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François Hollande entend faire son retour en politique

À l’occasion de la publication d’un de ses livres en version poche demain mercredi 3 avril, François Hollande a ajouté trois chapitres, qui fournissent ni plus ni moins que les lignes programmatiques de son retour politique. La mesure-clef est une « nationalisation » entièrement redéfinie.

François Hollande entend bien faire son retour en politique. Il a une lecture machiavélique des événements et il considère que la Gauche ne pourra jamais être majoritaire, comme il l’a expliqué dans Un président ne devrait pas dire ça. C’est pourquoi il ne s’est pas représenté et c’est pourquoi il attend un moment opportun pour refaire surface en tant que figure du centre-gauche.

François Hollande cherche par ailleurs à être omniprésent, à coups de petites phrases ou de conférences rémunérées (il a affirmé auparavant qu’il n’en ferait pas). Le fait de placer trois chapitres de plus dans version poche de son livre Les leçons du pouvoir est un coup tactique de plus, avec cette fois donc une dimension programmatique.

Ce n’est pas exempt de remarques annonciatrices pour l’avenir, telle :

« Repenser l’État providence, humaniser la solidarité, inventer un socialisme des territoires, définir une politique claire d’immigration, assurer résolument la transition écologique: ce sont cinq exemples de ce qu’une gauche doit faire pour partir à la reconquête du peuple. Il y en a bien d’autres, qui méritent un développement plus long, sur lesquels je m’exprimerai en temps utile. »

Mais donc, la principale mesure proposée par François Hollande est une nouvelle forme de nationalisation. Rejetant les anciennes formes, il pense qu’elle doit trouver une voie pour assurer la gestion correcte (dans le cadre du capitalisme) de l’eau, de l’air, des mers, des sous-sols. Plus qu’une nationalisation, ce serait une sorte d’encadrement au nom des intérêts communs.

Voici la manière avec laquelle il voit la chose, dans son ouvrage :

« Ce mot, qui a fait fureur à gauche en son temps pour être ensuite remisé au magasin des vieilles lunes, en surprendra plus d’un.

Que l’on me comprenne bien. Je ne prêche pas ici pour le contrôle public des entreprises. L’expérience a montré que l’État n’avait pas vocation à produire lui-même des voitures ou de l’acier.

En revanche, il doit retrouver la maîtrise des biens communs que sont l’eau, l’air, les mers ou le sous-sol, dont l’activité privée, seulement guidée par la logique de rentabilité, ne saurait assurer l’exploitation rationnelle et respectueuse de l’environnement.

Par gestion directe ou par un dispositif de délégation, c’est à la collectivité de veiller au bon usage des biens collectifs, les communs, qui sont l’apanage de l’humanité tout entière et non la propriété des groupes industriels ou financiers qui les utilisent ou les dégradent. »

Ce que dit François Hollande ici n’a aucun sens, pour une multitude de raisons.

Tout d’abord, parce que si quelque chose est nationalisé, c’est-à-dire si la propriété relève de l’État, alors aucune entreprise privée ne peut être accusée juridiquement d’être responsable de quoi que ce soit si l’État lui a loué, prêté ou quelque chose de ce genre. La responsabilité juridique, in fine, relève du propriétaire. C’est donc par définition dédouaner les entreprises en cas de nationalisation.

On a l’exemple avec les médicaments, qui fonctionnent un peu comme François Hollande voudrait pour ses nationalisations à lui. En effet, l’État accorde une autorisation de mise sur le marché et alors, en pratique, les entreprises se voient dédouanées des responsabilités principales. Des recours sont possibles, mais sans dimension réelle.

Ensuite, si les entreprises gèrent ces choses vitales « nationalisées », comment la collectivité pourrait-elle en surveiller réellement la gestion, comment aurait-elle les capacités techniques d’en analyser la gestion ? Et si elle peut le faire, pourquoi le déléguer à des entreprises, au privé ?

Un autre point, essentiel, est qu’il n’existe pas de philosophie justifiant, dans le cadre du capitalisme, que l’eau, l’air, les mers, le sous-sol, soient des biens communs. Dans un système fondé sur la propriété, il n’y a pas de place pour des « biens communs » rompant avec le principe de propriété individuelle.

> Lire également : L’élection présidentielle française, plaie anti-démocratique

Un dernier point, fondamental, c’est qu’il est trop tard et que le capitalisme a déjà commencé le massacre de l’eau, de l’air, des mers, du sous-sol. Une « nationalisation » à la François Hollande voudrait simplement dire la socialisation des pertes ! Au lieu d’en arriver à une critique juste, dénonciatrice, du rôle des entreprises par rapport à la nature, à l’environnement, on aurait une voie de garage consistant à demander un simple « encadrement ».

François Hollande raconte donc n’importe quoi et, par ailleurs, il détourne intellectuellement le mot de nationalisation pour donner du crédit à son concept qui ne repose sur rien : ni juridiquement, ni économiquement, ni philosophiquement. Cela montre son décrochage : il est post-socialiste. Il est le produit décadent de décennies de parlementarisme et de gavage dans les ministères de la part de socialistes ayant trahi toute morale, toute cause, tout principe.

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Place publique fait un hold up sur le Parti socialiste

Le Parti socialiste, pour la première fois depuis 1979 et les élections européennes, n’aura pas l’un de ses représentants comme chef de file d’une liste de Gauche. Cette année, c’est Raphaël Glucksmann qui sera le numéro un, avec en échange la moitié des places de la liste accordée au Parti socialiste.

C’est un véritable « deal » et ce qui est très grave, c’est qu’on le sait depuis vendredi matin, alors que ce n’est que le samedi que le Conseil National du Parti socialiste l’a décidé, à 128 voix pour, 5 contre, 3 abstentions – il y est censé avoir pourtant plus de 300 membres !

Stéphane Le Foll n’a d’ailleurs pas attendu pour ruer dans les brancards et a décidé d’abandonner le bureau national du Parti socialiste avant sa tenue. Bon, la vérité c’est que cela fait bien longtemps qu’il n’assistait plus à ses séances ; cela fait partie des psychodrames du Parti socialiste et du folklore de ses tambouilles internes.

Lui-même fait par ailleurs partie de la droite du Parti socialiste ; néanmoins, difficile de lui donner tort au sujet de Place publique, avec ses propos tenus au Figaro :

« C’est une mauvaise plaisanterie. Les écologistes restent écologistes, Benoît Hamon reste Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon reste Jean-Luc Mélenchon et nous, les socialistes, nous devrions nous effacer derrière Raphaël Glucksmann sans débat interne, sans aucune base idéologique et politique, sans ligne stratégique ? (…)

Mais de quoi parlons-nous ? Ce mouvement inconnu de tous n’a ni ligne, ni portée, ni consistance ! Claire Nouvian est certes une écologiste respectable, mais elle est radicale. Or je suis convaincu que l’on ne change pas une société contre son peuple. Mon écologie passe par l’adhésion des couches modestes, pas par les menaces et la contrainte. Quant à Raphaël Glucksmann, je respecte son parcours, assez divers, mais ce n’est pas le mien. Élu d’un village de 256 habitants à 23 ans, j’ai toujours été fidèle à mes convictions socialistes. »

Stéphane Le Foll a absolument raison : Place publique ne repose sur aucune rationalité. C’est une structure parisienne d’intellectuels et d’artistes coupés de toute réalité politique militante, de tout lien avec la population en général. Stéphane Le Foll a raison de souligner le besoin d’une base idéologique et politique, d’une ligne stratégique. C’est là la base de la politique, et encore plus à Gauche où la rationalité est le maître-mort.

En revanche, on n’est pas obligé de penser comme Stéphane Le Foll que « l’écologie radicale » serait un ennemi politique. Cela n’a aucun sens que de dire cela en 2019, ou plus exactement c’est un vil populisme, un manque de courage de dire la vérité aux gens et de leur expliquer qu’il va falloir tout changer.

Quoiqu’il en soit, dans tous les cas, si l’on peut être en désaccord avec Stéphane Le Foll et le Parti socialiste, on ne peut pas être d’accord avec Place publique, qui ne dit absolument rien, n’est pas structurée tel un parti politique, repose sur du vent. 28 000 « adhérents » revendiqués – les adhésions se font gratuitement et en lignes, mais aucun vote interne, aucun processus de décision. On ne peut d’ailleurs que trouver ridicule la position de l’économiste Thomas Porcher qui prétend « découvrir » cela que maintenant :

« Quand on a créé PP, on avait une promesse : mettre les citoyens au cœur des institutions en rassemblant toutes les forces de gauche. Aujourd’hui, on se retrouve cornérisé avec le PS, quelques petites chapelles, comme l’Union des démocrates et des écologistes [UDE], et un mouvement de centre droit, Cap21, qui a fait campagne pour Emmanuel Macron ! Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a annoncé que toutes les tendances de son parti seraient représentées : ce sera une liste d’apparatchiks, pas de citoyens. C’est pourquoi je préfère quitter Place publique. »

Cela n’est néanmoins pas faux. D’où sort Raphaël Glucksmann pour avoir le droit de prendre la tête, sans aucune discussion ni choix de la base, d’une liste avec le Parti socialiste, Cap 21, Nouvelle Donne, le Parti radical de Gauche ? C’est là encore du populisme.

> Lire également : Place publique de Raphaël Glucksmann : les bobos veulent sauver leur peau

La vérité, c’est que la peur de la raclée était trop forte au Parti socialiste, la tentation de passer l’orage à l’abri trop forte. C’est sans doute faux, car un Parti socialiste qui aurait réaffirmé ses fondamentaux et fait du nettoyage aurait pu aisément réapparaître sur la scène française, d’autant plus avec l’appui des partis socialistes des autres pays. D’ailleurs, dans des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche, il y a un coup de barre à gauche.

Il est vrai que dans ces deux derniers pays, il y a une tradition historique de la social-démocratie, alors qu’en France le Parti socialiste a historiquement surtout été un appareil électoral, et ce déjà à l’époque de la SFIO. Cependant, la question de fond est la même : repartir à gauche, ou pas ? Le Parti socialiste a raté un virage historique, tout comme sa gauche qui a fait l’erreur de s’enliser dans une version post-moderne sans traditions avec Génération-s, ou bien en rejoignant La France Insoumise.

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La tribune de Martine Aubry et ses proches appelant au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian

[ Tribune publiée initialement sur nouvelobs.com ]

« Nous appelons, avec Martine Aubry, tous ceux qui veulent une Europe social-écologique au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian.

Le 26 mai prochain, l’Europe a rendez-vous avec elle-même. La défiance à l’égard de l’Europe n’a jamais été aussi forte. Les reniements et la distance entre les institutions et les citoyens mettent aujourd’hui en péril l’idéal d’une génération.

Les libéraux et les nationalistes n’incarneront jamais la solution à une situation qu’ils ont créée et qu’ils font vivre. Ils se partagent les responsabilités de l’échec. D’un côté, le refus systématique de placer les femmes et les hommes au centre de la construction européenne, et de l’autre, le reniement permanent des valeurs fondatrices de l’Union Européenne, nous ont conduits face à un nouveau mur.

La gauche doit aussi assumer ses responsabilités. Trop longtemps, sous couvert d’une prétendue gouvernance du compromis en Europe, elle a fourni un alibi à une politique libérale et d’austérité qui ne profite qu’à quelques-uns, quand tous devraient se sentir Européen.

Depuis plusieurs mois, le dialogue est engagé avec Place Publique pour ne pas faire de ce 26 mai un jour noir pour les droits fondamentaux au sein de l’Union. Nos valeurs de justice, de progrès, d’égalité sont les mêmes. Nous faisons, ensemble, de la transition écologique et sociale, ainsi que de la refondation démocratique, nos priorités. Nous avons une conviction commune : jamais l’Europe n’a eu autant besoin de politique, de débat, et d’idées novatrices.

La France va mal, l’Europe va mal. Nous avons donc une responsabilité immense : réinventer une gauche du XXIe siècle, qui place la justice, l’égalité, l’écologie et le progrès au cœur de son projet en Europe, pour que chacun se reconnaisse enfin dans l’Union au-delà des seuls gagnants de la mondialisation.

Depuis de nombreuses années, avec Martine Aubry, notre engagement est sans faille pour le dialogue et le rassemblement des gauches et des écologistes. Nous avons toujours refusé l’idée de « gauches irréconciliables ». Pour nous, l’écologie sera sociale ou échouera, le socialisme sera écologique ou disparaîtra, la démocratie s’appuiera sur la société ou s’affaiblira.

Ce rassemblement pour lequel nous avons toujours œuvré, est aujourd’hui plus que nécessaire. L’élection européenne est une élection à un tour : on ne peut pas espérer se compter au premier et se rassembler au second. Or, la gauche aujourd’hui n’est pas seulement divisée, elle est fragmentée. Sans rassemblement, ce qui la guette n’est pas l’affaiblissement, mais l’effacement.

Dans ce contexte, nous avons accueilli positivement l’initiative citoyenne de Raphael Glucksmann et Claire Nouvian, pour construire ce rassemblement autour de dix combats communs identifiés par un travail collaboratif auquel nous avons participé.

Nous retenons parmi celles-ci : un plan d’urgence pour le climat de 500 milliards d’euros d’investissement sur cinq ans sortis du calcul des déficits, une politique commerciale au service de l’emploi et de la lutte contre les inégalités commençant par la suspension du Ceta, une harmonisation sociale intégrant un salaire minimum européen, plus de justice sociale par imposition européenne sur les hauts patrimoines et une TVA à taux zéro pour les produits de première nécessité, la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale avec la mise en place d’un impôt européen taxant les profits des Gafa et multinationales dans les pays où ils sont réalisés, la défense de la santé de tous en Europe par la limitation des intrants chimiques dans nos sols et l’interdiction du glyphosate, la démocratisation de l’Union avec un Parlement qui fixe les objectifs économiques et un budget de la zone euro doté de ressources propres et capable de mener une politique d’investissements.

Pour nous, il existe des biens publics européens et mondiaux, que les Etats dans leur forme actuelle ne peuvent traiter seuls. Il en va ainsi de la sauvegarde de notre planète, de la qualité de l’air, de la dignité et du progrès humain. Cette vision doit être au cœur de nos combats communs.

Aujourd’hui, Raphaël Glucksmman et Claire Nouvian, avec courage et sens des responsabilités, proposent de conduire le rassemblement de tous ceux qui veulent une Europe social-écologique. Nous y répondons favorablement et dès demain, lors du conseil national du Parti Socialiste, nous joindrons la parole aux actes en votant en faveur de cette perspective et en appelant les autres formations politiques de gauche et de l’écologie à en faire de même.

Oui, pour surmonter les divisions mortifères, nous le disons sans détour, nous sommes prêts à ce que, pour une fois, le Parti socialiste, n’impose pas l’un des siens comme tête de liste à un scrutin national. L’effacement serait de ne pas être au-rendez-vous de l’Histoire. L’effacement serait, le 26 mai, de nous replier sur nous-mêmes, compter nos divisions en espérant être, au mieux, le premier des derniers.

Au contraire, faire honneur à nos valeurs, à nos combats, pour nous socialistes, à ce moment précis de notre histoire, c’est nous ouvrir aux autres, accepter la main tendue sans rien n’exiger pour nous-mêmes d’autre que la perspective, en conjuguant les talents d’où qu’ils viennent, que la social-écologie devienne la grande force politique des élections européennes.

Depuis des mois, nous appelons de nos vœux le rassemblement. Aujourd’hui, il devient possible : alors, en avant !

Tony BEN LAHOUCINE, 1er fédéral de l’Indre ; Isabelle DAHAN,1ère fédérale adjointe des Hauts de Seine, conseillère municipale à Bois Colombes ; Camille GANGLOFF, Adjointe au maire de Strasbourg, 1ère fédérale déléguée Bas Rhin, Membre du conseil National, Jean Marc GERMAIN, Secrétaire National à l’International et à la mondialisation ; Cécilia GONDARD, 1er fédéral des Français de l’étranger, Secrétaire National à l’égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations ; Annie GUILLEMOT, sénatrice du Rhône, Membre du Bureau National ; Arnaud HADRYS, Secrétaire Général HES Socialistes LGBT, Membre du Bureau National ; Antoine HOME, 1er fédéral du Haut Rhin, Maire de Wittenheim ; André LAIGNEL, maire d’ISSOUDUN, 1er Vice-président délégué de l’Association des Maires de France ; François LAMY, membre du Bureau National ; Carole LE STRAT, membre de la Commission Nationale du Contrôle Financier ; Antoine RAVARD, Membre du Conseiller Fédéral du PS Nord ; Rafika REZGUI, Conseillère départementale 91, Conseillère municipale Chilly-Mazarin, Membre du Bureau National ; Vincent TISON, Conseiller municipal Joué-les-Tours, Membre du Bureau National ; Sylvine THOMASSIN, maire de BONDY, membre du Conseil National ; Stéphane TROUSSEL, Président Conseil départemental 93, Secrétaire National aux Nouvelles Solidarités, Parcours de Vie et Innovation Sociale ; Roger VICOT, Maire de LOMMES, Membre du Conseil National et Fatima YADANI, Conseillère municipale Paris, Membre du Bureau National. »

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Élections européennes 2019 : la Gauche unie ou éparpillée façon puzzle

Il faut bien trouver une image pour montrer ce qui risque d’advenir à la Gauche si elle ne parvient pas à l’unité. Ce sera l’éparpillement façon puzzle.

L’expression est douteuse, car elle relève d’une logique mafieuse et de ce grave travers français du goût gratuit pour le pittoresque. Il n’empêche qu’elle est ici adéquate : si la Gauche n’est pas unie aux élections européennes de 2019, elle va se retrouver éparpillée façon puzzle. Rappelons d’où vient cette étrange image, à savoir du film culte (mais qu’on peut ne pas aimer) Les tontons flingueurs, où Bernard Blier alias « Raoul Volfoni » dit la chose suivante :

« J’vais lui faire une ordonnance et une sévère… J’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus : j’dynamite, j’disperse, j’ventile. »

En 2019, point de Raoul : c’est la Gauche elle-même qui s’auto-dynamite, se disperse elle-même, se ventile par choix. Parce que les gens de Gauche se croient dans les années 1990 ou 2000, dans une société stable où il est suffit de gérer en disant vaguement le contraire de la Droite. Les carriéristes ont bien compris que tout avait changé et ont pris la poudre d’escampette, passant souvent dans le camp d’Emmanuel Macron.

D’autres, sincères, se sont retrouvés désorientés et ont capitulé. Ceux et celles qui avaient des idéaux se sont noyés dans l’amertume et d’autres, plus friables sur le plan des idées, ont rejoint le populisme de Jean-Luc Mélenchon. Tout cela pour dire que ce qui reste ne pèse pas lourd ; il n’y a plus grand monde.

Et il y en aura encore moins si on rate les « millenials ». Cependant, encore faut-ils que ceux-ci sachent que la Gauche existe et dans l’état actuel des choses, c’est l’unité où l’éparpillement façon puzzle. Et tout le monde y a intérêt, pour survivre.

Le Parti socialiste ne peut pas se présenter sous son propre nom, tellement il est dévalorisé dans l’opinion publique. Génération-s est inconnu d’une vaste partie de la population y compris de secteurs pouvant sympathiser. Le PCF est travaillé par tellement de courants internes que s’il part tout seul et qu’il fait un score misérable, il se fractionne.

Europe Écologie – Les Verts a un dirigeant qui pousse, mais rien comme structures derrière lui : il suffit de lui donner la tête de liste et les volontés de parcours solitaire cesseront d’elles-mêmes.

Il serait donc logique de s’unir, pour résister ensemble à une vague de Droite, et il serait parfaitement cohérent aussi de s’ouvrir à toute la Gauche en général, y compris l’extrême-gauche dans la mesure où celle-ci n’est pas devenue une ultra-gauche historique. Il suffirait d’un drapeau rouge et du mot ouvrier pour réinscrire plein de monde dans une démarche politique réelle.

Comme ce sont de plus les élections européennes, les valeurs servant de dénominateur commun sont vraiment faciles à trouver et ce serait un premier pas pour la suite. Autrement, ce sera un premier pas pour une traversée du désert… Voire une traversée du désert avec qui plus est une brutale répression de Droite, voire d’extrême-droite, voire du militarisme, du fascisme, vu comment tout va vite.

Car c’est là le fond de la question. On sait à quel point la Gauche, historiquement, n’a saisi son identité commune malheureusement bien souvent qu’alors que la menace fasciste planait ou qu’il avait déjà pris une forme monstrueuse très concrète. Et si on doit avoir un critère pour savoir qui est de Gauche aujourd’hui, ce serait la réponse « oui » à la question « Le fascisme est-il une menace réelle, et non une fantasmagorie ? ».

Il faut donc assumer l’unité, car sans cela, à l’échec succéderait la honte sur le plan des responsabilités face à l’Histoire. Il faut l’unité pour protéger la Gauche et prévoir les choses positives de demain, mais aussi pour former un avertissement au peuple de France : si celui-ci cède à la démagogie, au populisme, ce sera la catastrophe !

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Fondation du nouveau parti « Gauche républicaine et socialiste »

La gauche du Parti socialiste qui a quitté celui-ci sans avoir rejoint Benoît Hamon a décidé de finalement passer sous la coupe de la France insoumise. Elle en sera une composante lors des prochaines élections européennes.

Ce week-end s’est tenu à Valence un congrès constitutif d’une nouvelle organisation à gauche, ayant pris comme dénomination « Gauche républicaine et socialiste ». Au sens strict, ce n’est pas quelque chose de nouveau, car il s’agit de l’organisation de Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, « Aprés », qui change de nom, abandonnant sa tentative d’exister de manière autonome. Marie-Noëlle Lienemann a exprimé ses regrets de la manière suivante :

« J’en veux à la gauche française, nous avions une trame idéologique potentielle pour résister à l’ultra-liberalisme; il faut créer de nouvelles formes politiques. Nous sommes dans une phase de décomposition. »

Il est apparu en effet soit qu’il n’y avait pas d’espace à gauche du Parti socialiste alors qu’il y avait déjà Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, soit qu’il n’y avait pas les cadres pour développer une organisation aux contours bien délimités, selon comment on voit les choses. Le manque de temps ou de confiance en ses propres idées (ou moyens) a donc abouti à un changement radical d’orientation.

Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, qui étaient depuis plusieurs mois alliés au Mouvement Républicain et Citoyen (MRC), ont fondé une nouvelle structure et rejoints Jean-Luc Mélenchon. La présence de l’ancien MRC dans la nouvelle organisation est un gage auprès de Jean-Luc Mélenchon, car c’est une structure « souverainiste » de gauche, fondé par Jean-Pierre Chevènement qui a toujours tenu une orientation qu’on peut qualifier comme « patriote » ou nationaliste de gauche.

De manière surprenante, ce positionnement souverainiste a été ouvertement assumé et exprimé par Emmanuel Maurel :

« La question de la souveraineté est essentielle. Souveraineté des peuples, reprise en main pour défendre les biens communs contre les intérêts privés. Cela passe par des ruptures radicales ! »

Il est, quoiqu’on pense de l’importance, de la validité de la question, toujours inquiétant de voir annoncer une « rupture radicale » au sujet d’une question nationale. La forme ici employée ne peut que choquer la Gauche. C’est cependant le prix à payer pour le passage dans le camp de la France insoumise.

Il ne s’agit par ailleurs pas d’une remarque dispersée, mais bien d’une approche générale ; en voici quelques exemples qui ont dits pendant le week-end de fondation :

« La politique de dumping, de casse sociale et la désindustrialisation en France et la politique « austéritaire » Bruxelloise sont les deux faces du même euro. »

« Le traité franco-allemand, c’est Merkel qui dit à Macron : « Donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure. » »

Dans un même ordre d’idée, les gilets jaunes sont considérés comme quelque chose non seulement de très bien, mais même de nouveau. On l’a deviné, c’est le prétexte employé pour passer sur la ligne « populiste » de La France Insoumise. Gael Brustier a pour sa part considéré que « les gilets jaunes donnent une opportunité incroyable pour la gauche telle qu’elle n’en avait jamais eu depuis trois décennies » et Marion Beauvalet a expliqué que ce qui est intéressant c’est que c’est « un mouvement au-delà des clivages gauche/droite [qui] oppose le peuple et l’élite ».

> Lire également : Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

On remarquera l’incohérence qu’il y a à parler de gauche d’un côté, de dépassement du clivage droite/gauche de l’autre, mais on devine que jeu de va et vient entre affirmation de la gauche et populisme va être incessant pour la Gauche républicaine et socialiste. Ce n’est qu’un début et on voit mal comment il va être continué à parler de Front populaire alors que La France insoumise a coupé les ponts avec l’histoire de la Gauche.

Emmanuel Maurel a pour sa part affirmé au sujet des gilets jaunes que :

« Il y a trop d’ambiguïté d’une partie de la gauche sur les gilets jaunes. Nous les soutenons ! »

Ce soutien est donc à ajouter à celui, tout récent, de la CGT, alors que pareillement l’ultra-gauche est désormais dithyrambique au sujet des gilets jaunes. Il y a là une véritable orientation nouvelle, résolument populiste ; on a d’ailleurs droit la semaine dernière à Marie-Noëlle Lienemann expliquant que l’émission de Cyrille Hanouna avait été quelque chose de positif au résultat conforme aux idées de gauche.

La base de la Gauche républicaine et socialiste est-elle d’accord avec tout cela ? Dans tous les cas elle va devoir s’y habituer, ou bien revenir dans le giron de la Gauche historique, qui reste à recomposer. Elle compte surtout sur son nombre, 2 538 personnes sont annoncées comme ayant participé au vote pour le choix du nom, pour pouvoir à un moment faire pencher la balance.

Le problème est que déjà que la rupture avec le Parti socialiste s’est déroulée de manière non démocratique, quoiqu’on pense du parti socialiste, aller rejoindre La France insoumise c’est franchement se lancer dans l’aventure.

On devine au fond qu’il est espéré que la formation de Jean-Luc Mélenchon n’est qu’une étape vers quelque chose de nouveau. Mais outre que c’est là du machiavélisme, que c’est là jouer avec le feu, comment espérer que la négation de la Gauche puisse aboutir à son renforcement ?

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Le PCF peut-il se maintenir tel qu’il est ?

Le PCF est passé d’une ligne insurrectionnelle à une participation gouvernementale soumise aux socialistes. Devenu un satellite de ces derniers, il est désormais orphelin de ceux-ci. Il est à l’heure des choix : trouver une identité propre, ou disparaître. En a-t-il les moyens ?

PCF Congrès 23 25 novembre 2018

En 1978 avaient lieu des élections législatives en France et elles furent un tournant historique à Gauche. La revue de Droite, L’Express, constatait ainsi le 13 mars 1978 par la voix de Jean-François Revel que :

« Le Parti communiste français était le premier parti de France au temps de Maurice Thorez. Du temps du secrétariat de Waldeck Rochet, il était le deuxième parti de France et le premier parti de la gauche. Sous Georges Marchais, il est devenu le deuxième parti de la gauche et le troisième parti de France. »

La Gauche a connu en effet depuis 1945 deux situations. La première est caractérisée par le refus catégorique des socialistes de se rapprocher des communistes. Les socialistes boycottaient la CGT et assumaient un anticommunisme forcené. Le PCF était le premier parti de France, mais les socialistes participaient au blocus général de celui-ci, aux côtés de la Droite, n’hésitant pas à aider à la naissance de la CGT-Force Ouvrière, ouvertement appuyée par les États-Unis.

Cette situation prévalut jusqu’en 1958, où la Gauche en général fut incapable de s’opposer au coup d’État de De Gaulle instaurant la Ve République. Son échec politique fut d’autant plus puissant qu’avec mai 1968 émergea une nouvelle génération de militants, d’activistes, de syndicalistes. François Mitterrand comprit cela, unifia les socialistes et fit en sorte de phagocyter le PCF.

Les socialistes finirent par dépasser électoralement le PCF, bien que celui-ci disposait d’une base de militants et de sympathisants encore sans équivalents. Et en 1981, François Mitterrand triompha aux présidentielles, plaçant le PCF dans l’orbite socialiste jusqu’à aujourd’hui.

De nombreuses tendances oppositionnelles sont apparues dans le PCF, désireuses d’en revenir aux « fondamentaux ». Depuis le tout début des années 1990 et jusqu’à aujourd’hui, elles ont su attirer un certain nombre de membres du PCF. Mais jamais elles ne furent en mesure d’influer ne serait-ce qu’un peu la tendance du PCF à n’être qu’un simple satellite des socialistes.

Le PCF, de par sa volonté de conserver ses élus, de participer au gouvernement, a une tendance naturelle à accepter les choix des socialistes ; en cela, le PCF est devenu comme Europe Écologie Les Verts.

Mais comme les socialistes se sont effondrés, le PCF doit faire des choix par lui-même. Or, au mieux, il produit des dirigeants comme Ian Brossat. Les membres du PCF se sont auto-intoxiqués, s’imaginant vraiment être le prolongement du PCF du Front populaire, du PCF de la Résistance, du PCF des années 1950, 1960, 1970, etc., alors qu’ils n’ont strictement aucun rapport avec rien de l’histoire de ce parti.

La sphère dirigeante du PCF n’est pas tant issu de la base historique de ce parti, que des éléments institutionnels et universitaires ayant parasité celui-ci et finit par prendre la direction culturelle, puis politique et idéologique. C’est pour cela qu’il y a un jargon universitaire post-marxiste, une esthétique très propre et lisse conforme à l’esprit universitaire, des postures revendicatives offusquées, etc.

Cependant, cela ne saurait être suffisant pour développer une identité propre. Cela peut permettre une affirmation, mais il serait naïf de penser que cela suffit, en soi, pour une affirmation autonome, notamment aux prochaines élections européennes. En même temps, ne pas maintenir une affirmation autonome, c’est inéluctablement disparaître dans la fusion avec d’autres.

Tel est le dilemme du PCF, le dilemme insoluble, car en quittant la classe ouvrière, le PCF a perdu le moteur de l’Histoire.

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L’appel de L’APRÈS d’Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann

Après avoir quitté le Parti Socialiste, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann lancent un nouveau parti dénommé APRÈS, qui signifie Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste. Ils ont publié un appel afin d’inviter à les rejoindre.

Appel de l'APRES

Le nom APRÈS et l’appel qui y est afférent montre cependant les grandes limites de leur démarche. Normalement, le socialisme est un terme général qui englobe tout le projet politico-culturel de la Gauche. Ainsi, l’écologie ne doit être qu’un aspect inhérent au programme, tout comme peut l’être la question républicaine si l’on souhaite raisonner en ces termes.

En mettant sur le même plan les notions de « Républicain », « Écologiste » avec celle de «  Socialiste », l’APRÈS fait une grande erreur. Elle dénature totalement le projet Socialiste pour en faire une sorte de synonyme de « politique sociale envers les classes populaires ».

Il n’y a d’ailleurs dans cet appel pas de véritable projet, mais une vague proposition qui se contente de dire « changer la vie » pour montrer la filiation à François Mitterrand en imaginant que cela suffise.

On l’aura compris, il ne s’agit pas d’une nouvelle organisation visant à changer le monde mais d’un rassemblement politique avec des vues électorales, et d’abord les prochaines Européennes. Cela était évident déjà vu la façon dont Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann ont quitté leur propre organisation le Parti Socialiste, en plein vote interne afin de la torpiller puisque leurs positions n’allaient pas être adoptées.

> Lire également : Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Mais franchement, quel sens cela a-t-il de jouer les vierges effarouchées par la désillusion de François Hollande, tout en disant que « depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme » ?

Pourquoi se réveiller maintenant à l’automne 2018, si ce n’est parce que c’est suffisamment tôt mais pas trop tôt non plus pour faire une alliance électorale à Gauche pour les Européennes ? Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann sont tous deux déjà députés européens et risqueraient de perdre leur mandat avec la déroute prévisible au PS, ceci expliquant certainement cela.

> Lire également : Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

Le contenu proposé n’est qu’un keynésianisme intéressé par les questions industrielles, mais ne relevant pas du mouvement ouvrier. C’est une organisation de Gauche de plus, appelant à l’unité certes, mais n’apportant rien de nouveau ni de vraiment concret qui justifierait la démarche autrement que sur le plan électoral.

Voici leur appel :

ap-res.fr/appeldelapres/

Appel de l’Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste

Nous nous sommes engagés parce que nous voulions une société plus juste, une société plus libre, une société plus démocratique, parce que nous voulions agir pour améliorer la vie de nos concitoyens, au plus près d’eux évidemment, mais aussi plus largement porter des réformes qui mettent en œuvre un idéal révolutionnaire – Liberté, Égalité, Fraternité – pour changer la vie. Longtemps, il nous est apparu que le PS était le parti capable de transformer le réel dans ce sens. Nous constatons comme beaucoup d’autres avec tristesse et regret qu’il a cessé de l’être.

Depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme cessant de résister devant les multinationales et les intérêts privés des groupes financiers. Pendant quelques années, le socialisme français a semblé moins atteint par la dérive néolibérale initiée par Tony Blair. Las, le mandat de François Hollande a démontré qu’au pouvoir les dirigeants du PS avaient eux aussi abdiqué. On connaît les conséquences : des réussites ténues, mais une politique injuste socialement, inefficace économiquement, des écarts avec nos valeurs républicaines, une incompréhension puis un rejet par nos concitoyens, par le peuple de gauche. Nombre de dirigeants « socialistes » étaient prêts en 2017 à vendre leur âme pour un soutien du nouveau Président.

On aurait pu imaginer que le PS apprendrait de la double déroute présidentielle et législative : il n’en est rien… aucun bilan du quinquennat, aucune vision politique, l’inertie règne rendant incapable de parler au reste de la gauche et au mouvement social ou d’être entendus par les Français. La « Renaissance » promise aux militants ressemble à une glaciation.

