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« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

Ce texte a été proposé par des adhérents du PCF comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018. Il a remporté la majorité des suffrages lors du vote des adhérents terminé le 6 octobre 2018 et remplace la base commune proposée par la direction du parti.

> Lire également : Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle » est tout à fait conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la deuxième moitié du XXe siècle.

Il n’exprime pas le point de vue d’un courant à proprement parlé mais plutôt une réunion de différentes sensibilités pour faire opposition à la direction, de manière non radicale.

Le texte parle de « révolution » à de nombreuses reprises mais n’avance qu’un contenu social-démocrate non révolutionnaire. Le vocabulaire traditionnel communiste est utilisé avec les termes classe ouvrière, travailleurs, marxisme, capitalisme, crise systémique, capital, suraccumulation des capitaux, contradictions, etc.

L’écologie est comprise formellement mais pas en pratique, il y a une simplement bienveillance sur la question mais avec aucun contenu.

PCF congrès 2018

 

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle (complet)

version déposée le 6 Juillet 2018

Le texte issu du Conseil National n’a été voté que par 49 de ses membres sur 91 votants et 168 membres. L’unité des communistes exige un texte beaucoup plus audacieux, cohérent et clair, pour un congrès vraiment extraordinaire. C’est pourquoi, dans notre diversité et pour sortir le PCF de l’effacement et de l’immobilisme, nous proposons une autre base commune de discussion. Pour rassembler elle propose des réponses pour fonder un véritable débat sur les questions de fond (bilan, orientation nouvelle, changement de direction) très mal traitées dans le texte proposé par la direction.

Après le vote des 4 au 6 octobre, ce texte de base commune, s’il est adopté, sera amendé jusqu’au congrès.

Notre 38ème congrès est vital.

Au mois de juin 2017, les communistes décidaient, à l’issue de la séquence électorale des présidentielles et des législatives, de convoquer un congrès extraordinaire. Notre affaiblissement électoral et notre perte de visibilité nationale étaient et sont toujours au cœur des préoccupations des communistes qui veulent reconquérir l’influence de notre parti et reconstruire une organisation révolutionnaire de notre temps.

C’est au Parti communiste, français et internationaliste, d’assumer cette ambition face à la force du capital qui se pare des atours de la modernité, face à la profondeur de sa crise systémique, mais aussi face à l’attraction des idées réformistes de conciliation, comme de celles nationalistes et xénophobes désignant des boucs émissaires.

C’est d’autant plus nécessaire que Macron et son gouvernement mettent à profit la confusion politique et l’absence d’alternative progressiste crédible pour conduire à marche forcée la destruction du modèle social français. Ils cherchent à faire de la France, à côté de l’Allemagne, le second pilier d’une Europe au service du capital, des marchés financiers et de l’ordre mondial dont ils ont besoin.

Macron prétend que ses options sont les seules à même d’arracher la France et l’Europe à la crise très profonde d’un système capitaliste qu’il entend sauver. En réalité cette politique va accentuer les vulnérabilités de la France et les fractures sociales dans un monde en crise alors que se prépare une nouvelle aggravation des difficultés mondiales, plus brutale que la crise de 2007-2008 dont les forces du capital n’ont voulu retenir aucune leçon.

Après une période d’observation, des luttes importantes se développent. Elles concernent les bases même du modèle social français, dont elles cherchent un nouveau développement : services et entreprises publiques, exigences d’égalité, notamment entre femmes et hommes, refus du déclassement et des discriminations, égalité des territoires et enjeux écologiques, la protection sociale et son mode de financement à partir des richesse produites, l’emploi, sa sécurité et sa promotion, l’augmentation des salaires, toutes les batailles sur l’éducation et la formation, les droits et pouvoirs des salariés sur les lieux de travail.

Il n’y a jamais eu autant besoin de révolution, d’idées et de luttes révolutionnaires ; d’un parti et d’un projet communistes pour permettre au mouvement populaire de s’élargir et de se renforcer jusqu’à contraindre le gouvernement à des reculs, imposer de nouvelles conquêtes, ouvrir une issue politique. Leur absence dans le champ politique laisse la voie libre à toutes les récupérations nationalistes, populistes, xénophobes, racistes ou antisémites.

Quel défi pour le Parti communiste français !

Mais après son effacement en 2017 et son résultat désastreux aux législatives, son pronostic vital est engagé.

Tout cela constitue un électrochoc. C’est pour cela que les communistes ont voulu un congrès extraordinaire pour une réorientation stratégique, une mobilisation nouvelle dans l’action et le développement d’une ambition communiste.

Un bilan stratégique et organisationnel est nécessaire pour permettre un débat sans tabou et des décisions audacieuses.

Nous considérons que la proposition de base commune votée le 3 juin (par 49 voix sur 91 votants et 168 membres du CN) ne répond pas aux exigences du débat, pas plus qu’elle ne permet d’analyser précisément la situation du monde et celle de notre parti. Se refusant à formuler clairement les termes du débat, elle ne permet ni la discussion sur la réorientation et les changements que les communistes sont si nombreuses et nombreux à penser nécessaires, ni la prise d’initiatives par celles et ceux qui aspirent à changer l’ordre existant.

Ce n’est pas d’un collage d’options et de synthèses habiles que notre parti a besoin pour construire une unité réelle et agissante des communistes.

Nous proposons une base commune qui permette de répondre à cette question essentielle :

faut-il continuer dans l’effacement, dans une pratique du coup par coup, dans une stratégie illisible, et dans le manque d’ambition et d’incarnation ? Ou construisons-nous collectivement la voie d’un renouvellement politique profond de notre organisation, à même de renforcer notre influence et notre place au sein d’un rassemblement efficace pour notre peuple ?

Pour le débat le plus conséquent des communistes et des choix clairs, cette proposition de base commune entend apporter des éléments de réponse précis aux questions centrales suivantes, en les conjuguant à l’ambition d’un nouvel internationalisme :

  • nos difficultés actuelles résultent-elles d’une mauvaise mise en œuvre des choix faits depuis une vingtaine d’années, ou bien ces choix mêmes sont-ils à remettre en question ?
  • quel bilan faisons-nous, aux plans stratégique, organisationnel et électoral ? Quel bilan de l’activité de la direction nationale ?
  • quelle place du marxisme vivant pour armer le combat et pour la confrontation d’idées à tous les niveaux ?
  • une réorientation stratégique est-elle nécessaire ou suffit-il de chercher à mieux tenir le même cap sous l’appellation « nouveau front social et politique » ?
  • faut-il se résigner, aux élections européennes, à un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique ? Ne s’agit-il pas plutôt de construire une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF ?
  • comment définir l’objectif du communisme, les voies et moyens de l’atteindre ? Quelle dialectique nécessaire entre nos propositions, les luttes immédiates, les étapes indispensables et la visée communiste qui se construit dans ce mouvement tout en l’éclairant ?
  • un changement profond de la direction nationale est-il nécessaire ? Quel engagement des dirigeantes et des dirigeants pour un effort de réorientation des idées, de la pratique et de l’action ?
    L’heure est critique pour notre force politique, et par conséquent, pour sa capacité à servir efficacement dans l’avenir les intérêts populaires et de classe.

Nous ne nous résignons pas à l’idée que le congrès extraordinaire puisse sombrer dans les habitudes, les redites et le refus des remises en cause.

Nous voulons sortir le PCF de la spirale de l’effacement et de l’affaiblissement.

Nous partageons cette conviction qu’il ne peut y avoir de transformation révolutionnaire sans un Parti communiste fort et influent, porteur de cette ambition.

Nous partageons la nécessité d’un renouvellement de notre organisation et d’une relance ambitieuse de notre travail politique, étroitement liés à la mise en dynamique nationale de nos militants.

Ce sont ces enjeux prioritaires qui nous réunissent et nous rassemblent.

C’est pourquoi, dans la diversité de nos analyses et réflexions, nous proposons ce texte comme base commune pour la discussion du 38ème congrès du Parti communiste.

Nous le mettons dès aujourd’hui à la disposition de toutes et tous les communistes pour permettre le développement d’actions transformatrices ambitieuses de notre parti au lieu de la paralysie liée à la recherche de faux équilibres.

Nous souhaitons que le plus grand nombre de militantes et de militants s’en saisisse, dans une recherche de convergence et d’unité indispensables à la réussite d’un congrès extraordinaire, redonnant demain à notre parti sa pleine capacité d’action à travers une perspective politique et stratégique claire.

Nous la formulons en six chapitres :

  • Un bilan critique
  • Nos responsabilités face à la nouvelle phase de la crise du capitalisme et de la société
  • Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte
  • Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste
  • Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaires
  • Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire.

I.Un bilan critique

Un bilan critique est nécessaire pour évaluer les causes de la situation actuelle du parti et pour redéfinir notre démarche stratégique.

Les échecs successifs sont dans toutes les mémoires :

- 2002 : notre effacement politique dans la « gauche plurielle » au lieu d’une action autonome sur les idées et dans les luttes conduit à l’échec à l’élection présidentielle ;
- 2007 : notre immersion dans les « comités anti-libéraux », alors que nous aurions dû prendre l’étendard du rassemblement avec nos propositions de fond dès le lendemain du référendum de 2005, débouche sur un nouvel effondrement de notre résultat à la présidentielle.
- 2007-2008 : les communistes refusent majoritairement, lors de l’assemblée extraordinaire des délégué·e·s de section, une dilution du parti au sein d’une « nouvelle force politique ». La crise de 2007-2008 ouvre un champ nouveau à l’apport d’idées et à l’action des communistes. Le 34ème congrès confirme alors la volonté majoritaire de continuer le PCF et de développer ses idées. Mais la direction privilégie peu à peu, au détriment de la promotion de nos idées pour l’action et pour une remontée de l’influence du parti, une conception du Front de gauche comme processus d’alliance électorale et de rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci a certes quitté le PS mais en affichant son attachement à François Mitterrand. Il ne cache pas son objectif : fusionner au sein d’une nouvelle formation sociale-démocrate les composantes du Front de gauche, dans la confusion entre réformistes et révolutionnaires.
- 2012 : le Front de gauche, niant notre idée de « fronts de luttes », tend à se transformer en machine électorale d’un candidat, promu par le sommet du parti afin de « ne pas recommencer 2007 » ; il a pourtant ouvert un espoir de changement et poussé le PS à bouger jusqu’au fameux « mon ennemi c’est la finance  ». Mais il n’a pas su offrir une alternative radicale et crédible à toute la gauche, son candidat portant de moins en moins ce qui dans L’humain d’abord était l’apport original des communistes.
- 2012-2017 : le Parti communiste délègue la prise d’initiatives populaires à Jean-Luc Mélenchon. Hormis l’amorce d’une campagne sur le coût du capital vite abandonnée, notre parti s’efface, malgré les efforts de ses militants sur le terrain : il laisse une place démesurée au PG sur ses listes aux élections successives (européennes, municipales, régionales) et limite son rôle à être un facilitateur de rencontres de sommet, sans bataille sur les contenus.
- 2017 : la décision du 37ème congrès d’engager une candidate ou un candidat communiste dans la perspective de la présidentielle n’est pas respectée. Le champ est ouvert à Mélenchon. Malgré la forte demande d’autonomie des communistes exprimée très majoritairement en conférence nationale, le PCF s’aligne derrière un candidat au discours de plus en plus populiste et agressif, voire nationaliste, qui préconise des solutions économiques social-démocrates. Et tout cela au prix d’un gâchis inouï de moyens financiers et militants !

Dans ces conditions, après des reculs importants aux élections municipales et régionales, marquées par la perte de nombreuses élues et de nombreux élus communistes, notre résultat aux législatives (2,72 % des exprimés) est le plus mauvais de notre histoire.

En effet, la France Insoumise bénéficiant de l’identification nationale de son candidat à la présidentielle, la concurrence s’est révélée mortifère pour nos candidats dans la très grande majorité des circonscriptions. Nous obtenons cependant 11 députés dont 5 élus dans le cadre des très rares accords de retrait de la FI au premier tour.

Ces résultats ne traduisent pas l’audience réelle du PCF dans le pays, ni les potentialités de reconquête de son influence. Mais ils sont un nouveau facteur d’affaiblissement, de perte de visibilité nationale.

Cet affaiblissement n’est pas une fatalité. Il a pour cause principale des choix politiques initiés par nos principaux dirigeants et obstinément poursuivis malgré les alertes et les échecs.

Ces erreurs ont un lien avec le doute qui s’est installé sur le communisme après la disparition de l’URSS, semblant consacrer un triomphe définitif du capitalisme. Les enseignements de cette tentative de révolution, qui a ébranlé le monde mais a finalement été défaite, continuent de susciter des débats importants dans le mouvement communiste. Ce qui est certain, c’est que la disparition de l’URSS nous plaçait, dans les années 90, au défi d’une analyse approfondie et du choix d’une novation communiste. Au lieu de cela, les directions successives du PCF ont été gagnées par le renoncement, jusqu’à des choix qui ont déstabilisé et déstructuré notre parti, comme l’abandon de la bataille à l’entreprise, et qui ont brouillé le repérage de classe du parti dans la société.

II. Relever les défis de la crise

2.1 Rassembler pour une issue à la crise du capitalisme financiarisé et mondialisé

Alors qu’une nouvelle catastrophe s’annonce, la crise du capitalisme nous place au défi de rassembler pour ouvrir une issue.

En 2007-2008, c’est une suraccumulation de capitaux matériels et financiers qui est venue à éclater dans l’ensemble des pays capitalistes développés. Après le krach de 2000-2001, en effet, les États et les institutions internationales avaient été mobilisés pour sauver le capital et accroître la rentabilité financière : l’argent des profits, des fonds publics et du crédit a servi à alimenter la flambée des cours et des investissements ; les nouvelles technologies, génératrices d’économies massives de travail humain, ont été monopolisées par les multinationales. La suraccumulation des capitaux a alors été relancée, et a débouché sur la crise financière de 2007-2008. Résultats : un chômage et une surexploitation fortement aggravés, une insuffisance accrue des débouchés amplifiant la guerre économique mondiale, le prélèvement de monstrueuses rentes néocoloniales sur les peuples des pays les moins développés et des risques multipliés d’affrontements armés.

Cette crise a déstabilisé les schémas intellectuels dominants et mis en cause la légitimité du système capitaliste. L’idée qu’il est nécessaire de rompre avec ce système peut grandir : encore faut-il dessiner les chemins d’une telle rupture.

À droite comme chez les socialistes, la réponse à la crise du système a été d’accroître l’intervention publique en faveur des profits et d’un marché prétendument « régulé ».

Pour sortir de la crise, il aurait fallu au contraire une nouvelle intervention publique pour mettre l’argent, les richesses produites et la monnaie créée, au service non pas de la rentabilité du capital, mais du développement de chacune et chacun, de toutes et tous, dans le respect de la planète. L’urgence était de faire reculer la domination du capitalisme mondialisé en faisant progresser, dans les luttes, dans les urnes et dans les institutions, l’exigence d’autres règles, d’autres critères et, en particulier, de pouvoirs décisionnels nouveaux pour les travailleuses et les travailleurs sur tous les choix d’investissement.

Ce défi n’a pas été relevé. La domination des idées de concurrence pour le profit a persisté. La domination des idées social-démocrates sur toute la gauche, insuffisamment combattue, a persisté elle aussi. Tout cela a ouvert la voie à une réaction néolibérale, ultra-réactionnaire et autoritaire ainsi qu’aux populistes qui ont rajouté au désarroi et à la confusion.

Les contradictions entre la logique du capital et les besoins de développement humain nouveaux ont ainsi été accentuées.

Avec la révolution numérique et informationnelle, une nouvelle efficacité économique, fondée sur le développement des capacités humaines et sur le partage des informations, devient possible. Les aspirations aux savoirs et à la créativité sont de plus en plus vives ; la place nouvelle des connaissances dans la société ouvre des possibilités inédites d’émancipation ; mais les multinationales utilisent les gains de productivité pour faire baisser le « coût du travail », précariser les emplois, soumettre les formations à leurs exigences de rentabilité. Les salarié·e·s dont l’emploi est supprimé sont rejeté·e·s dans le chômage.

La révolution démographique, avec l’allongement de la durée de la vie et les besoins de santé et de dignité associés, la possibilité pour les femmes de maîtriser la procréation, les nouvelles relations qui s’instaurent dans les couples et dans les familles, est porteuse de libertés nouvelles, mais le capitalisme l’utilise pour marchandiser l’ensemble des temps de la vie.

Enfin, l’humanité a aujourd’hui le pouvoir de menacer sa niche écologique : la planète. L’exigence d’expansion du capital met radicalement en cause notre environnement, l’écologie, et met en danger l’espèce humaine.

Nous devons développer en grand le chantier de la compréhension marxiste de ces transformations et de la conquête par les travailleurs comme par les peuples de leur maîtrise sociale et démocratique.

L’un des effets les plus sensibles de la crise est l’aggravation sans précédent des inégalités, au point que se développent des batailles nouvelles pour l’égalité et la solidarité.

2.2 La revendication d’égalité entre les femmes et les hommes : un mouvement mondial sans précédent et profondément révolutionnaire

La libération de la parole des femmes contre les violences sexistes et sexuelles vient de dénoncer l’illusion d’une « fin de l’Histoire » en matière d’égalité femme-homme. Le droit à disposer de son corps est au cœur d’une lutte féministe décisive partout sur la planète. Le combat pour l’égalité au travail – notamment salaire et déroulement de carrière – comme hors travail, pour le partage des pouvoirs et des rôles, doit être mené avec détermination jusque dans notre organisation.

Les transformations qui bouleversent le monde contemporain donnent à ce combat une portée profondément nouvelle. En finir avec les racines profondes du patriarcat et des discriminations touchant les femmes va de pair avec la perspective d’un dépassement du capitalisme jusqu’à son abolition et à la construction d’une nouvelle civilisation.

2.3 Face à la progression du racisme et de la xénophobie, des solidarités nouvelles se cherchent

Le racisme et la xénophobie se nourrissent des divisions engendrées par le chômage et par la compétition pour l’accès à l’emploi. Ils s’appuient sur l’ampleur des discriminations, trop fréquentes dans les actions policières, mais aussi sur la négation du droit au travail et au logement, de l’accès aux services publics dans les zones déshéritées, de l’accès au savoir et à la culture. Ils sont utilisés pour organiser la guerre de tous contre tous, à partir des replis identitaires et communautaires qui, pour certaines et certains parmi les plus dominé·e·s, semblent seuls pouvoir répondre aux besoins de protection face aux violences sociales. Ils offrent un terrain à l’instrumentalisation par des groupes sectaires, voire terroristes, des détresses sociales et morales qui frappent trop de jeunes. Nous devons montrer que ces humiliations insupportables, ces formes visibles de l’absence d’égalité réelle dans la République, révèlent l’ampleur et le caractère multidimensionnel des inégalités de classes.

Les politiques migratoires et le traitement indigne des réfugiés en France et en Europe relancent les idées racistes, traduisent la volonté d’une Europe « forteresse ». Elles vont de pair avec l’acceptation des guerres néocoloniales et du pillage des pays dominés qui engendrent des migrations de survie. Elles masquent le refus d’un grand essor des services publics pour répondre aux besoins de toutes les populations au lieu de les opposer.

Mais tout cela suscite des mobilisations et des solidarités nouvelles qui témoignent de potentiels de rapprochement car, comme l’a écrit Marx, « le travail sous peau blanche ne peut s’émanciper là où le travail sous peau noire est stigmatisé et flétri  ».

Les réponses capitalistes à la crise nourrissent des dérives autoritaires lourdes de danger pour la démocratie, la stabilité du monde et la paix. Il est urgent de reconquérir, individuellement et collectivement, le pouvoir sur nos vies.

La marchandisation effrénée qui réduit les personnes à des choses et à des coûts se heurte à l’aspiration, de plus en plus largement partagée, à l’épanouissement des personnes et à la liberté. La logique capitaliste a de plus en plus besoin, pour s’imposer, d’autoritarisme et de violence.

2.4 Les luttes de la jeunesse sont symptomatiques des aspirations nouvelles et de la violence à laquelle elles se heurtent

La jeunesse paie très cher les reculs sociaux, démocratiques, culturels imposés par le capital. Elle est lourdement frappée par le chômage. Les jeunes sont obligés de passer par de longs sas de précarité, avant d’espérer accéder à une situation stable leur permettant de se projeter dans l’avenir. Bien que mieux formés que leurs parents, ils et elles vivront probablement moins bien qu’eux. Ils et elles sont victimes de stigmatisation et de discriminations, surtout celles et ceux des quartiers les plus pauvres.

C’est source de détresse, mais aussi, de plus en plus, de révolte et de mobilisation : les lycéennes et les lycéens, les étudiantes et les étudiants contre « Parcoursup » revendiquent leur droit à une formation de haut niveau, les jeunes cheminotes et cheminots, les jeunes salarié·e·s de la fonction publique et dans les entreprises sont souvent en première ligne dans des luttes dures pour les droits, la dignité, les salaires.

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Le capital se nourrit de tout ce qui divise les êtres humains. Chercher ce qui les unit et y travailler activement, c’est combattre l’ordre établi. Conjuguons luttes de classes et d’émancipations.

Notre époque est celle d’un conflit violent entre le vieux monde capitaliste, rongé par la surexploitation et le cancer financier, et d’immenses possibilités d’émancipation et de partage qui ouvrent la voie vers une nouvelle civilisation. Un nouveau choc se prépare, plus profond et plus mondial. Tout donne à penser qu’il sera plus violent. Pour affronter ce choc, pour mener cette bataille, nous avons besoin du Parti communiste.

Nous devons nous donner les moyens d’alerter sur la catastrophe qui vient, d’agir, de rassembler et d’éclairer dans l’action sur la nécessité de mettre en cause le capitalisme pour un changement de société et de civilisation. Ouvrons le débat sur ce que peut être une société qui se dégage de sa domination mais ne l’a pas encore dépassée pour l’abolir vraiment, une société qui construit sa transition socialiste vers une civilisation supérieure, le communisme.

Le développement des idées et des propositions communistes, dans la société, au service d’actions et de transformations de portée révolutionnaire, est aujourd’hui un enjeu politique majeur, en France, en Europe et dans le monde. C’est la clé de notre congrès extraordinaire.

III. Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte

Le projet communiste vise une transformation radicale de notre société pour une société de partage des richesses, mais aussi des pouvoirs, des savoirs et des rôles : une société sans classes, sans guerres, dépassant les nations ; une société où exploitation et aliénations sont abolies. En cela le communisme s’oppose radicalement au capitalisme et à son idéologie, le libéralisme.

Le communisme est à la fois l’objectif et le chemin menant à une société dont le but et le moyen deviennent progressivement le développement émancipé de chacune et de chacun, comme personne et en société, ou comme disait Marx comme « individu intégral ». Une société où « le libre développement de chacun devient la condition de libre développement de toutes et tous ».

En ce sens, les luttes immédiates à organiser et les rassemblements à construire doivent contribuer à ouvrir le chemin vers cette nouvelle société. Le communisme est donc inséparable d’objectifs sociaux ambitieux, de pouvoirs et de moyens financiers nouveaux qui dessinent une étape radicale vers le but final.

3.1 Le communisme à l’ordre du jour

La crise du système capitaliste et ses contradictions d’une profondeur inédite ouvrent une nouvelle période historique. Avec les débuts de la révolution technologique informationnelle, et ses exigences de partage, la perspective d’aller « au-delà » du marché capitaliste prend un caractère plus concret.

Le développement des capacités de chacune et chacun, l’émancipation de la personne dans toutes ses dimensions, devient nécessaire pour le bien commun de toute la société. Cela rencontre les formidables aspirations à l’émancipation personnelle.

Les besoins nouveaux de créativité dans le travail comme dans le débat démocratique poussent en faveur d’une prise de pouvoir par les travailleuses et les travailleurs dans l’entreprise, les citoyennes et les citoyens dans les institutions.

Tout le système de délégation de pouvoir doit être dépassé, comme y invite la crise profonde de la démocratie parlementaire, mais aussi l’étouffement de la créativité des salarié·e·s dans les entreprises par les monopoles de pouvoirs patronaux.

Un dépassement du capitalisme pour l’abolir n’est donc plus seulement une utopie, une idée qu’il s’agirait de formuler sans la mettre en pratique.

C’est un processus de transformation révolutionnaire et démocratique que nous devons chercher à construire par nos propositions et notre projet, et à faire vivre au cœur des luttes sociales et d’idées.

Cela suppose pour les communistes un grand débat sur ce que peut être le dépassement du capitalisme.

Un effort de renouvellement et de novation est en effet devant nous, de même qu’une bataille d’idées est à mener. Car l’idéal communiste, longtemps identifié au grand espoir soulevé dans le monde par la révolution soviétique et l’édification de l’URSS à partir d’une Russie arriérée, a été défiguré par de terribles dérives du système soviétique et a été atteint par son effondrement dans une crise profonde.

3.2 Un processus révolutionnaire

Le communisme est un processus historique d’abolition réussie du capitalisme, poussant tous les acquis de civilisation de ce système, et supprimant ses maux, vers une nouvelle civilisation. C’est cela le dépassement du capitalisme.

Il s’agit de dépasser l’enfermement de chacune et chacun dans les aliénations d’un travail, d’une consommation et d’une vie sociale dominées par une production au service de la marchandisation et de l’accumulation ; et, en dépassant la soumission des activités à l’accumulation capitaliste, de faire avancer une efficacité sociale pour le droit au bonheur de chacune et chacun.

Cela signifie une révolution des rapports sociaux de production :

  • une appropriation sociale des moyens de production, d’échange et de financement, de la gestion des entreprises ;
  • l’avancée d’une sécurité d’emploi ou de formation, avec des activités de développement des capacités de chacune et chacun, dépassant le salariat capitaliste, vers une société sans classe.
    Cela suppose une révolution politique qui, à chaque étape, arrache toujours plus au capital la maîtrise des leviers de pouvoir, notamment ceux de l’État Cela signifie une transformation ininterrompue des institutions, avec des pouvoirs d’intervention directe, décentralisés, de tous les acteurs sociaux, des citoyennes et des citoyens. Cela permettrait de pousser la démocratie jusqu’au développement de l’autogestion économique et politique.

Dans cette nouvelle civilisation, chacune et chacun aurait tous les moyens effectifs de contribuer à son propre bonheur. Forte de nouvelles valeurs, cette civilisation permettrait l’épanouissement et la créativité de chaque individu et de toutes et tous, ensemble.

L’humanité pourrait mettre un terme à toutes les dominations sociales et à toutes les formes de discrimination, pour une société d’égalité dans la différence. Elle deviendrait capable de transmettre la Terre aux générations futures, en respectant son intégrité, sa diversité, sa beauté.

3.3 Porter un projet communiste

Travail, emploi, salaires (marché du travail), services publics, biens communs et développement humain, rôle de l’entreprise et de la production, pouvoirs, institutions politiques, finance et mondialisation : tels sont les chantiers du communisme que nous devons investir immédiatement. Un projet communiste doit comporter des axes de transformation sur tous ces chantiers. Sans constituer un programme, ceux-ci doivent être cohérents pour une transformation effective. Sa configuration doit se modifier au rythme de l’expérience acquise par les luttes pratiques, comme au rythme de l’avancée des connaissances. Il s’agit, au total, d’avancer en pratique en rassemblant largement, malgré les conflits inévitables, les contradictions, les compromis et les incertitudes dans une construction qui puisse changer réellement la société.

Des objectifs sociaux transformateurs

L’emploi au cœur de la transformation sociale : notre proposition de sécurité d’emploi et de formation

Le chômage, la précarité et les « jobs de merde » ne sont pas des fatalités. Prenant appui sur l’aspiration partagée à une formation et à une mobilité choisie, à un travail utile et qui ait du sens, comme sur la nécessité pour la société d’élever le niveau de formation et de qualification pour répondre aux besoins de souplesse et d’adaptabilité de la production moderne, nous voulons avancer vers une sécurité d’emploi et de formation permettant à chacune et chacun de conjuguer mobilité choisie et sécurité accrue de ses revenus et de ses droits. Ce système pleinement réalisé permettrait de supprimer le chômage, de révolutionner le contenu du travail, de dépasser l’opposition travail-hors travail, tout en répondant au besoin de souplesse, de progrès et d’adaptabilité de la production moderne. Il ouvre la voie à une nouvelle organisation des temps de la vie, donnant à toutes et tous plus de temps pour se former, plus de temps à consacrer à sa famille, plus de temps pour la vie sociale. Progresser dans sa construction est inséparable de la défense et de la promotion d’une protection sociale efficace parce que financée à partir des richesses créées dans les entreprises. Des éléments essentiels d’avancées immédiates vers ce projet ont déjà fait l’objet d’une proposition de loi des députés communistes.

La culture et l’émancipation humaine sont au cœur de ce projet. Plus celui-ci va se développer, plus il va appeler à une nouvelle culture, à un dépassement des anciennes cloisons, plus il va nécessiter la participation de chacune et chacun aux activités culturelles et créatrices.

Une nouvelle expansion des services et du secteur publics

Les services publics doivent être une pierre angulaire de la construction d’une nouvelle citoyenneté et de la promotion de biens communs dans tous les domaines. Il s’agit de contester la domination de l’Union européenne par le marché et la concurrence aveugle, pour promouvoir un système de coopération où les services publics rénovés et de nouvelles entreprises publiques joueraient un rôle décisif d’entraînement.

Il est indispensable de promouvoir des entreprises publiques dans les secteurs de la production et des services, visant la réponse efficace aux besoins populaires et la sécurisation de l’emploi et de la formation. Cela implique une transformation profonde des gestions avec de nouveaux critères, une barrière efficace à l’entrée des capitaux privés, des financements émancipés des marchés financiers, des pouvoirs d’intervention des salariés et de concertation avec les usagers, des coopérations très nombreuses et intimes en France, en Europe, dans le monde.

Une refonte écologique et culturelle de la production et de la consommation

Le capitalisme exploite l’humain et les ressources naturelles pour son profit égoïste. La nature devrait être un bien commun de l’humanité tout entière au lieu d’être marchandisée, voire parfois privatisée. Il est le principal responsable de la crise écologique, provocant pollutions, réfugiés climatiques, famines, difficulté d’accès à l’eau, guerres… Le sort de l’humanité et de la planète sont indissociables : comment protéger les écosystèmes, la biodiversité quand l’humain est en souffrance ?

Notre vision communiste, originale, juge complémentaires développement humain et écologie, sans les opposer. Pour nous, l’enjeu écologique renforce nos combats. Bien loin de les décentrer, il les élargit. Il confirme qu’il faut vraiment changer le mode de production et de consommation, qu’il faut une véritable révolution. Il faut une révolution dans les rapports sociaux de production, jusqu’aux techniques de production, une révolution de la répartition et de la consommation, et une révolution des pouvoirs et de la culture.

Services publics et entreprises sont au cœur de l’enjeu écologique : service public de l’écologie, mais aussi de la santé ou de la recherche ou du financement, mais aussi entreprises productives, avec de nouveaux critères de gestion (donc de production et de localisation), banques (avec de nouveaux critères d’investissement et de financement). Nous pouvons faire converger des forces du « dedans » et du « dehors » de l’entreprise, à partir du double enjeu social et écologique qui se rejoignent contre la domination du capital, les critères de rentabilité financière, l’austérité et le système de pouvoirs.

De nouvelles conquêtes sociales et écologiques doivent être gagnées par des batailles concrètes sur tous les sujets. Par exemple :

  • la bataille pour des relocalisations industrielles, le développement de l’emploi, converge avec celle des circuits courts, pour réduire pollutions et réchauffement climatique ; elle suppose une nouvelle politique industrielle et de services ;
  • un plan pour développer un nouveau mix énergétique remplaçant les énergies carbonées et associant développement des énergies renouvelables avec la maîtrise publique, sociale et démocratique d’une filière nucléaire sécurisée et renouvelée : s’inscrivant dans une transition énergétique, écologique et non malthusienne, ce plan nécessiterait un grand effort de recherche, d’embauches, de formation, d’investissement et d’innovation sociale ; il serait élaboré avec tous les acteurs sociaux et citoyens ;
  • un plan d’urgence contre le réchauffement climatique exige des mesures rapides telles que la gratuité des transports en commun et de s’attaquer au pouvoir de la finance et des actionnaires pour relancer le ferroviaire, fret et voyageurs, avec des dépenses d’infrastructures et pour les entreprises publiques, à l’inverse du démantèlement de la SNCF programmé par Macron.
    C’est désormais une bataille idéologique structurante, pour donner à voir la nouvelle société que nous voulons construire.

Des pouvoirs et droits nouveaux

La conquête d’une égalité réelle pour toutes et tous, émancipée des origines assignées, des discriminations liées à l’âge, au genre, à l’orientation sexuelle, à la catégorie sociale, à l’apparence physique, au handicap, doit être instaurée et affirmée en donnant les mêmes droits à chacune et à chacun, dans une égale dignité de participation et d’intervention. La politique des boucs émissaires, des relégations territoriales, de l’incitation au racisme et de la stigmatisation masque les vrais problèmes et les entretient. Cela appelle tout à la fois un effort culturel, un effort démocratique, une justice réaffirmée, une autre police et un nouvel âge des services publics.

La démocratie participative et d’intervention doit devenir un principe actif, un impératif des politiques publiques, avec de réels moyens d’intervention directe des citoyennes et des citoyens. Elle suppose la création de nouveaux pouvoirs, un essor considérable des libertés et la conquête d’une égalité effective, en faisant en sorte que chacun dispose des moyens nécessaires à son accomplissement. Le rôle des salarié·e·s dans l’entreprise et des populations concernées doit prédominer, au lieu du monopole du capital et de ses représentants. Cet enjeu est au cœur de la lutte de classes d’aujourd’hui. Il s’agit de transformer les gestions d’entreprises pour leur faire assumer un but d’efficacité sociale, territoriale et écologique. Il faut aussi de nouvelles institutions permettant l’intervention populaire à tous les niveaux (des collectivités territoriales à l’État) pour une nouvelle République allant de pair avec une nouvelle construction européenne.

Cela implique de permettre à toutes et tous de comprendre le monde pour le transformer, de s’approprier des savoirs complexes et de construire une culture commune de haut niveau grâce à des services publics de l’éducation, de la formation et de la culture renforcés et profondément transformés.

Des moyens financiers

Émanciper société et économie des marchés financiers

L’argent et la monnaie sont l’instrument majeur de la domination du capital sur l’économie et la société. Un projet communiste doit promouvoir par la lutte un tout autre système de financement. Les marchés financiers, les grands actionnaires et le grand patronat imposent une logique de financement et de gestion qui soumet les entreprises à la domination du capital. Pour imposer une tout autre logique, nous voulons prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent des entreprises (profits), de l’État (fond publics), des banques (crédit), des assurances (épargne). Au lieu de servir les profits, le coût du capital, l’évasion fiscale, cet argent doit financer les investissements efficaces, l’emploi, la formation, la recherche, l’écologie, l’égalité femmes-hommes, etc. Il doit aussi financer les services publics dans les territoires au lieu de laisser la dette publique sous la coupe des marchés financiers. Cet axe de transformation concerne tous les niveaux d’intervention : régional, national, européen et mondial.

IV. Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste

Les communistes français ne peuvent penser leur rôle dans la société sans penser les profonds bouleversements vécus par la planète, sans travailler aux liens de solidarité avec les communistes et les forces progressistes, sans inscrire la lutte pour la paix dans l’exigence d’une autre société.

