un peu d’audience quand il sera dans les grandes playlists ou sur certaines radios. Il sera entendu, mais pas vraiment écouté. Il sera apprécié, mais en surface, et pas à sa juste valeur.

Dans un pays aussi développé culturellement que la France, le public devrait pourtant être à l’affût du dernier clip d’un artiste contemporain comme Voyou, capable dans son album Les bruits de la ville sorti il y a pile un an, de proposer un morceau aussi touchant que « Il neige ».

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Playlist: le souffle nouveau du rap français en 1997, 1998, 1999

À la fin des années 1990, le rap français a connu un souffle immense avec de nombreux artistes émergents et des sons d’une énergie incroyable, très sophistiqués. L’année 1997 a pour beaucoup marqué un tournant, rangeant au placard tout ce qui s’était fait avant. L’album Si Dieu veut… des Marseillais de la Fonky Family avait mit la barre très haute cette année-là.

Alors que tout une scène « underground » s’affirmait en dehors des grands circuits commerciaux, il y avait une grande vague très pop, comme avec « Bye Bye » de Menelik qui inondait les radios et faisait définitivement découvrir le rap à la France, pour ceux qui n’avaient pas vu ou voulu voir passer la vague Mc Solaar, IAM, Suprême NTM, etc.

La compilation Première classe (volume 1) assumait à la même époque une culture plus sombre, très musicale mais pas pop ni vraiment « underground », dressant un tableau tout à fait typique du quotidien des banlieues françaises. Au contraire, l’album KLR du Saïan Supa Crew assumait presque de faire de la variété, avec une approche très joviale et des morceaux de qualité.

Au milieu de tout cela, on a de nombreuses perles, plus ou moins connues, comme « Époque de fou » de Koma ou le très profond « Vivre ou mourir » de Bams en 1999.

Il y a dans ces morceaux une puissance tout à fait typique du rap de cette époque et de l’ambiance d’alors… avant les années 2000 où tout allait être corrompu par le business, la drogue, l’individualisme et le relativisme généralisé.

« Obsédée par le vide, le néant
Le trou noir qui s’ouvre devant moi géant comme un milliard
Vingt ans, vingt piges, je me sens déjà tarire
Lasse, assez de haïr, de me sentir envahir
De mauvaise vibes auxquelles je dois obéir
Que dois-je choisir, vivre ou mourir? » Bams.

[EDIT : le lecteur soundsgood n’étant plus disponible, voici la playlist sur Youtube en lecture automatique]

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Culture Culture & esthétique

Playlist batcave – rock gothique

La critique romantique et esthétique de la scène gothique fut à la fois talentueuse et inspirante. Son affirmation de la sensibilité et du goût en fait quelque chose de tout à fait important.

Nous sommes à la fin des années 1970 et la vague punk a commencé. Mais déjà il y a l’idée de formuler quelque chose de plus dense, de plus sombre. Le côté punk nihiliste et brutal, parallèle à la violence skinhead, rapide et autodestructeur, semble trop insatisfaisant.

Ce qui s’affirme alors, c’est l’idée que la tristesse est une rébellion. C’est l’émergence du gothique, qui connaît deux phases. La première, celle montrée dans la playlist, est une opposition entre un son cinglant et abrasif – ce qu’on appellera le batcave – et de l’autre un son plus direct, plus accessible, plus rock – ce qu’on appellera le rock gothique.

> La playlist sera disponible quelques semaine dans la colonne de droite (version web) ou en bas de page (version mobile) et sera ensuite visible sur la page des playlists.

Une sorte de synthèse des deux se produit lorsque des groupes cinglants trempent leur musique dans la glace, pour donner ce qu’on appelle la cold wave.

Par la suite apparaîtra l’utilisation massive de la musique électronique, faisant qu’une réelle soirée gothique aujourd’hui dispose toujours de deux pistes de danse : une pour la direction rock, l’autre pour ce qui sera appelé l’electro-gothique.

Mais regardons l’une des grandes sources d’inspiration, qui a révolutionné les esprits de nombreux artistes qui deviendront goth et qui ont alors 12, 13, 14 ans. Il s’agit d’une vidéo totalement anodine pour nous aujourd’hui, mais qui a bouleversé l’Angleterre alors. Nous sommes en 1972 et David Bowie passe à l’émission Top of the pops.

On a ici une musique totale, une esthétique totale, une expression sensible assumée. L’Angleterre fut horrifiée pour une partie, fascinée pour une autre.