Alors que la majorité de la social-démocratie européenne se montre au mieux ambigüe, au pire complaisante, envers le néo-libéralisme, les dirigeants nationaux du PS ont annoncé qu’ils se plieraient à ses choix pour son programme électoral et son candidat à la présidence de la Commission européenne. Ils refusent l’idée même de proposer à la gauche française de s’unir aux élections européennes, alors que la raison et l’urgence le commandent. Les mêmes logiques produiront les mêmes effets : compromissions avec les droites européennes et des promesses qui n’engagent donc que ceux qui y croient… la crédibilité s’efface devant la duplicité.

Nous, femmes et hommes de gauche, nous nous organisons pour que cela change.

Pour nous, la République, l’écologie et le socialisme sont une seule et même chose : la défense du bien commun.

Redonner force à la règle commune contre l’individualisme, protéger notre unique planète contre le productivisme, investir dans les moyens publics d’émancipation contre le libéralisme, tel est le programme. Comme toujours à gauche, il sera débattu et enrichi par tous ceux qui nous rejoindront autour de nos valeurs et de nos buts.

Il n’y a plus de temps à perdre dans la compromission désolée et la morne survie de chacun dans son coin. La résignation est une défaite, l’espoir est une première victoire.

Il est à nouveau temps de parler d’avenir.
Maintenant, c’est A.P.R.É.S !

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Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

Emmanuel Maurel a quitté le Parti Socialiste pour fonder un nouveau parti. Fustigeant les erreurs de son camp, il fait souvent référence au mouvement ouvrier et aux classes populaires pour s’en revendiquer. Qu’en est-il vraiment ?

Emmanuel Maurel

Le mois dernier dans un entretien vidéo au Figaro, Emmanuel Maurel expliquait :

« je suis sur une position traditionnelle du mouvement ouvrier sur l’immigration »

Ces mots sont très importants car presque plus personne à Gauche ne se revendique du mouvement ouvrier. De la même manière, lors de la campagne pour la direction du Parti Socialiste, il avait expliqué que sa ligne était d’unifier la gauche et de :

« reconquérir le cœur des ouvriers, le cœur de la France qui se lève tôt et que l’on n’entend pas »

On peut bien-sûr penser que ce ne sont que des mots, et que de toutes manières il est bien étrange de parler de la classe ouvrière quand on a été au Parti Socialiste si longtemps, tellement ce parti est devenu celui de la bourgeoisie moderniste et libérale des centre-villes des grandes métropoles.

Mais cela n’est pas suffisant. Rien que dans le nord de la France, et particulièrement dans le département du Nord, il existe une filiation très forte entre cette organisation et ce qui reste du mouvement ouvrier.

Emmanuel Maurel est une figure intellectuelle de gauche typique. C’est quelqu’un de très cultivé, aimant la politique et le débat d’idée, qui veut être proche du peuple et répondre à ses aspirations. Seulement, il n’est pas quelqu’un reconnaissant le marxisme et pensant que la classe ouvrière puisse elle-même s’organiser pour conquérir le pouvoir.

S’il a été au Parti Socialiste, c’est parce qu’il ne considère pas les choses en termes de classes sociales et d’idéologies qui leur sont afférentes, mais en termes de politique simplement. La question serait celle des bons ou des mauvais choix politiques.

C’est pourquoi il a été capable la semaine dernière de quitter son parti en plein débat et échéance électorale interne, alors que cette façon de faire est insupportable si l’on considère au contraire que les principes sont ce qui doit primer.

> Lire également : Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Son « mentor », dont il a écrit une biographie, est Jean Poperen. Ancien membre du Parti Communiste, exclu en 1959 après avoir eu d’importantes responsabilités internationales, ce dernier est devenu un figure socialiste en France, particulièrement en ce qui concerne la question de l’unité de la Gauche.

Tant que le Parti Socialiste était la force la plus importante à Gauche, il était logique pour Emmanuel Maurel d’en faire partie. Il considère par contre que le Parti Socialiste a échoué sur le plan politique avec François Hollande, alors qu’il était majoritaire quasiment partout en 2012.

Il quitte donc le Parti Socialiste en voulant le refonder sur de nouvelles bases. La présidence d’Emmanuel Macron incarne pour lui l’aboutissement des erreurs récentes de son camp :

« nous lui avons fait la courte échelle […] C’est notre créature et aujourd’hui, on s’en mord les doigts. »

Quand Emmanuel Maurel explique qu’il s’était « engagé pour défendre les intérêts des gens modestes, mais aussi des stratégies de rassemblement des forces populaires », alors qu’aujourd’hui « le PS ne correspond plus à l’idée [qu’il se] fait du socialisme », ce n’est pas une critique idéologique. Simplement le regret d’une mauvaise orientation politique.

De ce point de vue, on ne peut pas considérer qu’il fasse partie du mouvement ouvrier. Sa critique n’est pas celle du mode de production, mais des « capitalistes qui se défient des règles ».

Il est par contre un homme politique de gauche ayant compris l’importance de la question ouvrière et ne cédant pas aux positions postmodernes et postindustrielles. C’est pour cela qu’il considère que « la question économique et sociale reste centrale » par rapport aux questions identitaires et républicaines.

C’est pour cela également qu’il défend une ligne intermédiaire par rapport à l’Union Européenne, n’appelant pas à en sortir mais par contre à « désobéir » aux directives qu’il rejette (sur l’austérité budgétaire, les travailleurs détachés, etc.)

C’est là encore un choix très étrange, très « politique », ne correspondant pas aux choix nets et tranchés, idéologiques, qui sont traditionnellement ceux du mouvement ouvrier.

Emmanuel Maurel ne fait pas parti du mouvement ouvrier car le « fil rouge » du parti qu’il souhaite créer sera « la république sociale, une maison de la Gauche républicaine », et que cette approche « républicaine » n’est pas celle de la classe ouvrière.

Son crédo n’est pas celui de la lutte de classe mais la bataille électorale. Il a déjà souvent à la bouche le mot « 2022 » et tout le monde aura compris qu’il se construit sur mesure un tremplin pour les élections présidentielles de 2022, misant tout autant sur l’éparpillement des forces de la Gauche que sur les dynamiques politiques existantes ici et là.

S’il peut être une figure sympathique et ayant une démarche positive sur un certain nombre de sujets, ses alliances avec le Mouvement Républicain et Citoyen à la ligne sociale-gaulliste, ou bien à la France Insoumise et le populisme social-chauvin de Jean-Luc Mélenchon, ne s’inscrivent pas dans la tradition et l’intérêt du mouvement ouvrier.

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Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann, dirigeants de l’aile gauche du Parti Socialiste, annoncent leur départ et affirment avoir plusieurs centaines de membres, d’élus et de cadres prêts à les suivre. Il agissent de manière non-démocratique, en torpillant leur propre organisation de l’intérieur pour des raisons électorales.

Ce week-end, le Parti Socialiste tenait son conseil national consacré à la question des élections européennes. Alors qu’il présentait lui-même un texte, le député européen Emmanuel Maurel a annoncé sa démission la veille du vote. Le lendemain, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann a fait de même.

Ils présenteront la semaine prochaine une nouvelle organisation avec la liste de ceux qui les suivent, et s’allieront à la France Insoumise.

En agissant ainsi, de manière non démocratique puisqu’il y a une participation à un vote qui est littéralement saccagé, l’objectif d’Emmanuel Maurel et de Marie-Noëlle Lienemann était bien entendu d’affaiblir jusqu’au bout le Parti Socialiste, qui comptait annoncer ce week-end son positionnement aux Européennes, alors que par ailleurs Ségolène Royal a été sondée pour prendre la tête de la liste.

Au-delà du fait qu’on apprécie ou non le Parti Socialiste, la ligne du Parti Socialiste, la démarche d’Emmanuel Maurel et de Marie-Noëlle Lienemann est discutable. On ne quitte pas une organisation alors qu’on participe à un vote : si l’on considère que ce n’est pas acceptable, on sort avant, mais on ne s’engage pas pour se dédire juste avant, pendant ou après.

L’autre problème touche le sens de la démarche elle-même. Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann ne cachent nullement qu’ils comptent fonder un nouveau parti qui utiliserait le terme de socialiste, afin de s’allier directement à La France Insoumise pour les Européennes, ainsi qu’avec le Mouvement républicain et citoyen.

Cela signifie que ce départ prend comme axe les élections et non pas les valeurs. Au lieu d’un débat sur le fond – que Benoît Hamon a essayé de mener avec Génération-s, même si c’est sans succès – on a une question électorale qui se profile.

C’est là revenir au défaut historique des socialistes français. Marie-Noëlle Lienemann dit qu’il faut en revenir au « socialisme de Jaurès » : c’est bien vu, Jean Jaurès n’a jamais raisonné qu’en termes électoraux, comme d’ailleurs tout le Parti Socialiste SFIO du début du XXe siècle. Le socialistes ont toujours appartenu à des petits appareils très minoritaires, uniquement actifs lors des élections. Faut-il vraiment en revenir là ou affirmer la nécessité du contenu ?

Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann contournent le problème au nom de l’actualité. Tous deux considèrent que le Parti Socialiste, pour prendre l’exemple assez sordide de Marie-Noëlle Lienemann pour se justifier, est un « canard sans tête », et que de toutes façons La France Insoumise est incontournable. Il n’y aurait donc pas le choix.

Et il y aurait même la possibilité d’un « Front populaire », l’expression étant régulièrement reprise par eux pour s’expliquer.

Rappelons pourtant que le Front populaire est né de la combativité ouvrière en 1934 pour contrer le fascisme. C’était une initiative d’urgence, mettant en perspective une menace terrible et sanglante, qui avait triomphé en Italie avec Mussolini en 1922 et en Allemagne avec Hitler en 1933. Et il y avait aussi l’idée de faire avancer la cause du socialisme, qu’assumaient alors tant le Parti Communiste que la SFIO. Or, il n’y a aujourd’hui ni menace directe de coup d’État fasciste en France, ni des organisations significatives voulant le socialisme. Ni le PCF, ni La France Insoumise, ni la gauche du Parti Socialiste qui vient de sortir ne veulent le socialisme.

Emmanuel Maurel a raison quand, dans une interview au Monde où il explique son départ, il résume le dénominateur commun de la gauche électorale actuelle de la manière suivante :

« Notre fil rouge, c’est la République sociale. Promouvoir la laïcité, défendre les services publics, l’égalité des territoires, un modèle social de qualité, faire vivre la souveraineté populaire… Privilégier le commun sur le particulier. On doit faire la synthèse avec les luttes nouvelles, à commencer par l’écologie. »

Mais peut-il exister trois forces à gauche proposant cette même vision édulcorée du keynésianisme de François Mitterrand ?

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Aurélie Filipetti ou la trahison de la classe ouvrière

Grand espoir de la Gauche, Aurélie Filippetti abandonne la politique : aujourd’hui sort son roman « Les idéaux ». Ce qui est grave, c’est qu’elle pense avoir fait quelque chose, alors qu’elle n’a jamais été qu’un potentiel : sa vie jusqu’à présent n’a été qu’un parcours doré dans les plus hautes instances de l’État français, aux antipodes de la classe ouvrière.


Aurélie Filipetti est à l’origine une femme du peuple. Elle vient de la Moselle, son père était un mineur devenu maire PCF d’Audun-le-Tiche ; sa famille est issue de l’immigration antifasciste italienne fuyant le régime de Mussolini. Son grand-père résistant a d’ailleurs été arrêté par la Gestapo et est mort dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, juste après la libération.

Elle en parle dans son roman de 2003 Les Derniers jours de la classe ouvrière, valorisant ses origines sociales tout en ayant un vécu l’en éloignant toujours davantage. Elle fait en effet des études au lycée préparatoire à Metz, pour aller à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud et devenir agrégé de lettres classiques, ce qui est une des formations les plus conservatrices et traditionnelles qui soit.

Juste après elle adhère aux Verts, qui est un parti typique des centre-villes, en 1999. Dès 2001 elle est membre du cabinet du ministre Verts Yves Cochet, qui s’occupe de l’environnement, ainsi que conseillère municipale dans l’ultra-chic cinquième arrondissement de Paris. En 2003, elle est membre du secrétariat exécutif et porte-parole des Verts-Paris, pour rejoindre du jour au lendemain, en 2006, l’équipe de campagne de Ségolène Royal qui se présente aux présidentielles de 2007.

Elle devient député de Moselle, porte-parole du courant de Ségolène Royal dans le Parti socialiste (« L’Espoir à gauche »), soutient François Hollande en 2011, rejoint son équipe de campagne, en devient le ministre de la culture et de la communication. C’est là un parcours classiquement opportuniste.


Aurélie Filipetti a pourtant une certaine aura à Gauche, en raison de son opposition à François Hollande : en 2014, elle refuse de participer au gouvernement de Manuel Valls et rejoint les députés dits « frondeurs ». Elle soutient dans la foulée Arnaud Montebourg aux primaires ouvertes lancées par le Parti socialiste, puis rejoint le vainqueur Benoît Hamon.

L’histoire s’arrête là ! Car dans la foulée, Aurélie Filipetti perd son mandat de député de la Moselle en 2017, ne recevant que 11,8 % des voix, ce qui est un échec complet pour quelqu’un revendiquant un ancrage historique social et culturel. Elle devient alors professeur à Sciences Po Paris, ce qui nous ramène dans la haute bourgeoisie, puis chroniqueuse pour l’émission On refait le monde de Marc-Olivier Fogiel sur RTL.


Preuve de cet ancrage dans la haute bourgeoisie et l’esprit bourgeois parisien, Aurélie Filipetti a accordé à l’occasion de la sortie de son roman une longue interview aux Inrockuptibles, une revue représentant pratiquement par essence la bourgeoisie parisienne friquée mais se voulant de gauche.

On y découvre que le roman est autobiographique, et qu’elle confond l’histoire de la Gauche avec son propre vécu. Elle n’hésite pas à assimiler sa propre individualité à la Gauche elle-même :

« C’est vrai que quelque chose s’est effondré. Depuis 2007, j’ai vécu dix ans dans le milieu parlementaire, et ça s’est joué là. Surtout ce qui s’est passé en 2017, où tout ce que représentait le socle du fonctionnement du monde politique traditionnel a tout à coup volé en éclats.

Ce n’est pas une révolution, car au fond on assiste au retour du même. Malgré tout, les partis se sont autodétruits de l’intérieur et très rapidement, très brutalement, sans que cela soit prévisible. Qu’est-ce qui fait qu’un monde qu’on croyait très solide disparaît aussi rapidement ?

Bref, j’ai vu l’effondrement d’un certain idéal, d’où le titre [de son roman sortant aujourd’hui]. Mon premier roman s’intitulait Les Derniers Jours de la classe ouvrière, celui-ci c’est un peu « Les Derniers Jours de la classe politique » (sourire).

J’ai vu l’effondrement des usines sidérurgiques de Lorraine, et plus tard, la gauche y a fermé les derniers fours alors que j’étais au gouvernement, ce qui est d’une terrible ironie pour moi. »

Aurélie Filipetti a tellement fait de son parcours un fétiche qu’elle ne conçoit pas que la Gauche a existé avant elle, que sa base est la classe ouvrière qui, d’ailleurs, selon elle, n’existe plus. Pour elle, la Gauche, ce sont des gens ayant fait de hautes études devant participer aux institutions dans un esprit social, sans se faire corrompre.

D’où ses vains reproches à François Hollande comme quoi il serait fasciné par la haute bourgeoisie, ou encore sa critique des grandes écoles permettant aux bourgeois d’intégrer l’appareil d’État. C’est à croire qu’Aurélie Filipetti ne sait pas que cela se passe ainsi depuis plus depuis la fin du 19e siècle et l’organisation moderne de l’État français !

Et quand l’interview se conclut par un appel à la libre-circulation des personnes, à un retour à l’esprit de la Révolution française, on ne peut que voir qu’Aurélie Filipetti a entièrement rompu avec la classe ouvrière.

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Discours d’Olivier Faure au séminaire d’été du Parti socialiste

Hier se concluait trois jours de séminaire pour la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR), c’est-à-dire 300 élus du Parti socialiste. En voici le discours de clôture, prononcé par le député de Seine-et-Marne Olivier Faure, premier secrétaire.

On notera qu’Emmanuel Maurel n’était alors plus présent à La Rochelle : il s’est éclipsé pour aller à Marseille, à l’université d’été de la France insoumise. Il fondera d’ailleurs le 7 septembre un « club » de gauche, en présence de Jean-Luc Mélenchon.

Cher François que nous sommes si heureux de retrouver après l’épreuve de la maladie,

Chers amis chers camarades,

Il y a un an nous étions dans cette salle quelques semaines après une défaite historique. Nous étions là par amitié, par habitude, sans doute aussi pour nous rassurer en démontrant par notre présence à La Rochelle qu’il est des rites immuables.

Nous étions tellement sonnés que nous en avions même oublié de nous diviser… un an plus tard, à la lecture des journaux, je nous retrouve, vivants !

En 2017 nous avons été fracturés. Notre existence même était devenue incertaine. Aujourd’hui nous avons redressé la tête et nous sommes toujours là. Grâce à vous, les élus, nous sommes une force d’alternative, vous montrez chaque jour dans vos territoires qu’un autre chemin est possible, que nous n’avons pas perdu notre force créative.

En 2017, la recomposition a surtout créé la confusion. Après avoir dû voter pour un autre afin de faire barrage au Front National, notre identité était devenue floue. Depuis notre congrès, nous avons engagé notre renaissance. Parce que nous avons été sévèrement battus nous devons changer, produire une nouvelle synthèse, construire un nouveau projet, et d’abord changer nos comportements, prendre conscience que nous réussirons ou que nous disparaîtrons ensemble.

En 2017, certains s’interrogeaient sur notre positionnement, étions-nous dans l’opposition, dans l’opposition constructive, dans le dialogue exigeant, que sais-je encore ? Aujourd’hui, il est devenu clair pour les français que nous sommes dans l’opposition, dans une opposition résolue et déterminée, parce que le pouvoir s’est dévoilé dans ses actes et que son visage n’est pas celui de la gauche, pas celui du socialisme, pas celui de l’humanisme.

Il n’a rien de commun avec nos valeurs, nos idées, nos combats. En 2017, le nouveau Président devait mener une « révolution » et faire entrer la France dans un « nouveau monde ». Ce projet répondait à une demande et il a levé une espérance dans le pays. Mais cette espérance a été trahie. Le fait politique majeur de cette année c’est la trahison par le Président élu, des termes du contrat démocratique noué lors de la présidentielle. Elu pour faire barrage au populisme, il devait être un rempart. Il est devenu une passerelle : antiparlementarisme, défiance vis-à-vis des corps intermédiaires, pouvoir personnel, recul sur le droit d’asile…

Le président a trahi le candidat en abandonnant toute dimension progressiste. Un an après, ce qui devait être un OPNI a été clairement identifié. Le « nouveau monde » se révèle être un mélange de conformisme technocratique et de libéralisme a-démocratique. Rien ne l’y a contraint, ni crise économique, ni circonstances exceptionnelles, c’est son choix. Cette trahison nous donne une responsabilité et une légitimité. Le drapeau du progrès, le drapeau de la République sociale ne nous a pas été repris sur le champ de bataille.

Le rôle historique nous revient de nouveau.

Le progressisme est orphelin, les français ont besoin du retour d’une gauche qui agit, les français ont besoin de notre renaissance. Quel est notre message en cette rentrée :

– Avec les affaires Benalla et Kohler, le dernier masque est tombé, celui de l’exemplarité. Emmanuel Macron n’est pas seulement le Président des riches, il est aussi le Président d’un clan, prêt y compris à faire mentir l’Etat. Les Français l’ont élu en espérant que sa frénésie de pouvoir serait mise au service du pays, pas pour que son autorité serve son clan et son camp. Cette trahison du contrat passé avec les Français nous oblige.

– Un an après notre terrible défaite nous sommes là, notre renaissance est engagée, nous avons repris notre rang au sein des grandes forces d’opposition, et nous allons marteler nos propres propositions comme autant d’alternatives. Oui la gauche et les socialistes sont bien de retour !

Si nous avons retrouvé ce rôle c’est grâce à l’action conjointe des élus et du parti.

Ensemble nous avons organisé la résistance face aux réformes libérales. Votre action dans les territoires a été essentielle pour défendre les solidarités et soutenir le monde associatif. Ensemble nous avons porté haut les valeurs de la France, pour exiger par exemple l’accueil des réfugiés de l’Aquarius.

Et je salue avec vous le courage des positions prises par Martine Aubry à Lille, Carole Delga en Occitanie, Anne Hidalgo à Paris, Johanna Rolland à Nantes et tant d’autres, l’énumération serait trop longue.

Ensemble nous avons rendu toute sa noblesse à l’action du Parlement qui s’est dressé face à l’exécutif, au moment même où le président voulait l’affaiblir, pour réclamer la vérité dans l’affaire Benalla. Et les socialistes ont joué un rôle majeur dans ce combat et je voudrais vous demander de saluer nos députés qui autour de Valérie Rabault ont porté une motion de censure de gauche, et nos sénateurs qui autour de Patrick Kanner et de Jean-Pierre Sueur ont contribué à faire du Sénat la voix de l’exigence démocratique. Merci à tous pour ces combats. Nous n’en avons pas fini !

Certains continuent d’appeler à une inflexion sociale. Mais même l’écho ne leur répond plus. Depuis le discours solennel de Versailles chacun sait qu’il n’y aura aucun rééquilibrage. Ni demain. Ni jamais.

Le discours présidentiel n’est complexe que parce qu’il emprunte ses mots à la gauche – « Société de l’émancipation », « état providence du 21ème siècle » – pour mener une politique de droite !

Pour Emmanuel Macron, l’égalité se résume à l’égalité d’accès au marché. Chaque individu doit pouvoir y contribuer par ses talents. Ensuite c’est le marché qui sélectionne et récompense les mérites de chacun. Les inégalités de revenus ne sont plus un sujet. Seules comptent les « inégalités de destin ». Chacun doit avoir sa chance par la formation, mais ensuite chacun doit accepter le marché pour seul juge.

Le Macronisme est une société à responsabilité où l’Etat limite son intervention aux premiers âges de la vie. Pour Emmanuel Macron, la lutte contre les inégalités ne passe plus par la redistribution des richesses produites. Chacun est « responsable » de son destin, donc de son chômage, de sa pauvreté, de son statut, dès lors que l’Etat a garanti des conditions de départ équitables.

C’est la justification de la réforme de l’assurance chômage qui mettra chaque chômeur devant sa « responsabilité ». Le rôle de l’Etat se limite à fluidifier le marché et à assurer un filet minimal de sécurité pour éviter tout risque d’explosion sociale.

Le modèle Français n’est pas le sien. Il voit dans les décennies passées une suite d’échecs. La solidarité, la redistribution, la lutte contre les inégalités, ne sont pas son affaire. Pour Emmanuel Macron, la vision c’est le marché jusqu’au bout.

Pour nous depuis Jaurès, c’est « la République jusqu’au bout ».

Deux visions du monde. Deux regards sur l’Humanité. Pour nous, le Capital c’est l’Humain. Alors oui chers amis, chers camarades, cette rentrée va être celle d’une force d’opposition, déterminée, offensive. Et les combats vont être nombreux.

Budgétaire évidemment. Le président nous dit : « Pour partager le gâteau, il faut qu’il y ait un gâteau ». Mais sa politique fiscale a coupé les moteurs de la croissance. La consommation des ménages a chuté dès lors que le choix a été fait de leur faire payer à eux, les 45 à 50 milliards de cadeaux fiscaux faits à quelques-uns ! Et comment chacun pourrait-il disposer de sa juste part quand les outils de la répartition sont abandonnés? Les services publics, la fiscalité et même les politiques sociales !

Tout l’argumentaire présidentiel reposait sur un maître mot : l’efficacité. Mais elle est où l’efficacité quand la croissance est trois fois inférieure à celle que nous connaissions à la fin du quinquennat précédent ? Que la création nette d’emplois dans le secteur privé s’est réduite de moitié ? Que l’investissement des entreprises a lui-même baissé de 50% ?

Elle est où l’efficacité quand les dividendes atteignent des niveaux inédits mais qu’on renonce à les taxer au même niveau que le travail ? et que c’est sur les politiques sociales que l’on s’apprête à rogner parce qu’elles coûteraient « un pognon de dingue » !

J’ai eu honte qu’un président Français puisse dire à Versailles : « Quelle gloire peut-on tirer de politiques sociales qui ont condamné à la pauvreté un enfant sur cinq? »

Le macronisme est un syllogisme : les politiques sociales n’ont pas supprimé la pauvreté et bien supprimons les politiques sociales ! Et c’est dans le creux de l’été qu’a été adressée une directive sur l’organisation territoriale des services publics.

Et que dit-elle? Que l’efficacité, c’est une prime d’intéressement pour les préfets qui réduiront les services publics ! L’efficacité c’est – vous ne rêvez pas – de proposer aux serviteurs de l’Etat une prime pour affaiblir l’Etat ! L’efficacité c’est au contraire d’utiliser les marges de manœuvre pour renforcer nos services publics, donner les moyens aux médecins, aux infirmières, aux aides soignantes d’exercer leur métier dans les hôpitaux et les EHPAD…

L’efficacité c’est de lutter contre le pire des gâchis, le gaspillage humain ! L’efficacité c’est d’accompagner les familles qui ne s’en sortent plus, l’efficacité c’est de mettre les moyens pour que l’enseignement supérieur ne soit plus une loterie mais un tremplin pour tous nos étudiants, l’efficacité c’est d’aider les locataires à se loger plutôt que de raboter les APL, l’efficacité c’est de maintenir les emplois aidés dans les associations qui assurent le lien social et qui remettent le pied à l’étrier aux publics les plus éloignés de l’emploi…

Nous proposerons à nouveau à l’automne, comme nous l’avions fait dès 2017 avec Valérie Rabault, un contre-budget qui reviendra sur les cadeaux superflus aux super-riches pour au contraire ouvrir une nouvelle étape dans la lutte contre les inégalités et notamment les inégalités entre territoires. C’est aussi à la retraite que le gouvernement s’apprête à toucher. Le pire est à craindre. Dans une série de déclarations contradictoires, les pensions de réversion ont été supprimées, puis rétablies pour les seules femmes n’ayant pas travaillé, et le président lui-même s’est engagé à ne pas toucher aux pensions existantes mais sans garantie pour l’avenir…

Nous défendrons un système solidaire, par répartition, nous refuserons le basculement vers toute logique assurantielle. Nous défendrons la prise en considération de la pénibilité, les espérances de vie réduites. Nous refuserons toute logique qui conduirait à individualiser le rapport de chacun à sa retraite avec la volonté de casser toute possibilité de revendication collective. Le combat social et le combat économique vont de pair. Face à la loi PACTE, nous proposerons de nouvelles règles de gouvernance des entreprises.

Dans les conseils d’administration le travail doit être reconnu à parité avec le capital. La stratégie des entreprises ne peut plus dépendre de la seule volonté d’actionnaires qui sont le plus souvent totalement étrangers à la vie des sociétés et qui cherchent simplement une rentabilité.

Nous voulons la codétermination pour que soit respectée une vision qui replace le travail, les travailleurs au cœur de la décision. Notre combat sera aussi environnemental. Tout nous alerte et la France devrait donner la priorité à l’économie circulaire, décarbonée, adresser des signes clairs au marché en mettant Ie paquet sur les énergies renouvelables, faire le choix du ferroviaire, respecter sa parole sur le réchauffement climatique, lier enjeux environnementaux et enjeux sanitaires.

C’est une vraie révolution des modes de production qu’il faut atteindre. Impliquant une transition vers l’agro écologie. Garantissant une alimentation de qualité, dans le respect de la planète et un niveau de vie digne à nos agriculteurs qui luttent contre la concurrence à bas coût. Au lieu de quoi : Le gouvernement se félicite d’une condamnation de Monsanto mais renonce à ses propres engagements sur le glyphosate et rejette notre proposition d’indemniser ses victimes?

Le gouvernement entend faire une planète «great again » mais autorise Total à importer 300 000 tonnes par an d’huile de palme. Le gouvernement nous parle de développement durable mais repousse à plus tard le rééquilibrage du mix énergétique. Le gouvernement tire des larmes de crocodile le « jour du dépassement » parce que la planète a déjà consommé ses ressources de l’année, mais met en œuvre par anticipation le traité de libre-échange CETA…

C’est ce même gouvernement qui vient de refuser notre proposition de placer au rang de principe constitutionnel la défense des biens communs face aux multinationales ! Le combat sera aussi institutionnel. Je préfère dire démocratique. Nos institutions doivent évoluer. Mais pas comme le pouvoir actuel nous le suggère en concentrant davantage de prérogatives dans les mains d’un seul et en affaiblissant le Parlement.

Avec Emmanuel Macron, la démocratie se cantonne à la désignation des gouvernants. Les syndicats, les associations, les ONG, les élus locaux et nationaux, les citoyens, tous ceux qui peuvent apparaître comme une force alternative, un contre-pouvoir, sont tenus en lisière. Ce n’est pas notre conception de la République. La République ce n’est pas l’Empire. La souveraineté populaire ce n’est pas le règne d’un seul.

Nous croyons à la confrontation, au dialogue, à la participation. Nous voulons faire de chaque Français, non pas un sujet, pas davantage un simple consommateur, mais un citoyen. L’objectif ce n’est pas l’Olympe pour quelques-uns mais l’agora où chacun prend part à la définition des choix collectifs. Obliger annuellement le gouvernement à solliciter la confiance du Parlement sur son programme, ouvrir un droit d’amendement citoyen, limiter les outils du parlementarisme rationalisé, définir les principes de rangs constitutionnels qui nous permettent de protéger les biens communs, il y a là de quoi faire avancer la démocratie !

Le combat portera également sur les politiques migratoires. Combien faudra-t-il encore d’Aquarius pour que cessent ces trocs ponctuels ? Le temps est venu pour que la France tienne un discours de vérité sur ces mouvements de population qui ne visent pas principalement l’Europe. Nous sommes très loin de toute submersion. Mais nous devons prendre notre part. C’est-à-dire remettre à plat les accords de Dublin qui font peser principalement sur quelques pays l’accueil des réfugiés. Ouvrir une liste de ports et éviter ces images désastreuses de pays qui se renvoient les navires. Décider ensemble d’une répartition équitable entre Etats membres.

Bien sûr, nous devons établir une distinction entre réfugiés relevant du droit d’asile et migrants économiques, mais cette distinction ne peut tenir qu’à la condition de renforcer l’aide au développement et de mener une lutte efficace contre le réchauffement climatique. C’est cette approche globale qui manque cruellement et qui fait le jeu de ceux qui utilisent le désordre actuel pour proposer un ordre qui contredit nos valeurs et nos principes.

Puisque le gouvernement semble incapable de s’emparer de ces enjeux dans la fidélité aux valeurs de la République c’est à nous d’agir, à nous la gauche, à vous, les élus de la République française. J’ai déjà eu l’occasion au début de mon intervention de saluer les actions emblématiques de grandes métropoles, je connais aussi les solidarités du quotidien qui se manifestent dans tant de villes et de communes. Puisqu’il revient aux collectivités, et d’abord aux villes, d’assumer des responsabilités que l’Etat ne prend pas, faisons-le tous ensemble, solidaires, avec les autres élus de gauche.

Je propose aujourd’hui qu’à l’initiative du Parti Socialiste et de la FNESER, nous proposions à tous les élus de gauche, et plus largement à tous les élus humanistes et progressistes, un engagement commun pour l’accueil et l’accompagnement des réfugiés. Il permettra de répartir l’effort d’accueil et d’organiser à l’initiative des territoires, la solidarité nationale, que l’Etat a abdiqué.

Notre agenda politique ne se limite pas à cette rentrée politique en France. Notre agenda il a été fixé par le congrès du Parti Socialiste : engager et accélérer la renaissance, lancer et conduire nos chantiers pour demain disposer d’un nouveau projet, transformer notre parti en lui donnant de nouveaux statuts et une nouvelle vie collective, ouvrir les portes et les fenêtres, redevenir le parti de l’espérance, le parti face à la montée des populismes et des nouvelles inégalités, le parti d’un nouveau projet humaniste et de progrès partagé.

Ce chemin de la renaissance a largement rassemblé les militants et les élus lors de notre congrès. De nouvelles équipes se sont constituées, de nouveaux visages sont apparus. De nouvelles actions sont engagées, notre plate-forme « la ruche socialiste » a été ouverte. Cette démarche de renaissance est ouverte à tous, je dialogue avec les responsables des autres sensibilités et mon rôle est de nous faire, de vous faire, tous travailler ensemble.

Ce n’est pas toujours le plus facile, je suis patient, parfois trop, on me le reproche, mais je sais où je vais. Avec la nouvelle direction nous avons un mandat pour trois ans, et notre programme d’action a été adopté par le Conseil national il y a 3 mois.

Nous avons à l’issue de ces trois ans, trois objectifs clairs : retrouver une crédibilité collective, reconstruire un projet d’alternative pour le pays, redevenir le principal parti de gauche à l’issue du cycle électoral des élections territoriales. Avec cette équipe, avec vous, je suis sur ce chemin, notre chemin. Mon agenda ne sera ni celui des médias ni celui des grognons, ce sera l’agenda fixé par les militants du Parti Socialiste.

J’aurai l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces chantiers de la renaissance lors de l’inauguration de notre nouveau siège, à Ivry. Ce rendez-vous sera une fête, une étape de la renaissance, et un moment fort de travail et de réflexion collective avec une université des militants qui se tiendra tout au long des week-ends qui suivront notre installation.

Le cycle d’Epinay est terminé, l’époque Solférino, dont nous sommes fiers, avec ses grands moments est derrière nous. Dans ce nouveau lieu nous allons inventer ensemble un nouveau parti socialiste, nous allons engager une nouvelle histoire collective. L’agenda de la renaissance, ce sera aussi mener à bien notre travail sur le bilan de nos années de pouvoir. J’ai reçu mandat des militants pour mener ce travail et il sera publié en novembre conjointement au travail de la fondation Jean Jaurès.