4.1 De profonds changements du monde

Ce début de XXIe siècle est une époque de bouleversements démographiques, écologiques, technologiques, économiques, géopolitiques. Ainsi par exemple le PIB de la Chine est désormais comparable à celui des États-Unis ; l’Afrique pourrait devenir le continent le plus peuplé d’ici la fin du siècle ; en France, un salarié sur deux travaille dans une multinationale.

On assiste à la généralisation et à l’exacerbation des fléaux du système mais aussi à l’apparition de nouveautés radicales et de potentielles transformations d’ensemble :

  • le salariat se généralise dans tous les pays et l’humanité se concentre dans les villes, mais avec un chômage massif, une envolée de la précarisation, la mise en concurrence des salariés du monde entier, et l’explosion de nouveaux problèmes écologiques et sanitaires ;
  • alors que se poursuit l’industrialisation du monde, le début de la révolution informationnelle s’accompagne d’une domination des entreprises réelles par des capitaux financiers de plus en plus monopolistiques et spéculatifs ;
  • le défi climatique mondial, le recul drastique de la biodiversité, les déforestations, l’artificialisation des sols, les maladies liées à l’environnement montent, mais monte aussi une conscience mondiale de ces défis, les potentiels technologiques et les alternatives pratiques pour y faire face ;
  • face au cancer financier qui se généralise, la responsabilité des banques, des multinationales, des paradis fiscaux et des organisations mondiales (FMI…) fait l’objet d’une prise de conscience mondiale ;
  • partout s’affirme une volonté d’émancipation des individus, hommes et femmes, mais qui peut aussi être dévoyée en un individualisme destructeur des solidarités traditionnelles ;
  • la nouvelle situation mondiale porte à la fois des possibilités nouvelles de communication et de partage, une ouverture croissante aux autres nations et à la diversité des cultures, et la mise en cause des protections étatiques traditionnelles, la régression des droits sociaux acquis, l’exacerbation des dominations supranationales ;
  • des intégrismes et des conservatismes opposés, occidentaliste, suprémaciste blanc, « islamiste », se développent en même temps que montent des mouvements d’émancipation multiformes.
    Après la chute du mur de Berlin et l’échec de l’expérience soviétique, avoir cru qu’il suffisait d’affirmer l’histoire propre du communisme français pour se dégager des conséquences de cet échec était une erreur : un bilan communiste de ce qu’a représenté l’Union soviétique est indispensable pour sortir de la diabolisation construite contre nous par les porte-voix du capital et poursuivre avec ténacité le développement de notre projet original autogestionnaire vers un communisme de notre temps.

4.2 Affrontement généralisé ou coopération et paix ?

Loin de la « fin de l’histoire », les concurrences inter-impérialistes et les dominations ont été relancées : hyper-marchandisation du monde ; financiarisation massive débouchant sur la domination technologique et commerciale des multinationales ; unilatéralisme américain et renforcement de l’OTAN alors que le monde devenait déjà plus multipolaire.

La crise de 2007-2008, qui a frappé les seuls pays capitalistes développés, a fragilisé l’image du capitalisme et la position d’hégémonie mondiale des États-Unis.

Face à cela, l’impérialisme américain utilise de façon de plus en plus agressive le dollar, son avance technologique informationnelle, son poids économique et son potentiel militaire, pour relancer son hégémonie.

Des phénomènes de fond s’y opposent :

  • la révolution informationnelle accentue les contradictions entre développement des forces productives et rapports sociaux de production ;
  • les institutions politiques, financières, culturelles et politiques qui assuraient jusqu’ici l’hégémonie mondiale du capital sont ébranlées car elles deviennent incapables de canaliser le mécontentement des peuples. De nouvelles organisations émergent, dans une recherche d’émancipation vis-à-vis des tutelles américaine voire occidentale (BRICS – Organisation de coopération de Shanghai – COP, etc.). Un nouveau type de multilatéralisme se cherche, à travers des ententes zonales contre l’unilatéralisme et le protectionnisme américain ;
  • Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, s’est ouverte une nouvelle phase de la contre-offensive des États-Unis. Elle se heurte cependant à des résistances diverses sur tous les continents.
    La Chine et l’Europe, la Russie, à des titres différents, sont particulièrement mises au défi.

Pour les communistes, il s’agit de construire un nouvel internationalisme capable d’opposer des réponses de coopération à ces logiques. Il s’agit de faire vivre en toutes circonstances nos valeurs anti-impérialistes, de paix et de solidarité.

Un axe de bataille essentiel est que la France sorte de l’OTAN et qu’elle joue un rôle moteur en Europe et dans le monde pour un rapprochement, une nouvelle alliance, avec les pays en développement et émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Mexique, Turquie, etc.). La Chine, immense pays en état de contester le leadership mondial des États-Unis, mérite une analyse conséquente et sans a priori, d’autant qu’il est dirigé par un Parti communiste se réclamant du marxisme.

L’action contre les guerres, pour le désarmement et pour la paix, qu’il faut décider d’amplifier, doit aller de pair avec l’action contre l’insécurité sociale et économique. Dans ce but, il s’agit de transformer radicalement les institutions internationales et de contribuer à l’avènement d’un instrument monétaire de coopération mondiale alternatif au dollar. Cela répond aux attentes de nombreux pays.

Il faut donner une place bien plus grande à la dimension internationale de notre action et à notre apport à une autre mondialisation. Le conseil national et les communistes doivent être régulièrement saisis de l’analyse de la situation internationale, informés des débats au sein du PGE, des relations avec les partis communistes et progressistes. Celles-ci doivent être développées dans une démarche d’écoute, de respect mutuel et de solidarité. La situation nécessite une nouvelle capacité d’initiative de notre parti en Europe et dans le monde pour des actions communes.

4.3 Une autre construction européenne

Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. On lui doit aussi la montée des populismes et de l’extrême droite, jusqu’à des positions de pouvoir comme en Italie, une domination renforcée des États-Unis et du dollar. Il n’est donc pas étonnant qu’elle concentre la colère populaire comme en a témoigné le résultat du référendum de 2005. Notre responsabilité est de donner une perspective à cette colère.

Nous sommes toutes et tous d’accord là-dessus. Mais nous avons des différences sur la façon d’en finir avec cette construction.

Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.

Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.

De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.

Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.

Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.

Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité.

Si nous ne pourrons sans doute pas trancher ces questions au prochain congrès, il est indispensable de les instruire et de les confronter à la réalité de grandes batailles populaires permettant à la fois de porter la colère et de remporter des victoires.

Battons-nous, en France, en Europe, avec les forces progressistes, avec les partis communistes :

  • pour mobiliser la monnaie au service de l’emploi, des services et biens publics et de la protection sociale, et donc pour un autre rôle de la BCE ;
  • contre la concurrence destructrice et pour de nouvelles coopérations solidaires entre nations souveraines égales et respectées ;
  • contre la militarisation du bloc européen accélérant la course folle vers des conflits majeurs ;
  • pour d’autres traités permettant des coopérations solidaires entre nations égales et peuples souverains.
    Nous voulons changer l’Europe pour une autre mondialisation.

V. Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaire

L’échec du Front de gauche met en cause une conception stratégique du rassemblement, de la relation aux luttes, à la bataille d’idée et à notre visée, ainsi que d’une pratique politique. L’entente au sommet, limitée à un plus petit dénominateur commun, a pris le pas sur tout le reste, renouvelant en cela les travers d’expériences antérieures.

Notre projet est démocratique et révolutionnaire. Il faut donc un rassemblement majoritaire, dont le contenu soit à la hauteur pour transformer réellement l’ordre existant dans la société, les entreprises et les institutions : c’est la stratégie du PCF.

Elle implique de mener le débat en permanence, aussi bien avec les partenaires de constructions unitaires, qu’avec les travailleuses et les travailleurs, les citoyennes et les citoyens.

Notre stratégie exige en permanence d’évaluer, jusqu’à les réajuster, en quoi nos initiatives dans les luttes et notre action dans les institutions contribuent à avancer vers nos objectifs. Aussi importantes soient-elles, les élections ne sont qu’un moment de l’activité révolutionnaire des communistes. Et l’entente sur un programme ne peut être qu’un levier.

5.1 Les bases sociales du rassemblement

Une unité populaire est possible. Elle reste toutefois à construire, d’autant plus que le ressenti des fractures et divisions a progressé. L’unification du salariat est décisive. Tout le salariat est aujourd’hui pris dans un rapport d’exploitation, des ouvrières et ouvriers sans-papiers jusqu’aux intellectuel·le·s prolétarisé·e·s. Bien loin d’être une forme d’indépendance, l’ubérisation apparaît de plus en plus comme un rapport d’exploitation. Les travailleuses indépendantes et les travailleurs indépendants sont pris dans cette même logique, qui met en péril les petites entreprises et leurs atouts humain. Le monde du travail et de la création dans sa grande diversité (de la classe ouvrière aux cadres, avec ou sans statut spécifique, des infirmiers et infirmières aux enseignantes et enseignants jusqu’aux chercheuses et chercheurs, des chômeuses et chômeurs aux précaires, des jeunes aux retraité·e·s, des artistes aux artisans, jusqu’aux petits paysans) a fondamentalement des intérêts communs : faire reculer la domination du capital financier. Cela s’exprime par une protestation commune grandissante contre le chômage, la précarisation, les bas salaires, les risques de déclassement et l’aliénation au travail. Cela s’exprime aussi par des aspirations à la formation tout au long de la vie, à la maîtrise du sens de son travail, au partage des responsabilités jusqu’à l’intervention dans la gestion, à la maîtrise des trajectoires personnelles, à la réduction du temps de travail pour le développement de soi et pour une meilleure vie hors travail.

Le progrès de ces facteurs communs est une menace pour le grand patronat, pour sa conception de l’entreprise. Pour appuyer les dirigeants, Macron engage toute la force de l’État avec ses réformes réactionnaires. Ils s’emploient à récupérer la sensibilité des salarié·e·s qualifié·e·s aux enjeux de compétitivité, de modernisation, d’efficacité et de financement, tout en jouant sur la sensibilité des couches urbaines aux enjeux écologiques. Ils cherchent à les intégrer dans un rassemblement qui sacrifierait les ouvrières et les ouvriers, les couches populaires, les chômeuses et les chômeurs.

En même temps, ils cherchent à couper les revendications sociales d’autres luttes aux potentiels émancipateurs considérables : les luttes des femmes, des jeunes, des travailleuses étrangères et des travailleurs étrangers, ainsi que celles concernant les identités ou encore l’écologie.

À l’opposé de ce travail de division, il s’agit de faire prendre conscience à toutes et tous du fait qu’ils et elles s’affrontent à la même logique, au même adversaire et combien leurs aspirations propres à s’accomplir ont en commun un double besoin : des services publics de qualité sur tout le territoire et une sécurité d’emploi, de formation et de revenus.

Les dominations – genre, générations, capitalisme, racisme… – se renforcent entre elles. Les luttes contre ces dominations peuvent s’épauler pour une émancipation commune.

C’est tout cela, la base sociale du rassemblement que nous voulons.

5.2 Le rôle irremplaçable du Parti communiste

Il faut viser des objectifs sociaux audacieux, travailler sans cesse les contradictions pour faire grandir la conscience de la nécessité, pour les réaliser, de bouleverser la logique du système, aussi bien en ce qui concerne les moyens financiers que les pouvoirs institutionnels. Qui d’autre que le Parti communiste peut assumer ce rôle, alors que les idées dominantes pèsent tant, jusque chez tous nos partenaires de gauche ? La conception de l’entente qui a prévalu s’est opposée jusqu’ici à tout cela et a conduit à notre effacement.

Nous prêtons une grande attention à ce que les luttes expriment comme besoin de société nouvelle, comme aux difficultés du mouvement social et à ses contradictions. Pour contribuer à leur dépassement, nous développons un corps d’idées et de propositions qui, avec l’apport du marxisme vivant, permettent de ne pas subir l’hégémonie des idées dominantes, de les bousculer et d’apporter des réponses efficaces aux problèmes posés. C’est essentiel pour faire bouger les rapports de force, jusqu’à des changements dans les institutions en lien avec les élections et avec les luttes.

5.3 Être présents avec nos propres candidats à toutes les élections

Il est essentiel d’être présents avec nos propres candidats à toutes les élections. Notre ambition est d’avoir, en renforçant l’influence de nos idées, le plus d’élu·e·s possible, à tous les niveaux. Ils et elles agissent au service des travailleurs et de leurs familles, et pour faire bouger la situation. L’élection présidentielle, dont nous combattons le principe, est cependant un moment structurant de la vie politique. Elle est l’occasion pour chaque formation de mettre en débat son projet et ses idées. Le parti doit travailler à créer les conditions d’une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2022.

Les élections européennes de 2019 portent sur des enjeux majeurs et sont une étape de la recomposition politique en cours. L’enfermement du débat dans la fausse alternative « pour ou contre l’Europe » est mortifère pour nos combats de classe. Un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique aurait de graves conséquences aux élections municipales. Menons la bataille sur nos idées et construisons une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF.

5.4 La recomposition politique

L’élection présidentielle de 2017 a déclenché une recomposition politique d’ampleur. Macron arrive à faire passer des dispositions dont le grand patronat rêve depuis longtemps. Il ne serait, prétend-il, ni de droite ni de gauche, et le seul à prendre à bras le corps les enjeux de modernité. Il n’y aurait pas d’alternative. Il utilise comme repoussoirs l’extrême-droite d’un côté et Jean-Luc Mélenchon de l’autre. Il le peut d’autant mieux que, à droite, et plus encore à gauche avec l’effacement de notre parti, nul ne lui oppose des contre-propositions à la hauteur des défis du XXIe siècle.

Il nous appartient de dissiper les illusions : on ne peut sortir le pays de la crise sans mettre en cause la dictature capitaliste de la rentabilité, en luttant pour prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent. De nombreux exemples actuels permettent d’en faire la démonstration : Ehpad, hôpitaux, délocalisations, Alstom, SNCF, écologie, collectivités territoriales, etc.

Pour l’heure, il y a des différences importantes à gauche : il est de la responsabilité du PCF d’en expliciter publiquement les termes pour chercher à les dépasser.

Le paysage à gauche est dévasté. Le PS, très affaibli, reste incapable de se dégager du social-libéralisme et de faire un bilan critique du quinquennat Hollande. Des socialistes cherchent à reconstruire un pôle social-démocrate. Le mouvement écologiste est en crise. France Insoumise canalise une partie de l’électorat de gauche, mais l’isole dans l’impasse de l’électoralisme, dans une posture protestataire qui cherche un contrôle sur le mouvement social sans respect pour ses priorités revendicatives et son besoin d’indépendance. Le risque est réel que cette posture conduise à des options populistes voire nationalistes. Une parole, forte en apparence, peut masquer des options très réformistes. Déclarer que la gestion de l’entreprise est l’affaire des seuls patrons évacue la dimension de classe du combat.

La démarche communiste doit se déployer dans trois directions : construction politique, bataille d’idées et luttes sociales.

5.5 Une union populaire et politique agissante

Il faut marcher sur deux jambes : luttes et constructions politiques. Cela exige des initiatives autonomes du PCF politisant les luttes, avec la constante ouverture au débat d’idées, et dans le même temps la formulation d’une proposition stratégique à toute la gauche pour ouvrir une perspective vraiment alternative à Macron.

Les communistes doivent travailler en permanence au rassemblement le plus large de toutes les couches salariales et populaires, à développer la conscience des contenus et conditions des changements nécessaires, et à créer les conditions de l’union des forces de progrès. Celle-ci n’est pas un but en soi : elle est un moyen pour la mise en œuvre de choix politiques nouveaux. Il s’agit de construire une union populaire et politique agissante pour sortir de la crise.

Dans un cadre de rassemblement politique, il nous faut continuer à mener des campagnes autonomes afin de faire progresser le rapport de forces en faveur de nos idées.

Il nous faut tendre la main et mettre au défi toutes les forces politiques de gauche, sans partenaire privilégié a priori, sur les réponses aux questions précises posées par les luttes.

S’attaquer à la domination du capital est décisif. Mais l’idée que ce n’est pas une question politique prédomine, de même que prédomine dans notre peuple, y compris à gauche, l’idée qu’on pourrait se contenter de s’y adapter. C’est l’obstacle majeur auquel notre parti doit s’attaquer. C’est décisif pour réorienter notre stratégie et l’ancrer.

5.6 La bataille d’idées

On ne peut plus commencer par la recherche d’entente au sommet, en y soumettant des «  campagnes communes  ». Cette façon de décréter une unité par le haut corsète l’initiative d’action et de proposition du PCF. Elle rabaisse le niveau des exigences et le besoin de cohérence à partager le plus largement pour gagner.

Aussi, outre les fronts que les luttes et l’actualité imposent, nous proposons que le congrès décide d’une campagne permanente sur le coût du capital. Nous voulons faire grandir la contestation radicale des critères de rentabilité imposés par le patronat, les actionnaires, les banques et les marchés financiers, en leur opposant le besoin une autre utilisation de l’argent pour l’emploi, la formation, la création de richesses dans les territoires, la satisfaction des revendications sociales et des besoins écologiques. Jugée nécessaire par une écrasante majorité de communistes, cette campagne serait transversale à nos différentes batailles communistes, sociales comme sociétales, et les renforcerait.

De telles batailles dans une stratégie du PCF comme vecteur du rassemblement et de l’unité populaire contribueraient à construire le socle nécessaire au redressement de notre influence et de nos forces organisées. Elles doivent permettre de mobiliser conjointement militantes et militants, à l’entreprise et dans les localités, et élu·e·s communistes, dans la diversité de leurs rôles respectifs et des moments politiques.

5.7 De nouvelles relations avec le mouvement social

Nos rapports avec le mouvement social (syndicalisme, associations, mobilisations écologistes, ZAD, Nuits debout…) doivent être repensés. Il part de revendications concrètes pour la satisfaction desquelles il réclame des pouvoirs d’intervention, dans une dimension non-délégataire qui lui fait refuser de se couler dans le jeu des alternances politiques.

Le PCF se propose, lui, de faire reculer l’étatisme, la délégation de pouvoir. Il veut s’inscrire dans la construction d’une véritable alternative aux formes politiques du libéralisme en crise. Il lui est donc nécessaire et possible de construire de nouvelles relations avec le mouvement social, syndical, associatif. La recherche d’alternative serait impuissante sans jonction avec celles et ceux qui luttent sur des objectifs concrets. Et se pose, aux composantes du mouvement social, la question de relier leurs luttes à la visée d’une alternative d’ensemble sans laquelle elles ne peuvent pas déboucher sur des victoires durables.

VI. Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire

Il y a besoin d’un parti révolutionnaire. Ce parti ne peut s’en tenir au soutien des luttes et à faire écho à la protestation contre le néo-libéralisme. Il doit contribuer à ouvrir les perspectives politiques dont les luttes ont besoin pour gagner durablement. Il doit organiser et travailler cela dans la continuité, développer en son sein éducation populaire, élaboration théorique et échanges.

La rupture mal conduite avec la conception d’un « parti guide » nous a conduit à abandonner l’ambition d’être à l’avant-garde des luttes et des idées, de jouer le rôle actif d’éclaireur qui devrait être le nôtre. Cela a conduit à la suppression de ce qui faisait la force de notre organisation, particulièrement le parti à l’entreprise, et à un relativisme théorique éclectique au détriment d’un marxisme vivant et ouvert sur les grands débats d’idées.

De nombreux travaux ont été menés dans le parti pour analyser, comprendre la situation contemporaine, ses différents aspects, ses contradictions, son aggravation et formuler des propositions. Mais les directions nationales successives n’ont pas su ou voulu créer les conditions de la réflexion collective des communistes pour qu’ils et elles s’approprient ces travaux et les enrichissent. Sous prétexte de faciliter un rassemblement a minima, la direction n’a jamais cherché à faire le travail de simplification populaire de nos propositions dans le débat public avec des initiatives d’action capables de rassembler.

Nos propositions n’ont quasiment servi que dans les textes de congrès et, très peu, dans les campagnes électorales. Cela n’est-il pas à la racine de la perte de visibilité et de crédibilité du parti ? Nombre de camarades ont tiré la sonnette d’alarme, à différents moments.

Aujourd’hui, Macron aurait-il autant d’espace pour imposer des réformes qui ont toutes pour pivot la baisse du « coût du travail » si le Parti communiste avait mené dans la durée une campagne sur le coût du capital ?

Ce congrès doit permettre de redonner à notre parti une grande ambition révolutionnaire et de redéfinir son rôle.

Le mouvement populaire et l’intervention citoyenne, aussi essentiels qu’ils soient, ne sont pas spontanément transformateurs, pas plus que le communisme ne se développe naturellement dans la société. Défendre les avancées sociales menacées, contester le partage des richesses ne conduit pas spontanément à mettre en cause les pouvoirs patronaux et du capital.

Ainsi, la création de la Sécurité Sociale, innovation sociale majeure qui a donné un avant-goût de communisme, n’est pas tombée du ciel. Elle a été le produit d’une jonction entre des luttes considérables et une idée révolutionnaire, traduite par les communistes dans les institutions après la Libération.

Pour rendre majoritaire l’exigence d’autres choix, il faut avancer des idées originales capables de faire reculer l’emprise des idées dominantes. Il faut avancer sur des solutions transformatrices à la hauteur du défi de transformation posé par la crise. Confrontons nos propositions avec les autres forces politiques de gauche, agissons pour que les luttes s’en emparent.

L’identité du PCF, dans le combat de classe de notre temps, est indissociablement démocratique et révolutionnaire.

Notre action doit avoir une double dimension : contribuer au rassemblement pour faire reculer Macron jusqu’à créer les conditions d’une politique alternative et, inséparablement, favoriser l’avancée vers un dépassement du capitalisme.

L’expérience montre qu’il ne suffit pas de faire adopter en congrès un relevé de décisions détaillé, voué à rester inappliqué. Il revient au congrès de définir une conception du parti et une orientation d’organisation. C’est le nouveau Conseil National qui doit être chargé de la mise au point de décisions précises en inscrivant ces questions à son ordre du jour. Il faudra examiner les transformations éventuelles de nos statuts que ces transformations appellent à partir d’un bilan d’expérience, en vue du 39ème congrès.

6.1 Relancer l’organisation du parti à l’entreprise

Portons le combat jusqu’au cœur du système capitaliste : les entreprises et les banques. Il faut relancer l’organisation du parti à l’entreprise. Ce terrain a été abandonné. Le 37ème congrès avait même décidé d’un conseil national sur cette question. Il n’a jamais eu lieu.

Pourtant l’entreprise est un lieu décisif de la lutte de classes. Lieu de pouvoir sur l’économie, la société et la vie quotidienne, c’est aussi un lieu où le patronat peut imposer ses idées. Un lieu où se forge un vécu d’expériences et des mentalités sur lesquelles peuvent s’imposer les idées dominantes comme se construire une conscience de classe.

C’est si vrai que les gouvernements successifs, dans le sillage du Medef, n’ont cessé de faire de l’entreprise la pièce centrale de leur politique, cherchant ce que Hollande a pu qualifier de « compromis historique » de soumission des salariés et de la société aux objectifs patronaux. Avec Macron, ce chantier prend une bien plus grande ampleur en visant une destruction sans précédent des acquis sociaux, tout en cherchant à intégrer le plus possible le salariat à ses choix politiques à partir de l’entreprise.

Pour libérer la politique de la dictature du marché, il faut une appropriation sociale effective des entreprises et des banques, et de toutes les institutions qui leur sont liées. De même que nous n’entendons pas déléguer la politique et l’intérêt général au sommet de l’État, nous devons refuser de déléguer la gestion des entreprises, avec la production des richesses, aux capitalistes. La séparation entre l’économie et la politique est au cœur du capitalisme et de ses aliénations. Nous voulons la dépasser.

Il est donc vital de relancer réellement, sans se contenter de promesses de congrès, la vie du parti et le combat organisé si indispensables dans les entreprises et autour d’elles. C’est aussi la condition pour faire progresser une conscience de classe et une unité politique du salariat dans sa diversité, sur l’ensemble des enjeux qui le concerne, dans l’entreprise comme dans la cité.

6.2 Faire vivre les batailles politiques dans les territoires

Sur les territoires aussi, le Parti communiste doit s’investir dans des luttes locales immédiates, tout en cherchant à faire progresser les idées de changement de politique et de société. Ainsi au travers de la défense des différents services publics si nécessaires aux populations, nous pouvons faire percevoir les enjeux nationaux et politiques des décisions locales. À nous d’expliquer qu’elles résultent d’une logique politique : réduire coûte que coûte les dépenses publiques et sociales, tout en épargnant les gâchis capitalistes source des déficits et des dettes publiques, livrer des pans entiers de l’activité humaine au marché et aux profits capitalistes. Nous pouvons à partir de ces luttes locales porter des propositions pour une autre logique que celle du taux de profit.

6.3 Les élu·e·s

L’existence du parti et de son organisation sont essentielles pour faire vivre de telles batailles dans la proximité. Le rôle des élu·e·s est précieux pour les crédibiliser et leur donner de la visibilité, pour accéder à des informations indispensables, pour porter ces combats jusque dans les lieux de pouvoirs institutionnels, dont il faut utiliser tous les leviers d’action tout en en montrant les limites. C’est ensemble, militantes et militants, élues et élus, que nous pouvons créer les rapports de force permettant d’arracher les moyens d’une vie digne pour tout un chacun.

L’enjeu aujourd’hui pour notre parti est de permettre d’avancer vers une démocratie participative et d’intervention, ouvrant ainsi la voie à la construction progressive d’une démocratie autogestionnaire.

6.4 La formation

La formation des militantes et des militants est une demande très forte. Son développement est une nécessité absolue. Elle exige un nouvel effort méthodique et suivi de réorganisation à tous les niveaux de responsabilité à partir des apports du marxisme vivant. Il s’agit non seulement de permettre aux communistes de se les approprier, mais aussi de pouvoir être actrices et acteurs de l’élaboration de nos avancées et propositions.

Partant du rôle fondamental de la lutte de classes dans l’histoire, et du rôle du capital, l’analyse critique de Marx, dépassant le socialisme dit utopique, a posé les bases d’une vision beaucoup plus rigoureuse du socialisme et du communisme. C’est à partir de cette analyse qu’il a montré la nécessité de l’existence de partis communistes et d’une Internationale. Aujourd’hui, ni sclérose dogmatique ni éclectisme confondu avec ouverture, il faut encourager le travail de création théorique en liaison avec les luttes et expériences, avec l’ambition d’une nouvelle hégémonie culturelle sur la gauche et dans la société.

6.5 Travailler à une nouvelle organisation du parti et à son renforcement

Pour tout cela il nous faut analyser lucidement le fonctionnement du parti. Depuis 2012, nous assistons à une dérive présidentialiste dans le parti lui-même, qui dessaisit les instances de direction et les communistes de toute maîtrise réelle sur les décisions engageant l’avenir du parti. La disparition de l’élection du secrétaire national par le CN au bénéfice du congrès a participé de cette présidentialisation.

Il est vital de travailler vraiment à une nouvelle organisation de notre parti et à son renforcement.

Revalorisons le rôle, les moyens et la souveraineté des organisations de proximité (territoires et entreprises). L’abandon des cellules a en effet gravement appauvri la vie démocratique du parti et affaibli son ancrage de terrain. Cela a contribué à réduire les capacités d’action des sections et diminué le nombre de camarades participant aux débats et initiatives. À partir de nos forces existantes et de leur renforcement, nous devons viser une nouvelle efficacité pour l’action, renforcer notre ancrage social mis à mal et rechercher une liaison avec ce qui émerge de neuf dans la société.

Les sections doivent être conçues pour le développement de leur vie politique et la prise de décision d’action, bien au-delà des AG de section.

Les fédérations départementales sont essentielles. Elles doivent permettre l’échange, la prise de décisions, l’action coordonnées sur un même département et l’appui aux sections.

Sans affaiblir le niveau départemental et sans le « coiffer », il est nécessaire de donner au niveau régional un rôle à la hauteur des responsabilités du parti.

Le principe de réseaux, thématiques ou d’entreprise, dans le PCF, a été acté depuis plusieurs années. Beaucoup de communistes y sont investi·e·s. Ne faut-il pas, pour concevoir un développement efficace au regard des objectifs du parti, procéder à une évaluation sous la responsabilité du CN ?

Une restructuration de notre organisation demande un effort tenace et intense. Pour progresser, les maîtres-mots devraient être recensement des expériences et des potentiels, expérimentation de nouvelles manières de faire, évaluation, mutualisation et formation. Et ce à tous les niveaux, de la cellule au conseil national, en passant par les sections et fédérations. La direction nationale doit en assumer un rôle d’impulsion et de suivi dans la durée.

6.6 Renouveler nos directions et leur fonctionnement

Nous avons besoin de directions qui travaillent, construisent collectivement une ligne politique et l’incarnent, dans le parti et dans la société. Nous nous donnons comme objectif de transformer la manière dont nous choisissons nos directions et leur pratique de travail pour :

  • Permettre à des milliers de femmes et d’hommes, notamment issus des milieux populaires, de zones rurales comme de grandes agglomérations, de prendre des responsabilités militantes et électives ;
  • Rendre possible la pleine implication de camarades salarié·e·s dans le travail de direction ;
  • Rendre possible un travail collectif soutenu et efficace, quelles que soient les différences de culture et d’expérience politique ;
  • Articuler le développement du débat démocratique interne à tous les niveaux, la liberté de chaque communiste avec la mise en œuvre des décisions du parti ;
  • Rendre possible une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans les directions : non seulement une composition à parité, mais une égale possibilité d’intervention.
    Le congrès précédent avait pris des décisions en ce sens (désignation d’une équipe de porte-paroles, à parité, chargés de faire entendre la voix du PCF dans les médias ; organisation d’un service de garde d’enfants pour toutes les réunions importantes des directions…). Il est incompréhensible qu’elles n’aient jamais été mises en œuvre.

Le conseil national, élu par le congrès, est la seule instance de direction nationale. Il doit pouvoir assumer pleinement cette responsabilité. Le CEN doit servir à préparer ses décisions et en impulser la mise en œuvre en liaison avec l’actualité, et non se substituer à lui. Le CN doit pouvoir décider de ses ordres du jour et faire très régulièrement le bilan de l’application de ses décisions. Il doit être tourné vers la réorganisation et le renforcement du parti.

6.7 Partage d’informations, communication et bataille pour L’Humanité

Les nouvelles technologies sont un outil d’efficacité, d’initiative, de transmission de l’information, de concertation. Il faut se garder d’en faire un moyen de centralisation du pouvoir, travailler à des formations permettant à chaque communiste d’y accéder et combattre ainsi la fracture numérique au sein même de notre parti. Ces moyens technologiques aident au travail militant mais ne remplacent pas les débats nécessaires dans les organisations territoriales et d’entreprises.

CommunisteS devrait devenir un support ouvert de partage d’informations et d’expériences, au lieu d’être seulement conçu comme un bulletin de la direction.

L’Humanité : l’existence du journal de création communiste est menacée. Par-delà les débats de contenu ponctuels et critiques, le journal demeure quotidiennement le vecteur des idées de progrès, des valeurs et des combats communistes dans le pays et dans le monde. Les sorts de L’Humanité et du PCF sont liés. Les communistes financent, vendent, diffusent et promeuvent L’Huma. Ils et elles la lisent quotidiennement. Elle est parfois le poumon du parti. Il faut qu’ils et elles puissent mieux s’en sentir partie prenante. Cela demandera très probablement de trouver les voies de nouveaux liens entre L’Humanité et les communistes, permettant de renforcer les deux, en toute indépendance journalistique.

Le contenu de la communication nationale du parti est très critiqué. En liaison avec des décisions de réorientation politique, nos moyens de communication doivent en particulier être des outils au service de la bataille d’idées précise sur nos propositions et permettre une identification du parti.

** *
Donnons-nous quatre grandes priorités immédiates  :

  • recenser, structurer et développer nos forces dans les entreprises ;
  • faire de notre parti une organisation féministe exemplaire ;
  • redevenir attractif pour la jeunesse et donner, avec les moyens et l’aide nécessaires, dans le respect de leur autonomie, un nouvel élan aux organisations des jeunes et des étudiantes et étudiants communistes ;
  • prendre des initiatives pour contribuer à organiser un réseau international de forces révolutionnaires pour une bataille internationaliste visant une autre mondialisation (paix, économie, climat, migrations …).
    Tout cela représente des transformations importantes de notre parti.

Pour changer cette société, le parti doit permettre l’intervention politique des travailleuses, des travailleurs, comme de toutes celles et de tous ceux qui en sont exclus, dans la proximité comme au plan national et international. Cela demandera un effort acharné. Mais vie politique de proximité, formation et accès aux responsabilités sont indispensables pour, dans un même mouvement, repolitiser, répondre à la crise de la politique et commencer à engager des transformations de portée révolutionnaire.

Nous faisons le choix du communisme

Le monde a besoin de révolution. Il a besoin d’idées communistes, d’un manifeste communiste pour le XXIe siècle. Notre peuple a besoin d’un Parti communiste, riche de l’engagement et de la diversité des hommes et des femmes qui y militent, d’un Parti communiste rassemblé dans l’action pour ce qui est sa raison d’être : dépasser le capitalisme jusqu’à son abolition, jusqu’à la construction d’une nouvelle civilisation libérée de l’exploitation et de toutes les oppressions.

« Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront

Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche »

Aragon

 

 

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« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

Ce texte a été proposé par des adhérents du Parti Communiste Français comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018.

« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes » représente une tendance de type syndicaliste. C’est une opposition qui se veut « orthodoxe », prônant le retour au Parti de George Marchais, qu’il désigne comme la dernière vraie figure du PCF.

Sa principale figure est Emmanuel Dang Tran, qui dresse un bilan très critique de la direction actuelle, proposant de « faire vivre le PCF avec, sans ou contre la direction ».

On peut résumer cette tendance par quatre points :

  1. une ligne « économiste » qui ne s’intéresse pas aux questions culturelles ;
  2. une ligne largement opposée à la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ;
  3. contre faire de l’Union Européenne et des migrants des thèmes principaux ;
  4. contre l’association à un mouvement général de gauche et à la reconstruction de la sociale-démocratie.

PCF

« Le PCF a besoin d’un congrès vraiment extraordinaire : celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-effacement-liquidation ». La direction du Parti s’applique à ce que ce ne soit pas le 38ème, qui n’a d’extraordinaire que le nom et qu’elle entend boucler comme d’habitude. Les élections législatives de 2017 ont pourtant mis en évidence les résultats catastrophiques de cette stratégie, peut-être pas pour les tenants de l’institution, mais gravement pour les communistes sincères, le monde du travail, son avant-garde, ceux qui sont à la recherche de l’outil politique pour résister à l’intensification de l’attaque capitaliste dans la lutte des classes.

A l’exigence renforcée d’un congrès extraordinaire, nous, militants, responsables d’organisations locales du PCF, nous répondons par un texte alternatif d’une autre forme que précédemment. Nous proposons une motion d’actualité, de circonstance. Elle constitue d’abord une motion de censure pour exprimer le rejet des choix de la direction et montrer que le PCF ne se réduit pas à elles. Elle est aussi un appel à s’organiser plus largement pour se réapproprier le Parti par la base, en le faisant vivre, sur les rails de la lutte des classe, avec, sans ou malgré ses directions.

Il y a deux ans, pour le 37ème congrès, nous avons produit le texte « Reconstruire le parti de classe, donner la priorité au rassemblement dans les luttes ». Il continue à porter largement les analyses de la situation politique générale, suivant nos fondamentaux théoriques. Nous posons quelques points d’actualisation – Macron/Trump/UE/Syrie… – dans la motion pour le 38ème congrès, sans reprendre toutes les questions. Elle en reprend le titre, résumé de notre démarche.

