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La condamnation d’Aube dorée : une victoire en trompe-l’œil

Mercredi 7 octobre, la justice grecque a tranché : Aube dorée (Χρυσή Αυγή) est une organisation criminelle néo-nazie. C’était une évidence pour tout le monde, mais cette condamnation officielle est néanmoins très importante. Faisant suite à l’enquête visant un militant néonazi pour son assassinat du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas, le procès était rapidement devenu celui de toute l’organisation.

En effet, ce parti, se revendiquant presque ouvertement du national-socialisme et du négationnisme, s’était illustré par des opérations punitives et autres ratonnades contre les immigrés, des syndicalistes ou des militants de gauche, avec des perturbations de bureaux de vote pendant les élections et de nombreuses menaces à l’égard d’associations ou simplement de ces gens que les nazis détestent : étrangers, Juifs, homosexuels, etc. Comme le parti d’Adolf Hitler jadis, Aube dorée avait une stratégie double : d’un côté une participation aux élections (qui lui a permis d’obtenir plusieurs députés pendant des années, à l’assemblée comme au parlement européen), de l’autre un militantisme de type milicien violent.

Alors que la stratégie parlementaire s’est soldée par un échec, des divisions internes et une disparition du parlement aux dernières élections, cette condamnation s’attaque directement à l’autre aspect de l’organisation. En effet, plus d’une cinquantaine de membres ont été condamnés, dont des cadres importants, comme Nikolaos Michaloliakos, le fondateur du parti, ancien cadre de l’organisation de jeunesse de la dictature, négationniste et nazi revendiqué.

Il ne faudrait pas pour autant s’imaginer que c’est une victoire décisive contre le fascisme en Grèce, ni un signe que l’Etat hellénique est un rempart contre ce dernier. Ainsi que les manifestations antifascistes importantes le jour du résultat du procès l’ont rappelé, l’opposition antifasciste est populaire. Si la justice ne s’est pas contentée de juger le meurtrier de Pavlos Fyssas, c’est parce qu’il existait une pression démocratique en ce sens. La Gauche, quoique affaiblie, demeure forte en Grèce et ancrée dans les masses, avec une extrême-gauche (marxisante ou anarchisante) assez active. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cet important procès contre Aube dorée a débuté sous le mandat d’Alexis Tsipras, dirigeant du parti issue de la gauche Syriza.

Ces manifestations ont été principalement menées par la Gauche, évidemment. On retrouve notamment le Parti communiste de Grèce, avec le syndicat PAME et la Jeunesse communiste de Grèce qui lui sont liés. Les slogans, dans un esprit très « Front populaire », parlent d’eux-mêmes : « Le peuple exige l’emprisonnement des nazis », « Ce ne sont pas des innocents. Ce sont des ennemis. Par la lutte populaire, écrasons le fascisme. », « Dès hier, le peuple travailleur avait rendu son verdict ! ». D’autres organisations et militants issus de la gauche ou liés à celle-ci étaient présents, comme le Mouvement uni contre le racisme et la menace fasciste, dont l’appel fondateur contre le racisme avait été signé, entre autres, par Mikis Theodorakis, grande figure (désormais égarée dans un chauvinisme idiot, notamment sur la question macédonienne) de la gauche antifasciste grecque.

Par ailleurs, si les commentateurs médiatiques avaient proclamé, en même temps qu’ils encensaient « Koulis » Mitsotakis comme supposé « Macron grec, jeune et moderne », qu’Aube dorée ayant disparu de son parlement, la Grèce retrouvait une vie politique apaisée, c’est évidemment une analyse d’une imbécillité crasse.

Sous l’effet du procès, de son recul électoral, et de rivalités internes, Aube dorée a commencé à éclater il y a déjà quelques mois et deux partis ont depuis été formés par d’anciens cadres. Les « Grecs pour la Patrie » entendent suivre le modèle (jusque dans le logotype) de la Ligue du Nord italienne, en coupant avec le fascisme revendiqué, pour adopter une ligne national-populiste plus « ouverte », et certains sondages optimistes les placent déjà en situation d’espérer entrer au parlement aux prochaines élections, puisqu’ils pourraient frôler le seuil de 3% requis. Quant à la « Conscience nationale populaire », alliée à l’Union patriotique populaire grecque (dont l’acronyme grec « ΛΕΠΕΝ » est un hommage à Jean-Marie Le Pen), elle semble vouloir maintenir un militantisme certes plus prudent face à la justice mais toujours aussi radical.

En juillet 2019, dans un article paru sur Slate.fr, le journaliste Alexandros Kottis expliquait que « l’extrême droite grecque ne disparaît pas, elle se recompose », citant les liens historiques entre la droite et l’extrême-droite dans le pays, sur fond d’anticommunisme, ainsi que l’absence d’épuration politique de l’appareil d’état après la dictature. Il est de notoriété publique que l’armée est un repère de nazis, dans ce pays, et on se souviendra que Tsipras s’était allié à un parti d’extrême-droite pour gouverner, en faisant des clins d’œil appuyés à l’armée. Le grand parti de la droite grecque, la Nouvelle démocratie, comporte en son sein des gens issus ou liés à l’extrême-droite. De plus, alors que la « grande trahison » de son père avait permis la dictature en 1967, l’actuel premier ministre Kyriakos Mitsotakis n’a pas hésité à nommer dans son gouvernement deux anciens membres de l’extrême-droite : Spyrídon-Ádonis Georgiádis, issu du parti nationaliste Alerte populaire orthodoxe (LAOS), aujourd’hui ministre de la croissance et des investissements, et Makis Voridis, ministre de l’agriculture, également issu du LAOS, mais aussi de l’extrême-droite issue de la dictature, connu pour ses saluts nazis et son négationnisme.

Élu, entre autres, grâce aux voix d’anciens électeurs d’Aube dorée, le gouvernement actuel inquiète par sa politique agressivement réactionnaire, fortement anticommuniste (et anti-Gauche en général), au service des grands capitalistes du pays, profondément nationaliste, militariste et sécuritaire. De surcroît, un nouveau parti d’extrême-droite est entré au parlement en 2019 : la Solution grecque, qui a également récupéré une partie de l’électorat d’Aube dorée.

Aujourd’hui, alors que les provocations la Turquie attisent de nouveau un climat guerrier entre les deux pays, et que le gouvernement grec choisit ouvertement d’aller à la confrontation militaire, la menace fasciste est d’autant plus grande dans le pays, d’autant que les conséquences de la crise sur une population toujours plus pressurisée sont évidemment encore là. Plus que jamais, il faut défendre la Gauche qui était aujourd’hui dans la rue et l’aider à se reconstruire. Loin du populisme antisémite des amis de Mélenchon, et de la gestion du capitalisme portée par les dirigeants de Syriza et des restes du Pasok, il faut une Gauche ouvrière, internationaliste, pacifiste, capable de mener un Front populaire pour faire reculer le fascisme dans ce pays.

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Guerre

Arménie: une tribune de droite soutenue par des gens de «gauche»

S’il est une question où la Droite et la Gauche sont totalement séparés, c’est bien sur celle de la guerre. La Droite justifie celle-ci quand ça l’arrange ; la Gauche veut la justice et déteste le militarisme, l’expansionnisme.

Aussi ne doit-on pas être étonné de voir, dans la tribune de « soutien » à l’Arménie signée par 176 élus et publiée dans le Journal du Dimanche, des figures de la Droite et non des moindres. On a ainsi Laurent Wauquiez (président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes), Christien Estrosi (maire de Nice), Damien Abad (président du Groupe LR à l’Assemblée nationale), François-Xavier Bellamy (président de la délégation française du Groupe PPE), Valérie Pecresse (présidente de la Région Ile-de-France), etc.

La tribune exige en effet que la France intervienne, qu’elle prenne partie, bref qu’elle assume une politique néo-coloniale franche, ouverte. La France fait partie du groupe de Minsk qui depuis 25 ans cherche sans succès à réaliser un dialogue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : la tribune appelle à ce que cela cesse.

« Face à l’ensemble de ces événements, force est de constater que l’espace de neutralité dans lequel la France s’efforçait depuis plusieurs décennies de créer un chemin vers la paix n’existe plus (…).

Nous considérons que la diplomatie française doit réexaminer sa stratégie dans le conflit du Haut-Karabakh : dénoncer avec force l’agression azerbaïdjanaise et exiger l’arrêt immédiat des violences de la part de l’Azerbaïdjan sous peine d’un soutien massif aux autorités du Haut-Karabakh qui passera par la reconnaissance de leur légitimité pleine et entière. »

Cette dernière phrase implique naturellement un soutien militaire à l’Arménie ; le soutien « passera par la reconnaissance », mais évidemment il ne saurait se contenter de cela puisqu’il doit être « massif ».

On est là dans une prise de partie unilatérale tout à fait classique de la Droite, mais de nombreuses figures se revendiquant de la Gauche ont également signé cette tribune où on cherchera en vain une dimension démocratique. C’est comme si ne comptaient que les Etats et en rien les peuples.

On a ainsi les signatures d’Eliane Assassi (présidente du Groupe communiste républicain citoyen et écologiste au Sénat), de Clémentine Autain, de Raphael Glucksmann, de Benoît Hamon, d’Anne Hidalgo, de Yannick Jadot d’EELV, de Pierre Laurent du PCF, de Marie-Noëlle Lienemann, etc.

Il suffira de faire remarquer à ces gens une simple chose. Il est dit dans la tribune, au sujet du Haut-Karabakh :

« Ce territoire, berceau de la civilisation arménienne et dont la population fut de manière ininterrompue au cours de l’histoire composée essentiellement d’Arméniens »

C’est tout à fait vrai. Alors posons la question aux signataires de gauche : puisqu’il y a ce mot « essentiellement », il y a donc des gens qui ne sont pas arméniens. Ils sont azéris, kurdes, etc. Où sont-ils alors ?

Eh bien ils ne sont plus là, car ils sont été expulsés. La conquête du Haut-Karabakh par l’Arménie s’est accompagnée d’une politique d’expulsion massive. Il y a 800 000 réfugiés azerbaïdjanais, qui ont été éjectés de leurs foyers au nom de la pureté ethnique arménienne valable « depuis trois mille ans ». Car c’est de cela qu’il s’agit également.

Source : Wikipédia

Bien entendu, les fauteurs de guerre sont aujourd’hui l’Azerbaïdjan et à l’arrière-plan les va-t-en-guerre turcs. Il faut les dénoncer et c’est le principal. Il faut toutefois pour être authentiquement démocratique ne pas se mettre à la remorque d’un État arménien corrompu, bureaucratique, militariste, qui a unilatéralement décidé d’annexer une partie du territoire azerbaïdjanais.

L’ONU a par de nombreuses résolutions insisté là-dessus. Les signataires de gauche ont-ils conscient que leur tribune foule aux pieds le principe d’intégrité territoriale et que n’importe quel envahisseur peut pareillement justifier une intervention « libératrice » ? Ont-ils compris qu’ils démolissent le principe même de droit international et qu’ils contribuent au principe de poussée expansionniste ?

La vérité est que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont dirigés par des nationalistes, qui poussent au crime, qui veulent l’épuration ethnique, parce que pour eux l’autre peuple est constitué de monstres. Alors, oui il faut stopper l’Azerbaïdjan, mais cela ne peut être qu’au profit du peuple et ce peuple est constitué du peuple arménien et du peuple azerbaïdjanais.

Quelle idée de se remettre à la remorque tant de la Droite qui veut renforcer les positions stratégiques françaises que des fantasmagories annexionnistes des nationalistes d’Arménie !