Ce bilan est un bilan collectif, c’est le bilan de nos années de pouvoir, il plonge ses racines dans une histoire plus longue et s’inscrit dans le contexte de crise du socialisme et de la sociale-démocratie en Europe. Et après une élection où aucun candidat de gauche ne figurait au second tour de l’élection présidentielle.

Sans bilan sincère qui croira que nous avons compris les raisons de notre défaite ? Sans bilan sincère il n’est pas de renaissance possible. François Hollande a – légitimement – sa lecture des cinq années écoulées. C’est sa contribution à l’inventaire. Je n’en partage pas tous les termes. Je crois nécessaire la réhabilitation de notre bilan, de rappeler le contexte national, européen, international, d’en finir avec une certaine forme d’anachronisme, mais je crois aussi nécessaire la reconnaissance de nos erreurs et de nos manques.

Quoi que l’on puisse penser de la campagne du candidat désigné par nos primaires, le séisme a atteint une telle magnitude que rien ne serait pire que de considérer qu’il s’agissait d’un simple accident de parcours. Dans l’interprétation de notre défaite, il y a matière à un débat posé, sans caricatures et sans œillères.

Si nous savons le conduire sans postures, il nous vaudra l’estime de tous. Évitons nous les faux débats. François Hollande est à la fois celui qui nous a conduit à la victoire en 2012, et un acteur de notre présent ; Il joue un rôle important dans le dévoilement de l’imposture macroniste, il contribue au réveil du peuple de gauche, et cette contribution est précieuse.

Il a choisi de redevenir un militant du Parti socialiste. Le compter aujourd’hui dans nos rangs doit être pour nous tous une fierté. Mais le plus sage est de ne pas chercher à l’instrumentaliser pour exister. Je le sais trop averti et trop fin, pour ne rien exclure mais aussi pour ne rien préjuger. Et mon devoir comme chef de parti, notre devoir comme militants socialistes, c’est de nous poser la question de notre renaissance indépendamment de celle ou celui qui nous représentera le moment venu.

Dans cet agenda de la renaissance figurent aussi les élections européennes. Mi-septembre, sur la base du travail conduit par Christine Revault d’Alonnes, Emmanuel Maurel, Clotilde Walter et Boris Vallaud, le bureau national arrêtera le texte qui sera ensuite débattu dans nos fédérations et soumis au vote des militants et des sympathisants sur notre plate-forme. Le 13 octobre nous aurons notre projet. Le 7 et le 8 décembre le PSE adoptera notre plate-forme européenne.

Et au cours de cette période nous choisirons une tête de liste et une liste. Avant la fin du mois de septembre le bureau national en proposera les modalités d’élaboration au Conseil National qui se tiendra le 13 octobre. Les élections européennes auront lieu le 26 mai 2019 dans 9 mois. Les français se moquent aujourd’hui se savoir qui seront les têtes de listes des grandes formations politiques et la majorité d’entre elles n’en ont d’ailleurs pas.

Par contre ils veulent savoir comment l’Europe peut servir à la construction de l’avenir dans un monde menaçant, marqué par de profonds bouleversements, par la toute-puissance des nouveaux monopoles du numérique et par la brutalité des effets du changement climatique. Et c’est d’abord cela qui doit nous intéresser.

Cette étape sera difficile. Emmanuel Macron va chercher à résumer cette échéance à un débat entre « pro » et « anti » européens. Soit très exactement ce qu’attendent les nationalistes, les populistes, trop heureux de se poser comme seule alternative à la politique libérale de l’Union.

Si la construction européenne est une pensée unique alors la voie du chaos devient une option. Le choix que nous devons ouvrir à nos concitoyens, ce n’est pas pour ou contre l’Union européenne, mais la possibilité de construire l’Europe autrement. Souhaitons-nous une Europe qui dérégule nos sociétés ou qui en renforce les protections ? Qui protège nos droits, ou qui en réduise la portée ?

Nous, nous voulons une Europe qui défend ses valeurs et aussi ses intérêts dans le monde de Trump, de Poutine, d’Erdogan, où le rapport de force prévaut sur le multilatéralisme, où le réveil des empires, des nationalismes, des césarismes, ne peut se faire qu’au prix de l’endormissement des démocraties .

Etouffer ce débat, c’est nourrir la défiance envers l’Europe et dérouler un tapis rouge à Salvini, Le Pen et leurs amis. Face aux populistes, face à la droite libérale, l’Europe a besoin de l’affirmation d’une gauche socialiste et sociale-démocrate, écologiste et progressiste. Il ne sera pas possible de la réunir au sein d’une seule liste, le mode de scrutin et la situation politique le rendent illusoire, on peut le regretter, mais cette réalité s’impose.

Pour autant la gauche européenne, et donc la gauche française, doit montrer qu’elle peut se donner des combats communs si elle veut voir se lever une espérance de changement. Ce que nous avons fait en juillet sur la question démocratique, nous devons pouvoir le reproduire sur des sujets d’intérêt général. J’ai il y a quelques minutes évoqué l’initiative que nous devons prendre sur l’accueil des réfugiés.

Je veux donner deux autres exemples :

Sur le glyphosate, nous avons été les premiers à demander une commission d’enquête au Parlement européen et c’est aujourd’hui notre camarade Eric Andrieu dont je salue la persévérance et l’obstination, qui la préside aujourd’hui. Nous pourrions chercher à en tirer gloire pour nous-mêmes. Ce n’est pas notre état d’esprit. Sur un sujet comme celui-là qui engage la santé de nos concitoyens, je propose que nous unissions nos voix et nos forces pour obtenir du gouvernement qu’il suspende l’autorisation des produits à base de glyphosate afin de protéger les femmes enceinte, les nourrissons, les 68 millions de consommateurs français.

Je suggère un second combat commun, faire de l’égalité entre femmes et hommes en Europe un combat emblématique de toute la gauche. Je lance aujourd’hui un appel aux forces politiques et syndicales progressistes pour avancer dans cette bataille essentielle. Commençons par les avancées sociales de la directive « work life balance » auxquelles s’oppose Emmanuel Macron. Cette directive garantit pour l’ensemble des européens, des droits nouveaux sur le congé de paternité, le congé parental et le congé des aidants.

Continuons par un droit à l’IVG universel en Europe déjà voté par le Parlement européen mais bloqué par le Conseil, ce combat porté par le mouvement féministe et mis en avant récemment par Julien Dray. Voilà le visage de l’Europe à laquelle nous croyons. Celle qui harmonise de nouveaux droits, qui favorise l’Egalité entre les femmes et les hommes et permet de préserver la vie privée. Je proposerai dans les prochains jours une initiative ouverte à l’ensemble de ces forces de gauche afin de mener campagne et obtenir que le Gouvernement d’Edouard Philippe revienne sur sa position.

L’Europe sociale n’est pas un mythe mais un combat à mener. Je ne peux achever mon propos sans évoquer les élections municipales, et plus largement la préparation des élections locales de 2020 et 2021. Je l’ai souvent dit il y a un Parti socialiste malade, rue de Solférino et un autre qui continue d’aligner les succès dans les élections partielles.

Et pas seulement en Haute Garonne ! Ce parti c’est celui des territoires. Ceux où l’innovation continue d’être la règle. Et je salue le travail des 14 départements qui sous la direction de Jean-Luc Gleize président du département de la Gironde, expérimente le revenu de base.

Connaître le réel, le comprendre, chercher à l’améliorer, elle est là notre marque de fabrique. Et c’est pour cela que l’échéance probatoire de notre renaissance sera d’abord celle des municipales. Notre message doit être clair, il s’agit de lancer par les territoires un mouvement de renaissance de la gauche, il s’agit de faire de chaque territoire un laboratoire de l’alternative, il s’agit d’inventer de nouvelles solidarités, de nouveaux services publics, d’accélérer la transition écologique, de donner un nouvel élan à l’émancipation par la culture et l’éducation.

Oui il s’agit d’inventer l’avenir dans les territoires, de s’appuyer sur cette réserve inépuisable d’engagement citoyen et de créativité, de nourrir notre renaissance par notre action locale. Une renaissance dans l’action, une renaissance par la preuve. Qu’est-ce qui est le plus crédible, les déclarations d’intention ou de dire que Dijon est une ville zéro pesticides depuis un mandat ? Il ne s’agira pas seulement de faire gagner le Parti Socialiste, il s’agira de faire gagner la gauche, une gauche citoyenne, une coalition des progressistes.

Parce que nous sommes la première force locale à gauche, il nous revient d’engager ce mouvement et de faire des territoires aussi les creusets d’une renaissance citoyenne. Ce rendez-vous des élections municipales de 2020 est capital. C’est pourquoi il doit se préparer dès maintenant. Nous devrons prendre en compte chaque réalité locale, notamment pour les calendriers de désignations, et respecter l’autonomie de nos premiers secrétaires fédéraux et élus qui connaissent leur terrain.

Mais nous devons aussi construire une démarche collective, construire une cohérence politique, partager des lignes forces qui donnent corps à la construction d’une alternative dans nos villes. Je vous propose donc d’élaborer ensemble une charte commune à nos candidats et à ceux qui solliciteront notre soutien. Le parti jouera son rôle, Sarah Proust est notre secrétaire nationale à la reconquête des territoires épaulée par Pierre Jouvet et Sébastien Vincini qui animent le réseau des fédérations.

Mais c’est d’abord à vous, les élus, de vous impliquer pour construire cette charte. J’ai donc demandé à André Laignel, 1er vice-président de l’AMF, et à Sarah Proust de prendre tous les contacts, en lien étroit avec François Rebsamen, pour constituer le collectif d’élus qui pilotera l’élaboration de cette charte. Le parti dégagera des moyens et offrira un véritable service d’appuis aux candidat-e-s en partenariat avec les fédérations.

Et dans un an, à La Rochelle, nous aurons à nouveau une université de tous les militants. Et c’est ici que nous lancerons notre campagne des municipales ! Chers camarades, En politique rien n’est jamais définitif. Il n’y a pas de victoires définitives. C’est ce que les sociaux démocrates avaient fini par oublier. Nous étions persuadés que nos concitoyens n’accepteraient jamais de revenir sur les droits acquis. Que la marche vers le progrès humain était irréversible sur notre continent.

Nous avions pensé que le débat se limiterait à la nécessaire contagion de notre modèle audelà de nos frontières. Et nous n’avons pas vu venir d’autres fractures. Nous n’avons pas vu que nos lignes s’étiraient sur notre droite, sur notre gauche et que bientôt nous serions transpercés. Nous avons perdu le goût de la conquête. Nous nous sommes repliés sur nous-mêmes.

Nous avons préféré les batailles d’appareil aux guerres culturelles, les complots aux combats, les intrigues à l’Histoire. Et nous sommes entrés dans le temps de la défaite. Mais il n’y a pas de défaites définitives non plus. La politique c’est le rocher de Sisyphe. Chaque fois que nous saurons répondre à ces deux impératifs humains que sont le besoin d’être ensemble et d’écrire un avenir pour tous, notre rocher culminera. Chaque fois que nous nous écarterons des Français par de vaines querelles, notre rocher dévalera la pente. C’est ce que j’ai appris de nos victoires et compris de nos défaites.

Tirer les leçons, refuser la résignation, surprendre à nouveau, c’est maintenant notre feuille de route. Nous renouveler dans la fidélité à celles et ceux qui nous ont précédé, c’est maintenant notre devoir. Rien n’a jamais été donné à la gauche. Ce qui a été gagné a été conquis.

Nos ainés avaient le courage de ceux qui mènent le combat juste. Ils savaient qu’ils portaient quelque chose en eux qui ne peut être vaincu. C’est cette force-là, celle des valeurs que l’on défend sans complexe, des causes communes que l’on porte sans chercher à en tirer un bénéfice personnel, qui a donné le goût à des millions de femmes et d’hommes de consacrer leur vie à la gauche. Cette force-là elle est irrésistible !

Vive la gauche, vive la République et vive la France!

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Henri Weber et mai 1968

A la mi-avril 2018, Henri Weber signait une tribune dans Libération, intitulée « Il n’y aura pas un nouveau Mai 68 ». Il y analysait la différence entre aujourd’hui et il y a cinquante ans ; il la signait en tant que « Ancien sénateur et député européen socialiste », mais en réalité son identité politique est bien plus complexe, ce qui donne à son opinion une valeur très importante.

Henri Weber est en effet un des cadres de l’Union des Etudiants Communistes qui donne naissance à la  la Jeunesse communiste révolutionnaire en 1965. Il joue un rôle important durant mai 1968 de par sa fonction au sein de la JCR.

Dans la foulée, il devient l’un des plus hauts responsables de la Ligue communiste (puis Front communiste révolutionnaire, puis Ligue communiste révolutionnaire), étant notamment directeur de l’hebdomadaire Rouge et de la revue Critique communiste jusqu’en 1976, ce qui lui confère un poids idéologique très important.

A cela s’ajoute qu’il appartenait également à la direction de la « Commission très spéciale », c’est-à-dire l’organisation clandestine, à visées militaristes ou militaires, de la Ligue. Le changement de nom de cette dernière a comme origine l’attaque d’un meeting d’extrême-droite en 1973 à Paris, organisé conjointement avec le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France.

Le film « Mourir à trente ans », de 1982, retrace ce moment « chaud » de la Ligue, avant le tournant institutionnel.

Henri Weber reflète justement ce tournant. Il arrête la politique en 1981, pour rejoindre le Parti socialiste, dont il devient une figure d’importance. Voici donc comment il voit les choses, cinquante ans après, à partir de l’identité d’un ex-révolutionnaire ayant rejoint les socialistes.

On est en droit de considérer qu’il réduit tout de telle manière à justifier sa propre position se limitant à une dénonciation du libéralisme économique.

Il n’y aura pas un nouveau Mai 68

Ce qui explique la puissance et l’ampleur du soulèvement de la jeunesse il y a cinquante ans, c’est la combinaison de trois facteurs.

Le premier est «sociétal», comme on dit aujourd’hui, ou culturel : la France s’était beaucoup modernisée sur les plans technologique et économique depuis 1945.

Elle s’était industrialisée et urbanisée à pas de géant. Mais sur les plans des mœurs et des rapports d’autorité elle était restée engluée dans le XIXe siècle. L’autoritarisme et le traditionalisme répressifs, hérités de la société catholique et rurale, pesaient de tout leur poids sur la jeunesse.

La révolte de celle-ci fut d’abord culturelle : capillaire, vestimentaire, musicale, sexuelle, esthétique.

Le second facteur fut politique: dans les années 60 du siècle dernier, «le fond de l’air était rouge», comme le titrait le cinéaste Chris Marker. Les peuples coloniaux avaient pris les armes pour conquérir leur indépendance et volaient de victoires en victoires, au prix de longues et sanglantes guerres de libération nationale.

C’était «l’heure des brasiers». Les «baby boomers» sont venus massivement à la politique par indignation et révolte contre les exactions des impérialismes, occidentaux et soviétique, que leur montrait quotidiennement le journal télévisé.

Le troisième facteur fut universitaire : entre 1962 et 1968, le nombre des étudiants a triplé, sans que les méthodes pédagogiques et les programmes ne soient adaptés à ce nouveau public. La réponse des autorités fut au contraire principalement malthusienne : le plan Fouchet préconisait (déjà !) la sélection à l’entrée des facultés.

A cela s’ajoute en France un autoritarisme patronal spécifique renforcé par la victoire du général de Gaulle en 1958-62. Les syndicats ouvriers en étaient réduits à manifester devant le siège du CNPF (le Medef d’alors) pour obtenir l’ouverture de négociations !

Ce n’est pas par hasard que «l’étincelle» étudiante a si aisément «mis le feu à la plaine» ouvrière. Celle-ci était sèche et archi-sèche.

Cette combinaison a nourri un lourd contentieux entre la jeunesse et la société des adultes. Celui-ci a engendré des situations d’autant plus explosives que la génération des baby-boomers était habitée par un formidable optimisme historique : l’homme avait marché sur la Lune, la croissance économique dépassait 5%, le plein-emploi semblait assuré, la société de consommation, d’abondance, de loisir déployait ses promesses…

Le contexte sociétal, politique, social, idéologique est bien différent aujourd’hui, même si les raisons de mécontentement ne manquent pas.

Le contentieux entre la jeunesse et la société adulte existe, mais il est  incomparablement moins fort. La France de 2018 est beaucoup plus libérale, au sens politique et culturel du terme, que celle des années 60. Le contexte géopolitique et idéologique a profondément changé.

Désormais «le fond de l’air est brun» : les populismes xénophobes et les «démocratures» ont le vent en poupe, les démocraties sont fragilisées et menacées. L’institution universitaire demeure en crise, mais sa réalité s’est considérablement diversifiée.

A côté des «facs parkings» existent beaucoup d’établissements de bonne qualité, voire d’excellence, y compris dans les filières techniques courtes. Ce contentieux est aussi plus fragmenté : beaucoup plus fort chez les jeunes issus de l’immigration et relégués dans les banlieues déshéritées, que chez ceux des centres-villes.

Des conflits sectoriels, durs et prolongés, sont probables, et mêmes inévitables, en cette ère de changements accélérés et de réformes nécessaires et, pour certaines, impopulaires.

Des «convergences» partielles des luttes peuvent se produire, mais sûrement pas une explosion généralisée comparable, même de loin, à celle de 1968. Il faudrait pour cela qu’une alternative politique et sociétale crédible existe et soit portée par des forces capables de la mettre en œuvre.

Ce qui, on en conviendra, est loin d’être le cas. Les syndicats réformistes et la gauche social-démocrate doivent mettre à profit les mobilisations en cours pour faire valoir leurs propres solutions progressistes, alternatives à celles du gouvernement d’Edouard Philippe.

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Olivier Faure : « Vive le socialisme et vive la gauche! »

Le congrès d’Aubervilliers du Parti socialiste s’est tenu ce week-end. Voici le discours d’Olivier Faure qui a officiellement été élu premier secrétaire, à la suite des primaires.

De manière lyrique, il tente de convaincre que le Parti socialiste est la clef pour unir tous les gens perdus dans le désert entre Macron et Mélenchon. Le retour au désintéressement militant et le refus des clivages d’esprit factionnel – un retour à la tradition du passé – est la méthode prônée.

Olivier Faure n’hésite pas à en appeler à Léon Blum et Jean Jaurès pour expliquer les fondamentaux de la démarche socialiste, voire même de l’éthique : son texte est très bien élaboré, appelant aux valeurs essentielles qui ont porté le Parti socialiste, se revendiquant ouvertement de gauche, de la Gauche.

Le souci est bien entendu que la base historique du Parti socialiste s’est évaporé dans de nombreuses parties du pays, notamment dans le Nord. Or, le positionnement d’Olivier Faure part du principe qu’il faut redémarrer un processus. Il y a ici un profond décalage, car dans de nombreux endroits, le Parti socialiste n’est ni plus ni moins qu’à reconstruire.

A cela s’ajoute le refus du débat d’idées : tout comme chez Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon, on retrouve chez Olivier Faure le principe du tirage au sort comme méthode pour nommer certaines personnes à certaines instances.

S’il s’agit ici de bloquer la bureaucratie, cela n’en est pas moins totalement anti-démocratique et opposé à la bataille d’idées qui, justement, a fait avancer la gauche historiquement.

Olivier Faure, en parlant d’écologie, dit pareillement qu’après avoir réfléchi pendant cent ans aux modes de travail, il faut commencer à faire de même sur les modes de vie. C’est pourtant ce que le Parti socialiste avait fait justement un peu avant 1981, dans l’esprit du prolongement de mai 1968 : il a totalement abandonné cela et ce n’est pas assumé.

Olivier Faure affirme que la République doit orchestrer le retour des Lumières : soit, encore faut-il en voir le contenu. Le fait qu’il ne parle même pas des animaux – alors que le Labour britannique avait déjà établi un programme avancé à ce sujet en 1996, pour ne pas l’assumer cependant – est révélateur d’un problème facile à comprendre : les cadres du Parti socialiste sont socialement des privilégiés.

La clef – le débat d’idées, le contenu – n’est donc pas présente et à cela s’ajoute la conception d’un parti-plateforme mis en avant par Olivier Faure, qui ne décidera pas du programme du Parti socialiste, mais somme toute du projet présidentiel. On a ici du mal à voir les contours de ce que cela peut être.

Cependant, l’idée qu’il y a ici à l’arrière-plan, c’est qu’Emmanuel Macron a tout changé, qu’il provoque une colère amenant à oublier François Hollande, et qu’avec le renforcement de l’extrême-droite, le Parti socialiste sera de toutes façons incontournable et au centre du jeu.

Cher Jean-Marc et cher Bernard, vous qui avez porté jusqu’au cœur de l’État les valeurs du socialisme.

Cher Jean-Christophe, toi à qui je succède à cette fonction qui est la plus belle pour un socialiste.

Cher Rachid, toi qui a assuré cette transition avec la direction collégiale, toi qui a assumé les décisions douloureuses qui autorisent désormais un nouveau départ,

I/ Renaissance

Mes camarades,

C’était il y a 47 ans, à quelques kilomètres d’ici. Déjà on nous voyait plus morts que vifs. C’était à Epinay. Ce congrès autour de François Mitterrand fut celui d’un nouveau cycle. Il arrivait après tant d’échecs et de défaites. Il fut le point de départ d’une renaissance pour ceux qui n’en pouvaient déjà plus d’attendre et d’espérer.

47 ans plus tard, nous voici à nouveau en Seine-Saint-Denis après une déroute historique à l’élection présidentielle. Certains y verront une superstition. D’autres la volonté de faire se rencontrer l’histoire et la géographie. Je leur dis que nous sommes ici parce que nous savions que nous serions heureux d’y retrouver nos camarades de cette grande fédération qu’ont si bien évoquée Mathieu Monot, nouveau Premier secrétaire fédéral, et Stéphane Troussel, le président du département.

Un demi-siècle plus tard, notre regard rétrospectif idéalise ce que fut ce moment. Le congrès d’Epinay, c’était un commencement, pas un aboutissement. Et il suffit de lire la revue de presse du 14 juin 1971, pour se rappeler que les commentaires du lendemain furent aussi négatifs que ceux de la veille, et qu’il fallut toute la foi en l’avenir des socialistes pour conjurer ces mauvais augures.

Ceux qui nous commentent nous mettent toujours au défi de notre propre disparition. Il m’arrive de penser que seul notre hiver les intéresse. Mais à bien y réfléchir, j’y vois aussi comme un hommage paradoxal. Notre présence n’est pas spontanée. Elle est fragile. Comme l’irruption de la volonté humaine contre l’ordre naturel du monde. Qu’est-ce que cela dit de la gauche ? Qu’elle est affaire de courage et de persévérance. Que notre résolution faiblisse et c’est la flamme de l’égalité qui se trouve étouffée. Une fois encore nous sommes décrits comme ce « grand cadavre à la renverse », dont Jean-Paul Sartre parlait déjà il y a 60 ans, promis à une extinction lente mais assurée.

La France manque de médecins mais la presse ne manque pas de légistes… Mais soyons honnêtes, ce qui est nouveau, c’est que cette fois cette idée n’a pas seulement traversé l’esprit de quelques éditorialistes. Elle a saisi chacune et chacun d’entre nous au cours des derniers mois. Nous venons de connaître l’une des périodes les plus éprouvantes de notre histoire récente.

Car quand même ! Un ministre issu de nos rangs, clamant d’abord sa fidélité à la gauche, puis prétendant n’être ni de droite ni de gauche, avant d’affirmer être de droite et de gauche, mène depuis son élection une politique et de droite et de droite.

Mais ce n’est pas tout. Les deux finalistes à la primaire de la gauche qui ont aspiré à porter nos couleurs choisissent l’un comme l’autre, l’un après l’autre, de partir. L’un, ancien Premier ministre, en pleine campagne présidentielle. L’autre, ancien ministre, au lendemain de sa défaite au premier tour, évitant ainsi d’en rendre compte devant celles et ceux qui avaient loyalement mené sa campagne.

Et c’est dans ce contexte de confusion totale que nos candidats ont dû affronter les élections législatives. La suite, on la connaît. 546 candidats qui ont vu leurs mérites individuels effacés par une déferlante sans précédent. Un groupe parlementaire réduit à la portion congrue avec 31 rescapés.

Alors pourquoi sommes-nous là, à Aubervilliers ? Et pourquoi restons-nous dans ce parti ? Cette question, nous nous la sommes tous posée. À des moments différents, selon nos sensibilités.

Depuis quelques jours, j’ai cette chance d’être destinataire de centaines de messages. Le hasard a placé sous mon regard le courrier de Nassima. D’elle je ne sais que son âge. 32 ans. Si je vous parle d’elle, c’est parce que son courrier m’a touché. Ému. Remué.

Que dit Nassima ? Qu’elle a voté pour Emmanuel Macron aux deux tours de l’élection présidentielle, puis pour son candidat aux législatives. Qu’elle l’a fait sans adhésion, mais par simple désir de renouvellement. En fait surtout par dégoût de nous. Par « dégoût » de nous…

Depuis elle dit qu’elle appartient à « un désert entre Macron et Mélenchon » . Ses mots sont forts. Ils disent sa peine et son désarroi. De notre défaite, elle écrit que le pire n’est pas notre score de 6 %, mais d’avoir un pays où l’extrême droite atteint 34 % .

Nassima dit que François Ruffin, qu’Olivier Besancenot lui parlent sans vraiment lui parler. Qu’elle aime leur colère sans aimer leurs propositions. Mais qu’elle ne sait plus où nous sommes. Qu’elle est orpheline de notre gauche. Cette gauche capable d’articuler indignations et solutions.

Voilà pourquoi je suis resté. Voilà pourquoi j’ai voulu, avec vous, donner une chance à notre renaissance ! Pour répondre à Nassima. À toutes celles, à tous ceux qui pensent comme elle. Pour leur dire que notre volonté de transformation est intacte ! Que notre désir de changement est intact ! Que notre soif de justice est intacte !

Nous avons déçu mais nous allons tirer les leçons de l’échec. Nous avons compris que nous devions commencer par nous changer nous-mêmes avant de penser changer les autres. À elles, à eux, à vous, à tous, je veux dire que nous allons à nouveau vous rendre fiers d’appartenir à la grande famille de la gauche !

Au moment où il est de bon ton de se moquer des partis politiques, je veux dire mon attachement anachronique, vintage, ringard, à cette expression de la démocratie. J’ai été un enfant des quartiers. Dans le mien, il y avait l’amour de nos mères et les terrains vagues. Le courage de nos pères et des tours trop hautes. Il y avait aussi un indicible espoir. Et c’est au Parti socialiste que j’ai mis des mots sur mes intuitions. Parce que le Parti socialiste a d’abord été cela pour moi : des femmes et des hommes qui vous tendent la main, qui vous offrent un livre, qui dans la confrontation des points de vue vous permettent de mieux vous définir. On dit que les partis formatent, le nôtre m’a ouvert.

On dit qu’ils enferment, le nôtre m’a élevé. Il n’était écrit nulle part que je deviendrai un jour parlementaire, puis président de groupe et depuis quelques heures votre Premier secrétaire. Cette fonction que vous m’avez confiée dépasse toutes les ambitions qui, jeune militant, avaient pu m’animer. C’est la raison pour laquelle je n’ai plus comme seul désir que de servir notre parti. Et à travers lui servir la France. Servir les Français.

Servir, quel beau mot. Servir son pays et servir ses idées, quelle plus belle cause ? Nous n’en avons pas d’autre. Elle suppose notre désintéressement total. Elle prescrit un dévouement sans calcul ni soif de récompense. Elle commande un engagement sincère.

Et puisque je parle d’engagement, je voudrais ici saluer les premiers des militants, les bénévoles qui depuis des jours travaillent sans relâche ! Oui, vous pouvez offrir aux bénévoles, aux membres de notre SO et aux permanents une belle ovation, car ils nous ont offert un beau congrès !

Jusqu’à Aubervilliers nous avons pu tolérer les écarts et les faiblesses. À partir d’Aubervilliers chacun est fixé. Personne n’est contraint de rester. À partir d’Aubervilliers, le Parti socialiste est le parti des socialistes. À partir d’Aubervilliers, le Mouvement des Jeunes Socialistes est le mouvement des jeunes socialistes !

À partir d’Aubervilliers, ceux qui restent le font dans la loyauté. Il n’y a pas de plan B à concocter, il n’y a qu’un plan A pour lequel, ensemble, on se bat ! Le rassemblement n’est pas une option mais une obligation. Je n’ignore rien de nos différences. Elles ne doivent pas nous faire oublier nos ressemblances.

J’ai été rocardien, je détestais les fabiusiens, qui eux-mêmes combattaient les jospinistes, qui n’aimaient guère les strauss-kahniens qui méprisaient les hollandais, qui abhorraient les aubrystes, qui exécraient les ségolénistes, qui se sont séparés des vallsistes qui eux-mêmes haïssaient les hamonistes… et j’ai oublié de vous parler des mermaziens, des emmanuellistes, des poperénistes, des chevènementistes…

Ces « istes », ces « iens », ces « ais » sont notre histoire. Ils sont devenus notre boulet. Ce sont nos histoires mais aucune ne mérite une guerre de tranchée ou une guerre de Cent Ans.

Face à un président qui prétend réunir le meilleur de la droite et de la gauche, nous ne serions pas capables de réunir les socialistes ? Comment pourrions-nous rassembler demain la gauche et après-demain une majorité de Français si nous ne commençons pas déjà par nous rassembler nous-mêmes ?

À Aubervilliers, nous sommes rassemblés. Du congrès de Poitiers au congrès d’Aubervilliers, deux de nos aînés, anciens premiers secrétaires, ont rejoint les « forces de l’esprit ». Ils n’étaient pas d’accord sur tout, mais ils partageaient l’essentiel. Michel Rocard et Henri Emmanuelli avaient en commun cette profondeur historique qui ne les a jamais quittés.

Esprits libres, esprits fiers, ils avaient l’humilité de se placer dans les pas de ceux qui les avaient précédés. Michel et Henri avaient conscience d’être les maillons d’une longue chaîne commencée avant eux et qu’ils avaient le devoir de prolonger.

Alors je vous le demande comme un hommage à leurs mémoires et comme un gage de notre renaissance : après Aubervilliers, nous n’inventerons pas de nouveaux « istes » ou « iens ». Il n’y aura pas de « fauriens » ou de « fauristes », il y aura juste des socialistes !

Alors, on me dit : « Olivier, le rassemblement c’est bien mais c’est toujours au détriment de la clarté ». Mes camarades, je vous le dis, si clarification c’est l’autre mot pour dire la division, alors je n’en suis pas. Si en revanche clarification, c’est le mot pour dire élaboration collective, dépassement dynamique des clivages, refus des postures artificielles alors je dis banco !

Les débats ne m’ont jamais peur. Mais, à l’issue d’un débat, le respect de la décision collective est de rigueur. Je ne crois pas aux gauches irréconciliables, même si les ambitions le sont devenues. Je crois en la collégialité, en l’esprit de responsabilité là où tant d’autres ne jurent que par la verticalité.

Mélenchon, Hamon, Macron, Wauquiez, Le Pen croient en leur destin individuel. Je crois en notre destin collectif.

Pour que ce destin soit possible, nous devons nous réinventer. Car si l’idée socialiste est une idée fixe, dirigée en permanence contre les injustices, ce n’est pas une idée figée.

Mais, si nous devons changer, il y a aussi tout ce qui ne doit pas changer. Nos valeurs. Celles qui fondent notre engagement. Celles qui ont conduit des millions de femmes et d’hommes à rejoindre nos combats.

Je veux ici partager avec vous une conviction. La presse – elle le sait – adore les surprises, les coups de Jarnac, les triangulations, les disruptions. Pour elle, la politique devrait être un coup d’éclat permanent. Il faudrait toujours être là où on ne nous attend pas.

Je pense tout le contraire. La confiance naît de la fiabilité, de la cohérence des parcours comme des idées. On nous dit qu’il faudrait être imprévisibles, je vous dis qu’il faut au contraire tout faire pour nous rendre prévisibles. Je crois en la permanence des valeurs et je la préfère aux improvisations dans la douleur.

Toute notre identité, toute notre utilité, tiennent en deux citations.

« De quoi est né le socialisme ? De la révolte de tous ces sentiments blessés par la vie, méconnus par la société. Le socialisme est né de la conscience de l’égalité humaine. » Voilà pour l’essence de notre message. C’est Léon Blum qui nous le dit.« Le socialisme, c’est la République jusqu’au bout. » Voilà le moyen. C’est Jean Jaurès qui nous l’a transmis.

Bien sûr, les circonstances changent. Bien sûr, dans un siècle nouveau, il faut des réponses nouvelles, mais leur inspiration doit rester identique. Favoriser la réussite sans aucun doute, mais aussi soigner les destins blessés et les vies déclassées. Rendre à chacun la maîtrise de sa vie. De la naissance au jour ultime.

Vouloir le progrès, la création de nouvelles richesses, fruit du travail et de la créativité humaine, mais sans jamais oublier que tout n’est pas à vendre ni à acheter. Que les biens communs disent tout d’une civilisation.

Rappeler que la culture est l’âme de la démocratie. Que la marche pour le progrès suppose notre permanente attention aux générations qui viennent. Qu’une femme, un homme, un enfant, avant d’être des migrants sont d’abord des êtres humains.

Ces valeurs, nous les partageons parfois avec d’autres. Mais ce qui nous distingue, c’est que nous sommes les seuls à les avoir rendues tangibles, à les avoir fait entrer dans le quotidien des Français.

Qui est le plus à gauche ? Celui qui dit ou celui qui fait ? La surenchère verbale a un mérite. Elle ne coûte rien. Elle a un défaut majeur. Elle ne rapporte rien non plus.