La vidéo de la reprise de la chanson de David Bowie Ziggy Stardust par Bauhaus reflète parfaitement comment cela été compris et transformé, de manière bien plus abrasive bien entendu.

Il faut comprendre ici que le gothique au sens le plus large est lié au punk. Il se vit, il se danse, il implique une esthétique dans la vie quotidienne. Il a une grande prétention de culture et d’exigence.

Pour cette raison d’ailleurs, et contrairement à ce que des préjugés peuvent laisser penser, le gothique a toujours possédé une très forte base populaire. En effet, quoi de plus normal que de vouloir s’arracher à un environnement beauf, sans attrait pour la beauté ?

Que ce soit par le côté punk abrasif rupturiste ou bien le rock gothique axé sur l’amour romantique, il y a toujours eu un fond de vaste critique du monde tel qu’il est. Voici deux chansons des Sisters of mercy (qui ont toujours réfuté le terme de gothique), avec une vidéo présentant indirectement une critique de la misère en Inde, et une chanson tirée d’une compilation intitulée « Ils ne passeront pas » en soutien à la CNT (avec notamment le groupe rock-soul The Redskins).

Porter un regard approfondi sur la musique gothique – batcave s’avère donc forcément utile ; de par les multiples directions prises – allant de l’incisif à la préciosité – on y trouve nécessairement des éléments parlant.

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Yépa – Oui? Non? OK

Le groupe Yépa des frères jumeaux Le Bon Nob (rap) et Rémo (prod) propose avec « Oui ? Non ? Ok » un morceau d’une grande valeur, qui aborde la question du viol de manière très réaliste.

On n’est pas ici dans une scène violente et impromptu, telle que l’on l’imagine presque toujours quand on parle de viol, mais dans un rapport presque banal de la vie quotidienne, le week-end en soirée. Le refrain est très bien vu :

« Elle a pas vraiment dit oui, elle a pas vraiment dit non, il a pas vraiment demandé, c’était  ambigu »

Dans de nombreux cas, les viols ont lieu dans ce genre de situations. Ce sont les comportements non-démocratiques de certains hommes qui produisent ces viols. Souvent, ils n’imaginent même pas agir en violeur. Pire, parfois même certaines femmes peuvent mettre beaucoup de temps, plusieurs années, avant d’assumer le fait qu’elle se soit faite violer (ce qu’elles savent pourtant au plus profond d’elles-mêmes depuis le début).

Yépa affirme donc une position démocratique très engagée, avec un clip d’une grande qualité montrant des femmes dans leur quotidien, afin de bien souligner leur dignité et la grande considération qu’elles méritent. Il faut écraser les comportements anti-démocratiques de ces hommes se moquant du consentement des femmes, ces violeurs.

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«Good News», le single posthume de Mac Miller

Depuis la mort brutale du rappeur et producteur de Hip-Hop Mac Miller l’année dernière, ses proches, famille et collaborateurs, ont fait en sorte que l’album sur lequel il travaillait puisse sortir. Le single « Good News », bouclé par Jon Brion avec qui il collaborait dessus, en est un avant-goût.

Mac Miller était une personne dépressive, cela se comprend à travers ses textes et « Good News » n’y échappe pas (voir la traduction). Pour autant, sa musique ne sombre jamais dans le nihilisme et montre même la volonté de se sortir de ses addictions.

On ne peut parler de Mac Miller, de son œuvre, sans parler de sa mort et donc de sa consommation de drogues. Il a connu de nombreuses phases de toxicomanie et d’alcoolisme, avec de nouveaux produits à chaque fois. Mais il pu s’en sortir plusieurs fois à l’aide de sa volonté, notamment concernant l’alcool.

En septembre dernier, le dealer qui lui avait fourni le produit à l’origine de son overdose a été arrêté. Il devait l’approvisionner en Oxycodone, un médicament largement utilisé par les toxicomanes et dévastant la jeunesse.

Ces médicament étant contrefaits, ils contenaient du Fentanyl, une nouvelle substance qui fait des ravages aux USA et surtout au Canada. L’espérance de vie de la ville de Vancouver a même baissé suite à cette déferlante de Fentanyl.

Cette drogue, un opiacé 50 fois plus puissant que l’héroïne, extrêmement bon marché, est désormais utilisée pour couper tout type de drogues et médicaments du marché parallèle.