Rompre avec le réformisme mortifère, renouer avec des positions communistes

Le résultat des législatives, 613.000 voix, et encore en comptant les candidats soutenus par d’autres partis, est le plus mauvais de toute l’histoire du PCF. Avec 1,23% des inscrits, on frôle l’insignifiance. Nous ne considérons pas que la cause profonde de ce désastre soit un accident de l’histoire ou une erreur tactique, ou encore le grand méchant Mélenchon. C’est le reflet de la stratégie d’effacement du Parti, de ses positions et son organisation, à la date actuelle. Les 613.000 voix de 2017 sont à situer dans une série, suivant les 960.000 de Hue en 2002 et les 707.000 de Buffet aux présidentielles de 2002 et 2007, élections réputées plus difficiles. Petit rappel : nos candidats avaient obtenu 5.793.000 suffrages aux législatives de 1978.

La seule chose que n’avait sans doute pas envisagée la direction en 2016/2017, c’est d’avoir à présenter, seule, des candidats étiquetés PCF. 450 ont été envoyés au casse-pipe pour que quelques-uns, aux prix de négociations humiliantes, soient possiblement élus. Les promoteurs de la Mutation au congrès de Martigues en 2000 posaient le primat de la présence dans les institutions sur l’action dans les luttes. En 2017, ils sont exaucés ! Malgré la perte d’influence sans précédent, le PCF gagne 4 députés. Déjà, à Paris, en 2014, grâce à l’accord octroyé par la municipalité social-libérale Delanoë-Hidalgo, les élus PCF ont 4 fois plus de places que ne leur en aurait données la proportionnelle intégrale… Rappelons combien cet accord a lourdement plombé les candidats communistes ailleurs.

En juin 2017, le contraste était béant. Quand les communistes sincères étaient accablés par le résultat électoral, la direction poussait un ouf de soulagement, puisque le groupe parlementaire, donc l’institution, était préservé. Ensuite, le choix de temporiser, le refus de réagir, même symboliquement, à la hauteur du nouveau désaveu ont donné aux communistes et à ceux qui s’intéressent au PCF un signal désastreux. Chez les camarades – et nous le mesurons à cette phase du congrès – cela va de la colère à la résignation, en passant par l’éloignement en douceur, le découragement et le dégoût. Dans le monde du travail, dans les syndicats, chez les sympathisants, dans la population l’indifférence gagne, au point que chez certains plus jeunes, le sigle PCF ne soit même plus toujours identifié.

Depuis un an, la direction du Parti a poursuivi comme si de rien n’était, ajoutant à la consternation de ceux qui attendent encore une position de lutte du PCF. Aux adhérents, on a proposé un questionnaire/sondage bidon, en s’appuyant, comme nous l’avons dénoncé, sur un logiciel de fichage et de marketing politiques acheté à la société américaine « Nation Builder ». Sur l’UE, la direction du PCF a organisé un forum à Marseille en novembre 2017, pour le compte du Parti de la Gauche européenne. Sous l’égide d’une vidéo de Tsipras, les dirigeants du PCF et du PGE, en vue des élections européennes, ont illustré leur ligne réformiste de « réorientation » du l’UE du capital et ses institutions. Nous demandons, plus que jamais, la sortie du PCF du PGE, outil d’intégration des partis progressistes à l’UE du capital.

Plutôt que songer à relever le Parti, la direction a repris immédiatement sa recherche d’intégration dans une recomposition politique à gauche. La phase de décomposition-recomposition de la social-démocratie, après les élections de 2017, offre de nouveaux partenaires possibles, moins directement plombés par le bilan de Hollande : le Rocardien Hamon, ministre pendant la réforme ferroviaire de 2014, Maastrichien convaincu ou les rescapés d’EELV, le parti cofondé par Cohn-Bendit. Dans ce contexte, la direction du PCF espère sortir du tête-à-tête avec Mélenchon, les présidentielles passées. Le caractère hétéroclite et la concurrence entre dirigeants de la « France insoumise » (FI) offre aussi d’autres interlocuteurs potentiels. Dans cet esprit, la direction a pris l’initiative d’un meeting, raté, le 30 avril 2018 (Hamon se décommandant au dernier moment). Surtout, elle a officiellement lancé une offre de rassemblement de toutes les forces de « gauche », qui se disent anti-Macron, pour les élections européennes (qu’elles soient pro- ou anti-maastrichiennes).

Dire stop aux combinaisons politiciennes qui accélèrent notre effacement

Pour nous, la question n’est pas de refuser systématiquement des alliances politiques. Mais elles dépendent de l’objectif et leur recherche ne peut être un préalable. Ce qui est un préalable, pour pouvoir s’allier, c’est exister soi-même ! Et le rassemblement prioritaire auquel doit viser un parti communiste, c’est le rassemblement dans la lutte des classes.

Face à la politique au service du Capital, encore accélérée, par Macron, l’orientation maintenue du PCF l’a rendu incapable de contribuer efficacement à la convergence des luttes. La direction s’est inscrite dans les manifestations des samedis 21 septembre 2017 et 5 mai 2018, malgré les réticences de la CGT. Avec les leaders de gauche, en concurrence pour prendre le leadership de l’opposition, ces manifestations politiciennes « pot-au-feu » ont court-circuité l’objet essentiel des convergences de luttes (et de grève). Le samedi 26 mai 2018, la manifestation à laquelle la CGT a appelé à participer, dans des conditions précises, a montré qu’une juxtaposition de luttes diverses ne faisait pas la convergence, notamment autour des cheminots, tandis que les récupérations politiciennes évidentes ont démobilisé. La direction du PCF fait, dans son texte de congrès, un symbole de sa perspective d’union de cette modeste marée.

Agir dans les luttes pour des ruptures immédiates

La lutte des cheminots est appelée à se poursuivre, sans doute sous d’autres formes. Elle était et reste porteuse de très larges convergences : services publics, statuts du travail, retraites. La ligne de la direction du PCF, après le refus de s’opposer frontalement à la réforme ferroviaire de 2014, sans revenir à la collaboration de Gayssot dans le gouvernement de « gauche plurielle », est inapte à construire ces convergences, malgré l’élan de solidarité des communistes vers les grévistes. Aucune initiative nationale, de type pétition ou « votation », n’était envisageable en dehors d’une unité – impossible – de la gauche (hors PS) : voir la réunion du 10 avril « unitaire des partis de gauche et écologique », dont un bon nombre ont soutenu la « réforme ferroviaire » de 2014. Pour la direction du PCF, il n’est pas question non plus de remettre, nationalement, en cause le cadre européen (malgré l’opposition de classe massive à l’UE et, là, sur un sujet économique et social fondamental !). Du coup, sur le fond, elle s’est limitée à évoquer des « dérogations » possibles, notamment dans les régions, aux directives de mise en concurrence. Elle a sorti une pétition aussi peu lisible et mobilisatrice que fausse et abracadabrantesque pour « faire pression sur le BCE pour une réorientation de sa politique de Quantitative Easing en vue de la création d’un fonds européen pour les services publics, notamment le ferroviaire, qui pourrait reprendre la dette de la SNCF ». Le salut par l’UE et la planche à billets ? Alors même, de surcroît, que la question, importante, de la dette n’est pas dans le projet de loi (le gouvernement, ayant gagné sur la concurrence et la transformation en sociétés anonymes, est prêt à la reprendre).

Dans sa logique, la direction a rejeté notre proposition de pétition pour le maintien du monopole public SNCF sur les trains de voyageurs, le retour au monopole pour le fret, la réunification dans un seul établissement public de la SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et pour la défense du statut et des conditions sociales des cheminots. Nous avons dû la déployer à partir de nos organisations de base du Parti. Quel gâchis !

Le vrai congrès extraordinaire sera celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-liquidation ».

A défaut d’être « extraordinaire », le 38ème congrès s’annonce-t-il donc exactement comme les précédents ? Non pas tout à fait. Pour deux raisons. Devant la violence du désaveu électoral, la direction a pris, d’abord, la précaution d’avancer de 6 mois la tenue du congrès normal pour éviter que les communistes se prononcent, au bon moment, en connaissance, sur les candidatures et les ralliements aux élections européennes. Ensuite, les clans dirigeants se divisent sur deux textes, celui adopté par le Conseil national du 3 juin 2017 et celui, alternatif, porté par les « économistes », des ex-huistes, des personnalités comme André Chassaigne et André Gerin, des « identitaires », ralliés par différents groupes trotskystes. Nous dénommerons par la suite ce texte « texte direction-bis » puisqu’il reprend globalement les thèses les plus réformistes, celles des économistes, l’acceptation de l’UE du capital et du PGE, les théories révisionnistes de la « visée communiste » et du « dépassement du capitalisme », inventées sous Hue pour renoncer au socialisme et à la rupture avec le capitalisme. Dans un contexte de lutte des places, illustrée par la scandaleuse tribune de jeunes dirigeants dans la presse bourgeoise pour réclamer des places correspondant à leurs ambitions (le PCF parti comme les autres !), le texte « direction-bis » vise avant tout à faire porter le chapeau de l’échec à Pierre Laurent, son équipe rapprochée et aux choix tactiques qu’ils ont assumés en 2016 et 2017 (dont les « primaires » pourtant défendues par des tenant du texte-bis).

Divisée, la direction du PCF continue à faire l’impasse sur le bilan de 25 ans d’abandons et de reniements des fondements du Parti.

Mais, les deux clans dirigeants s’entendent notamment sur l’entourloupe principale de la préparation du congrès. Toute la préparation des élections européennes est décidée en dehors de l’expression des communistes, c’est-à-dire du vote sur les différentes motions le 6 octobre. La ligne, dans l’axe du PGE, élaborée pour les européennes a été actée par le Conseil national du 31 mars 2018. Un « chef de file » des candidats a été désigné hors de toute procédure statutaire. Il s’agit d’un des « trentenaires » ayant affiché sa disponibilité à ses ambitions. Ian Brossat, symbole de l’alignement sur le social-libéralisme à Paris, se trouve érigé de fait porte-parole du Parti. Le tour de passe-passe consiste à faire croire aux adhérents qu’il y aura une présence communiste autonome aux élections européennes. Après le 6 octobre, même après le congrès lui-même, tous les arrangements à « gauche » seront possibles, indépendamment de l’avis des communistes.

Dans le contexte nouveau, après le résultat des présidentielles, et les nouvelles perspectives de recomposition à gauche, on retrouve le plan B de la consultation de fin 2016 sur les présidentielles, tronquée et non statutaire déjà, sans appel à candidature et dans le refus d’une candidature communiste sur un programme communiste. Le plan A, porté par Pierre Laurent, posait le soutien à Mélenchon. Le plan B, porté notamment par André Chassaigne, proposait d’attendre, de porter une candidature virtuelle, « rétractable », jusqu’au résultat des primaires du PS. Le plan B préférait s’assurer de miser sur le bon cheval, préférait un candidat issu du PS et souhaitait donner une visibilité, même factice, au PCF dans la période. Le plan A a prévalu car il commençait à être clair dans les sondages que Mélenchon, déjà lancé, devancerait Montebourg ou Hamon, que peu voyaient encore en piste.

Il n’a jamais été sérieusement question de présenter un candidat communiste aux présidentielles. Les sondages culminaient à 1 ou 2% comme aujourd’hui, lorsqu’une liste PCF aux européennes est sondée. Comment pourrait-il en être autrement après un tel effacement des positions communistes et le choix de le poursuivre, notamment en étant « eurocompatible » ? Aux européennes, le seuil pour obtenir des sièges, désormais sur une liste nationale est de 5%. Les élections auront lieu en juin 2019, la constitution des listes en mars. Bien après la consultation biaisée des adhérents, les directions pourront combiner et choisir le « bon cheval » ou le moins mauvais pour conserver quelques sièges.

Unis dans cette opération politicienne (meeting Laurent-Chassaigne-Brossat du 2 juillet), les textes du Conseil national et de la « direction-bis » diffèrent très peu – appel au bilan biaisé et partiel, autocritique superficielle, thèmes de diversion, socle idéologique réformiste, sauf dans la charge dirigée par le texte-bis sur le secrétaire national et sa gestion récente. Les deux tendances de la direction se rejoignent désormais aussi dans la condamnation, l’épisode présidentiel passé, du « populisme » de Mélenchon. Dire que lorsque nous avions démasqué le Mitterrandien et Maastrichien Mélenchon, dès 2008, on nous avait qualifiés de calomniateurs…

Un troisième texte, issu d’un autre groupe dirigeant, dont les « refondateurs » et certains idéologues de la Mutation, affiche son attirance pour la FI et sa volonté d’un dépassement de la forme parti en général et d’une disparition maîtrisée du PCF en particulier. Dans leur clarté, ces poissons-pilotes de la liquidation devraient avoir l’honnêteté de quitter le PCF et de laisser ceux qui veulent le continuer.

La FI « populiste », le contraire du parti de classe

Si ce n’avait pas été Mélenchon et la FI, d’autres auraient « plumé la volaille communiste », tant notre Parti est désarmé. Dans notre texte du 37ème congrès, nous avons longuement analysé, de façon très critique, la forme d’organisation prônée par Mélenchon et le Parti de Gauche. La critique est à affiner et à approfondir avec la FI et son succès relatif uniquement ou presque électoral, en partie (seulement) dans la classe laborieuse. Electoralisme, méthodes lobbyistes, fond politique social-démocrate et keynésien (aides ciblées au capitalisme) : les formules, à comparer à celles de Podemos en Espagne, de Syriza en Grèce, ou de « Cinque Stelle » en Italie sont les plus éloignées de notre conception du parti de classe en lien avec les luttes. Dans son ensemble très hétéroclite, qui semble lié par l’opportunisme, le populisme propre de Mélenchon nous est inacceptable quand il rejoint le chauvinisme, fait le lit du populisme de droite et confine à la xénophobie, quand il dénonce « les travailleurs détachés qui mangent le pain des Français » ou conspue les retraités allemands qui saigneraient les peuples du sud. Il n’y a aucun avenir pour des communistes dans la FI !

Le concept historique de « gauche » est mis en question, notamment par certains de la FI qui, comme l’ex-FN (dans les limites du parallèle), se disent ni de droite, ni de gauche. Pour nous le repère historique de « gauche » continue d’exister dans le pays comme ferment progressiste, même si la « gauche institutionnelle » est complètement discréditée et discrédite la notion « gauche », ce qui est grave. Pour autant, Parti communiste, nous nous adressons en priorité, bien sûr d’un point de vue de « gauche » anticapitaliste, aux travailleurs suivant leurs intérêts de classe objectifs, avant leur identification politique.

La lutte des classes traverse aussi le PCF

Notre texte-motion alternative a pour objectif de permettre de sanctionner ces choix des groupes dirigeants du PCF, mais pas seulement. Nous sommes conscients d’à quel point sont consternants, décourageants, pénibles les démêlages des stratégies et calculs politiciens. Nous devons nous faire à l’idée que la lutte des classes traverse, depuis longtemps maintenant, les organisations révolutionnaires historiques de notre pays, dont le PCF. Le PCF, son histoire, son existence, l’existence d’un parti communiste indépendant, entièrement tourné vers l’intérêt des travailleurs dans la lutte des classes, sont devenues des questions de lutte en soi.

La contradiction fondamentale est la même depuis plus de 25 ans et la victoire de la contre-révolution à l’est (ceci constaté indépendamment de nos critiques). L’anticommunisme s’est trouvé considérablement renforcé au point que l’idéologie dominante espère aujourd’hui renvoyer aux oubliettes de l’histoire le seul mouvement politique qui a mis en échec le capitalisme sur une partie du monde.

L’existence et le rayonnement des partis communistes est un enjeu de la lutte des classes.

Les partis communistes ont tous subi la déflagration. Ils ont réagi en fonction du niveau de leur intégration dans la démocratie bourgeoise et de leur ancrage dans la lutte des classes. Après souvent des luttes internes douloureuses, des partis sont clairement restés communistes : le KKE en Grèce, le PCP au Portugal, les « petits » partis luxembourgeois ou allemand, le PC du Venezuela, etc. D’autres appareils dirigeants ont fait aussitôt leur « coming out » socio-démocrates, en Suède, dans la plupart des pays de l’Est, et surtout en Italie allant jusqu’à se convertir en parti démocrate à l’américaine. L’étude comparée de ces situations est un point très important de notre démarche.

En France, les nouvelles directions successives se sont retrouvées devant une contradiction qu’elles n’ont pas encore surmontée. La préservation des fortes positions institutionnelles, héritées de l’Union de la gauche, a largement prévalu et, pour cela, elles ont courbé l’échine devant l’idéologie dominante. Les reniements en série au moment de la « gauche plurielle » en ont été le révélateur. Mais elles n’ont jamais réussi à changer le nom du Parti. C’était exclu au congrès de 1991. La tentative a avorté avant le congrès de 2000. La tentative, même, d’autodissolution après juin 2007 a été retirée. Notre appel d’alors « Pas d’avenir sans PCF » y a beaucoup contribué.

Elles se sont heurtées à la résistance des adhérents, même après le sabordage des organisations de base, les cellules. Le PCF a perdu de l’ordre de 90% de ses adhérents de 1995 en nombre, et encore davantage en militants. Elles sont heurtées au fait historique PCF, à ce que le Parti des grandes conquêtes sociales et de la Résistance, notamment, continue à représenter dans l’inconscient intellectuel du pays. L’appareil dirigeant a compris qu’il perdait tout s’il cessait d’être le dépositaire, ingrat, de ce glorieux héritage.

Une solution s’est alors imposée : rester gardiens du PCF, mais l’effacer dans un ensemble, dans une recomposition politique à « gauche ». Plusieurs scénarios ont été et sont toujours, plus que jamais, envisagées, concurrents ou complémentaires, impliquant tous l’effacement du PCF : gauche plurielle avec tout le PS, maintenant avec une partie ou les ex-PS et EELV, « maison commune de la gauche », « collectifs antilibéraux », « front de gauche » etc. La liste « Bouge l’Europe » en 1999 avait déjà donné un avant-gout caricatural de cette stratégie.

Après l’échec de la candidature unique des « collectifs anti-libéraux » en 2006, la direction est allée chercher Mélenchon pour créer avec lui, en 2008, en parallèle du 28ème congrès, et en doublant les communistes (encore une fois), le « Front de gauche ». La suite de l’histoire est rappelée plus haut.

« Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre sa direction »

Nous sommes lucides sur les effets de tant d’années de reniements. Le Parti est en déliquescence. Sa vie a disparu de la plupart des localités, presque complètement des entreprises. Elle se limite à la préparation des élections dans d’autres, à des élus, souvent (pas toujours) coupés de base.

Les directions successives portent, de façon absolument incontestable, la responsabilité de la destruction du Parti. Nous ne nous sommes jamais fait l’illusion de « remettre sur les rails de la lutte des classes » ces directions. Leur survivance institutionnelle implique de lui tourner le dos, de « transformations en transformations ». Le slogan de ce congrès « révolutionner le Parti », et non le système, révèle la perspective de tourner en rond et de s’enfoncer.

Tout observateur peut vérifier ce processus. Nous ne le contrerons pas en faisant des choix illusoires du moindre mal, de congrès « de la dernière chance » en congrès de la « dernière chance ». L’expérience est déjà faite, s’ajoutant à l’analyse.

Face au capital, aujourd’hui plus que jamais, notre peuple a besoin du PCF !

Nous voulons maintenir un parti communiste en France, issu du marxisme et du léninisme, de l’organisation du mouvement ouvrier français qu’ils ont fécondée depuis 1920. Pour cela, nous ne lâchons pas et ne lâcherons pas la bataille du PCF, de ce qu’il représente d’historiquement irremplaçable, dans la population, dans la classe ouvrière, dans le mouvement syndical d’origine révolutionnaire. La bataille pour la légitimité de ce que représente le PCF doit aller jusqu’au bout.

Nous appelons, à nouveau, les communistes, qui ont quitté le PCF ou, cas le plus fréquent, en ont été écartés mécaniquement, faute de fonctionnement, à se réapproprier le Parti, cellule par cellule, section par section. Nous entendons et affirmons vouloir, mieux que précédemment, appuyer ce processus, en partant de la base, avec une visibilité nationale. Les communistes et ceux qui n’aspirent qu’à le devenir sont plus forts que les directions gestionnaires de la faillite.

Relancer partout l’action communiste

La démarche que nous mettons en avant est loin d’être uniquement critique, c’est avant tout une démarche constructive, une démarche de RECONSTRUCTION du PCF à partir des luttes. Notre démarche reste une coordination respectant la situation de chaque organisation du PCF et militant. Nous revendiquons d’être identifiés nationalement comme « RECONSTRUCTEURS » dans le PCF (maintenant qu’une expérience complètement différente portant ce nom est tombée dans l’oubli).

C’est dans ce sens que nous avons abordé, depuis nos organisations locales du PCF et leur coordination, les batailles essentielles contre la politique au service du capital de Hollande, puis de Macron, depuis le dernier congrès. C’est dans ce sens que nous envisageons la suite des grandes batailles en cours et qu’annonce le pouvoir.

Nous nous reconnaissons dans la formule que prononça le grand résistant communiste André Tollet lors d’une conférence de presse, en 1999, de camarades décidés, déjà, à combattre la ligne de mutation-liquidation du Parti. Certains d’entre nous y participaient. « Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre (malgré) sa direction ». Pour nous, ce n’est pas qu’une formule. C’est une pratique essentielle. Le cas général, en partant des priorités de la lutte, ce n’est ni « avec », ni « contre » mais « sans ». Les directions du Parti ont abandonné le terrain de classe, l’animation du Parti de classe et de masse. Leurs transformations en ont fait un parti de postures, replié sur les enjeux électoraux et institutionnels. Nous l’avons analysé comme un choix politique méthodique de dévitalisation, des années 1990 à aujourd’hui (« révolutionner le Parti » !). Pour autant rarement, sauf sur l’UE, la direction n’est en état de désavouer officiellement les positions « naturelles » des communistes, celles que les travailleurs attendent d’eux. Elle ne les défend plus. Elle les substitue par un galimatias réformiste, notamment produit par les « économistes ». Elle les contredit par ses pratiques dans ses compromis et compromissions dans les organes exécutifs, gouvernement de « gauche plurielle », régions, etc. Mais elle se trouve rarement en état de s’opposer ouvertement à ces positions. A nous de les tenir, dans cette contradiction, pour faire vivre l’organisation communiste, pour rester fidèles à notre engagement.

Développer un programme communiste dans une perspective de rupture avec le capitalisme: le socialisme

Notre priorité est l’orientation du Parti. Nous utilisons tous les moyens d’expression, sites internet, échanges de matériels de propagande, appels nationaux pour aller dans cet objectif. Pour l’essentiel, nous continuons à affirmer et mettre en débat les analyses de notre texte du 37ème congrès, annexé à celui-ci.

Notre campagne récente, avec la pétition nationale pour le maintien du monopole public SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et la casse, avec celle du statut, des conditions de travail des cheminots en est l’illustration.

De même, nous impulsons une large campagne rassembleuse, par toujours partant de nos préoccupations prioritaires, mais ne s’y opposant pas, contre le « prélèvement à la source », la hausse de la CSG, la perspective de fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG.

C’est une bataille capitale, de l’ordre de celle que le PCF, seul, en 1990 a mené contre le gouvernement Rocard, mais aujourd’hui dans un cadre aggravé de remise en cause du financement de la sécurité sociale par la solidarité et la cotisation sociale.

Plus que jamais, la défense de la production répondant aux besoins, dans le cadre social national, est notre revendication. Le cas d’Alstom, filière énergie, comme filière ferroviaire a soulevé les possibilités de mobilisations populaires. La nationalisation, en régime capitaliste, n’est pas toujours le remède, si elle n’est que la nationalisation des pertes. Dans une possibilité d’élévation du rapport de force dans le pays, suivant les exemples de 1936 et 1945, elles restent une solution que le Parti soit défendre.

Nous renvoyons les camarades vers notre texte précédent pour les grandes campagnes de luttes en cours.

Le capitalisme n’a plus besoin de la démocratie bourgeoise ?

L’avènement de Macron, suite à une manipulation de l’idéologie dominante a permis, momentanément, au système de contourner la crise de la démocratie bourgeoise, de l’alternance gauche institutionnelle/droite menant la même politique. Nous avons analysé l’effondrement de la social-démocratie comme le résultat de la dégradation du rapport de classe mondial et national et de la disparition ou de l’effacement des partis communistes. Macron concentre le ventre mou de ceux qui pensent qu’ils ont le moins intérêt à ce que les choses changent. Est-ce durable ? C’est douteux.

Le risque figuré par les exemples voisins est celui d’une alliance électorale, dans un contexte général de dépolitisation, à droite, notamment sur les questions, mises en avant de migration. Notre riposte, plus que jamais, implique, au plan national et internationaliste, la recherche de la concordance sur la base de l’intérêt de classe de chacun. A la fois contre les guerres impérialistes, les exploitations, et contre la mise en concurrence des travailleurs.

Le capitalisme mondialisé, c’est la guerre

La montée des tensions inter-impérialistes mondiales fait monter les risques d’affrontements voire de guerre. Communistes, nous devons mesurer ce que représente l’élection de Trump comme président des Etats-Unis et la lutte politique interne, inédite, qui a traversé le capitalisme américain entre Hillary Clinton et Trump. Elle se poursuit. La puissance capitaliste, encore dominante, est traversée par une contradiction interne qu’il nous faut mesurer, entre option nationaliste et option « cosmopolite ».

Notre parti doit reprendre son combat contre l’impérialisme et pour la paix

Notre campagne pour la paix, historiquement contre notre propre impérialisme, pour le désarmement unilatéral de la France, nucléaire et non-nucléaire, pour la sortie de l’OTAN et des politiques de défense européennes est notre priorité. Quel sens peut avoir la perspective d’un monde multipolaire ? Hier, le bloc socialiste, divergent sur le fond du bloc capitaliste, pouvait représenter un équilibrage. Aujourd’hui, suivant notre interprétation du développement capitaliste chinois, nous risquons d’être exposés à une montée des blocs impérialistes, et de leurs alliances conflictuelles, comme avant 1914.

Notre conception du socialisme charpente nos luttes

D’ici le prochain congrès, nous célébrerons le 100ème anniversaire du congrès de Tours et de la fondation de notre parti. Ces derniers mois ont vu les commémorations, malheureusement modestes, du centenaire de la Révolution d’Octobre et du bicentenaire de la naissance de Karl Marx auxquels nous avons cherché à donner le plus d’échos possible.

Nous n’oublions pas que le PCF que nous voulons continuer est issu d’une triple origine : premièrement, l’organisation et l’expérience nationales du mouvement ouvrier, notamment certaines étapes de la Révolution française, la Commune de Paris, après 1920, les grandes conquêtes sociales, la Résistance, les combats anticoloniaux, deuxièmement les théories de Marx et d’Engels ET, troisièmement, la conception léniniste du Parti. Le marxisme et le léninisme ont fécondé le mouvement ouvrier français et abouti, dans le cadre de la lutte des classes mondiale, à l’organisation ouvrière anticapitaliste la plus efficace, dans notre pays, dans l’intérêt des travailleurs et de la population.

Nous avons pu, en pleine lutte cheminote, envoyer des délégations à Trèves pour la manifestation du Parti communiste allemand, le 5 mai 2018, jour de l’anniversaire de Marx. Le raccourci d’expérience fut saisissant. Quelques fanatiques divers de l’anticommunisme associaient Marx à des crimes contre l’Humanité. Mais l’idéologie dominante, notamment par la voix du Président de la Commission européenne, Junker, ou par les dirigeants allemands, pas seulement socio-démocrates, n’ont pas hésité à commémorer Marx, pour mieux le renvoyer vers un passé révolu, un musée de la philosophie. Pour sa part, le pouvoir chinois a célébré en grandes pompes l’anniversaire. Un résumé caricatural peut en être : les enseignements du marxisme nous ont montré comment le capitalisme permettait de hausser les moyens de production, de s’enrichir – nous avons déjà gagné le socialisme – nous utilisons, momentanément, le capitalisme. L’expérience chinoise, dans laquelle nous ne pouvons pas nous reconnaître, appelle toute notre attention, sur ce plan théorique aussi.

L’actualité des théories de la plus-value, de la baisse tendancielle du taux de profit, de la crise capitaliste, de la lutte des classes comme moteur de l’histoire, que nous devons à Marx et Engels, est pour nous évidente. Nous affirmons que, plus que jamais, elles doivent faire l’objet d’une diffusion et d’une étude de masse.

Plus que jamais, l’exigence de rupture avec le capitalisme !

En juin 2008, Marie-George Buffet affirmait à propos du Congrès de Tours : « Nous sommes au 21ème siècle, le monde a changé, les modèles se sont écroulés. Aussi, dans cette belle ville de Tours, si nous ne retenions de son célèbre congrès qu’une seule chose : le formidable espoir, cette énorme volonté politique de la part de nos camarades de construire une société meilleure. » En novembre 2017, Pierre Laurent déclare : « Le communisme, pour nous, c’est précisément le mouvement continu de cette émancipation humaine contre toutes les dominations, toutes les aliénations. C’est un mouvement continu de conquête démocratique… »

Comment peut-on être révolutionnaire sans envisager de rupture ? Comment peut-on conquérir des progrès immédiats pour les travailleurs et le peuple sans, dans le cadre de la lutte des classes, porter des ruptures, une perspective de rupture avec le capitalisme ? C’est impossible.

Pour nous cette rupture porte toujours le nom de socialisme. Et sa conquête a besoin d’un outil politique: le Parti communiste.

La différence entre réformisme et révolution est toujours fondamentale.

En 1920, nos glorieux aînés faisaient le choix, longuement débattu, d’adopter les 21 conditions de l’adhésion à l’Internationale communistes. Certaines sont devenues obsolètes. Mair remettre, encore et toujours, en débat, celles qui sont essentielles et d’actualité est notre préoccupation première de communistes, au 21ème siècle.

Nous mettrons toute notre énergie à une célébration du 100ème anniversaire du PCF, en décembre 2020, qui réaffirme toute l’actualité de son organisation révolutionnaire.

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » Karl Marx – Manifeste du Parti communiste »

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« Le communisme est la question du XXIe siècle »

Dans le cadre de son congrès extraordinaire du 23 au 26 novembre 2018, le Conseil National du Parti Communiste Français propose un texte devant servir de base commune de discussion.

Ce texte est censé refléter et synthétiser le point de vue majoritaire des adhérents. Il représente en l’occurrence surtout le point de vue de la direction incarnée par Pierre Laurent et Ian Brossat. Il n’a été voté que par 49 des membres du Conseil National sur 91 votants et 168 membres, ce qui montre qu’il y a d’importantes tensions au seins de ce parti.

La proposition du base commune que nous reproduisons ci-dessous sera soumise au vote des adhérents du PCF avant le congrès. Ceux-ci pourront choisir entre celle-ci ou l’une des trois autres bases communes alternatives ayant obtenus une reconnaissance officielle. Deux autres textes ont été proposé mais n’ont pas recueillis les critères suffisants. Ils ne sont que des contributions sans caractère officiel.

Rédigé sous la forme de 48 thèses, ce texte de la direction du PCF est très généraliste et vague, il n’affirme pas grand chose. Il y a cependant une  orientation « européenne » très affirmée.

Le texte ne s’inscrit clairement pas dans la tradition du mouvement ouvrier et de la classe ouvrière. Le mot « ouvrier » n’est présent que deux fois. Une fois de manière vague en parlant de « mouvement ouvrier » et une autre fois pour diluer « l’ouvrier » dans « la classe des salarié·e·s ».

PCF Proposition de base commune du conseil national

 

Le communisme est la question du XXIe siècle

 

BASE COMMUNE DU CONSEIL NATIONAL

Nous entrons dans un moment historique d’immenses bouleversements. Depuis plusieurs décennies, les puissances du capital ont renforcé leur mainmise sur le monde, allant même jusqu’à répandre le mythe de leur domination éternelle : la « fin de l’histoire ». La crise systémique qui touche désormais le capitalisme fracasse sous nos yeux cette légende  : l’histoire a repris sa marche. Dans les convulsions de notre époque et alors même que de nouveaux krachs menacent, rien n’est écrit du futur de notre planète et de notre humanité : les forces du capital cherchent par tous les moyens la voie de la préservation de leur domination, ne reculant devant aucune guerre, aucun pillage, aucun saccage ; les courants réactionnaires se déchaînent, des mouvements populistes se présentent comme des recours… N’en chemine pas moins, objectivement, la nécessité du dépassement du capitalisme, tout comme l’ambition de dépassement des systèmes de domination patriarcal et raciste qui s’imbriquent pour le pire. Beaucoup d’alternatives se cherchent, se tentent, se construisent, depuis la mobilisation mondiale des femmes avec le mouvement #metoo/balancetonporc jusqu’aux expérimentations des fablabs, en passant par la lutte des Togolais·es·pour leur liberté, les jeunes États-unien·ne·s mobilisés pour l’interdiction des armes, le mouvement social pour la défense du service public ferroviaire, les mobilisations antiracistes ou le prix Nobel de la paix octroyé aux militant·e·s de l’interdiction des armes nucléaires.

En France, cependant, alors même que l’autoritarisme d’Emmanuel Macron est fortement contesté, le parti qui porte en son cœur cette alternative de dépassement a essuyé dans la dernière période des revers historiques qui exigent de produire toute la nouveauté que la période appelle, changer résolument tout ce qui doit l’être pour entrer, à la hauteur des défis de notre monde, dans un nouveau siècle. C’est la raison profonde de notre congrès extraordinaire. Il nous faut trouver les voies d’essor de ce communisme de nouvelle génération qui conjugue démocratie poussée jusqu’au bout et orientation révolutionnaire visant à sortir enfin de la société de classe, à relever jusqu’au bout le défi écologique, à assurer la paix et le libre développement de la personne humaine dans toutes ses dimensions. Ainsi, pour le PCF, le moment est venu de déployer hardiment le combat communiste, de renouveler en profondeur sa stratégie politique et d’engager toutes les transformations nécessaires de son organisation.

Le capitalisme nous entraîne au désastre

Thèse n° 1 : Le capitalisme est aujourd’hui un frein majeur au développement de l’humanité.

L’humanité a atteint un stade de développement qui lui permet de répondre à des défis hier encore inimaginables, de la sonde Rosetta posant Philae à 510 millions de km jusqu’au développement inédit des nanotechnologies. La révolution numérique amplifie chaque jour cette dynamique. Pourtant, maints grands besoins de l’humanité restent sans réponse alors que nous disposons, comme jamais jusqu’ici, des savoirs, savoir-faire et ressources pour y répondre. C’est la folle boussole du capitalisme, aimantée par le seul taux de profit, qui est aujourd’hui cette criminelle cause de souffrances et d’humiliations, cet insupportable frein au développement de toute l’humanité qui nous empêche de faire ce que nous concernent des pouvons et savons pourtant faire.

Thèse n° 2 : Le capitalisme entraîne l’humanité et notre planète vers l’abîme, à vitesse accélérée : la crise écologique et anthropologique qu’il génère prend des proportions inédites.