En mai et en juin, les Français nous ont sanctionnés, mais ils ne nous ont pas remplacés. J’observe, comme vous, les élections partielles. Que nous enseignent-elles ?

Que nous pouvons faire 2 % ou 39 % au premier tour. Mais dans les deux cas, le score de la France insoumise est au même étiage. Plus instructif encore, ils réalisent leur meilleur score lorsque nous sommes nous-mêmes au plus haut. À l’inverse, quand nous nous affaissons, c’est toute la gauche qui s’affaiblit.

Je ne le dis pas par patriotisme de parti, chacun le voit, sans cette grande force centrale capable de fédérer de la gauche de la gauche au centre gauche, c’est un boulevard électoral ouvert aux droites.

Voilà notre responsabilité !

Il y a un gouvernement qui n’est pas de gauche, il y a une gauche qui n’est pas de gouvernement. Il y a donc urgence à faire entendre à nouveau la voix d’une gauche capable de gouverner et de proposer une alternative.

Comment allons-nous nous y prendre ?

Chers camarades, la renaissance n’est pas un slogan, c’est un engagement. Ce que vous avez voté lors de ce congrès, je vais le mettre en œuvre. Oui votre vote sera respecté, oui vos choix vont devenir la réalité du Parti socialiste !

Il fallait déjà que le congrès se passe bien. C’est le cas. J’en remercie tous les militants, et d’abord Luc Carvounas, Stéphane Le Foll et Emmanuel Maurel, qui ont défendu leur vision, avec énergie, respect, loyauté, à l’égard d’un parti qu’ils aiment et qui a la chance de les compter parmi ses grandes voix.

Notre diversité est au cœur de notre identité, c’est une richesse. C’est aussi une force pour rassembler demain la gauche, pour s’adresser à l’ensemble de ces Français qui nous ont longtemps accompagnés. Nous avons besoin que toutes nos familles de pensée soient ancrées et vivantes au cœur de notre parti.

Je réunirai le Conseil national du PS dans quelques jours pour lui proposer un bureau national et le secrétariat national. Je formerai un secrétariat national cohérent et solidaire. Cette fois-ci l’équipe sera resserrée. Au sortir de Poitiers nous étions 80. Au sortir d’Aubervilliers, nous serons quatre fois moins.

Notre parti a besoin d’une équipe motivée et opérationnelle pour mener rapidement et efficacement la renaissance. Dans cette équipe, il y aura beaucoup de têtes nouvelles et la parité sera effective.

Avec le secrétariat national et les premiers secrétaires fédéraux, j’élaborerai le plan de développement du Parti socialiste qui sera présenté avant l’été au Conseil national et aux militants. Il déclinera notre programme de travail pour les trois ans à venir. Mais dès aujourd’hui, je veux vous en présenter quelques points forts.

J’aurai avec la direction à décider d’un nouveau siège du Parti socialiste. Ce siège devra être à l’image de notre renaissance. Le fonctionnel primera sur l’ostentatoire. Je ne dépenserai pas nos marges financières pour un lieu prestigieux au cœur de Paris.

Si des économies peuvent être réalisées sur l’achat du siège, nous les consacrerons à la reconquête des territoires, au soutien à la reconstruction des fédérations, à la formation des militants. La vie de notre parti va changer. Les fédérations seront équipées en visio-conférence pour interagir avec le bureau national. Des militants seront tirés au sort pour participer aux travaux des instances nationales. Nous prendrons en charge leur déplacement.

La renaissance, c’est un parti décentralisé. C’est dans la proximité que l’on milite et qu’on agit. Je confierai certains de nos chantiers à des fédérations. J’aurai une relation personnelle, directe, avec les premiers secrétaires fédéraux. Nous créerons un laboratoire des innovations menées dans tous les territoires qui font la France. J’instaurerai un droit d’interpellation de la direction par les militants et les fédérations.

N’attendez pas tout de Paris, proposez. Je vous le demande car pour réussir la renaissance je n’ai pas seulement besoin d’une direction nationale, j’ai besoin de 104 renaissances dans nos fédérations de métropole, des outre-mer et des Français de l’étranger !

La renaissance, c’est l’ouverture sur la société, sur les citoyens. Le parti-plateforme que nous allons créer ne sera pas qu’une plateforme numérique. Utilisons les technologies mais n’en soyons pas les esclaves.

Le parti-plateforme, c’est un espace ouvert de rencontre, d’échange, de coopération accessible à toutes et tous. Nous allons faire entrer la vie dans la politique. Nous irons jusqu’au bout de la démarche en donnant à toutes celles et à tous ceux qui s’inscriront sur la plateforme pour un euro le droit de donner leur avis pour voter sur les options puis les conclusions des chantiers.

C’est aussi dans ce cadre que la primaire de la présidentielle sera organisée. Nous les militants, nous garderons le choix de l’orientation du parti, le choix de nos dirigeants et de nos candidats.

Si nous voulons reconquérir les cœurs, agréger autour de nous les forces du changement, reconstruire une gauche créative, nous devons faire tomber les murs. Nous devons agir devant le peuple, sur la place publique, avec des pratiques réellement démocratiques.

Car quand tous les autres partis singent l’ouverture mais pratiquent le pouvoir personnel, parlent au nom du peuple sans jamais l’associer à leurs choix, nous, nous serons les seuls à véritablement donner la parole aux citoyens de ce pays !

Des chantiers, nous allons en lancer autant qu’il sera nécessaire. L’Europe sera le premier.

Des chantiers , il y en aura beaucoup d’autres. Là où il existe des enjeux et des besoins de réflexion, là où il y aura des volontés sincères de travailler, je donnerai la main à une équipe d’adhérents et non-adhérents du PS, élus, militants, acteurs de la société civile, intellectuels, pour animer la participation citoyenne, en rendre compte et mener ce travail jusqu’à son terme.

Je ne leur demanderai pas quelle motion ils ont choisie au congrès, tout cela est derrière nous. Toutes celles et ceux qui veulent travailler sont les bienvenus et seront respectés, alors maintenant au travail !

La renaissance, c’est l’éthique des comportements et le respect de nos valeurs. Je serai intraitable avec les manquements à la loi ou les pratiques frauduleuses, notamment au sein de notre parti.

Je serai intraitable avec le sexisme et avec toutes les formes de discrimination. Nous mettrons en place un dispositif complet de formation, d’écoute, de veille et de riposte contre toutes les violences faites aux femmes.

La renaissance du Parti socialiste, c’est enfin une renaissance au service de la renaissance de la gauche.

Pour réinventer la gauche, le Parti socialiste doit s’adresser à tous et rechercher dialogue et partenariats. Nous devons nous adresser aux déçus, partis marcher ou déclarer leur insoumission, mais aussi devenus abstentionnistes, et d’abord écouter leur parole et comprendre leurs motivations. Ce ne sont pas les accords d’appareil qui feront la gauche de demain mais la construction avec les citoyens de projets partagés.

Voilà pourquoi j’ai voulu que le congrès d’Aubervilliers soit d’abord un congrès d’affirmation de notre identité. Pour dire ce que nous voulons, pour dire ce que nous sommes. Vraiment à gauche et vraiment réalistes !

II/ Résistance

Voilà notre état d’esprit, voilà la feuille de route opérationnelle de notre renaissance. Je viens au fond. Notre renaissance est tout à la fois – « en même temps » c’est déjà pris – une résistance et une espérance.

D’abord une résistance. Résistance au nationalisme et à l’extrême droite.

Dans toute l’Europe, des partis, des leaders nationaux-xénophobes attisent les mêmes colères, stigmatisent les mêmes catégories ou les mêmes citoyens. Partout en Europe, ils avancent leurs pions. Partout en Europe, ils arrivent à accéder aux responsabilités. Partout, ils progressent à chaque élection.

Partout en Europe et donc aussi en France. Comme Nassima, je n’oublie pas que l’extrême droite a rassemblé sur son nom, avec son programme, plus de 10 millions d’électeurs, accédant pour la deuxième fois en 15 ans au second tour de la présidentielle.

Partout en Europe, la haine s’affiche à visage découvert. Partout, nous assistons à la lente dérive de notre continent. J’étais au Bundestag il y a quelques semaines à l’occasion du 55e anniversaire du traité d’amitié franco-allemand. J’ai le souvenir glaçant de cette centaine de parlementaires de l’AFD applaudissant en mesure leurs orateurs. Dans ce combat-là, nous n’avons jamais manqué à l’appel. Ni dans les régions, ni dans l’élection présidentielle. C’est l’ADN de la gauche. On ne confond pas ses concurrents avec ses adversaires.

Affaiblir cette distinction, c’est déjà se soumettre. C’est accepter que l’improbable devienne possible. C’est aussi pour cela que la gauche a besoin du Parti socialiste !

Oui, la renaissance est résistance au nationalisme et à l’extrême-droite. Résistance aussi au populisme. Ce sont parfois les mêmes que ceux que je viens d’évoquer. Mais l’extrême droite n’en a pas l’exclusivité. Le populisme est une maladie aussi contagieuse que ravageuse. Il a gangrené les partis politiques de gauche à droite en passant par le centre.

Dans « populisme », on croit entendre « populaire ». Alors la tentation peut être grande de s’en accommoder. On aurait tort. Car sous couvert de retrouver le peuple, les populistes agitent la foule.

Le populisme, c’est faire croire que ce qui distingue la gauche et la droite n’a plus de raison d’être. Tout, chaque jour, démontre que rien n’est plus faux. Pas seulement parce que cette opposition a fondé la nation depuis près de deux siècles et demi.

Mais parce que, dans un monde où les inégalités explosent, où quelques-uns ont tout et le plus grand nombre a si peu, une politique économique, budgétaire, fiscale, sociale, écologique, de gauche ou de droite, non, ce n’est pas la même chose !

Le clivage entre gauche et droite n’a pas à être aboli, il doit être redéfini. Et puis, le populisme, c’est l’autre mot de la démagogie.

Que font les populistes, sous toutes les latitudes et sous toutes les banderoles ? Ils assènent des slogans plutôt que des arguments. Ils dénoncent des complots plus qu’ils ne livrent des solutions. Ils préfèrent la mise en cause plutôt que la mise en œuvre.

À la vérité, le populisme est aussi ancien que la démocratie : il est toujours un indice de leur mal-être, jamais le chemin de leur renouveau !

Si nous voulons êtres utiles aux Français et pas simplement bruyants, être entendus à nouveau et pas simplement écoutés, nous devons éviter la pente de la facilité. Retrouver le peuple sans basculer à notre tour dans le populisme.

Car si je nous ai invités à ne plus nous dire jospiniens, fabusiens ou rocardiens, ce n’est pas pour devenir pavloviens. Si je nous ai invités à ne plus nous dire poperénistes, emmanuellistes ou ségolénistes ce n’est pas pour devenir dégagistes !

Jamais je ne laisserai penser que le socialisme est un sectarisme. Ce n’est pas parce que le pouvoir dit blanc que nous devons dire noir. Nous faisons de la politique, laissons à d’autres la polémique. Si nous nous opposons au pouvoir, c’est parce qu’il a mis dans sa ligne de mire le modèle social français et, partant de là, nos valeurs.

Oui, résister, c’est aussi nous placer dans une opposition résolue et responsable. La devise de la République, c’est « Liberté, Égalité, Fraternité », ce n’est pas « Libéralisme – Individualisme – Bonapartisme ! »

La promesse de la présidentielle, c’était de mettre la République en marche. Le résultat dix mois plus tard, c’est que le gouvernement transforme la République en marché !

Voilà ce que les Français observent, moins d’un an après l’élection d’Emmanuel Macron. Beaucoup parmi eux ne s’y retrouvent pas et beaucoup aussi n’y retrouvent pas ce qu’ils avaient entendu ou cru entendre pendant la campagne.

Il n’est pas vrai de dire qu’Emmanuel Macron avait annoncé la couleur. Il jouait alors de toutes les couleurs, de toutes les promesses, sur tous les tableaux. Il y en avait pour tous les goûts et sa campagne fut un vrai costume d’Arlequin. Mais vous connaissez très bien la suite : très vite, sous Arlequin perça… Jupiter.

Les Français ont voulu donner sa chance à Emmanuel Macron mais lui, quelle chance offre-t-il aux plus modestes, aux précaires, aux agriculteurs des zones défavorisées, aux fonctionnaires, aux salariés du privé, aux licenciés, aux chômeurs ?

Eh bien ! Mes camarades, elle est là notre place ! Nous, socialistes, nous devons nous tenir auprès de ceux qui gagnent peu et perdent toujours face aux premiers de cordée. Nous devons être du côté de ceux qui souffrent, et ils sont nombreux, chômeurs ou travailleurs. Oui, nous, socialistes, nous devons être du côté et aux côtés des « gens qui ne sont rien », parce que pour un socialiste, aucun être humain n’est « rien ».

Au fond, le pouvoir mène une véritable politique de classe et de casse. Une politique de classe car il a mis son inventivité au service des riches. Une politique de casse car il s’attaque sans répit aux services publics. La réforme de la SNCF en est un premier exemple.

Nous le savons tous, rien n’oblige à la remise en cause du statut des cheminots. Les clés de la qualité du service public ferroviaire, ce sont la desserte de tous les territoires, l’investissement dans les lignes et la reprise de la dette. Voilà notre approche de l’avenir de la SNCF.

L’université est un second exemple. Rompre avec la sélection par l’échec et le tirage au sort était une nécessité. Mais bâcler une reforme sans moyens, c’est choisir d’instaurer une sélection injustifiable et inacceptable. Nous, nous demandons le respect du choix des étudiants et un parcours individualisé de réussite pour tous.

Que le gouvernement y prenne garde : on a toujours tort de ne pas écouter la jeunesse.

Face à ces politiques menées, il n’est pas difficile de comprendre la déception croissante de nos concitoyens. Et ils furent nombreux à penser sincèrement faire le choix du renouvellement. Emmanuel Macron leur a parlé d’un « nouveau monde », que fait-il ? Il restaure l’Ancien régime. « L’en – même – temps » n’a qu’un temps.

On ne peut pas dénoncer les difficultés vécues par les personnels et les patients des EHPAD ou des hôpitaux et « en même temps » consacrer dans son budget, la part du lion aux plus riches ! On ne peut pas annoncer de nouvelles sécurités professionnelles et « en même temps » démanteler le compte-pénibilité !

On ne peut pas garantir l’accès aux soins et « en même temps » stopper la généralisation du tiers payant !

On ne peut pas organiser des assises de la maternelle et « en même temps » ne pas s’engager sur la scolarisation dès 2 ans ! On ne peut pas expliquer qu’Angela Merkel a été l’honneur de l’Europe sur la question migratoire et « en même temps » restreindre l’accès au droit d’asile !

Que se passe-t-il quand le président de la République se déplace comme par exemple à Rouen, jeudi dernier ? Par centaines, étudiants, cheminots, personnels soignants, salariés en lutte se rejoignent pour lui dire que l’humain a été abandonné, que l’aveuglement technocratique doit être stoppé car il détruit les solidarités, les services publics, l’humanité de cette société.

Ce mouvement social aux multiples visages, de plus en plus puissant, nous en respectons l’autonomie mais nous l’accompagnons. Nous le soutenons, nous y participons et comme les Français nous le voyons chaque jour prendre plus de force.

Alors, au moment où le gouvernement s’auto célèbre et pense qu’il fait preuve de « courage politique » en réformant n’importe comment, j’aimerais que nous, nous rendions hommage au vrai courage !

Le vrai courage, c’est celui de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui se plient tous les jours en 4, en 10, en 100 pour remplir leur mission malgré le manque de moyens !

Alors, levons-nous ! Rendons-leur hommage ! Rendons hommage à tous ces agents et à ces salariés dont l’engagement est sans limites, qui se battent pour nous tous et qui rappellent que l’accès aux soins, à l’éducation, aux aides, aux transports, oui, aux train s, sont les outils de la promesse républicaine !

Que les services publics sont des services mais aussi et avant tout des droits ! On me dira que dix mois d’exercice des responsabilités ne font pas un bilan. Certes, mais ils définissent déjà un style. La République macroniste est un régime politique où le président dirige seul, épaulé par une start-up de conseillers.

Le gouvernement, c’est celui des sondages. Le Parlement, quant à lui, a subrepticement été transféré à quelques hauts fonctionnaires qui, de la Rue de Bercy à la Rue de Grenelle, prescrivent leurs ordonnances…

Dans la République macronienne, les collectivités territoriales et les élus locaux ne sont pas associés ; les partenaires sociaux sont convoqués à Matignon pour écouter ce qui a été décidé avant leur arrivée et qui sera appliqué sitôt leur départ ; quant aux associations et à leurs bénévoles, ils subissent la baisse drastique des contrats aidés et la diminution des dotations aux collectivités.

Voilà pourquoi nous nous opposons. Non seulement parce que nous voulons, nous, mettre l’humain d’abord mais aussi parce que nous voulons mettre de la démocratie partout.

La démocratie partout. Parce que nous avons besoin d’une démocratie qui respire davantage. Parce qu’il faut sortir de l’omniprésidence et faire enfin le choix de l’intelligence collective.

Le pouvoir fait l’inverse, il veut réformer la France verticalement, contre les Français, contre le parlement et les syndicats. C’est la grande contradiction de la méthode retenue : le pouvoir veut aller vite, très vite, mais il fait tourner la démocratie au ralenti.

Le président de la République propose aujourd’hui une grande réforme de nos institutions. Pourquoi pas ? La Ve République est à bout de souffle. Si nous proposions une réforme, ce serait d’abord pour rééquilibrer les pouvoirs entre président, Premier ministre et Parlement. Ce serait pour donner plus de place aux citoyens. Pour valoriser les syndicats et les corps intermédiaires.

Pour reconnaître au cœur de la République les acteurs des territoires. Mais, chers amis, dans la réforme qui nous est proposée, il y a bien quelques ajustements utiles, mais il n’y a rien de tout cela, rien de cette ambition. Cette réforme n’a rien d’une refondation de la République.

Ces principes sont intangibles mais le combat doit s’adapter à l’offensive fondamentaliste que subit notre pays. Un nouvel humanisme doit s’affirmer. Face à l’obscurantisme, la République doit orchestrer le retour des Lumières.

III/ Espérance Résister, oui c’est important.

Face au président des riches, il faut un parti pour tous les autres. Mais la résistance, cela ne fait pas encore une espérance. Notre devoir est d’articuler indignations et solutions.

Tout doit être repensé. Je suis comme vous, je n’ai pas de réponse à tout, je crois que nous serons plus intelligents ensemble. Mais je suis votre Premier secrétaire et je me dois ce matin de partager avec vous quelques convictions et intuitions fortes qui sont au cœur de ma réflexion.

Je crois à l’Europe. Oui, nous sommes des eurosocialistes. Oui, notre engagement européen est total. La tentation nationale est une impasse. Il n’y aura plus de souveraineté nationale sans souveraineté européenne, les deux vont de pair, et il n’y aura plus d’espérance socialiste sans espérance européenne car c’est à cette échelle que nous pouvons faire avancer et gagner nos idées dans le monde d’aujourd’hui.

Pendant longtemps nous avons laissé penser que l’Europe était un prolongement naturel de nous-mêmes, que l’Europe était l’avenir du socialisme. Mais nous avons, provisoirement, perdu la bataille politique en Europe. Les libéraux conservateurs qui la dirigent ont trahi la promesse européenne, qui imposent des politiques d’austérité, s’éloignent des peuples.

Notre mission, c’est désormais de sauver l’Europe. C’est la gauche européenne qui doit construire l’avenir de l’Europe. Oui, il y a bien d’autres pro-européens mais ils ne sont pas de gauche, et il y a d’autres forces de gauche mais qui ne sont pas vraiment européennes. Avec les socialistes, la gauche européenne est de retour.

C’est une bonne nouvelle pour les peuples mais c’est une mauvaise nouvelle pour les libéraux, notamment en France. Monsieur Macron voulait raconter la belle histoire d’un camp européen, le sien, qui serait seul face à ceux qui ne seraient plus ou pas assez européens. Mais nous sommes là, nous sommes au rendez-vous pour porter une alternative européenne et de gauche !

Pour y parvenir, la gauche européenne doit se retrouver et se réinventer. L’Europe est comme la social-démocratie : ses objectifs initiaux ont été atteints, mais l’élan s’est épuisé en chemin.

Notre erreur collective a été de ne pas comprendre cet épuisement progressif. Au fil des années, l’égoïsme national est revenu en force, la pression libérale est devenue terrible, les crises économiques et financières ont déchiré le tissu social. Face à ces réalités, nous socialistes français avons divergé dans nos analyses et nous sommes divisés alors que nous sommes tous pro-européens.

Aujourd’hui, je vous propose de refonder notre projet européen autour de trois convictions.

Avec Trump à l’ouest, Poutine à l’est, le Brexit au nord et de nombreuses menaces au sud, l’Europe doit prendre conscience d’elle-même, fixer ses frontières, assumer sa puissance et son identité. L’Europe porte un modèle économique et social singulier, qui la distingue dans le monde, un modèle de valeurs et de droits.

Les Européens doivent prendre conscience de cette identité commune face aux modèles concurrents qui cherchent à s’imposer à nous. Je souhaite qu’émerge un peuple européen qui, comme tel, partira à la conquête de ses droits et de son avenir, pour fonder une véritable démocratie citoyenne, une démocratie qui choisit librement l’avenir de l’Europe. Le retour vers le peuple ne se fera pas en enfermant de nouveau la politique dans le cadre national désormais dépassé.

Le retour vers le peuple, c’est la prise du pouvoir du peuple dans la construction européenne, voilà ce qui doit devenir l’objectif des socialistes !

Ce modèle de société européen mérite d’être défendu dans la mondialisation ! Faute de quoi, demain, les États se soumettront aux multinationales et aux GAFAM, les droits et les libertés seront rognés par la course au profit, l’emploi sapé par le dumping social et environnemental, et la puissance publique ruinée par l’optimisation et la fraude fiscales!
Nous devons cesser d’être les idiots utiles de la mondialisation ! Nous devons nous protéger.
Protéger avec une garantie chômage à l’ère digitale. Protéger avec une conception moins dogmatique de la concurrence dans l’économie européenne et une vision moins naïve du commerce avec le reste du monde.
Protéger avec un socle des droits fondamentaux. Protéger avec une politique de sécurité partagée et renforcée pour faire face aux menaces sur la planète et d’abord au terrorisme qui tue et qui mutile dans le monde, en Europe, en Fran ce il y a peu de jours encore.
Le terrorisme qui donne la mort parce qu’il hait la vie, le terrorisme qui cherche à nous diviser et à nous faire renoncer à ce que nous sommes, le terrorisme qui n’y parviendra jamais parce que c’est la démocratie et c’est la vie qui gagneront.
Mais l’Europe doit aussi investir.
Investir – c’est indispensable –dans l’harmonisation sociale et la convergence fiscale. Investir dans l’accueil des réfugiés qui ont fui la guerre et la misère au péril de leur vie et ont frappé à nos portes. Ce que l’Europe a su faire pour sauver les banques il y a dix ans, elle doit pouvoir le faire pour sauver des vies maintenant !

Une Europe qui protège et qui investit, vous avez déjà entendu ces mots, dans la bouche d’autres que nous. Mais avec Emmanuel Macron, les mots sont rarement en phase avec l’action. Qu’a-t-il réellement obtenu sur le travail détaché ? Rien que Bernard Cazeneuve n’avait mis sur les rails.

Où en sont la gouvernance de la zone euro et le futur budget de l’Union ? Au point mort. Quelle est la politique de la France face à Monsanto ou aux traités commerciaux ? Personne ne le sait vraiment. Il ne suffit pas de marcher au son de l’Hymne à la joie pour devenir le réformateur de l’Europe.

La réalité, c’est qu’Emmanuel Macron est isolé, et qu’isolé, il est impuissant. La réalité, c’est que nous, socialistes, nous sommes membres d’une famille politique, celle des socialistes européens, et que même affaiblie cette famille reste forte ; elle seule peut porter un renouveau social et démocratique de l’Union Européenne.

Avec Pedro Sanchez en Espagne, avec Antonio Costa au Portugal, Alexis Tsipras en Grèce, avec Udo Bullmann au Parlement européen aussi. Nous ne sommes pas seuls, nous sommes les eurosocialistes, nous sommes en mouvement et nous allons ensemble construire un autre avenir pour l’Europe.

Nos amis européens nous l’ont dit hier, ils ont besoin des socialistes français, de leur histoire, de leur voix, ils ont besoin de la France. Nous serons au rendez-vous. Nous serons pleinement impliqués et proactifs au sein du PSE.

C’est le sens de l’adresse que nous avons adoptée hier. Nous organiserons en France avant l’été un grand rassemblement de cette famille politique en partenariat avec le PSE et le groupe au Parlement européen, nous serons un des moteurs de ce nouveau projet collectif.

Il n’y a pas de temps à perdre. Ce qui s’annonce, c’est le grand choix du peuple européen : Soit le populisme, de gauche comme de droite, soit le projet libéral d’adaptation à la mondialisation, soit le chemin progressiste, le nôtre ! C’est celui qui s’appuiera sur la mobilisation citoyenne pour construire l’Europe puissance, sociale, écologiste et solidaire.

Sans cette perspective, notre renaissance ne serait qu’un feu de paille. Ce combat de l’Europe progressiste, c’est le mien, celui de ma génération, c’est le nôtre à nous, socialistes français. Cela prendra 3 ans, 5 ans, 10 ans, mais nous réussirons, parce que nous le devons.

Oui, la social-démocratie est en crise. Bien sûr, elle doit mener sa renaissance. Elle n’a pas su se remettre en cause, se renouveler, changer ses manières de penser, forger au contact d’un monde nouveau une nouvelle ambition, une nouvelle utopie.

Nombre d’entre nous, je m’y inclus, ont surestimé la promesse que représentait l’ouverture d’un monde jadis fermé. Nous n’en avons pas suffisamment mesuré tous les enjeux ni toutes les conséquences, pour nos emplois, pour nos modes de vie et nos libertés. Nous n’avons pas non plus pris toute la mesure de la montée du fait religieux, ni du réveil des nationalismes dans le monde.

Nous devons en tirer des conséquences politiques. La pensée unique de l’éternelle adaptation à la mondialisation libérale, nous la laissons à d’autres. Nous voulons quant à nous œuvrer à ce que l’humanité maîtrise son destin.

Chers camarades, pendant longtemps nous avons pensé notre action d’abord à travers la loi, les budgets et les réponses nationaux . Cela reste essentiel, mais si l’on s’en tenait là, la réalité nous glisserait entre les doigts.

La bataille du progrès se mène simultanément sur toutes les scènes, locales, nationales, internationales. Aussi bien par la loi que par l’innovation sociale, par l’action territoriale et par le dialogue social.

Je ne développerai pas ici chacun de ces enjeux. Je veux cependant évoquer avec vous quelques chantiers que nous allons rapidement ouvrir.

La lutte contre le changement climatique est globale. La France et l’Europe ont été à la pointe de ce combat. La Conférence de Paris fut l’un des grands succès du quinquennat de François Hollande, c’est notre devoir de le revendiquer.

Nous socialistes voulons porter l’urgence écologique et une vision ambitieuse de la transition énergétique. Pollutions, pesticides, eau, malbouffe, tout se conjugue aujourd’hui pour faire exploser le nombre des maladies chroniques et menacer notre santé.

Des milliers de morts chaque année, et d’abord parmi les plus modestes, parce que notre société a laissé se dégrader leur environnement, leur santé. Ce n’est pas digne de la France, cela heurte nos consciences. Pendant un siècle, nous nous sommes attachés aux modes de travail, il faut aussi agir sur les modes de vie !

Chaque jour aussi, l’actualité montre l’ambivalence de la transformation numérique.

Votre ami Facebook capte les moindres détails de votre vie personnelle pour en faire un objet de profit, une plateforme ouverte à toutes les manipulations, à toutes les propagandes. Rien de ce qui nous touche ne doit plus nous rester étranger, ni échapper à des règles, à des choix collectifs.

Des choix collectifs il va aussi falloir en construire pour maîtriser le formidable potentiel de l’intelligence artificielle. Cette révolution n’en est qu’à son commencement. Mais, une nouvelle révolution numérique au service de quoi ? Pour quel projet collectif ? Pour quel progrès partagé ? Ces choix doivent être débattus et pas confisqués par les forces du marché.

Numérique encore : la protection des données personnelles, de la vie privée et de l’intimité est une grande cause démocratique, donc c’est une grande cause des socialistes. Oui, au plan international, comme l’a proposé hier Guillaume Bachelay, il faut une Charte des droits civiques numériques, charte universelle et juridiquement contraignante.

Bon là, vous vous dites, mais il va où Olivier Faure ?

Ce n’était pas si mal parti, on y voyait clair sur la renaissance du PS, sur la résistance face au gouvernement et à ses choix politiques mais là, le chemin de l’espérance, ces nouveaux défis, cela parait un peu futuriste, un peu loin de notre quotidien.

Mais ; chers camarades, si notre parti n’est plus celui qui éclaire l’avenir, si la politique, les militants, les élus, les citoyens n’investissent pas ces enjeux, alors le marché et la technique le feront pour eux.

Et pour vous ramener vers des terres plus familières, je vais vous donner une dernière illustration, qui concerne l’entreprise ; et dans l’entreprise, les salariés.

Nous disons très simplement que puisque les femmes et les hommes comptent dans les entreprises, il faut leur donner plus de droits et plus de pouvoir.

Il faut leur donner un vrai pouvoir de codécision, de codétermination. Si tel était le cas, il n’y aurait pas les salariés obligés de se battre à Carrefour ! Parce que la stratégie de l’entreprise aurait été pensée différemment !

Vous l’avez compris, notre renaissance sera aussi intellectuelle, programmatique. Cela me passionne, cela doit tous nous passionner ! La politique ce n’est pas la valse des sujets essentiels qui ne vivent que 24 heures, ce n’est pas le rythme hebdomadaire des questions d’actualité.La politique, c’est à la fois le quotidien ET le temps long, le socialisme est une pensée du temps long.

Chers camarades, Je parle de temps long et justement, vous êtes en train de vous dire : dans la renaissance, il y a quelque chose qui ne change pas, c’est la longueur du discours du 1er secrétaire. Soyez indulgents, j’achève mon propos. Pendant des années, comme vous, je me suis tu.

Je n’en pensais pas moins, cela bouillonnait en moi, d’enthousiasme dans les moments heureux, d’interrogation dans les moments difficiles, d’indignation parfois, de doute aussi. Je suis comme vous le fruit de ce parcours, de notre histoire, et j’avais envie, besoin, de le partager avec vous ce matin.

Je suis comme vous un militant, j’ai rejoint ce parti à 17 ans pour ne jamais le quitter et je suis aujourd’hui encore un militant, au milieu de vous toutes et tous. Mais avant tout je suis un citoyen qui a fait le choix de s’engager, car pour moi, comme le disait Jean Lacouture parlant de Pierre-Mendès-France : « toute action n’est pas vaine, toute politique n’est pas sale ».

Je suis comme Nassima, cette jeune femme dont je parlais tout à l’heure, je doute parfois de la politique, je doute parfois de nous. Je ne peux plus accorder ma confiance à une politique sans fraternité, sans intelligence collective, sans engagement sincère.

Je ne supporte plus les conformismes et le renoncement à penser le monde qui change. Ceux qui se délectent du pouvoir me révulsent. Je veux savoir pourquoi je me lève le matin, je veux savoir pourquoi nous donnons ce temps que nous prenons à nos familles, à nos amis, je veux savoir pourquoi espérer, pourquoi nous nous battons !

Pourquoi ? Parce que nous sommes les héritiers d’une longue histoire, écrite au fil de nos 78 congrès. Cette histoire est celle du courage.

Nous sommes le maillon d’une grande chaîne qui remonte à la Révolution. Une chaîne que nous devons prolonger, qui nous relie à des milliers de femmes et d’hommes, illustres ou anonymes, qui se sont battus avant nous, dans des conditions bien plus difficiles que nous.

Par leur courage, ils nous ont enseigné que si nos ennemis nous défont parfois, si nous traversons des crises profondes, rien ne peut nous abattre définitivement. Les grandes idées ne meurent jamais.

Alors, ayons confiance en nous, soyons fiers, non pas de nous-mêmes, mais soyons fiers de notre histoire et de ce que nous sommes !

Chers camarades,

Dans quelques minutes, vous allez reprendre le chemin de vos communes et moi je rentrerai à Savigny-le-Temple.

Demain, dans les jours qui suivront, dans la rue, à la boulangerie ou au café je serai interpellé : « Alors Monsieur le Député, que s’est-il passé à Aubervilliers ? Comment était-ce, ce congrès ? ».

Je leur dirai que ce congrès fut celui de la fraternité retrouvée, que nous avons réussi à nous parler sans nous déchirer.

Je leur dirai que nous allons travailler tous ensemble et qu’ils peuvent nous rejoindre. Que nous avons besoin d’eux, de leurs idées, que c’est avec eux que nous voulons reconstruire la gauche !

Mais vous mes camarades, qui comme moi avez participé à ce congrès, j’aimerais que vous emportiez cette conviction : que ce 8 avril fut le premier jour de notre renaissance !

Vive le socialisme et vive la gauche ! Vive la République et vive la France !

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Le MJS rejoint Génération-s

Selon le Canard enchaîné, si  Luc Carvounas a fait 6,36 % aux primaires socialistes pour l’élection au poste de dirigeant, c’est parce que son score a été ajusté de telle sorte par la direction actuelle afin de correspondre au score de Benoît Hamon aux présidentielles.

Les « hamonistes » avaient en effet soutenu Luc Carvounas. La réaction à cette provocation ne s’est pas faite attendre : dans une interview au Monde, Roxane Lundy, la présidente du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), a annoncé qu’elle partait rejoindre Génération.s.

