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Événements significatifs

La NUPES tourne court

Au printemps 2022, Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise impulsaient la « Nouvelle union populaire écologique et sociale » consistant en un accord électoral des forces de la gauche gouvernementale en vue des élections législatives de juin 2022. Un accord qui débouchait alors sur la formation d’un inter-groupe parlementaire constitué de 150 députés.

Mais au-delà de cet accord électoral et de cet inter-groupe parlementaire, la France insoumise visait en tant que force dirigeante de la coalition une perspective politique à moyen-terme. C’était la perspective de réaliser la stratégie populiste de la Gauche d’Amérique latine tant étudiée par Jean-Luc Mélenchon, en unissant dans un magma politique le plus de forces politiques pour ensuite compter sur les vagues des mouvements sociaux pour « faire la bascule » vers le pouvoir.

Du point de vue particulier du contexte français, cela ramenait la gauche française dans sa situation d’avant 1905, avec un « socialisme » partant dans tous les sens, sans visée organisatrice tangible ni armature idéologique.

Du fait de la nature social-impérialiste de l’ensemble des composantes de la NUPES, il allait de soi que le conflit entre l’Ukraine et la Russie, impliquant la France à travers sa soumission aux États-Unis dans le cadre de l’Otan, ne pouvait pas fissurer l’union.

En revanche, il ne pouvait pas en être ainsi avec l’attaque du Hamas sur des civils israéliens qui rappelait trop nettement aux français les horreurs subies lors des attentats du 13 novembre 2015. Et qui suffit à révéler une contradiction entre le courant post-moderne « décolonial » bien établi à la France insoumise et la tradition sociale-républicaine historiquement liée au PS et au PCF.

En effet, le premier communiqué de la France insoumise parlait d « offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas » pour qualifier une attaque terroriste sur des civils, y compris des jeunes d’un festival de musique Techno tournés vers la paix. Puis quelques jours plus tard, c’est sur une radio que Danièle Obono, députée LFI de Paris et cheffe d’orchestre de tout ce courant « décolonial », approuvait le fait d’intégrer le Hamas dans les « organisations de résistance palestinienne ».

Avec de telles déclarations, c’est l’héritage républicain, ainsi que rationaliste, qui a refait surface et est venu se heurter à une lecture ultra-populiste des évènements par la France insoumise, mettant de côté les enjeux démocratiques de la libération nationale palestinienne.

Dans cette dynamique, c’est le PCF qui a ouvert la boîte de pandore avec la tenue d’un conseil national votant le dimanche 15 octobre 2023 à près de 93 % une résolution dans laquelle il était dit que la NUPES « telle que constituée sous la volonté hégémonique de LFI, est une impasse ». Puis le Parti socialiste s’est prononcé en faveur d’un « moratoire » sur la participation à l’inter-groupe NUPES mardi 17 octobre 2023 au soir, EELV appelant à ce que l’ensemble des députés de la coalition se réunissent pour discuter de leurs « différends ».

Évidemment, et malheureusement, l’érosion de la NUPES ne peut se faire sur la base d’un débat démocratique réel puisque cette union renvoie à un accord électoral réalisé par en haut sans perspectives programmatiques. De ce fait l’érosion est lente et sans franchise… Le député Fabien Roussel et premier secrétaire du PCF allant même jusqu’à dire qu’il ne siégerait plus à l’inter-groupe NUPES tout en laissant les députés de son parti libre de faire ce qu’ils veulent !

Une chose est sûre, c’est que la Gauche française reste prisonnière de ses propres renoncements historiques. L’effritement de la NUPES nous renvoie dans la vieille opposition entre les « sociaux-républicains » et populistes, autrefois marquées par le syndicalisme révolutionnaire, et aujourd’hui se mélangeant avec les théories universitaires les plus farfelues.

La faillite de la NUPES en cet automne 2023 apparaît comme un évènement majeur, en négatif. En négatif car l’opposition « républicains »/populistes sonne creux par rapport aux enjeux de l’Histoire.

La Gauche française est ici, encore une fois, à mille lieux de la Gauche allemande.