Mac Miller en a fait les frais. Ce fut un choc car même pris dans un quotidien autodestructeur, la mort l’a réellement fauché alors qu’il était raccroché à un projet.

« Good News » est le single de cet album, Circles, arrivant après le plus sombre Swimming, album écrit après sa rupture avec la chanteuse Ariana Grande.

C’est qu’il y avait toujours une forme d’optimisme pouvant reprendre le dessus à chaque instant. Et cela se ressent dans ses œuvres, pour la plupart mélancoliques mais pas dépressives voir même carrément positives. C’est notamment l’ambiance musicale qui permet de trancher avec les paroles désabusées.

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Playlist cross over, fusion: oui à l’appropriation culturelle!

La rencontre du punk, du hardcore, du métal… avec le hip hop, le reggae, le jazz, le ska, la funk… et inversement, fut un processus des années 1980 et 1990 à rebours des problématiques identitaires actuelles. Le mélange des genres musicaux, le dédain complet pour la couleur de peau… tout cela était et est encore considéré comme normal par qui sait que le peuple, c’est la fusion.

Il existe en France une obsession pour la couleur de peau et cela depuis une vingtaine d’années. C’est une véritable catastrophe identitaire, qui place les gens dans des cases racistes. Rien de tel qu’une bonne playlist témoignant de l’absurdité de tout cela, avec une rencontre du métal, du hardcore, du rap et du Hiphop, de la funk, du jazz, tout cela dans un mélange de musiciens noirs, blancs, arabes ou on ne sait quoi, et cela ne compte pas.

> La playlist « Cross over » est disponible sur la colonne de droite (version web) ou sous l’article (version mobile), ainsi que sur la page des playlists.

Les années 1990 ont été marquées par ce puissant esprit positif, contestataire, constructif, parfois appelé Cross over, fusion. Le groupe Fishbone est une figure majeure de cette tendance, aux côtés des Bad Brains ; leur admiration est immense dans le milieu des musiciens.

Deux groupes strictement parallèles, les Beastie Boys et les red Hot Chili Pepper auront un succès immense. La vidéo de la chanson Hump de Bump des Red Hot Chili Peppers, tournée par Chris Rock en 2009, témoigne de cet esprit joyeux et plein d’unité populaire.

Tout « postmoderne » considérera par contre forcément cette vidéo comme raciste, « appropriation culturelle », pleine de « clichés », etc.

La chanson Sabotage des Beastie Boys – à la base un groupe de punk hardcore – avec sa vidéo décalée et également très bon esprit, est un autre exemple brillant de tendance cross-over, fusion.

Un groupe classique de Hiphop comme Public Enemy s’appuie parfois ouvertement sur une base rock, chose inconcevable aujourd’hui pour beaucoup d’esprits rétifs, enfermés sur eux-mêmes. Un autre groupe ayant eu un immense succès est Rage against the machine.

La France connut également toute une vague très proche, bien que différente tout de même, avec Lofofora, Silmarils, No one is innocent… au coeur de toute une véritable scène, qui malheureusement fut incapable d’avancer par manque de socle culturel alternatif assez solide.

La vague néo-métal de la fin des années 1990 profite dans une très large mesure de cet esprit « cross over », avec Linkin Park, Korn, Limp Bizkit ou encore dans un esprit différent Papa Roach.

Impossible de ne pas mentionner la chanson Last resort de Papa Roach, éloge de l’esprit contestataire de la jeunesse qui suffoque dans l’impossibilité de s’épanouir. C’était avant que les identitaires et les postmodernes ne torpillent les exigences alternatives avec leur repli identitaire individualiste délirant et fanatique…

Impossible non plus de parler de rencontres culturelles productives sans évoquer la chanson Planet Rock d’Afrika Bambaataa & The Soul Sonic Force qui, en samplant le groupe électronique allemand Kraftwerk, a apporté une contribution énorme à l’émergence de la musique techno.

Le son n’a rien à voir avec le « cross over » ou la fusion, mais l’esprit est le même : le mélange, la rencontre. Pas d’ethno-différentialisme, pas de soupe commerciale « mondialisée » pour autant.

Au milieu des années 2000, le groupe Death Grips est l’un des exemples significatifs de rencontre d’un son abrasif, dans un certain esprit de collage punk, et du Hiphop. Car le processus de rencontre est sans fin et lui seul est productif. Les rencontres ne sont pas productives en soi… mais sans elles, il n’y a rien.