Le pire de tout cela est que c’est fait au nom de l’Arménie. Et ce pays se retrouve maintenant le dos au mur, à jouer son existence, parce que des fanatiques ont ouvert la boîte de Pandore de la haine entre les peuples, la haine implacable, celle de l’épuration ethnique, de la liquidation.

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Guerre

Vers la guerre: les peuples d’Arménie et d’Azerbaïdjan victimes de grandes manœuvres

La guerre au Haut-Karabagh a, bien entendu, des raisons d’une bien plus grande ampleur qu’un simple conflit local : derrière, on a les manœuvres militaristes de puissances expansionnistes, conquérantes.

Le premier ministre arménien Nikol Pachinian a accordé une interview au Figaro le 2 octobre 2020 et dès la première question, il révèle le fond de la question alors qu’au Haut Karabagh, la guerre fait rage entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

« Le Figaro : Vous accusez l’Azerbaïdjan d’être soutenu militairement par la Turquie. De quelles preuves disposez-vous ?

Nikol Pachinian : Oui nous avons des preuves. La Russie, la France et l’Iran ont déjà reconnu l’implication de l’armée turque dans l’offensive de grande ampleur contre l’Artsakh [= le Haut Karabagh du point de vue des Arméniens pro-annexion]. »

On aura naturellement compris que dès le départ le premier ministre arménien insiste sur trois puissances épaulant l’Arménie et refusant l’expansionnisme turco-azéri : la Russie qui maintient l’Arménie comme satellite, l’Iran qui est juste sous l’Arménie géographiquement et ne veut pas de présence turque, la France qui est une grande puissance cherchant à satelliser également autant qu’elle le peut.

Or, il y a un souci dans ce panorama. L’Arménie a en effet connu un soulèvement populaire en 2018 et Nikol Pachinian est arrivé au pouvoir comme représentant des forces pro-Union européenne, la ligne officielle étant de décrocher doucement mais sûrement de la Russie.

Les forces pro-russe au pouvoir auparavant étaient farouchement nationalistes et agressives quant à la question du Haut-Karabagh et Nikol Pachinian a modifié la ligne. Il y a alors eu dans la foulée l’établissement d’une ligne directe entre les gouvernements d’Arménie et d’Azerbaïdjan, alors que les incidents à la frontière se sont pratiquement éteints.

Mais Nikol Pachinian a cédé devant les forces agressives en Arménie ; il est allé au Haut-Karabagh en août 2019 et a dit : « le Karabach, c’est l’Arménie, point final ». Le président azéri Ilham Aliyev lui a répondu par : « le Karabach, c’est l’Azerbaïdjan, point d’exclamation ! ».

On a ici une démagogie nationaliste de la part de gens représentant des couches dominantes jouant à la guerre avec leurs propres peuples. Et avec la crise économique, politique, militaire… ouverte par la crise sanitaire du covid-19, tout cela a pris une ampleur explosive à laquelle les protagonistes ne s’attendaient pas forcément.

La situation est déjà mauvaise à la base, mais désormais, la crise précipite tout, les tensions s’aiguisent comme jamais, la fuite dans la guerre devient une règle. Comment faire sinon pour trouver les milliards et les milliards dépensés pour sauver les économies et les couches dominantes ?

Les démagogues nationalistes se retrouvent ainsi pris au piège de leur démarche qu’ils doivent, qu’ils le veulent ou non, suivre jusqu’au bout. Les dirigeants arméniens se retrouvent dans un piège qu’ils ont eux-mêmes participé à tendre. Cela est d’autant plus vrai que… l’Azerbaïdjan est également un satellite russe et que la Turquie fait un forcing généralisé pour s’en faire son propre satellite, au nom de leur proximité historique définie de manière extrapolée par le principe « une nation, deux États ».

La Russie cherche donc à revenir en force auprès de son satellite arménien, alors que la Turquie cherche à s’implanter coûte que coûte dans une Azerbaïdjan satellisée par la Russie… et ce sont les peuples qui en paient le prix. La Russie a d’ailleurs annoncé le premier octobre qu’elle s’efforçait avec la Turquie de trouver une solution. Les peuples devront donc se soumettre aux injonctions et s’ils ne le font pas, ils seront pousser à un processus menant au bain de sang.

C’est le chantage poussé dans des proportions toujours plus insoutenables par la crise. Il faut le drapeau rouge de l’amitié des peuples, sinon la conflagration est inévitable !

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Qui sauvera l’Arménie de l’expansionnisme turc?

La guerre fait rage entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, avec à l’arrière-plan l’expansionnisme turc.

Qui aidera l’Arménie face à l’expansionnisme turc ? La situation est dramatique. L’Arménie se retrouve entourée de deux terribles ennemis, la Turquie et l’Azerbaïdjan, avec qui elle n’a aucune relation diplomatique. D’ailleurs, 834 kilomètres des 1000 formant ses frontières sont fermés ! Et elle n’a que trois millions d’habitants, alors qu’il y a 10 millions d’habitants en Azerbaïdjan et 82 millions en Turquie.

Ce n’est pas moins que l’existence même de l’Arménie qui est ainsi en jeu, alors que la guerre arméno-azérie fait rage au Haut-Karabagh. L’Azerbaïdjan revendique la mort de 2300 « séparatistes » arméniens, la destruction de 130 chars, 200 pièces d’artillerie, 25 batteries antiaériennes et de missiles sol-air S-300. L’Arménie revendique la destruction de 137 chars et blindés, de 72 drones et 7 hélicoptères et d’un avion militaire, ainsi 790 soldats azerbaïdjanais tués, et 1 900, blessés.

Qui aidera l’Arménie face à l’expansionnisme turc ? Certainement pas les dirigeants bureaucratiques et corrompus de l’Arménie, ni les grands bourgeois arméniens vivant à l’étranger, qui trahissent le peuple au profit de fantasmes grand-arméniens. Car seule la démocratie peut se confronter efficacement à l’expansionnisme et au militarisme… et l’expansionnisme et le militarisme turcs sont d’une virulence absolument terrible.

La Turquie a compris qu’elle ne serait pas en mesure de bousculer la Grèce en Méditerranée comme elle l’espérait, alors qu’en plus la France est intervenue et qu’elle est une grande puissance militaire maritime. Alors elle s’appuie sur l’Azerbaïdjan pour renforcer sa perspective panturque, voire pantouranienne, puisque l’objectif c’est « l’unité » de tous les peuples « turcs » jusqu’à la Chine.

L’objectif c’est – outre de provoquer la Grèce et la France indirectement – de chasser la population arménienne du Haut-Karabakh et même de démolir l’État arménien lui-même, afin d’étendre le territoire azérie. C’est l’existence même qui est en jeu. Elle le sait, elle se militarise depuis trois décennies afin d’être en mesure de préserver son existence, mais le régime étant corrompu, bureaucratique, il n’y a pas de mobilisation démocratique et de quête d’appuis internationaux sur une base démocratique. L’Arménie se retrouve seul, étant tombé dans le piège du nationalisme.

La question du Haut-Karabagh avait justement été subtilement réglé par l’URSS. Lénine et Staline voulaient neutraliser les nationalismes dans une partie du monde où ce travers était particulièrement prégnant. Ils ont ainsi rattaché le Haut-Karabagh, à majorité arménienne mais liée depuis quelques centaines d’années à l’Azerbaïdjan, notamment par l’intermédiaire de populations nomades, à la république soviétique d’Azerbaïdjan. Cependant, le Haut-Karabagh a obtenu une grande autonomie culturelle.

Cela a « forcé » l’Azerbaïdjan à reconnaître la culture arménienne et l’Arménie à se tourner vers l’Azerbaïdjan où vivait une minorité arménienne. Qui plus est, à l’ouest de l’Arménie et sans frontière avec l’Azerbaïdjan, se trouvait la République soviétique autonome du Nakhitchevan. Cela forçait d’autant plus à des interrelations arméno-azérie, pour deux peuples qui par ailleurs ont un parcours historique déjà fortement lié, comme en témoigne la culture commune des bardes, les ashiks.

Les peuples de l’Azerbaïdjan et de Turquie ne veulent pas la guerre. Mais ils sont entraînés par le nationalisme, le militarisme, l’expansionnisme. Il est pourtant possible d’empêcher cela. Il faut un drapeau de la démocratie qui soit fortement levé, qui assume l’internationalisme des travailleurs, l’amitié entre les peuples. Seul un tel drapeau peut amener le soulèvement face aux forces réactionnaires et on sait bien qu’en Turquie, et même en Azerbaïdjan, les forces en faveur de la démocratie existent, mais ont besoin d’aide. Il en va de la survie même de l’Arménie.

Seule la mobilisation démocratique des peuples du monde, à l’échelle la plus grande et en particulier dans le Caucase, peut sauver l’Arménie !

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Turquie/Grèce: le racisme au service de la guerre

La haine historique et réciproque entre la Grèce et la Turquie est bien connue. Les hydrocarbures méditerranéens l’alimentent ces dernières semaines de manière dramatique et inquiétante.

Ce qui est inquiétant, outre la faiblesse d’une Gauche capable de s’opposer au conflit annoncé (encore qu’en Grèce, elle puisse s’exprimer de manière plus grande qu’en Turquie), c’est le profond racisme qui gangrène les deux pays et qui sert naturellement les intérêts guerriers.

Ce phénomène est particulièrement visible en Turquie ou chez les gens d’origine turque installés à l’étranger. En Turquie, mais également sur les réseaux sociaux, on voit fleurir les appels au meurtre et les insultes visant les peuples que le nationalisme turc a souvent massacré : les Arméniens, les Kurdes et, surtout en ce moment, les Grecs. Ceux-ci sont qualifiés de « bâtards », de « résidus de Byzance », ou même de « bâtards pontiques », en référence à cette population grecque qui a subi un véritable génocide. À ce propos, il est ironiquement ignoble que les mêmes qui nient le caractère génocidaire de ces massacres (dont l’odieux génocide arménien) insinuent quand même que « c’était bien fait pour eux », et appellent parfois même à renouveler l’horreur.

En 2019, le rapport de la fondation Hrant Dink étudiant les discours haineux notait que dans les médias turcs, la haine visant les Grecs (de Grèce, de Chypre et de Turquie) était bien plus fréquente que la haine des Syriens (premières victimes de la haine raciste, si on compte séparément Grecs de Grèce et Grecs de Chypre et Turquie séparément), des Juifs et des Arméniens. On constate une véritable focalisation sur les Grecs, entretenue par les médias dont on sait à quel point leur dépendance par rapport au pouvoir est grande.

Ce racisme sert évidemment les projets expansionnistes et agressifs du régime qui joue sur la corde néo-ottomane pour attiser la haine et le soutien à ses projets. La reconversion de Hagía Sophía en mosquée en a été une marque importante, mais on doit noter également que le régime laisse détruire des monuments historiques liés à la Grèce et au christianisme dans cette même optique.

Face à cela, la haine anti-turque en Grèce est, pour ainsi dire, tout aussi culturellement ancrée. Comme en Turquie d’ailleurs, cette haine est associée à la haine d’autres peuples, notamment les Roms ou les Macédoniens, auxquels beaucoup nient même le droit de se dire macédoniens, sans parler des Juifs, au centre de tous les fantasmes conspirationnistes, que ce soit par antisémitisme chrétien ou par « anticapitalisme » (au sens de « socialisme des imbéciles », comme disait August Bebel). À ce titre, on ne rappellera jamais assez que les amis grecs de Jean-Luc Mélenchon, après avoir participé aux manifestations nationalistes contre le droit pour les Macédoniens de se dire Macédoniens, font désormais campagne contre « l’israélisation » de l’État grec, soi-disant sous contrôle.