« Une nouvelle politique pour vous! »

À l’inverse, la démission officielle de Sahra Wagenknech, ainsi que de 9 députés, du parti« Die Linke » en Allemagne ce lundi 23 octobre 2023 se fonde sur une envergure programmatique. C’est pourquoi il est également laissé du temps entre l’officialisation du départ et l’annonce du futur parti en janvier 2024, le temps de bien élaborer et poser les choses.

De fait, la critique ne se fait pas spontanément, dans le creux d’une conjoncture, mais dans le prolongement d’une maturation politique et idéologique. Elle cible notamment la pensée libérale-libertaire ou LGBT, telle que le représentée outre-Rhin par les lois sur la légalisation du cannabis et l’ « auto-détermination de genre », comme des obstacles au redéploiement d’une Gauche populaire.

Si l’on veut s’orienter dans la décomposition politique actuelle de la Gauche française, il apparaît très nettement que c’est du côté de la démarche de l’allemande Sahra Wagenknecht qu’il faut regarder et s’inspirer.

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La Gauche 3R et l’alliance électorale NUPES

La distinction est importante.

La création de l’alliance électorale « NUPES » par Jean-Luc Mélenchon a provoqué une onde de choc dont on cerne mal encore l’impact historique. Il reste néanmoins que cela provoque un regain d’affirmation d’une partie de la Gauche qu’on va qualifier de 3R : rationaliste, réformiste, républicaine.

C’est indéniablement une bonne chose. Il ne sera rien construit en France à gauche sans des gens rationnels, voulant établir une base programmatique. On peut bien entendu discuter du programme. Cependant, pour cela il faut déjà pouvoir discuter à ce niveau. Vous imaginez-vous pouvoir discuter du programme avec Jean-Luc Mélenchon ? Certainement pas.

Le rêve de Jean-Luc Mélenchon, c’est de faire comme le président vénézuélien Hugo Chávez au début du 20e siècle avec son émission de télévision Aló Presidente, où des gens appellent et le chef fait une réponse spontanée, et bien souvent prolongée, dans un grand étalement populiste.

La Gauche 3R – rationaliste, réformiste, républicaine – n’a pas du tout ce rêve, qu’elle trouve même foncièrement gênant, voire sortant franchement du cadre de la Gauche. On parle ici de gens qui exigent un certain niveau de conscience, se situant dans la tradition des « socialistes français », en acceptant positivement ce qui s’est passé après 1920, notamment le Front populaire.

C’est même d’ailleurs une référence essentielle, parce que cela ancre les radicaux de gauche dans le camp de la Gauche, de l’antifascisme. Pour cette Gauche 3R en général, d’ailleurs, les radicaux de gauche font partie de la « Maison » parce que la République française peut selon eux être transformée en « République sociale ».

Mais il y a des nuances car certains sont républicains avant d’être rationalistes ou réformistes, d’autres réformistes avant d’être républicains ou rationalistes, etc. Cela fait que sur le plan des idées, on va ainsi de gens foncièrement réformistes et toujours désireux de participer à un gouvernement quel qu’il soit, à des gens espérant sincèrement qu’on en arrive au socialisme par la République. Ces nuances s’expriment ainsi par de multiples appareils politiques.

Sur le plan des organisations, on a la Gauche Républicaine et Socialiste, mais également le Mouvement Républicain et Citoyen, les Radicaux de Gauche – LRDG, la Nouvelle Gauche Socialiste, désormais tous unies dans une Fédération de la Gauche Républicaine ; on a également une partie significative du Parti socialiste. Arnaud Montebourg peut être rattaché à cette approche, c’est d’ailleurs un bon exemple, avec Manuel Valls, de gens « républicains » avant tout.

Et à cette liste il faut ajouter des organisations d’orientation révolutionnaire qui se veulent le prolongement, au sens d’un dépassement de cette position socialiste française : le PRCF, le PCRF, le PCF(MLM), le PCOF. C’est finalement ce qui est appelé la « Gauche programmatique » sur agauche.org, au sens le plus large.