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Culture

Playlist: «Tout le pouvoir aux magiciennes !»

Orientée gothique mais avec sa dimension électronique, cette nouvelle playlist met en valeur les magiciennes, c’est-à-dire des artistes qui ont apporté une dimension totale dans leur approche et une grande profondeur dans leur expression musicale. Leur grâce s’impose.

[ La playlist est en lecture automatique ]

Nous vivons une époque de simplisme et de raccourcis et il n’est nul besoin d’être devin pour savoir que cela provient de la pression du capitalisme, qui veut une consommation rapide, irréfléchie, sans nuances ni profondeur.

Toute profondeur culturelle se voit ainsi malmenée, repoussée, niée et cela implique, par définition même, la régression pour les femmes de l’affirmation de leur existence. Pourquoi ? Parce que la psychologie des gens dans le capitalisme se réduit à des impulsions.

Or, les femmes doivent encore s’extirper de l’écrasement subie pendant des milliers d’années par le patriarcat puis par la course effrénée imposée par le capitalisme sur le plan de la vie quotidienne. À cela s’ajoute ce que bien entendu certains trouveront erroné, alors que la vie quotidienne le montre aisément : l’amplitude psychologique bien plus large de la femme par rapport à l’homme, tout simplement de par le rapport à la vie.

Il y a donc lieu de célébrer les magiciennes qui, à rebours de la vulgarité, de l’obscénité même, ont exprimé une réalité à la fois féminine et hautement culturelle, avec une sensibilité esthétique et sobre en même temps, à la fois intime et virevoltante.

On aurait pu se tourner ici vers tous les styles de musique, penser à la chanteuse des années 1960 Janis Joplin, ou bien même pourquoi pas à des figures kitsch mais sympathiques telles Cindy Lauper ou Madonna à ses débuts, avec leurs affirmations féministes. Le mouvement mi-punk mi-grunge des riot grrrls est également incontournables.

Il aurait été dommage toutefois ne pas accorder la préséance au son froid et hypnotique du tout début des années 1980, soit gothique soit électronique, se combinant à une voix féminine énigmatique ou peut-être plutôt enchanteresse. Il y a dans cette combinaison apparemment opposée, contradictoire de froideur et de chaleur une réelle mise en perspective de comment la femme s’arrache d’un monde où elle n’a pas (encore) le pouvoir.

De plus, le romantisme du gothique a puissamment aidé à l’expression de l’intériorité subjective, ainsi qu’appuyé une ampleur esthétique faisant des « magiciennes » des artistes totales.

Chaque époque produit bien entendu ces magiciennes et actuellement, on peut s’intéresser, avec un regard critique, à la Norvégienne Aurora, l’Ukrainienne Onuka, l’Américaine Billy Eilish ou encore l’Australienne Sia, (ces deux dernières étant par ailleurs véganes), voire encore Yolanda Visser de Die Antwoord.

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Chaleur pop/rap pour l’automne 2019 (nouvelle playlist)

Un peu de chaleur pop/rap pour l’automne avec cette nouvelle playlist marquée par la jeunesse et le style.

Les clips sont à chaque fois accompagnés d’une petite présentation. Comme d’habitude, la playlist sera disponible pendant quelques semaines en lecture automatique avec le service streaming de votre choix via le lecteur de la colonne de droite (version web) ou en bas de la page d’accueil (version mobile).

Enjoy !

Un son très puissant avec « Rebelle » de Raja Meziane qui, depuis la République tchèque où elle est réfugiée en raison de son engagement contre le régime, est une des figures musicale de la jeunesse algérienne en pleine affirmation avec le Hirak. « Je me rebelle et tu avales la poubelle », dit le refrain !


Très engagé également, le son de Danitsa envoyant joyeusement balader « mister business » qui pense qu’elle est jeune bête. Elle scande haut et fort que sa musique n’est pas à vendre et cela avec beaucoup de style. Girl power !


Une petite scène de vie intime pour ce très esthétique clip d’Hatik illustrant « M’attends pas », un son très moderne typique du rap français du moment, indéniablement aérien et mélodique.


On imagine mal comment la carrière de la toute jeune Sally, originaire de Cholet, pourrait ne pas décoller rapidement ! « VRILLE » est un titre pop d’une grande qualité, annonçant probablement le style de la prochaine décennie. Le débit est puissant, le propos touchant et le refrain s’installe si bien dans la tête : « Alors je vrille, je vrille Pendant que tu brilles Je vrille, je vrille Pendant que tu brilles… » On ne s’en lasse pas !