Ainsi, dans le langage courant, de nombreuses insultes sont forgées à partir de termes désignant ces nationalités. Beaucoup même les emploient naturellement, sans forcément avoir des arrières-pensées racistes, tellement elles sont courantes. On peut citer le terme de « τουρκόγυφτος », littéralement le « turco-gitan ». Le mot « γυφτος », cousin étymologique de « gypsy » et de notre « gitan », a déjà en grec une connotation souvent péjorative (on lui préférera d’autres mots, comme « τσιγγάνος », tsigane, par exemple). En lui ajoutant le préfixe « turco », on renforce le côté péjoratif et le sens premier de « Rom venu de Turquie » s’efface derrière une insulte adressée à quelqu’un de mauvais, malhonnête, sale, malpropre, etc.

Après quatre cents ans d’occupation, puis deux siècles de tensions, les Grecs ne sont pas davantage prêts que leurs voisins à faire la paix et à tourner le dos au nationalisme que leurs dirigeants et les classes dirigeantes instillent entre eux. D’autant que, si Recep Tayyip Erdoğan exprime un néo-ottomanisme islamo-turc, la Grèce reste également encadrée par ses deux piliers institutionnels : l’Église hortodoxe toute-puissante et réactionnaire, et l’Armée, bastion du fascisme, voire même du nazisme.

La situation est alarmante et le pire est à craindre si la Gauche de ces deux pays ne parvient pas à mener le combat pacifiste et à rassembler largement les masses autour du refus de la guerre, de la défense de la démocratie et du recul des monopoles. Là-bas comme ici, il faut le Front populaire. D’urgence.

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La querelle inter-identitaire Valeurs Actuelles – Danièle Obono

Valeurs Actuelles a publié un article romancé mettant en scène Danièle Obono et cette dernière, ainsi que ses soutiens, parle de « racisme ». C’est en fait une querelle inter-identitaire qui a encore lieu, parasitant l’opinion publique afin de l’empêcher de cerner les vrais problèmes.

Si on lit les auteurs de la négritude ou Frantz Fanon, on peut voir qu’il y a une véritable vision racialiste du monde. Les personnes à la peau « noire », qui serait une race, porteraient quelque chose de Bon et de Beau. Ils représenteraient une certaine pureté, une certaine authenticité. Ce racialisme prétend naturellement avant tout être anti-raciste, car c’est le seul moyen de mobiliser. Mais il est avant tout une idéologie inventée par des petits-bourgeois, le plus souvent des petits-bourgeois de pays colonisés ayant étudié dans les universités des pays colonialistes.

La notion de « Pakistan » a ainsi été inventé dans une université britannique, par des étudiants des Indes et le premier président indien ne parlait même pas la langue de culture « islamique » qu’il comptait imposer à tous les Pakistanais. Tout cela est bien connu de quiconque connaît l’histoire des idées et la Gauche historique a toujours combattu ces affirmations identitaires.

Valeurs Actuelles, la principale revue du camp conservateur-réactionnaire, le sait également. Et il est dans son intérêt d’assimiler la Gauche à ces identitaires. Elle a donc organisé un coup se voulant à la fois subtil et grossier. Cet été, la revue a publié des petits articles romancés autour d’une fiction : François Fillon se retrouve pendant la Révolution française, Nicolas Hulot sous Charlemagne, Didier Raoult dans une tranchée de la Première Guerre mondiale.

Pour le numéro du 27 août, ils ont pris comme personnage une députée La France Insoumise, Danièle Obono, qui est issue de la bourgeoisie gabonaise. Ils l’ont mis dans le passé dans une Afrique noire tribale contribuant à l’esclavage, confrontant son propre discours « progressiste » à la réalité barbare de l’Afrique d’alors. L’idée est bien sûr de se moquer du discours faisant de l’Afrique noire d’alors une sorte de paradis avec des gens authentiques, partageurs, etc.

Il faut dire que Danièle Obono est une cible facile. Elle est issue de « Socialisme par en bas » (SPEB), une section française du SWP britannique, qui pratique un discours communautaire-identitaire racoleur, dans une démarche universitaire typiquement anglo-saxonne. SPEB avait même tenté de faire un « bulletin des mosquées ». Elle se définit encore aujourd’hui comme lié historiquement au trotskisme, plutôt proche des indigènes, panafricaniste, afroféministe, altermondialiste, écosocialiste, etc.

Elle a d’ailleurs salué de manière « africaniste » l’acteur Chadwick Boseman, décédé suite à une maladie ; l’acteur aurait été un « ROI ». Il était la principe figure du film hollywoodien « Black Panther », régulièrement présenté comme relevant de la « fierté noire » alors qu’on y trouve dans un monde ultra-avancé technologiquement tous les clichés du noir tribal, patriarcal et ultra-hiérarchique, ayant le rythme dans la peau, tagueur, avec une sorcière guérisseuse, des hommes menant un combat à mort pour devenir chef, etc.

Bref, on l’aura compris, Danièle Obono est l’antithèse de la Gauche historique et elle est du pain béni pour Valeurs Actuelles, qui a la même vision du monde mais inversé. Dans la petite histoire, Danièle Obono est confronté à l’esclavage présentée de manière racoleuse, voire même sordide. La présentation se veut historique, mais est anti-historique par définition même, le choix fait étant de toutes façons la provocation. D’ailleurs, Danièle Obono est à la fin libéré par un membre du clergé catholique proposant même de se sacrifier pour parvenir à l’acheter pour la sortir de l’esclavage.

On peut de toutes façons considérer que de part et d’autre, c’est la démarche anti-historique qui prime. C’est logique : s’il n’y a plus d’Histoire, alors il n’y a plus de lutte des classes. C’est une reprise de la fameuse phrase de Karl Marx – « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte de classes » – mais pour nier tant l’histoire que la lutte des classes. Reste la société, où les idées seraient comme sur une bourse où il faut gagner des parts de marché. Valeurs Actuelles, par son article romancé, cherche à grappiller des points, ses dénonciateurs sur Twitter tentent également de grappiller des points (d’ailleurs ils font exprès de ne pas mettre de hashtag lié à Valeurs Actuelles pour ne pas en faire la « promotion »).

Tout cela reflète indubitablement une américanisation de la société, au moins dans les batailles d’idée. Cependant, on est en France et c’est la crise. On est donc en droit de s’attendre à des choses mouvementées et tant les identitaires conservateurs que les identitaires « anti-racistes » ne pourront pas l’empêcher. Il n’y a pas de place pour de tels gens dans notre pays quand la lutte des classes reprend ses droits, car l’Histoire sait comment elle doit primer.

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Turquie: la Gauche française doit avoir le courage du pacifisme

Emmanuel Macron se fait chef de guerre en déployant des arguments et des moyens militaires contre la Turquie et ses visées expansionnistes. En face, Recep Tayyip Erdoğan explique que la France agit comme un « caïd » et mobilise de manière nationaliste au nom des « droits de la Turquie ». C’est une escalade militariste typique et le rôle de la Gauche est de s’y opposer fermement, au nom de la paix, au nom de l’amitié entre les peuples, au nom de la lutte des classes.

Après la pénétration turque au large de l’île grecque de Kastellorizo, Emmanuel Macron a décidé de renforcer la présence militaire française dans la zone. Jeudi 13 août, ce sont deux avions Rafale B, le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre (en route vers Beyrouth) ainsi que la frégate La Fayette, qui ont participé à un exercice avec la marine grecque dans le sud est de la mer Égée, précisément là où sont les navires turcs.

Le ministère français des armées a expliqué :

« [La] présence militaire [française] a pour but de renforcer l’appréciation autonome de la situation et d’affirmer l’attachement de la France à la libre circulation, à la sécurité de la navigation maritime en Méditerranée et au respect du droit international ».

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a réagi de manière virulente, en répondant que :

« La France, en particulier, devrait cesser de prendre des mesures qui accentuent les tensions. Ils n’obtiendront rien en se comportant comme des caïds ».

Il faut bien voir ici que la Turquie ne considère pas avoir une visée agressive. Elle n’a jamais reconnu les accords internationaux faisant de la zone en question un territoire grecque et considère être légitime.

Recep Tayyip Erdoğan présente ainsi les choses à la télévision turque :

« Revendiquer une souveraineté maritime en se servant de l’île de kasteloriso située à 2 kilomètres des côtes turcs ne peut s’expliquer rationnellement ou avec bon sens.

Vous savez à quelle distance se situe la Grèce ? 580 kilomètres ! J’invite à nouveau la Grèce à respecter les droits de la Turquie. »

Un accrochage avec un navire grec a déjà eu lieu jeudi 13 août et la Turquie en parle de manière ultra-offensive, menaçant de faire payer « au prix fort » toute attaque contre son navire de prospection l’Oruç Reis.

Pour la France, il y a bien sûr en jeu les intérêts du groupe Total, à qui entre autre la Grèce a promis des accès aux gisements gaziers de la mer Égée convoités par la Turquie. Mais cela n’est qu’un aspect de la situation, qui n’est pas simplement « géopolitique », mais concerne le capitalisme dans son fonctionnement même.

La France est une puissance en perdition qui s’enfonce économiquement, mais aussi socialement et culturellement. Pour compenser, elle s’imagine pouvoir peser militairement, en étant en quelque sorte le bras armé de l’Union européenne. C’est le principe du nationalisme pour qui la guerre est une voie de sortie à la crise, comme une étape obligée pour maintenir l’ordre capitaliste qui a besoin d’expansion.

Dans cette perspective, et alors qu’Emmanuel Macron met régulièrement sur la table la question d’une alliance militaire européenne, les tensions entre la Grèce et la Turquie sont considérées comme une occasion à ne pas manquer.

En arrière plan, il y a la question libyenne où le gouvernement officiellement reconnu par l’ONU est allié à la Turquie et reconnaît l’espace maritime revendiqué par la Turquie, alors que la France soutient ouvertement une fraction adverse.

Il y a aussi le Liban où la France aimerait profiter de la catastrophe de Beyrouth pour retrouver de son influence dans le cadre de sa politique arabe, alors que la Turquie accuse le président français de vouloir « rétablir l’ordre colonial ». Le président turc se voit pour sa part en leader du monde sunnite, avec une ligne ultra-réactionnaire s’appuyant directement sur le féodalisme pour servir son expansionnisme néo-ottoman.

On a là tous les ingrédients pour un embrasement guerrier très dangereux, que la Gauche doit absolument dénoncer et refuser. La pandémie de covid-19, qui n’en finit plus de commencer, nous montre à quel point l’humanité a une destinée commune ; les peuples du monde ont bien mieux à faire que perdre du temps, de l’énergie et des vies dans la guerre.

> Lire également : Vers la guerre: les tensions grandissantes entre la Grèce et la Turquie en méditerranéenne

La Gauche en France, en Grèce et en Turquie, doit se lier d’une puissante fraternité pour dénoncer ses gouvernements respectifs et les intérêts du capitalisme qui mènent à une escalade guerrière dévastatrice. Il faut de toute urgence construire le camp de la paix, en renouant avec l’internationalisme fondateur de la Gauche historique.

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Alain Soral abandonne la politique et désire un coup d’État police-armée

Mis en garde en vue pendant 48 heures, Alain Soral a raconté celle-ci dans une longue vidéo, où il fait l’éloge de la police.

Alain Soral raconte, visiblement fatigué et choqué mais relativement combatif, son arrestation dans la rue pour « provocation publique non suivie d’effet à la commission d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ». Il raconte que la police a été très sympa, qu’il n’a jamais été malmené, et même, somme toute, que les policiers s’avèrent surtout des sympathisants de sa cause.