Aussi, ce qui se pose comme question, c’est : l’alliance électorale NUPES va-t-elle anéantir le camp de la Gauche programmatique, ou pas ? Une partie des socialistes ne le veut pas, mais leur option est la sortie par la Droite, soit directement auprès d’Emmanuel Macron comme avec Manuel Valls, ou dans une position de centre-gauche qui n’a rien du tout de socialiste, comme avec François Hollande.

Que vont faire les autres ? C’est là ce qui va être d’une importance historique certaine. La question est ici électorale, mais pas seulement, d’ailleurs elle peut ne pas l’être.

Ce qui compte, c’est l’affirmation d’un espace pour la Gauche programmatique – sans quoi c’est le champ libre au populisme contestataire, à une post-gauche décomposée, se calquant consciemment ou non sur les Démocrates américains et leur fascination pour les « droits individuels » convergeant avec la modernisation du capitalisme.

Nous vivons clairement un moment clef. Il faut le comprendre et ne pas passer à côté des exigences historiques.

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La Convention de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale

Elle s’est tenue le 7 mai 2022.

L’alliance électorale organisée autour de Jean-Luc Mélenchon, dénommée Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, a tenu sa première grande réunion officielle. Voici le compte-rendu officiel sur le site de Jean-Luc Mélenchon.

On n’y trouve pas les termes de capitalisme, exploitation, aliénation, consommation, bourgeoisie, prolétaires, ouvriers, guerre, pandémie, animaux, socialisme… C’est dire de quoi il s’agit. C’est simplement l’expression d’une bulle, de gens coupés de la réalité car vivant bien au chaud dans l’un des pays les plus riches du monde.

Et on remarquera par contre que l’ensemble de ces termes est habilement contourné, pour satisfaire ceux qui tendraient en cette direction. Il est parlé d’un « système », on ne sait pas lequel précisément, qui « épuise les êtres humains », ce qui est un contournement de l’exploitation et de l’aliénation. Il est demandé la fermeture des « fermes-usines qui sont des sources d’émergences de zoonoses » : s’agit-il de toutes? Est-ce pour les animaux en soi ou pour protéger l’humanité seulement?

Ce flou, ces ambiguïtés, ces contournements montrent qu’il ne s’agit pas seulement d’une bulle, mais aussi d’un rempart contre une montée de la lutte des classes. Cela sert de voie de garage pour les prolétaires. Et pour les bourgeois aussi Jean-Luc Mélenchon a un rôle, il sert de mobilisateur : il serait un bolchevik, voulant instaurer le communisme ! Et ce alors qu’il n’y a même pas de nationalisation de prévu !

Le 7 mai 2022 se tenait la Convention de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale à Aubervilliers.

Manon Aubry a commencé par rappeler que cet événement était historique, avec la présence de représentants de différents mouvements politiques réunis derrière un programme ambitieux pour les élections législatives des 12 et 19 juin. Manuel Bompard a souligné que la Convention marquait officiellement le début de cette campagne et que la victoire était à portée de main.

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a ensuite appelé les Français à voter pour le programme qui sera proposé par l’Union populaire en juin afin d’aller chercher la victoire ensemble. Aurélie Trouvé a expliqué qu’en envoyant Jean-Luc Mélenchon à Matignon cela permettrait d’avoir la retraite à 60 ans, le SMIC à 1 400€ ou encore le blocage des prix.

Fabien Roussel, secrétaire national du Parti Communiste Français, s’est ensuite exprimé à la tribune pour dire qu’il était possible, grâce à la nouvelle Union populaire, de battre Emmanuel Macron à l’Assemblée nationale et qu’il s’agissait d’un immense espoir pour tous les salariés, les retraités, les familles et la jeunesse.

Le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou, a abordé le thème de l’urgence climatique, en expliquant que grâce au programme proposé sous la bannière commune, il sera enfin possible de relever ce défi majeur.

Mathilde Panot a pris la parole pour annoncer que les députés de l’Union populaire nouvellement élus redonneront toute sa dignité à l’Assemblée nationale et en feront un lieu du peuple.

Clémence Guetté a ensuite évoqué le programme, qui constitue la base de l’accord pour une Nouvelle Union Populaire. Elle a indiqué qu’il s’agissait d’un programme de gouvernement avec des marqueurs de rupture pour changer la vie des gens à partir du 19 juin. Plusieurs intervenants sont ensuite revenus sur ces marqueurs forts qui seront partagés pendant la campagne des législatives.