Encore une pop/rap très chaleureuse avec « Dilemme » de Lous and The Yakuza, qui expriment ses tourments dans un clip à la touche artistique très prononcée. La musique est de grande qualité avec une véritable maîtrise du chant. Née au Congo, Lous est arrivée très jeune en Belgique avec sa famille réfugiée, puis a passé son adolescence au Rwanda. De retour en Belgique à 16 ans, elle est mise à la porte de chez elle à 19 ans et connaît une situation très compliquée avant de se faire une place dans la scène underground bruxelloise aux côtés d’artistes comme Damso ou L’or du commun. Tournée tant vers le métal que le reggae, la chanson française ou encore la culture japonaise et notamment les mangas, elle incarne un véritable métissage culturel.


On ne présente plus Billie Eilish qui a déjà séduit des millions d’adolescents à travers le monde avec sa pop incroyablement bien ficelée. Pour l’anecdote, elle est vegan et engagée pour cette cause.


À l’origine des Pirouettes, il y a une histoire d’amour qui a été chantée dans un EP et deux albums. Ils se sont séparés et l’ont annoncé publiquement, tout en voulant continuer le groupe. Dans ce titre absolument délicieux de part sa mélodie et son rythme formidablement bien organisé, vicky raconte ses « plis du coeur » avant l’inévitable rupture… Triste, mais beau.


Avec « Sugar Honey Iced Tea (S.H.I.T.) », la new-yorkaise Princess Nokia retourne à un rap old school très incisif à l’image de ce qu’elle avait proposé dans l’excellent album 1992 Delux. Le titre est donc très pop et il est illustré ici par un clip au ton humoristique, dont on comprendra aisément le message. Pour l’anecdote, elle évoque dans le second couplet une scène dont la vidéo a fait un petit buzz à New-York. Dans le métro, elle avait pris la défense d’un groupe d’ados qui était invectivé par un homme ivre et tenant des propos racistes. Elle avait alors entraîné les personnes autour d’elle pour le dégager par la force de la rame, avant de lui jeter le reste de sa soupe chaude à la figure !


La techno hardstyle et les sons issus du gabber sont très joués ces derniers temps dans les clubs français. La jeunesse urbaine découvre ou redécouvre ce son très rude, qui est ici excellemment bien adapté à la manière pop par le groupe Bagarre qui envoie joyeusement balader la merde ambiante. Au revoir !

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Culture

Décès de Gilles Bertin, chanteur de Camera Silens et braqueur

Il existe en France une profonde passion pour le crime dans certaines franges de la population. Déclassés et anarchistes, éléments antisociaux et lumpens célèbrent le crime comme acte libérateur, pratiquement transcendant. Le parcours de Gilles Bertin, qui vient de décéder, est ici exemplaire d’une fascination pour la figure du criminel refaisant sa vie.

Il y a des virages qu’il ne faut pas rater. En 1982 avait lieu un tremplin rock et il y eut deux ex-aequo : Camera Silence et Noir Désir. Les musiciens de ce dernier groupe refuseront le prix et assument un esprit qui va leur permettre par la suite une carrière fulgurante, avec une haute qualité, mais avec une base finalement douteuse comme le révélera l’affaire Bertrand Cantat par la suite.

Camera Silens gagna alors le droit d’enregistrer un album, mais cela n’empêchera pas l’autodestruction. Car Camera Silens relève de toute une mouvance mêlant punk, skinheads, autonomes, réseaux favorables à la lutte armée en Allemagne ou en Italie (dont Action Directe n’est qu’un aspect), ainsi que branchés fréquentant le Palace.

On se tournera avec fascination vers une bande dessinée méconnue et fondamentalement mésestimée, alors que c’est un portrait exemplaire de toute un esprit : Z craignos (notamment le passage chez les punks et les skins, les autonomes étant liés à tout cela par la dimension squat).

Gilles Bertin est l’un de ceux-là et le chanteur d’un groupe mythique de la scène, Camera Silens, version latine allégorique (« cellule silencieuse ») désignant la dépravation sensorielle des cellules où sont enfermés les militants emprisonnés de la Fraction Armée Rouge en Allemagne de l’Ouest.