Il a aussi fait l’éloge des policiers de la Direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris : les hommes seraient sportifs, les femmes mignonnes, tout le monde serait jeune et black blanc beur. Tout est carré, bien géré, malgré le caractère sommaire ou sale de locaux où sont les prisonniers. C’est la France qu’il aime et il attend d’eux d’ailleurs, ainsi que de l’armée, qu’ils renversent le régime. Il considère d’ailleurs qu’il va faire de la prison, à moins que ne soit à court terme renversé « l’État juif » qui veut le mettre hors-jeu.

Tout cela révèle un aspect essentiel, tout de même. En effet, Alain Soral, dans sa vidéo, n’appelle pas à la révolution. Il précise bien qu’il n’est pas pour la lutte armée, mais pour que les organes comme la police et l’armée basculent. Ce faisant, il quitte totalement le terrain populiste « insurrectionnel » des gilets jaunes ; il abandonne donc également sa verve populiste visant, comme Dieudonné, à mettre de l’huile sur le feu et à faire en sorte qu’une vague « spontanée » violente surgisse des tréfonds de la société.

Alain Soral a, dans les faits, capitulé. Il ne capitule pas idéologiquement : il reste un fanatique d’extrême-Droite, un paranoïaque pour qui les « Juifs » contrôleraient l’État, l’économie, la politique internationale, etc. Il capitule cependant dans sa dimension agitatrice. Il fait comme Julien Coupat lors de son arrestation : de la littérature, mais plus de la politique.

Le schéma est exactement le même. Julien Coupat, au moment de son arrestation, avait derrière lui des milliers de sympathisants, voire de gens organisés. Il en va de même pour Alain Soral. Une arrestation a une dimension politique : une figure politique en profite pour affirmer ses thèses les plus fondamentales, à la face du pays, appelant à un changement complet, un renversement, etc.

Ni Julien Coupat ni Alain Soral ne l’ont fait. Malgré l’énorme écho de leur arrestation, le fait qu’ils soient une actualité, ils ont continué de s’adresser uniquement à leurs sympathisants, ils ont tourné leur discours dans une optique littéraire, bref ils n’ont pas fait de politique. Ils ont abandonné la politique.

Julien Coupat avait comme vue politique un mouvement par en bas de petits groupes décentralisés formant des communautés s’engageant dans la subversion, action violente y compris ; Alain Soral espérait former une rébellion « national-socialiste » de type élémentaire, un soulèvement par en bas contre « l’occupation » « juive ». Une fois rappelé à l’ordre par l’État, ils capitulent.

On arguera que ce n’est pas plus mal. C’est vrai. Cependant, il faut penser que ces gens ont amené dans des voies de garage des milliers de personnes. Beaucoup ont cru à la dimension « révolutionnaire » de leurs appels. Ils ont ainsi été perdus par la Gauche, dont ils auraient dû devenir des cadres portant un changement historique complet. La capitulation de gens comme Julien Coupat ou Alain Soral n’est donc pas simplement une bonne chose : c’est aussi l’aboutissement d’un processus très négatif où des énergies ont été déviées, gâchées.

Voilà pourquoi il fait rappeler, parfois, leur nature historique, afin que cela serve d’enseignement. Les populismes prétendent mener à des victoires rapides, au moyen de quelques recettes pratiques, d’une vision du monde sommaire. Les populismes nient l’intelligence et fournissent des attitudes clefs en main, prétendant que n’importe qui peut, n’importe, comment, devenir « subversif ». Cela a une dimension fascinante qui n’en est que plus dangereuse.

Il faut donc savoir montrer la vanité de telles initiatives, leur nihilisme.

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Le programme en défense de la propriété du «Front populaire» de Michel Onfray

C’est à travers un éloge de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que Michel Onfray a exposé les valeurs de son mouvement souverainiste.

La revue « Front populaire » a un nom qui mérite la haine de la Gauche. Michel Onfray vise en effet à porter la confusion en reprenant le nom du mouvement ayant barré la route au fascisme. Dans cette perspective, on trouve sur le site tant une interview croisée de Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers qu’une autre du même type avec Georges Kuzmanovic (de République souveraine) et d’Andréa Kotarac (du Rassemblement national), les deux ayant auparavant été actifs dans La France insoumise.

Le Front populaire en 1936 a été le symbole de l’unité de la Gauche historique, celle du mouvement ouvrier ; la revue « Front populaire » sert à ajouter à la confusion, à la perte de repères. L’ennemi, c’est d’ailleurs très clairement le Socialisme. Michel Onfray ne cesse de se revendiquer de Proudhon et de la petite propriété ; il veut par là rassurer les capitalistes.

Il dénonce les grands financiers anti-nationaux, mais il ne veut surtout pas remettre en cause le capitalisme. C’est là la posture classique des dirigeants fascistes, qui disent : on va lancer un mouvement de masse, mais ne vous inquiétez pas, on ne touchera pas à la propriété.

Alors il donne des gages. Dans sa dernière interview au Figaro, Michel Onfray se revendique de de Gaulle, car celui-ci aurait été avec son référendum sur la « participation » un tenant du « socialisme français du XIXe siècle ». Il dit également que :

« Ma filiation est simple : c’est la gauche proudhonienne antimarxiste. »

Voilà les capitalistes rassurés. Et dans son article se fondant prétendument sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Michel Onfray souligne bien qu’il défend la propriété, qui d’ailleurs selon lui :

« se trouve mise à mal avec une fiscalité qui pèse plus lourdement sur les pauvres et les classes moyennes, notamment via les taxes indirectes, que sur les riches véritables qui disposent des montages financiers de l’optimisation fiscale, des banques en Suisse et des paradis fiscaux. »

Et comme son but est de mobiliser le peuple sur une base patriotique contre une « oligarchie », en faisant en sorte que le capitalisme ne soit surtout pas touché, il porte comme programme :

« la propriété sans le monopole »

Il suffit de lire n’importe quelle prose d’extrême-Droite – celle fasciste au sens strict – pour retrouver exactement le même discours. C’est le mot d’ordre « ni trusts ni soviets », avec les monopoles qui seraient « financiers » et parasiteraient le pays réel. Il faudrait l’unité nationale contre les parasites. C’est le mot d’ordre « ni droite, ni gauche : en avant ! » de Doriot et d’ailleurs l’article de Michel Onfray se termine par :

« Voilà qui n’est ni rouge, ni brun , mais tricolore. »

Dans les faits, Michel Onfray, c’est La France insoumise au carré. C’est La France insoumise sans la prétention à être « alternatif » dans ses propositions. La France insoumise a même fini son rôle historique, elle a participé à la démolition de la Gauche historique et Jean-Luc Mélenchon va céder la place à des populistes comme Michel Onfray et François Ruffin, qui dénoncent les riches mais ne veulent surtout pas toucher au capitalisme, et convergent avec l’affirmation du Fascisme dont ils relèvent en bonne partie déjà.

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Décès de Bernard Stiegler, philosophe idéaliste de la gauche post-moderne

Le parcours de Bernard Stiegler est exemplaire d’une faillite historique de la Gauche.

Bernard Stiegler aurait été philosophe. Là où cela pose problème, c’est qu’on sait que pour être « philosophe », il faut avoir un certain goût de l’envergure. Mai 68 a ainsi produit de nombreux philosophes de gauche et qu’on les aime ou pas, ils voyaient les choses en grand. Michel Foucault et Alain Badiou disaient le contraire après 1968, mais enfin ils proposaient quelque chose de large, de grand, de dense.

Bernard Stiegler, lui, a fait comme Jean-Claude Michéa : il a rejoint le PCF juste après 1968. Il faut se rappeler ce qu’est le PCF alors : une organisation d’envergure, avec une base populaire immense… mais qui s’oppose radicalement à mai 1968, cherche à casser la tête aux « gauchistes » et prône le soutien aux institutions, notamment avec la CGT.

C’est déjà mal parti et Bernard Stiegler, s’ennuyant, quitte le PCF en 1976 en raison du « stalinisme imposé par Georges Marchais ». Ce qui n’a aucun sens, car justement Georges Marchais supprime le concept de dictature du prolétariat et lance le processus d’accord avec le Parti socialiste, amenant le gouvernement du programme commun en 1981. Bernard Stiegler cependant ne devait pas y saisir grand-chose puisqu’il a ouvert un bistrot musical à Toulouse et que face aux découverts, il s’est mis à braquer des banques.

Il est arrêté, fait cinq ans de prison et à sa sortie passe sous la coupe du philosophe postmoderne Jacques Derrida, faisant une carrière au sein du Collège international de philosophie, pour ensuite devenir un haut cadre de la culture, comme en étant directeur de l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM), responsable du développement culturel du centre Pompidou à Paris, etc., etc.

Et la Gauche dans tout cela, car Bernard Stiegler est toujours présenté comme de gauche ? Eh bien, il n’y a rien à part un discours sur la technique. Représentant les thèses du national-socialiste Heidegger, Bernard Stiegler fait de l’être humain un accident du développement de la nature qui fait face à la « technique » comme une menace l’amenant à des catastrophes possibles.

Suivant même l’approche nietzschéenne de Heidegger, Bernard Stiegler prônait un idéal européen pour remotiver l’humanité et « réinventer » le monde, afin de retrouver le « savoir-faire » et le « savoir-vivre ».

Qui connaît l’histoire des idées sait qu’on a là une vision « post-consumériste » et « post-industrialisation », pour reprendre les termes de la démarche de Bernard Stiegler, qui correspond à la revue Esprit des années 1930, avec Emmanuel Mounier et le « personnalisme », bref ce fascisme français spiritualiste anti-production anti-technique, partisan du retour à la « vérité », etc.

C’est la même idéologique que les zadistes, les décroissants et Julien Coupat ; ce n’est pas quelque chose relevant du mouvement ouvrier et de la Gauche, mais bien plutôt une philosophie pré-fasciste ou fascistoïde, voire fasciste au sens historique authentique. Le fascisme, ce n’est en effet nullement le racisme et la dictature comme le pensent sommairement les anarchistes, mais une « révolte contre la vie moderne » avec un idéalisme censé « transcender » une réalité quotidienne mièvre et fausse.

C’est quelque chose de totalement faux, tout en étant justement terriblement compliqué à formuler intellectuellement ; un dessinateur comme Marsault, qui dénonce le « monde moderne », n’y parvient par exemple pas.

Les luttes de classe sont en fait trop fortes, et aussi la lutte des places ; même des idéalistes cherchant un monde post-consommation sont freinés dans leur élan, comme justement Bernard Stiegler qui dénonce les injustices sociales parce qu’il se veut révolter… tout en étant membre du think tank de la SNCF.

Avec la crise, par contre, ces idéalistes vont se lâcher et Michel Onfray est l’exemple même de l’intellectuel de « gauche » assumant un discours « national-social » en proposant une voie qui est, clairement, celle du fascisme.

Les gens comme Bernard Stiegler n’auront ainsi, vu a posteriori, fait que contribuer à l’asséchement de la Gauche, à la négation du mouvement ouvrier. Il a fait partie de cette vaste couche d’intellectuels de « gauche » qui, à l’instar de Philippe Frémeaux de la revue Alternatives économiques, n’ont cherché qu’à pourrir la Gauche de l’intérieur.

 

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Le gouvernement Jean Castex à la rescousse d’Alain Soral

L’État français a accordé une aura formidable à Alain Soral en l’interpellant pour menace aux intérêts de la nation, alors que son mouvement décrochait et qu’il y avait déjà ce qu’il suffisait pour l’embastiller.