Jean-Luc Mélenchon a enfin prononcé un discours en clôture de la Convention. Il a souligné que c’était une nouvelle page de l’Histoire politique de la France qui était en train de s’écrire. En effet, c’est la première fois dans l’Histoire de France qu’il y a un accord global avec un candidat commun dans toutes les circonscriptions. Il a indiqué que cela doit permettre de rompre avec ce système qui pille la nature et épuise les êtres humains.

Il a appelé à ce que la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale soit une force pérenne qui dure davantage qu’une élection par la camaraderie et la fraternité. Il a précisé que cette Nouvelle Union Populaire était un parlement, que chaque composante aurait un groupe à l’Assemblée nationale et qu’un intergroupe permettra de réunir l’ensemble des forces.

Il a également dit que ce n’est pas qu’un accord électoral. Il s’agit d’un accord programmatique qui pose un acte de résistance collective à une ère de maltraitance sociale, écologique et démocratique qui a été imposée par un pouvoir qui s’est fait élire par la contrainte, sans programme.

Il a rappelé que pour éviter la retraite à 65 ans, la seule manière de faire était d’élire une majorité de députés de l’Union populaire.

Il a souligné la nécessité de relocaliser tout ce que nous pouvons pour ne pas connaître les pénuries de production auxquelles nous expose le système du libre-échange généralisé. Il a également appelé à s’organiser pour faire face aux épidémies, notamment en fermant les fermes-usines qui sont des sources d’émergences de zoonoses.

Il a ajouté que le changement climatique était commencé et irréversible, mais que nous pouvons empêcher le franchissement de nouveaux seuils qui aggraveraient la mise en danger de l’humanité sur les points essentiels, comme le cycle de l’eau.

Sur la question du partage des richesses, il a répété que c’était insupportable de constater, qu’en France, 5 personnes possèdent autant que 27 millions d’autres. Il a rappelé que les inégalités fragilisent nos sociétés parce qu’elles les rendent moins aptes à résister alors qu’au contraire il faut construire une société d’entraide et d’harmonie.

Pour conclure, Jean-Luc Mélenchon a expliqué que l’élection présidentielle n’avait rien réglé puisque Macron était un président sans mandat. C’est pourquoi il appelle à un 3e tours afin de mettre du législatif dans la monarchie présidentielle.

Lors des es élections législatives, pour élire le Premier ministre il faudra voter pour des députés de la nouvelle Union Populaire qui forment une majorité à l’Assemblée nationale. À l’inverse, il a rappelé que le vote pour la Rassemblement national ne servait à rien puisqu’une fois élus, ils ne viennent pas. Par exemple, lors des débats à l’Assemblée sur les retraites, Marine Le Pen était absente.

Les 3h30 de la convention sont en vidéo ici.

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Le PS rejoint Jean-Luc Mélenchon : la tradition « fédérale » du « socialisme français »

On retourne à avant 1905.

Le conseil national du Parti socialiste s’est tenu le 5 mai 2022 au soir à Ivry-sur-Seine, et 167 membres ont voté, après cinq heures de débat, en faveur de l’accord avec Jean-Luc Mélenchon, 101 contre, 24 s’étant abstenus. Le Parti socialiste est donc désormais une composante de la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale », aux côtés de La France Insoumise, du PCF et d’EELV, au grand dam d’une partie des socialistes qui comptent présenter des candidats dissidents.

De manière générale d’ailleurs, la tambouille de ces accords, réalisés par en haut sans aucun respect des situations locales, aboutit à nommer des candidats de manière arbitraire, ce qui provoque des remous particulièrement significatifs par endroit.

Cela va être lourd de signification, mais en attendant on peut déjà évaluer cette situation comme un retour à avant 1905, à une époque où le « socialisme français » était à la fois divisé et fondé sur le principe fédéral. C’est un objectif avoué de Jean-Luc Mélenchon.