Une chanson comme « Est/Ouest » reprend d’ailleurs exactement le discours anti-guerre et anti-blocs des guérillas urbaines alors, tandis qu’une chanson comme « Pour la gloire » est typique d’un esprit punk skinhead d’esprit antisocial. Cela et d’autres chansons reflétant toute une angoisse sociale extrême, dans l’esprit des punks et des autonomes alors, font de l’album Réalité un classique du genre (avec notamment la chanson éponyme), qui a profondément marqué les esprits pour qui l’a découvert.

Seulement cette mouvance dans sa version française a deux fascinations : la drogue (surtout l’héroïne) et le crime. Alors qu’à Berlin les autonomes et les punks ont une démarche très hippie, ouvrent une centaine de squats à Berlin-Ouest et sont totalement culturels et politiques, en France on est dans l’autodestruction.

Il y a des fascinations pour les esthétiques fascistes, il y a des liaisons ouvertes avec les milieux criminels, les histoires sordides sont légion. Pour n’en citer qu’une – le faut-il vraiment ? – il y a un groupe d’une dizaines d’autonomes vivant dans un squat parisien et pratiquant des braquages, mais un couple veut arrêter. Ils sont exécutés, la femme connaissant un viol collectif auparavant.

Gilles Bertin se drogue donc, commet des vols, se fait condamner à neuf mois de prison et en fait six en pratique, il a une compagne qui attend un enfant, mais il décide de participer à un braquage et s’enfuit sans jamais revoir sa femme et son enfant littéralement abandonnés. Il apprendra bien plus tard en appelant son père que sa mère est morte.

Le braquage en question, qui s’est déroulé en 1988, au moyen d’une prise d’otages de deux salariés ayant les clefs de l’entrepôt de la Brinks et de leurs épouses – une action typiquement criminelle, donc – a amené un butin de 11,7 millions de francs (l’équivalent à l’époque de 2,9 millions d’euros). Gilles Bertin a un très beau pactole malgré le partage entre militants indépendantistes basques, punks et toxicomanes. Il se dore la pilule en Espagne sur la côte en ayant donc abandonné femme et enfant, refait sa vie en Espagne et au Portugal.

Malade du sida, il profite de l’absence de surveillance pour les papiers au Portugal pour se soigner, tout en tenant un magasin de disques. Il vit ensuite en Espagne mais a des soucis pour se faire soigner. Qu’à cela ne tienne, il revient en France en 2016 pour se faire soigner puisqu’il n’a pas le choix, jouant les repentis, ce qui marche puisqu’il obtient cinq ans avec sursis, tout en publiant Trente ans de cavale Ma vie de punk.

La boucle est bouclée et il y a tous les ingrédients pour faire de ce parcours quelque chose de romantique, alors que c’est totalement vide de sens. Pas étonnant que les médias parlent avec fascination de tout cela, comme d’ailleurs « l’anniversaire » de la mort de Jacques Mesrine, le 2 novembre 1979, a eu beaucoup d’échos.

Cette fascination pour le crime est odieuse, mais comment s’étonner à une époque où ce qu’on doit qualifier de cannibalisme social est si valorisé par des films, des séries, des chansons ?

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Culture

2 Bal & Mystic – La Sédition (1997)

Dans les années 1990, la culture de la Gauche était encore largement présente dans les cités HLM. Ce clip du morceau La sédition (issu de la BO de Ma 6T va crack-er, un film sans intérêt), assume un point de vue révolutionnaire communiste avec une grande fraîcheur.

C’est une jeunesse prolétaire très branchée, dont on comprend tout de suite les exigences culturelles, qui assumait alors de vouloir changer le monde et de s’en prendre à la bourgeoisie !

Voici le clip suivis des paroles :

« 2 Bal & Mystic – La Sédition

Rien ni personne ne pourra étouffer une révolte.
Tu as semé la graine de la haine, donc tu la récoltes.
Les rebelles et les rebuts ont tous opté pour le boycott.
Faisons en sorte que les aisés nous lèchent les bottes.
Traînons plus bas que terre ceux qui l’ont déjà fait.
Rendre le mal par le mal n’est pas bon en effet, mais…

La rage et la frustration empêchent à la réflexion.
Est-ce Dieu ou le diable qui guide toutes nos actions?
Sache que derrière nous il y a Beauval ainsi que les l’Ilettes.
Tous les départements du 01 au 77.