Alain Soral a un parcours en trois temps. D’abord c’est un branché, qui traite des milieux parisiens et de la drague. Ensuite, c’est un intellectuel qui se veut post-marxiste et propose d’assumer une morale de droite dans la défense du « travail ». Enfin, c’est un activiste proposant une lecture national-socialiste du monde, avec la diffusion de toute la littérature qui va avec.

Alain Soral a obtenu d’énormes succès d’édition, notamment avec « Comprendre l’empire » et il a eu son heure de gloire au moment de la « quenelle » de l’humoriste Dieudonné. L’antisémitisme a permis aux deux agitateurs-provocateurs de disposer d’une vraie base. Ils n’ont cependant rien su en faire.

On a en effet un vrai bric-à-brac, Alain Soral se revendiquant maintenant de Julius Evola, un racialiste italien d’esprit aristocratique, ce qui ne correspond en rien à l’idée d’une « réconciliation » nationale au-delà de la couleur de peau des Français. Si on ajoute à cela la vulgarité proverbiale d’Alain Soral, son style provocateur totalement à rebours de l’approche française… cela ne pouvait que s’enliser. Son mouvement Égalité & Réconciliation était ainsi en perte de vitesse et un magnifique contre-exemple.

En effet, avoir diffusé l’antisémitisme en disant que les Juifs seraient la cause de tous les maux, alors que le Covid-19 montre l’ampleur du problème écologique et qu’on va à une guerre de repartage sino-américaine… C’est pour le moins absurde et c’est très clairement absurde.

Alain Soral a d’ailleurs dû être en secret très content de la fermeture de ses chaînes sur Youtube début juillet. Quant à une arrestation de 48 heures fin juillet, pour « provocation aux crimes et délits portant atteinte aux intérêts de la nation », il a dû sortir le champagne. Surtout qu’il est ressorti libre !

Ce qui va lui permettre, même si on est au creux de l’été, de mobiliser ses troupes, de se présenter comme le seul vrai « révolutionnaire ». Si la loi française avait réellement été appliquée, cela fait longtemps qu’il serait en prison. On applique la loi Gayssot et on envoie ce type aux oubliettes.

Cependant on sait comment le capitalisme adore les provocateurs du genre d’Alain Soral, qui proposent des voies de garage, qui cherchent à dévier la colère du peuple. Les associations juives qui se sont réjouies de l’arrestation d’Alain Soral feraient malheureusement mieux de se préparer au contraire à une énorme vague d’antisémitisme qui va profiter de l’aura que celui-ci a obtenu avec cette affaire. Alain Soral est clairement réactivé par le régime. Il est remis en selle afin de diffuser son poison et de faire des Juifs le paratonnerre de la colère populaire.

Ce n’est pas tout. En collant sur le dos d’Alain Soral une « provocation aux crimes et délits portant atteinte aux intérêts de la nation », le gouvernement introduit cette forme très rare dans la banalité de la répression. On en a déjà entendu parler au moment des gilets jaunes, mais ce n’était guère sérieux. On parle en effet du principe de violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la République. C’est quelque chose de bien particulier mais là on est dans une démarche assumée de la part du gouvernement de faire en sorte de le généraliser.

Alain Soral a servi ici également de marche-pied à la répression future, car on peut évidemment s’attendre à d’autres accusations du même genre. Surtout qu’il y a le coup du « non suivi d’effet ». Avec une telle expression juridique, on peut justifier tout et n’importe quoi. Une ligne comme quoi il faut un soulèvement populaire pour renverser le régime, ce qu’on va trouver sur tout site d’extrême-Gauche… et on pourra faire l’accusation de « provocation aux crimes et délits portant atteinte aux intérêts de la nation ».

Alain Soral sert ici sur tous les tableaux. Il pousse à la division des masses et ses provocations servent à préparer le terrain à la répression. C’est précisément à cela qu’on reconnaît qu’il relève du fascisme.

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Statue de Colbert: la provocation fasciste de la «Brigade antinégrophobie»

En taguant « négrophobie d’État » sur le socle de la statue de Jean-Baptiste Colbert devant l’Assemblée nationale et en la maculant de peinture rouge, la « Brigade antinégrophobie » sert de provocateur fasciste afin de détourner l’attention de la crise, alors que d’intenses luttes de classe se profilent.

Le capitalisme américain se casse la figure et on en a un reflet déformé, malsain, en France. Loin de représenter une africanité passée, les « anti-négrophobie » sont à la pointe de la modernité ethno-différentialiste, avec d’ailleurs une prétendue ethnie « noire » aussi absurde que le concept de « blanc ».

Les « anti-négrophobie » argument que Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, est à l’initiative de l’édit de mars 1685 pour la police des îles françaises d’Amérique, surnommé vulgairement le « code noir », qui précise le statut des esclaves dans les colonies françaises. Cependant, résumer Colbert à cela n’a strictement aucun sens, et d’ailleurs le colonialisme est propre à une époque, pas à une personne.

Il suffit de lire le début de l’édit :

« LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À tous, présents et à venir, SALUT. Comme nous devons également nos soins à tous les Peuples que la Divine Providence a mis sous notre obéissance, Nous avons bien voulu faire examiner en notre présence les mémoires qui nous ont été envoyés par nos Officiers de nos Îles de l’Amérique […] pour y maintenir la discipline de l’Église catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l’état et la qualité des esclaves dans nos dites îles […] ».

On a un roi nommé par Dieu, qui possède des territoires et à qui tout le monde doit la soumission : c’est la monarchie absolue. Mais les « anti-négrophobie » ne sont pas là pour saisir cette question historique, ils sont là pour mettre de l’huile pour le feu.

Le comité « justice pour Adama » et la mouvance des « Indigènes de la République » en général, ont cherché avec un certain succès à surfer sur l’affaire George Floyd aux États-Unis. Maintenant que tout cela se tasse grosso modo, ils viennent en rajouter dans le chantage émotionnel.

Leur but est subjectivement de dénoncer la « négrophobie », terme ne voulant rien dire dans un pays comme la France dont la capitale est Paris. Objectivement, il s’agit de provocateurs fascistes cherchant à détourner l’attention des conditions concrètes de l’économie et du grand conflit entre les classes qui se profilent.

La « Brigade antinégrophobie » converge avec les voix qui veulent un retour à la normale, qui veulent qu’on oublie que le Covid-19 est encore là, qu’il procède d’une crise écologiste, que l’économie capitaliste va connaître une crise sans précédent.

Le but est de parler de la « lutte des races » et non de la lutte des classes, de diviser les travailleurs en faisant de questions secondaires une question principale, une obsession. Cette manière de faire jouer la couleur de peau alors qu’il faut l’unité populaire face aux restructurations capitalistes à venir rend évident le rôle politique de cette affaire. On est en train de perdre un temps fou avec ces histoires, au lieu de préparer un affrontement d’une grande brutalité qui commence à s’installer.

Il ne s’agit pas tant de considérer que la « Brigade antinégrophobie » intéresse les gens. Cependant, elle attire l’attention, elle la détourne, elle parvient relativement à faire oublier la réelle actualité, alors que déjà le Medef dit que l’économie repart. On va en réalité dans le mur et il va falloir payer la casse. Soit ce sont les bourgeois qui payent, soit ce sont les couches populaires.

La « Brigade antinégrophobie » est, avec un tel arrière-plan, clairement une partie du problème, pas une partie de la solution. C’est un outil du capitalisme pour prétendre tout changer en ne changeant rien. C’est « Babylone » cherchant à maintenir le mode de vie destructeur, c’est l’auto-défense d’un système à l’agonie.

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Michel Onfray dans le Figaro pour une «troisième voie»

Dénonçant la gauche postmoderne tout en attaquant la Gauche historique, Michel Onfray se place pour devenir un théoricien relevant de l’extrême-Droite au sens strict.

Michel Onfray a publié dans Le Figaro une sorte de petit « manifeste » : « La Gauche acéphale ». C’est un pas de plus de sa part vers un engagement politique avec une ambition extrême. De fait, il formule une thèse assez simple, malgré tout un saupoudrage de références diverses et variées digne d’Eric Zemmour.

Ce que dit Michel Onfray, pas en ces termes mais c’est pareil, c’est qu’auparavant il y avait la Gauche historique et que désormais il y a la « gauche » postmoderne. Les deux ont failli, il faut donc une troisième voie.

Cette troisième voie a déjà un nom : le Fascisme, mais Michel Onfray n’assume pas encore, bien que le contenu de sa future revue « Front populaire » va être toujours plus clair, surtout avec la propagation de la crise.

Surtout que, inévitablement, la Gauche historique va revenir en force. Michel Onfray fait fonction ici d’obstacle à cela. C’est pour cela que Le Figaro présente ce petit écrit comme un « texte lumineux ».

Voici comment Michel Onfray dénonce la Gauche historique, celle de la lutte des classes :

« Il y eut une guerre franco-allemande perdue par la France dont on ne parle pas: c’est celle qui a opposé l’idéaliste Marx au pragmatique Proudhon.

Marx a bien sûr gagné ce combat. Il eut un allié de poids avec Lénine puis Staline, qui ont appliqué la théorie communiste sur une grande partie de l’Europe. Je sais que les dévots du concept estiment que le goulag n’était pas chez Marx, mais la légitimation de la violence s’y trouve. Or, le goulag n’est jamais que l’une des formes prises par cette violence. »

Puis vient mai 1968 et une victoire, selon Michel Onfray, de la gauche postmoderne. C’est tout à fait erroné, car en réalité ce qui suit mai 1968, c’est une frange de la Gauche historique passant dans la violence et ébranlant plusieurs pays : l’Italie, l’Allemagne de l’Ouest, la France, le Japon, les États-Unis.

Toutefois Michel Onfray est un intellectuel et son horizon se réduit aux intellectuels. Comme le structuralisme l’emporte dans les universités, alors il n’y a que cela qui existe. Il est dénoncé en les termes suivants :

« Le structuralisme annonce, avec force démonstrations obscures, qu’il existerait des structures invisibles, indicibles, ineffables qui gouverneraient tout ce qui est! Exit l’Histoire, vive le règne des Idées pures (…).

Elle [= la gauche française après 1991] a donc tourné son regard vers l’ouest et, fascinée par les campus américains, elle a demandé du contenu idéologique aux néostructuralistes qui avaient dépassé le marxisme dogmatique au profit du gauchisme culturel (…) [qui] critique, entre autres: la raison occidentale, la possibilité d’une vérité, le «phallogocentrisme» pour utiliser le concept de Derrida qui dénonce ainsi le pouvoir des discours du mâle blanc occidental, les processus démocratiques du débat et de la décision, la séparation des sexes, l’écriture de l’Histoire par les Occidentaux.

En même temps, elle adoube les marges comme des centres: les homosexuels, les transgenres, les femmes, les Noirs et les Maghrébins, les immigrés, les musulmans, mais aussi, ce sont les sujets de prédilection de Foucault, les prisonniers, les fous, les hermaphrodites, les criminels, sinon, ce sont là les héros de Deleuze, les drogués ou les schizophrènes. »

Michel Onfray en conclut que :

« La gauche marxiste monolithique, perdue après la mort de Marx et de son empire, a laissé place à une gauche moléculaire. La première visait l’universalisation de sa révolution ; la seconde, la généralisation du communautarisme. L’ancienne faisait peur au capital, la seconde le réjouit. »

Il y a ici une allusion très précise. Le terme « moléculaire » est une allusion au principe de « révolution moléculaire » de Félix Guattari, l’auteur avec Gilles Deleuze de « Mille plateaux ». Ces deux auteurs sont des figures majeures du courant « désirant », dont Julien Coupat et « l’insurrection qui vient » sont grosso modo des représentants.