Elle a également précisé que c’était le cas de 25 membres sur 30 du bureau national. C’est ce qui s’appelle ni plus ni moins qu’un putsch, car le MJS vient de tenir son congrès qui a lieu tous les deux ans !

Le 10 février, Roxane Lundy a ainsi été élue… pour ensuite valider un choix non présenté lors du congrès… Une belle opération de magouille, d’autant plus facile que lors de ce congrès, il y a eu un boycott.

Les tendances la Fabrique du changement (liée à Martine Aubry) et Agir en Jeunes socialistes (social-réformiste) n’ont ainsi pas participé au vote (soit environ 150 des 500 délégués). Les « hamonistes » ont d’autant plus eu les mains libres.

Il faut noter au passage qu’il n’est pas parlé de « tendance » – c’est trop « vieux jeu » – mais de « sensibilité » (celle de la présidente est appelée « Transformer à gauche »).

Concluons également sur le fait que le nouveau MJS tient son congrès en avril, exactement au même moment que le Parti Socialiste doit nommer son nouveau dirigeant. Ce qui n’empêche pas la présidente du MJS de parler de… « hasard de calendrier ».

C’est ridicule à un point !

Voici l’interview au Monde, la décision n’étant annoncée ni sur le site internet du MJS, ni sur son facebook, ni sur son twitter.

Pourquoi quittez-vous le PS ?

Je quitte le PS sans haine, c’est un désaccord politique. Je fais le choix avec des milliers de jeunes socialistes de partir, car je considère que le Parti socialiste n’est pas l’outil qui permettra de transformer la société. J’ai voulu croire que l’esprit de synthèse d’Epinay pouvait encore exister, que le PS allait comprendre les échecs du précédent quinquennat, qu’il allait se remettre en question, mais ce n’est pas le cas.

En avez-vous parlé avec Olivier Faure, le futur premier secrétaire du PS ?

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en parler avec lui. Je l’ai félicité pour son élection, je lui ai proposé un rendez-vous, mais je n’ai pas encore eu de suite. Aujourd’hui, nous avons un désaccord politique avec sa ligne et celle de Stéphane Le Foll arrivé deuxième. Nous ne parlons plus la même langue. Je pense que le PS n’est pas en mesure de se relever.

Partez-vous avec le nom et le logo du MJS, aujourd’hui rattaché au Parti socialiste ?

Le Mouvement des jeunes socialistes va prendre son indépendance vis-à-vis du PS. Je le dis simplement, ce n’est pas une question d’étiquette. Si des sociaux-démocrates ou sociaux-libéraux veulent un outil de jeunesse pour continuer à s’engager au sein du PS, je n’y vois pas de problème. Nous leur laisserons le nom s’ils le souhaitent.

Resterez-vous à la tête du mouvement ?

Je reste présidente et je deviens militante de Génération.s. L’objectif est de faire une réforme statutaire lors de notre prochain congrès. Je ne serai plus salariée du PS, nous ne toucherons plus d’argent du PS, nous ne dépendrons plus d’eux.

Le congrès du MJS à Bondy (Seine-Saint-Denis), le 10 février, au cours duquel vous avez été élue est contesté. Plusieurs militants dénoncent des fraudes. Que répondez-vous à ceux qui contestent votre légitimité ?

Je vis très mal ces accusations. Ce congrès s’est passé dans les règles. Ma sensibilité l’emporte à une très large majorité : 70 % des voix. Il y a eu des enjeux qui nous ont dépassés et qui sont le fruit de désaccords politiques. Je veux tourner cette page.

Avez-vous eu des discussions avec Benoît Hamon avant de prendre cette décision ?

Benoît Hamon ne m’a pas démarchée. Je constate qu’il y a une dynamique derrière lui. Je lui ai annoncé que je le rejoignais. Il voit cela d’un bon œil. L’objectif est de se mobiliser pour changer l’avenir. Cinquante ans après Mai 68, le PS est devenu un Ephad.

Vous organisez un congrès le premier week-end d’avril, date du 78e congrès du PS où Olivier Faure doit être intronisé, est-ce une façon de venir le perturber ?

Non. C’est un hasard de calendrier. Nous allons créer une dynamique avec Génération.s. On prévient à l’avance, ce n’est pas un mauvais coup ni un règlement de compte. Je pars tranquille vis-à-vis du PS et je respecte les sociaux-libéraux et démocrates.

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Textes d’orientation des socialistes Stéphane Le Foll et Olivier Faure

A la suite du premier tour des élections au sein du Parti socialiste, ce sont Stéphane Le Foll et Olivier Faure (celui-ci étant en tête) qui ont le plus de voix et seront présents au second tour, aux dépens de Luc Carvounas et Emmanuel Maurel. [Stéphane Le Foll s’est désisté dans la matinée.]

Voici leurs textes d’orientation respectifs. On remarquera que dans les deux cas, il est appelé à un Parti socialiste comme « fédération » des gens proches ou bien un  « parti-plateforme » ; la conception d’un parti comme organisation au sens stricte est abandonnée de manière ouverte et rejetée comme relevant du passé.

Cher.e.s camarades,
Le Mans, le 27 janvier 2017

Cher.e.s camarades, c’est à vous qu’il revient de décider maintenant. La défaite de 2017 met en cause notre existence en tant qu’organisation politique. Mais nos idées, nos valeurs sont toujours présentes, toujours d’actualité. Seule question : sommes-nous collectivement capables de retrouver la fierté, la lucidité, la confiance, en somme l’esprit de camaraderie ?

Cher.e.s camarades, nous devons retrouver la confiance en nous, mais aussi retrouver la confiance des Français.es, de nos électeur.ices.s que nous avons perdu.e.s. Les deux ne peuvent pas être dissociés. Car le renouvellement, comme notre adaptation en tant que parti, ne sont possibles que si nous sommes entendus par nos concitoyens. Dans le bouleversement électoral de 2017, l’affaiblissement des partis traditionnels est clair, celui du Parti socialiste acté.

Face aux défis que nous avons à relever rien ne sera possible sans une présence et une voix forte dans le débat public. C’est pour cela que j’ai décidé de me présenter devant vous, de solliciter vos suffrages sans chercher à masquer mon engagement, mes fidélités, ma loyauté à l’égard de François Hollande, ni mon expérience gouvernementale. Tout au contraire, je veux faire de mon histoire, de mes engagements et de ma sincérité un atout pour nous relever tous ensemble.

Cher.e.s camarades, vous-êtes les seul.e.s juges, vous devez retrouver pleinement votre liberté de choix, loin, très loin des accords d’appareil, des signataires de listes de soutien, des réunions parisiennes souvent nocturnes ; c’est votre liberté, quels que soient vos territoires, vos engagements passés qui sont les clefs de notre réussite de demain. Pas pour un poste, pas pour une ambition personnelle, mais pour nous engager, ensemble, sur le chemin de la confiance et de la fierté.

Cher.e.s camarades, mon expérience et ma force de conviction seront utiles pour peser dans le débat face aux autres forces politiques, aux autres personnalités politiques, Jean Luc Mélenchon, Laurent Wauquiez, Marine Le Pen et les figures de la République en Marche d’Emmanuel Macron.

Ma fidélité à nos valeurs, c’est aussi une cohérence politique et une clarté qui nous ont fait défaut depuis plusieurs années. Jaurès disait que « seule la clarté est révolutionnaire ». Le quinquennat aura été miné par une division profonde, une opposition au sein même de la majorité qui aura fragilisé tout l’édifice.

Pire, cette fronde qui nous aura fracturés devant nos concitoyen.ne.s n’offrira, au bout du compte, aucune issue politique. L’échec de Benoit Hamon est celui de tous ceux qui ont cru qu’il était possible de créer une alternative politique au sein même de la majorité à laquelle ils appartenaient. Personne n’a imaginé tout simplement que les Français.es iraient logiquement chercher ailleurs cette alternative. Grave erreur dans un pays aussi politique que le nôtre et qui fait payer cher les divisions au sein d’un même camp, Lionel Jospin en 2002, lui aussi, en a été victime.

Mes cher.e.s camarades, les primaires telles qu’elles ont été conçues auront eu aussi leur propre logique de déstabilisation. Celles bien sûr de 2017 qui auront servi à éliminer plus qu’à choisir une candidature pour la victoire. Celles de 2011 qui auront laissé par son succès populaire, et c’est le grand paradoxe aux battus du premier tour, toutes les raisons d’espérer et de prendre leur revanche durant le quinquennat.

Ce fut le cas d’Arnaud Montebourg qui imposera d’ailleurs une nouvelle primaire, ou de Manuel Valls qui jouera, dans ses fonctions, un rôle de leadership sur une ligne politique pourtant minoritaire. Il faudra revoir complètement ce processus de désignation pour le rendre moins déstabilisant.

Cher.e.s camarades, cette décomposition ne peut pas se renouveler sans des risques, cette fois, de désagrégation. Car, dans une nouvelle majorité qui ne serait unie que sous la bannière du renouvellement sans vraie cohérence, sans solidité, sans véritable envie de partager une ambition collective, le risque de se diviser à nouveau sur de jeunes ambitions individuelles est grand. Il faut une orientation, un rassemblement autour d’une cohérence et une dynamique collective.

Cher.e.s camarades, je m’engage à rassembler et redonner confiance, en réformant notre fonctionnement, en renouvelant les équipes pour que dans deux ans, après les européennes et d’ici les municipales, nous ayons réussi à redresser notre image, nous ayons réussi à retrouver une place dans le débat démocratique. Ce travail est ma responsabilité, il doit permettre ensuite de lancer de nouveaux talents à la reconquête de notre pays et de nos territoires.

Mes cher.e.s camarades, il ne faut jamais laisser tomber le drapeau du socialisme disait François Mitterrand car il y aura toujours quelqu’un pour le reprendre. Oui, les partis peuvent mourir surtout quand ils sont mal dirigés.

Mais nos idées vivent, ce sont les flammes des esprits des hommes et des femmes pour le progrès, la solidarité, l’internationalisme, l’écologie, le refus du nationalisme, de l’enfermement et des réflexes identitaires. Nos idées vivent car il faut porter un espoir pour ceux à qui l’ordre du monde et des choses ne donnent plus d’espoir.

Nous devons faire vivre cet espoir car il doit être concret, inscrit dans la réalité du monde tel qu’il est avec un idéal, une ambition, sans radicalité mais dans l’exercice de la démocratie et de la République. C’est pour cela que nous sommes sociaux-démocrates, issus du socialisme français de Jaurès par le dépassement de la lutte des classes pour porter toute l’humanité.

Nous sommes les héritiers de Schœlcher, de l’aspiration au respect et à l’élévation de Senghor et de Césaire, de Montesquieu et de l’Esprit des lois, de Rousseau et de Voltaire pour sortir de l’ombre la liberté des Hommes, de Condorcet pour son esprit foudroyé par la passion irraisonnée, de Galilée à Buffon pour la planète, de l’esprit de résistance de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, du féminisme de Simone Veil, à Pierre et Marie Curie pour la science au service du progrès, de Molière à Picasso et de tous les autres pour toutes les créations artistiques.

Les socialistes se doivent de redécouvrir les Humanités, l’internationalisme en sortant de l’économisme, porter l’intérêt général de la planète toute entière. C’est aussi le message que nous devons faire passer lors de ce congrès. Comme le disait Jean Jaurès pour rester socialistes, nous ne devons jamais nous enfuir de l’humanité. C’est cela notre mission et notre devoir.

Une histoire entre fierté et lucidité

Fierté

Mes cher.e.s camarades, Jean Jaurès est à l’origine du socialisme français et nous devons en être fiers. Notre histoire est un long chemin avec des compagnonnages d’autres personnalités, d’autres forces  politiques sur la voie de la République. Nous sommes attachés à la liberté quel que soit l’espace dans lequel elle s’exerce : la presse, l’art, le  voyage, la pensée, la science, la conscience.

C’est pour cela que nous défendons notre attachement à la laïcité. C’est aussi la liberté d’entreprendre dans une économie de marché, acceptée, mais avec l’impérieuse obligation de réduire les inégalités pour répondre à cette belle aspiration d’égalité qui sommeille chez tous ceux qui sont les perdants, qui se sentent humiliés.

La fraternité, enfin, parce que les femmes et les hommes doivent toujours conjurer leurs tentations identitaires de repli sur soi, de rejet de l’autre et leurs pulsions violentes. Nous devons, plus que jamais, lutter contre les nationalismes qui fleurissent partout en Europe et dans le monde.

Mes cher.e.s camarades, c’est pourquoi nous pouvons être fiers de notre histoire. Blum, le Front Populaire et les fameux congés payés, la décolonisation, la deuxième gauche de Michel Rocard, celle du mouvement de la démocratie sociale et associative, de la décentralisation ; le projet européen et l’Euro, l’abolition de la peine de mort, la retraite à 60 ans pour François Mitterrand et Pierre Mauroy, les 35 heures, le Pacs avec Lionel Jospin,  le mariage pour tous, l’effort de redressement économique, la COP 21 et la conscience écologique avec François Hollande.

La lutte contre les inégalités, le féminisme, la liberté d’opinion, celle d’entreprendre et de produire, le maintien de notre modèle social, la démocratie, la vie associative et syndicale, l’écologie, l’engagement pour l’Europe sont le cœur battant de notre engagement et de nos valeurs.

Elles sont plus que jamais actuelles, modernes, elles ne demandent qu’à être défendues avec force. Nous devons être fiers de toutes ces avancées et de notre rôle démocratique dans la République et au service de la France.

Lucidité

Mes cher.e.s camarades, nous avons réussi à redresser la France d’une situation catastrophique laissée par Nicolas Sarkozy. Nous avons dû faire face à un contexte d’extrêmes difficultés économiques et budgétaires. Les déficits étaient lourds et il fallait prendre des décisions coûteuses politiquement à travers le sérieux budgétaire et la hausse de la fiscalité.

Sans ces actions courageuses, la France aurait été affaiblie économiquement et politiquement si nous avions suivi les tenants des « toujours plus de déficits budgétaires » pour retrouver la croissance. Nous avons fait des choix difficiles en pleine crise, sans remettre en cause notre modèle social. La preuve : les inégalités se sont même légèrement réduites, dans cette période. C’est unique en Europe.

Le dernier quinquennat s’est soldé par un échec sans précédent à un moment pourtant où les résultats économiques arrivaient, fruit de toutes les mesures prises et qui redonnent de la croissance et surtout des créations d’emplois.

Plus de 300 000 créations d’emplois en 2017. Il faut plus que jamais rester lucide et assumer le quinquennat pour tenter de se relever. Qui peut croire, sinon, que les Français.es reviendront vers nous ? Cela consiste à admettre que des choses ont été réussies et d’autres moins. Etre lucide c’est regarder notre échec honnêtement.

Ainsi, nous avons donné de la force aux entreprises pour endiguer des flots incessants de fermetures et de pertes d’emplois. C’était aussi nécessaire pour les ouvriers, les employés partout en France. Rappelons-nous simplement que PSA était moribond lorsque nous sommes arrivés et que l’entreprise s’est redressée de manière spectaculaire comme beaucoup d’autres entreprises.

Cher.e.s camarades, nous avons voté des avancées sociales importantes : le compte pénibilité, l’égalité femme – homme, combat qui doit se poursuivre, le mariage pour tous, le soutien à l’économie sociale et solidaire etc…

Nous avons également fait adopter deux réformes majeures : le départ à la retraite à 60 ans pour les carrières longues et le tiers payant. Autant d’avancées qui sont aujourd’hui remises en cause. Il est terrible de n’en prendre conscience qu’au moment où le Gouvernement Macron va les supprimer.

Ces mesures existent grâce à nous et elles sont essentielles pour les Français.es les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler tôt et les classes moyennes. Dans le domaine de l’éducation et de la jeunesse, nous avons créé plus de 55 000 postes d’enseignants tellement utiles dans certains quartiers et dans le monde rural. Nous avons fait du budget de l’éducation nationale le premier budget de la Nation.

Enfin, nous avons dû affronter le terrorisme et ses horreurs, la haine la plus vile, le risque de la déstabilisation du pays et de notre modèle républicain. François Hollande a fait face, a conduit la guerre à l’extérieur au Mali, en Syrie, en Irak ; il a renforcé les moyens de sécurité et de renseignement en France.

Face au terrorisme, il a préservé l’unité nationale et les valeurs de la République, il a avec Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira évité tout basculement dans le nationalisme et la haine.

La lucidité, c’est admettre les erreurs pour ne plus les reproduire. Sur la déchéance de nationalité je regrette le processus. J’étais au Stade de France le soir du 13 Novembre. J’ai participé au Conseil des ministres dans la foulée : ce soir-là, je ne savais pas ce qui allait se passer dans le pays. Cela pouvait aller très loin et très mal.

Être lucide c’est aussi admettre que la communication sur l’action du Gouvernement n’était pas bonne et le Président n’a pas assez valorisé ce qu’il a réussi à faire. Ensuite, il aurait fallu, dès le début, dire que la situation était très difficile et que le redressement des comptes publics prendrait du temps.

Ainsi, on aurait pu séquencer le quinquennat en deux temps, d’une part le redressement d’autre part la redistribution des efforts consentis. Autre erreur : cet objectif de « l’inversion de la courbe du chômage » a pesé sur tout le quinquennat pour arriver trop tard pour en tirer des bénéfices politiques.

On s’est également trompé sur la présentation du pacte de responsabilité qui n’est pas qu’une politique de l’offre mais une politique pour le travail et l’emploi dans l’entreprise. On s’est trompé en prônant aussi trop vite l’hypothèse de la reprise qui arrivera fin 2015-début 2016, en n’insistant pas assez sur la lecture sociale des mesures prises. Une erreur, enfin, de calendrier et de méthode a été faite avec la loi travail : présentée trop tard dans le quinquennat, sur le fond, cette loi aurait dû être dans le prolongement des lois Sapin et Rebsamen, enfin, l’utilisation du  49.3  était une erreur.

Cher.e.s camarades, pour être lucide il faut aussi acter que nos divisions, l’opposition résolue des frondeurs, auront coûté cher en donnant l’impression aux Français.es d’une incapacité à être cohérents et à rendre ainsi impossible toute valorisation de ce qui était fait. Tout a été brouillé par le bruit incessant de nos divisions.

Cher.e.s camarades, il faut maintenant se relever, sortir de cet état de choc et dans ce contexte politique nouveau face à la France insoumise et à la République en marche d’Emmanuel Macron, retrouver notre place et construire un avenir ensemble. Retrouver notre place, c’est être dans une opposition résolue sur les sujets qui sont pour nous des questions fondamentales.

La loi de finances votée par la majorité est une loi pour les plus riches avec des dépenses injustes et coûteuses pour l’équilibre de la dépense publique. Face à la réforme annoncée des retraites nous devrons nous mobiliser car le risque est grand de voir remis en cause les acquis sur la retraite à 60 ans que nous avons préservés et étendus aux carrières longues.

Mais notre opposition doit être intelligente et ne pas verser dans l’opposition caricaturale et systématique pour rester en phase avec nos concitoyens qui sont fatigués des querelles politiciennes. Pas non plus de caricatures et de positions qui nous placeraient dans le confort de l’opposition sans possibilité de les mettre en œuvre ensuite lorsque nous seront au pouvoir.

Cher.e.s camarades, cela implique plus que jamais de la cohérence politique et une vraie maîtrise de notre parole collective pour sortir enfin de la cacophonie. C’est notre responsabilité, c’est votre responsabilité de faire le choix de la clarté.  A nous de faire ce travail dans une cohérence politique nouvelle et solide en relevant les défis du monde d’aujourd’hui pour penser l’avenir et le progrès de demain, socialement économiquement et surtout écologiquement.

Enfin, je vous donne rendez-vous dès le mois de septembre 2018 pour un vote après des Assises des socialistes, pour construire un parti rassemblé, renouvelé, tourné vers nos concitoyens. En somme, une nouvelle organisation au service de la confiance.

Proposition sur les cinq grands défis pour demain

I – Le premier grand défi est celui de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique.

C’est parce que nous sommes internationalistes que nous avons à cœur de mener la bataille de la lutte contre le réchauffement climatique, de la préservation de la planète, de l’engagement pour la biodiversité.  Que reste-t-il de cet engagement si on le réduit à une planification nationale ? Rien.  Pire, si avec des discours nationalistes comme « l’Amérique d’abord » on refuse de prendre sa part de l’effort pour sauver l’humanité, que reste-t-il de cette lutte ?

Encore une fois : rien. L’écologie n’est plus une question politique nationale, elle est devenue un engagement international, « citoyens de tous les pays unissez-vous ».  Le marché ne peut pas résoudre ce problème. L’environnement nous coûtera cher lorsque nous serons arrivés à l’épuisement de sa propre capacité à se renouveler, c’est-à-dire trop tard.  Il faut donc agir vite.

La COP 21 fut le point de départ d’une conscience internationale. Sans la détermination de la France, avec une diplomatie ouverte, le succès n’aurait jamais été possible. C’est une leçon que certains à gauche et à droite oublient, ou ne veulent pas voir, en se drapant dans le confort de l’opposition, du jamais suffisant, jamais assez, donnant ainsi la mesure de leur incapacité à assumer des responsabilités qui imposent des compromis, surtout à l’échelle mondiale. La transition doit se faire vers une économie décarbonée, vers les énergies renouvelables, vers la bio économie et l’agroécologie, à travers l’intensification de l’énergie solaire et de la photosynthèse.

J’ai lancé l’initiative « 4 pour 1 000 » qui a pour but de stocker le carbone dans les sols, d’utiliser les arbres pour l’agroforesterie et permettre ainsi de diminuer le carbone dans l’atmosphère. N’opposons pas la lutte contre le réchauffement climatique avec la recherche du bien vivre et du confort : les deux sont possibles, encore faut-il inventer de nouvelles méthodes.

Le confort n’est pas l’ennemi de l’environnement, la croissance non plus à une seule condition : être efficace collectivement. C’est comme cela que l’on trouve les ressources et les gains de productivité nécessaires pour redistribuer différemment et poursuivre sur le chemin d’une croissance nouvelle que j’appelle « la croissance sûre », celle qui va permettre d’assurer la production de richesse durable nécessaire au progrès de tous, en particulier les perdants de la mondialisation.

Proposition : un grand forum sera organisé pendant les deux ans qui viennent pour construire les bases d’un modèle de développement durable et d’efficacité énergétique, sur le long terme, pour les vingt ans qui viennent.

II – Le deuxième défi est celui du destin de l’Europe

Je garde à l’esprit ce message de François Mitterrand lors de ses vœux à la Nation en janvier 1995 : « ne dissociez jamais la liberté de l’égalité. Ne séparez jamais la grandeur de la France de la construction de l’Europe. »

Notre internationalisme ne se pense pas, là encore, sans mesurer la réalité, celle de la puissance de la Chine, de l’Inde, du décollage inégal, mais réel de l’Afrique, du retour des empires russe et turc, de l’isolationnisme de l’Amérique de Trump. Mais aussi, des menaces qui mettent l’Europe à l’épreuve, celle du terrorisme, de la pression migratoire. Au fond l’Europe et la France sont au cœur des tensions et appellent plus que jamais de la force et de la solidarité dans les réponses.

C’est pourquoi, je ne crois pas à la fin de la social-démocratie en Europe, contrairement à d’autres. Elle doit s’affirmer au moment où les populismes et les nationalismes agitent les peurs, en défendant une Europe solidaire face au défi migratoire, solidaire en son propre sein et solidaire avec ses voisins.

Cela n’a de sens que si l’Europe s’engage dans une formidable action de développement, de stabilisation des pays de tout le pourtour méditerranéen et de l’Afrique. Il faut pour cela un budget européen avec une vraie recette financière. La taxe sur les flux financiers doit financer une grande politique de développement.

La finance au service du développement : c’est notre engagement. Avec le réchauffement climatique, l’Europe et la France doivent s’engager résolument dans un soutien au développement du grand continent africain. L’Europe doit aussi rester, elle-même, exemplaire en tant qu’espace de solidarité.

C’est pourquoi elle ne peut être laissée aux seuls tenants du marché et du commerce mais portée par des sociaux-démocrates déterminés à faire valoir la nécessité d’un budget européen favorables aux politiques de solidarités : fonds socio-structurels pour l’emploi et la jeunesse, l’éducation, la lutte contre la pauvreté, la politique agricole commune, la politique globale de l’énergie, du numérique et la culture.

Avec le Brexit, l’occasion est donnée d’avoir enfin un vrai budget européen avec des recettes propres par pays affectées au budget de l’Europe. Cette nouvelle recette européenne diminuerait d’autant les contributions budgétaires nationales et donc, pour certain pays, leur déficit budgétaire.

S’ouvrirait alors un vrai débat démocratique au sein de l’espace européen qui nécessitera une réforme profonde des institutions européennes au sein même du triptyque Conseil européen, Parlement européen, Commission européenne. Il s’agit de rappeler à l’Allemagne, comme l’avait dit Jacques Delors, que le marché unique ne tient que parce qu’il est complété par une solidarité forte.

Proposition : engager une convention sur l’Europe début octobre 2018 pour construire notre projet européen  de l’après Brexit avec un vote des militants pour engager la campagne des européennes.

III – La lutte contre les inégalités notamment patrimoniales est le troisième grand défi

La France et le socialisme ont une place par leur histoire et l’attachement qu’ils portent aux politiques publiques, à l’idée de l’Etat comme outil des solidarités, à l’acceptation de l’économie de marché mais pas à celle d’une « société de marché » où tout se vaut et tout s’achète comme l’avait dit Lionel Jospin. La question qui nous est posée c’est de réinventer des politiques de redistribution.

Dans de nombreux domaines nous devons inventer, innover repenser de nouveaux emplois. Je propose de réfléchir sur quatre principaux domaines pour créer de nouveaux emplois : l’écologie et la « croissance sûre »; la santé de manière globale et en particulier avec le vieillissement de la population, l’aide à domicile et les aidants; le développement de la vie associative et de l’insertion sociale.

Mais surtout, la culture qui sera à n’en pas douter une des activités majeures de demain, une activité de création à haute valeur ajoutée, mais aussi d’influence française en Europe et dans le monde. En somme, un vecteur de cette identité ouverte que nous défendons.

On ne doit pas en tant que socialistes accepter le dilemme absurde qui veut que les emplois nouveaux soient dans le numérique version start up « en marche » ou bien que le numérique soit lui-même la source de la fin du travail. Le travail est un accomplissement et une dignité pour ceux qui ont peu, il doit-être réinventé mais nous devons réaffirmer notre attachement à cette valeur.

Car contrairement à ce que pensait Benoit Hamon, ce ne sont pas les élites qui ont rejeté le revenu universel, il a été inventé par elles, mais bien les milieux populaires et les classes moyennes qui y voyaient là une forme d’injustice entre ceux qui seraient payés « sans travailler » et ceux qui gagnent le SMIC à temps plein. Perçue comme injuste cette mesure nous a couté politiquement lors de la dernière présidentielle.

La lutte contre les inégalités est le cœur de notre mobilisation dans les années à venir. L’ONG Oxfam a publié une étude qui confirme le creusement des inégalités,  82% de la richesse produite a été captée par les 1% les plus riches dans le monde. Ce n’est plus tolérable.

Ainsi depuis plusieurs dizaines d’années, les sociétés industrialisées, modernes connaissent une accélération de la concentration patrimoniale et l’accroissement des inégalités. Les 10% des Français.es les mieux dotés en patrimoine concentrent près de 50% du patrimoine brut des ménages quand les 10% les plus modestes n’en détiennent que 0,07%.

1% des mieux dotés rassemblent quant à eux 16% de la richesse totale.  Il y a vingt ans, les 500 premières fortunes de France détenaient 6 % du PIB, aujourd’hui elles en détiennent 24 %. En 2018, les inégalités patrimoniales sont 20 fois plus fortes que les inégalités de revenus.

Le rapport entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres va de 1 à 7 en matière de revenus, il va de 1 à 138 quand il s’agit de patrimoine. L’enjeu c’est de mettre en place des politiques publiques qui permettent de lutter contre ce processus de concentration patrimoniale. Dès 2016, j’ai initié une réflexion sur cette question avec la Fondation Jean Jaurès (https://jean-jaures.org/nos-productions/la-nouvelle-dynamique-patrimoniale-trois-patrimoines-pour-renouer-avec-le-progres).

Sous le quinquennat précédent, les prémices d’une politique nouvelle ont été ébauchés avec la fiscalité égale entre le travail et le capital, la prime d’activité qui vient compléter les salaires autour du SMIC, forme la plus aboutie du revenu universel en le liant au travail, la revalorisation des minima sociaux, les aides à l’accès au logement et à la propriété, à l’efficacité énergétique et à l’économie énergétique.

Ma proposition concrète face à cela : donner à la jeunesse un capital de départ pour se lancer dans la vie et des politiques de redistribution patrimoniale en consacrant 1% de notre richesse à cet objectif. Cela permettra d’assurer une dynamique nouvelle de sécurité pour l’avenir et de réduction des inégalités.

C’est là que se joue, pour la France et les socialistes, la combinaison entre l’enjeu international et celui de la redistribution nécessaire pour redonner des perspectives aux perdants de la mondialisation mais aussi pour permettre à la jeunesse, dans toute sa diversité, de renouer avec l’espoir. Les mesures fiscales prises par le gouvernement et votées par l’actuelle majorité vont accentuer cette concentration, vont accélérer même ce processus de concentration, ce qui est le contraire de ce qu’il fallait faire.

Lutter contre les inégalités c’est aussi reprendre la longue marche des socialistes pour l’égalité. Egalité entre les femmes et les hommes : le féminisme est un combat de tous les instants et nous aurons collectivement à faire des efforts, y compris au sein de notre famille politique, pour l’égalité femmes – hommes et pour bannir et prévenir tous les comportements, toutes les attitudes en désaccord avec nos valeurs.

Nous devrons aussi consolider la parité, pas seulement en termes numériques, mais en termes de responsabilités : autant de femmes que d’hommes aux responsabilités stratégiques. Egalité aussi avec la PMA : le débat a eu lieu, le Conseil de bioéthique a rendu un avis positif, il faut maintenant le faire rapidement.

Proposition : lancer une vaste convention juste après les européennes sur les nouvelles redistributions et les évolutions des formes de travail et de protection sociale pour combiner solidarité, économie et écologie.

IV – Le quatrième défi est celui de la laïcité

La France, par son histoire et ce qu’elle vient de vivre avec les attentats, est une cible privilégiée du terrorisme et d’une sourde, mais bien réelle, offensive idéologique de contestation de notre modèle Républicain. La laïcité est, plus que jamais dans cette période de troubles, un enjeu face à tous les extrémismes religieux. On ne transigera jamais sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

La contestation radicale du modèle Républicain et occidental par un soi-disant retour à une origine des textes, n’est autre qu’un mouvement identitaire de plus qui doit être dissocié de l’islam, qui a toute sa place dans la République, comme toutes les autres religions. La démocratie dans la République est redevenue une question avec l’émergence des réseaux sociaux, des interconnections mondiales, de la liberté qu’elles procurent mais aussi des risques qu’ils offrent de diffusion de fausses informations, d’attaques insidieuses, d’expressions brutes et brutales, dangereuses exacerbation des passions.

Proposition : mise en place d’une nouvelle école de formation des socialistes avec un enseignement spécifique sur la laïcité, son histoire et son actualité.

V – Le dernier défi est celui de la démocratie dans la République

L’exercice du pouvoir selon Emmanuel Macron nous amène à réfléchir sur l’équilibre des pouvoirs et sur les principes démocratiques sur lesquels cela doit s’appuyer. Nous devons à nouveau porter un projet démocratique avec trois grands engagements fondamentaux. Premièrement, un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif en renforçant la place du Parlement. Cela doit conduire à maintenir le nombre de député.e.s et à proposer non pas une dose de proportionnelle, mais un retour à la proportionnelle de 1986, par listes départementales.

Deuxièmement, préparer une nouvelle étape de la décentralisation pour rapprocher la décision des réalités locales pour ancrer l’économie et le social dans une démarche territoriale avec du pouvoir réglementaire dévolu aux collectivités locales. Enfin, renforcer la démocratie sociale en revenant sur les dispositions des ordonnances qui remettent en cause la présence des syndicats dans les entreprises et en inscrivant dans la Constitution le principe de la démocratie sociale.

Les socialistes, dans l’histoire de la gauche française, ont permis cette synthèse entre la première gauche et la deuxième gauche, entre celle qui revendiquait le primat du politique sur tous les acteurs et celle qui pensait le réformisme comme une mise en mouvement de la société toute entière. Cette belle synthèse c’est notre identité dans ce début de XXIème siècle au sein de la gauche. C’est ce qui nous différencie de la France insoumise et c’est pourtant ce qui fait que nous sommes la gauche.

Proposition : Les élus de la FNESR avec les militants seront chargés au lendemain des Européennes de préparer une convention sur les territoires et la décentralisation avec un vote des militants fin 2019.

Un parti rassemblé, renouvelé, tourné vers nos concitoyens.

Une nouvelle organisation au service des militants pour retrouver leur confiance et celle des Français.e.s

Ce congrès doit-être le vôtre et doit redonner la voix des militant.e.s de base loin des manigances et des accords de sommets.

Notre Parti s’est délité tout au long de ce quinquennat sans qu’il n’ait pu trouver sa place dans le débat démocratique. Il est traversé par des clivages anciens, les primaires de 2011 non cicatrisées, dont les plaies se sont infectées durant l’exercice de la responsabilité, ce qui n’était encore jamais arrivé. La fronde aura ainsi porté sur la place publique un débat, qui était jusqu’alors confiné aux moments réservés des débats de congrès.