G accompagné de D accoudés de Mystik réagissent.
Notre tendance à l’extrémisme est poussée par le lest de la justice.
Strictement hardcore, la jeunesse est désespérée.
Elle est hardcore, et rien ne pourra l’arrêter.

Quoiqu’il arrive, nous saurons aussi nous défendre.
Car tu ne doutes que tout vient à point à qui sait attendre.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons.

L’explosion de toutes les cités approche.
D’abord des gens fâchés qui n’ont pas la langue dans la poche.
Faisant partie d’un parti d’avant-garde guidé
Par des principes visant à renverser la société.

Juste pour le plaisir, je répète:
Ma 6Tva crack-er, une révolution complète.
Je prends plaisir au vacarme,
Aux fracas des vitres quand tout crame.

Les cris des jeunes deviennent des armes, qui désarment.
Das Booga, relève le gant, quand il le faut devient brigand.
Cramer le système est mon slogan.

Le sheitan fusionne avec les 2 Bal Nigga.
On additionne les forces pour faire
Face à la menace de l’état bourgeois.
La lutte des classes dans la masse, tu sens l’angoisse.

Cours très vite petit poulet, trace.
Le chacal de Beauval à l’affût de ta face.
Il faut lutter, affûter pour faire chuter le pouvoir en place.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons.

Tise cette liqueur, ma milice est en sueur.
Forcé de bouger sur le beat indiqué par ailleurs.
J’effleure une folie meutrière.
Jusqu’à ce que Babylone prenne peur.

Pas peur d’y perdre la peau, OK pour dérailler les inspecteurs.
Regardant droit devant moi, élaborant mon phrasé de guerre.
Préparez le cimetière, « bleu l’enculé » ira en enfer.

Ouvre la porte de la guerre civile, et rentre avec fietré.
Car les droits de l’homme sont laissés à la porte d’entrée à jamais.
Sachez que ma rage est loin d’être passagère.
Face au « Commando numéro 3″, explique ce que tu comptes faire.
Car lorsque des chiens mordent mon frère,
Ces derniers sont en droit de les abattre.
Donc je check la muselière.

Celui qui s’en tire n’est pas le flambeur,
Mais celui qui a des tripes.
Donc, pour une fois, soyons à la hauteur de nos lyrics.
Du sang à 300% pour gé-chan la vision du champ.
Dorénavant, et dès maintenant, à toi de choisir ton camp.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons. »

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Mauvais oeil et le son mêlant enfin Orient et Occident

Le groupe Mauvais Œil qui vient tout récemment de sortir son mini-album pose une combinaison qu’on peut, pour résumer en raccourcissant la complexité de la chose, qualifier de rencontre entre l’Orient et l’Occident. « Afrita » et « Constantine » sont des titres qu’il faut impérativement découvrir, en étant forcément fasciné par le côté lancinant qui emporte telle une vague mélodique.

Ce mélange est extrêmement ardu à réaliser et il est ici somptueux. Il y a bien entendu énormément de rencontres musicales qui ont déjà été faites, notamment en France pour des raisons historiques. Mais le syncrétisme ou plus exactement la synthèse est extrêmement difficile à réaliser.

La raison en est la nature particulière de la musique orientale (la définition d’orientale étant ici extensive), avec son principe de plages, d’atmosphères. Un tel résumé est lui-même caricatural, mais on saisit la différence d’avec la base blues de la chanson qui s’est généralisée en Occident (et si on omet le folklore et ses refrains, tout comme le classique).

La synthèse n’a de ce fait, romantisme oblige, était tentée et réussie souvent que dans le milieu gothique / electro-industriel, l’Orient ayant une dimension puissamment romantique. En voici quelques exemple, par ailleurs des classiques au sens strict dans cette perspective musicale.

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Culture

Mc Circulaire et Patrick 51, des expressions prolétaires des campagnes

En juin 2018, le rappeur Kamini produisait « Eul’Vraie France » revenant sur la situation d’isolement et de délabrement des zones rurales. Quelques mois plus tard, c’est Mc Circulaire, le père du « rap de plouc », qui sortait « France éternelle » sur la même thématique. Ces titres expriment la contradiction entre la ville et la campagne, que le mouvement des gilets jaunes a été incapable de résoudre de par son incapacité à s’organiser sur le plan politique et idéologique.