Le 24 avril 2019, il tenait les propos suivants au sujet d’une « Fédération » alliant Gauche gouvernementale et mouvements sociaux :

« Si l’élection (européenne) nous en donne la force, nous assumerons de nouveau notre responsabilité. Nous proposerons de nouveau une fédération populaire à construire dans les élections suivantes et dans les mouvements écologiques et sociaux. »

Dans L’Humanité du 28 avril 2022, il a de nouveau proposé cette forme fédérative :

« L’Union populaire donne une méthode qui permet à chaque organisation de rester elle-même et au peuple d’entrer en action. Je parle ici d’une fédération, ou d’une confédération. »

Cette proposition de forme fédérale, voire confédérale, mérite qu’on s’y attarde particulièrement. En effet, Jean-Luc Mélenchon a été façonné sur le plan des idées et du style par deux courants : le trotskisme, dans sa variante dite « lambertiste », et la franc-maçonnerie, dans sa variante « Grand Orient ».

Or, tant l’un que l’autre puisent dans le style républicain et « socialiste français » de la fin du 19e siècle, avec une insistance particulière sur le droit de tendance, le droit des minorités, une forme non centralisée, une grande autonomie fédérale. C’était d’ailleurs une époque où c’est la CGT qui donnait le ton avec une démarche syndicaliste révolutionnaire totalement minoritaire dans le prolétariat mais d’autant plus activiste.

La CGT portait justement ces valeurs de « fédéralisme », de « confédéralisme », que le « socialisme français » affectionnait particulièrement en vitupérant contre le marxisme et la social-démocratie allemande, considérés comme « autoritaires » voire dictatoriaux.

A partir de 1905, les choses se sont compliquées avec l’unité des socialistes dans le Parti socialiste SFIO, qui a maintenu cette dimension fédérale, mais où les troubles internes perpétuels ont dévalorisé le principe. L’unité obtenue en 1905 exigeait en effet que soit maintenu un certain cadre.

Lorsque la majorité du Parti socialiste SFIO devint le Parti Communiste SFIC en 1920, elle récusa alors d’autant plus le fédéralisme, au profit du centralisme démocratique, au prix de très nombreuses évictions et expulsions toutefois tellement les traditions du « socialisme français » étaient vivaces.

Si le Parti socialiste SFIO maintenu, avec Léon Blum, maintint le fédéralisme, il exigea toutefois un certain esprit unitaire en même temps. Il en alla de même pour les socialistes réunifiés au congrès d’Epinay de 1971 avec François Mitterrand.

Si l’on regarde les choses ainsi, alors on peut dire : la parenthèse historique du mouvement ouvrier « centralisé », tourné vers le marxisme, prend définitivement fin et on retourne à avant 1905, Jean-Luc Mélenchon étant le fer de lance de l’officialisation de ce grand retour en arrière, le Parti socialiste assument désormais cette direction, tout autant que le PCF, EELV le faisant de manière naturelle.

Avec Jean-Luc Mélenchon, on a le retour à avant 1905, aux différents courants du « socialisme français » rejetant le marxisme tout en en acceptant certains éléments, assumant en large partie le populisme, le substitutisme avec une « minorité agissante », le culte du coup de force par des démonstrations populaires dans les rues censées changer le cours des choses.

C’est, somme toute, une vaste opération de liquidation. Et il va de soi que ni le Parti socialiste, ni le PCF ne peuvent lutter contre une telle tendance, car eux-mêmes ont abandonné leurs propres traditions historiques depuis longtemps maintenant. C’est là que des choses importantes vont se décider.

Soit on arrive à préserver le patrimoine du mouvement ouvrier, on défend le parcours des socialistes et des communistes assumant le Socialisme dans sa version non pas française mais on va dire marxiste, rationnelle, social-démocrate historique… Soit on est balayé par le renouveau du « socialisme français » comme populisme social à moitié syndicaliste révolutionnaire à moitié gouvernemental.

Il va de soi que ce renouveau intégrera, intègre déjà les courants LGBTQ+, de la « déconstruction » antiraciste ou anticoloniale, les syndicats étudiants en mode « ultra », etc. On est ici dans un fourre-tout magmatique exactement comme avant 1905, avant que le Socialisme ait une dimension scientifique, organisée, avec des valeurs, des principes, un programme.