Le capitalisme, guidé par cette insatiable et aveugle soif de profit et d’accumulation, met en péril l’humanité et notre environnement : bouleversements
climatiques – source immédiate de risques gigantesques –, paradis fiscaux supports de la circulation de tous les trafics, pollutions alarmantes, fraude des trusts généralisée, réduction inédite de la biodiversité (-58 % d’espèces vertébrées en 40 ans), maltraitance des humains allant jusqu’à la marchandisation des corps (gestation pour autrui, trafic d’organes et même renouveau de la traite d’humains), déforestation massive (129 millions d’hectares en 25 ans)…

Le capitalisme menace le devenir même de l’humanité à échéance de moins en moins lointaine. « Après moi le déluge ! Telle est la devise de tout capitaliste », écrivait Marx dans Le Capital. Le propos prend, de nos jours, une actualité tragique. Qui peut penser que l’humanité et notre planète pourront résister des décennies durant à ce régime de choc capitaliste ?

Thèse n° 3 : Le capitalisme mondialisé fait face à des transformations inédites.

La phase actuelle de développement et de crise du capitalisme est marquée par des transformations de très grande ampleur : expansion territoriale et polarisation entre centres dominants et périphéries dominées ; privatisation et marchandisation progressive de toutes les activités humaines ; financiarisation des économies et création monétaire massive au service des marchés financiers ; concentration de la propriété dans un petit nombre d’actionnaires à la tête de firmes multinationales gigantesques et augmentation des dividendes versés aux actionnaires et des intérêts payés au banques ; restructuration des entreprises et transformations des systèmes productifs ; transformation de l’organisation du travail afin de déposséder totalement les travailleurs·euses de la maîtrise et de la finalité de leur travail ; politiques libérales renforcées, singulièrement en Europe dans la dernière décennie ; libéralisation des échanges pour réduire les barrières tarifaires et abaisser les normes sociales ou écologiques. La révolution informationnelle, qui commence déjà à franchir un nouveau stade, notamment avec l’intelligence artificielle, est centrale pour notre combat communiste car elle accélère ces transformations autant qu’elle peut permettre leur dépassement.

Thèse n° 4 : Le capitalisme dépossède de pouvoir un nombre inédit d’humains.

Le capital se concentre aujourd’hui dans un nombre de mains qui n’a jamais été aussi étroit. Quelques firmes transnationales – souvent à base nord-américaine – concentrent pouvoir et argent à échelle mondiale. En France même, elles représentent la moitié des emplois des entreprises.

Elles s’affirment comme des acteurs de premier plan, se soustrayant aux souverainetés populaires et allant même jusqu’à s’opposer et s’imposer aux États. Des plateformes privées (Facebook, Google…) en viennent à s’arroger des prérogatives régaliennes, sans aucun contrôle démocratique, tout en échappant à peu près à toute imposition. Propriétaires d’innombrables données personnelles, elles en font un usage marchand visant à accroître leurs profits, au mépris des libertés.

Pour le capital, la démocratie est une entrave. Ainsi, les développements nouveaux du capitalisme en viennent à faire reculer toutes les conquêtes partielles en matière de démocratie et de liberté. Alors que la révolution des connaissances appelle comme jamais le pouvoir du grand nombre, ils concentrent celui-ci dans des mains toujours moins nombreuses.

Thèse n° 5 : Le développement du capitalisme aggrave la crise de sens dans laquelle il enfonce l’humanité.

Faire de tout une marchandise : c’est la logique capitaliste. La généralisation de la marchandisation, sous l’effet d’une intense lutte de la classe dominante, se déploie à marche forcée. Cela vide toutes les valeurs et nourrit une profonde crise de civilisation. Le seul objectif d’une vie humaine devrait être de « devenir milliardaire » ou d’acquérir une Rolex avant 50 ans. Si certain·e·s s’épuisent à courir après ces objectifs si vides, la crise de sens touche désormais des pans très larges des sociétés humaines.

C’est particulièrement sensible dans le domaine du travail. Pour que quelques-un·e·s fassent des profits toujours plus gigantesques, on empêche des millions d’individus de travailler correctement, quand on ne les amène pas à effectuer un travail qu’ils savent sans utilité voire dangereux pour autrui et pour eux-mêmes. Tous les secteurs sont concernés, depuis l’agriculture jusqu’aux métiers de la santé en passant par les industries.

Thèse n° 6  : Le capitalisme présente des signes de péremption de plus en plus marqués.

Le principe selon lequel, dans le travail, celui qui possède décide de tout et impose à celui qui ne possède pas ce qu’il doit faire et comment il doit le faire est au cœur de la logique capitaliste d’aliénation. C’est une injustice que nous dénonçons de longue date. C’est, aujourd’hui, un principe lourdement mis en difficulté par le mouvement réel de l’humanité. C’est l’efficacité même qui commande que les travailleuses et les travailleurs réfléchissent eux-mêmes au travail à accomplir. Le travail prescrit de l’extérieur est un frein au développement global et, désormais, à certains égards, un frein au profit capitaliste lui-même. Face à cette contradiction montante, certains secteurs dynamiques du capitalisme sont obligés de ruser : Google permet ainsi à ses ingénieurs de consacrer 20 % de leur temps de travail payé à de libres projets personnels. Bien sûr, c’est pour mieux s’assurer de la propriété de ceux-ci en cas de succès, mais quel aveu de péremption des logiques capitalistes !

Oui, celles et ceux qui produisent doivent diriger et non obéir. Oui, « le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

Thèse n° 7 : C’est à une crise systémique que le capitalisme est confronté.

Le fait économique majeur de la décennie qui a suivi la crise financière de 2007-2008 est que le système capitaliste poursuit une spéculation financière effrénée. Les institutions mises en place après le choc de la crise financière de 2008 n’ont cessé de développer les contradictions qu’elles prétendaient résorber. Le capitalisme vit désormais sous perfusion d’argent gratuit distribué sans critère aux spéculateurs par les banques centrales : la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne distribuent chaque mois plusieurs dizaines de milliards de dollars et d’euros à taux nul aux banques et aux grands groupes. Ces sommes considérables – qui pourraient être si utilement dépensées – alimentent ainsi les profits bancaires, alourdissant le coût du capital tout en préparant un nouveau krach avec les énormes bulles spéculatives qu’elles nourrissent. À l’heure où les signes d’une nouvelle crise financière se multiplient, élever le niveau de conscience concernant l’utilisation de l’argent par les banques et mettre en débat cet enjeu dans les luttes est une priorité pour les communistes.

La crise systémique, c’est l’impasse. Impasse sur l’emploi, sur les services publics, sur les droits sociaux, sur le type de croissance. C’est l’impasse en matière d’écologie. C’est l’impasse pour la sécurité des peuples qui demandent à vivre en paix. C’est l’impasse sur la démocratie…

Cela rend impérieux un processus de dépassement du capitalisme, la sortie, pour l’humanité, de cette préhistoire.

Le communisme est à l’ordre du jour de ce siècle

Thèse n° 8 : Relevons le défi écologique et anthropologique. Changeons de cap : l’humain d’abord !

Nous, communistes de France, proposons une alternative à ce désastre. Le profit et l’accumulation ne peuvent commander le présent et le devenir de l’humanité et de notre planète.

Les humains et les ressources naturelles sont considérés comme des moyens au service du profit de quelques-un·e·s ; nous voulons, quant à nous, remettre les choses à l’endroit et placer l’humain d’abord. C’est ce que nous appelons l’écommunisme. La boussole doit être celle du bien-vivre, du développement durable de l’humanité, de la réponse à ses besoins, potentiels et aspirations, incluant nécessairement la dimension écologique. Ceux-ci ne sauraient être définis abstraitement, une fois pour toutes, ou, d’une façon technocratique, par un marché, un parti ou une administration : ils doivent être définis collectivement dans la délibération démocratique.

Thèse n° 9 : Face à l’accaparement de tout par quelques-un·e·s, poussons à fond l’appropriation par le plus grand nombre.

Ces ruptures d’ampleur qu’appelle le mouvement réel de notre monde ne peuvent s’opérer en laissant les mêmes pilotes en place. La classe des propriétaires des grandes structures économiques ne peut décider seule de ce qu’on produit, où et comment on le fait et, cerise sur le gâteau, en retirer les bénéfices. Celles et ceux qui travaillent et créent les richesses doivent acquérir les pouvoirs leur permettant de décider.

L’appropriation par le plus grand nombre est à l’ordre du jour : nationalisations authentiques (et non simples étatisations hors d’atteinte du pouvoir populaire) donnant la grande place à celles et ceux qui travaillent dans ces secteurs, les usagers et la Nation elle-même ; développement de structures et de services publics démocratisés à échelles locale, nationale, continentale, mondiale  ; développement inédit de l’économie sociale et solidaire  ; développement volontariste des « communs », ces structures qui se multiplient sous nos yeux, notamment dans le domaine numérique, en marge de l’État et des marchés.

Thèse n° 10 : Pour le développement intégral des individus.

Parce que notre société reste, fondamentalement, une société de classes et que l’oppression de classe est sexuée, elle ne permet pas le développement plein et entier de la personne, dans toutes ses dimensions. L’actuelle division du travail épuise les individus sans leur laisser le temps de développer d’autres aspects de leur personnalité. Les politiques d’éducation et de formation, telles qu’elles sont conçues, empêchent de plus en plus de jeunes d’accéder à une culture de haut niveau et de développer leur créativité. Au nom de la rentabilité, le travail est privé de son sens ; la pensée, la création, le sport sont sommés de se soumettre à la loi du marché. Nombre de nos loisirs sont même réduits à des divertissements uniformisés. Au-delà, on enferme les personnes dans des rôles ; on les assigne à des identités.

Au contraire, notre combat communiste place en son cœur l’ambition du libre développement de la personne dans toutes ses dimensions. C’est un enjeu de justice : nous sommes toutes et tous capables d’apprendre, de créer, d’innover : pourquoi certain·e·s en seraient-ils privé·e·s ? Au-delà, c’est une nécessité politique, économique, civilisationnelle : pour faire face aux défis productifs d’aujourd’hui et de demain, pour permettre effectivement l’activité citoyenne de direction collective, pour que chacune et chacun, par son libre développement, puisse donner toute sa mesure et, par là, faire croître comme jamais le libre développement collectif.

Cela appelle à transformer radicalement l’éducation pour qu’elle réponde à cette ambition. Cela appelle une forte réduction du temps de travail, appuyée sur les formidables gains de productivité, ouvrant la voie à des possibilités inédites de développement de la personne et une organisation nouvelle des temps de la vie.

Thèse n° 11 : Pour une société d’êtres humains égaux et libres, face à la mise en scène d’un « choc des civilisations ».

Le chaos du monde actuel est propice à la montée de toutes les haines. Dans le monde et dans toute l’Europe, le racisme redevient, à grande échelle, un des instruments de la domination de classe  : exacerber la concurrence des exploité·e·s et des dominé·e·s. Inégalités sociales, précarisation du travail, assignations territoriales dans des quartiers délaissés de la République, discriminations racistes structurelles (embauche, logement, contrôle au faciès) se conjuguent pour mettre à l’index, en état de sous-citoyenneté, une part croissante de la population, et singulièrement de la jeunesse, injures quotidiennes à nos principes républicains.

L’idéologie dominante propose un portrait caricatural et très appauvri de l’humanité, réduite à une division raciste et religieuse en quelques blocs civilisationnels censément homogènes : c’est le prétendu « choc des civilisations » (« l’Occident » serait blanc et chrétien, alors que son histoire est beaucoup plus plurielle ; le « monde arabe » serait tout uniment musulman ; etc.).

Profondément anticolonialistes, anti-impérialistes de la première heure, partisans décidés de l’émancipation individuelle et collective, nous rejetons ces manœuvres qui divisent artificiellement celles et ceux qui ont intérêt à s’unir, en même temps qu’elles humilient et briment des millions d’individus, ramenés à une couleur de peau, une religion réelle ou supposée, une « civilisation » présentées comme des menaces ou des crimes. Nous affirmons l’égalité de tous les êtres humains et récusons toutes les grilles de lecture racistes. Nous combattons le système de domination raciste, toutes les violences – y compris policières – et toutes les discriminations – y compris territoriales. Il est urgent de porter un antiracisme qui revendique l’égalité de traitement pour toutes et pour tous, qui agit contre toutes les formes de discriminations, d’humiliations et d’oppressions, qui combat avec force l’offensive xénophobe, antimusulmane, antisémite et contre toutes les formes de racisme.

La mise en scène de ce « choc des civilisations » est une entrave au libre développement de chacun·e, dans la complexité et la diversité de ses origines et trajectoires, de ses opinions, de ses croyances. Se libérer de ces chaînes relève de notre combat communiste, comme condition et manifestation du développement de l’humanité tout entière.

Thèse n° 12 : Pour une humanité débarrassée de la domination patriarcale, pour des femmes et des hommes égaux et libres.

La domination patriarcale est un puissant frein au développement de l’humanité. L’indépendance économique des femmes par le travail, le renforcement de leur formation, conquêtes majeures au sein du capitalisme, rendent cette moitié de l’humanité chaque jour plus actrice de sa vie et de l’humanité entière. Cela manifeste aux yeux de toutes et tous son égale capacité et dignité. Les tactiques patronales de discrimination visant à faire des économies sur le dos des femmes en rétribuant moins celle-ci à travail de valeur et de qualifications égales sont de moins en moins supportées et apparaissent pour ce qu’elles sont : une inégalité systémique, une injustice d’un autre temps.
L’ampleur des campagnes #metoo/balancetonporc révèle à la fois la gravité et le caractère structurel des violences faites aux femmes – elles sont très nombreuses, de tous âges et tous milieux sociaux, à en être victimes – comme la puissance d’un refus  : celui d’être considéré comme un objet. Pour atteindre l’égalité et laisser la personnalité de toutes et tous se développer librement, notre combat appelle à s’émanciper de ces dominations. Les combats féministes bouleversent l’ensemble des rapports sociaux, la place assignée à chacune et chacun ; ils permettent à l’ensemble de la société de faire un bond en avant.

Dans le même sens, la progression des droits des personnes lesbiennes, gays, bi, transgenres, intersexuées (LGBTI+), fortement discriminées elles aussi par le système patriarcal, inimaginable il y a un demi-siècle encore, est le signe qu’une société nouvelle cherche à éclore.

Aujourd’hui, ces conquêtes, inachevées, sont fragiles et peuvent être remises en cause. Ainsi, notre combat communiste vise non seulement à les conforter, mais à leur donner une ampleur neuve, dans une société de liberté, d’égalité, de dignité.

Thèse n°13 : Pour un monde de paix.

Le monde est bouleversé sous la pression des appétits capitalistes et impérialistes, par les
guerres. Cela le rend dangereux à un point inconnu depuis la fin de la Guerre froide. Les nationalismes et obscurantismes voient leur vigueur redoubler, se présentant comme des réponses alternatives à une mondialisation capitaliste brutale et dépourvue de sens ; ils mènent les peuples dans d’aussi meurtrières impasses. La « fin de l’Histoire » n’a pas eu lieu ; cette fable élaborée alors que le capitalisme semblait triompher, dans les années 1990, a été pleinement invalidée par le mouvement de l’Histoire même. Le capitalisme, dans sa phase mondialisée, génère au contraire de violentes contradictions qui aiguisent les tensions et nourrissent des foyers de guerre partout sur la planète. Les traités de libre-échange qui se multiplient à l’écart des décisions souveraines dessinent des zones d’affrontements qui accumulent des stocks alarmants d’armements. Et la menace nucléaire est à nouveau brandie dans des formes nouvelles.

D’Erdogan à Trump en passant par Netanyahou ou Poutine, redouble d’actualité l’analyse de Jaurès : le capitalisme porte en lui la guerre « comme la nuée dormante porte l’orage ».
La paix ne peut pas s’épanouir au milieu de la guerre économique. La survie et le développement de l’humanité permettent et requièrent au contraire l’essor des coopérations internationales dans un cadre de paix et de droit. Elle est conditionnée par un indispensable dialogue sanctionné par des instances internationales modernisées et démocratisées, par une refondation progressiste de la construction européenne qui doit s’émanciper de l’OTAN. La France doit s’inscrire de façon active dans le processus d’interdiction des armes nucléaires, engagé en juillet 2017, par une très large majorité (132 États) de l’assemblée générale de l’ONU.

La paix, le désarmement et tout ce qui les nourrit s’avèrent ainsi des enjeux cardinaux de notre combat.

Thèse n° 14 : Pour une France hospitalière et fraternelle, une Europe solidaire.

Les enjeux migratoires sont au cœur de notre époque et représentent un véritable défi mondial. Aucun pays n’échappe aujourd’hui à ces enjeux, enjeux qui relèvent de choix politiques réfléchis. Il s’agit donc pour les institutions internationales, États et citoyen·ne·s, de travailler à définir des solutions communes dans une démarche d’accueil, de devoir d’humanité et de co-développement. Si le droit à la mobilité est reconnu par la Déclaration des droits de l’homme, des migrations forcées ne cessent d’augmenter. Seul un tiers de la population mondiale arrive à faire valoir son droit à la mobilité, et les drames humains se multiplient. Notre responsabilité est d’accueillir les migrant·e·s avec dignité, dans le respect des droits internationaux et des conventions des droits de l’enfant.

Au moment où l’Europe consacre des milliards d’euros à la « sécurisation des frontières », la France doit porter un autre espoir, celui de la patrie des droits de l’homme, du droit à la circulation pour toutes et tous, de l’ouverture du droit d’asile aux réfugié·e·s économiques et climatiques, d’ouverture de voies légales de migration, de politiques volontaristes d’accès au droit au travail, à la santé, aux transports, au logement, à l’apprentissage du français. De plus, la France doit s’investir pleinement pour un pacte mondial de solidarité sur les enjeux migratoires, l’année où l’ONU appelle à des initiatives.

 En France, un combat stratégique

Thèse n° 15 : La France présente des dimensions stratégiques pour notre combat.

Sixième puissance mondiale, la France est de ces nations qui peuvent peser sur le cours du monde. Que la lutte des classes y tourne à l’avantage des possédant·e·s ou des travailleurs et travailleuses, et les conséquences peuvent s’en faire sentir pour de nombreux peuples dans le monde. Les luttes y prennent ainsi une portée qui dépasse les seules frontières hexagonales.

Emmanuel Macron tente aujourd’hui d’utiliser le rayonnement international de la France et sa puissance d’intervention militaire extérieure pour retrouver un rôle de leader du « camp occidental », à l’égal de Trump. Cet effort est vain ; il est même dangereux car il n’est pas mis au service de la construction d’un nouvel ordre du monde fondé sur la justice, le droit, la coopération et la paix. Notre pays a pourtant des atouts pour jouer, en grand, ce rôle de progrès.

Parmi les grandes puissances capitalistes, la France présente une configuration singulière. Malgré les réactions, reniements et répressions, la France reste intimement marquée par le souffle de sa Grande Révolution, de ses révolutions du XIXe siècle, de ses intenses luttes de classes du XXe, de ses mobilisations féministes. Notre peuple en porte un puissant héritage : de sa devise républicaine à la Sécurité sociale en passant par son ancrage laïque, le préambule de 1946 ou la vivacité de ses organisations révolutionnaires syndicales et politiques. Les luttes sociales et politiques en 2018 en témoignent de manière vivante.

Cette configuration, singulière en Europe et dans le monde, fait de notre pays, au cœur du monde capitaliste, une terre qui appelle le déploiement offensif de notre combat communiste.

Thèse n° 16 : La France est au cœur d’un affrontement de classe visant à saborder tous les leviers de modernité conquis de haute lutte : défendons-les, développonsles, ressourçons-les.

Activement soutenu par le grand capital financier et ses relais médiatiques, qui en ont fait leur nouveau champion, le Président de la République a réussi en 2017 à capter le besoin de renouveau de la société française. Mais son « nouveau monde » montre son vrai visage : inégalitaire, brutal et autoritaire, tout entier dédié aux grands intérêts capitalistes. Même rhabillé en start-up, le modèle Macron tape toujours plus dur. Derrière les masques, c’est le vieux monde capitaliste.

La Sécurité sociale, les services publics sont des conquêtes majeures, leviers originaux de modernité arrachés par le combat de classe. Ils n’ont cessé d’être l’objet d’attaques de la part du patronat et leur originalité s’est parfois émoussée quand il aurait fallu la renforcer. Nous sommes aujourd’hui confronté·e·s à une lutte de très haute intensité visant à les liquider purement et simplement, pour faire place nette à une domination de classe sans frein. Le pouvoir Macron, c’est la volonté de pousser le plus loin possible l’adaptation de notre pays à la domination capitaliste mondialisée de ce siècle.
Ces conquêtes doivent, au contraire, être précieusement préservées, ressourcées dans une appropriation populaire effective et amplifiées pour répondre aux défis posés par notre temps. Il ne s’agit pas de normaliser la France au regard des appétits capitalistes internationaux mais de pousser plus loin tout ce qu’elle compte de modernité.
Communistes, nous ne défendons pas le vieux monde et ses lourdes limites. Nous voulons
prendre appui sur les conquêtes d’hier et le mouvement profond d’aujourd’hui pour relever les défis du siècle posés à l’humanité. À celles et ceux qui produisent les richesses de prendre, enfin, les affaires du monde en main.

Les chemins révolutionnaires dans la France de notre temps

Pour une mise en mouvement consciente du plus grand nombre pour des objectifs de conquête

Thèse n° 17 : Il existe, en France, une puissante aspiration populaire à de grands changements mais le mouvement populaire reste trop faible.

La mise en mouvement du plus grand nombre, créatrice et consciente, est la condition sine qua non du mouvement communiste. La construction de cette mise en mouvement se trouve ainsi placée au cœur même de notre pratique politique. Nous pouvons nous appuyer, aujourd’hui, sur une puissante aspiration populaire à de grands changements. Le statu quo est tellement rejeté que l’homme des principales forces du capital, Emmanuel Macron, a dû intituler son livre de campagne présidentielle « Révolution ». Malgré le déferlement médiatique soutenant chacune de ses contre-réformes, il ne parvient pas à obtenir d’adhésion majoritaire. La dureté de bien des vies, la conscience diffuse des périls, la crise de non-sens du capitalisme mondialisé, la curiosité qui se développe autour des notions de « communs », le regain d’intérêt pour les
idées de Marx ou le communisme dans la jeunesse en constituent d’autres signes. Pour autant, le mouvement populaire effectif est encore trop faible. Nous avons des obstacles à lever.

Thèse n° 18 : Développer la conscience de classe est un enjeu stratégique.

La mise en mouvement du plus grand nombre implique une élévation du niveau de conscience des intérêts en présence. L’idéologie dominante s’emploie à diviser la grande classe des salarié·e·s. Pourtant, les conditions objectives pour une alternative au système capitaliste sont aujourd’hui particulièrement aiguisées, notamment du fait d’une concentration inédite de la classe capitaliste. Face à elle, et par-delà ses mille nuances – de l’ouvrier à la chercheuse en passant par le chômeur, le cadre ou la caissière –, la classe des salarié·e·s est unie objectivement, dans sa subordination aux grands propriétaires qui, seuls, décident et profitent véritablement. L’émergence des « auto-entrepreneurs » dans la dernière période n’est pas synonyme de création d’une classe aux intérêts distincts. Leurs intérêts sont ceux des salarié·e·s. Face à la concentration actuelle du capital apparaissent même des possibilités d’alliance très fortes avec nombre de travailleurs indépendants et de petits patrons, eux aussi soumis au pouvoir d’une classe dominante de plus en plus étroite.

Pourtant, force est de constater que cette classe n’a pas conscience de ses intérêts communs. En effet, une des principales forces de la politique de la classe capitaliste, celle d’Emmanuel Macron en témoigne, est qu’elle parvient à diviser de manière significative les salarié·e·s et simultanément à faire adhérer une partie d’entre eux aux thèses patronales. Ainsi, les différences de statuts ou la domination patriarcale sont utilisées pour tirer les droits des travailleurs·euses vers le bas, les différentes méthodes managériales et le développement de l’intéressement accentuent la mise en concurrence les salarié·e·s et la participation aux bénéfices se fait au détriment de l’augmentation des salaires. Ainsi, la mise en mouvement créatrice des salarié·e·s et de leurs allié·e·s de classe appelle une intense bataille idéologique pour faire croître une large conscience de classe.

Thèse n° 19 : Développer l’alliance de toutes celles et de tous ceux qui ont intérêt à l’extinction des dominations pour, ensemble, parvenir à les faire reculer.

Par-delà même ces structurants intérêts de classe, nous visons à rassembler toutes celles et tous ceux qui ont intérêt au dépassement du capitalisme et au libre développement de la personne. Le sort réservé à la jeunesse de notre pays, aux femmes, aux étranger·e·s, à celles et ceux que l’idéologie dominante tend à présenter comme des ennemis de l’intérieur en raison de leur couleur de peau ou de leurs croyances réelles ou supposées ; tout nous appelle à travailler ensemble et, ensemble, combattre ces dominations dont l’extinction serait profitable à toutes et tous. Ce sont des questions de tout premier ordre et des préoccupations majeures pour des millions de personnes dans notre peuple, prêtes à se mobiliser en plus grand nombre encore, depuis Parcoursup jusqu’aux violences policières, en passant par #metoo/balancetonporc ou
la chasse aux migrant·e·s.

Au-delà, nous visons à rassembler toutes celles et tous ceux que la République délaisse dans les banlieues, les quartiers populaires, le péri-urbain ou la ruralité. Nous promouvons une République de l’égalité dans tous les territoires.

Thèse n° 20 : Notre stratégie communiste s’ancre dans les luttes concrètes pour engager le dépassement du capitalisme.

C’est dans les luttes concrètes, sur tous les terrains, que se construisent les possibilités d’un dépassement réel du système capitaliste. C’est dans le mouvement réel, dans ces luttes et dans le combat pour y porter des alternatives que s’ancre notre stratégie révolutionnaire, ce processus multiforme fait de succès partiels mais aussi de possibles reculs, de victoires de longue portée et de ruptures, d’élévation progressive des objectifs de conquête à mesure que se construisent et évoluent les rapports de forces.

Aussi, nous devons déployer notre présence, notre visibilité, notre activité dans un plus grand nombre de bassins de vie et d’emplois, en appréhendant la réalité dans ses contradictions, en développant notre autonomie de pensée et d’actions, pour être d’abord identifié·e·s pour ce que nous sommes et pour le changement de société que nous portons.

Les questions qui font le quotidien de notre peuple soulèvent toutes des questions politiques qui peuvent être utilement nourries de l’apport communiste.

Thèse n° 21 : La mise en mouvement populaire, pour grandir, a besoin de victoires.

Travaillons, à toutes échelles, à en obtenir et popularisons-les. Le fatalisme s’est répandu dans de larges couches de notre société. C’est le fruit d’une dure bataille idéologique mais aussi d’une succession factuelle d’échecs de mobilisations. La lutte trouve un écho plus vigoureux et large quand on peut l’espérer victorieuse. Il est, dès lors, stratégique, à toutes échelles, de penser des batailles qui visent à être gagnées et s’en donnent les moyens, que nous en soyons à l’initiative ou que celles-ci soient déjà en cours. Pour partielles qu’elles puissent être, ces victoires ne peuvent devenir des leviers d’une mise en mouvement plus large qu’à la condition d’être connues et popularisées.

Thèse n° 22 : Faire grandir cinq transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.

Nous sommes à l’écoute et en appui des mouvements de notre peuple que nous tâchons de pousser le plus loin possible, en nous y impliquant avec esprit de suite et cohérence de sens global. En outre, notre programme reste celui développé dans « La France en commun ».

Au vu des aspirations de notre peuple, de ce qu’il identifie comme devant faire l’objet de mobilisations, comme des défis objectifs que nous identifions pour la période actuelle et à venir, nous nous engageons pour obtenir de nouvelles conquêtes qui contribuent à faire grandir cinq grandes transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.

• Ouvrir la porte au communisme dans la production et le travail. Le pouvoir de décider ce qui est produit, d’organiser le travail, d’utiliser les bénéfices est confisqué par une poignée de grands actionnaires qui ruinent notre pays, ses travailleurs et travailleuses, à l’image de ceux de Carrefour, groupe qui verse des dividendes records, prévoit près de 4 000 licenciements et impose des bas salaires à celles et ceux qui, par leur travail, assurent sa richesse.

À l’échelle mondiale, les assauts ne sont pas moindres et ont aussi des effets en France (1,4
milliard de personnes vivent avec moins de 5 $ par jour, 73 % de la population mondiale
n’ont pas de protection sociale adaptée…). L’heure est venue de faire grandir les pouvoirs de décision économique pour les travailleurs, travailleuses et usagers, en France, en Europe et dans le monde. Dans le même mouvement, nous portons l’ambition de garantir à chacune et chacun le droit à un travail émancipé et à du temps libéré. Alors que l’utilisation capitaliste de la révolution numérique conduit à des destructions massives d’emplois et au développement effréné de la précarité jusqu’à l’uberisation des activités, décidons au contraire, collectivement, de l’usage que nous voulons en faire. Les potentialités de cette révolution permettent, en effet, de tout autres perspectives : développer de nouveaux métiers, réduire le temps de travail au profit d’autres activités humaines, pour dépasser le marché du travail avec la création d’une sécurité de l’emploi et de la formation.

• Engager la révolution écologique. Cet enjeu est souligné dans nos textes de congrès depuis plusieurs décennies. L’urgence de la situation appelle cependant une montée en puissance de notre part sur ce front, dans la suite des assises communistes de l’écologie : dans notre pays, près de 50 000 décès prématurés sont dus à la pollution atmosphérique ! L’heure est venue de développer un nouveau mode de production, de nouveaux modes de consommation, de nouveaux modes de déplacement. Cela passe par la relocalisation d’activités économiques, la lutte contre les perturbateurs endocriniens, la relance massive des secteurs de l’industrie (transport, isolation…) comme de la recherche loin du démantèlement auquel nous assistons, l’introduction de critères sociaux et écologiques ambitieux et contraignants pour les entreprises, la détermination démocratique et la maîtrise publique des énergies – à commencer par l’énergie nucléaire qui doit être absolument placée, pour être viable, à l’écart des logiques de l’argent – la refonte du modèle agricole français avec une réduction des intrants chimiques, le développement de services publics démocratisés, un nouveau modèle d’échanges internationaux fondés sur la coopération, loin des accords de libre-échange généralisés et d’une division internationale des processus productifs écologiquement insoutenable. Cette lutte, d’emblée, s’inscrit du local au mondial, avec les peuples mobilisés des pays en développement qui exigent que les pays riches et industrialisés, responsables du
réchauffement climatique, s’acquittent de leur dette écologique

• Faire reculer les dominations patriarcales, combattre le racisme et faire échec aux nationalismes. Dans les discours et dans les faits, ces dominations vivaces défigurent notre pays, génèrent discriminations, humiliations et souffrances. Il est urgent de faire grandir la conscience que le fait d’être français n’implique pas une couleur de peau ni une religion, et réciproquement. Face aux Zemmour, Finkielkraut, à la «  Manif pour tous  » et autres puissantes offensives réactionnaires, notre agenda place haut les combats à mener pour l’égalité professionnelle, le droit à disposer de son corps, le juste partage des pouvoirs, le libre développement de chacune et de chacun, en France et dans le monde.

• Protéger et développer les services publics. Les capitalistes veulent tout privatiser, tout
transformer en marchandise. Ils font subir un traitement de choc aux services publics en
les privant de moyens humains, financiers et en soumettant leur gestion au dogme de la
rentabilité jusqu’à les entraver dans leurs missions. La situation de l’hôpital public en est le
témoin. Nous devons au contraire les promouvoir pour répondre aux besoins humains et relever le défi écologique : pas de démocratie ni de métiers d’avenir sans système éducatif à la hauteur de la révolution des connaissances ; pas d’accès aux soins pour toutes et tous, pour une protection sociale du XXIe siècle sans service public de santé et secteur public du médicament ; pas de réponse au défi climatique sans service public de l’énergie ou du transport ferroviaire. Le statut de la fonction publique est essentiel pour relever ces défis car il garantit l’égalité, l’indépendance et la responsabilité des fonctionnaires.

• Prendre le pouvoir sur l’argent. C’est une question objectivement incontournable et, de plus en plus, perçue comme telle. Nous pourrions ainsi envisager des batailles d’ampleur contre l’évasion fiscale et viser à briser plusieurs de ses mécanismes comme le « verrou de Bercy ».

Au-delà, prendre le pouvoir sur l’argent nécessite la connaissance précise des activités bancaires, la constitution d’un secteur bancaire public incluant des nationalisations, une maîtrise populaire du crédit, une réorientation radicale de la Banque centrale européenne pour placer son pouvoir de création monétaire au service des besoins du plus grand nombre. Enfin, il nous faut travailler à forger une monnaie commune mondiale pour échapper à la domination du dollar et permettre au grand nombre des humains de maîtriser leur monnaie commune.

À la conquête des pouvoirs

Thèse n° 23 : Il n’y a pas d’émancipation politique sans émancipation culturelle.

Le capitalisme prend les allures d’une forme de dictature de la pensée dont l’ambition est d’imposer son hégémonie culturelle en s’emparant des imaginaires. Des œuvres, des langues, des lieux, des festivals, des artistes disparaissent tandis que de grands groupes globalisés font main basse sur la production artistique, sur les médias et le web. Ils fabriquent et diffusent massivement des « produits culturels » standardisées et uniformisés. Pris au piège de l’austérité et minés par les critères libéraux, les établissements culturels publics voient leur liberté de création, leur esprit critique, leur fonction citoyenne, menacés. C’est d’autant plus dangereux que néolibéralisme et néopopulismes convergent du même pas obscurantiste. L’élitisme et le populisme culturel apparaissent comme une arme pour parler au nom du peuple tout en lui refusant
le droit de se construire en acteur de sa propre histoire. Remettre l’art, les savoirs, la culture et l’éducation populaire au cœur de notre combat émancipateur, reconquérir une hégémonie culturelle progressiste sont des enjeux majeurs de la construction d’une nouvelle conscience de classe et d’une alternative à la destruction capitaliste comme à la haine populiste. À l’ordre de la marchandise, du divertissement, du repli identitaire, opposons le risque de la création, l’ambition de la démocratie culturelle, comme de l’ouverture au monde pour construire un nouvel universalisme de liberté, d’égalité et de fraternité.

Thèse n° 24 : Nous sommes confronté·e·s à une nouvelle phase de concentration autoritaire des pouvoirs.

Peinant à susciter l’adhésion, les forces dominantes sont tentées par l’autoritarisme. De puissants systèmes médiatiques aux mains des puissances d’argent contrôlent un flot continu d’informations. Des transnationales nées de la révolution numérique étendent leur emprise dans des domaines inédits. La démocratie, en crise, est mise en danger. Faute d’avoir une prise réelle sur les décisions, des millions de citoyennes et de citoyens se retirent du jeu démocratique.

En France, Emmanuel Macron veut franchir une étape majeure dans la concentration des pouvoirs. Dans l’entreprise, toutes ses lois visent à priver les salarié·e·s et leurs syndicats de droit d’intervention. Il veut aussi une nouvelle concentration institutionnelle : moins de pouvoirs pour les communes, moins de parlementaires et de pouvoir au parlement, toujours plus pour un État aux mains d’une technocratie financière. Une présidentialisation monarchique sert de levier à une recomposition politique lourde : un pouvoir toujours plus éloigné du contrôle populaire. Nous opposons à cela une conception de la politique fondée sur l’accroissement des pouvoirs du plus grand nombre.

Thèse n° 25  : Nous visons la conquête du pouvoir d’État pour faire croître les pouvoirs du plus grand nombre.