Lorsqu’on écoute ses morceaux de rap, on comprend vite que Mc Circulaire n’est pas là pour faire du buzz, pour s’attirer la lumière. Avec plus de 3 millions de vues, le titre « Demain c’est trop tard » est au prolétariat des campagnes ce que « Demain c’est loin » d’I am a été au prolétaires des périphéries urbaines.

Ce rap respire une vie authentique, celle de la misère sociale et culturelle des campagnes françaises. Que Mc Circulaire soit originaire de Vendée ne change rien à la nature de sa musique : quiconque vivant l’ennui, la morosité et l’arriération culturelle des campagnes s’y reconnaît.

Dans la même démarche, il y a aussi Patrick 51 (que l’on peut voir dans le clip « France éternelle »). Usine, chômage, quotidien ennuyeux, alcool, les grands sujets de la vie prolétaire sont abordés avec réalisme. Des paroles à la production, « Campagne shit » reflète parfaitement cette ambiance au ralenti des campagnes, cette impression que tout tourne en rond.

Il serait bien erroné de penser qu’il y a là une valorisation unilatérale de l’alcool et des drogues car « quand tu voudrais être à New-York et qu’t’es dans la cambrousse, faut d’l’imagination et un pack de 12 ». C’est une volonté de transcrire fidèlement le réel pris dans une fuite en avant alors que toute la richesse sociale et culturelle est spoliée par la ville, la grande métropole.

Des paroles au « blase » de ces rappeurs, il y a une approche typiquement populaire de la franchise, de la rigolade, de ne pas trop « se prendre au sérieux ». Si ce style n’aide pas toujours à élever le niveau culturel, laissant une porte ouverte à la passivité, il reste un puissant rempart à la corruption mentale du business et de son esprit aseptisé.

C’est ainsi que Mc Circulaire a toujours refusé les grands majors du disque, les plateaux de TV, la démarche commerciale. Dans une récente interview, il déclare :

« Moi je fais ce business, enfin ce business, je fais ce taff pour faire des morceaux qui déchirent et faire des concerts. Le reste j’en ai rien à foutre, j’ai rien à vendre, j’ai jamais eu besoin de Hip Hop pour grailler tu vois »

Fidélité populaire disons : le délaissement des campagnes ne méritent pas d’être vendue, la situation ne doit pas être un tremplin à la promotion individuelle. Ces morceaux respirent la dignité, l’authenticité, la sincérité comme l’illustre si bien la tourmente existentielle de la mort avec « Pierre Tombale », ou cet ennui terrible que toute personne en campagne a vécu ce « jour de pluie ».

Il est finalement peu étonnant que ces « légendes rurales » soit originaires d’Île-et-Vilaine et de Vendée. La paysannerie y était encore forte dans les années 1960-1970 et a été brutalement prolétarisée au cours des années 1980-1990. Ce sont deux départements qui ont vu la paysannerie fondre comme neige au soleil et par conséquent les rares endroits en France qui ont connu une forte hausse du nombre d’ouvriers depuis 1968.

Mais cette prolétarisation s’accompagne nécessairement de l’accentuation de la contradiction entre une ville captant tout et une campagne se renfermant sur le quotidien « voiture, boulot, dodo ». La campagne française, c’est culturellement les années 1970, mais socialement l’usine moderne, l’individualisme des pavillons et des routes, avec l’alcool et le shit comme pacification sociale se substituant à une religion en perte de vitesse.

On est bien désemparé quand on reprend les paroles si justes et parallèles de NTM dans « qu’est-ce qu’on attend ? » en 1995 :

« Voilà pourquoi cela finira dans le désarroi
Désarroi déjà roi, le monde rural en est l’exemple
Désarroi déjà roi, vous subirez la même pente, l’agonie lente
C’est pourquoi j’en attente aux putains de politiques incompétentes
Ce qui a diminué la France
Donc l’heure n’est plus à l’indulgence, mais aux faits, par le feu
Ce qui à mes yeux semble être le mieux
Pour qu’on nous prenne un peu plus, un peu plus au sérieux »

Car finalement, avec une même substance sociale, ni la révolte de novembre 2005, ni celle de novembre 2018, n’ont été en mesure de résoudre ce grand problème de la contradiction ville/campagne. Il faut écouter et ré-écouter Mc Circulaire et Patrick 51 car la pente à remonter va être longue et sinueuse, avec une Gauche post-moderne aliénée aux grandes métropoles qui favorise l’emprise de l’extrême-Droite…