Ce congrès est celui d’une remise à flot, une clarification de l’identité dans le contexte nouveau que nous connaissons. Il ne sera pas, à lui seul, la solution du rebond, de la reconstruction, mais doit poser les bases du redressement. A ce titre, il ne peut pas être l’objet d’une querelle de chapelles, de postes ou de conflits de génération. L’enjeu c’est le projet pour l’avenir de la gauche et la préparation des échéances à venir.

Le rôle de ce Congrès sera de voter pour un.e premier.e secrétaire et rassembler en renouvelant les équipes, les méthodes et en intégrant de manière plus significative et directe l’avis des militant.e.s en les sollicitant de manière régulière. Maintenant, c’est à vous de décider.

Le Congrès doit se dérouler en toute clarté sur des textes simples sans multiplier les options, les égos, les postures. Nous devons nous atteler à relever le défi de l’Europe en 2019 et surtout les élections locales en particulier les municipales. Voilà la mission d’ici 2020. Il y aura ensuite une seconde phase qui ira vers 2022.

Pour l’avenir, les socialistes doivent devenir un espace de débat et d’adhésion sous de multiples formes. Notre parti doit être un outil pour fédérer des forces et commencer à concrétiser l’idée d’une fédération souple de différentes sensibilités autour des socialistes. Cette fédération des socialistes, démocrates écologistes et européens a vocation à rassembler par le débat des sympathisants issus de différents horizons. On doit, sur ce sujet du rassemblement, tirer toutes les conséquences de la dernière primaire.

La BAP, conçue par Jean-Christophe Cambadélis comme une rampe de rassemblement, aura fonctionné le temps de la désignation. Moment trop court et pas suffisamment engageant pour la suite de la campagne. Les primaires, à ce titre, ne sont plus acceptables dans leurs formes actuelles car elles ne construisent pas le moyen de créer une dynamique de rassemblement.  Je propose, à travers des temps de débats plus longs et de créer un processus de désignation plutôt qu’un débat de désignation. Les inscriptions seront préalables au vote pour sortir de l’effet d’aubaine de votes au dernier moment qui dénature tout le processus.

Notre parti doit se repenser dans ses structures et ses formes de débats. Ses structures, en repensant notre organisation, en préservant ce qui reste solide, c’est-à-dire les fédérations qui doivent continuer à s’organiser avec un conseil politique départemental regroupant l’ensemble des militants et un exécutif mettant en œuvre les décisions et préparant les activités politiques et électorales.

Il faut revoir nos structures pour les adapter à chaque réalité territoriale. Nos sections, représentant l’unité de base de notre parti, doivent être renforcées en s’adaptant aussi aux nouvelles réalités territoriales (intercommunalités, des métropoles, des régions) afin de mener nos combats politiques avec plus de forces tout en gardant une proximité et un ancrage total avec le terrain. Elles devront permettre l’adhésion avec deux types de cotisations.

Celles des militant.e.s et celles des sympathisant.e.s à l’occasion de débats qui pourront être ouverts à d’autres formations. Des plateformes numériques pilotées par les fédérations et les nouvelles sections seront ainsi développées partout. Le vote, quel que soit le débat, sera électronique et l’initiative des débats ne pourra venir que des militants avec des modalités à définir. Les militant.e.s ont donc une prérogative exclusive : le droit d’initiative politique et le choix final.

Proposition : l’ensemble de ces pistes devront être débattues dans le cadre d’Assises des socialistes qui débuteront dès la fin du congrès.
Mes cher.e.s camarades, le congrès n’est pas une fin en soi mais bien au contraire un point de départ essentiel pour notre avenir. Je vous propose le calendrier suivant :

2018 – 2020

Première phase (avril – aout 2018) : engager une première convention sur notre organisation, le nom du parti et son fonctionnement.  Changer les modalités de vote avec les votes électroniques, ouvrir des plateformes nouvelles de débats, des territoires d’organisation nouveaux : intercommunalités, métropoles, régions. Cette première phase doit se terminer à la fin de l’été 2018 avec à La Rochelle autour de nos élus et de la FNESR un point d’étape avant une convention et un conseil national pour adopter après le vote des militants l’ensemble de notre nouvelle organisation ;

Seconde phase (2018-2019)tout aussi essentielle sera la préparation des européennes avec le lancement d’une vaste réflexion sur l’Europe et une première application des nouvelles règles de débat internes et ouvertes aux sympathisants. Fin février 2019 : adoption du projet et des listes ou de la liste nationale ;

Troisième phase(2019-2020) : lancement de deux grandes réflexions avec une nouvelle convention, un conseil national pour la préparation des municipales avec l’adoption d’un programme commun. Dans le même élan un grand débat sera lancé sur l’analyse des inégalités en France et en Europe et les moyens de la lutte contre les inégalités ainsi que la question des nouvelles formes de redistribution.

2020-2022

Quatrième phase(2020-2022) : préparation des élections Présidentielle et Législatives. C’est-à-dire la phase 2020 – 2022 avec trois grands objectifs : Mise en œuvre d’une fédération de la gauche de gouvernement ; Forme nouvelle de désignation pour l’élection présidentielle ; Plateforme de gouvernement de la France en Europe et d’engagements diplomatiques.

Ainsi nous aurons deux étapes pour reconquérir notre électorat perdu et rassembler la gauche, écologiste et sociale de gouvernement.

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*   *

C’est ce que je crois être l’enjeu de cette période de débat qui s’ouvre, où se joue l’avenir de notre force politique. Chacun doit y réfléchir, surtout les militant-e-s, ces fidèles de l’engagement socialiste, ceux qui ont passé les épreuves des défaites et les joies des victoires, vous toutes et tous que je connais si bien. C’est à vous de prendre la parole et de redonner un destin et un avenir à notre belle histoire politique, à nos idées.

J’ai conscience que la tâche ne sera pas facile mais si j’ai choisi Jaurès pour l’avenir c’est parce que nos idées restent bien présentes en France et à l’échelle européenne. Nous ne serons plus les préparateurs fébriles du grand soir mais les bâtisseurs des alternances démocratiques qui font avancer toute la société et qui donne un espoir concret à ceux qui l’ont perdu. Mes cher.e.s camarades c’est à vous de choisir.

Stéphane Le Foll

Voici le second texte d’orientation pour le second tour.

Socialistes, Le chemin de la renaissance.

« Ne dissociez jamais la Liberté de l’Egalité. Ne séparez jamais la grandeur de la France de la construction de l’Europe ». François Mitterrand, vœux à la Nation, 31 décembre 1994

Cher(e) camarade, Nous nous présentons devant toi rassemblés pour conduire ensemble la renaissance du Parti Socialiste. Nos combats et nos valeurs restent d’actualité. Si nous voulons prolonger cette histoire nous devons profondément changer : changer nos pratiques et notre organisation, inventer un nouveau Parti Socialiste, mais aussi inventer de nouvelles réponses face aux inégalités et aux injustices sociales, aux défis du futur pour la planète et pour l’humanité. Nous sortons d’une déroute historique qui nous a collectivement ébranlés. La sanction a été sévère.

Nous pourrions la penser injuste, d’abord pour tous les militants et pour les élus locaux et nationaux qui se sont donnés corps et âmes à leur mandat. Mais les citoyens arbitrent et font des choix. Si les Français nous ont désavoués, c’est parce qu’ils ne discernaient plus notre capacité à répondre à leurs attentes et à exercer efficacement le pouvoir.

La politique a horreur du vide et d’autres offres sont venues occuper l’espace que nous avions abandonné. Mais la défaite de 2017 n’est pas que conjoncturelle, elle vient de loin ; elle n’est pas une parenthèse, aucune bulle n’éclatera pour rétablir le paysage politique antérieur. Nous devons reconquérir notre place.

A quoi doit servir notre congrès? Ce congrès n’est pas encore celui du projet. Personne ne croirait que nous allons refonder notre doctrine en quelques mois et qu’une motion y suffirait. Nous devons prendre le temps d’écouter les Français et de travailler sérieusement. Ce congrès doit ouvrir un nouveau cycle, qui conduira à notre renaissance. Aubervilliers doit être le point de départ d’une nouvelle aventure collective et entamer un processus de reconstruction idéologique, programmatique, organisationnelle, avec un préalable : le premier changement à opérer c’est celui des comportements.

Aubervilliers doit être le congrès de la confiance entre nous et de la fraternité retrouvée. La confiance d’abord : les années passées ont mis à rude épreuve notre solidarité. Ce qui doit être clair, c’est que désormais, celles et ceux qui participeront à la reconstruction doivent s’engager à le faire dans la loyauté. Nous ne demandons pas aux camarades d’où ils viennent, mais où ils vont. On ne peut pas être et dedans et dehors. Chacun doit avoir le courage d’assumer ses convictions – toutes sont légitimes- mais le Parti Socialiste est le parti des Socialistes.

La fraternité ensuite : démontrons notre envie du travail commun, retrouvons le goût de militer ensemble, le plaisir de débattre en respectant ensuite la décision collective. Il n’y a pas de force en politique sans solidarité.

Quels sont nos objectifs sur les trois prochaines années? • Incarner dans le pays une opposition de gauche crédible et responsable, une gauche à la fois de gouvernement et de transformation sociale. Il y a une gauche radicale qui n’est pas de gouvernement et un gouvernement qui n’est pas de gauche.

• Rassembler notre famille politique, aujourd’hui dispersée, et redevenir en voix le premier parti de gauche à l’issue du cycle électoral 2019-2020-2021. •

Passer des combats au projet et être prêts, en 2021, à proposer à nos concitoyens une nouvelle ambition et une vision de l’avenir. Nous n’avons pas vocation à être une opposition parmi les autres mais à devenir l’alternative. Dans un monde nouveau, celui de la transition écologique, de la mondialisation, du capitalisme financiarisé, du numérique et de l’individu, naissent des inégalités nouvelles, qui appellent des combats nouveaux et des solutions elles-mêmes nouvelles.

Pour les porter, nous avons besoin d’un nouveau Parti Socialiste qui place au cœur de son identité la passion de l’égalité, un parti européen, écologiste, féministe, qui défend la place du travail, porte les principes de la République, et propose un chemin d’émancipation pour toutes et tous. Notre parti doit être de nouveau une ruche, où l’on a plaisir à militer ensemble et où s’inventent des solutions nouvelles.

Le PS doit devenir un parti-plateforme, ouvert à toutes et tous, un laboratoire collectif, une fabrique d’expérimentations. Le PS doit être un outil au service de ses adhérents et à leur écoute, un parti de proximité ancré dans les territoires, en métropole et outre-mer, qui sait épauler les initiatives locales de refondation et de reconquête.

Que voulons-nous faire ? Rassembler les énergies dans la fraternité et le collectif retrouvé, unir les forces issues de toutes les générations et de toutes les histoires, pour redonner au PS une âme, en faire le carrefour des espérances et le parti des solutions.

1. Pour rendre possible notre renaissance, construisons une nouvelle maison commune, un nouveau Parti Socialiste Soyons fiers de la culture démocratique du Parti socialiste qui permet aux adhérents de définir l’orientation politique, d’élire les dirigeants, d’investir les candidats. Les partis-entreprises, agiles dans leur fonctionnement mais verrouillés dans leur organisation, ne peuvent être un modèle pour les femmes et les hommes de gauche qui savent la valeur de l’engagement collectif.

1.1. Nous avons besoin d’une éthique de l’action collective

Retrouver une authenticité dans notre vie démocratique ne dépend que de nous. Le PS a été le parti où l’on votait souvent mais où le vote des militants n’était pas respecté, soit par des responsables devenus « frondeurs », soit par des personnalités nationales qui se considéraient libres de leurs positions.

Il s’agit désormais de dépasser cette histoire pour unir nos forces et nos différences. Le parti de demain doit connaître un fonctionnement collégial, ancré dans une éthique collective : le respect des règles et du vote, et celui de l’autorité de la direction – en premier lieu celle du premier secrétaire.

Cela va de pair avec le dépassement des vieux clivages internes. Nous avons tous une histoire dans ce parti, nous avons tous notre propre sensibilité. La diversité demeure et justifie le débat mais pas des clivages dont nous avons perdu jusqu’au sens. Nous avons besoin de sincérité dans l’engagement et le travail collectif.

La politique n’est pas une carrière, elle est un choix qui doit toujours être authentique et demeurer désintéressé. Etre un élu ou un responsable du Parti donne une légitimité et un devoir d’engagement dans le travail, pas un statut de privilégié.

L’avenir du PS appelle un cadre de travail exigeant et solidaire, avec des femmes et des hommes à égalité de droits et de devoirs.

Proximité et ouverture aux autres sont essentiels pour renaître. Notre avenir s’invente dans les territoires avec tous les acteurs locaux qui se confrontent au réel, prennent des initiatives et ouvrent de nouvelles voies vers le progrès partagé.

Nous devons être engagés aux côtés des plus fragiles, de celles et ceux qui se battent pour leur dignité, pour leurs droits, pour leur emploi et leur logement. Nous devons être accueillants aux idées et aux innovations mais aussi aux nouvelles luttes et mobilisations. N’ayons pas peur d’être bousculés et interpellés, c’est aussi de cette façon que nous pourrons nous ressourcer.

1.2. C’est en se faisant parti-plateforme et parti des solutions, que renaîtra le Parti Socialiste

Aucune formation ne peut plus s’appuyer sur ses seules ressources internes. Le rôle d’un parti politique est aujourd’hui de faire vivre une plateforme pour animer la relation avec les citoyens, mobiliser leurs contributions, leurs énergies militantes, et renouveler en permanence le vivier des idées, des talents et des candidats sur tous les territoires.

Le parti-plateforme doit être ouvert aux adhérents et militants du Parti Socialiste mais aussi à tous les citoyens qui ne se reconnaissent pas dans les offres politiques actuelles et espèrent une alternative. Notre rôle est de construire avec eux un débouché et un projet politique nouveaux. Nous ferons vivre le débat avec toutes celles et tous ceux qui partagent cette aspiration, et portent des expertises et des propositions.

Ces partenaires sont nombreux : syndicats, ONG, associations, mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, chercheurs, intellectuels, entrepreneurs, artistes et acteurs du monde culturel. Ces forces multiples doivent échanger en permanence, co-élaborer des propositions. Notre parti doit être tourné vers l’expérimentation locale, capter la créativité, valoriser les initiatives et les engagements humains. C’est cela être le parti des solutions.

1.3. Un parti EuroSocialiste qui renoue avec son militantisme européen et international

Nous sommes des Eurosocialistes, membres d’une famille politique qui porte l’espoir d’une alternative progressiste à l’Europe libérale dominée par la droite. Face à l’égoïsme de certains états, face à la montée des nationalismes, l’Europe a besoin d’une nouvelle ambition collective, sociale et solidaire, elle doit rendre le pouvoir aux peuples pour devenir une véritable démocratie.

Le Parti Socialiste Européen est notre parti, nous devons plus activement contribuer à le faire vivre et y défendre avec force nos positions. Le renouveau du socialisme français ne pourra demain être pérenne sans redressement des Socialistes européens.

L’enjeu des élections de 2019 est de construire une victoire des gauches européennes autour d’une coalition progressiste. Cette échéance, nous la préparerons ensemble dans le cadre d’une convention nationale dédiée.

Notre militantisme international s’organisera autour de quatre priorités : remettre l’humain au cœur de la construction européenne ; mener la bataille mondiale pour les biens communs, la transition écologique et énergétique et le respect des droits humains ; aider à construire la paix dans un monde dangereux ; réussir la construction d’un espace de développement solidaire entre l’Europe, l’Afrique et la Méditerranée.

1.4. Un contrat de refondation pour un nouveau Parti Socialiste : De nouvelles méthodes et de nouveaux principes pour travailler ensemble

Au cours des dernières années, le PS a beaucoup travaillé et fait évoluer son corpus doctrinal en plaçant la social-écologie au cœur de ses réflexions.

Hélas, ces textes restent peu connus. Les « forums de la refondation » qui se sont tenus après les défaites de 2017 ont permis de relancer la réflexion collective et de dresser le cahier des charges de la refondation. Les militants n’ont pas travaillé pour rien, leurs plus de 1000 contributions seront publiées et mises à disposition de tous.

Elles ont été et seront un point de départ pour notre travail collectif. Nous proposons que le Parti Socialiste se reconstruise par le socle, avec les militants, et les citoyens qui le souhaiteront, avec la société et dans les territoires. Beaucoup peut être fait dans le cadre des statuts actuels, mais pour réellement transformer nos pratiques nous aurons besoin d’un contrat de refondation et de nouveaux statuts adoptés à l’issue d’un congrès statutaire.

Tous les sujets pourront y être librement abordés. Parmi ceux-ci figureront les conditions d’adhésion, une plus grande souplesse d’organisation pour les fédérations et les sections, les modalités de vote et de représentation, le non cumul dans le temps des responsabilités, la place du tirage au sort et du référendum d’initiative militante dans notre fonctionnement, les nouvelles modalités de la primaire, etc.

Au cours de ce travail nous devrons permettre à des territoires volontaires d’innover dans leur mode d’organisation ; cela peut être le cas de certaines régions, des territoires ultramarins et des français de l’étranger. Il nous faut sans délai déverrouiller le PS et libérer les énergies. Nous le ferons en nous appuyant sur les territoires, creusets de la renaissance des Socialistes.

Les nouvelles solutions émergent souvent des mobilisations et des expériences locales. Un Conseil des Territoires associera directement les élus aux travaux de la direction et à la refondation du Parti.

Le PS doit rompre avec son fonctionnement vertical et bureaucratique pour devenir un parti décentralisé, et renforcer un travail direct entre la direction et les premiers secrétaires fédéraux.

Le droit d’initiative appartiendra aussi aux militants et aux fédérations qui pourront porter des chantiers nationaux.

Plutôt que de multiplier les grandes conventions nationales sur des sujets très larges nous lancerons plusieurs dizaines de chantiers sur des questions précises, pilotés par des équipes paritaires, avec à chaque fois une ouverture à la société, un travail collaboratif, une consultation à toutes les étapes, et in fine un vote des militants.

Une plateforme numérique permettra de dynamiser la participation et les échanges entre Socialistes, mais aussi avec les citoyens, les intellectuels, les acteurs du mouvement social et les autres forces de gauche réformiste. Sur cette plateforme, un atelier des expériences locales permettra d’insuffler dans la réflexion collective les innovations menées dans les territoires.

Une banque des compétences mettra à disposition les ressources militantes et citoyennes trop souvent négligées. Le vote numérique sera développé et les consultations en ligne sur la plateforme généralisées, tout en organisant la médiation numérique et en relayant le numérique par des ateliers physiques pour tous, afin de prévenir la fracture numérique au sein de notre parti.

Les instances nationales, quand elles se réunissent sur une thématique, associeront des camarades tirés au sort parmi ceux qui auront participé au travail sur le sujet. Un droit d’interpellation de la direction nationale sera institué.

La direction issue du congrès, resserrée et paritaire, présentera avant l’été aux militants sa nouvelle organisation et son programme d’action, pour donner naissance à une plateforme numérique digne de ce nom, proposer aux équipes de terrain des outils efficaces d’appui et de communication, garantir un droit à la formation, lancer les chantiers du projet, et faire fonctionner différemment les instances nationales. Elle proposera notamment le lancement d’une campagne nationale d’adhésion et de mobilisation des citoyens. La reconquête des territoires est notre priorité.

Notre engagement est de mobiliser toutes les ressources du Parti pour réussir les élections européennes et les élections municipales de 2020. Le renouvellement ainsi que la détection et la formation des talents est un enjeu crucial. Nous devons faire confiance à de nouveaux profils et combiner renouvellement des équipes, féminisation et diversité. L’égalité entre femmes et hommes sera au cœur de notre action. Un secrétariat national sera directement placé auprès du premier secrétaire.

La lutte contre le sexisme et les violences faites aux femmes fera l’objet d’actions de formation et de sensibilisation. Elle s’inscrira dans une démarche de lutte contre toutes les discriminations et d’accompagnement des victimes. La parité n’est pas pour nous qu’un objectif chiffré, elle implique aussi et surtout l’accès aux fonctions internes les plus stratégiques et aux présidences d’exécutifs locaux.

2. Un congrès d’affirmation : Oui, dans le nouveau paysage politique, les Socialistes ont une place originale à occuper ! Aubervilliers doit être un congrès d’affirmation. Nous n’avons pas à nous positionner en fonction des initiatives de nos concurrents. Les autres partis ne sont forts que de nos faiblesses.

C’est d’abord par notre propre travail, l’affirmation de nos valeurs et de nos propositions que nous nous ferons à nouveau entendre et respecter. Poser aujourd’hui la question des alliances serait se placer en situation de faiblesse et accepter une position de supplétifs. Pour rendre possible la victoire de la gauche demain il faut d’abord redonner de la force au Parti Socialiste. Aubervilliers doit donc être un congrès qui revendique l’autonomie stratégique du PS. Tel est le sens de notre démarche.

2.1. Le socialisme n’a pas été remplacé

Nous devons affirmer ce que nous sommes, nous avons une identité, un projet, une place originale à défendre dans le paysage politique. Le socialisme n’a pas été remplacé.

Ni en France ni ailleurs, aucune des visions du monde qui prétendent lui succéder – libéralisme autoritaire, populisme protestataire, nationalisme identitaire – ne constitue un substitut aux objectifs et aux réponses socialistes : l’émancipation des individus, la lutte contre les inégalités, le combat pour l’écologie et la démocratie, l’engagement européen et internationaliste.

Le néolibéralisme a montré son incapacité à réguler la mondialisation et encadrer les effets des ruptures technologiques. Il se traduit par une montée sidérante des inégalités et des violences sociales qui mettent en danger nos sociétés et brisent des millions de vies. Il déconsidère les réponses collectives et montre son impuissance à répondre à la crise écologique tout en la précipitant.

Face aux nouvelles douleurs contemporaines, face aux nouvelles aliénations, face au sentiment de dépossession et de déclassement, notre rôle est de reconstruire un nouvel humanisme et la confiance dans un progrès maîtrisé, et de 8 redonner sens au commun en menant la bataille pour de nouveaux droits et contre les inégalités.

2.2. Nous sommes, dans ce quinquennat et face à ce pouvoir, l’opposition de gauche et responsable

Au fil des mois, la politique menée par Emmanuel Macron est apparue pour ce qu’elle est : une politique économique libérale qui affaiblit les solidarités et creuse les inégalités. Certains Français attendaient Mendès-France, ils ont eu Giscard.

L’écart entre les discours et les actes est permanent : les déclarations sont calibrées pour paraître justes, mais les actes sont brutaux, aussi durs pour les plus faibles qu’ils sont doux pour les puissants. D’immenses régressions sont actées à bas bruit. Nos concitoyens commencent à en mesurer la portée dans leur vie quotidienne, qu’il s’agisse des emplois aidés, des APL, de la manière dont sont traités ceux qui portent assistance aux exilés, ou de la mise en œuvre des premières « ruptures conventionnelles collectives ». La pratique « jupitérienne » ne tolère pas les contre-pouvoirs.

Un à un, tous les corps intermédiaires sont contournés, les partenaires sociaux sont consultés mais souvent mis devant le fait accompli, les collectivités locales sont méprisées, le Parlement placé sous ordonnances et la majorité caporalisée. Vouloir mener les réformes à la hussarde, sans réel dialogue ni co-construction, ne pourra les conduire qu’à l’échec.

Nos groupes parlementaires ont montré la voie de ce que doit être une opposition de gauche et responsable. Le travail en commun des groupes et du Parti sera demain un élément clé pour porter au Parlement la voix d’une alternative crédible à gauche. Le pays a besoin de cette voix. La faiblesse du Parti Socialiste et la division de la gauche pourraient faire de la droite et de l’extrême-droite, en pleine convergence idéologique, le seul recours face au pouvoir en place.

Nous ne voulons pas d’une vie politique polarisée entre un nouveau centre-droit et une droite radicalisée, avec le Front National en embuscade. Nous n’oublions pas que la droite est notre adversaire dans les territoires. Mener le combat contre la droite et l’extrême-droite c’est être fidèles à ce que nous sommes et redonner tout son sens au débat démocratique.

2.3. Le bilan de notre pratique du pouvoir reste à faire

L’analyse approfondie du mandat de François Hollande devra avoir lieu, tout comme l’analyse des offres politiques de LREM et LFI. Mais il faut nous garder de sombrer dans une querelle sans fin comme celle qui a paralysé une droite qui n’a toujours pas fini de faire l’inventaire du Sarkozysme.

Ce devoir de lucidité est d’autant plus important que notre défaite plonge ses racines dans des causes anciennes dont certaines sont françaises – nous n’oublions pas le 21 avril 2002 et 20 ans de hauts et de bas qui auraient dû nous alerter davantage – et d’autres sont plus globales, dans un contexte de crise de la social-démocratie européenne. Ce travail sera l’objet d’une convention nationale avant la fin de l’année 2018. Les travaux préparatoires seront confiés à un groupe d’experts et de chercheurs.

L’objectif est de mener une démarche rigoureuse permettant un débat serein et utile à la refondation du PS. Mais il reste néanmoins nécessaire d’évoquer cette question dans le cadre du congrès. Chacun gardera à l’esprit avec fierté à quel point François Hollande a su incarner et rassembler la nation face au terrorisme, mener une politique étrangère courageuse et exemplaire pour éradiquer ce fléau. Mais personne n’est plus légitime que les électeurs pour juger de ce mandat.

En nous sanctionnant en 2017 ils nous ont collectivement désavoués et nous devons en tirer toutes les conséquences. Notre manière de gouverner n’a pas été comprise. Les Français ont eu le sentiment de nombreux changements de cap. Ils n’ont pas trouvé dans notre démarche le discours de vérité, l’ambition réformatrice et la détermination dans l’action qu’ils appelaient de leurs vœux.

Nous avons manqué de lieux de dialogue entre nous, perdu le sens des combats communs et du respect de nos règles. Le spectacle que nous avons donné ne pouvait déboucher que sur un rejet, par les militants d’abord, par les Français ensuite. La déchéance de nationalité et l’avant-projet de la loi sur le travail ont été pour beaucoup de douloureux moments de rupture car ils touchaient aux valeurs fondamentales des Socialistes. Les résultats n’ont pas été suffisants pour créer les conditions d’une victoire en 2017.

Pourtant l’évolution du chômage constatée depuis porte la marque des actions de redressement, productif et budgétaire, engagées sous l’autorité de François Hollande. Ce quinquennat a permis de mener à bien de nombreuses réformes importantes, de créer des postes de professeurs, de magistrats, de policiers et de gendarmes là où la droite en avait tant supprimé, et de construire de nouveaux droits pour les citoyens et les salariés (complémentaire santé, mariage pour tous, compte pénibilité,…). Ce bilan sera progressivement plus justement apprécié par les français.

2.4. L’ambition des Socialistes est de réinventer la gauche

Nous voulons réinventer la gauche et pas seulement le Parti Socialiste. Nous voulons rassembler la gauche pour ensuite rassembler les Français autour d’une nouvelle ambition sociale. Nous sommes la gauche qui veut gouverner, se confronter au réel, assumer les responsabilités.

L’idée-même d’une formation politique « et de droite et de gauche » n’a pas de sens et cache une volonté de dépolitisation mortifère pour notre démocratie. Nous ne pouvons réduire le débat public à un dialogue entre la majorité et les extrêmes. Ce discours est aussi habile que dangereux. Il crée la résignation et nourrit les populismes. Nous revendiquons au contraire le pluralisme politique.

Le clivage gauche – droite demeure indissociable de la démocratie dans notre pays. Substituer au clivage gauche – droite le clivage peuple-élites comme le fait Jean-Luc Mélenchon est tout aussi dangereux. Nous avons le devoir de le dire à celles et ceux qui se sont éloignés de nous pour le rejoindre.

La pente du populisme est une pente dangereuse. Cette approche est étrangère à l’histoire de la gauche française, elle conduit à la division et à l’affaiblissement du mouvement social. Pour réinventer la gauche, le Parti Socialiste doit s’adresser à tous et rechercher dialogue et partenariats. Le Parti Socialiste n’est plus, pour le moment, le parti dominant à gauche, et sa place au second tour des élections n’est désormais ni naturelle ni automatique. Aucun coup de balancier ne nous ramènera au pouvoir par le seul jeu de l’impopularité des gouvernants.

Tout est désormais à (re)conquérir. Nous devons nous adresser aux déçus, partis marcher ou déclarer leur insoumission, mais aussi devenus abstentionnistes, et d’abord écouter leur parole et comprendre leurs motivations. Notre capacité de rassemblement devra s’appuyer sur le dialogue, sur la dynamique de nos idées, sur notre aptitude à échanger et coopérer avec les forces en mouvement dans toutes les sphères de la société.

Ce ne sont pas les accords d’appareil qui feront la gauche de demain mais la construction en commun de projets partagés. Redevenir majoritaires suppose de réconcilier des gauches que certains voudraient irrémédiablement séparer, ouvrant ainsi une éternité électorale à la droite. Au moment où le nouveau pouvoir théorise le « et de gauche et de droite », il serait paradoxal de ne plus être capable d’être « et de gauche et de gauche ». De ce point de vue, l’exemple du Portugal doit être pris en compte car c’est bien autour d’un Parti Socialiste au gouvernement que s’est fait le rassemblement des gauches.

Notre volonté de rassemblement de la gauche est intacte, mais aujourd’hui cette question est d’abord posée à Jean-Luc Mélenchon. Son obstination dans la volonté de voir disparaître les autres formations politiques, sa stratégie d’isolement, conduisent à l’effacement de la gauche et à une impasse stratégique. Vouloir rassembler n’est pas taire les divergences. Son évolution souverainiste et la remise en cause du principe même de la construction européenne sont contradictoires avec l’identité des Socialistes.

Enfin, nous sommes la gauche qui veut gouverner et, à ce stade, nous n’avons pas le sentiment qu’il ait la volonté réelle de se confronter au pouvoir et de le faire en partenariat avec d’autres.

3. Les combats des socialistes

Nous venons de vivre un cataclysme et nous engageons une renaissance.

Nous voulons le faire avec détermination, mais aussi patience et humilité. Nous ne proposons pas aujourd’hui un nouveau programme clés en mains, mais des combats prioritaires, des combats pour le présent, mais surtout des combats pour demain, car c’est le futur qu’il faut penser.

Nous n’avons pas de solutions toutes faites, pas de prétention à régler en quelques mois toutes les questions que nous n’avons pas su formuler ou trancher depuis deux décennies. Le programme que les militants attendent, c’est d’abord un programme de travail tourné vers l’avenir.

3.1.L’Europe puissance et protectrice dans la mondialisation

Nous faisons le choix d’un nouvel internationalisme dont l’instrument est une Europe puissance et protectrice, démocratique et solidaire, qui défend ses valeurs et son modèle de société à l’échelle planétaire, qui encadre la finance, porte le combat écologiste, et défend la place de l’Homme et ses libertés faces aux ruptures technologiques. La tentation nationale serait notre tombeau. Souveraineté nationale et souveraineté européenne vont désormais de pair. Si l’Union Européenne n’existait pas, deux raisons justifieraient sa construction et notre engagement européen.

Avec Trump à l’ouest, le Brexit au nord, Poutine à l’Est, et de nombreuses menaces au sud, l’Europe doit prendre conscience d’elle-même et fixer ses frontières. Il s’agit bien aujourd’hui d’assurer la protection et la sécurité d’un espace commun menacé. Il existe évidemment des inégalités et des écarts de développement au sein même de l’Europe. Mais l’Europe a un modèle économique et social singulier dans le monde qui la distingue, un modèle façonné par l’histoire, fondé sur notre conception universaliste des droits de l’Homme, sur la solidarité et le développement durable.

Ce modèle mérite d’être défendu dans la mondialisation, sans quoi demain les états se soumettront aux multinationales et aux GAFA, les droits et libertés seront rognés par la course au profit. Au sein de l’Union Européenne comme à l’échelle de la planète, nous menons le combat contre le néolibéralisme.

Notre engagement européen est total, mais il y a plusieurs chemins possibles pour l’Europe, et le nôtre n’est pas celui de la droite libérale, fut-elle allemande. Les combats des socialistes : L’Europe doit se protéger dans la mondialisation en revoyant sa politique de concurrence et de commerce international, en refusant les échanges inéquitables, non respectueux des droits de l’Homme, de l’environnement, de la souveraineté alimentaire, et de notre création culturelle.

Les accords de libre-échange devront être subordonnés au respect de nos solidarités. L’Europe doit mener un combat impitoyable contre les paradis fiscaux, et fixer de nouvelles règles contre l’optimisation et la concurrence fiscale qui minent l’Etat social.

Au sein même de l’Union il convient d’être intraitable sur le respect de la démocratie et des droits humains, organiser la convergence sociale et fiscale, et mettre pleinement en œuvre le principe « à travail égal, même salaire et protection sociale » pour les travailleurs détachés. L’Europe doit aussi construire des droits nouveaux pour tous les citoyens en matière de santé environnementale, de libertés numériques et de droits des consommateurs. Nous voulons également une Europe qui investit pour préparer l’avenir, dans les transitions numérique, écologique et énergétique, dans la formation et l’insertion, dans la recherche et l’innovation, dans le développement des entreprises et les projets des territoires.

Pour cela l’Europe doit porter une politique industrielle, rompre avec les politiques d’austérité, renforcer le contrôle du Parlement sur la zone Euro, et se donner un budget en cohérence avec ses ambitions, à travers une mobilisation des états-membres et de nouvelles ressources budgétaires propres qui corrigeront les excès du capitalisme financier mondialisé (taxe sur les transactions financières, fiscalité sur les GAFA,…). Depuis la COP21, et plus encore depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, l’Europe a pris le leadership de la cause environnementale. Elle doit continuer à montrer le chemin et défendre sa conception des biens communs.

L’Europe doit également assumer sa relation d’interdépendance avec l’Afrique et la Méditerranée et investir massivement dans leur développement durable qui est la meilleure politique pour prévenir de futures crises des réfugiés. Elle doit mener une politique migratoire qui corresponde à ses valeurs, dans le respect du droit d’asile et des engagements pris pour l’accueil des réfugiés.