C’est cela, la vraie menace de proposition de « fédération », de « confédération » de Jean-Luc Mélenchon.

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Le contenu des accords entre La France insoumise et Génération.s, EELV, le PCF et le PS

Il n’y a aucun contenu réel, juste de la soupe électoraliste.

Après un long dénouement, la direction du Parti socialiste menée par Olivier Faure a scellé un accord avec La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon pour les élections législatives de juin 2022. Cela vient conclure la suite d’accords avec Génération.s, EELV et le PCF, qui reprennent toujours la même trame, et lance définitivement la « NUPES » (Nouvelle union populaire écologique et sociale). L’idée étant qu’il faut une alliance électorale multiforme, avec un consensus pour appuyer un Jean-Luc Mélenchon premier ministre afin de conduire la coalition parlementaire si elle devenait majoritaire.

On remarquera en premier lieu que dans chacun des accords, il est question de l’Union européenne et que cela a été primordial dans les discussions (sauf pour le PCF). Il faut dire que Jean-Luc Mélenchon avait été très loin ces dernières années dans le phrasé populiste anti-Europe, alors qu’au contraire Génération.s, EELV et le PS sont des inconditionnels de « l’Europe » (une partie du PCF est également sur cette ligne pro-« Europe »).

Il est flagrant ici que La France Insoumise et le PCF ont capitulé en renonçant à critiquer l’institution européenne dans ses fondements. Certes, tous deux le faisaient sur un mode populiste et quasi-nationaliste, et pas de manière socialiste, donc réelle, mais il y avait l’idée que cela était incontournable.

C’est d’autant plus vrai aujourd’hui en mai 2022 que, depuis plusieurs semaines, l’Union européenne s’illustre par sa vassalité totale à la superpuissance américaine et à l’OTAN sur la question de la guerre en Ukraine. Cela n’est pas nouveau, mais c’est devenu évident, et surtout, indéfendable pour la Gauche (la vraie !).

La France Insoumise et le PCF s’en moquent, tout comme le PS, EELV, Génération.s. Ils n’en parlent pas, comme ils ne parlent pas de l’OTAN. Jean-Luc Mélenchon premier ministre et sa majorité parlementaire « NUPES » sortiraient-ils de l’OTAN, ou du commandement intégré de l’OTAN ?

Ou bien poursuivraient la guerre économique, culturelle et militaire contre la Russie ? Et d’ailleurs, quelle sera la position pendant ces 5 prochaines années, alors que les contradictions entre la superpuissance américaine et sa concurrente chinoise vont s’accentuer ?

Voilà un sujet fondamental, éminemment politique, qui permet concrètement de déterminer une position de gauche (la première, contre l’OTAN), et une autre qui ne l’est pas (la seconde, qui ne dit rien à propos de l’OTAN). Et l’option qui a été prise est celle de la contorsion social-populiste au sujet de l’Union européenne, en faisant croire que la France pourrait être dedans… Tout en n’y étant pas vraiment.

Les accords disent (sauf celui avec le PCF) que la France doit rester dans l’Union européenne et garder l’euro comme monnaie, mais… qu’elle peut choisir quelles règles européennes elle respecte ou non. Il faut « être prêts à désobéir à certaines règles européennes » est-il expliqué dans tous les accords, telle une bande d’enfants gâtés et capricieux voulant l’argent de poche des parents, mais ne surtout pas faire la vaisselle, ni ranger sa chambre.

On remarquera le jeu d’équilibriste dans la rédaction de l’accord avec le PS, qui en dit long sur la nature opportuniste et fourre tout de la « NUPES » :

« Du fait de nos histoires, nous parlons de désobéir pour les uns, de déroger de manière transitoire pour les autres, mais nous visons le même objectif : être en capacité d’appliquer pleinement le programme partagé de gouvernement et respecter ainsi le mandat que nous auront donné les Français. »

La seconde chose notable, c’est que les accords insistent sur une liste de revendications à prétentions sociales, avec une liste particulièrement détaillée dans l’accord avec le PS. Il y a à chaque fois la hausse du SMIC à 1400 euros, le retraite à 60 ans, le blocage des prix sur les produits de première nécessité, une « garantie d’autonomie pour les jeunes » (soit un revenu sans travailler ?). L’accord avec le PS précise l’abrogation de la loi El Khomri et des « contre-réformes du code du travail et de l’assurance chômage ».