Dans la mondialisation capitaliste, le rôle des États reste majeur et le Parti communiste français ne saurait se désintéresser de l’État français, 6e puissance mondiale. Nous avons déjà détenu une petite part du pouvoir d’État, ce qui a puissamment contribué à apporter des transformations profondes à notre pays  : droit de vote et d’éligibilité des femmes, Sécurité sociale, statut général de la fonction publique, nationalisations, loi de solidarité et de renouvellement urbains… Dans une situation qui appelle des transformations plus radicales encore, mêlant processus au long cours, seuils et ruptures, le Parti communiste français vise plus que jamais la conquête du pouvoir d’État.

Pour autant, le PCF ne vise pas à se substituer simplement à une autre force à la tête de cette machinerie. Cette conquête vaut pour nous en ce qu’elle s’inscrit dans notre combat visant à ce que ceux et celles qui produisent les richesses gagnent le pouvoir de décider. Nous visons, dans ce sens, la constitution d’une nouvelle République.

Thèse n° 26  : Notre stratégie de conquête des pouvoirs ne se limite pas à l’État national.

Tout le pouvoir ne réside pas, ni n’a vocation à résider dans l’État. Les lieux de pouvoir sont pluriels. Nous visons la conquête de pouvoirs des salarié·e·s à l’échelle de l’entreprise. Nous visons la conquête de pouvoirs dans les différentes institutions, trop souvent fermées à l’initiative et au contrôle populaires. Nous visons la conquête de pouvoirs dans les collectivités. Dans ce sens, nous aspirons à une décentralisation des pouvoirs au plus près des citoyennes et des citoyens et nous mobilisons contre le démantèlement de la démocratie de proximité.

L’Union européenne est devenue, par sa construction au service des marchés et sous domination des grandes puissances, un niveau clé de la lutte de classe. Pour nos peuples et pour changer le cours de la mondialisation, des transformations fondamentales dans ses orientations, institutions financières et de coopération politique – donc des ruptures avec les traités actuels – sont un objectif stratégique. Nous nous battons à la fois pour une autre politique de la France en Europe, et pour des fronts européens dans les institutions et en dehors d’elles. Nous pensons notre action à l’échelle continentale avec le Parti de la gauche européenne, le groupe GUE/NGL et toutes les coopérations progressistes engagées jusqu’ici et à engager dans la prochaine période pour ouvrir des fronts victorieux.

Face à un capitalisme mondialisé, nous pensons notre action à l’échelle mondiale, avec les
forces politiques progressistes mais aussi les mouvements de la société émancipateurs comme #metoo/balancetonporc ou la lutte, mondiale, contre les géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…) pour leur soumission à l’impôt et l’appropriation de nos données. Notre démarche stratégique est fondamentalement internationaliste. La part internationaliste de notre combat doit être renforcée face à des stratégies, de fait, pensées et mises en œuvre à cette échelle.

La croissance de la force communiste est un objectif stratégique ; le rassemblement majoritaire, un chemin incontournable.

Thèse n° 27 : Les élu·e·s communistes sont un atout précieux dans ce combat.

Dans notre stratégie révolutionnaire, les milliers d’hommes et de femmes engagés au Parti
communiste qui assument des responsabilités dans les institutions sont un atout majeur. Qu’ils y soient majoritaires ou non, ils sont des points d’appui précieux pour les luttes progressistes : ils en sont directement partie prenante, au plus près des habitantes et habitants, articulant réponses immédiates et perspectives de transformation profonde. Au-delà, face aux attaques du capital, aux politiques d’austérité et de concentration autoritaire des pouvoirs, ils tiennent une place singulière dans l’action, mêlant résistance et expérimentations, en lien privilégié avec le grand nombre des citoyennes et citoyens.

Ainsi, acteurs de rassemblements, à tous les échelons et dans toutes les configurations, les
élu·e·s communistes sont une des conditions de progression de nos idées, de nos combats, du mouvement populaire de progrès.

Pleinement communistes, pleinement rassembleurs pour de nouvelles majorités politiques

Thèse n° 28  : Pour une mise en mouvement populaire permanente  : initiative communiste et fronts d’unité populaire.

La construction de mouvements populaires, d’expérimentations sociales, de majorités politiques capables de réaliser concrètement l’avancée des aspirations émancipatrices de notre peuple est le cœur de notre stratégie. L’émancipation des travailleurs est l’œuvre des travailleurs eux-mêmes : cela dit clairement la transformation révolutionnaire démocratique que nous visons. Par ses propositions, sa capacité d’analyse et d’initiative, le Parti communiste se place au service de ce mouvement émancipateur. Il n’y a pas de formule politique intangible capable d’enfermer ce mouvement de création continu. Le combat communiste, la lutte de classes la plus large mise en mouvement populaire appellent des mobilisations politiques aux configurations évolutives et multiformes.
Ces constructions, majoritaires ou suffisamment amples pour entraîner le mouvement de la société, supposent d’impulser en même temps la politisation et l’intervention populaire la plus large possible et l’initiative communiste dans la société. Nous avons souvent du mal à déployer les deux, ce qui fragilise les rassemblements en construction ou en limitent la portée.

L’initiative communiste dans les luttes populaires doit être déployée avec plus d’audace et de constance, ce qui nécessite des changements dans l’animation de notre parti et dans les liens que nous entretenons à la société.

La politisation des mouvements populaires nécessite plus d’initiatives et d’engagement au service du débat populaire, plus d’espaces à créer pour lui permettre de se déployer, et de combattre la tendance à la délégation vers d’autres du débat politique ou à l’ignorance de ces enjeux.

Pleinement communistes et pleinement rassembleurs, c’est la ligne de conduite que nous devons nous atteler à mettre en œuvre. Les alliances politiques ou électorales sont pour nous un des moyens et non une fin au service de ces objectifs.
Notre stratégie est donc indissociablement initiative communiste pour des luttes populaires transformatrices et construction de fronts d’unité populaire pour porter ces luttes et les rendre victorieuses. C’est une création continue, qui ne saurait être intégralement planifiée à l’avance mais qui doit être mieux impulsée, évaluée et coordonnée en permanence.

Thèse n° 29  : Le Front de gauche a finalement échoué, non sans rencontrer des succès.

Lors de son Congrès de 2008, le PCF appelait à la constitution de « fronts les plus larges possibles visant des objectifs politiques précis », s’appuyant sur « une construction unitaire permanente avec des cadres, des fronts, des alliances adaptés aux contenus portés et aux échéances affrontées ». De cette impulsion initiale naît le Front de gauche.
Cette construction originale a motivé l’engagement de dizaines de milliers de personnes, l’espoir de millions d’autres, autour du programme « L’humain d’abord » diffusé à plus de 500 000 exemplaires.

Pour autant, dès le début du Front de gauche, nous avons été confronté·e·s à une difficulté : là où nous voulions construire de larges fronts, nous avons dû, au gré des échéances électorales et au nom de la préservation du rassemblement, nous contenter d’un front réduit à la dimension d’alliance de forces politiques aux stratégies de plus en plus divergentes. Nous avons manqué d’initiatives pour impulser une intervention populaire pérenne dans des fronts de lutte sectoriels portant des plateformes politiques de transformation sociale. Cela a renforcé à la fois l’illusion d’un Front de gauche comme potentiel parti, auquel adhérer directement, et celle d’alliances conçues comme ne pouvant concerner que des forces en tous points d’accord avec nos propres objectifs.
De 2012 à 2015 nous n’avons pu ou su renforcer le Front de gauche, ni faire de la profonde
aspiration à l’unité de ses sympathisant·e·s, une force de cohésion empêchant son éclatement et élargissant sa dynamique. Nous n’avons pas pu ou su trouver les moyens et les lieux pour trancher démocratiquement les débats politiques d’orientation.

Nous avons abordé les échéances de 2017 avec deux objectifs politiques assumés, à savoir :

• construire une authentique candidature présidentielle de progrès capable d’accéder au 2e tour et de l’emporter ;

• consolider nos deux groupes parlementaires.

Nous avons échoué à atteindre notre 1er objectif mais rempli le second. Pour autant, nous
avons essuyé, en nombre de voix, un résultat national catastrophique lors du 1er tour des élections législatives.

N’avons-nous pas commis des erreurs d’appréciation sur la situation politique à gauche au début de l’année 2016 ? En particulier, n’avons-nous pas sous-estimé l’état de décomposition des principales forces de cet espace politique, leur rejet global par l’opinion qui englobait jusqu’aux « frondeurs » socialistes ?

La fondation de la France insoumise et la candidature unilatérale de Jean-Luc Mélenchon ont marqué l’acte de décès du Front de gauche. Si le programme porté par cette candidature reprenait une grande partie de « L’humain d’abord », il n’en reste pas moins qu’il en excluait des points essentiels. Cette campagne poursuivait un tout autre objectif stratégique et politique que celui du Front de gauche. Il s’agissait pour la direction de la FI d’utiliser la campagne présidentielle pour construire une nouvelle organisation visant à occuper tout l’espace politique de la gauche – et au-delà – en absorbant, en marginalisant ou en éradiquant toutes les autres forces afin de créer un espace hégémonique « populiste ».

Pour autant, la dynamique dont cette candidature a bénéficié doit beaucoup à l’espoir qu’a incarné le Front de gauche. Si nous n’avons pas pu ou su faire vivre à la hauteur nécessaire notre campagne autonome, entraînant l’effacement de la voix communiste lors de cette élection, nous ne sommes pas pour autant étrangers au résultat de cette candidature qui a semé des illusions mais aussi des graines très positives. Le grand nombre de celles et ceux qui ont voté pour ce candidat était – et demeure – authentiquement mû par une aspiration progressiste profonde. C’est pourquoi nous ne pouvons pas laisser ce potentiel être entraîné dans une aventure « populiste » sans avenir, étrangère aux repères de classes, peu sensible aux exigences de dépassement du capitalisme, encore très marquée de ce point de vue par ses origines sociales-démocrates. À nous de créer les conditions, les cadres et les espaces politiques pour
travailler avec toutes celles et tous ceux qui ont eu le Front de gauche au cœur, avec toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017.

L’échec du Front de gauche s’inscrit lui-même dans une série d’échecs de nos expériences de rassemblement depuis la fin du Programme commun : union à la base, nouveau rassemblement populaire et majoritaire, pacte unitaire de progrès, gauche plurielle, comités antilibéraux. À partir du mouvement de la société française et d’une analyse des échecs rencontrés depuis mars 1978, nous devons construire une nouvelle offre stratégique qui soit un véritable changement de paradigme. Cette stratégie nouvelle ne consiste pas à refaire mieux ce qui a échoué, mais à faire différemment : il s’agit de soutenir et d’impulser en permanence dans la société des mouvements de luttes à visée transformatrice. C’est une démarche stratégique qui doit s’articuler autour des mouvements contradictoires de la société, et guider notre stratégie électorale de
conquête du pouvoir. L’élection présidentielle pose un problème spécifique lourd au PCF depuis 1965. Ce problème croît à mesure que la présidentialisation de la vie politique progresse.

Il nous faut, à la fois, travailler à préparer dès maintenant les échéances de 2022 et mettre en échec les logiques de délégation de pouvoir à un homme providentiel qui vont à l’encontre de toute notre démarche politique.

EN DÉBAT : Bilan

Au-delà de ce qui est écrit dans la thèse sur le bilan du Front de gauche et
des échéances électorales de 2017, des camarades portent des approches
différentes de notre bilan.
Une idée est qu’il faut réaliser un bilan de plus longue portée sur le PCF et les
partis communistes dans le monde depuis la chute du mur de Berlin. Certain·e·s
pensent que nos choix stratégiques désignés par le terme d’ «expérience » de
rassemblement n’ont en fait jamais été révisés depuis le 30e congrès du PCF
à Martigues et que l’abandon du socialisme au profit d’une visée communiste
nous prive des moyens de répondre aux questions que se posent des millions
de gens.
L’idée est avancée que l’échec du Front de gauche tient à un rôle effacé du Parti
et à une priorité donnée aux enjeux électoraux et à la recherche d’alliances, par
rapport aux luttes et à la promotion des idées communistes. Pour d’autres
camarades, cela tient dans le fait d’avoir voulu constituer plusieurs fronts et
non de consolider un front unique, notamment par le biais d’adhésions directes
au Front de gauche.
Concernant les échéances électorales de 2017, le bilan du choix de candidature
et le processus de décision font débat.
Des camarades pensent que le fait de ne pas avoir poursuivi jusqu’au bout
notre volonté de rassemblement des candidats de gauche en réduisant le vote
des communistes à l’alternative entre un candidat communiste et Jean-Luc
Mélenchon est un problème.
Pour d’autres, la décision de ne pas présenter de candidat à la présidentielle
de 2017 et de soutenir le candidat de la France insoumise, les conditions dans
lesquelles cette décision a été prise, et surtout sur ses conséquences, ont
contribué à la promotion du candidat de la France insoumise comme principal
opposant. Une autre idée est que l’absence de nos propositions dans le débat
présidentiel a grandement contribué à notre effacement et à notre échec aux
élections législatives. Des camarades pensent que cette désignation s’est faite
sans la moindre condition politique et que la gestion des parrainages n’a pas
permis de peser pour un accord législatif positif pour le PCF.
Des camarades estiment que l’échec de 2017 tient au fait que la direction de
notre parti cherchait un impossible rassemblement de toute la gauche alors que
la direction de la FI voulait une rupture claire avec un PS rejeté par les milieux
populaires. L’impasse est venue de l’impossibilité d’apporter une solution à ce
différend, conduisant à la rupture. Cela tient à une longue succession d’erreurs
d’appréciation du PCF de la situation politique, notamment sur ce qu’est
devenu le PS, ses électeurs, ainsi que sur les « frondeurs ».

Une autre idée est qu’une fois le choix fait de soutenir Jean-Luc Mélenchon, cette
décision n’a pas été réellement mise en œuvre. Pour certain·e·s camarades, une
campagne communiste autonome de celle du candidat de la France insoumise
n’était pas possible.
Un débat existe aussi sur la caractérisation du programme de la FI en 2017,
«  L’avenir en commun  ». Pour certains camarades, il reprenait l’essentiel du
programme «  L’humain d’abord  ». Pour d’autres, en étaient supprimées des
propositions communistes clés.
Enfin, des camarades estiment que lors des échéances de 2017 nous avons
esquivé la question essentielle du désengagement croissant des citoyen·ne·s
du processus électoral et que cela ne peut que conduire ceux-ci à ne pas se
reconnaître dans notre parti.

Thèse n° 30 : Les forces politiques du capital se recomposent, en force, autour de trois pôles aux porosités marquées.

Les conditions dans lesquelles nous affrontons la période politique ont été bouleversées par les échéances de 2017. Pour autant, la recomposition des forces en présence est encore en cours ; elle n’est pas stabilisée. Nous avons affaire à un projet global et articulé, radicalement pensé, du capital financier pour inscrire la France dans le nouveau désordre planétaire et les concurrences qu’il génère. Pas simplement à une aggravation des attaques de la classe dominante contre les conquêtes du monde du travail et de la démocratie. L’instrument privilégié de ce projet est un césarisme qui profite de la désintégration de l’ordre politique ancien, de la crise de la politique et de la
démocratie représentative, de l’affaiblissement du mouvement ouvrier, de la dislocation de la gauche, de l’inexistence d’une alternative progressiste massivement crédible, de l’estompement des repères à partir desquels se sont noués pendant plusieurs décennies les affrontements politiques et sociaux. Ce projet est d’une portée tout aussi considérable que celui qu’avait, dans un contexte tout à fait différent, porté le gaullisme à la fin des années 1950. Sa visée est, non seulement, de liquider ce qu’il demeure de l’héritage du CNR, mais encore de transformer qualitativement les structures de l’économie du pays, de changer profondément les équilibres institutionnels en asphyxiant les dernières formes de contre-pouvoir ayant subsisté sous la Ve République, d’étrangler le « modèle républicain » français pour lui substituer, dans l’organisation de la vie collective, une logique, inspirée des classes dominantes états-uniennes, le tout adossé à une cohérence idéologique se présentant comme une réponse aux défis de ce début de siècle.
Cela donne une force considérable à LREM dans son entreprise de recomposition au service du regroupement de toutes les forces libérales.

Cette opération politique libère, à droite, un espace de convergences pour les forces de droite radicalisées autour de Laurent Wauquiez et de l’extrême-droite. Si le premier de ces pôles est traversé de crises et mis en difficulté par l’opération LREM, il n’en demeure pas moins particulièrement implanté ; malgré le désastre de la candidature Fillon, son écho continue de porter loin. Le second de ces pôles connaît également une reconfiguration et une réorientation, symbolisée par l’éviction de Florian Philippot et le renforcement d’un discours libéral qui s’encombre moins de masques. Malgré le salutaire et cinglant échec infligé à Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle, l’enracinement de l’extrême droite reste à un niveau historique et rien n’indique un reflux jusqu’ici.

Cette montée des périls ne s’arrêtera pas d’elle-même ; c’est une puissante alternative de progrès, porteuse d’un fort projet de classe qui, seule, peut lui faire efficacement face, dans la durée.

Thèse n° 31 : Les forces de progrès se recomposent dans la difficulté et l’éclatement.

L’effondrement du PS, marque du discrédit du projet social-démocrate, bouleverse la situation à gauche. Le quinquennat Hollande a abîmé comme jamais l’idée de gauche. De fait, l’identification positive à la référence « gauche » a considérablement faibli, mais celle-ci n’a pas disparu et notre peuple n’a rien de bon à attendre de sa disparition, d’autant que la vérité qui se fait jour sur le projet Macron le révèle au plus grand nombre comme un authentique projet de droite.

La géographie de la gauche s’en trouve d’autant plus chamboulée que la principale d’entre elles, la FI, refuse de s’en réclamer, usant de références multiples et variables dont celles du « populisme » et du « dégagisme ». Pour autant, les forces sociales qui la soutiennent sont majoritairement issues du mouvement de la gauche antilibérale qui s’est amplifié à partir de 2005, et que nous avons contribué à développer. D’autres forces, dans le giron de la social-démocratie, comme le mouvement Génération.s de Benoît Hamon apparaissent.

Aujourd’hui, les repères politiques de celles et ceux que nous ambitionnons de rassembler
sont éclatés et mouvants. La gauche sociale et politique est durablement diverse, comme le montre l’appel du 26 mai. Son rassemblement est nécessaire mais n’y suffira pas. Notre travail de rassemblement se reconstruira d’abord autour de contenus forts répondant aux exigences populaires.

Cette reconfiguration politique n’est pas figée ; elle appelle de notre part ambition et audace.

Thèse n° 32 : Vers un nouveau front social et politique.

Notre stratégie est faite de débats idéologiques, de luttes permanentes, de fronts partiels pour faire reculer le pouvoir LREM et le patronat qui le soutient, pour stopper son offensive de remodelage, pour ouvrir des brèches et construire des avancées concrètes à l’opposé des logiques capitalistes. Nous menons ces luttes à toutes les échelles, locales, régionales, nationale, européenne et mondiale.

Ces mouvements doivent préparer un changement de majorité politique dans le pays. Si les conditions n’en sont pas aujourd’hui réunies, le besoin d’une majorité alternative au pouvoir de Macron est d’ores et déjà posé. Nous avancerons sur le chemin de cette nécessaire reconstruction politique dans les luttes populaires en cours et à venir en faisant grandir l’exigence de transformation des pouvoirs politiques et de leurs orientations.

Quelle perspective pouvons-nous nationalement proposer qui ne renouvelle pas les échecs du passé récent ? Nous savons que les forces sociales et politiques dont la mise en mouvement est nécessaire sont diverses et traversées de débats. Les mobilisations du printemps contre la politique Macron l’ont confirmé.

Nous proposons aux forces disponibles d’expérimenter un nouveau cadre politique, pour continuer de faire avancer cette construction sans nier les débats : la création d’un forum national politique qui pourrait poursuivre le débat politique entre les forces disponibles, animer des campagnes communes, élaborer des constructions programmatiques ou électorales, sans rendre la participation de toutes les forces s’y associant chaque fois obligatoire. Tout en favorisant l’unité d’action politique, il laisserait à chaque force sa pleine et entière liberté d’initiative.

EN DÉBAT : Stratégie

Le débat sur le nécessaire renouvellement stratégique de notre parti et les
« nouvelles initiatives stratégiques » qui en découlent font partie des questions
les plus discutées par les communistes.
Les leçons qu’il convient de tirer du bilan du Front de gauche, de son échec
final, de notre score historiquement bas aux législatives, de la difficulté et de
l’éclatement dans lequel se trouvent les forces de gauche sont ardemment
débattues.

Au-delà des idées exprimées dans les thèses de la base commune, plusieurs
idées sont avancées  : les premières portent sur la relance de l’initiative
communiste. Pour les uns, le texte fait insuffisamment place à la relance de
l’initiative communiste et du projet communiste en lien avec les luttes, alors
même que le rassemblement sur des contenus doit être au cœur de toute
reconstruction.

Aussi, notre priorité stratégique doit être de réarmer idéologiquement le
mouvement populaire et de le construire politiquement, secteur par secteur,
par la constitution de fronts de lutte et de plateformes qui unissent sur des
objectifs précis. Cela implique une autonomie de la force communiste pour
réhabiliter les enjeux de classe jusqu’à ce qu’ils dominent les enjeux identitaires
et deviennent la matrice de la recomposition de la gauche.
Une autre idée estime au contraire que c’est l’insuffisante analyse des
mouvements de transformation émergents dans la société, producteurs de
modernité, qui place le PCF en marge.

Pour initier de nouvelles luttes offensives, la base commune avance 5
transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.
Sont-elles à la hauteur, pertinentes et, surtout, déclinées en termes
opérationnels  ? Des camarades pensent que non et souhaitent que le débat
soit poussé.

La seconde idée débattue porte sur la proposition de «  forum politique
national » : elle est jugée par certain·e·s prématurée et inadaptée.
Prématurée parce que les conditions pour qu’y prévalent des contenus
transformateurs ne sont pas réunies tant que nous ne reprendrons pas
l’offensive sur ces contenus. Inadaptée parce qu’elle ressemble à ce que nous
avons déjà fait et que ce forum risque de reproduire les échecs antérieurs.
L’avenir de la gauche fait aussi débat.

Nous donnions au Front de gauche l’objectif de supplanter au sein de la
gauche les forces sociales-libérales. Mais aujourd’hui, c’est la dislocation, voire
la disparition de la gauche qui est en jeu. Au moment où le projet Macron se
révèle profondément de droite, mettons-nous l’objectif de sa reconstruction au
centre de la stratégie et comment ?

À ce propos, l’idée est avancée que nous devons prendre différemment en
compte la nouvelle géographie de la gauche et l’émergence de la FI, qui
marquerait l’arrivée en tête de la gauche d’un projet de portée anticapitaliste.
La FI se trouve ainsi placée face au défi du rassemblement de la gauche sauf à
occasionner une désespérance supplémentaire. Nous avons une responsabilité
particulière, notamment dans les échéances locales à venir en raison de notre
implantation, pour poser la question de ce rassemblement, mener la bataille de
la reconquête pour une gauche aujourd’hui très affaiblie.

En somme, des thèses de la base commune et des idées avancées ressort l’idée
que nous devons poursuivre jusqu’au congrès le débat de notre renouvellement
stratégique. Nous sommes loin d’être au bout de ce débat.

Thèse n° 33 : Nous avons vocation à être présent·e·s à toutes les élections.

Avec la perspective de nourrir cette mise en mouvement consciente du plus grand nombre pour des objectifs de conquête, nous avons vocation à être présent·e·s à toutes les élections, y compris à l’élection présidentielle.

L’analyse concrète des différentes situations concrètes doit nous amener à déterminer les modalités précises de cette présence. Pour autant, dans le calendrier hyperprésidentialisé de la Ve République, nous devons préparer dès à présent l’ensemble de la période quinquennale et démontrer la pertinence de notre présence à toutes les échéances.

Les deux prochaines échéances qui nous attendent, élections européennes en mai 2019 et municipales en 2020, doivent être préparées dès maintenant à partir de leurs caractéristiques propres et des objectifs qu’elles peuvent permettre de faire avancer.
Les élections européennes auront lieu en mai prochain. Nous sommes en campagne avec un contenu de classe – portant les intérêts populaires contre ceux de la finance – et internationaliste – mettant en valeur le besoin d’une France libre de dire non et à l’offensive pour construire sans attendre des coopérations de développement commun à géométrie choisie. Cette orientation est la réponse progressiste à la fausse alternative entre « intégrationnisme » néolibéral de Macron et nationalisme tout aussi néolibéral du FN, les deux revers de la médaille capitaliste.

Dans le contexte d’un rejet populaire puissant des politiques de l’Union européenne, de crise des partis du consensus libéral au profit d’une droite encore plus réactionnaire ou de mouvements comme LREM, et de percées critiques des extrêmes droites, l’alternative réside dans notre capacité à créer un rapport de forces aux élections en faveur d’exigences sociales fortes.

Jeunes comme retraité·e·s, salarié·e·s comme indépendant·e·s, militant·e·s de la paix comme écologistes, féministes comme antiracistes, toutes et tous confrontés dans leurs combats aux traités et politiques de l’UE, doivent trouver dans les européennes de 2019 une occasion de porter leurs idées eux-mêmes aux côtés de candidats communistes incorruptibles face aux pouvoirs de l’argent, combatifs et déterminés à placer toujours l’humain et la planète au cœur de leurs actions. C’est ainsi qu’est construite notre liste, qui reste ouverte à de nouvelles jonctions avec le mouvement social et les partis de la gauche de transformation sociale et écologique. Nous travaillons à faire élire des député·e·s européen·ne·s communistes et issus de ces luttes de progrès dans la perspective d’un groupe de gauche confédéral, large et rassemblé au
parlement européen.

Pour les élections municipales, des rassemblements très larges sont possibles sur la base de projets promouvant la commune, les services publics, la démocratie locale, élaborés au plus près des citoyennes et citoyens. Dans ce cadre, il nous faudra travailler à une cohérence métropolitaine de notre stratégie. Bien avant la constitution de listes, c’est autour de projets locaux et d’une bataille nationale contre les plans de liquidation et l’asphyxie financière du pouvoir communal que nous voulons engager sans attendre le combat.

Le Parti communiste entre dans un nouveau siècle

Thèse n° 34 : Révolutionner le PCF pour révolutionner le monde.

Pour porter le combat communiste dans un monde qui change vite, et mettre en œuvre cette nouvelle stratégie, le Parti communiste français doit se révolutionner. Il doit réinventer son projet, sa démarche, ses pratiques, son organisation. Nous savons que cela ne se décrète pas. Nous avons de nombreux atouts mais beaucoup est à changer également. Ni table rase, ni simple continuation, mais évolution révolutionnaire : voilà ce qui guide nos transformations. Ce n’est pas la première fois que nous en parlons : nous avons engagé ces transformations en 2008, en décidant de demeurer le Parti communiste. Notre parti a changé, il s’est rajeuni, renouvelé, il reste une force essentielle, mais il s’est aussi affaibli. Au dernier congrès, conscient·e·s que nos transformations étaient insuffisantes, nous avons adopté un relevé de décisions. Il était ambitieux ; l’évaluation de sa mise en œuvre est à engager dans toutes les organisations du PCF
mais nous pouvons déjà estimer que nous avons peiné, collectivement, à le mettre en œuvre. Cette fois, il faut sauter le pas.

Thèse n°35 : Un parti démocratique pour l’engagement du plus grand nombre.

Pour faire échec aux ambitions du capital et promouvoir une alternative révolutionnaire, une ample mise en mouvement consciente est nécessaire. Celle-ci, pour prendre toute sa mesure et atteindre une dimension de masse, appelle une organisation démocratique rassemblant largement et coordonnant intelligences, expériences et énergies dans la durée.

C’est pour cette raison que nous travaillons à faire du Parti communiste l’organisation de la politisation populaire, de l’appropriation par le plus grand nombre des clés d’intelligibilité du monde, des intérêts qui s’y affrontent et des voies de sa transformation.

Il s’agit ainsi de contribuer à ce que travailleurs et travailleuses construisent eux-mêmes les chemins de leur émancipation, dans la maîtrise des enjeux et dans l’action.
Cette orientation fondamentalement démocratique est inséparable de notre conception de la mise en mouvement populaire et du rôle du PCF dans celle-ci.
Dans cet esprit, nous travaillons à faire du Parti communiste un parti de masse, ancré dans de larges couches de la société, en prise avec les souffrances, les oppressions, les discriminations, tout comme avec les colères, les espoirs et les luttes qui s’y déploient.
Pour atteindre cet objectif, nous visons à faire du collectif militant conscient et actif une force qui peut s’appuyer sur la réflexion et l’expérience de tou·te·s et de chacun·e. Parce que nous cherchons à avoir une analyse et une action pertinentes, nous devons mobiliser l’apport de chaque communiste. Nous pensons la voie de notre efficacité en visant un Parti communiste comme intellectuel collectif, ouvert sur la société. Cela implique de stimuler le débat, la production et la circulation d’idées et d’initiatives, d’amplifier leur coordination et leur mise en commun.

Thèse n° 36 : Un parti pour ne plus se laisser dominer, exploiter, aliéner.

Nous sommes le parti de celles et ceux qui produisent les richesses, face à ceux qui accumulent les dividendes. Quel que soit leur statut, elles et ils trouvent au Parti communiste l’organisation de lutte des classes. Le Parti communiste, sans exclusive, cultive sa singularité dans le paysage politique en étant une force à la disposition des milieux populaires.

Nous sommes le parti de celles et ceux que les dominations patriarcales et racistes briment et tentent d’abaisser. Au Parti communiste, elles et ils relèvent la tête et se battent pour la justice et la dignité.

Nous sommes le parti de celles et ceux qui ne s’en laissent pas conter sur le « capitalisme vert » et savent qu’il faut engager dès maintenant cette révolution écologique. Au Parti communiste, elles et ils s’organisent pour ce combat écologique.
Nous sommes le parti de celles et ceux qui ont l’internationalisme au cœur. Au Parti communiste, elles et ils militent pour la paix, la liberté et l’égalité des peuples.

Thèse n° 37 : Un parti pour la jeunesse qui veut s’engager, penser et construire un nouveau monde.

En respectant son indépendance d’organisation, nous soutenons, partout, le rayonnement du Mouvement jeunes communistes de France. Celui-ci s’est considérablement renforcé ces dernières années ; il est un point d’appui important pour la jeunesse dans toutes ses mobilisations.

Les communistes soutiennent cette dynamique en favorisant le développement d’espaces
d’accueil, de soutien logistique et d’échanges politiques avec le MJCF.
Levier de transformation de la société, les jeunes peuvent trouver au PCF une structure de lutte pour gagner leur avenir. Le PCF crée les conditions de leur accueil, en prenant en compte leurs aspirations et modes d’engagement spécifiques, en leur offrant aussi bien des possibilités de formation qu’un répertoire d’actions adapté.

Thèse n° 38 : Pour un parti féministe.

Les freins à la mise en place du livret ressource pour amplifier la lutte contre les violences
sexistes et sexuelles et du dispositif associé, mais au-delà le manque d’ambition pour la mise en responsabilité et la participation des femmes dans le Parti doivent être dépassés. Nous devons tirer toutes les conséquences du fait que le mouvement féministe, en plein essor mondialement, est un des plus puissants leviers d’émancipation. Il est temps de sortir des déclarations « il manque des femmes », « les femmes ne veulent pas être candidates » et dépasser le constat qu’aujourd’hui 45 % des adhérents sont des adhérentes, mais que 80 % des secrétaires fédéraux sont des hommes. L’égalité femmes/hommes doit être un axe de travail dans le pôle Vie du Parti. Créons des binômes paritaires, des coprésidences, des commissions locales féministes. Engageons un autre mode de répartition des tâches politiques plus participatif, plus partagé, y compris dans le temps, qui favoriserait les femmes.

Thèse n° 39 : Pour un parti de masse et de proximité.

Si un de nos objectifs est d’investir les luttes existantes pour en pousser le potentiel de transformation révolutionnaire, notre structuration comme notre nombre sont essentiels. Ainsi, le nombre d’adhésions que nous réalisons, le nombre de personnes à qui nous proposons l’adhésion et, de fait, le nombre de camarades mobilisé·e·s pour la proposer sont des éléments cruciaux dans notre volonté de conquête sociale et politique. Aussi, le renforcement du PCF ne se pose pas, d’abord, comme une question interne mais bien comme un élément indispensable au développement d’un large mouvement pouvant rendre possible l’alternative dont la France a besoin. Dans ce sens, nous lançons une grande campagne d’adhésions « Cent ans d’avenir » :

un appel national aux hommes et femmes de progrès. Faisons cause commune : c’est ce que peuvent décider des dizaines de milliers de personnes dans les deux ans à venir. Tous ensemble et dans toute la France, en 2020, nous fêterons le centenaire de notre parti et l’ouverture d’un nouveau siècle de combat communiste. Nous préparons dès à présent cette grande année de fêtes populaires. C’est un plan de travail qu’il faut élaborer dans toutes les structures du PCF, en démocratisant la question de l’adhésion, en développant des outils en ce sens, en fixant des objectifs et en faisant suivi, évaluation et points d’étape. Un temps national doit être consacré à cette question recensant notamment les expériences locales positives grâce auxquelles les militant·e·s communistes, par leur présence régulière contribuent déjà grandement au renforcement de notre organisation. En s’appuyant sur des luttes locales donnant à mobiliser sur des objectifs précis, les communistes gagnent en crédibilité, en audience et en contacts. Ceux-ci
devraient faire l’objet d’un suivi régulier sur le long terme dans notre objectif de renforcement.

Pour autant, notre nombre ne prend toute sa force que dans notre capacité à nous organiser, dans la proximité, dans l’ensemble du territoire. Nous devons donc travailler à des objectifs de déploiement du PCF. La question de la proximité est essentielle pour tisser contact humain et rapport de confiance dans la durée. C’est un atout décisif pour être pleinement dans les luttes, rayonner dans la société, peser sur les rapports de forces et, au-delà de nous-mêmes, mettre en mouvement largement. Pour cela, l’organisation de proximité des communistes doit viser partout où cela est possible l’échelle humaine : le quartier, la commune, le canton rural ou le lieu de travail. Cette proximité est également un élément indispensable pour permettre à chaque communiste de trouver sa place dans le PCF, au-delà du livret d’accueil des nouveaux adhérent·e·s que nous mettons en place.

Thèse n° 40  : Un parti pour faire toute sa place à la politique dans les lieux de travail.

Si de nouvelles formes d’exploitation apparaissent (« ubérisation », « auto-entreprenariat »…), l’entreprise demeure le cadre essentiel de l’opposition capital-travail. Des millions de salarié·e·s y sont confronté·e·s aux bas salaires, à la précarisation, la mise en concurrence, l’exploitation. C’est aussi le lieu où, par l’activité syndicale, se construit la solidarité revendicative, où prend corps la force du mouvement social. Pour autant, les difficultés de l’organisation à l’entreprise, au plan syndical comme au plan politique s’aiguisent.

À l’heure où la question du sens et du pouvoir dans l’entreprise est posée, à l’heure où l’appropriation de celle-ci par celles et ceux qui y travaillent s’invite à l’ordre du jour de l’humanité, il nous faut retravailler la question de l’intervention communiste à l’entreprise, dans un registre spécifique qui ne saurait se confondre avec l’activité syndicale. Les difficultés sont grandes mais nous devons être sensibles aux dynamiques positives enregistrées notamment parmi les cheminot·e·s dans le cadre de leur grande mobilisation : des cellules se sont créées, renforcées, redynamisées. Nous relançons, avec volontarisme, un secteur national dédié à l’activité dans les lieux de travail avec, comme premier objectif, de travailler à la mise en lien et au recensement des camarades des mêmes branches d’activité, avec la volonté de mettre en place un·e référent·e pour chacune de ces branches. Comme prévu dans le relevé de décisions, nous consacrerons un Conseil national à cette question.