Ce courant « désirant », si puissant il y a peu de temps encore, a d’ailleurs laissé sa place à l’activisme postmoderne, tout comme justement le structuralisme a cédé la placé au post-structuralisme base de l’idéologie postmoderne.

Il y a des nuances et différences entre les deux, mais Michel Onfray s’en moque (ou ne saisit pas que ce n’est pas la même chose), avec raison somme toute puisque les deux sont assimilables, et en conclut… non pas qu’il faille un retour à la Gauche historique, mais une réaffirmation de Proudhon. Par « acéphale », faut-il voir une allusion à Georges Bataille, philosophe mystico-désirant ? Peut-être pas mais le problème est facile à comprendre : les tenants de Proudhon sont éclectiques et assument.

C’est le propre du style fasciste. Michel Onfray aborde les choses de la même manière et on voit mal comment il ne pourra pas toujours plus se révéler un pion au service du Fascisme… Même s’il espère en devenir le roi.

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Décès de l’historien Zeev Sternhell

Zeev Sternhell (1935-2020) a été un historien assez connu en France, à défaut d’être reconnu. La raison est que cet Israélien a considéré que le Fascisme en tant qu’idéologie puise dans la « droite révolutionnaire » française du XIXe siècle. Les historiens français considèrent au contraire que la France est historiquement imperméable au Fascisme.

Jeune Juif polonais fuyant les persécutions nazies, Zeev Sternhell passa plusieurs années en France avant de rejoindre Israël en 1951. Cela explique son tropisme français et ses œuvres ayant provoqué une vive polémique dans les milieux intellectuels français : Maurice Barrès et le nationalisme français ; La Droite révolutionnaire, 1885-1914 : les origines françaises du fascisme ; Ni droite ni gauche : l’idéologie fasciste en France.

La problématique est la même que chez Bernard-Henri Lévy avec L’Idéologie française. Tant Lévy que Sternhell, tous deux Juifs, disent que l’idéologie du régime de Vichy ne tombe pas du ciel mais qu’il existe bien une tradition fasciste spécifiquement française, d’orientation spiritualiste et vitaliste, consistant en une Droite à prétention conservatrice « révolutionnaire ».

Tous deux se sont fait écharpés par le milieu universitaire français : on ne touche pas si aisément à Barrès, Péguy, Bergson, ces monstres sacrés, ces idoles du fond français régionaliste, paysagiste, décentralisateur, tourné vers le spirituel, célébrant le culte des ancêtres, adepte du terroir.

On avait ici le fond d’une véritable critique des mentalités, une chose que la Gauche de notre pays n’a jamais fait, au contraire notamment de la Gauche allemande, italienne, autrichienne, russe… qui a souvent voire toujours porté son attention sur les mœurs, les comportements, les attitudes, etc.

Tant Bernard-Henri Lévy que Zeev Sternhell reprenaient d’ailleurs, en fin de compte, la critique marxiste d’une France de gauche pétrifiée dans le syndicalisme et farouchement anti-intellectuelle, au point de converger avec l’extrême-Droite.

Ils l’ont cependant abandonné. Bernard-Henri Lévy, d’une famille richissime, a choisi d’abandonner toute prétention intellectuelle pour jouer au « nouveau philosophe » à travers des Essais et vivre une vie dans l’opulence. Zeev Sternhell a lui mené une carrière dans la Gauche israélienne, notamment avec Shalom Archav (La Paix Maintenant), cherchant à faire revivre un sionisme de gauche bien spécifique aux années 1930-1960.

C’est que Zeev Sternhell, comme Bernard-Henri Lévy, était un intellectuel pour qui l’histoire, c’était l’histoire des idées. Tous deux pensaient que si une idéologie était démolie dans un ouvrage, alors elle le serait concrètement sur le terrain matériel. Il s’agit concrètement d’hégéliens de gauche cherchant à faire avancer l’histoire au moyen d’une dynamique des idées.

Chez Zeev Sternhell, les idées ont leur propre vie : elles avancent toutes seules, elles reculent toutes seules, et elles envoûtent les gens – ou pas.

Ce qui est assez flagrant, par exemple, est qu’on lit toujours au sujet de Zeev Sternhell qu’il aurait le premier dit qu’il aurait existé un Fascisme français. Or, la Gauche historique l’a dit bien avant lui et il y a même eu… le Front populaire. Mais ni les partisans ni les détracteurs de Zeev Sternhell n’abordent cette question, ni même Zeev Sternhell. On est dans le monde des idées, dans un idéalisme universitaire tout à fait traditionnel, entièrement extérieur au mouvement ouvrier. Le Fascisme comme réalité concrète, Zeev Sternhell ne l’aborde pas.

Il aura d’ailleurs fallu attendre 2019 pour qu’il aborde les Croix de Feu, et encore sous sa direction seulement. C’est là trois années après un un dossier maoïste à ce sujet, qu’il a forcément vu, ce qui le place à la remorque dans l’analyse. Il rate pareillement totalement des figures comme Bernanos ou Drieu La Rochelle, ce qui est pour le coup ridicule quand on se propose de parler du Fascisme en France.

C’est que là est le problème de fond : une analyse de l’extérieur permet un regard critique plus incisif, ce qui aide beaucoup. L’ensemble des dirigeants de l’extrême-Gauche en 1968 était d’origine juive, à peu de choses près. Cependant, si ce n’est pas aligné sur un mouvement historique réel, on passe dans des idées qui deviennent des abstractions. Cela donne alors un Daniel Cohn-Bendit beauf et conformiste, à l’opposé du contestataire de mai 1968.

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Le 13 juin 2020: les identitaires contre les identitaires

La journée du 13 juin aura été très riche en expressions de la folie identitaire, sur un mode ethnique ou racialiste : la France est bien totalement à côté de la plaque historiquement.

La mort de Georges Floyd aux États-Unis était un prétexte en or pour le collectif « la vérité pour Adama » pour faire passer son message en surfant sur l’émotion démocratique quant à la situation outre-Atlantique. C’était une moyen de mettre en avant sa propre conception identitaire-communautaire de la société française.

La première fois, le 2 juin, cela a marché : il y a eu 20 000 personnes. Cela a provoqué un battage médiatique énorme, c’était l’actualité du moment pendant plusieurs jours. Toute la Gauche a appelé pratiquement au nouveau rassemblement, le samedi 13 juin 2020, place de la République à Paris (et dans quelques autres villes).

Mais comme c’est hors-sol : ce fut le fiasco. On a le même nombre de gens, pour la même population, celle qui ne fait pas rêver la population justement, car les vieux post-extrême-gauche et les jeunes post-modernes, cela ne parle à personne.

En fait, c’est inexact : cela parle à leurs équivalents inversés. Des militants du groupe d’extrême-Droite « Génération identitaire » ont en effet déployé une grande banderole depuis le toit d’un immeuble, juste au-dessus du rassemblement parisien (puisque le préfet a exigé qu’il n’y ait pas de départ en manifestation).

Impossible pour les « identitaires » de rater cela, puisqu’ils fonctionnent justement en polarisant et avec le même discours, mais inversé. D’où la banderole consistant en un miroir des slogans de la manifestation :

« Justice pour les victimes du racisme anti-blanc #whitelivesmatter »

Les habitants aux fenêtres ont commencé à découper la banderole et une jeune habitué des actions dangereuses acrobatiques ou étranges voire douteuses dans le décor urbain parisien (comme ici, ou ) a grimpé sur le toit pour protester puis finalement s’interposer entre les identitaires et d’autres gens venant en découdre.

Et tout cela alors que la France connaît sa plus grande crise économique depuis 1945, et peut-être même de son histoire avec ses ramifications dans tous ses domaines. Surréaliste. Ou plutôt terriblement réel : la France aime perdre son temps et regarde quelques comédiens, peu nombreux, faire leur théâtre. Cela passe le temps.

Quant à la trame, elle puise dans les incohérences du libéralisme. Le hasard historique veut que le même jour décédait Jean Raspail. Cet auteur, de tradition catholique – conservatrice, avait écrit un roman brutal en 1973, Le camp des Saints. Il y racontait comme des hordes de réfugiés se précipitaient en France et que la « gauche » trahissait en les accueillant à bras ouverts, alors que le pays sombrait finalement sous cette invasion barbare des temps modernes.

C’est très exactement la thèse du « grand remplacement » du dandy décadent Renaud Camus ou, dans un style éminemment mieux écrit, du Rivage des Syrtes du dandy élitiste Julien Gracq.

Si elle a un succès désormais, c’est que le racisme ne peut plus marcher dans notre société, c’est une valeur périmée. Qu’il y ait des racistes, c’est un fait, mais le phénomène s’éteint, s’effaçant devant la mondialisation et le métissage. C’est tellement du passé que la « nouvelle droite » française des années 1980 a développé l’ethno-différentialisme, dont les identitaires sont le prolongement. Ils n’ont toutefois guère de succès réel, car ils en reviennent inlassablement à un racisme primaire qui est totalement déconnecté de la réalité française, à part dans certains secteurs arriérés.

Si l’on regarde bien d’ailleurs, le collectif « la vérité pour Adama » et les Indigènes de la République en sont le simple miroir et eux-mêmes ne touchent que des secteurs arriérés. On dit que l’antisémitisme est le socialisme des imbéciles, mais il en va de même pour toute cette démarche identitaire-communautariste.

On se veut « rassuré » parmi les siens. On a d’ailleurs un groupe de quelques personnes qui a mené une opération le même jour au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, arrachant de son socle un poteau funéraire Bari, une tribu entre le Tchad et le Soudan l’ayant réalisé au 19e siècle. Avec, évidemment, l’idée de le ramener « chez lui », un chez lui ethno-différentialiste fantasmé digne du film hollywoodien de 2018 Black Panther, où les « Noirs » sont définis comme tribaux voire claniques, patriarcaux, ayant le rythme dans la peau, physiquement puissants, aimant les tags, etc. etc.

Certains demanderont alors, avec justesse : pourquoi ces gens existent-ils, pourquoi ont-ils un écho ? Il suffit pour cela de regarder le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac lui-même. Ce musée est un scandale intellectuel, sa base intellectuelle est précisément ethno-différentialiste, avec une lecture digne du national-socialisme : chaque ethnie a son âme unique, sa vision du monde particulière, sa différence irréductible, etc. Il n’y manque que les photographies « ethniques » de Leni Riefenstahl, la cinéaste des grands films nazis, sur les communautés africaines Noubas.

Et si ce musée est comme cela, c’est parce qu’il a adopté le point de vue relativiste ethno-culturel diffusé par la France dans la droite ligne de Claude Levi-Strauss. C’est d’ailleurs au nom de « l’universalisme républicain » que Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, a publié le même jour une tribune dans Le Monde, pour réclamer… la mise en place de statistiques ethniques.

Seulement, en période de crise, ce qui était avant présenté comme une « ouverture à l’autre » se transforme chez certains en outil de sécession.

On s’en souviendra donc, du 13 juin 2020, avec ces identitaires contre les identitaires, et des Français ne tombant pas dans le panneau. Ils préfèrent les anti-racistes qui se trompent que des racistes ne se trompant pas. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils vont accorder de la valeur aux propos totalement hors-sol d’Assa Traoré lors du rassemblement, comme quoi la question du racisme était « enfin » prise en compte en France.