La revendication « d’éradication de la pauvreté » est présente dans tous les accords, sauf celui avec le PS. Est-ce par rejet de l’utopie, ou bien par rejet du flou d’une telle formulation qui ne veut, il est vrai, pas dire grand chose ? Toujours est-il qu’il est fait comme si la crise n’existait pas, et qu’il n’est jamais parlé de capitalisme.

Le programme, c’est ouvrez les portefeuilles, l’argent va couler à flot grâce à toujours plus de dette publique « sociale ». Il est laissé entendre que la France connaît une grande vague de pauvreté et que ces gens sont là pour y remédier. Pourtant, le capitalisme tourne à plein régime dans un des pays les plus riches du monde, et les marchandises coulent à flot dans toutes les couches de la société, même les plus précaires. Le décalage avec la réalité est immense.

Anecdotique, mais révélateur, il y a cette petite phrase dans l’accord avec le PS :

« lutte contre l’ubérisation du travail avec la présomption de salariat pour les travailleuses et travailleurs des plateformes. « 

Cela dénote, car c’est une revendication très précise, alors que tout le reste est d’ordre général. Par les plateformes, il faut comprendre les plateformes de livraison de repas et de courses par des auto-entrepreneurs, presque toujours immigrés, très souvent sans statut légal de livreur, voire de présence légale sur le territoire français.

Une revendication de gauche devrait être évidemment l’éradication de ce type de « service », de ce business de la flemme qui pollue les villes avec des nuées de scooters ou de vélos roulant sans aucune lumière. Mais non, les « socialistes » et les « insoumis » trouvent cela très bien d’avoir des immigrés leur apportant un repas ou des courses à domicile, et souhaitent donc renforcer cela au point qu’il le précise dans leur accord général pour les élections législatives. Des domestiques ? Oui, mais avec un CDI !

C’est pathétique, et surtout très loin de la réalité concrète, objective, des classes populaires en France, et particulièrement de la classe ouvrière. Cela n’a rien de gauche, cela n’a rien d’un programme pour changer la vie.

Enfin, et surtout, il y a la question de l’écologie. Là, l’escroquerie est immense, et c’est même à peine croyable de voir que ces gens n’ont même pas fait semblant de s’y intéresser.

Il y a des choses à dire à foison, avec des grandes lignes nettes et précises à tracer sur des sujets fondamentaux. Par exemple sur les zones humides, qu’il faut sanctuariser, sur l’automobile, dont il faut préparer la fin du règne, sur les animaux en général, à propos aussi de la chasse, des zoo, des refuges, etc.

Il y a surtout le réchauffement climatique, et si on a une prétention écologique la moindre des choses est de présenter au moins dans les grandes lignes comment changer le bilan carbone de la France. Tel n’est pas le cas, bien au contraire, car l’écologie n’est qu’un prétexte. C’est du greenwashing électoral. Cela ne fait l’objet que d’une seule phrase, aussi floue qu’insignifiante, dans chacun des accords.

Celui avec le PS :

« L’affirmation d’un impératif de justice écologique, qui se décline à travers une démarche de planification, pilotée par de nouveaux indicateurs de progrès humain ainsi que la règle verte. »

Celui avec le PCF :

« Une véritable planification écologique et démocratique, par l’application de la règle verte. »

Celui avec EELV :

« Nous défendons ensemble la mise en place d’une véritable planification écologique par l’application d’une règle verte (ou d’une règle d’or climatique) pour répondre à l’urgence climatique et environnementale. »

Celui avec Génération.s :

« Nous défendons ensemble la mise en place d’une véritable planification écologique pour répondre à l’urgence climatique et environnementale. »

C’est lamentable, ces gens sont lamentables et même criminels, on ne peut que souhaiter qu’ils se prennent une immense claque électorale, tant l’escroquerie est immense. Et dire qu’il y a des gens pour soutenir une telle escroquerie morale, intellectuelle, culturelle, politique !