Thèse n° 41 : un parti de la formation pour changer le monde.

Notre politique de formation doit nous permettre de remplir trois objectifs. Primo, élargir le nombre d’individus en maîtrise de concepts, de gestes, d’outils pour donner pleine mesure au libre rayonnement de chaque adhérent·e dans la société. Deuxio, permettre de faire vraiment de notre nombre une force active, un intellectuel collectif, par un haut niveau de culture commune partagée. Tertio, prendre hardiment le chemin d’un Parti communiste aux couleurs de toute la société, en se dotant de directions, à tous niveaux, n’étant pas le reflet passif des inégalités de tous ordres.

Dans ce sens, la formation devient une priorité d’organisation appelant une active formation de formateurs afin de démultiplier nos forces en la matière, la mise au point et en circulation de livrets et vidéos. Outre les stages de base et les stages à destination des cadres nationaux que nous souhaitons renforcer, nous développons, à échelle régionale, une nouvelle catégorie de stages à destination de tous nos cadres locaux et départementaux, dans l’esprit de ce qui est expérimenté actuellement. Nous développons à tous les niveaux de notre organisation des formations sur les violences sexistes et sexuelles pour lesquelles nous affirmons une tolérance zéro.

Les enjeux de formation sont de grande importance pour le PCF comme pour notre objectif stratégique de mise en mouvement populaire.

Thèse n° 42 : Un parti de solidarités concrètes.

Parce que le combat politique ne se résume pas, pour nous, au maniement de grands mots et de petites phrases, nous avons multiplié les initiatives de solidarité concrète dans la dernière période : ventes de fruits et légumes, marchés solidaires, aide aux devoirs, voyages à la mer…
Ces initiatives, par-delà l’aide effective qu’elles apportent, peuvent constituer des portes d’entrée pour l’engagement politique et donner de la force et de l’incarnation à nos batailles. Elles s’inscrivent dans notre bataille de politisation et de mise en mouvement populaires. C’est cet aspect que nous devons renforcer en faisant mieux encore de ces moments, avec esprit de suite, des portes d’entrée pour les grandes questions politiques.

Thèse n° 43 : Des campagnes identifiantes, identifiées et évaluées.

La démultiplication des campagnes nationales, fédérales, locales à laquelle viennent s’ajouter les exigences de l’actualité, ne permet pas toujours la claire identification de notre message par celles et ceux à qui nous nous adressons. En outre, une impression d’inconstance ou d’inachevé se répand pour les communistes qui mènent ces campagnes.
Concevoir une approche nouvelle de nos campagnes, alliant réactivité et esprit de suite, tout en restant au plus près des préoccupations locales concrètes, est essentiel. Travaillons à partir des idées forces de notre projet, telles que nous les exposons dans les premières parties de ce texte. Elles peuvent constituer des fils rouges, que nous veillons à décliner dans la diversité de nos campagnes ou de nos initiatives liées à l’actualité.
Ces objectifs font l’objet d’évaluation collective et de points d’étape.

Thèse n° 44  : Des réseaux nationaux d’initiative pour changer concrètement le
monde.

Les adhérentes et adhérents du PCF ont vocation à être organisés au sein de cellules, sections et fédérations. Sans qu’il s’agisse de créer une organisation nouvelle, nous développons des réseaux d’initiative thématiques pour coordonner plus efficacement les richesses militantes de notre parti et accroître son rayonnement effectif. Ces réseaux nationaux sont en effet ouverts à toutes les femmes et tous les hommes de progrès, offrant à ceux-ci la possibilité d’une expérience militante avec les communistes sans exiger un engagement global. Ils visent en outre à mieux faire circuler l’information pertinente pour un thème donné, en lien avec un secteur de travail (ou plusieurs), ou encore à organiser une campagne particulière. Il s’agit de libérer la prise d’initiatives des communistes, de les mettre en lien avec des personnes ressources sur un sujet, tout en nourrissant concrètement une mise en mouvement populaire large.

Pérennes ou ponctuels, ces réseaux doivent permettre d’élargir le nombre de personnes avec lesquelles nous avons un lien, d’approfondir le lien avec des contacts et aussi de démultiplier le nombre d’hommes et de femmes – communistes ou non – mis en mouvement.

La nouvelle plateforme numérique du PCF facilite cette mise en réseau.

Thèse n° 45 : Une plateforme pour mettre en réseau toutes les énergies communistes.

La révolution numérique a bouleversé la manière de faire de la politique, les relations sociales, les représentations et la construction des opinions. Elle a créé de nouveaux processus et lieux de politisation. Il nous faut nous en saisir pleinement. Il s’agit de se doter de nouveaux outils politiques. Nous mettons en œuvre une stratégie numérique globale afin d’acquérir une force de frappe sur la place publique numérique en maîtrisant l’articulation de celle-ci avec la place publique du monde physique, afin d’aider à la mise en mouvement, dans un cadre coordonné, nos adhérent·e·s et nos sympathisant·e·s.

Avec cet objectif nous lançons la plateforme numérique du PCF fin octobre 2018.

Celle-ci sera également un lieu-ressource pour les sympathisant·e·s, adhérent·e·s et responsables de notre parti, en permettant à chacune et chacun d’ouvrir un compte « Mon PCF ». Dans cet espace, sont regroupées des informations utiles – différentes selon qu’on soit sympathisant·e ou adhérent·e – avec, pour les communistes, un lien permettant d’enrichir nos propositions et, pour toutes et tous, un espace personnel où on pourra préciser centres d’intérêt et aspirations militantes, pour gagner en efficacité d’action et favoriser la mise en mouvement efficace.

Ces espaces constituent également des centres de ressources personnalisés pour suivre les initiatives proches de son domicile.

Il s’agit avec la plateforme de se donner les moyens de faire passer une personne d’un engagement dans une campagne numérique (pétition, abonnement à une lettre électronique…) à une action politique pérenne aux côtés du PCF ou en son sein. L’ouverture de la plateforme s’accompagnera de la mise en œuvre d’un plan massif de formation à l’usage politique des outils numériques dans notre parti.

Thèse n° 46 : Une stratégie de communication pour un nouvel écho au PCF.

La communication actuelle de notre organisation doit connaître un saut qualitatif pour s’affranchir de notre triple déficit : problème d’image, manque de permanence et atomisation profonde. L’objectif est de donner à voir la modernité du PCF et du combat communiste. Il nous faut améliorer notre réactivité à l’actualité en développant notamment notre porte-parolat et mener des campagnes de communication dans la durée, à l’appui de nos campagnes politiques. L’enjeu est double : produire des contenus idéologiques de qualité en lien avec le renouveau de la pensée marxiste et travailler à leur diffusion massive, notamment grâce à l’outil vidéo ; parallèlement, développer une communication plus large qui s’adresse à la fois à celles et ceux qui nous écoutent, tout en visant à élargir notre discours aux « communistes qui s’ignorent ». Les idées de bonheur et d’émancipation, la crédibilité du PCF à accéder au pouvoir et la refonte de notre signature « L’humain d’abord » sont au cœur de cette nouvelle stratégie de communication. Les éléments innovants du combat communiste et de notre stratégie doivent être appuyés par une communication redéfinie, notamment en direction des salarié·e·s et des femmes, et avec une priorité donnée à la jeunesse, celle-là même qui dans les enquêtes se déclare la plus ouverte à la question du communisme. Les modalités d’incarnation du PCF donnent à voir l’objectif de rajeunissement de l’image de notre parti. Pour unifier notre communication, nous créons une plateforme de maquettage en ligne, une charte graphique, une nouvelle symbolique, voire un nouveau logo. À l’issue de notre congrès un grand plan de formation en communication sera lancé en s’appuyant sur des référents régionaux.

Thèse n° 47 : Un parti de la bataille idéologique et de l’éducation populaire.

Des centaines de milliers de personnes cherchent à mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent, à identifier des clés d’intelligibilité. C’est une aspiration large ; c’est un enjeu politique majeur.

Dans ce sens, le PCF initie une Université permanente, intégrant les potentialités numériques de diffusion. Autour de quatre thèmes déployés dans l’année, celle-ci propose, chaque semaine, une conférence. Cette initiative n’est pas à destination des seuls communistes  ; nous la faisons connaître largement autour de nous, notamment, parmi la jeunesse, toutes celles et tous ceux qui cherchent.

Il s’agit d’ancrer fortement et visiblement le PCF dans une démarche d’éducation populaire, avec des retours incessants entre pratique et théorie dans une démarche de recherche-action. Dans ce sens, des déclinaisons régionales peuvent être envisagées.

Ces universités participent à la bataille idéologique, comme l’université d’été, nos productions, revues (Cause commune, revue d’action politique du PCF mais aussi Progressistes et Économie et Politique) et les précieux journaux progressistes de notre pays – à commencer par l’Humanité et l’Humanité Dimanche dont la diffusion militante est un enjeu majeur.

Thèse n° 48 : Pour des directions plus efficaces et plus démocratiques.

Pour être de mieux en mieux le parti de l’action populaire, animée par une activité militante de proximité dans tout le territoire, nous avons besoin d’une conception renouvelée des directions plus efficaces dans l’impulsion de l’initiative communiste.

D’ores et déjà notre parti permet à des milliers de femmes et d’hommes, notamment issus des milieux populaires, de prendre des responsabilités militantes et électives et d’être des leviers pour un large engagement dans notre pays. C’est un enjeu important que d’avancer plus loin dans ce sens, en particulier en permettant à des jeunes d’accéder à des responsabilités.

Les attentes des communistes envers leurs directions sont fortes : l’aptitude à impulser des initiatives nationales et locales qui contribuent au rayonnement des idées communistes, à conduire des batailles dans la durée et les évaluer, à générer un travail collectif, à fournir tous les éléments leur permettant de décider souverainement. Concernant notre parole nationale, en particulier, les communistes demandent plus de clarté, de visibilité, de cohérence dans les choix effectués et plus d’efficacité et de combativité.

Tout ceci nous oblige à repenser nos directions, à réfléchir à nos fonctionnements, aux outils dont nous nous dotons, aux coopérations nouvelles que nous initions et aux liens entre la direction nationale et les fédérations départementales grâce à des coordinations régionales.

Nous avons besoin de directions davantage en prise avec les réalités de la société, représentatives de la diversité du salariat, de la ruralité et des grandes agglomérations, associant des camarades engagé·e·s dans le mouvement social, des élu·e·s, des animateurs·trices du Parti. Pour cela le fonctionnement des directions doit évoluer pour tenir compte de la vie réelle de leurs membres, de leur temps disponible, afin de permettre la participation et l’engagement de toutes et tous.

Ainsi des moyens décuplés doivent être déployés pour créer les conditions de l’accès des
femmes aux responsabilités, conformément à nos statuts qui prévoient la parité dans toutes les instances de direction.

Le travail du congrès doit adopter une démarche totalement nouvelle. La commission des candidatures aura pour première mission d’animer le débat dans tout le Parti sur la conception nouvelle de nos directions, notamment du dispositif national de direction nécessaire. Concernant la direction nationale, elle travaillera à la réduction du nombre de ses membres, pour améliorer son mode de fonctionnement et de prise de décisions qui clarifiera les rôles respectifs du Conseil national, du Comité exécutif national et du ou de la secrétaire national·e. Nos statuts devront être rediscutés et modifiés après un bilan partagé à l’occasion du 39e congrès.

EN DÉBAT : Directions

La situation nous appelle à revisiter, sans aucun a priori, l’ensemble de nos
fonctionnements. Nous ressentons la nécessité de modifier la conception de
nos directions pour mettre en œuvre nos choix politiques, stratégiques et faire
vivre le débat démocratique au sein de notre organisation.

Des insatisfactions s’expriment quant au rôle et au fonctionnement de la
direction nationale notamment.

Il est donc nécessaire de clarifier les rôles respectifs du Conseil national et du
Comité exécutif national et de réfléchir :

à la façon d’améliorer le fonctionnement démocratique du Conseil
national pour en faire plus et mieux l’instance d’élaboration des positions
et des initiatives nationales ;

à la mission du CEN ;

au rôle qui revient au ou à la secrétaire national·e.

Des camarades avancent l’idée que, pour parvenir à modifier notre fonctionnement, il est nécessaire de renouveler profondément la direction nationale, jusqu’au secrétaire national.

D’autres considèrent que les questions auxquelles nous sommes confronté·e·s sont politiques, avant d’être des questions de personnes, et que le débat ne peut se poser en ces termes.

De même, les rôles respectifs des conseils départementaux et des exécutifs départementaux et leur fonctionnement doivent être repensés.

La redéfinition de ces rôles porte à reconsidérer la composition de ces instances : quels sont les différents profils à rechercher, en fonctions des tâches à accomplir, des besoins et objectifs politiques ?

Pour une autre organisation de travail du Conseil national, ne faut-il pas imaginer
une équipe d’animation en charge de préparer ses réunions, en amont, pour fournir à chaque membre les ressources nécessaires au débat et à la prise de décisions ?

Pour améliorer le fonctionnement global de la direction nationale, faut-il donner un nouveau rôle à la réunion des secrétaires départementaux ? Lequel ?

Pour des instances en prise avec la réalité de la société, il faut aussi définir des modes de fonctionnement différents (le processus de prise de décisions, le format des réunions, la collégialité, les horaires, les outils …) avec le double objectif de permettre la participation de camarades en activité professionnelle, et la prise de responsabilité vraiment effective des femmes pour une mise en pratique réelle de la parité.

Comment y parvenir ?

Comment et à quel moment évaluer les décisions prises, leur mise en œuvre, les campagnes, les initiatives décidées et impulsées par les directions nationales et locales ?

S’il est nécessaire d’interroger la constitution et le fonctionnement de chaque collectif de direction – de la section jusqu’au plan national – il nous faut aussi examiner la question de la prise de responsabilités à tous les niveaux, de ce que cela implique notamment de capacité d’animation et de prise d’initiatives, la conception que nous en avons. Beaucoup de sections, de fédérations sont, dans les faits, confrontés à la difficulté de cette prise de responsabilités.

Des propositions existent pour aller vers des binômes paritaires, ou
générationnels, ainsi que des modes de fonctionnement qui évitent que toutes
les questions reposent sur le ou la premier·e responsable.

C’est avec ambition et détermination que les communistes s’inscrivent dans les combats et les défis de leur temps.

Le Parti communiste est le parti de toutes celles et tous ceux qui souhaitent construire un monde de justice et de paix !

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« Communisme » : le congrès extraordinaire du PCF de novembre 2018

Le Parti Communiste Français va tenir son congrès extraordinaire en novembre 2018 et son déroulement risque d’être assez particulier, en raison de la cristallisation de nombreuses oppositions à la direction. Après 1989, celle-ci a impulsé une ligne sociale-gouvernementale balançant par-dessus bord toujours plus des traditions de la base, au nom du maintien des élus et d’une existence à travers l’union de la gauche.

Cela a eu indéniablement un succès, au sens où le PCF a maintenu son existence et une présence réelle dans les institutions. Le développement de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon est venu toutefois troubler cette démarche, son populisme attirant pas moins que la moitié de la base du PCF, l’autre moitié ayant peur de se faire phagocyter.

À cela s’ajoute une lisibilité électorale toujours plus faible, avec comme résultats des scores de 1,93% à la présidentielle de 2007 et 2,72% aux législatives de 2017.
Ce qui est en jeu désormais, c’est l’existence du PCF comme organisation « indépendante » : le choix de se lancer seul aux Européennes, avec Ian Brossat comme tête de liste, est la tentative de jouer le tout pour le tout.

Or, Ian Brossat a une ligne sociale-européenne qui déplaît fortement à une partie de la base, qui voit là une tentative de la direction de forcer une orientation bien déterminée, aux dépens des opposants. La direction n’avait d’ailleurs réussi à proposer une « base commune » en vue du congrès extraordinaire qu’avec 49 voix sur 91.

Cette « base commune » proposée par la direction y va pourtant très fort dans la radicalité verbale. Intitulée « Le communisme est la question du XXIe siècle », elle parle de dépassement du capitalisme et de maintien des « conquêtes de classe », exige des « nationalisations authentiques (et non simples étatisations hors d’atteinte du pouvoir populaire) », constate que « la classe des salarié·e·s est unie objectivement, dans sa subordination aux grands propriétaires qui, seuls, décident et profitent véritablement ».

Cependant, attention ! Il ne s’agit pas de la reprise du discours du PCF des années 1970 ou 1980. Pour la direction du PCF, dont l’université d’été reflète le style et l’approche intellectuelle, le « communisme » est une sorte de contrepoids démocratique au capitalisme, consistant en une mobilisation pour prendre le dessus sur « l’argent ».

Le mot « socialisme » ne revient par conséquent pas dans le document, à part pour affirmer que certains dans le PCF regrettent que ce concept ait disparu. A l’inverse, le rôle des élus est souligné, ainsi que les nécessités de pression populaire.

C’est-à-dire que le PCF veut se profiler comme force de l’idéal, de l’utopie, comme force anticapitaliste, sans aucunement proposer de transition, d’État socialiste, de contre-valeurs. C’est là la rupture fondamentale avec le mouvement ouvrier qui exigeait une société socialiste allant au communisme.

La question de la transition a, on le sait, donné naissance aux anarchistes-communistes, aux socialistes et aux communistes, qui s’opposent sur sa nature et sur son rythme. Cependant, le moment de transition n’était pas nié, il était plus ou moins raccourci, défini différemment, etc.

Avec le PCF on est ici dans quelque chose de tout à fait différent et l’écriture inclusive employée en donne l’origine : ses thèses sont celles d’intellectuels comme l’italien Toni Negri et le français Alain Badiou, voire même en poussant légèrement le bouchon comme le français Julien Coupat et le courant dit « communisant » de l’ultra-gauche.

Le « communisme » serait déjà là, comme force associative des gens d’en-bas ; il n’y aurait pas besoin d’idéologie ni d’organisation, mais simplement de bonne volonté pour établir des rapports qui « dépasseraient » le capitalisme. Quiconque a eu la possibilité de discuter avec des zadistes ou des gens de Nuit debout connaît bien cette approche par excellence petite-bourgeoise, au sens d’une négation tant de l’État que de la réalité du capitalisme comme type de production bien déterminé à l’échelle de la société toute entière.

La direction du PCF entend se profiler comme force utopiste maniant un discours totalement idéaliste au sujet du communisme, afin de maintenir son existence en récoltant les voix des couches sociales hostiles au renforcement du capitalisme et à l’augmentation de la pression sociale, sans pour autant faire de la classe ouvrière la clef de toute solution.

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Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

Ian Brossat sera le chef de file du PCF pour les prochaines élections européennes avec une position social-libérale qui n’est pas celle de la classe ouvrière. Sa ligne est de défendre l’Union européenne en expliquant que celle-ci pourrait être différente, plus sociale et moins libérale, avec un accent mis sur la défense de l’immigration.

L’Union européenne, c’est un grand marché organisé par des capitalistes pour faire du capitalisme, qui s’est structuré avec des institutions antidémocratiques. Si la Gauche n’avait pas autant abandonné la classe ouvrière, il serait impossible pour elle de ne pas rejeter franchement un tel projet.

Ian Brossat représente un tel recul de la culture ouvrière du PCF que sa position consiste aujourd’hui à carrément défendre l’Union européenne.

Lors d’un passage à la radio, il a exprimé cela de manière très nette :

« Je ne suis pas favorable à une sortie de l’Union européenne, mais je suis favorable à ce que l’Europe porte autre chose qu’une politique libérale. »

Il n’y a pourtant aucune raison pour la Gauche de ne pas vouloir sortir de l’Union européenne. C’est même relativement un détail dans le cadre d’une conquête d’un pouvoir démocratique et populaire, tellement c’est évident qu’il faut faire complètement autre chose.

La classe ouvrière a résolu depuis très longtemps cette question : la lutte et la conquête du pouvoir ont lieu dans le cadre national, mais la bataille doit s’organiser au niveau international. Il n’a jamais été question de s’organiser conformément aux alliances conclues entre les classes dirigeantes des différents pays.

Assumer de manière unilatérale le thème de l’« Europe », c’est par définition trahir l’internationalisme ouvrier. Il n’y a absolument aucune raison pour la Gauche de se lier moins au peuple algérien, qui ne fait pas partie de l’« Europe », qu’au peuple néerlandais, par exemple.

A moins bien entendu de n’être qu’un outil pour valoriser le capitalisme à visage humain, qui serait tellement idéal que tout le monde devrait venir y vivre… Ian Brossat correspond entièrement à cela, pour sa version parisienne. Jamais Paris ne s’est aussi embourgeoisé que ces dernières années, mais Ian Brossat est là pour maintenir la fiction d’un Paris engagé, populaire, écologiste, etc.

Le problème qui s’est posé à la Gauche cependant, c’est qu’il existe une tendance dans les classes dirigeantes qui rejette l’Union européenne, en affirmant le nationalisme.

Pour ne pas être mêlée à cette tendance, la plupart des forces de Gauche, dont le PCF, ont alors adopté une position très mesurée sur la question, en critiquant les traités européens, mais en prônant de manière floue une « Europe » qui pourrait être autre chose.

On a alors eu des positions alambiquées critiquant les institutions européennes, les textes européens, les pratiques de l’Union européenne, mais ne tranchant jamais la question de manière ferme et internationaliste.

Les libéraux en ont profité pour pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du Parti Commumener une intense bataille idéologique sur la question de l’« Europe » et en faire un horizon indispensable pour tous ceux qui ne seraient pas réactionnaires. C’est la ligne d’Emmanuel Macron. Ian Brossat en est une force d’appoint.

Car un moment clef dans l’histoire politique de notre pays a été le référendum sur la Constitution européenne en 2005. La Gauche s’est retrouvée prise au piège, accablée par les modernistes pro-« Europe » d’un côté et torpillée par les populistes anti-« Europe » de l’autre. Qu’elle appelle à voter « oui » ou « non », elle renforçait forcément l’une ou l’autre des tendances.

La Gauche n’a pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du PCF aux élections européennes de 2019 avec sa liste menée par Ian Brossat.

En tant que tel, ce n’est pas nouveau pour le PCF de dire qu’il faudrait une autre « Europe ». Le parti a même déjà été très loin dans cette position, en proposant en 2014 un projet de « refondation » de l’Union européenne très élaboré.

Cependant, jamais il n’a exprimé directement un attachement à l’Union européenne telle quelle. Parler de « refondation » ou dire ne pas être favorable à une sortie, ce n’est pas exactement la même chose.

Lors de l’université d’été du PCF à Angers, sur une vidéo diffusée en direct par un membre, le chef de file aux futures élections expliquait de manière plus précise sa position :

« Si le débat se résume à ça, nous ne pouvons pas nous situer dans une alternative qui serait une alternative entre “pro” et “anti” européens parce que très concrètement, si être “pro” européen c’est être favorable à l’ensemble des traités qui régissent l’Union européenne, évidemment que nous ne sommes pas européens, mais si être “anti” européen c’est être favorable au repli national, nous ne sommes pas favorables au repli national.

De la même manière, si être partisan de l’ouverture, c’est être partisan du libre échange généralisé conduisant à faire rentrer au sein de l’Union européenne n’importe quel produit réalisé n’importe comment à n’importe quelle condition sociale et environnementale, nous ne sommes pas favorables à ça.

Mais si être partisan de la fermeture cela signifie rejeter l’accueil des migrants, évidemment que nous sommes partisans de l’ouverture, bien au contraire.

Donc, la question qui nous est posée c’est bien de faire exploser ce faux clivage qu’on cherche à nous imposer à l’occasion de cette bataille des élections européennes.

D’ailleurs, quand on s’y pose quelques instants, cette opposition est en réalité une gigantesque arnaque. Quand on regarde le fond, ils nous disent qu’il y aurait une opposition qui structurait tout entre “pro” et “anti” européens, mais enfin, quand même !”

Une telle position, qui est une justification de sa défense de l’Union européenne, passe évidemment très mal à la base du Parti Communiste Français et provoque de nombreuses tensions.

En fait, le PCF se retrouve avec Ian Brossat dépourvu d’une expression propre. Car ce qu’il dit ne consiste ni plus ni moins qu’en la position sociale-libérale traditionnelle du Parti socialiste.

Cela n’est pas étonnant de part ses fonctions puisqu’il baigne totalement dans ce milieu avec ses responsabilités à la Mairie de Paris. Quand il évoque l’élection de Bertrand Delanoë en 2001, il dit tout naturellement « on », c’est-à-dire qu’il fait partie intégrante de cette dynamique dont Anne Hidalgo est aujourd’hui l’héritière, et dont il est un porte-parole.

Il s’agit là d’une grande métropole d’un pays riches qui, comme d’autres dans le monde, se sont choisi des maires « modernes » et « ouvert d’esprit », qui se sentent à l’étroit dans les frontières nationales et font de la libre circulation des personnes un thème primordial.

Ian Brossat est lui-même un habitant de Montmartre, le quartier bourgeois-bohème de Paris par excellence. Il est « ouvert d’esprit », et d’ailleurs il explique qu’il trouve cela très bien qu’il y ait un foyer de migrants à côté de chez lui.

C’est pour cela qu’il précisait à la radio sur RMC que, bien qu’il soit contre les politiques de travailleurs détachés, « Ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas venir. » Et il ajoutait :

« Moi ça ne me dérange pas qu’il y ai des gens de toutes nationalités qui travaillent dans nos champs. Mais ils travaillent avec un contrat français. »

On a là une expression libérale typique, dans une forme « light », mais néanmoins anti-ouvrière. C’est-à-dire qu’il souhaite faire venir de la main-d’œuvre étrangère pour faire dans les champs le « sale boulot » que les travailleurs français n’acceptent plus de faire sans rien dire.

Cela en dit long sur l’état de déliquescence de la Gauche française.

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Politique

La lettre de Georges Marchais suite à l’expulsion des maliens du foyer de Vitry

Dans l’Humanité du 7 janvier 1981, le secrétaire général du Parti communiste français George Marchais publiait une lettre ouverte qui fera grand bruit et qui est encore régulièrement citée à notre époque. Il y parlait d’immigration, la présentant sous un regard particulièrement critique.

C’est un exemple montrant comment le PCF a changé depuis, s’éloignant toujours plus de sa base ouvrière. Aujourd’hui, il a adopté la même position que l’Église catholique ou que les anarchistes au sujet des migrations.

En 1980, cela n’était bien sûr pas le cas. C’est que, malgré sa perspective nouvelle allant dans le sens de la soumission à François Mitterrand pour le « leadership » à Gauche, le PCF possédait encore une base ouvrière très forte. Il avait de nombreux liens avec la tradition historique du mouvement ouvrier, l’empêchant de se précipiter dans l’acceptation des phénomènes propres au capitalisme.

La lettre ouverte de George Marchais était une réponse au Recteur de la Mosquée de Paris, qui accusait, avec d’autres, le PCF de racisme.

Cela faisait suite à la fameuse expulsion de Maliens d’un foyer de Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne, deux semaines plus tôt. Il était évident à l’époque que la bourgeoisie manœuvrait pour concentrer un nombre important d’immigrés dans les quartiers ouvriers. Les municipalités communistes étaient particulièrement ciblées et entendaient ne pas se laisser faire.

Dans ce contexte, l’installation en catimini des Maliens au moment des fêtes de Noël avait été vécu comme une provocation insupportable. Ce qui s’était passé est simple : des militants communistes de la ville sont aller déloger de manière virulente les migrants, en leur expliquant qu’ils ne pouvaient pas décemment occuper un lieu qui ne leur était pas destiné.

Car, et cela a son importance, ces derniers venaient de Saint-Maur, qui était du point de vue des ouvriers de Vitry, une ville bourgeoise qui se débarrassait de « ses » Maliens. George Marchais expliqua ensuite dans sa lettre ouverte que le foyer de Vitry était en rénovation et que le mairie le destinait à des travailleurs français.

Le journal communiste local Le Travailleur présentait les choses ainsi :

« Les manifestants étaient là non seulement pour crier leur colère, mais pour mettre devant leurs responsabilités le préfet et le maire de Saint-Maur. Ainsi, avec un bulldozer, ils condamnèrent les grilles du foyer, qui n’auraient jamais dû être ouvertes ; l’eau, le gaz, l’électricité furent coupés… Guy Poussy, notamment, s’est adressé à eux (les Maliens), malgré l’hostilité violente du chef de tribu, pour les appeler à faire preuve de dignité : ‘Vous ne pouvez accepter de prendre des logements qui étaient réservés à de jeunes travailleurs français. Vous êtes de Saint-Maur. Vous devez donc agir avec nous pour être relogés à Saint-Maur. Vous n’avez pas d’autre choix’. »

La manipulation des autorités était donc grossière, et visait directement à diviser le peuple par le racisme, tout en utilisant les migrants pour affaiblir la classe ouvrière française.

Quarante ans après, il est évident que cela a en grande partie fonctionné. La fameuse banlieue rouge ceinturant Paris a été cassé. Il en est de même pour beaucoup de villes françaises où les cités HLM sorties de terre étaient ou étaient en train de devenir des bastions de la classe ouvrière.

Le Parti communiste ne faisait que se défendre, il avait bien vu que la bourgeoisie fabriquait sciemment des ghettos et que les traditions de la classe ouvrière étaient visées.

Cela a en grande partie contribué à l’effondrement du PCF, qui est passé en moins de vingt ans de la plus grande force de gauche, à plus grand chose.

La question de l’immigration a marqué un tournant dans les traditions de la Gauche française. Cette dernière a de plus en plus fait directement le jeu du capitalisme en soutenant ouvertement l’immigration, au prétexte de soutenir les travailleurs immigrés et lutter contre le racisme.

Cela n’a pas commencé en 1980-1981, mais justement cet épisode de Vitry, puis la lettre ouverte de George Marchais, ont marqué un tournant. Cela a permis d’unifier une grande partie de la Gauche et de l’extrême-gauche autour de la critique du PCF et de la défense unilatérale et libérale de l’immigration.

La Gauche a alors cessé d’être de gauche, pour être de plus en plus libérale sur le plan des valeurs, abandonnant toujours plus la classe ouvrière et les petites gens sur les questions économiques.

Le résultat à notre époque est simple. La sociale-démocratie a pris le chemin du capitalisme le plus assumé, avec des personnalités au pouvoir comme François Mitterrand, Lionel Jospin, puis François Hollande.

Les dirigeants des forces historiques de la Gauche qui n’assument pas aussi ouvertement le capitalisme, mais ne le refusent pas pour autant, sont surtout des postmodernes et postindustriels n’ayant pas grand chose à voire avec le socialisme et la classe ouvrière.

Le thème de l’immigration est pour eux un moyen de se prétendre social, tout en refusant de se tourner vers la classe ouvrière. Cela est bien sûr le cas aussi au PCF, avec une figure comme Ian Brossat comme chef de file aux prochaines élections.

La question des réfugiés est alors prise en otage de manière odieuse par ces gens qui mélangent tout et n’importe quoi, prétextant que n’importe quel jeune homme abandonnant son village dans l’espoir d’un avenir meilleur en France serait à mettre sur le même plan qu’une personne fuyant son pays dans lequel elle est persécutée pour ses idées.

De manière coloniale, ils se moquent littéralement du fait que l’immigration, et en l’occurrence, l’émigration, a contribué et contribue encore largement à maintenir des pays dans le sous-développement et la dépendance face aux grandes puissances.

Cela ne les intéresse pas de voir que l’immigration est utilisé par la bourgeoisie pour servir le capitalisme et casser les traditions ouvrières.

Cette lettre ouverte de George Marchais, malgré tout ce qu’on pourrait lui reprocher sur le plan culturel et sur le plan idéologique, a donc le mérite de rappeler des principes essentiels de la Gauche.

C’est un document très intéressant à connaître dans son intégralité, et pas simplement par des citations souvent tronquées et manipulées, dans un sens ou dans un autre.

« Monsieur le Recteur,

Vous m’avez envoyé un télégramme me demandant de condamner le maire communiste de Vitry et mettant en cause la politique de mon parti sur l’immigration. Ce message a été rendu public avant même que j’ai pu en prendre connaissance. C’est pourquoi je vous adresse cette lettre ouverte.

Tenant compte de la charge que vous occupez, je tiens d’abord à vous confirmer ma position, celle de mon parti, sur la religion. Je respecte, nous respectons la religion musulmane à l’égal de toutes les autres. Je sais que des centaines de milliers de travailleurs de mon pays professent l’Islam, qui est l’une des branches vivantes sur l’arbre millénaire de la civilisation.

Je me fais une règle de ne jamais intervenir dans des questions religieuses qui relèvent de la seule conscience des personnes ou des communautés. C’est donc seulement parce que vous avez adopté une position politique sur une question qui nous concerne que je prends la liberté de vous envoyer aujourd’hui, cette mise au point.

L’idéal communiste est effectivement opposé, comme vous voulez bien le reconnaître, à toute discrimination raciale ou religieuse.

Nous pensons que tous les travailleurs sont frères, indépendamment du pays où ils sont nés, de la couleur de leur peau, des croyances, de la culture, des valeurs ou des coutumes auxquelles ils sont attachés. Qu’ils s’appellent Mohamed, Kemal ou Jacques, Moussa, Mody ou Pierre, tous ont un droit égal à la vie, à la dignité, à la liberté.

Nous nous appliquons à nous-mêmes cette loi d’égalité. Tous les travailleurs immigrés, musulmans ou non, membres du Parti communiste français, ont dans ce parti les mêmes droits et mêmes devoirs que leurs camarades français.

Nul plus que nous en France n’a combattu le colonialisme. Pour ne parler que du Maghreb, dès la fondation de notre parti, nous luttions contre la guerre du Rif. Et, plus récemment, nous avons milité pour la constitution du Maroc et de la Tunisise en États indépendants ; nous nous sommes opposés à la guerre menée contre le peuple algérien par les capitalistes français et leurs politiciens, avec la férocité de leurs tortures, de leurs camps, de leurs massacres, de leurs dévastations.

Aujourd’hui, je m’honore d’entretenir de bonnes relations avec les dirigeants du mouvement de libération nationale. Je me suis rendu plusieurs fois en Algérie. J’ai parcouru l’Afrique. Et j’ai l’intention de développer encore cette action.

Je me suis particulièrement réjoui d’avoir contribué, l’été dernier, au nom du Comité de défense des libertés et des droits de l’homme, à la libération d’Abderrazak Ghorbal, le dirigeant syndicaliste tunisien. Avec ce comité, j’espère bien finir par obtenir justice pour Moussa Konaté, travailleur malien persécuté par l’arbitraire policier de M. Giscard d’Estaing.

En France même, c’est la CGT et nous qui combattons énergiquement la politique des patrons et du gouvernement, la surexploitation, les atteintes à la dignité, les brimades et les discriminations odieuses qui frappent les travailleurs immigrés. Nous le ferons toujours. C’est ce que j’ai réaffirmé, en juillet 1980, en m’adressant aux travailleurs immigrés de l’usine Renault à Flins.

Au vu de ces réalités, puis-je vous rappeler cette belle parole : « le feu de l’hospitalité luit pour le voyageur qui distingue la flamme » ?

Pour la clarté, sur le sujet dont parle votre télégramme, il me faut en premier lieu rétablir la vérité des événements.

Votre message fait état d’une « décision précipitée et irréfléchie » que le maire communiste de Vitry aurait prise à l’encontre de travailleurs immigrés maliens. Voilà une condamnation bien hâtive. De fait, l’histoire réelle est inverse. C’est un dimanche, avant-veille de fête, au moment même où les communistes étaient réunis au Bourget pour le soixantième anniversaire de leur parti, qu’un autre maire — non pas communiste, mais giscardien celui-là — a déclenché l’affaire en prenant la révoltante décision de chasser les immigrés maliens de sa ville de Saint-Maur et de les refouler clandestinement sur Vitry.