C’est l’avantage d’avoir une solide base démocratique : accorder de l’attention aux questions importantes, les Français savent encore le faire. Sombrer dans une vision du monde paranoïaque, ils ont mieux à faire.

Après, du point de vue de la Gauche, tout cela est un contre-feu terrible servant le capitalisme alors qu’on affronte une crise d’envergure énorme. On perd du temps, on perd de l’attention, on va le payer cher.

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Un triste exemple de comment quelqu’un comme Damien Rieu a un boulevard

Damien Rieu est un propagandiste très actif sur internet ; figure des identitaires, il est désormais assistant parlementaire du député européen Philippe Olivier, élu sur la liste du Rassemblement national. Le succès du rassemblement du Collectif La Vérité Pour Adama et son soutien quasi unanime à Gauche depuis le départ est pour lui une incroyable aubaine. En un tweet, il peut agir en démolisseur.

En niant les ouvriers et en niant la bataille collective au profit des acquis individuels, la « gauche » postmoderne est passé dans le camp du libéralisme et du populisme, avec un soutien massif au communautarisme. La société serait en effet une bourse où des idées s’affrontent médiatiquement pour acquérir une certaine hégémonie.

C’est la négation complète de la lutte des classes et il est aisé pour la démagogie d’extrême-Droite d’intervenir alors et de rappeler la réalité sociale. Il n’est ici même pas besoin de transformer les faits, comme c’est si souvent le cas. La « gauche » postmoderne est tellement sur une autre planète qu’il suffit de raconter. Quand en plus la famille d’Adama Traoré refuse de rencontrer la garde des sceaux hier, alors qu’elle a accepté par contre de rencontrer le président du Mali, on est là pratiquement dans un feuilleton dans lequel le scénariste a prévu de faire gagner l’extrême-Droite à la fin.

Notons bien que la réalité a un tout autre scénario, puisque le cœur de la réalité c’est la crise sanitaire et son impact économique (et inversement si on pense que la destruction de la nature par l’économie capitaliste est la cause du problème). Mais apparemment, cela n’intéresse pas grand monde, tout le monde étant très content de reprendre tout comme avant.

Que ce soit le cas pour le Collectif La Vérité Pour Adama, c’est cohérent, puisqu’on est dans une démarche directement parallèle ou convergente avec les « Indigènes de la République ». Que ce soit le cas pour l’extrême-Droite, c’est tout à fait logique avec sa quête de détourner l’attention du réel.

Mais comment la Gauche a-t-elle pu décrocher au point de ne pas voir que l’actualité, c’est la crise, que tout le reste n’est qu’opérations pour détourner l’attention de l’impact terrible qu’elle va avoir ?

Et comment des gens se voulant de Gauche ont-ils pu cesser tout regard critique au point de se mettre à la remorque d’une initiative comme le Collectif La Vérité Pour Adama, dont les définitions politiques, sociales, culturelles, idéologiques… n’ont rien à voir avec elle ?

Et comment ne pas voir que cette focalisation sur la police est typique de l’anarchisme, de l’esprit petit-bourgeois qui dénonce l’État mais en même temps ne le dénonce pas ?

Imaginons que les policiers soient aux ordres du capitalisme. Cela change-t-il qu’ils ne sont, au mieux ou au pire, qu’un aspect secondaire de la question fondamentale ? C’est là même une question réglée par le mouvement ouvrier il y a plus de cent ans ! Et on en revient à un tel niveau d’immédiatisme !

La vérité, c’est que toute ce bruit occupe un espace qui devrait avoir comme actualité la crise sanitaire, la crise économique, le rapport à la nature en général, le sort des animaux dans le monde en particulier. Et on a rien de cela, car tout est fait pour se tourner vers des courants identitaires, des mouvements protestataires de type « sociétal », des démarches ne touchant absolument jamais ni au capitalisme, ni aux couches dominantes.

Et les gagnants d’un tel cul-de-sac, ce sont les gens comme Damien Rieu avec leur proposition d’un « réalisme » d’extrême-Droite, qui est le masque de la militarisation et d’une pression anti-populaire maximale.

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Attaques de groupes violents d’extrême-Droite à Paris et Chambéry

Exactement sept ans après la mort de Clément Méric, l’extrême-Droite a mené des opérations de casse à Paris et Chambéry afin d’œuvrer dans le sens de la provocation. C’est son rôle que de chercher à produire une fausse actualité alors que la crise s’accentue.

La frange violente de l’extrême-Droite a mené plusieurs attaques le même jour. À Chambéry ce sont les locaux du PCF ainsi que l’espace autogéré L’insolente qui ont été victimes de dégradations. On est ici dans une expression « offensive », car la région dispose de très solides réseaux violents historiquement. C’est un coup de pression visant à maintenir tout un rapport de force.

 

 

À Paris on a été dans une expression « défensive », car en région parisienne l’extrême-Droite a beaucoup de mal et ne s’est pratiquement jamais relevé de la grande offensive du SCALP des années 1980, ainsi que des « chasseurs de skins » et des « redskins ». Le propriétaire du bar attaqué est d’ailleurs un « redskins » historique des années 1980, entre-temps devenu biker après avoir été une figure du syndicat syndicaliste-révolutionnaire CNT.

Le « Saint-Sauveur » est au cœur de Belleville, au cœur du dernier quartier parisien encore largement marqué par une culture de gauche en général et un esprit contestataire parisien « à l’ancienne ». Voici le communiqué du bar.

Le groupe d’extrême-Droite qui a attaqué est tout à fait représentatif de ce qui a émergé ces dernières années à la marge du Rassemblement National. Il s’agit d’une mouvance violente et provocatrice, puisant dans le style « casual » (c’est-à-dire post-hooligan) pour un mélange de nationalisme et de virilisme.

Si l’approche s’imagine être celle du Fascisme italien, on est bien plutôt dans le style espagnol des années 1930 : ultra-minoritaire, à l’ombre d’une extrême-Droite avec une large base et d’autant plus ultra-provocateur, limitation de la démarche au style et au nationalisme anti « système ». Le communiqué du groupe est tout à fait représentatif de la démarche.

Ces groupes accordent une attention précise à leur démarche provocatrice. Ainsi, il y a tout un jeu du chat et de la souris avec les « antifas » ; en l’occurrence, la photographie des « zouaves » après leur attaque a été prise derrière la porte d’Auteuil, dans un endroit isolé où ont coutume de se rejoindre les « ultras » du Paris Saint-Germain.

C’est tout un jeu malsain pour attirer l’attention, avec une copie des styles, des looks, des iconographies, du type d’action, etc. Il s’agit de semer la confusion, de focaliser les attentions, afin d’empêcher qu’on puisse s’orienter et que des méthodes qui n’ont rien à voir avec celles du mouvement ouvrier ou de l’antifascisme historique se diffusent. Un exemple connu est que la police d’écriture historique des fascistes italiens des années 1970 est désormais couramment employée par des « antifas », ce qui se veut une « récupération », mais est en réalité une acculturation.

Le nom du bar attaqué, le Saint Sauveur, provient également d’une chanson du groupe La Souris Déglinguée qui s’est placée historiquement exactement entre les deux fronts, avec une énorme ambiguïté (pas raciste mais d’esprit soldat perdu, nationalisme et anti-communisme mais dans un esprit rocker tourné vers le punk, affirmation de la révolte de la jeunesse, etc.), se résolvant naturellement parfois brutalement dans le public de leurs concerts.

Le but des fascistes est, on l’aura compris, de contribuer à la déformation du contenu de la Gauche, à exciter les attentions et à monopoliser les esprits. C’est tout à fait flagrant alors qu’une crise sans précédent touche la France et va avoir des conséquences immenses.

Le communiqué diffusé par le média d’extrême-Droite « Ouest Casual » souligne également cet aspect, avec un calcul particulièrement intelligent. Il est en effet appelé à être encore plus « radical », à s’opposer au « système ».

Il est joué sur la fierté, sur l’honneur patriarcal, sur la « radicalité »… afin de pousser à la faute, à l’isolement social, au refus de l’Unité de la Gauche. Le communiqué vise autant à donner à l’extrême-Droite une image de « véritable » ennemi du « système » qu’à pousser ceux qui sont ses ennemis à se précipiter dans son piège d’une « course » à la « radicalité ».

Le communiqué est ici un cas d’école et tout à fait représentatif de quelle est l’approche des groupes violents d’extrême-Droite qui, on l’aura compris, cherchent à former une nouvelle vague.

« La descente des Zouaves Paris en plein Ménilmontant a été un vrai moment de plaisir pour tout esprit éclairé qui ne peut pas encadrer la mouvance antifasciste, à juste titre. Au-delà du beau coup de pression qui leur a été mis dans la gueule, cette attaque a dévoilé au grand jour les contradictions et le ridicule idéologique dans lesquels baignent les antifas.
 
On a ainsi pu voir le Vice-président du Sénat se pointer au Saint-Sauveur pour « témoigner de sa solidarité », Jean-Luc Mélenchon partager le statut du leader de L’AFA Marseille prenant parti pour ses copains parisiens, le député LFI Éric Coquerel dénoncer les « fassistes » (sic), et toute une traînée d’autres mange-merdes, députés, élus municipaux, conseillers d’Anne-Hidalgo se répandre en discours larmoyants.
Il y a franchement de quoi ricaner quand on assiste aux déballages de communication de l’Action Antifasciste Paris-Banlieue sur leur pseudo radicalité et leur soi-disant posture anti-système, qui ne trompe plus personne, hormis eux.
 
Cela rappelle curieusement les hommages gênants rendus à Clément Meric au lendemain de sa mort par toute une clique de politiciens, allant du NPA à l’UMP (on se souvient notamment de Nathalie Kosciusko-Morizet se pointant comme une fleur à la manifestation de l’AFA, ou des scènes du Premier Ministre et du Ministre de l’Intérieur, promettant de dissoudre autant de mouvements nationalistes que possible). Sans compter les litanies délirantes des medias dominants à la gloire de Méric, qui a claqué pour avoir pris la confiance face à plus fort que lui.
 
Un jeune bourgeois étudiant à Sciences-Po et ses potes bien blancs agressant un prolo nationaliste d’origine espagnole ? On croirait au début d’une blague, dont la suite est d’ailleurs franchement drôle.
 
On entend d’ici les antifas rétorquer qu’ils n’ont sucé personne pour avoir droit à toutes ces bienveillances politico-médiatiques. Peut-être. Mais on attend encore qu’ils envoient promener tous ces politiciens et ces journalistes complaisants si ce n’est complices, et qu’ils leur signifient que leur solidarité, ils n’en ont rien à carrer. À croire qu’ils trouvent la situation confortable.
 
Alors, malgré les communiqués pitoyables des antifas tentant de transformer une défaite en une semi-victoire, comme l’a si bien dit un de leur pote, « WALLAH LES ZOUAVES PARIS ILS ONT ENCULÉ LE SAINT-SAUVEUR ».
 
Heureusement, le Système est là pour leur mettre du baume sur le fondement, comme d’habitude. »

Il y a ici un piège complet et, malheureusement, on peut se douter qu’il y aura beaucoup de jeunes hommes tombant dedans, se précipitant dedans par méconnaissance, incompréhension (ou même refus) du mouvement ouvrier et des véritables enjeux qu’il y a en réalité.

Mais c’est qu’ici, il faut savoir distinguer l’antifascisme né du mouvement ouvrier (avec le Front populaire français ou l’Action antifasciste allemande des années 1930), des « antifas » des années 2010 qui sont une nouvelle variété d’anarchisme.