3.2.Une transition écologique citoyenne et solidaire

La transition écologique est un choix de société, de transformation des modes de vie et de production, de solidarité et de citoyenneté. L’urgence est là car la destruction de notre planète et de la biodiversité est d’ores et déjà enclenchée. Les Socialistes ont placé la France à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Leurs élus locaux ont mis l’écologie au cœur de leur action. Les avancées en faveur du climat et la « Conférence de Paris » resteront l’un des grands acquis du quinquennat de François Hollande. La mobilisation pour atteindre les objectifs fixés doit être maximale.

Le développement durable, défini par la Socialiste norvégienne Gro Harlem Brundtland, est à la fois la responsabilité vis-à-vis des générations futures et la réponse aux besoins humains fondamentaux, notamment des plus démunis. Pour les Socialistes, l’écologie doit être solidaire et étroitement liée au combat contre les inégalités et les injustices. La précarité énergétique fait partie des enjeux sociaux de la transition.

La santé est ainsi un bon exemple des nouveaux défis de l’écologie et du développement durable. Les maladies chroniques explosent sous l’effet de nos comportements et de la dégradation de notre alimentation et de notre environnement. Les combats des Socialistes : La sortie progressive des énergies carbonées, et notamment la sortie rapide du diesel, la réduction à 50% en 2025 de la part du nucléaire dans notre mix énergétique, et le développement rapide des énergies renouvelables, doivent être menés simultanément. La transition écologique doit permettre de faire émerger de nouvelles opportunités économiques.

Elle doit notamment guider le développement durable des activités maritimes, agricoles, forestières, de la valorisation des bio-ressources, piliers de l’avenir des territoires ruraux, littoraux et ultramarins. Nous avons également besoin d’un nouveau modèle agricole et alimentaire fondé sur la qualité, la proximité, et le lien retrouvé entre producteurs et consommateurs.

L’ensemble de nos politiques publiques devront être systématiquement revues sous le prisme de la nouvelle donne écologique. Nous devrons par exemple aller vers un Étatprovidence social écologique qui mutualise la couverture des nouveaux risques liés aux désordres environnementaux pour lutter contre les inégalités.

Notre combat est également celui de la priorité donnée aux politiques de prévention et de santé publique, avec la reconnaissance des enjeux de la santé environnementale révélatrice des inégalités et des conditions de vie dans l’alimentation, le logement, le travail, etc.

3.3.Le travail et l’entreprise au cœur du lien social et des parcours de vie

Nous défendons la place du travail dans nos sociétés et le rôle central des salariés et de leurs représentants dans la création et la répartition des richesses au sein de l’entreprise. Le travail est un levier d’émancipation, il permet à chacun s’accomplir au sein d’une communauté et de valoriser ses talents. Faire de sa main, comme inventer et concevoir, c’est une grande et légitime fierté.

Nous voulons unifier le monde du travail autour de droits nouveaux pour tous, droits individuels et garanties collectives, comme nous en avons montré le chemin avec le compte personnel d’activité. Le travail change de forme et de nature, est plus autonome, souvent plus solitaire et plus précaire. Il nous faut inventer une société apprenante, qui crée le modèle social capable de gérer les transitions professionnelles et la formation tout au long de la vie.

Dans cette perspective, nous refusons de déconnecter la question du statut social de celle de l’activité, qu’il s’agisse du travail ou d’activités d’utilité sociale. L’enjeu d’aujourd’hui est de reconnaître de nouveau la valeur du travail, défendre les droits de tous les actifs, reconnaître aussi les souffrances au travail quand l’économie est percutée par l’immatériel et par la fragmentation, l’externalisation et l’individualisation des tâches. Le niveau du chômage n’est pas lié au coût du travail mais à l’insuffisance de l’investissement dans l’humain, notamment par la formation et l’insertion.

Dans un monde qui change si vite, la bataille des droits sociaux n’est pas une vieillerie du 20e siècle. Elle doit être menée partout. Pour les Socialistes, entreprendre est une vertu, c’est prendre des risques pour aller au bout de son projet, de ses idées. Il y a bien des façons d’entreprendre ; les chefs d’entreprise, mais aussi les militants associatifs, les élus locaux, les responsables des services publics, les artistes, sont des entreprenants.

L’entreprise elle-même s’organise selon des modalités très diverses, de la forme la plus classique de la société, aux artisans et indépendants, aux associations, mutuelles, coopératives,… Oui, dans cette vision élargie, l’entreprise est bien un des lieux de création de richesse.

Les combats des Socialistes : Nous portons le combat pour la conquête de droits nouveaux pour les travailleurs précaires, une véritable universalité de la protection sociale, et la réhabilitation du salariat contre le dévoiement du statut d’indépendant.

Nous appelons pour tous à la création d’une véritable sécurité sociale professionnelle qui arme les travailleurs face aux transformations des métiers et au risque de déclassement et de chômage. Lutter contre le chômage, c’est enfin recourir aux emplois aidés lorsqu’ils sont nécessaires. Face à l’ubérisation de la société et aux ravages qu’elle engendre, nous voulons inventer une économie numérique à la française misant sur l’humain, la qualité du travail, la collaboration, la durabilité, et non la compétition sauvage et la tyrannie du court terme. Reconnaître la valeur du travail c’est reconnaître les compétences et les engagements des femmes et des hommes et pas seulement les diplômes et qualifications.

C’est aussi instaurer un droit individuel à la formation qui doit pouvoir profiter à tous, poursuivre la réduction du temps de travail tout au long de la vie, et se mobiliser pour l’amélioration des conditions de travail face à la montée en flèche des maladies professionnelles, de la connexion permanente et du burn out.

Les salariés ont des droits qui doivent être protégés et le démantèlement de ces droits est aujourd’hui allé trop loin avec les ordonnances Pénicaud. Le principe même des ruptures conventionnelles collectives doit par exemple être remis en cause. Nous défendons l’approfondissement du dialogue social dans les entreprises de toutes les tailles, ce qui nécessite de mieux armer les syndicats, la mise en place de procédures de codécision et la présence des salariés dans les conseils d’administration.

Nous plaidons pour la reconnaissance de l’entreprise comme communauté plurielle de production de richesses avec le nouveau statut de société à objet social étendu, le développement de l’économie sociale et solidaire, et la valorisation de la responsabilité sociétale des entreprises. Le soutien aux entreprises s’inscrit dans une stratégie assumée de développement de l’économie productive et de l’industrie. La fiscalité et les règles financières doivent encourager non pas l’accumulation de la richesse mais sa circulation et son réinvestissement, ainsi que la prise de risque.

Notre combat est aussi celui de la montée en gamme de l’industrie française, par la performance et la qualité, par les compétences et l’innovation. La politique d’innovation doit libérer la créativité et explorer tous les leviers de transformation de l’économie, notamment numérique, dont l’innovation sociale et l’économie circulaire et collaborative. 3.4. Des droits nouveaux pour lutter contre les inégalités.

Il est paradoxal de faire de l’égalité un point parmi les autres dans les débats de notre congrès. L’égalité n’est pas une thématique, elle est notre boussole.

L’égalité est le cœur de la République, le fondement même de sa promesse. En bouleversant les structures de l’économie et de la répartition des richesses, la mondialisation et la révolution numérique ont fragilisé les classes moyennes, appauvri les plus modestes, et considérablement renforcé la concentration des richesses. Le niveau atteint par les inégalités est devenu insupportable.

Les 10% des Français les plus riches concentrent près de 50% du patrimoine brut des ménages, quand les 10% les plus modestes n’en détiennent que 0,07%. Les inégalités patrimoniales sont 20 fois plus fortes que les inégalités de revenus. L’accès aux grandes écoles et aux formations supérieures est devenu plus inégalitaire que jamais. Malgré des décennies de combat, le genre, la couleur de peau, l’origine sociale, dictent le cours des vies et creusent les inégalités.

La force des inégalités sape l’adhésion à nos valeurs communes. La France est le pays du grand gaspillage humain. Les inégalités territoriales sont également en pleine explosion, au sein des villes comme entre espaces urbain, péri urbain et ruraux. L’accès, à la santé, à la connexion, aux services publics est redevenu un enjeu central. Oui l’égalité reste un combat neuf, et c’est celui des Socialistes. Il nous revient de mener ce combat, et d’en renouveler les outils comme les mots, car personne ne le fera à notre place.

Les combats des Socialistes : Les violences que subissent les femmes sont les manifestations les plus visibles des inégalités femmes – hommes, nourries par les représentations, les inégalités du quotidien qui mettent les femmes en situation de faiblesse, et le maintien de rapports de domination d’un autre âge. Le PS devra dans ce domaine être exemplaire pour lui-même, faire progresser l’égalité réelle, en droit et en fait, et renouer avec le mouvement féministe et intellectuel qui éclaire les enjeux du combat des femmes et ses implications pour construire une société plus juste et plus respectueuse de chacun.

Parallèlement à la répartition qui permet de limiter les inégalités de revenus, nous devrons travailler à une nouvelle approche des inégalités des patrimoines qui déterminent au quotidien le niveau et la qualité de la vie (logement, culture, santé, et bien sûr éducation).

La lutte contre les fractures territoriales urbaines et rurales est un autre enjeu majeur. Elle implique un soutien renforcé aux territoires les plus fragilisés et un développement solidaire au sein des zones urbaines et entre villes et campagnes. La République doit avoir comme ambition de faire des territoires ultramarins des laboratoires du retour à l’égalité.

Les services publics doivent être réaffirmés comme des outils privilégiés de lutte contre les inégalités. De nouveaux services publics sont nécessaires face aux nouvelles inégalités, afin de lutter contre les déserts médicaux pour lesquels la médecine libérale ne peut être la seule réponse ; assurer le maillage du pays par le très haut débit ; maîtriser localement les données numériques, nouveau minerai du développement territorial.

La lutte contre les inégalités c’est aussi le refus de la marchandisation de la santé, la défense de l’hôpital public et la reconnaissance du rôle spécifique des mutuelles et du secteur non lucratif. Face à la pauvreté, l’État doit assurer la solidarité en garantissant les droits des personnes et les acteurs des territoires doivent mettre en œuvre une solidarité de proximité pour favoriser la dignité et l’autonomie de chacun.

C’est le sens de l’expérimentation du revenu de base engagé par des départements dirigés par les Socialistes. Dans le combat pour l’égalité, l’école est la première ligne de front. Elle sera toujours pour les Socialistes le premier sujet, le premier projet, le premier budget.

Le débat éducatif s’est perdu dans les querelles de chapelles et les sujets à la mode. L’école a besoin d’une politique, pas de polémiques. Nous aspirons tous à un véritable accompagnement des jeunes, permettant à chacun de choisir son parcours en fonction de son projet et de son talent, avec pour tous des possibilités de rebonds et de nouvelles chances.

L’accès aux stages et à la découverte des métiers, la lutte contre le décrochage scolaire, un véritable libre choix des bacheliers pour l’entrée dans l’enseignement supérieur, sont autant de combats à mener. La France n’a pas su faire de l’enseignement supérieur et la recherche une priorité, notamment budgétaire, alors qu’ils sont une clé majeure de l’innovation et de l’emploi. C’est notamment vrai pour l’emploi scientifique et le soutien aux doctorants, car un pays sans chercheurs est un pays sans avenir.

3.5. La République et la démocratie au cœur du combat des socialistes

Pour défendre la République, un nouvel humanisme et de nouvelles lumières Contre toutes les dérives populistes, nationalistes et identitaires, contre les obscurantismes et les fanatismes, nous voulons construire un nouvel humanisme fondé sur la réhabilitation du vivre ensemble et des réponses collectives, sur la valorisation de la création culturelle et de l’esprit critique, la défense de la laïcité et l’extension des libertés publiques.

Certes le mariage pour tous, grâce aux Socialistes, a marqué une étape supplémentaire de progrès. Mais le risque terroriste, la pression communautariste, ou la domination des mastodontes du numérique, conduisent pour la première fois depuis des décennies à un risque réel de recul des libertés individuelles. L’essence même des démocraties est la vitalité des libertés et leur garantie par le droit. Il devient urgent de marquer un coup d’arrêt face aux risques cumulés de régression.

Ce combat n’est pas dépassé, il est la condition du maintien d’une société ouverte et respectueuse de chacun. L’heure est au réveil des Lumières. Égalité, éducation et libertés, dans une République laïque, peuvent se combiner pour nourrir le cercle vertueux d’un nouvel humanisme. Cessons de courber la tête face aux fake news et à l’hystérisation du débat public. Liberté et vérité marchent sur le même chemin car elles sont ensemble la possibilité du débat et de la démocratie.

Les combats des Socialistes : Nous faisons pleinement nôtres les trois principes clefs de la laïcité française, la liberté absolue de conscience, la liberté des cultes, la neutralité de l’Etat. La Laïcité est le socle du vivre ensemble dans la République. L’État a la responsabilité de transmettre, d’enseigner et de faire respecter ces principes.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une offensive fondamentaliste contre la République. Face à celle-ci nous devons faire face et assumer l’application de la Loi de 1905 et de la législation laïque.

La République ne peut plus tolérer les discriminations qu’elle est censée proscrire en droit. Les français qui se trouvent ainsi placés aux marges de la nation en tirent révolte et colère. Nous devons trouver des chemins nouveaux pour mobiliser le corps social dans cette lutte. Le combat républicain est aussi celui de la défense des libertés et de l’État de droit.

Le renforcement de la loi face au risque terroriste est une priorité mais ne peut conduire à un renoncement aux libertés publiques fondamentales. Le respect du droit d’asile et de la dignité humaine doivent être rappelés avec force face à la dérive de l’action du gouvernement vis-à-vis des exilés.

Nous inventerons de nouvelles libertés face aux bouleversements technologiques. La transition numérique appelle la reconnaissance d’un droit à une forme d’intimité numérique, la lutte contre la spoliation des données personnelles et pour leur protection, notamment en matière de santé, ainsi qu’une maîtrise collective des enjeux de l’intelligence artificielle. La révolution biotechnologique en cours, en permettant l’intervention directe sur le génome humain, soulève de nouveaux enjeux bien au-delà des questions classiques de bioéthique.

Une démocratie vivante, une République de la confiance Nous portons avec fierté les principes d’une République décentralisée, vivante et participative, sociale et citoyenne, fondée sur la confiance dans les territoires, dans les acteurs sociaux, sur la mobilisation de la créativité de chacun. La République doit être attentive à tous ses territoires, à leurs initiatives et leur créativité, et construire de nouveaux contrats avec la Corse d’une part et les territoires outre-mer d’autre part.

Elle doit aussi savoir s’appuyer sur les Français de l’étranger et sur la francophonie pour porter dans le monde ses ambitions et ses valeurs. Chacun d’entre nous est aujourd’hui sidéré par le mouvement de régression démocratique en cours. Les corps intermédiaires sont stipendiés, les collectivités locales méprisées, les élus jetés en pâture à l’opinion publique. Le collectif et le contrat sont systématiquement dévalorisés.

A la démocratie césarienne nous opposons la société de confiance. Plus que jamais nous croyons à la mobilisation dans la durée des citoyens organisés dans leurs associations, dans leurs syndicats ; nous croyons au rôle des élus, au travail collectif, à la co-construction avec les citoyens, à l’exercice des responsabilités éclairé par le dialogue et la recherche des compromis. Les combats des Socialistes : Nous en appelons à un ressaisissement collectif, à la remise en cause des pratiques en cours, au retour d’une société de dialogue et de confiance autour de quatre principes :

– La confiance dans le Parlement et la collégialité du travail gouvernemental via un rééquilibrage de nos institutions, un renforcement des droits du Parlement, et une limitation des pouvoirs du Président de la République.

– La confiance dans les territoires et leurs élus, évidente dans une République décentralisée, parce qu’ils portent l’action publique au quotidien et inventent avec les citoyens les solutions de demain. Nous avons besoin pour cela d’un pacte financier et d’une nouvelle étape de décentralisation.

– La confiance dans les partenaires sociaux, dans le dialogue et la démocratie sociale, car les affaiblir serait priver le pays du chemin de coopération dont nous avons cruellement besoin.

– La confiance dans les citoyens, dans une démocratie contributive fondée sur la mobilisation de leur créativité et de leur expertise, sur leur implication dans la prise des décisions, par exemple via le dialogue environnemental ; la confiance dans les corps intermédiaires et dans le mouvement associatif que les citoyens ont construit et qui fait le lien social et l’innovation dans notre pays.

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Cher camarade, Ce qui doit nous importer, dans ce congrès, c’est demain et non hier. Pour redonner aux Français l’envie de nous soutenir, nous devons démontrer d’abord notre utilité, notre volonté, et notre capacité à travailler ensemble. C’est tout l’enjeu de ce congrès, c’est le sens de notre démarche collective et de notre motion. Je suis candidat pour être, à la tête d’un nouveau collectif, le premier responsable des Socialistes et mettre en œuvre ce programme de travail, redonner aux Socialistes leur fierté.

Je suis le candidat de l’unité et du rassemblement sans lesquels le PS ne pourra retrouver la force qu’il a perdue ; le rassemblement est la condition du sursaut et de l’espérance. Dans ce congrès, ne vote pas par colère, par fidélité, ou par tradition, mais donne de la force à celles et ceux qui sauront le mieux préparer ensemble la renaissance du Parti Socialiste. Je t’invite à nous rejoindre pour ouvrir à Aubervilliers, avec tous les Socialistes, le chemin de la renaissance.

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Delphine Batho : « Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous ! »

Le Parti socialiste a rejeté la candidature de Delphine Batho pour le congrès d’Aubervilliers. Pour pouvoir se présenter, le Parti socialiste exigeait deux choses :

– le parrainage par 5% des membres du conseil national ;

– un texte d’orientation d’au maximum 50 000 signes et des thématiques obligatoires : Europe, inégalité, écologie, République et démocratie.

Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres, n’a pas eu les parrainages et a tenté de forcer l’acceptation de sa candidature avec un référé au tribunal de grande instance, qui a échoué.

Voici le texte de sa réaction à cet échec, ainsi que son texte d’orientation.

Je prends acte de la décision de la direction de refuser l’enregistrement du texte d’orientation et de la candidature que je souhaitais défendre dans le cadre du congrès.

Cette décision est contraire, pas seulement à l’espoir de nombreux militants, de nombreux élus et citoyens qui nous regardent, mais à l’intérêt collectif du PS et de la gauche.

En ce sens, c’est une décision très grave. Hélas, elle apporte une preuve supplémentaire de la faiblesse d’une direction coupée du réel et de la société, qui n’a plus comme ultime recours que la censure. Mais à l’heure des réseaux sociaux et d’internet, il n’y a plus de censure possible !

De quoi ont-ils peur, ceux qui prédisent un congrès joué d’avance ? Pourquoi empêcher le débat s’ils sont si sûrs d’eux ? Tous les autres candidats, sauf un seul, ont voté pour ce pacte de censure en commission des résolutions.

Ce samedi, c’est en fait une victoire à la Pyrrhus pour la direction du Parti socialiste.

En fait, ils savent bien que rien ne peut résister à la volonté des citoyens lorsqu’ils se mettent en mouvement, c’est désormais une question de temps.

Le débat politique que l’on jette par la porte, il reviendra par la fenêtre, et si la fenêtre se ferme elle-aussi, il passera par le trou de serrure.

Ma campagne était prête. Je vais la poursuivre.

Je vais aller échanger et débattre aux quatre coins de la France avec tous les militants qui le proposent.

Il y aura donc le théâtre d’ombres du congrès officiel, et un peu comme à Avignon, le « festival off ».

Ceux qui croient que j’ai proposé une candidature pour des enjeux de pouvoirs se trompent lourdement sur le sens de ma démarche.

A toutes les militantes et les militants qui espéraient un autre comportement de la direction aujourd’hui, je dis ne vous découragez pas, c’est ce qu’ils espèrent, c’est ce qu’ils attendent ! J’assume ma responsabilité de vous demander de rester comme moi au Parti socialiste parce que l’avenir aura besoin d’une force de transformation sociale et écologique qui s’assume comme un parti de gouvernement.

Nous allons mettre en commun et en partage nos exigences et nos solutions.

D’ores et déjà vous pouvez partager notre texte d’orientation sur les réseaux sociaux, vous en emparer, le signer, le commenter, le critiquer ici. Il est fait pour cela. Faire vivre le débat.

Téléchargez et partagez le texte « Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous ! » :
http://myreader.toile-libre.org/uploads/My_5a6c9e0c81226.pdf

Voici le texte d’orientation en question.

Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous !

« La pire erreur n’est pas dans l’échec, mais dans l’incapacité de dominer l’échec » François Mitterrand

Chers camarades,

Que valent tous les textes de motions, comparés aux actes ?

Nous voulons la démocratie, mais chez nous des votes internes truqués sont devenus une maladie chronique ;

Nous voulons l’écologie, nous avons même inscrit la « social-écologie » sous notre logo, mais chez nous les dirigeants décident que la position « officielle » du parti est de dénoncer l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ;

Nous voulons le féminisme, mais chez nous les femmes se voient toujours dénier leurs capacités de chef politique, subissent des violences inouïes, harcelées et violées dans l’équipe de campagne présidentielle et dans des organismes associés du parti ;

Nous voulons la décentralisation, mais, chez nous, sans la moindre explication, les moyens sont coupés aux fédérations qui doivent licencier leurs permanents et vendre leurs locaux ;

Nous voulons être un parti de militants, mais chez nous, en dehors des échéances électorales où il faut faire campagne, les adhérentes et les adhérents sont affublés d’étiquettes en fonction de choix passés et qualifiés d’ « aubrystes », « hollandais », « ex-hamonistes », « ex-strausskhaniens », « ex-ségolénistes », « exvallsistes »…, pour être catalogués alors qu’ils aspirent à des débats internes où chacun est écouté pour ses idées et qui ne soient plus des rapports de force permanents ;

Nous sommes le parti de l’Unité, dont la raison d’être historique est d’avoir été fondé pour rassembler toutes les sensibilités de pensée de la gauche, mais chez nous les départs massifs, les exclusions et les excommunications, se multiplient.

« Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde » disait Gandhi.

Et si, en fait, la crise idéologique de la gauche avait une autre cause que celle que l’on croit ? Et si elle n’était que le résultat implacable de vieilles pratiques et d’une dérive poussée à son paroxysme qui conduit à rejeter toute idée nouvelle, à interdire tout débat de fond honnête, à refuser toute ouverture à la société et aux citoyens dans leur diversité sociologique, à empêcher toute intelligence collective ?

Et si, en fait, cet enfermement conduisait à refouler toutes les demandes sociales émergeantes, qui auraient dû logiquement irriguer notre pensée, mais qui au lieu de cela finissent par être portées par nos concurrents faute de trouver leur place au Parti socialiste.

Et si, en réalité, toutes ces tribunes, tous ces commentaires proclamant ad nauseam la fin du Parti socialiste n’étaient que le paravent de cette autre crise ?

Celle d’une direction politique confisquée depuis des années par les mêmes chefs de courants, de clans, de castes, qui placent leurs intérêts particuliers au-dessus de toute autre considération et pour lesquels les débats d’idées ne sont plus que des postures tactiques – souvent factices puisque les vrais débats traversent tous les « courants » – afin de conserver le pouvoir.

Non l’espérance n’est pas morte.

Non l’injustice n’a pas disparu dans le nouveau monde.

Non les énergies ne manquent pas dans la société pour porter les combats du 21ème siècle pour l’égalité, l’écologie, le travail, le féminisme, la laïcité, la démocratie numérique, la jeunesse, l’émancipation sociale et finalement la dignité humaine.

Oui, la France a plus que jamais besoin d’une force progressiste moderne, porteuse des nouvelles espérances, qui s’assume comme un parti de gouvernement.

Beaucoup de citoyens, déçus des choix qu’ils ont pu faire lors de l’élection présidentielle pour « voter utile » contre nous, se sentent orphelins et nous regardent. Il existe toujours un espace politique et électoral pour une force de gauche et écologiste de transformation, sérieuse et crédible.

A l’heure des réseaux sociaux et de la révolution numérique, c’est en fait un petit groupe de personnes qui parlent et décident pour le plus grand nombre dans notre parti. Leurs manœuvres divisent en permanence et empêchent le rassemblement. En fait, la gauche meurt parce qu’elle est confisquée, infantilisée, caporalisée par cette direction qui veut s’auto-reconduire.

Elle meurt par les faillites morales que sont l’absence de transparence, le sexisme, la reproduction des inégalités en son sein, le conservatisme de dirigeants sûrs d’eux-mêmes. Ce parti-là n’aura pas de nouvelle chance. Le PS que nous connaissons aujourd’hui, même en changeant de nom, ne reviendra jamais aux responsabilités.

Les temps changent, voilà ce que n’ont pas compris nos « dirigeants ». Ou plutôt l’ont-ils si bien compris qu’ils ont décidé de tout sacrifier pour assurer leur présent et leur passif, en transformant l’attendue « refondation » en processus d’enfermement de la direction sur elle-même.

Les temps changent, et la parole se libère, les militantes et militants, les adhérentes et adhérents, les élus locaux, s’émancipent, ne veulent plus d’un système qui les réduit à l’obéissance, aux pressions, aux exclusions, aux ordres. Ils veulent peser sur les décisions.

Des femmes et des hommes libres veulent contester la légitimité, non pas des personnes ou de certains responsables, mais du système lui-même, du fonctionnement du Parti socialiste et de sa dérive.

Sans parrain, sans clan, sans courant, en femme libre, socialiste, écologiste, laïque, républicaine, antiraciste, j’appelle chaque militant à reprendre le pouvoir, sa part de souveraineté socialiste, contre l’enterrement de nos espérances, pour faire de ce congrès, non pas celui d’une prétendue refondation programmatique avec des textes d’orientation grandiloquents, mais d’un big-bang organisationnel et du changement radical dans la gouvernance du Parti socialiste.

C’est le préalable indispensable pour avoir la capacité de bâtir ensemble un nouveau projet solide. Qui peut croire que ce congrès pourrait à lui-seul tout résoudre face à l’effondrement du socialisme démocratique constaté en France comme partout ?

Ce qu’il nous faut décider enfin et tout de suite, c’est de créer les conditions d’émergence d’une nouvelle orientation. Cette vitalité retrouvée est la condition d’un nouvel élan qui, seul, pourra nous permettre de regagner des forces dans la perspective des élections européennes et territoriales.

Si vous pensez que le verrouillage de l’appareil qui dégoûte tant de citoyens de s’engager au Parti socialiste, ça suffit !

Que le sacrifice des espérances des générations actuelles et à venir, ça suffit ! Ensemble, levons-nous pour dire « stop » et pour changer le cours de l’histoire. Après la déroute, les Français n’attendent pas de nous un long et lent processus d’immobilisme. Ils exigent des actes, vite.

LES PREUVES CONCRETES ET IMMEDIATES DE CHANGEMENT :

1. L’abolition des clans et des courants, par la constitution d’une majorité de travail ouverte à tous et émancipée, qui place le respect des militants audessus de tout ;

2. L’élection d’une Première Secrétaire et d’un collectif d’animation (secrétariat national) dont le mandat sera non-reconductible, seule garantie qu’ils se consacreront intégralement pendant 18 mois à la conduite du processus devant remettre le Parti socialiste sur de bons rails, et qu’ils ne viseront pas la conservation d’un quelconque pouvoir interne.

3. Une nouvelle structuration du Parti socialiste, non plus verticale, mais en réseau s’inspirant des nouveaux modèles de l’économie sociale et collaborative, favorisant les coopérations directes entre les territoires, les thématiques de réflexion et les secteurs de militantisme.

4. La démocratie interne, partout, tout le temps, qui seule peut rendre de nouveau attractif le Parti socialiste avec la fin du huis clos dans les réunions de nos instances, la mise en place du vote électronique et l’ouverture aux citoyens de tous les grands choix du parti.

Contrairement aux nouvelles organisations politiques présentées sous forme de « mouvements », qui n’ont de modernes que les apparences puisque conçues comme des marques au service d’un chef, nous voulons reconstruire notre parti comme une organisation démocratique du 21ème siècle.

5. Un processus de remise en ordre et de remise au travail pour créer une dynamique nouvelle posant les jalons de la construction d’un Parti socialiste populaire, ouvert à la société, dont voici le processus sur 18 mois :

LE CALENDRIER DU CHANGEMENT

Avril -> Mai 2018 :

Installation du nouveau secrétariat national, collectif composé de 16 personnes (pour moitié de responsables expérimentés et pour moitié de militants de terrain issus des territoires prêts à prendre des responsabilités), qui ne décide pas à la place des adhérents mais qui est au service des militants et des territoires.

La formation d’un shadow-cabinet en lien avec nos groupes parlementaires pour être la gauche utile aux Français tout de suite dans l’opposition et porter nos contre-propositions à la politique d’Emmanuel Macron, en écho à toutes les forces vives de la société civile.

Rétablissement immédiat des dotations aux fédérations dans l’attente de décisions du Conseil national sur les règles de décentralisation d’une part conséquente des moyens du parti.

– Audit financier sur les cinq dernières années dont les analyses et conclusions seront rendues publiques.

– Saisine de la Haute Autorité Ethique sur la responsabilité morale et politique du parti dans l’omerta entourant les faits de harcèlement et de violences sexuelles commis dans les équipes de campagne et les organismes relevant de nos statuts ; mise en place de procédures opérationnelles de soutien direct à toutes les victimes.

5 Mai -> octobre 2018 :

– Commission d’enquête « vérité et transparence sur le bilan » : On ne peut rien construire sur le déni d’une défaite historique, nous devons prouver aux français que nous avons compris les causes profondes. L’enjeu n’est pas de savoir qui avait tort ou qui avait raison, puisque chacun à sa part d’une responsabilité collective, mais de tirer ensemble et en profondeur, les leçons de l’exercice du pouvoir et de notre déroute électorale pour apprendre et nous rendre plus forts dans la perspective des échéances futures.

La Commission, animée par des militants et des personnalités socialistes qui n’ont pas été directement au premier plan des responsabilités dans le quinquennat, procèdera à l’audition publique des anciens ministres, des responsables du parti et des groupes parlementaires, de nos élus locaux, des syndicalistes, des associations, des candidats aux primaires, de chercheurs, de chefs d’entreprise et de toutes celles et ceux qui ont leur mot à dire.

Toutes les auditions seront retransmises en live sur les réseaux sociaux et le site du parti. Les conclusions de la Commission serviront de lignes directrices pour l’élaboration du projet.

Août 2018 :

– Universités d’été des communs : organisées dans un territoire rural, l’ordre du jour des ateliers de formation, comme des séances plénières de débats et des temps conviviaux, ainsi que les intervenants, seront choisis sur proposition et par un vote en ligne des fédérations et des militants.

Octobre 2018 :

* Congrès extraordinaire de la démocratie ouverte au Parti socialiste : élaboration collective, discussion et adoption de nouvelles règles statutaires, élaborées par une commission composée exclusivement de militants de terrain, plaçant l’adhérente et l’adhérent au cœur de la vie de notre parti, fixant les règles de non-cumul entre les fonctions dans le parti et les fonctions électives, et organisant la participation numérique et pratique de tous les citoyens intéressés à nos choix et décisions. Adoption d’un plan de reconquête des adhérents.

Novembre 2018 -> janvier 2019 :

* Trois conventions thématiques :

– L’émancipation des femmes

– Le travail et la révolution numérique

– La République et la laïcité

6 Février 2019 :

– Convention pour l’Europe écologique, sociale et démocratique : présentation du projet de refondation du projet européen comme un projet de civilisation écologique et sociale dans la mondialisation, et démocratique face à l’influence des multinationales et des lobbies. Mars -> Mai 2019 :  Présentation de nos listes et campagne des élections européennes

Octobre 2019 :

– Congrès de bilan sur la mise en œuvre du calendrier du changement, renouvellement de toutes les instances sur la base des nouveaux statuts, y compris première secrétaire, lancement de l’élaboration du projet et de la campagne des municipales.

Une révolution pacifique, déterminée et généreuse, voilà notre projet. Rejoignez-nous !

#MitterrandRéveilleToi

mitterrandreveilletoi@gmail.com

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Delphine Batho « sur le Front de l’Écologie »

Delphine Batho devrait présenter aujourd’hui sa candidature à la tête du Parti Socialiste. Elle assume son opposition face à la direction du parti et dénonce une mafia avec des manœuvres antidémocratiques. Sa candidature sera normalement rejetée pour non respect des nouvelles règles qu’elle conteste, à savoir le fait de devoir être parrainé par 16 membres du Conseil National du parti.

Son positionnement politique est lui aussi assez tranché par rapport à la ligne générale du parti. Elle est très à gauche, avec une réelle vision écologiste. L’entretien qu’elle a accordé à la revue Esprit et intitulé « Sur le Front de l’Écologie » est un bon aperçu.

Delphine Batho y explique que :

« Il y a une confrontation de plus en plus tendue entre la recherche du profit immédiat et l’intérêt général de l’humanité sur la planète.

Cette contradiction fondamentale du système capitaliste aurait logiquement dû être au cœur du combat de la gauche française et internationale depuis des années. »

Elle précise ensuite que :

«  Il y a toujours cette croyance que si les résultats économiques du pays s’améliorent, alors le reste suivra. Pourtant, un taux de croissance ne fait pas un projet de société pour une nation comme la France. »

En d’autre terme, c’est une volonté de véritablement changer la vie, et pas seulement prétendre à des aménagements sectoriels.

Elle fait partie des rares personnes qui affirment le caractère absolument urgent de la question écologique :

« Cette question du rapport au temps est cruciale. Le réchauffement climatique s’accélère, les destructions irréversibles de la biodiversité et la crise sanitaire liée aux produits chimiques aussi.