Pour parvenir à ses fins, cet individu n’a pas hésité à faire forcer — à l’insu du maire de Vitry et sans accord de la commission de sécurité — les issues murées d’un foyer au sujet duquel les négociations étaient officiellement engagées en vue d’y loger de jeunes travailleurs français.

Permettez-moi de vous le dire : comment se fait-il que vous n’ayez pas pris position contre le maire de Saint-Maur ? Je n’ose croire que c’est parce qu’il est un ami intime du président de la République française, qu’il a reçu deux fois en trois ans dans sa mairie. Il me faut bien constater toutefois, avec étonnement, que vous avez été plus prompt à organiser une manifestation contre un maire communiste qu’à prendre à partie les responsables des souffrances des immigrés en France, MM. Giscard d’Estaing, Stoléru ou le président du CNPF.

Aux côtés de la droite et de l’extrême-droite, avec les dirigeants socialistes, la CFDT, la FEN et des groupuscules, vous vous trouvez, je le déplore, au cœur d’une opération politicienne anticommuniste qui prend les immigrés comme prétexte et ne peut en définitive que leur nuire.

Je vous déclare nettement : oui, la vérité des faits me conduit à approuver, sans réserve, la riposte de mon ami Paul Mercieca, maire de Vitry, à l’agression raciste du maire giscardien de Saint-Maur. Plus généralement, j’approuve son refus de laisser s’accroître dans sa commune le nombre, déjà élevé, de travailleurs immigrés.

Cette approbation ne contredit pas l’idéal communiste. Au contraire.

La présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration posent aujourd’hui de graves problèmes.

Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables. Ce qui nous guide, c’est la communauté d’intérêts, la solidarité des travailleurs français et des travailleurs immigrés. Tout le contraire de la haine et de la rupture.

Certains — qui défendent par ailleurs le droit de vivre au pays pour les Bretons ou les Occitans — prétendent que l’immigration massive de travailleurs est une nécessité, voire un bienfait du monde contemporain. Non, c’est une conséquence du régime capitaliste, de l’impérialisme.

Des millions d’hommes sont contraints au cruel exil en terre étrangère, loin de leur ciel et de leur peuple, parce qu’ils n’ont pas de travail chez eux. Dans beaucoup de leurs pays la colonisation, le développement inégal propre au capitalisme ont laissé des traces profondes ; même dans ceux d’entre eux qui s’engagent sur la voie d’un développement socialiste elles peuvent subsister pendant de nombreuses années.

Ou bien encore les capitalistes qui dominent certains pays exportateurs de main-d’œuvre ne veulent pas ou ne peuvent pas résoudre les problèmes économiques et sociaux de leurs peuples et préfèrent tirer des profits immédiats de l’immigration, tout en affaiblissant par ces départs la classe ouvrière ; ainsi au Portugal ou en Turquie, malgré la lutte des forces les plus conscientes.

Quant aux patrons et au gouvernement français, ils recourent à l’immigration massive, comme on pratiquait autrefois la traite des Noirs, pour se procurer une main-d’œuvre d’esclaves modernes, surexploitée et sous-payée. Cette main d’œuvre leur permet de réaliser des profits plus gros et d’exercer une pression plus forte sur les salaires, les conditions de travail et de vie, les droits de l’ensemble des travailleurs de France, immigrés ou non.

Cette politique est contraire tant aux intérêts des travailleurs immigrés et de la plupart de leurs nations d’origine qu’aux intérêts des travailleurs français et de la France. Dans la crise actuelle, elle constitue pour les patrons et le gouvernement un moyen d’aggraver le chômage, les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, la répression contre tous les travailleurs, aussi bien immigrés que français.

C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. À cet égard MM. Giscard d’Estaing et Stoléru font le contraire de ce qu’ils disent : ils contribuent à l’entrée clandestine organisée de travailleurs dépourvus de droits et soumis à une exploitation honteuse et inhumaine.

Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine, mais non chasser par la force les travailleurs immigrés déjà présents en France, comme l’a fait le chancelier Helmut Schmidt en Allemagne fédérale.

Nous disons également : il faut donner aux travailleurs immigrés les mêmes droits sociaux qu’à leurs camarades français. Nos propositions en ce sens sont les plus avancées qui soient.

Et nous disons encore : il faut instituer un nouvel ordre économique et politique mondial.

Il faut une coopération fondée non sur les exigences de profits des trusts et sur des conceptions colonialistes, mais sur des rapports équitables correspondant en priorité aux besoins d’emploi et de développement de la France et des peuples du tiers monde. Cette question, vous ne pouvez l’ignorer, me tient particulièrement à cœur.

En même temps et dans le même esprit nous disons : il faut résoudre d’importants problèmes posés dans la vie locale française par l’immigration.

En effet, M. Giscard d’Estaing et les patrons refusent les immigrés dans de nombreuses communes ou les en rejettent pour les concentrer dans certaines villes, et surtout dans les villes dirigées par les communistes. Ainsi se trouvent entassés dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, des travailleurs et des familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes.

Cela crée des tensions, et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficiles leurs relations avec les Français.

Quand la concentration devient très importante — ce qui n’a rien à voir, soit dit au passage, avec la notion non scientifique et raciste d’un prétendu « seuil de tolérance » dont nous ne parlons jamais — la crise du logement s’aggrave ; les HLM font cruellement défaut et de nombreuses familles françaises ne peuvent y accéder. Les charges d’aide sociale nécessaire pour les familles immigrées plongées dans la misère deviennent insupportables pour les budgets des communes peuplées d’ouvriers et d’employés.

L’enseignement est incapable de faire face et les retards scolaires augmentent chez les enfants, tant immigrés que français. Les dépenses de santé s’élèvent.

Les élus communistes, dans le cadre de leurs droits et de leurs moyens, multiplient les efforts pour résoudre ces problèmes difficiles au bénéfice de tous. Mais la cote d’alerte est atteinte : il n’est plus possible de trouver des solutions suffisantes si on ne met pas fin à la situation intolérable que la politique raciste du patronat et du gouvernement a créée.

C’est pourquoi nous exigeons une répartition équitable des travailleurs immigrés entre toutes les communes.

Parler à ce propos d’électoralisme, c’est nous faire injure. Notre position ne date pas d’aujourd’hui. Dès octobre 1969, quand j’étais chargé de l’immigration à la direction du Parti communiste français, les maires communistes de la région parisienne et les élus communistes de Paris ont adopté, sur ma proposition, une déclaration dénonçant la concentration des travailleurs immigrés dans certaines villes et demandant une répartition équilibrée.

Si elles avaient été appliquées par le pouvoir, ces mesures, pour lesquelles nous n’avons cessé de lutter, auraient permis d’éviter les difficultés actuelles.

Encore un mot sur le racisme. Rien ne nous est plus étranger que ce préjugé antiscientifique, inhumain, immoral. Non, il n’existe pas de races d’élite et de races inférieures.

Ne partagez-vous pas l’indignation qui me soulève quand je considère les activités malfaisantes des passeurs, des trafiquants, des marchands de sommeil qui entassent des immigrés dans des conditions violant toutes les règles d’hygiène, de sécurité, de voisinage et que M. Stoléru laisse agir sans entraves comme les négriers d’autrefois ? Ce sont des délinquants qu’il faut réprimer.

Et n’éprouvez-vous pas le même dégoût que moi à la lecture d’une « petite annonce » comme celle que le journal «Libération» publiait récemment sous le titre : « Immigrés sex service », et que la décence m’interdit de reproduire ? Comme j’aimerais que nous soyons, chacun au nom de notre idéal respectif, du même côté contre des gens capables de bassesses aussi abominables, et, j’ose le dire, d’une telle barbarie !

Tout ce que la morale humaine réprouve avec force, l’inégalité, l’injustice, le mépris, la cruauté, nous le repoussons, nous le combattons. C’est pourquoi, dans les entreprises et les cités, nous invitons les travailleurs immigrés et français non pas à se combattre entre eux, mais à unir leurs forces contre leurs vrais ennemis communs, les exploiteurs et ceux qui les servent.

Nous les appelons à tracer ensemble le sillon, à l’élargir sans cesse, pour libérer tous les hommes et toutes les femmes de la servitude et de la haine. C’est le sens de notre lutte pour la justice. De très nombreux prolétaires musulmans la comprennent et la soutiennent.

Veuillez agréer, Monsieur le Recteur, mes salutations.

Georges Marchais. »

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Politique

Université d’été 2018 du PCF à Angers

Le PCF tient son université d’été à Angers et à la lecture du programme, on voit qu’il a encore beaucoup d’ambitions. Les thèmes reflètent l’émergence de toute une génération post-post-communiste pour ainsi dire : on est cette fois plus que bien loin de la question ouvrière, du socialisme comme collectivisation des moyens de production. Le PCF s’est maintenu, mais pour servir de tremplin à autre chose, un autre chose en train de se former.

A noter que les salles du campus universitaire ont été renommées pour l’occasion, souvent avec des figures du mouvement décédées il y a peu. On a ainsi les salles :

-Aragon/Arsène-Tchakarian : Louis Aragon est un célèbre écrivain ayant été une figure historique du PCF pendant la Résistance et après, Arsène Tchakarian est quant à lui un résistant, membre des FTP-MOI et décédé le 4 août dernier ;

-Paul-Boccara : Paul Boccara, décédé l’année dernière, était un historien et un économiste qui fut un haut dirigeant du PCF, ayant notamment théorisé sa critique du « capitalisme monopoliste d’Etat » dans les années 1970 ;

-Antoine-Casanova : Antoine Casanova est un autre historien ayant fait partie de la direction du PCF, il est également décédé l’année dernière ;

-Djamila-Bouhired :Djamila Bouhired est une membre du FLN algérien, ayant fait partie des réseaux organisant des attentats meurtriers dans des lieux publics ;

-Benoît-Frachon : Benoît Frachon fut un haut dirigeant du PCF, ayant participé à la Résistance et dirigé la CGT de 1945 à 1967 ;

– Gerda-Taro: Gerda Taro était une photographe connu pour ses photos de la guerre d’Espagne ;

– Marcelle & René-Hilsum : il s’agit d’éditeurs liés au surréalisme ;

– Dolores-Ibarruri : Dolores Ibárruri fut une responsable du Parti Communiste d’Espagne, connu pour son discours où elle lança le mot d’ordre « No pasaran » ;

– Jack-Ralite : Jack Ralite, décédé l’année dernière, fut ministre PCF entre 1981 et 1984 ;

– Jean-Pierre-Kahane, décédé l’année dernière, fut un mathématicien ; membre du PCF depuis 1946, il en avait dirigé la revue Progressistes consacrée notamment aux sciences.

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Société

Faire manger des crevettes aux enfants, l’utopie de la gauche pour Ian Brossat du PCF ?

Ian Brossat est quelqu’un de très actif sur Twitter. Cela lui permet de parler souvent sans avoir besoin d’avancer un contenu très élaboré. Avec des petites phrases, il pense pouvoir facilement se façonner une image de gauche, sans que cela n’engage à grand-chose dans le fond.

Parfois, quelques mots suffisent à en dire beaucoup sur la vision du monde d’une personnalité politique. C’est ainsi que dimanche soir, alors qu’il regardait probablement la télévision, celui qui est tête de liste du PCF pour les prochaines élections européennes a « tweeté »:

Quel bel horizon proposé pour la jeunesse populaire, manger des crevettes ! Outre le fait que la pêche à la crevette soit l’un des pires symboles de la destruction des océans, il y a là une perspective culturelle terrifiante.

Autant on peut imaginer que cela avait un sens dans les années 1950 de faire découvrir des produits de la mer aux enfants d’ouvriers de la banlieue parisienne, autant en 2018 cela relève de la supercherie la plus totale tellement le monde a changé depuis.

Si la plupart des enfants de Saint-Denis ne mangent pas de crevettes, c’est surtout parce qu’ils sont largement issus de l’immigration et que ce n’est pas dans leur habitude. Les crevettes ne valent pas plus cher dans un supermarché de banlieue que beaucoup d’autres produits très consommés.

La population, même dans un cité HLM, n’est pas misérable à ce point. Il faut vraiment être déconnecté des réalités de la classe ouvrière de France pour s’imaginer que la question se pose en ces termes.

Mais justement, Ian Brossat n’a pas grand-chose à voire avec la classe ouvrière. Il est un adjoint bien en vue à la mairie de Paris par Anne Hidalgo, dont il a été le porte-parole pendant sa campagne. Lui qui est depuis 2012 président de la Société d’économie mixte PariSeine (en charge du Forum des Halles et d’un certain nombre d’autres grands projets) ou bien qui est marié à un professeur de classes préparatoires du très bourgeois Lycée Louis-le-Grand.

C’est donc facile de regarder les « pauvres » de l’autre côté du périphérique s’organiser pour des vacances bas de gamme. Parce que si ces « colos » ne sont facturées que 100 euros à certaines familles, c’est bien la collectivité qui paye la différence. Ce sont les habitants eux-mêmes qui paient cela. Les riches ne paient pas leurs impôts locaux à Saint-Denis mais plutôt à Neuilly-sur-Seine ou à Paris, et d’ailleurs ils ont en général de nombreuses astuces pour éviter de les payer.

Ian Brossat n’a pas grand-chose à voir non-plus avec les traditions du parti communiste. Sinon, il ne citerait pas aussi facilement Capital sur M6. Cette émission est une sorte de condensé de ce que n’importe quel militant du PCF déteste. C’est une apologie grossière et racoleuse du business. Elle consiste à vendre du « rêve » capitaliste aux pauvres, en les prenant pour des imbéciles par ailleurs.

Car, même sans être communiste, n’importe qui ayant un minimum de culture et d’exigences culturelles ne peut qu’être horrifié par un tel contenu. Rien que le ton de la voix-off typique de ce genre de documentaire n’est pas acceptable. Il est d’ailleurs souvent moqué par les gens refusant une telle niaiserie.

Rejeter Capital sur M6, c’est la base pour quelqu’un de gauche. Et donc, on ne cite pas cette émission comme ça, au passage, sans la critiquer. À moins justement, encore une fois, d’être tellement déconnecté de la classe ouvrière qu’on en a pas compris le propos.

Car que disait ce reportage, qui est visible en « replay » sur le site de la chaîne moyennant le visionnage forcé de quelques publicités ? Il montrait cette « colo » communiste comme une vieillerie devant disparaître parce que les versions commerciales seraient mieux.

Ni plus ni moins, il s’agissait de dire que les établissements municipaux sont des gouffres financiers pour les mairies et sont ringards en termes de contenu. Capital faisait, comme c’est son rôle, la promotion du libéralisme en montrant les échecs du socialisme.

Ce centre, au milieu de plusieurs autres centre de vacances municipaux ayant déjà fermé, avec ses installations bas de gamme et son matériel vieilli, était tout sauf une publicité pour les communistes.

Il faut vraiment toute la candeur d’un bourgeois de l’entre-soi parisien pour y avoir vu quelque chose de positif pour le PCF, simplement parce qu’une jeune fille de banlieue y mangeait des crevettes pour la première fois de sa vie.

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Écologie

Pourquoi la Gauche n’a-t-elle pas interdit la chasse à courre ?

Depuis 1981 et l’élection de François Mitterrand comme Président, il y a eu plusieurs gouvernements de gauche. Ils n’ont pas interdit la chasse à courre et n’ont jamais abordé la chasse non plus.

Chasse à courre

Pour la chasse, la raison en est bien connue : c’est la faute au PCF. Il se plaçait comme opposition radicale dans les années 1950 lorsqu’il était le plus grand parti politique français, mais à partir de 1958 avec le coup d’État gaulliste il s’est de plus en plus effacé. Et pour conserver son influence, il a été particulièrement populiste et a défendu la chasse avec acharnement, en disant que c’est un acquis de la révolution française.

Auparavant, seule la noblesse avait le droit de chasser et désormais, le régime républicain permettrait à chacun de le faire. Il est désormais pourtant évident qu’il ne s’agit pas que chacun puisse chasser, mais que personne ne puisse le faire. Aucune civilisation développée ne peut accepter le principe d’une personne se baladant avec une arme pour tuer un être vivant.

Cette idée d’assassinat s’appuie par ailleurs sur une approche résolument patriarcale, avec l’homme primitif abordant avec violence la réalité l’environnant. C’est un élément très important, car la chasse est une démarche partagée par des hommes, avec une idéologie viriliste agressive.

D’où justement le soutien unilatéral des structures officielles de la chasse à la chasse à courre, de par les ponts du virilisme avec la néo-féodalité, l’esprit néo-aristocrate des « équipages » de la chasse à courre et leur entourage obséquieux fasciné par le clinquant, la puissance locale, le style oligarchique.

La Gauche gouvernementale a capitulé pour cette raison devant la chasse à courre. Elle n’en a jamais fait un thème, parce que la chasse à courre est reliée à la chasse en général. Or, critiquer la chasse, ce serait rompre avec les valeurs traditionnelles, que la Gauche gouvernementale n’a jamais voulu heurter. Dans l’esprit de Sciences-Po, il y avait l’idée que tout gouvernement doit avant tout s’appuyer sur le « centre », donc sur les circuits traditionnels du régime en place.

Par là même, on doit sans doute dire que la Gauche gouvernementale a échoué du moment même où elle a capitulé devant sa volonté, juste après 1981, de supprimer l’école privée. Le front catholique en défense de « l’école libre » a été assez puissant pour casser la dynamique de Gauche, pour la faire capituler sur le plan des idées.

Chasse à courre

On dit souvent que c’est la crise économique qui a obligé la Gauche gouvernementale à abandonner sa démarche, avec également la fuite de gens très riches notamment en Suisse. Ce n’est pas vrai : la France est un pays très riche et il y avait les moyens d’avancer indépendamment des crises du capitalisme, et même contre elles. La réalité est qu’il y a eu un abandon des valeurs culturelles de Gauche, au profit d’un esprit de gestion, d’amélioration du capitalisme, comme avec les nationalisations ayant abouti à des privatisations finalement.

De toutes façons, la Gauche gouvernementale n’avait pas réellement réfléchi à tout cela. Elle est le pendant « réaliste » de la Gauche « utopiste », les deux étant nés avec 1958 comme la « nouvelle gauche », et ayant connu leur moment de gloire avec mai 1968. L’idée a toujours été de parvenir au pouvoir d’une manière ou d’une autre, afin de mettre un terme à la domination de la Droite.

C’est un grand problème de la Gauche et c’est également cette même absence de contenu bien déterminé qu’on retrouve au moment du Front populaire. Ce dernier a été construit dans l’urgence antifasciste et est un exemple historique à forcément suivre. Il est dommage cependant que l’absence de contenu ait été si important qu’il se soit justement effondré rapidement après, sans tracer de perspective.

Cela souligne l’importance de la lutte contre la chasse à courre. C’est une réalité historique qui ne peut que fédérer la Gauche, qui ne peut que la forcer à comprendre que les riches vivent à part et comme ils veulent, qu’ils ont des valeurs pratiquement fondamentalistes : la grande propriété et sa domination sur la population, l’utilisation de la nature selon les « besoins » du divertissement jusqu’au plus absurde, l’appui le plus grand aux « traditions ».

Cela ne peut qu’aider à faire se remettre en cause les hommes de Gauche qui ont été happés par la chasse, sans voir qu’ils cédaient ici culturellement à la Droite, obéissant à des valeurs contraires à ce qu’eux-mêmes défendent.

La Gauche n’a pas interdit la chasse à cour, car elle n’était pas réellement elle-même : il est temps qu’elle le soit !

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Culture

La chanson « La jeune garde »

La chanson « La jeune garde » relève du patrimoine ouvrier français, avec ses qualités mais également ses grandes limites. Elle est encore connue, parfois, dans certains milieux ayant conservé une tradition relevant, il est vrai, plus du folklore qu’autre chose.

Elle est née en 1910 (ou en 1912 selon les sources) comme Chanson des jeunes gardes, avec un texte de Gaston Montéhus (en fait Gaston Mardochée Brunswick, 1872 – 1952) et un arrangement musical de Saint-Gilles (pseudonyme d’une personne morte en 1960).

Son succès repose sur la dynamique d’une opposition : d’un côté il s’agit d’une mise en garde aux ennemis de la Gauche, de l’autre d’un appel à former une jeunesse sur ses gardes.

Voici les paroles (le premier couplet manque dans la version ci-dessus).

Nous somm’s la jeune France
Nous somm’s les gars de l’avenir,
El’vés dans la souffrance, oui, nous saurons vaincre ou mourir ;
Nous travaillons pour la bonn’cause,
Pour délivrer le genre humain ,
Tant pis, si notre sang arrose
Les pavés sur notre chemin

[refrain] Prenez garde ! prenez garde !
Vous les sabreurs, les bourgeois, les gavés, et les curés
V’là la jeun’garde v’là la jeun’garde qui descend sur le pavé,
C’est la lutte final’ qui commence
C’est la revanche de tous les meurt de faim,
C’est la révolution qui s’avance,
C’est la bataille contre les coquins,
Prenez garde ! prenez garde !
V’là la jeun’garde !

Enfants de la misère,
De forc’ nous somm’s les révoltés,
Nous vengerons nos mères
Que des brigands ont exploitées ;
Nous ne voulons plus de famine
A qui travaille il faut des biens,
Demain nous prendrons les usines
Nous somm’s des homm’s et non des chiens

Nous n’ voulons plus de guerre
Car nous aimons l’humanité,
Tous les hommes sont nos frères
Nous clamons la fraternité,
La République universelle,
Tyrans et rois tous au tombeau !
Tant pis si la lutte est cruelle
Après la pluie le temps est beau.

On voit aisément le ton qui est, somme toute, très XIXe siècle, avec un fond culturel éminemment républicaniste et syndicaliste.

Utilisée d’ailleurs initialement par les jeunesses de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) avant la première guerre mondiale, elle devint pour cette raison, après le congrès de Tours de 1920, une chanson tant par des jeunesses liées au Parti Communiste – Section Française de l’Internationale Communiste que de celles liées à la « vieille maison ».

Sa période de gloire date d’ailleurs du Front populaire ; les communistes changeront cependant le « Nous sommes la jeune France » en « Nous sommes la jeune garde ».

Deux couplets s’ajoutèrent par la suite.

Quelles que soient vos livrées,
Tendez vous la main prolétaires.
Si vous fraternisez,
Vous serez maîtres de la terre.
Brisons le joug capitaliste,
Et bâtissons dans l’monde entier,
Les États-Unis Socialistes,
La seule patrie des opprimés.

Pour que le peuple bouge,
Nous descendrons sur les boulevards.
La jeune Garde Rouge
Fera trembler tous les richards !
Nous les enfants de Lénine
Par la faucille et le marteau
Et nous bâtirons sur vos ruines
Le communisme, ordre nouveau !

La chanson a toutefois relativement perdu sa valeur, se maintenant uniquement par un esprit folklorique qu’on peut librement trouver ridicule ou pathétique.

Voici ainsi une vidéo du Parti socialiste du Bas-Rhin lors du premier mai de 2009, puis une chorale à la fête de l’Humanité en 2016, et enfin la version la plus connue de la chanson, avec une image de Castro et Guevara qui ne doit pas étonner, puisque la chanson fut largement appréciée par les Jeunesses Communistes Révolutionnaires, dont le trotskisme se voulait également en quelque sorte guévarisme.

Vu comme cela, ça ne donne pas envie et cela révèle beaucoup de choses sur les faiblesses des traditions de la gauche française. Tout repose ici sur un symbolisme dont le manque de consistance est patent.

Il est à noter que la chanson a eu son importance en Espagne. Reprise par la Jeunesse Communiste, elle devint l’hymne des Juventudes Socialistas Unificadas après l’unification des jeunesses du Parti Communiste d’Espagne et du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol en mars 1936.

Le texte est plus volontaire, puisque c’est « le bourgeois insatiable et cruel » qui est mis en garde, avec la fin de l’exploitation annoncée par l’appropriation des usines.

La chanson « La jeune garde » fait partie du patrimoine, mais le maintien de son existence en France reflète un fétichisme d’une affirmation purement symbolique de la lutte.

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Politique

Les réactions de Ian Brossat du PCF à propos de l’« affaire » Benalla

Aujourd’hui il existe tellement une classe de super-riches internationaux que les grandes métropoles sont prises d’assaut. Paris, Londres, Berlin ou Vienne connaissent une explosion des loyers, une acquisition massive de logements par des étrangers aux larges moyens, une « disneylandisation » de leur centre, une invasion massive d’Airbnb, etc.

Ian Brossat, en tant qu’adjoint au maire de Paris, a accompagné ce processus cette dernière décennie. Mais il se présente en même temps comme le représentant des classes moyennes, pestant contre Airbnb, appelant à ce que les loyers cessent d’augmenter, etc.

Il faut dire qu’il est au PCF, c’est-à-dire qu’il entend bénéficier du prestige de ce qui fut pendant longtemps la plus grande force de Gauche en France.

Comme c’est pratique maintenant de prétendre lutter contre quelque chose en sachant pertinemment que c’est simplement verbal et que c’est sans valeur face au rouleau compresseur des sacs d’argent !

Mais qu’attendre d’autre de quelqu’un qui a fait le prestigieux lycée Henri IV, puis l’École Normale Supérieure avant de devenir agrégé, et marié à un professeur de classe préparatoire du lycée Louis Le Grand ?

On est ici très exactement dans la posture intellectuelle du bourgeois bien élevé se prétendant se mettre au service de la population. Cela ne peut pas réussir, mais c’est gratifiant, reconnu par les institutions comme moyen de donner l’apparence qu’il y a une protestation, rémunéré de manière effective, etc.

Et c’est vraiment un exemple caractéristique de cette posture que nous fait Ian Brossat avec l’un de ses nombreux messages sur Twitter à l’occasion de la dite affaire Benalla.

Depuis quand les communistes se soucieraient-ils de défendre l’État contre ceux qui le « haïssent » ?

Au-delà du caractère grandiloquent de ces propos auxquels lui-même ne croit certainement pas, on voit à quel point le PCF a changé de nature.

Si cela fait très longtemps qu’il a abandonné l’idée de renverser les institutions et de mettre en place un État socialiste, on peut au moins dire que le PCF était jusqu’au tournant des années 2000 une des plus grandes forces de la Gauche.

C’était une voix devant compter, censée exprimer le point de vue de la classe ouvrière et des masses populaires en générale. Parfois de manière caricaturale, mais en tous cas au moins de manière sincère pour de nombreuses personnes à sa base.

Le PCF aujourd’hui, ce n’est plus qu’un vague capital sympathie, une imagerie un peu « vintage » pour se donner l’air radical.

C’est d’ailleurs aussi le cas, parallèlement, du journal l’Humanité, que plus personne ne lit, et dont personne n’arrive à comprendre quels sont les artifices qui lui permettent de se sauver chaque année de la faillite. Mais « l’Huma » intéresse de grands groupes de la presse qui souhaitent le racheter depuis plusieurs années car c’est une marque, cela peut représenter quelque chose d’intéressant pour ceux qui sauraient en faire quelque chose avec une bonne dose de marketing.

C’est exactement la même chose avec Ian Brossat.

Il n’est pas surprenant que la principale actualité de ce dernier sur Twitter soit de participer au concert d’indignations à propos de la situation d’Alexandre Benalla. Comme s’il y avait une crise de régime. Comme s’il y avait là matière à soulever une dérive antidémocratique majeure, alors que c’est dans le fondement même de la Ve République à laquelle participent tous ces gens que de donner un pouvoir immense au Président.

Le sens de la mesure est normalement un trait caractéristique français. Les hommes et les femmes politiques sont de plus en plus des gens hors-sol, se laissant emporter par leur propre vanité, et s’éloignant des mœurs du peuple français et des traditions du pays. Ils en oublient largement le sens de la mesure et en font de tonnes pour s’imaginer avoir un rôle dans l’histoire.

Les gens comme Ian Brossat s’offrent un peu d’émotion, en trouvant sympathique de participer à un scandale à l’américaine. Le tout bien sûr avec une dramaturgie surjouée de part et d’autre, afin de combler le vide moral et culturel de notre époque.

Cela est tellement absurde que Ian Brossat se retrouve, de fait, à défendre la Ve République alors qu’historiquement, la Gauche a toujours réfuté ce régime comme étant autoritaire à la base.

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Politique

Retour critique sur la «marée humaine» du 26 mai 2018

La France connaît une vague de populisme sans précédent, un populisme qui est en train de balayer la Gauche dans toutes ses valeurs historiques, si ce n’est déjà fait.

C’est l’alliance de l’esprit individualiste et du corporatisme, avec un sens aigu de la paranoïa, un goût assumé pour les simplifications et les explications délirantes.

A chaque fois qu’on lit les discours anarchistes ou de la France Insoumise, on croit que la France est à deux doigts de l’insurrection, que la police matraque, torture et tue, que l’apartheid aurait été instauré, qu’il n’y aurait plus de droits sociaux.

La photographie suivante du 26 mai 2018, où Emmanuel Macron est présenté comme un SS, avec les « S » utilisant le logo du dollar, témoigne tout à fait de cela ; c’est le prolongement populiste de la pendaison de l’effigie d’Emmanuel Macron, de la mise au feu de sa marionnette, lors de précédentes manifestations.

Ce relativisme des crimes nazis est inacceptable ; il reflète bien d’une hystérie de gens des couches sociales intermédiaires utilisant un discours outrancier pour prétendre être les victimes absolues et les vrais protagonistes de l’Histoire.

On remarquera aussi ce qui semble bien être le drapeau israélien sur le bras droit, une allusion désormais classique dans la mouvance d’ultra-gauche et de la France Insoumise, avec cet antisémitisme classique comme socialisme des imbéciles.

C’est là en rupture avec toutes les valeurs historiques de la Gauche, et on ne s’étonnera donc pas que Jean-Luc Mélenchon, dans une interview accordée à Libération, récuse le terme de gauche.

– Pourquoi ne voulez-vous plus revendiquer le mot «gauche» ?

Il a été tellement faussé par la période Hollande…

– L’enjeu n’est-il pas alors de le réinvestir ?

Il est réinvesti par les contenus que nous mettons sur la table : planification écologique, Constituante, partage des richesses. Les idées sont des matières vivantes, elles deviennent des forces matérielles si les gens s’en emparent. Tant que le mot «gauche» signifiera «la bande à Hollande», il repoussera plus qu’il n’agrégera.

– Le mot «gauche» ne se réduit pas à Hollande ! Pour beaucoup de gens, la gauche, ça veut encore dire quelque chose…

Je suis un homme issu de la gauche. Tout notre groupe parlementaire de même. Parmi les responsables politiques, je suis sûrement celui qui a le plus écrit sur l’idée de gauche et qui l’a le plus nourrie. Je n’ai jamais dit que ça ne voulait plus rien dire !

Mais dans le combat que nous menons, il faut laisser de côté la fausse monnaie. La gauche, ça n’a jamais été la politique de l’offre ou la soumission aux traités libéraux de l’Union européenne. L’enjeu majeur de 1789 à aujourd’hui, c’est la souveraineté politique du peuple. Le mot «gauche» est né de cela ! Notre stratégie révolutionnaire, c’est la révolution citoyenne par la Constituante.

La Gauche, c’est le mouvement ouvrier, et certainement pas François Hollande… On ne raye pas plus de cent ans d’histoire, d’expériences, de lerçons comme cela! Jean-Luc Mélenchon est un démolisseur, un liquidateur, un fossoyeur.

Et il est terrible qu’il y a une capitulation face à lui, comme en témoigne la très longue liste des soutiens à son initiative de prétendue marée humaine :

Alternative et autogestion – Alternative libertaire – EPEIS -ATTAC – Climat social – Collectif des Associations Citoyennes – Collectif National pour les Droits des Femmes – Collectif La Fête à Macron – CGT – Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité – Convergence nationale de défense des services publics – DIDF – DIEM25 – Droit au Logement – Ecologie sociale – EELV – Les effronté.es – Ensemble – Femmes Egalité – Fondation Copernic – France Insoumise – Gauche Démocratique et Sociale – MJCF – Mouvement Ecolo – Mouvement National des Chômeurs et Précaires – Nouvelle Donne – NPA – PCF – PG – Parti Ouvrier Indépendant Démocratique – PCOF – PCRF – République et Socialisme – Résistance Sociale – Snesup-FSU – Solidaires  – Syndicat des Avocats de France  – Syndicat de la Magistrature – UEC – UNEF – Union Nationale Lycéenne (ont également appelé la FCPE et la FSU)

Mais de cela, tout le monde se fout, à part les gens liés aux syndicats et à leur corporatisme, ou bien à une sorte de romantisme anarchiste totalement hors sol. Le résultat est ainsi très clair pour la pseudo marée humaine.

La police a compté 21 000 personnes à Paris, le cabinet Occurrence travaillant pour des médias institutionnels en a dénombré 31 700, la CGT 80 000.

A l’échelle du pays, la CGT a revendiqué 250 000 personnes, le ministère de l’intérieur en a compté 93 315 (on remarquera le souci de précision).

En clair, la population française a totalement boudé cette pseudo révolte, ayant très bien compris de quoi il en retournait. Malgré le printemps et la grève des cheminots, la sauce ne prend pas, car personne n’est dupe : c’est le populisme et le corporatisme qui sont à l’oeuvre.

Ainsi que, ne l’oublions pas, le néo-libéralisme culturel, que cette photo de la sénatrice Esther Benbassa résume parfaitement. La nouvelle pseudo gauche prend entièrement l’ancienne Gauche à contre-pied sur le plan des valeurs culturelles.

C’est à cause de cela que de jeunes ouvriers vont chez les nazis, s’imaginant que la Gauche ce serait juste un néo-libéralisme où chacun peut faire ce qu’il veut, sans responsabilités ni devoirs, sans morale ni valeurs.

Une autre photographie est également emblématique : celle où un manifestant tient une pancarte où il est écrit qu’un poulet serait mieux grillé. C’est bien entendu une allusion aux policiers, avec un goût sinistrement morbide.

Cet anarchisme de pacotille – très ironique quand on voit la drapeau d’air France, depuis quand un travailleur assume le drapeau de son entreprise ? – prêterait au mieux à sourire (cela ne sera pas notre cas) si désormais la condition animale n’était connue de tous.

Culturellement, là aussi on voit bien la faillite morale et intellectuelle, au profit de la posture.

Ce populisme, cette négation du contenu, est intolérable et montre bien la nécessité d’en revenir aux fondamentaux du mouvement ouvrier.

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« Jeunes dirigeant.e.s et élu.e.s du PCF » : « c’est le moment ! »

Ce texte signé par des « Jeunes dirigeant.e.s » (sic) du PCF vise le Congrès extraordinaire de celui-ci, du 24 au 26 novembre 2018. Sous la houlette de Igor Zamichei, le secrétaire de la fédération de Paris du PCF, il s’agit ni plus ni moins que d’un appel d’une sorte de nouvelle génération d’élus et d’intellectuels à prendre le contrôle du PCF.

On notera qu’il n’est pas parlé de capitalisme mais de « capitalisme mondialisé et financiarisé » ; s’il est dit que « La critique populaire progresse et la pensée de Marx retrouve une place dans la production intellectuelle », on ne trouve dans le texte ni le mot ouvrier, ni le mot bourgeoisie, ni le mot exploitation, ni le mot prolétariat, etc.