 

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Le renouvellement du souverainisme, expression de l’instabilité petite-bourgeoise

La crise sociale et économique accentue le déclassement d’une partie de la petite-bourgeoisie et de la partie stable de la classe ouvrière, l’aristocratie ouvrière. Dans ce contexte, on voit fleurir une idéologie bien spécifique à ces couches sociales comme quoi « le pays » serait sous tutelle d’une oligarchie mondialisée, appelant à une « unité des patriotes ».

En plein déconfinement, l’agitation des classes moyennes est forte, avec deux initiatives. D’un côté, on le « conseil national de la nouvelle résistance » lancée par Claude Alphandéry, et de l’autre la revue « front populaire » par Michel Onfray,.

Né en novembre 1922, Claude Alphandéry a un parcours typique de la bourgeoisie modernisatrice. Etudiant au prestigieux lycée du Parc à Lyon, il entre dans la résistance en automne 1941 puis dans la clandestinité autour des Mouvements unis de la Résistance dans la région de la Drôme-Ardèche, proche de la droite liée au Général de Gaulle.

A la sortie de la Guerre, étudiant à l’ENA, institution d’Etat créée sous le Front populaire, il entre logiquement au PCF, grand parti de la gauche gouvernementale. En tant que partisan de la modernisation sociale et culturelle, il se lie ensuite à la seconde gauche, et notamment au courant porté par Michel Rocard. Depuis les années 1980, il est lié à la Caisse des dépôts et consignations et revendique l’économie sociale et solidaire et un nouveau « new deal » dans une approche tout à fait conforme à celle de Benoit Hamon, grand héritier du courant rocardien.

Le CNNR doit ainsi sortir un manifeste le 27 mai, date symbolique choisie en référence à la fondation du CNR à la même date en 1943. On retrouve dans le « secrétariat », des figures du populisme de gauche, comme Gilles Perret ou Denis Robert (directeur de Média, proche des Insoumis).

D’un autre côté, on a donc la revue « Front populaire » lancée par Michel Onfray et qui annonce déjà réunir des figures comme Philippe De Villiers, Jean-Pierre Chevènement, Georges Kuzmanovic, Jacques Sapir. Florian Philippot s’est empressé de soutenir l’initiative, en appelant même un rassemblement après le 18 juin à Colombey-les-Deux-Églises…

On nage ici en plein délire de confusion. D’un côté on a une mise avant du « Front populaire » comme prétexte à l’union entre la gauche et la droite alors même que le Front populaire est né en 1934 de l’unité des bases antifascistes. De l’autre, on a une valorisation absurde du Conseil National de la Résistance, né en 1943 dans un compromis gaulliste-communiste alors que le pays était sous occupation ou sous tutelle du IIIe Reich.

En apparence différentes, ces deux initiatives relèvent en fait des mêmes couches sociales en déperdition qui tentent de lancer des initiatives en leur faveur, en appelant à des références historiques vidées de tout contenu, ne servant que comme prétexte au mythe mobilisateur. D’ailleurs, il est peu étonnant que tous soutiennent les gilets jaunes, comme caution à la mobilisation sociale…

La figure d’un Jean-Pierre Chevènement, participant à « Front populaire » en dit long sur cette similitude, lui qui appelait à voter Mélenchon en 2017 et qui était qualifié de « mentor » par Florian Philippot.

Ces variantes de souverainisme, plutôt à gauche ou plutôt à droite, sont toutes marquées par un fantasme d’une union des contraires, entre la droite et la gauche, et cherchant à contourner le Rassemblement national.

Ces initiatives cherchent ainsi à saper l’essor de la Gauche en vidant tout le contenu du patrimoine des luttes populaires. Seule la gauche assumant son héritage historique est capable de relancer une bataille démocratique court-circuitant ces courants confus.

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Crise sanitaire et réactivation du véritable fascisme français

Le fascisme est un romantisme réactionnaire ; il ne peut s’appuyer que sur des mentalités propres à un pays. En France, ce fascisme consiste en la nostalgie des campagnes à l’ancienne, d’une spiritualité non marquée par l’urbanisme, avec également la fascination pour le « paysage ». La crise sanitaire va puissamment le renforcer, donnant aux néo-zadistes un élan toujours plus franchement d’extrême-Droite.

Les zadistes ont été l’avant-garde du fascisme français et les gilets jaunes des proto-fascistes. Avec la crise sanitaire, toute cette accumulation romantique réactionnaire va être en mesure de se structurer. Elle l’aurait fait de toutes façons, mais là la nostalgie d’un passé idéalisé va être encore plus aisée à mettre en avant.

Le meilleur moyen pour saisir cela, c’est de se pencher sur le communiqué suite au Covid-19 d’Extinction Rébellion, cette escroquerie pseudo-activiste née dans le cadre de la médiatisation de Greta Thunberg.

Ces pseudos écolos ne sont pas seulement incapables de relier la crise sanitaire actuelle à l’écologie, ce que pourtant même 30 millions d’amis fait dans un excellent communiqué (C’est en altérant la vie sauvage que l’Homme accroît le risque d’épidémies). Rien qu’en voyant cela, on voit qu’Extinction Rébellion n’est qu’une escroquerie d’aventuriers petits-bourgeois malades du capitalisme.

Mais on sait également où mène l’aventurisme petite-bourgeois : au fascisme. Et lorsqu’on voit qu’il est parlé de « culture régénératrice », on voit qu’un cap est passé. Seuls des fascistes peuvent parler ainsi, peuvent penser ainsi.

Dans l’histoire des idées, seul le fascisme prétend régénérer. Le Socialisme affirme qu’il faut aller vers le futur, le libéralisme que le présent émancipe. Le fascisme place lui dans le passé la situation idéale qu’il s’agirait de rétablir – contre le libéralisme et contre le Socialisme.

Les zadistes n’ont jamais dit autre chose, les gilets jaunes non plus. On va en France vers l’établissement de l’idéologie de la troisième voie, avec l’identitarisme régionaliste, la décentralisation anti-étatique, l’idéologie de l’auto-suffisance économique et spirituelle, le repli individualiste sur la petite propriété paisible, le culte de « la terre qui, elle, ne ment pas », la fascination pour un artisanat idéalisé et abstrait.

Marine Le Pen représentait tout autant le Fascisme, comme Alain Soral et Dieudonné, et bien d’autres. Cependant, il s’agissait là de Fascisme par en haut. Le mouvement de Marine Le Pen, malgré ses immenses succès électoraux, n’a jamais été en mesure d’asseoir un mouvement populaire ; son parti politique reste purement électoral, sans base organisée avec une dimension de masse.

Les sociaux-réactionnaires, avec leur discours nostalgique, sont eux en mesure de donner au Fascisme français une base de masse. Et ces gens là viennent de la Gauche au sens le plus général du terme, ils viennent plus précisément de l’anarchisme, du proudhonisme, du spiritualisme, de l’existentialisme. Leur scène est un très vaste monde associatif, dont les principaux acteurs signaient début mars le « pacte du pouvoir de vivre ».

On reconnaît ces sociaux-réactionnaires au moyen de critères très précis : le mouvement ouvrier n’existe pas pour eux, ils haïssent le véganisme, leur vision du monde revient au village d’Astérix et Obélix cherchant à se préserver de l’empire romain de la finance.

Ces gens sont les ennemis de la Gauche et plus vite ils sont démasqués et dénoncés, mieux c’est.

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Culture

Décès de Gabi Delgado Lopez (DAF) et de Genesis P-Orridge

Ce sont deux figures de la musique industrielle qui viennent de décéder. Un bon prétexte pour voir l’intérêt de DAF et de Throbbing Gristle, et finalement leurs immenses limites.

Nous sommes à la fin des années 1970, en Angleterre et en Allemagne, et une poignée de jeunes cherchent à exprimer l’horreur sociale, le poids du conformisme, à travers une révolte punk. Il y a toutefois une volonté d’esthétisation provocatrice et l’utilisation de la musique électronique, alors à ses débuts.

Occultisme, pornographie, nazisme, fascisme, militarisme, tueurs en série, fascination pour la marge, le morbide, tout cela est recyclé pour un collage musical agressif néo-punk en 1980-1981.

https://www.youtube.com/watch?v=e4fiukLnJ_I&list=RDe4fiukLnJ_I&start_radio=1&t=389

Gabi Delgado Lopez, le chanteur de Deutsch Amerikanische Freundschaft (DAF), est mort ce 22 mars, Genesis P-Orridge de Throbbing Gristle le 14 mars. Ce dernier anticipe d’ailleurs l’idéologie transgenre actuelle, avec la fascination pour le changement d’identité (il change de nom dès 1971), la modification corporelle par la chirurgie plastique, la quête identitaire permanente, etc.

On est ici dans la tentative de mettre mal à l’aise, de troubler, de perturber. Mais à l’opposé du punk, nihiliste ou bien engagé politiquement (le véganisme apparaît ainsi dans la foulée post-punk), on est ici dans une esthétique se présentant comme une fin en soi.

Musicalement, il y a l’ouverture d’un horizon musical, comme la chanson de DAF « Der Mussolini » en est un excellent exemple. Mais il n’y aura pas de suite. C’est juste une contribution énorme, mais temporaire, s’auto-détruisant immédiatement, de par la provocation comme fin en soi (« Applaudit des mains et danse le Adolf Hitler et danse le Mussolini et maintenant le Jésus-Christ et maintenant le Jésus-Christ applaudis des mains et danse le communisme et maintenant le Mussolini »)..

Il y a l’émergence de l’horizon musicale électronique – chez Throbbing Gristle dès 1976 – mais cela s’enlise dans l’esthétisme, comme ici avec « United ». Ce single de 1978, sorti sur le propre label du groupe, Industrial Records, reprend le symbole nazi de la SS mais plus directement le logo de la British Union of Fascists des années 1930, la face B s’intitulant « Zyklon B Zombie ».

Ce problème de l’avant-gardisme décadent en fin en soi est très connu dans les scènes expérimentales ; on connaît bien le problème avec la première vague de black metal, avec la dark folk et notamment le groupe Death in June, etc.

On a en fait des gens tellement réellement des fascistes, c’est-à-dire des petits-bourgeois expérimentateurs et en rébellion complète, qu’ils ne comprennent absolument pas qu’on les considère comme fascistes, car pour eux tout est révolte existentielle, l’esthétique une inspiration seulement et un vecteur de provocation pour arracher un sens au réel.

S’ils sont sincères, alors la seule critique qu’ils sont capables de saisir, c’est que la fascination pour le malsain les empêche de produire. DAF et Throbbing Gristle, c’est un album consistant en une contribution musicale chacun au mieux et il en va de même pour tous ces avant-gardistes. Ensuite, il y a la répétition ad nauseam de cet album, en toujours pire, en toujours plus caricatural pour compenser la vanité de l’entreprise.

L’incapacité à produire se conjugue avec la dimension anti-populaire, avec le mépris pour le côté accessible, qui n’est pourtant pas du tout un compromis, même s’il y a bien entendu ce risque, sur lequel s’est effondré Nirvana, né de l’expérimentation avant-gardiste justement pour passer dans le camp d’une accessibilité commerciale (d’où le suicide de son chanteur face à un dilemme lui semblant cornélien).

https://www.youtube.com/watch?v=27ipC6FvCdw

On a ici une problématique compliquée, aux enjeux culturels importants. Et cela d’autant plus que le capitalisme bloque tous les horizons et pousse les révoltés à se précipiter dans le nihilisme, en leur faisant croire que c’est leur choix. C’est le capitalisme qui pousse vers le fascisme, l’islamisme, toute cette auto-destruction totalement étrangère aux principes de la vie.