Quinze mille scientifiques alertent : « Bientôt il sera trop tard », il reste peut-être cinq ou dix ans pour inverser la trajectoire. Et nous répondrions à cette situation en décrivant le monde idéal que nous imaginons pour 2050?

Tant que l’on évoque l’horizon, en général, tout le monde est d’accord. Mais il faut en finir avec ce faux consensus, qui se fait au détriment des décisions concrètes immédiates et du courage politique. Pour la planète, ce qui compte, c’est ce qui est fait maintenant. L’écologie ne doit plus être appréhendée comme une question de long terme ; elle doit se conjuguer au présent. »

C’est une vision globale qui est proposée, avec la conscience du fait que l’enjeu est celui d’une « transformation civilisationnelle » :

« L’écologie est la nouvelle question historique pour l’humanité, comme le socialisme a pu l’être au XIXe siècle. Aujourd’hui, l’accélération inouïe de la capacité de destruction des écosystèmes par l’espèce humaine entraîne une baisse tendancielle de la qualité de vie.

Le défi fondamental de l’anthropocène, c’est de savoir si nous sommes capables de reprendre le contrôle de nos destins, de changer l’architecture de la consommation et de la production. L’écologie porte un nouveau projet global de société. »

On peut regretter cependant le manque de cohérence idéologique par rapport à la compréhension de ce qu’est le capitalisme

C’est insuffisant d’expliquer d’un côté que « l’écologie est la nouvelle ligne d’affrontement avec le capitalisme » et de regretter de l’autre que « la France a des savoir-faire dans de nombreux domaines mais les grands groupes, qui devraient être à l’avant-garde, traînent souvent les pieds. »

C’est une chose d’avoir une vision économique et d’expliquer par exemple que :

« Pour organiser le basculement de nos modes de production, il faudrait quasiment fusionner les ministères de l’Écologie et de l’Industrie.

En fait, la France n’a pas de politique industrielle : il y a des ministres de l’Industrie qui jouent les pompiers sur telle ou telle fermeture de site, mais il n’y a pas de stratégie sur la reconstruction d’un appareil productif tourné vers les technologies de demain. »

Cela en est une autre de savoir qui doit être à la tête de cette industrie justement.

Delphine Batho explique en quelque sorte que la sociale-démocratie a réussi sa mission historique. Selon elle, la plupart des pays sont maintenant démocratiques et les questions sociales y sont posées de manières aboutie, équilibrée, ou du moins peuvent l’être.

Cela n’est pas exact car justement, et c’est là le grand apport historique de la sociale-démocratie, la question démocratique ne peut être dissociée de la question sociale. Cela change tout de savoir qui détient les moyens de productions.

Soit ce sont des groupements privés, soit c’est la collectivité.

Delphine Batho semble penser que cela ne change pas grand-chose puisque selon elle, des entreprises et des grandes entreprises pourraient mener le changement.

Elle dit ainsi :

« Il faut mener la bataille de la crédibilité, économique et sociale, du projet de transformation écologique. Sur ce front, les chefs d’entreprise qui sont à la pointe de l’innovation doivent enfin donner de la voix.

Au moment de la discussion parlementaire sur la loi sur les hydro-carbures, encore une fois, tous les parlementaires ont reçu les argumentaires des industries pétrolières : où étaient ceux des entreprises qui ont tout à gagner à la sortie des énergies fossiles ? »

Cela aboutit au fait qu’elle pense que des choses sont possibles à l’intérieur même des institutions :

« Il faut détruire la légende selon laquelle rien n’est possible. Au gouvernement, j’ai obtenu, par exemple, en 2012, à une époque où pas grand monde pariait sur sa réussite, que la France décide d’accueillir la COP 21.

J’avais également empêché le retour du gaz de schiste, interdit le barrage de Sivens (finalement autorisé par mes successeurs), instauré un moratoire sur les retenues artificielles d’irrigation, baissé la TVA sur les travaux d’efficacité énergétique dans le bâtiment. »

Il y a bien sûr la volonté d’être constructif, efficace. Et c’est assurément une bonne chose. Mais c’est contradictoire avec les constats qui sont faits sur la recherche du profit.

On ne peut pas se satisfaire d’un côté de la COP 21 (« un succès historique ») tout en remarquant de l’autre qu’aucun État n’assume le caractère urgent de la question ni n’envisage de suivre les recommandations des scientifiques pour limiter le changement climatique.

Elle le dit d’ailleurs elle-même :

« Certes, l’accord de Paris reste notre meilleur point d’appui pour une action de la communauté internationale la plus large possible, mais il s’avère insuffisant au regard des réalités scientifiques : les seuls engagements volontaires des États ne permettent pas de contenir le réchauffement sous les 2°C.

L’engagement déterminé et unilatéral d’un groupe de nations pionnières doit pousser les feux de toutes les solutions permettant de sortir des énergies fossiles. »

Sa position est alors compliquée à comprendre.

En quoi la COP 21 est-elle une bonne chose si finalement elle n’a aucune efficacité ?

Pour autant, à côté de ce qui apparaît comme une naïveté par rapport aux possibilités de changer les choses sans bouleverser l’ordre politique, Delphine Batho n’a pas d’illusion quant à la situation.

Elle est assez critique par rapport à la fiction d’une grande stabilité du système, fiction qui était finalement le grand thème de François Hollande, et qui est plus encore maintenant celui d’Emmanuel Macron.

Elle explique très bien que :

« La politique industrielle de l’État est pleine d’ambiguïtés : la France organise la COP 21 et, « en même temps », François Hollande se rend en Alberta pour proposer le concours des entreprises françaises pour l’extraction des hydrocarbures les plus polluants du monde, les sables bitumineux.

La France organise le One Planet Summit et, « en même temps », Emmanuel Macron veut ratifier le Ceta ou encore autoriser la Montagne d’or en Guyane qui va détruire la forêt amazonienne à proximité immédiate de deux réserves de biosphère. Ce n’est plus possible. »

Seulement, le manque de clarté idéologique conduit à une mauvaise interprétation des choses, malgré des constats justes. Il est erroné de répondre ainsi à la question « Comment qualifieriez-vous aujourd’hui la situation de l’écologie en France ? » :

« Forte culturellement, mais faible politiquement. Le hiatus va grandissant entre l’aspiration de plus en plus forte des citoyens à une alimentation saine, au respect du climat et de la biodiversité d’un côté, et la représentation politique de l’autre. »

Cela n’est pas vrai. Globalement, et particulièrement dans la jeunesse, il n’y a pas de véritable mouvement de masse en faveur d’une alimentation saine, de la lutte contre le changement climatique et de la question écologique.

Les jeunes français mangent en masse dans les fast-food et n’envisagent nullement de se passer de l’automobile, pour ne prendre que ces deux exemples typiques.

Delphine Batho souhaite se « consacrer patiemment à l’unification des forces de progrès sur un programme écologique afin de proposer un chemin d’espérance crédible. »

Cette unification est une étape fondamentale, indispensable. Cela d’autant plus que, comme elle le dit, « les forces conservatrices et réactionnaires partout dans le monde sont un obstacle. »

La contribution de Delphine Batho pour faire avancer la gauche sur le plan de l’écologie est indéniable.

Mais pour que cela aboutisse, il faudra de la clarté sur le plan idéologique ainsi qu’une véritable volonté de mener la bataille sur le plan culturel.

En d’autres termes, les constats faits pas Delphine Batho sont bons mais il y a mégarde quant à la nature du mode de production capitaliste ainsi qu’un certain relativisme par rapport au niveau culturel de la société française.

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Écologie

Le Parti socialiste de Loire-Atlantique dénonce l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

La fédération de Loire-Atlantique du Parti socialiste a réagi à propos de l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes en dénonçant « une vision à court terme » dans le titre de son communiqué.

Cela en est presque risible tellement c’est hors de propos. La vision « à court terme », c’est justement celle des partisans du projet qui n’ont pas encore compris en 2018 l’importance des zones humides et des milieux naturels pour l’avenir de notre planète.

Faut-il encore que l’humanité bétonne des milliers d’hectares de marécages et déversent un peu plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère avec l’accroissement du trafic aérien pour que ces gens comprennent ce qui est en jeu ?

Rien n’est plus « à court terme » justement que de croire que l’humanité puisse continuer son développement économique sans tenir compte des erreurs qu’elle a faite aux XIXe et XXe siècles.

Le Parti Socialiste se prétend écologiste et affiche sous son logo le terme « social-écologie ». On se demande bien pourquoi.

Comment peut-on se prétendre écologiste, invoquer « l’État de droit » comme il est fait dans ce communiqué, et ignorer ainsi la Loi sur l’eau ?

Tout écologiste sait pertinemment, et ce depuis de nombreuses années, que la Loi sur l’eau avait été littéralement piétinée par ce projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

Le reste de l’argumentaire du communiqué consiste en une sorte de chantage au développement économique, prétextant que la Loire-Atlantique serait un bon élève en France et aurait donc le droit à « son » équipement. Cela n’a pas grand-chose à voir avec les valeurs sociales et universelles de la gauche française.

C’est une vision d’entrepreneurs, de libéraux, de personnes ayant foi en les possibilités de développement économique du capitalisme. Mais ce n’est certainement pas un point de vue socialiste.

Les propos grandiloquents de la Maire de Nantes Johanna Rolland, membre du Parti Socialiste, sont du même registre :

« Je demande donc officiellement au Président de la République de me recevoir pour parler de l’avenir de la Métropole, de l’avenir du grand Ouest. Et la question que je lui poserai, elle est simple : « Est-ce que l’Ouest peut encore compter sur l’État pour son avenir ? »

Car l’abandon de ce projet d’État ne peut être synonyme d’abandon de l’Ouest. Nous participons activement à la dynamique du pays.

Nous sommes une terre source d’innovation, d’équilibre. Nous sommes moteurs dans beaucoup de domaines.

C’est de l’avenir des 600 000 habitants de la Métropole dont je veux lui parler.»

Voilà qui n’est pas sérieux. Voilà qui est bien éloigné de l’engagement et du flegme dont a besoin la gauche française pour se reconstruire.

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Politique

Parti socialiste : lettre pour l’unité contre Emmanuel Maurel

A l’occasion de la candidature de Luc Carvounas, Stéphane Le Foll et Olivier Faure au poste de secrétaire du Parti socialiste, des élus et des membres de la direction de ce dernier ont signé une « lettre pour l’unité ».

L’initiative part de Rachid Temal, coordinateur du Parti socialiste et représente le courant dominant de ces dernières années, liées à François Hollande. Cet appel à l’unité est, en ce sens, en fait un appel à battre un autre candidat, Emmanuel Maurel, qui représente le courant Maintenant la gauche, qui vient justement de publier un document exprimant sa lligne politique : L’ambition de gagner.

Lettre pour l’unité

Cher Luc, cher Olivier, cher Stéphane, Nous nous adressons à vous en cette veille de congrès car, membres de la majorité sortante comme vous, nous voulons vous transmettre un message.

Nous recevons vos candidatures séparées comme un engagement parce que notre parti, après les défaites historiques qu’il a subies, a besoin de débats, de réflexion et d’abnégation.

Vos initiatives démontrent que des hommes et des femmes pensent encore que notre histoire commune doit continuer pour la Gauche et pour la France. Ceci ne sera possible qu’au terme d’un profond renouvellement.

Si vos candidatures ont provoqué un regain d’attention pour le PS, elles ne peuvent porter que sur le fond et ne doivent pas se transformer en conflit de personnes qui nous ont tant abimés. Nous ne pouvons plus nous le permettre. Le pays a besoin de la Gauche parce qu’il n’est pas sain, pour une démocratie, que l’opposition ne soit portée que par les extrêmes. Sans la gauche, la France n’est plus la France.

Dans un monde incertain, où Trump, Poutine et d’autres illustrent par leurs politiques à quel point la démocratie n’est jamais acquise, le besoin d’Europe et d’une France debout est fort pour humaniser la mondialisation en œuvrant à un développement solidaire et à la paix.

Au moment où le Président de la République veut s’identifier au centre pour ne pas assumer sa politique libérale et Jean-Luc Melenchon veut incarner le peuple contre les élites, seul le PS peut rassembler la gauche. Nos militants et électeurs qui nous font encore confiance attendent beaucoup de nous. C’est pourquoi nous voulons réaffirmer quelques principes, avant l’ouverture de ce débat.

Un certain Parti socialiste est mort dans les urnes en 2017. Une certaine façon de faire de la politique doit bel et bien être enterrée. L’exigence, la sincérité et surtout l’utilité du PS, sa capacité à être humble et en résonnance avec les grands enjeux de société, voilà ce que le pays attend de nous pour pouvoir à nouveau redevenir audible et crédible. Les motions que vous présenterez, leurs analyses et les propositions que vous ferez nous aideront à comprendre ce qui vous distingue sur le fond.

Mais nous voulons vous rappeler un engagement commun : si le prochain congrès doit engendrer un profond renouveau, il ne peut le faire en rompant avec la culture de gouvernement qui est notre bien commun. Il faut mener un inventaire sérieux et lucide des cinq dernières années, au plan national comme au niveau européen.

Il nous faut tourner la page, nous rénover mais aussi assumer ce que nous fûmes au pouvoir. Si ce travail demande distinction et objectivité, on ne peut pas se contenter de la culture d’opposition. Nous avons tranché collectivement cette question.

Nous sommes et restons l’opposition de la gauche responsable. Chaque terme a son importance et son sens. Nous devons aussi travailler à l’autonomie du PS.

Aujourd’hui, aucune alliance politique ne s’impose. Emmanuel Macron construit une orientation de centre-droit, à vocation libérale et installe une autorité verticale toujours refusée par les socialistes.

Nous lui opposons une conception équilibrée de l‘économie, un refus du tout libéral, un renforcement de la solidarité, une décentralisation approfondie et un respect des corps intermédiaires.

L’actuelle crise structurelle du Front National met de côté, provisoirement, l’argument du vote utile face au risque frontiste, même si ses idées sont toujours violemment présentes dans le débat politique et ont dépassé depuis longtemps le cadre strict du parti d’extrême droite.

Quant à Jean-Luc Melenchon, touché par les sirènes populistes, il veut substituer un clivage élite/peuple au clivage gauche/droite, estimant les partis de gauche dépassés. Ne lui donnons pas raison !

Décider d’un type d’alliance, à cet instant de notre débat, reviendrait à nous subordonner, donc à disparaître. La rénovation avant les alliances devrait être notre ligne de conduite.

Cette démarche n’exclut ni les partenariats ponctuels sur certains sujets, ni une relation rénovée avec les autres femmes et hommes de gauche. Nous voulons le rassemblement du peuple de gauche et nous pensons être les seuls à pouvoir pratiquer le et – et : et ceux qui ont voté Macron, et ceux qui ont voté Melenchon et ceux qui se sont abstenus.

Le PS est encore le seul parti à pouvoir proposer ce rassemblement des électeurs de toutes les gauches, y compris dans le cadre d’un débat ouvert et constant au sein de la Gauche. Nous devons procéder de nous-mêmes mais aussi parler à ceux que nous avons déçus et que d’autres ont trompés Nous voulons également réaffirmer notre orientation.

Nous devrons aborder les élections européennes en européens et les élections municipales en décentralisateurs.

Pour cela, il faudra nous engager avec volontarisme et modestie, ne pas s’emballer pour un succès, ni se désespérer pour un revers, parce que la route de la reconstruction ne sera pas linéaire.

Nous vous proposons deux rappels :

– Le congrès qui s’ouvre n’épuise pas les sujets. Il faudra préparer, sous une forme renouvelée, ouverte et participative, les Conventions thématiques qui jalonneront notre reconstruction. Il nous faudra rajeunir, féminiser, représenter les territoires et prendre en compte la réalité sociologique de notre pays.

Notre Parti devra être décentralisé et ouvert. Il devra co-construire avec la société. Il faut un programme de travail dense avec le militant placé au coeur.

– Le Parti Socialiste a besoin d’une majorité claire, ce qui n’exclut pas la minorité. Mais, pour qu’il y ait un travail efficace, il faut que chacun inscrive son action dans un cadre prônant l’efficacité. Le travail en commun ne peut pas être la confusion. Le congrès d’orientation ne peut pas se rejouer sur chaque sujet en débat.

Nous souhaitons que, lorsque ce débat aura été arbitré par les militants, vous vous retrouviez sur les bases alors définies pour constituer une vraie majorité, car il n’y a pas de Parti renouvelé sans majorité assumée.

Premiers signataires : premier-es fédéraux, responsables nationaux et fédéraux ADOMO Caroline, ALARCON Antony, ASSARAF Christian, ARNAUD Samuel, AUGIER Florence, AZZAZ Nadège, AZOULAI Laurent, BERGOUNIOUX Alain, BLATRIX Florence, BRIEN Nicolas, BRUNSCHWIG Xavier, BODIN Nicolas, BOURGI Hussein, BOUAMRANE Karim, BORD Corinne, BRAUD Maurice, BROUSSY Luc, BRUEL Mickael, CANET Michel, CARREIRAS Joël, CLAVEQUIN Maude, CIOT Jean-David, CHANTRELLE Laurent, CHENUT Jean-Luc, CHEVALIER Fabien, COILLARD Stéphane, CONWAY-MOURET Hélène, COUMET Jérôme, DANEL Pierre, DESTOT Michel, DELBOS Olivier, DIOP Dieyneba, DOUCET Philippe, ELKOUBY Eric, FABIANO Patrice, FAGES Marie-Laure, FILLEUL Martine, FINIELS Philippe, FOUILLERE Christophe, GAGNAIRE Franck, Brice GAILLARD, GELLY-PERBELLINI Michel, GERARDIN Annie, GINER Bernard, GUUDUBOIS Elisabeth, GLOANEC-MAURIN Karine, GROSNON Thierry, GUERRIEN Marc, GUILLAUME Sylvie, HADIZADEH Ayda, HARQUET Philippe, HOFFMANN-RISPAL Danièle, IBARRA Stéphane, JEAN BAPTISTE EDOUARD Léon, JOUBREL Yannig, KHADEMI Antoine, LIME Catherine, LE CONSTANT Philippe, LE GARREC Alain, LE MEAUX Vincent, LE MOËL Annaig, LEPRÊTRE Marie, LEPRETRE Patrick, LIOUVILLE Jean-Pierre, MATHELIER Guillaume, MAALOUF Rita, MARECHAL Denis, MAUPAS Valérie, MESSAFTA Lies, MEYSEN Felix, MOINE Philippe, NARASSIGUIN Corinne, NICOLLET Eric, NIEPCERON Loïc, NEUGNOT Michel, ORAIN Frédéric, OUMER Nawel, PAPOT Jean-François, PESCHEUX Victor, PICARD Maxime, POLSKI Olivia, RECALDE Marie, REVAUL D’ALLONES-BONNEFOY Christine, RISPAL Gérard, ROULY Nicolas, ROUILLON Christophe, ROY Isabelle, ROZE Christophe, SAYER Ghislain, SAW Fatoumata, SEVE Patrick, SFEZ Nicolas, SADOUN Marc, SOUMARE Ali, VALENTI Paola, TEMAL Rachid, THOMAS Jean-Jacques, TRIJOULET Thierry, TRIGANCE Yannick, TYSSEYRE Jean-Michel, VIEU Patrick, VENON Boris, VERON Vincent, VINCENT Bernard, WOLF Romain

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Politique

Emmanuel Maurel : L’ambition de gagner

Emmanuel Maurel, candidat au poste de secrétaire du Parti socialiste, a publié un document exprimant sa ligne politique.

L’ambition de gagner.

Vous pouvez signer ici ou par mail emmanuelmaurel2018@gmail.com

UNE RESPONSABILITÉ HISTORIQUE.

Notre parti, le Parti socialiste, connaît une situation inédite. La double déroute du printemps 2017 n’a en effet pas d’équivalent dans notre histoire politique. En 2012 nous avions tous les leviers pour transformer la société. Cinq ans plus tard, nous n’en avons pratiquement plus aucun. Jamais, sous la Vème République, un parti n’est passé si vite de l’omniprésence politique à la marginalité électorale.

Ce vote-sanction ne saurait s’expliquer par la seule « usure du pouvoir ». Pour nombre de nos compatriotes de gauche, ce quinquennat a représenté une perte des repères spectaculaire. Pacte de responsabilité, loi travail, déchéance de nationalité : les Français ne se sont pas reconnus dans ce que nous avons fait, et, finalement, ne nous reconnaissent plus.

Dans ce paysage politique profondément bouleversé, il serait déraisonnable de penser que nous reviendrons mécaniquement aux responsabilités. Il faudra plus que les fautes des uns ou les échecs des autres pour revenir au pouvoir. La reconquête requiert un travail collectif méthodique, humble, sérieux, et l’ambition assumée de changer la société : pour ceux qui souffrent le plus, la reconquête ne peut pas attendre.

Nous en sommes capables ! Parce que nous continuons à croire à l’actualité du message socialiste.

Parce que, sur le terrain, des milliers de militants et d’élus continuent d’agir sans rien renier de nos principes communs. À celles et ceux qui ont eu le courage de rester, nous proposons de relever la tête, de viser l’horizon et de redonner l’espoir.

1. CE QUE NE DOIT PAS ÊTRE LE CONGRÈS D’AUBERVILLIERS.

Nous n’avons pas le droit ou le luxe de reproduire les figures habituelles. Évitons :

Un Congrès de « gouvernance », dans « l’entre soi », dont l’enjeu serait le choix du prochain syndic de copropriété, uniquement chargé de faire la police du bruit dans les étages du Parti. Au contraire : du bruit, il faudra en faire pour être à nouveau entendus. Et pour faire du bruit, il nous faudra être rassemblé autour d’une voix forte et claire.

Un Congrès « règlement de comptes » refaisant, dans l’indifférence des Français, le match du quinquennat. Bien sûr, nous devons tirer le bilan de l’expérience de 2012-2017.

Mais à quoi bon se renvoyer la balle sur la responsabilité des uns et la faute des autres ? Cela nous ferait oublier qu’un parti vivant doit regarder en avant et pas systématiquement dans le rétroviseur.

Un Congrès « hors-sol », une juxtaposition de slogans creux et de digressions thématiques intéressantes mais sans rapport avec les vraies questions qui nous sont posées au lendemain d’une telle débâcle.

Quelles réponses apporter aux enjeux économiques, sociaux, géopolitiques, régaliens, culturels qui interrogent, voire déstabilisent notre société démocratique ? Les Français ne nous jugeront dignes d’être à nouveau écoutés qu’à la condition de travailler sérieusement ces problèmes.

2. CE QUE DOIT ÊTRE LE CONGRES D’AUBERVILLIERS.

Le Congrès d’Aubervilliers doit constituer une première étape déterminante dans la reconstruction de notre unité et de nos perspectives collectives.

1. Réaffirmer la nécessité d’une voie socialiste distincte du social-libéralisme.

A l’heure où les inégalités se creusent à une échelle jamais observée dans l’Histoire, la social-démocratie se trouve comme paralysée. Alors que sa mission historique était de porter un meilleur compromis entre le capital et le travail au niveau des États-nations, elle semble y avoir renoncé depuis l’avènement de la globalisation.

Pire, elle donne le sentiment de s’accommoder, voire, parfois, d’accompagner un nouvel ordre planétaire inégalitaire, individualiste, marchand.

Ce “modèle” de développement est pourtant condamné. Il détruit les solidarités et les écosystèmes. Il va même jusqu’à corrompre l’intégrité de la personne et de la conscience, sous l’emprise de la marchandisation et du consumérisme. Il est à proprement parler insoutenable.

C’est le paradoxe du moment  que nous vivons : au moment où la gauche peine, nous n’avons jamais eu autant besoin d’un socialisme républicain, antilibéral, écologiste.

2. Assumer clairement les conséquences stratégiques qui s’imposent : opposition à la politique d’Emmanuel Macron, unité des forces de transformation de la société

Le Parti socialiste doit être sans ambiguïté dans le contexte national issu des élections. Nous sommes un parti  d’opposition et certainement pas la force supplétive d’une majorité clairement marquée à droite.

Les six premiers mois du quinquennat (ordonnances Travail, suppression de l’ISF, flat tax sur les revenus financiers, baisse des APL, contrôle des chômeurs…) ont démontré de manière éclatante qu’on ne peut pas être socialiste « et en même temps » dans la complaisance à l’égard de Macron. Le cap a été donné, il ne changera pas. Idéologiquement, politiquement, économiquement, Emmanuel Macron est le Président des riches.

Pendant ce temps, la société civile continue d’évoluer et d’élaborer des revendications nouvelles. Ce faisant elle a produit de nouvelles formes de contestation et d’intervention dans le champ politique : la lutte pour la cause des femmes, les nouveaux comportements de consommation, la dénonciation des paradis fiscaux, la solidarité avec les migrants, la mise en accusation des pollueurs, la révolte devant l’avidité sans limites du capitalisme financier…

Ces nouvelles aspirations ont d’ailleurs été reconnues et prises en compte par la gauche. Dans les collectivités locales, les élus socialistes expérimentent et innovent.

Beaucoup ont choisi les circuits courts face à la grande distribution et la malbouffe, de se battre pour faire reculer la pollution, la précarité ou la désindustrialisation, certains expérimentent le revenu de base… À leur échelle, ils contribuent déjà à la transformation écologique et sociale de la France.

Le Parti socialiste devra reconnaître et étendre ces expériences, tout en leur offrant un débouché politique à l’échelle de notre nation et du continent. C’est pourquoi sa ligne stratégique doit être celle d’un dialogue avec toutes les forces de gauche qui veulent transformer la société en profondeur.

3. Pour renouer avec le corps central de la société

Nous considérons que la renaissance du Parti socialiste implique de renouer avec le corps central de la société, c’est-à-dire les millions d’ouvriers et d’employés qui se sont progressivement détournés de nous à partir des années 2000.

Cela suppose de donner une priorité réelle dans nos programmes à des questions trop souvent esquivées ces dernières années, telles que le pouvoir d’achat des salariés ou la présence des services publics sur les territoires.

Partager les richesses

Le néolibéralisme déstructure et déshumanise, il empêche de bien travailler et sa rengaine de « l’insuffisante compétitivité » ajoute la démoralisation au stress, alors même que la productivité du travail est en France parmi les plus élevées du monde.

Les salariés attendent de nouvelles perspectives sur leur pouvoir d’achat, sur la sécurité sociale, la protection de l’emploi et la démocratie dans l’entreprise. Ils attendent aussi que nous ripostions fermement à la précarisation et l’atomisation sociale dont usent et abusent les entreprises « innovantes » et « disruptives » du monde merveilleux de l’ubérisation.

Aujourd’hui, les socialistes doivent continuer de se mobiliser contre les ordonnances Macron et la loi travail.

Mais c’est aussi leur rôle de mener campagne pour l’augmentation du SMIC (au moment où le mode de calcul de celui-ci est remis en cause), de proposer une « loi islandaise » d’interdiction du moindre écart de salaire entre les hommes et les femmes.

Pour l’écosocialisme

Au risque de l’accaparement des richesses par une minuscule oligarchie, s’ajoute celui d’un désastre écologique et climatique, alors que l’on sait aujourd’hui que les engagements internationaux actuels demeurent insuffisants pour le conjurer, voire juste le limiter.

Qui ne voit, à gauche du moins, que les deux phénomènes, l’ultra-domination économique et financière des « 1% » et la catastrophe climatique, sont inextricablement liés ?

L’extrême polarisation des richesses, les conditions insensées de l’exploitation du travail et des ressources naturelles, la dilatation des rapports de production et des profits dans la sphère financière : tout se tient.

Écosocialistes, nous lions le combat social et le combat écologique en renouant avec nos fondamentaux, et en renonçant à la course effrénée au profit et au productivisme, des périls mortels pour le genre humain.

Pour une relance des services publics

Enfin il n’y aura pas d’égalité sociale – et encore moins d’égalité entre les territoires – sans une relance des services publics. Nous avons laissé transformer La Poste, la SNCF, EDF, GDF, France Telecom, en entreprises sinon complètement privées, du moins complètement livrées à la concurrence.

Faut-il répéter que c’est là un pur non-sens ? Les services publics doivent fournir des services de qualité accessibles partout et à tous, ce que ne permet pas le marché. Ils nécessitent des investissements à 30 voire 50 ans.

Comment pourraient-ils fonctionner correctement dans un cadre concurrentiel dont le long terme se mesure en mois ? Interrompre la marche folle à la marchandisation des services publics : voilà un axe politique majeur – et un sujet sur lequel mettre en scène la réfutation en actes des contraintes européennes.

4. Pour une Europe au service des peuples

En n’ayant pas su associer engagement européen et souveraineté démocratique, la gauche a été punie et il en a résulté une désaffection grandissante des peuples.

Cette crise de confiance suppose de briser la logique austéritaire et inégalitaire de l’Europe et d’en revenir à son ambition initiale : celle d’un espace de solidarité, de prospérité et de protection pour tous.

Mais pour ce faire, nous ne pouvons plus nous payer de mots et d’incantations (« et maintenant l’Europe sociale »). Le risque d’une confrontation doit être assumé clairement, à l’avance, particulièrement pour ce qui relève de la gestion de l’euro, des politiques budgétaires, industrielles et de l’harmonisation sociale.

La France doit cesser de sous-estimer sa capacité d’influence ; elle doit rompre avec l’illusion qu’on n’est « crédible » qu’en se montrant l’élève le plus docile et zélé de la classe européenne.

Notre responsabilité européenne nécessite aussi de s’opposer au règne du libre-échange intégral, sous-tendu ces dernières années par la multiplication de projets d’accords bilatéraux (CETA, Mercosur, Corée du Sud, Vietnam, Australie, Mexique…) dont les conséquences risquent d’être dévastatrices pour nos industries et notre agriculture.

Les autres grands ensembles géopolitiques (USA, Chine…) veillent à leurs intérêts économiques, pourquoi l’Europe serait-elle la seule refuser de le faire ?

Enfin, comme on l’a observé à l’occasion des Panama Papers, Luxleaks et Paradise Papers, l’Europe s’est montrée faible face au pouvoir de l’argent. Certains États-membres, comme les Pays-Bas, le Luxembourg, se comportent en véritables paradis fiscaux.

L’Union européenne est encore trop timide pour lutter contre la fraude. Ce n’est plus supportable. Dans ce domaine aussi, la France doit prendre l’initiative, en assumant le risque de la confrontation.

Les Français veulent se protéger et se projeter : se protéger des menaces de désindustrialisation, de précarisation, de communautarisme et de dérèglement climatique, et se projeter dans l’avenir, comme ils l’ont toujours fait jusqu’ici, en relevant les défis du monde.

Entre d’un côté les partisans, au pouvoir, d’une libéralisation de tout et de tous et, de l’autre, les bonimenteurs du repli sur soi, notre Parti peut incarner cette double mission de protection et de projection. Il le peut, il le doit ; reste à le vouloir. C’est l’enjeu de ce Congrès.

5. Un parti conquérant

La lucidité impose de le reconnaître : parmi les causes de l’échec du quinquennat, il y a le rapport trop peu critique aux institutions de la Vème.

L’acceptation du présidentialisme qui implique que tout soit soumis à l’exécutif, la trop grande influence de la technostructure d’État et de certains milieux d’affaire, ont nui considérablement à notre exercice du pouvoir. Dans le même temps, renonçant à son autonomie, le Parti a été volontairement inaudible.

Or le rôle du Parti socialiste, c’est d’être l’acteur vigilant de la transformation quand nous gouvernons.

Dans l’opposition, il s’engage dans des mobilisations exemplaires (et en premier lieu celle de ses élus locaux qui s’insurgent légitimement contre les premières mesures du nouveau pouvoir) et prépare la reconquête avec méthode.

Nous voulons que les militants soient les acteurs de la reconquête. Pour cela, nous proposons la tenue trimestrielle de grandes conventions, et le recours régulier au référendum militant pour trancher certaines questions essentielles. Il faudra également produire un effort réel pour apporter une forte formation aux militants.

Ensemble, réfléchissons à une nouvelle organisation qui valorise toutes les formes d’implication et d’engagement : local, bien sûr, mais aussi thématique, dans un secteur professionnel ou en entreprise.

Enfin, il faudra mettre en chantier l’élaboration d’un manifeste pour le socialisme des temps nouveaux dont l’objectif sera de confronter les fondamentaux de notre doctrine aux défis contemporains (numérique, biotechnologies, etc.) qui bouleversent l’humanité.

***

L’UNION ET L’ESPOIR !

Le Congrès d’Aubervilliers doit constituer une première étape déterminante dans la reconstruction de notre unité et de nos perspectives collectives.

En 74, un jeune premier, libéral et prétendument surdoué, parvenait à l’Élysée en incarnant l’aspiration au changement, tout en poursuivant une politique plus favorable aux rentiers qu’au monde du travail. La gauche rassemblée le battit dès la fin de son premier mandat.

En 93, le Parti socialiste perdait les trois quarts de ses députés. Par les commentateurs, il était condamné à des décennies d’opposition, voire à une disparition prochaine. Quatre ans plus tard, il dirigeait à nouveau la politique de la Nation, accomplissant la réduction du temps de travail et mettant en place la CMU.

À chaque fois, les conditions du succès furent les mêmes : l’union et l’espoir.

Certes, comme l’expérience militante nous l’a appris, l’union est un combat. Certes, l’espoir ne se décrète pas : il renaît lorsque nous dégageons l’horizon des Français et des Européens, lorsque nous refusons les fatalités qui aliènent, et lorsque nous proposons des mesures qui permettent à chacun d’entrevoir qu’une autre vie, au quotidien, est possible.

L’espoir naît du droit aux bonheurs. Dans quatre ans, si elle redevient elle-même, la gauche gagnera.

À nous d’éclairer le chemin et plus nous serons nombreux, plus vite renaîtra parmi nos concitoyens l’espoir d’un monde différent.

Oui, un nouvel avenir est possible pour le Parti Socialiste et pour la Gauche !