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La « Nouvelle union populaire écologique et sociale » ne s’oppose pas au bellicisme de l’OTAN

C’est une chose entendue.

Jean-Luc Mélenchon veut être premier ministre, afin de se poser comme le sauveteur d’acquis sociaux en France. Comme il a obtenu un bon score à la présidentielle 2022, cela a impulsé une unité autour de son mouvement, La France Insoumise, avec une « Nouvelle union populaire, écologique et sociale » (Nupes).

Cela donne la chose suivante. La France Insoumise, c’est déjà une union : celle du Parti de gauche mis de côté pour une mouvement s’appelant lui-même La France Insoumise, d’Ensemble ! (avec Clémentine Autain), de Picardie debout (avec François Ruffin), de Révolution écologique pour le vivant (avec Aymeric Caron).

Et il faut désormais y ajouter dans la nouvelle « union » le PCF, Europe Écologie Les Verts, Génération écologie, Génération-s, les Nouveaux Démocrates, alors que la direction des socialistes discutent inlassablement pour y participer, au grand dam d’une partie d’entre eux.

Il est dans l’ordre des choses qu’une telle démarche puisse rassurer de par sa dimension unitaire et même conforter dans l’idée qu’une Gauche gouvernementale puisse se mettre en place, au-delà des complications et des divergences, voire réussir aux élections, et que c’est mieux qu’un gouvernement aux ordres d’Emmanuel Macron, voire d’un gouvernement conservateur – nationaliste (ce qui forme une hypothèse bien moins vraisemblable).

Sauf qu’il est un problème de taille : la France fait partie de l’OTAN et celle-ci, dirigée par la superpuissance américaine, entend faire tomber la Russie par l’intermédiaire de l’Ukraine. L’OTAN est donc une force soutenant militairement le régime ukrainien, l’Union européenne apportant un soutien institutionnel et financier.

D’ailleurs, l’Ukraine est censée rentrer en accéléré dans l’Union européenne. Ce qui serait naturellement très lourd de conséquences ! On notera que dans ce cadre, l’Italie demande l’intégration accélérée de l’Albanie et de la Macédoine. Il n’est pas difficile de voir qu’il y a ici une ambiance très 1914, avec les grandes puissances jouant des coudes pour se repartager le monde.

Or, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale n’aborde pas du tout cette question. La question de l’OTAN et du soutien militaire au régime ukrainien ne fait simplement pas partie de son programme.

Pire encore, EELV est un fer de lance, comme son équivalent allemand, du soutien à l’OTAN et d’une intervention de celle-ci en Ukraine. Le Parti Socialiste est sur la même ligne.

Le PCF a une ligne différente, se revendiquant de la paix, mais ne fait pas de cette question un aspect fondamental. Quant à La France Insoumise, qui était critique de l’OTAN, elle va forcément balancer par-dessus bord cette question également, en disant que de toute façon la question militaire est du ressort du chef des armées qu’est le président de la République.

On peut s’en assurer dans la brochure que vient de publier Jean-Luc Mélenchon, « Les 3 blocs et l’avenir de l’Union populaire » (téléchargeable ici), où il explique pourquoi la Nouvelle union populaire, écologique et sociale peut l’emporter aux élections législatives de 2022 et quelles seraient ses orientations, du moins son état d’esprit. Il n’y a bien évidemment rien sur l’OTAN, ni sur la guerre en Ukraine, ni sur la tendance à la guerre.

On aura également remarqué que le thème de l’OTAN et de la guerre en Ukraine a été inexistant durant la présidentielle, alors que l’intense propagande anti-Russie a continué de se développer dans les médias sans aucun frein.

C’est comme si le capitalisme avait fait son choix et que c’est le fond des orientations de l’État, tandis que la question gouvernementale ne consisterait qu’en une sorte d’agitation à la surface.

Dans une telle situation, on est une partie de la solution ou une partie du problème. La Nouvelle union populaire, écologique et sociale ne fait pas partie de la solution : c’est donc une partie du problème.