Comme nous y invite notre congrès, nous prenons ensemble la parole pour porter une haute ambition : poser les bases d’un communisme du XXIe siècle et révolutionner notre parti, sa stratégie, son organisation.

Cela implique de faire lucidement le bilan de nos difficultés pour les dépasser. Soyons francs : malgré toute l’énergie des militant.e.s et des élu.e.s communistes, malgré toutes les initiatives prises pour répondre aux intérêts populaires, notre parti perd pied dans la vie politique nationale.

Notre recul de plusieurs centaines de milliers de voix aux dernières élections législatives et le caractère inaudible de nos décisions nous conduisent à une marginalisation que la recomposition politique en cours peut rendre durable. Comme une majorité de communistes, nous ne nous y résignons pas.

Jeunes dirigeant.e.s et élu.e.s du PCF, nous sommes convaincu.e.s que notre parti peut et doit redevenir une force politique nationale influente au regard de l’évolution du monde. Nous n’avons pas toujours fait les mêmes choix stratégiques par le passé mais nous nourrissons ensemble de grandes ambitions pour le combat communiste. C’est le moment de notre propre révolution pour hisser le PCF à la hauteur des défis de notre temps. Il faut saisir ce moment car il ne reviendra pas.

À mesure que le capitalisme mondialisé et financiarisé semble écraser tout sur son passage, il génère dans le même mouvement des critiques et des aspirations toujours plus fortes pour son dépassement. La critique populaire progresse et la pensée de Marx retrouve une place dans la production intellectuelle.

Dans nos travaux résident beaucoup de clés de compréhension et de solutions face aux impasses du système : l’égalité et la lutte des classes, rendues incontournables par l’aggravation des inégalités et l’accumulation sans précédent de richesses par une minorité ; l’écologie, à l’heure où le changement climatique enfanté par le mode de production capitaliste menace l’humanité ; la libération du travail du coût du capital et la sécurisation de l’emploi pour en finir avec le chômage, la précarité et la souffrance au travail, qui ne cessent de progresser avec l’utilisation capitaliste de la révolution informationnelle.

C’est sur tous ces enjeux qu’il nous faut travailler à réidentifier le PCF.

Notre société y est prête. Le récent mouvement contre la loi travail, portant le mot d’ordre « On vaut mieux que ça », jusqu’aux luttes contre les ordonnances Macron ; la mobilisation des salarié.e.s de l’hôpital public et des EHPAD pour que la qualité de leur travail soit respectée, le droit fondamental à la santé garanti et pour que notre société prenne soin de nos aînés ; la montée en puissance d’un mouvement féministe, qui constitue un des plus puissants leviers pour l’égalité ; la mobilisation d’associations de solidarité et de tant de citoyens individuellement pour un accueil digne des migrants ; et d’autre part l’émergence d’initiatives comme les projets alternatifs à l’ubérisation des activités à l’image de Coopcycle ; la création de coopératives ou la reprise de l’activité sous cette forme par les salarié.e.s dans de nombreux secteurs ; l’action de collectivités pour promouvoir le logement social ou pour une nouvelle maîtrise publique par le retour en régie publique de la gestion de l’eau.

Et tant d’autres ! Avec les grandes conquêtes que constituent le droit du travail, la Sécurité sociale et la fonction publique, toutes ces initiatives constituent autant de « morceaux de communisme » à faire grandir pour de nouvelles victoires au XXIe siècle.

Avec ces forces vives, une voie nouvelle, faite de combats offensifs et d’ambitions révolutionnaires pour la France se cherche. Contre le « tout État » et le « tout marché », visons l’appropriation par chacun.e des avoirs, des savoirs et des pouvoirs.

Visons un nouveau mode de production basé sur des critères de gestion sociaux et écologiques et sur une appropriation sociale des moyens de production. Visons le développement de services publics démocratisés et de promotion des communs.

Pensons la combinaison des oppressions capitalistes, sexistes, racistes pour les surmonter. Visons l’émancipation culturelle, qui brise le carcan des identités. Visons un nouvel internationalisme, qui s’appuie sur la coopération des individus et des peuples pour un développement partagé et la paix. Ce communisme a de l’avenir si nous le prenons au sérieux.

Le prendre au sérieux, c’est passer à l’offensive politique. Passer à l’offensive, c’est relever d’importants défis stratégiques et organisationnels.

Nos difficultés stratégiques débouchent sur un gâchis d’énergie. Un doute se répand sur l’utilité de nos actions militantes. Nous avons souvent un coup de retard. Au lieu de subir un agenda, il s’agit de penser la manière dont chaque lutte, chaque initiative peut contribuer à nous faire progresser sur la base d’un cap politique national clair, d’objectifs réalistes mais ambitieux. Cessons d’opposer rassemblement et affirmation de notre parti.

À l’approche des européennes, retenons la leçon des échéances présidentielles et législatives : chercher à rassembler sans affirmer nos idées et sans rapport de force revient à nous positionner comme une force d’appoint et conduit in fine à l’échec d’un rassemblement pourtant indispensable. Par ailleurs pensons-nous encore qu’un rassemblement majoritaire est possible sans intervention populaire consciente de ses intérêts ?

Le PCF a un rôle décisif à jouer pour aider à cette intervention par la mise en débat de propositions radicales et la construction d’espaces politiques ouverts, pluralistes, concentrés sur la production d’alternatives crédibles.

Conséquence organisationnelle : nous devons revaloriser la place des adhérent.e.s et des structures locales pour construire des réseaux d’actions à l’échelle nationale capables de déployer des campagnes politiques fortes, efficaces et visibles sur tout le territoire. Et tout à la fois, nous devons revaloriser le rôle de direction, en perte de crédibilité.

Cela implique d’utiliser le meilleur de ce que nous produisons comme pratiques militantes dans les quartiers et les campagnes, les lieux de travail, d’expérimenter, de tirer profit de la révolution numérique, de prendre appui sur nos actions de solidarités concrètes, sur les batailles de nos parlementaires et sur les avancées obtenues dans les collectivités que nous dirigeons.

Cela implique une mise en commun nationale sans précédent, un renouvellement de notre communication politique et de profondes transformations de nos directions, dont le bilan témoigne de dysfonctionnements entraînant des difficultés à produire positionnements, outils militants et initiatives nationales.

Pourquoi ne sommes-nous pas, par exemple, capable de mener une campagne dans la durée ? Ou encore pourquoi ne nous donnons-nous pas tous les moyens d’une offensive médiatique pourtant plus indispensable que jamais ?

Dans le grand débat politique qui s’ouvre, toutes les questions doivent être sur la table, sans céder aux tendances qui rétrécissent le débat et sans tabou aucun sur notre projet et notre stratégie, jusqu’aux femmes et aux hommes qui se verront confier la tâche d’animer la nouvelle ambition qui sera fixée. Sans quoi nous nous serons payés de mots, en l’occurrence du beau mot de révolution.

Notre parti est à un moment clé de son histoire. L’idée communiste, qui a été le moteur de l’engagement de générations de militants, frappe à la porte du XXIe siècle. C’est le moment d’en prendre pleinement la mesure, d’écrire un nouveau manifeste.

Les signataires :

Simon Agnoletti, membre de la direction départementale du Nord (59), 26 ans ; Pierric Annoot, membre du CN (92), 34 ans ; Aurélien Aramini, professeur de philosophie (90), 38 ans;

Pierre Bell Lloch, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne (94), 40 ans ; Hélène Bidard, membre du CN en charge du féminisme et des droits des femmes et adjointe à la Maire de Paris (75), 36 ans ; Thibaut Bize, secrétaire de la fédération du Doubs (25), 33 ans ; Vincent Boivinet, secrétaire de la section de Bègles, membre du CN (33), 33 ans ; Nicolas Bonnet Oulaldj, membre du CN et président du groupe PCF – FG au Conseil de Paris (75), 43 ans ; Caroline Brebant, adjointe au Maire de Saint-Maximin (60), 38 ans ; Ian Brossat, membre du CN et adjoint à la Maire de Paris en charge du Logement (75), 37 ans;

Maxime Cochard, membre de la direction départementale de Paris (75), 33 ans ; Nicolas Cossange, membre du CN et secrétaire de la fédération de l’Hérault (34), 32 ans;

Raf Debu, membre du CN et secrétaire de la fédération du Rhône (69), 36 ans ; Ismaël Dupont, secrétaire de la fédération du Finistère (29), 38 ans;

Pierre Garzon, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne (94), 43 ans ; Aurélien Guillot, secrétaire de la fédération d’Île-et-Vilaine (35), 35 ans ; Florian Gulli, professeur de philosophie (25), 40 ans;

Mina Idir, membre de la direction départementale du Vaucluse (84), 42 ans;

Maud Jan-Brusson, dirigeante départementale de la Mayenne (53), 32 ans;

Sébastien Laborde, membre du CN et secrétaire de la fédération de Gironde (33), 43 ans ; Clara Laby, membre de la direction départementale du Nord (59), 22 ans ; Cédric Lattuada, secrétaire de la fédération de la Marne (51), 42 ans;

Elsa Maillot, vice-présidente de la communauté d’agglomération du Grand Besançon (25), 32 ans ; Céline Malaisé, membre du CEN et présidente du groupe FG à la région Île-de-France (75), 38 ans ; Pierre Miquel, membre du CN et secrétaire de la fédération du Puy-de-Dôme (63), 38 ans ; Yannick Monnet, membre du CN et secrétaire de la fédération de l’Allier (03), 43 ans ; Yannick Nadesan, président de la collectivité eau du bassin rennais (35), 34 ans ; Fred Mellier, membre de la direction départementale de la Gironde (33), 45 ans;

Sébastien Prat, secrétaire de la fédération du Cantal (15), 26 ans ; Anne Sabourin, membre du CEN en charge des affaires européennes (75), 33 ans ; Aymeric Seassau, membre du CN et secrétaire de la fédération de Loire Atlantique (44), 40 ans;

Adrien Tiberti, membre du CN et secrétaire à l’organisation de la fédération de Paris (75), 36 ans;

Bora Yilmaz, membre du CN et secrétaire de la fédération de Meurthe-et-Moselle (54), 38 ans;

Igor Zamichiei, membre du CEN en charge du projet et secrétaire de la fédération de Paris (75), 32 ans…

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[PCF] Bilan et avenir de notre démarche stratégique : 6 questions à débattre

Le document « Bilan et avenir de notre démarche stratégique : 6 questions à débattre » représente la ligne de Pierre Laurent, dirigeant du PCF qui se réunira en Congrès extraordinaire du 24 au 26 novembre 2018.

Le groupe de travail « stratégie » met à la disposition des communistes cette première note pour nourrir les débats dans le Parti. Mise en ligne sur le site du congrès, elle vise à introduire les réunions de militant·es, les débats des communistes, et à susciter contributions et réactions qui seront, elles aussi, mises en ligne. Elle n’est pas une restitution de tous les débats de notre groupe de travail, ni un point de vue unanime, encore moins définitif de celui-ci.

Des membres du groupe de travail publieront aussi leurs propres contributions. C’est donc une note intermédiaire sur les débats à instruire. Ce texte comporte de premières réflexions sur la redéfinition de notre démarche stratégique et des questions à approfondir sur le bilan et l’avenir de nos expériences stratégiques.

Vers la redéfinition de notre démarche stratégique

Débat stratégique induit trop souvent et presque automatiquement débat sur nos alliances, notamment électorales. C’est une dimension très réductrice, pour une part révélatrice de ce qui doit changer dans notre manière de penser notre démarche politique. C’est pourquoi, il nous paraît indispensable de repenser d’abord le sens de notre démarche stratégique au fond. Nous soumettons ici six questions à débattre pour une redéfinition de cette démarche.

1. Prendre la mesure de la période : le dépassement du modèle de développement capitaliste historiquement posé

L’actualité historique de notre démarche communiste Notre stratégie a d’abord à voir avec notre parti pris fondamental : celui du combat communiste comme mouvement de dépassement du capitalisme et de toutes les aliénations historiques du genre humain.

Nous ne vivons pas n’importe quelle période historique, mais celle d’une crise globale, de civilisation, du capitalisme mondialisé. Jamais la nécessité d’un autre mode de développement, construit sur la mise en commun et non la concurrence systématique, n’a connu une telle actualité. Le capitalisme parvient pourtant à organiser des contre-offensives victorieuses en affaiblissant les forces progressistes.

Nous considérons cependant possible d’opposer à ce système en crise un processus de luttes émancipatrices, de changements des pouvoirs, de conquêtes sociales, écologistes et démocratiques qui rendent concrètement accessible la réappropriation par tous des grandes activités sociales humaines dont la maîtrise est aujourd’hui confisquée par le capital.

Les prodigieuses révolutions en cours de la productivité humaine permettent d’envisager une telle révolution, mais elles sont aujourd’hui détournées de la satisfaction des besoins de tous par les énormes gâchis capitalistes et par une conception de l’économie tournée vers le profit et un consumérisme ravageur pour la planète et le genre humain.

C’est dans les luttes de classes concrètes, dans les pratiques et les expérimentations sociales qui cherchent à anticiper une manière de développer l’humanité en commun qu’adviendra ou non la possibilité de ces temps nouveaux. C’est dans ces luttes et ces pratiques que s’ancre notre démarche stratégique.

Un processus d’évolution révolutionnaire multiforme

Ce mouvement est et sera un processus d’évolution révolutionnaire multiforme et inégal, poursuivi dans la durée avec esprit de suite, fait de combats quotidiens immédiats, de succès partiels remportés, de ruptures et d’initiatives de longue portée, de phases de transition vers de nouveaux rapports sociaux, tout cela dans des rapports de forces sans cesse construits et modifiés, visant l’élévation progressive des objectifs. Notre communisme est un chemin et une visée.

C’est un mouvement d’émancipation continu en actes, un processus de réappropriation engagé au présent sur tous les terrains possibles, un processus immédiat et de longue portée. Ce point fait débat, notamment sur les ruptures nécessaires dans ce processus révolutionnaire, sur ce que signifie la prise des pouvoirs aujourd’hui dans les institutions (assemblées élues, entreprises, banques, etc.).

2. Fronts de luttes et visée commune d’émancipation : quelle démarche politique concrète ?

C’est dans les luttes et les pratiques nouvelles que peut grandir une articulation concrète entre les changements exigés par la société et une visée commune d’émancipation, une visée consciente, concrète et réelle de la nécessité du dépassement des logiques capitalistes.

Notre combat est celui qui permet en toutes circonstances au mouvement réel de la société de pousser le plus loin possible ses potentialités libératrices ; de construire au fil des luttes et des pratiques nouvelles un renversement des rapports sociaux tel qu’il permet au plus grand nombre de reconquérir les pouvoirs sur la maîtrise des grands choix de sa vie et de celle de l’avenir de l’humanité ; de faire advenir une société nouvelle d’égalité et de partage des richesses, des savoirs et des pouvoirs. La question est donc posée d’interroger nos pratiques politiques concrètes pour les mettre à la hauteur de ces objectifs politiques.

Parmi ces questions: – comment identifier les enjeux de transformations et s’y engager dans la durée ?

Quels sont ces enjeux transformateurs déjà présents dans la société ?

Comment déployer dans la durée tous les efforts de construction politique, toutes les expérimentations nécessaires pour rendre les mouvements qui les portent capables de gagner des transformations concrètes, des droits et des pouvoirs nouveaux.

Cela invite à réévaluer en conséquence nos priorités, nos pratiques, notre organisation.

Transformation du travail ; sécurisation de l’emploi et de la formation tout au long de la vie ; services publics et biens communs ; écologie ; révolution numérique au service de quoi et de qui ; révolution des pouvoirs ; transformation démocratique de toutes les institutions (assemblée élues, État, entreprises, banques, Union européenne) ; reconquête des pouvoirs sur l’argent ; épanouissement de la personne humaine ; appropriation des savoirs et de la culture ; nouvelle industrialisation et nouveau mode développement productif ; économie sociale et solidarités concrètes ; antiracisme ; luttes féministes ; droits des migrants.

Mais quelles priorités identifier dans ces combats ?

Quelle pratique et démarche concrète développer ? Comment passer d’une lutte concrète au sens profond qu’elle révèle, en portant son potentiel transformateur le plus loin possible. Exemple : de la lutte des Ehpad à la construction d’un nouveau service public décentralisé de la prise en charge de la personne humaine en situation de perte d’autonomie.

Et à travers cela, la question du service public comme grande question de société.

– quelles campagnes politiques décider et comment les mener à fond dans la durée ? Avec qui les mener ? Pour quels objectifs ?

Contre qui les mener ? En visant quels rapports de force ? Avec quelle ambition ? Pour témoigner ou pour gagner ? Pour changer quelles logiques, quels pouvoirs ?

– libérer l’initiative communiste et mieux la coordonner. Nous sommes une force militante de terrain. L’actualité du dépassement des aliénations capitalistes est dans les luttes et des processus en cours.

Ces terrains où s’affrontent concrètement deux logiques (au service de l’humain ou de la finance) ne sont pas décidés par nous, comme si nos objectifs surplombaient la réalité, mais émergent de la société au cœur des contradictions capitalistes entre intérêt humain et intérêt du capital.

L’initiative libérée de nos militant·es et leur ancrage dans les luttes de terrain est un atout.

– monter d’un cran dans notre bataille pour le pluralisme des média et dans nos propres campagnes de communication et de propagande.

– comment changer notre organisation, le rôle de nos réseaux de travail, la conception de nos directions, pour favoriser l’aide au terrain et une centralité coordinatrice au service de l’initiative militante ?

– être désormais capables d’organiser la lutte à toutes les échelles, dans toutes les institutions, tous les lieux de pouvoir.

Le « terrain » aujourd’hui, ce n’est pas seulement le local, le « bas », mais c’est en même temps le local, la métropole, le départemental, le régional, le national, l’Europe et le monde. Conquérir le pouvoir, c’est mener la bataille dans les lieux de pouvoir pour les transformer : les institutions et les assemblées élues (du conseil municipal au parlement européen), dans toutes les entreprises jusqu’aux multinationales, dans les banques et le système financier jusqu’à la BCE et au FMI, dans les institutions internationales comme l’ONU.

Animer une bataille pour la faire gagner, c’est porter cette lutte jusqu’au niveau d’intervention nécessaire. Exemples : évasion fiscale, écologie, paix, partage de la valeur (Gafa, multinationales…), avenir industriel (Alstom, Carrefour…)

– penser les contradictions pour penser le mouvement Le mouvement que nous visons n’est pas linéaire.

Les possibilités de nouveaux progrès humains n’ont été aussi présentes et, en même temps, les instruments politiques de domination, de division et de dépossession n’ont jamais été si importants.

Nous devons penser les contradictions que cela génère. Exemples :

– la révolution numérique rend possible le partage à une échelle jamais connue mais elle est aussi massivement retournée contre les travailleurs.

Quelles conceptions concrètes promouvoir ? – la mondialisation fait grandir la conscience d’intervenir sur les affaires du monde mais elle déconnecte les lieux de pouvoir du capital des espaces politiques d’intervention. Comment agir ? – la politique provoque à la fois le rejet et de nouvelles formes d’engagement. Comment tout cela fonctionne dans les consciences ?

3. La centralité de la question démocratique

Le mouvement démocratique de l’immense majorité du peuple Notre stratégie est une stratégie pour gagner en toutes circonstances du terrain sur les logiques capitalistes, pour des avancées de progrès, le plus loin possible à chaque fois.

Ce mouvement est pour nous aujourd’hui celui de l’immense majorité de notre peuple et de l’humanité. La démocratie est le but et le moyen de ce mouvement. Il a un caractère de classe, en ce sens qu’il est et sera une intense lutte de classes contre toutes les exploitations, aliénations et dominations qui entravent un développement humain émancipateur et solidaire.

Mais il n’est pas le mouvement d’une seule classe, il est le mouvement démocratique de toutes les forces collectives et individuelles qui y ont intérêt et y aspirent. Unité et conscience du salariat Au cœur de cette mise en mouvement démocratique, l’unité du salariat est une question politique centrale.

Aujourd’hui largement majoritaire, mais en pleine transformation et abondamment divisé par les nouvelles formes d’exploitation et d’organisation des entreprises, comme par les logiques de dumping social, de racisme, de division, le salariat doit reconstruire la conscience commune de ses intérêts.

C’est un enjeu politique et idéologique à tous les niveaux, dans l’entreprise, dans les branches et les filières, dans les bassins d’emploi, au plan de la nation comme au plan européen ou international. Le parti communiste doit repenser son organisation pour cela.

La question démocratique au cœur de nos pratiques La démocratie, la reconquête des pouvoirs par les citoyen·nes est pour nous un moyen et un but. Nous agissons à partir de ce que veut et cherche la société pour pousser en avant les potentiels progressistes et émancipateurs.

Notre stratégie ne descend pas du parti vers la société. Elle construit les processus de transformation avec la société, à partir de ses besoins de vie et des besoins exprimés ou ressentis de transformation.

Nous aspirons à construire une ambition citoyenne permettant à chacune et chacun de trouver à la fois sa place et à participer concrètement à la décision et à la mise en œuvre.

Toutes nos pratiques doivent viser à redonner du pouvoir à l’intervention démocratique des citoyen·nes dans les constructions politiques à venir. Nous nous inscrivons dans un épanouissement culturel et une plus grande politisation des citoyens là où la financiarisation croissante de l’économie a besoin de déculturation et de dépolitisation.

4. Comment reconstruire dans les conditions concrètes de la nouvelle situation politique issue de 2017 ?

Le sens du bouleversement politique de 2017 La société française a voulu secouer un système politique verrouillé par des alternances entre forces de droite et forces social-libérales autour d’un même projet libéral. Les forces qui paraissaient le mieux incarner ce dégagisme souhaité par les Français l’ont emporté : Macron, qui a réussi à capter au nom de la modernité cette exigence de nouveauté ; Le Pen en devançant la droite, et Mélenchon, pour lequel nous appelions à voter, à gauche.

Les législatives ont installé la domination parlementaire de Macron (pas au Sénat) ; la droite reste forte, malgré ses divisions, dans les deux assemblées ; le FN a raté le second tour de la présidentielle et les législatives et souffre depuis dans les partielles ; la FI a installé sa première place à gauche, le PS est en difficulté majeure et existentielle, comme tous les partis sociodémocrates européens historiques ; notre parti a subi un nouvel affaiblissement aux législatives au profit de la FI, mais a conservé deux groupes parlementaires grâce à son implantation, à une reconnaissance de son travail.

Aujourd’hui, Macron veut structurer dans la durée un bloc libéral central, en effaçant la ligne d’affrontement droite-gauche, et en cantonnant durablement aux marges les oppositions de droite, d’extrême-droite et de gauche. Son pouvoir d’attraction et d’agrégation reste important, en témoignent les débats internes au PS ou chez les Républicains.

FI cherche à incarner l’opposition, en refusant les accords, baptisés « tambouille », et en tenant à distance la notion de gauche jugée « repoussoir ». Existe ainsi le risque de cantonner la gauche durablement dans l’opposition, sans réel espoir de se placer en capacité de transformation.

Quoi reconstruire et comment ? La situation est marquée par l’offensive de Macron, brutale et profonde au service des objectifs libéraux, et par ses premières difficultés dans l’opinion. Il existe des potentiels de luttes réels liés aux effets très durs de la situation pour les gens et au décalage entre la promesse de renouveau de Macron et les effets concrets de sa politique .

Ces potentiels s’expriment déjà (Ehpad, hôpitaux, enseignement scolaire et supérieur, etc.) mais restent essentiellement cantonnés dans leur cadre catégoriel. La situation est aussi marquée par la division ou la dispersion des forces de résistance, par un état de la représentation et des constructions politiques possibles à gauche très difficile. Comment agir et reconstruire une perspective d’espoir dans ces conditions?

Reconstruire dans l’action, unir face à Macron et pour des alternatives Pour les raisons énoncées plus haut, il convient de prendre au sérieux et jusqu’au bout les luttes engagées, les pratiques politiques et sociales nouvelles qui émergent, sans chercher à enfermer dans un schéma de perspective politique préétabli.

Il faut croire au potentiel de ces luttes et déployer l’initiative communiste la plus utile et la plus adaptée au service de leurs développements politiques.

– C’est le sens des États généraux du progrès social et de l’appel final de cette rencontre. Cela implique de construire dans la durée sur les objectifs cités dans cet appel et dans le discours conclusif de Pierre Laurent. Hôpital et EHPAD, logement, sécurisation de l’emploi, universités, femmes, nouvelle industrialisation, migrants, égalité des territoires … plus marche sur l’Élysée du 9 juin à l’appel des Hauts-de-France. A noter aussi le moment national de popularisation des niches parlementaires des 7 mars (au Sénat) et 8 mars (à l’Assemblée nationale).

– C’est le sens des autres grandes initiatives en préparation : états généraux du numérique, assises de l’écologie communiste, journée sur école, antiracisme, convention nationale sur art, culture et éducation populaire.

– c’est le sens de la bataille engagée sur réformes institutionnelles et révision constitutionnelle. Macron veut changer en profondeur le cadre démocratique pour aller vers un régime assumé d’absolutisme présidentiel.

Nous devons lui opposer notre projet de démocratisation globale de la République.

Repenser nos constructions politiques dans le nouveau paysage

Nous devons probablement agir dans plusieurs directions simultanément.

– Initiative communiste et rassemblement Comment manier ensemble, sans les opposer, l’expression des idées communistes, leur expérimentation par le plus grand nombre, et l’animation du rassemblement de toutes les forces d’opposition et d’alternative à Macron. Quel(s) nouveau(x) cadre(s) unitaire(s) faire émerger ?

– débattre de la notion de gauche. Macron veut rendre obsolète cette notion. FI la rejette. Le clivage capital-travail existe bel et bien. Des millions de gens se réfèrent à la gauche au nom de ce clivage mais un très grand nombre des citoyen·nes qui se déclarent à gauche ne se reconnaissent pas dans les partis ou les formes d’union qu’elle a incarnée.

Quel nouveau type de construction à gauche faut-il inventer comme nous l’avions tenté avec le Front de gauche ?

– inventer des formes nouvelles d’intervention citoyenne dans ces constructions politiques. Comment mettre la politique au service de l’intervention démocratique, et non s’y substituer ?

– repenser nos alliances. Les acteurs politiques ont changé. Et plus rien de ce qui a existé n’est acquis.

Le parti communiste ne peut renoncer à la construction majoritaire. Faut-il figer de nouvelles alliances, rester le plus ouvert possible à cette étape ?

– la place des élections

– Elles sont, dans les processus démocratiques que nous visons, des moments clés de structuration des consciences et de conquête de positions pour agir.

Nous avons vocation à toutes y participer, des municipales à la présidentielle, en travaillant à la présentation de candidatures adaptées à chacune de ces échéances, à partir des conditions politiques du moment, des niveaux de pouvoir qu’elles visent, des conditions de mode de scrutin concrètes qui sont imposées.

Nous devons assumer la part tactique, au sens de l’adaptation à une échéance concrète, que comporte chaque échéance électorale dans le cadre de notre démarche stratégique globale. – réévaluer le rôle de nos élus Il faut sortir des faux débats sur les relations du parti aux élus, pour repenser le rôle tenu par nos élus à partir de ce qu’ils sont, des militant·es plongé·e·s dans l’expérimentation concrète.

La somme d’expérimentations politiques et sociales menées par les milliers d’élus que nous avons, des élus locaux aux parlementaires, est largement sous-évaluée et sous-utilisée. L’articulation de leurs expériences à celles de tous les autres militant·es doit être repensée pour dynamiser l’action communiste d’ensemble et notre visibilité politique locale et nationale.

5. Le bilan de nos expériences antérieures

Pour avancer vers la redéfinition de notre stratégie, le bilan de nos expériences antérieures est indispensable. Sans masquer les échecs, par exemple notre score historiquement bas aux législatives, il ne sert à rien de le faire sur le mode : tout est à jeter, et maintenant nous allons faire enfin du neuf, du vrai. Le bilan doit être conduit à la lumière d’un débat sur nos objectifs stratégiques.

Que visions-nous ? Pourquoi n’y sommes nous pas parvenus ? Que faut-il changer ?

Voilà l’ordre des questions qui permet de faire un bilan plus dynamique pour nos décisions à venir et de tirer des leçons pour la suite.

Plusieurs pistes de travail :

– réévaluer les processus unitaires que nous avons conduits en tenant compte de leurs évolutions : union de la gauche dans la durée jusqu’à la gauche plurielle ; Front de gauche, dans ces différentes périodes de 2009 à 2012, de 2012 à l’élection européenne, et la dernière jusqu’à l’élection présidentielle, dans laquelle le Front de gauche n’a plus de réalité à l’échelon national ; mais aussi bilan de nos expériences de gauche locales qui sont très contrastées.

Cet examen critique révélera sans nul doute la permanence d’obstacles de fond que nous n’arrivons pas à résoudre et qui appelle un changement d’optique et des problèmes plus conjoncturels, ou liés à l’évolution insuffisamment prise en compte des obstacles rencontrés ou à celle de la stratégie des autres forces politiques.

– réévaluer les conséquences de la présidentialisation dominante qui renvoie tout à un pouvoir « jupitérien » hors du contrôle citoyen. Comment manier présidentialisation et intervention populaire ?

Et, compte tenu du caractère central du couple élection présidentielle-élections législatives depuis le quinquennat, et de nos difficultés récurrentes à aborder ces échéances dans ces conditions nouvelles, jusqu’à l’écartèlement de 2017, soutenir un candidat sans accord législatif, une réflexion nouvelle est nécessaire sur cette question.

– le « rassemblement » : de quoi parlons-nous avec ce mot ? Des gens, des alliances, de la dimension majoritaire et démocratique des processus de lutte ?

De ce point de vue, l’expérience de 2005 (le « non » au TCE), ou celle d’autres luttes de masse comme les retraites ou la loi travail, appellent tout autant notre réflexion.

– les transformations de notre parti qui ont insuffisamment avancées dans cette période et ne nous ont pas permis la relance adaptée de l’initiative communiste.

– les enjeux de communication, d’affirmation et de visibilité nationale des objectifs et de la parole communiste.

6. Les échéances électorales à venir

Le congrès devra tout à la fois redéfinir notre démarche stratégique et prendre des décisions concrètes sur les échéances à venir.

– les élections européennes de 2019

Elles auront lieu du 23 au 26 mai 2019 pour élire, en France, 79 députés français (contre 74) sur une liste nationale à la proportionnelle, avec un seuil d’éligibilité fixé pour le moment à 5 % (nous proposons aucun seuil ou 3%).

Nous avons demandé des rencontres bilatérales à FI, EELV, Générations, MRC, Ensemble, République et Socialisme, Diem 25.

Ces rencontres sont en cours. Nous avons l’objectif d’ici la fin mars :

– de fixer l’orientation et les objectifs sur lesquels nous entendons mener campagne

– faire une offre publique de construction ouverte d’une liste sur cette base

– lancer un processus public de débat sur nos objectifs : avril-octobre

– désigner de premiers porte-paroles communistes pour cette campagne

– les élections locales de 2020-2021

Nous pourrions commencer à construire partout, de manière la plus large possible, en ayant conscience que tout est à reconstruire à gauche. Notre démarche doit privilégier processus de contenus, de consultations, de construction citoyenne avant tout, et d’alliances utiles au maximum de gains à gauche.

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Politique

François Ruffin ou le populisme assumé

Le Parti Communiste Français (PCF) tente de se maintenir coûte que coûte malgré les coups de boutoir de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Pour ce faire a été notamment mis en place « une revue d’action politique du PCF », qui a comme nom « Cause commune« .

Il s’agit d’une revue d’intellectuels post-post-marxistes, c’est-à-dire relativement jeunes, coupés de toute tradition historique, mais saupoudrant leurs remarques de références à Karl Marx, à Octobre 1917, sans jamais de lien avec un quelconque contenu, mais afin de s’approprier une image de « gauche de la gauche ».

Son dernier numéro est consacré au populisme, une idéologie qui est revendiquée par la France Insoumise et notamment par François Ruffin dans une interview reproduite ici. C’est l’ancien dirigeant trotskyste Ni définition pertinente, ni projet d’avenir pour la gauche« .

C’est que le PCF est d’accord pour ne pas vouloir un retour aux fondamentaux – ce que nous, nous trouverons au contraire juste – mais il se considère comme post-mouvement ouvrier, pas comme une rupture totale avec le passé comme la France Insoumise et avec elle François Ruffin.

Fakir se revendique du « populisme de gauche » mais, si l’on en croit un entretien de 2016, bien avant d’avoir lu Chantal Mouffe. Par quel chemin y parvenez-vous ?

Je me souviens l’éditorial de Serge July dans Libé le lendemain du référendum de 2005 sur le traité de Rome. Amer devant la victoire du « non », il parle d’« épidémie de populisme ». À ce moment, pour moi, « populiste » renvoyait au « prix du roman populiste » qui récompense une œuvre qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu’il s’en dégage une authentique humanité ».

Populiste était pour moi un mot noble, pas une injure. Par ailleurs, ce mot décrivait parfaitement bien l’idée que je me faisais de mon activité de journaliste : peindre les vies populaires avec empathie. Chez Serge July, le mot servait à dénoncer, à condamner le peuple pour n’avoir pas été assez rationnel.

D’où l’idée chez moi de retourner le stigmate et de ne pas faire de ce mot un épouvantail. Voilà pourquoi avec Fakir, on n’a pas hésité à se dire « populistes », en précisant que nous étions populistes de gauche. Preuve au passage que le populisme n’élimine pas le clivage gauche-droite.

Qu’est-ce que le populisme pour vous ?

Le populisme, c’est d’abord une pratique. Une histoire. Chez les Whirlpool, certains ouvriers disent du mal des « assistés », etc. Il existe un clivage entre « nous », les ouvriers, et « eux », les assistés. Pratiquer le populisme, c’est leur proposer un autre adversaire.

Il s’agit pour moi de reconstruire un autre « nous ». Le « nous » des simples, des gens, des petits, etc. Cela fonctionnait ainsi avant les années 1980. Mais après, on a commencé à nous dire que cette manière de voir était archaïque, dépassée, etc. Au contraire, il faut y revenir, revenir au conflit entre les petits et les gros.

Et les classes sociales dans tout ça ?

Parler du peuple n’empêche pas de parler de classe. S’il faut parler de peuple, il faut aussi avoir conscience de sa diversité sociologique interne. Pour conquérir l’hégémonie, il faut réussir à dépasser deux divorces au sein du peuple.

Pour le dire vite, le divorce entre les « profs » et les « prolos », les deux cœurs sociologiques de la gauche. Et le divorce dans les milieux populaires entre enfants d’immigrés et enfants d’ouvriers des campagnes.

Parler de « peuple », abstraitement, ne risque-t-il pas de contribuer à rendre invisibles les classes populaires ?

La faible représentation des classes populaires est un problème général. Il n’y a qu’à regarder la composition des différents partis ou mouvements à gauche. C’est un problème de fond : comment rend-on la parole et un rôle aux classes populaires ? Comment fait-on monter des ouvriers, des aides-soignantes, etc., en responsabilité ?

Est-ce qu’il faut recréer des écoles de parti ? Compter sur la formation syndicale ? Je n’ai pas de recette toute faite. Juste, accuser le « populisme » de les rendre invisibles, ça me paraît à côté de la plaque.

Chantal Mouffe dit vouloir rénover la social-démocratie. Partagez-vous cet objectif ?

Je lis les livres de Chantal Mouffe. J’y prends des choses, mais pas tout. En ce qui concerne la social-démocratie, ce n’est pas pour moi un mot à dénigrer.

Le problème, c’est qu’il est revendiqué par des gens qui ne sont ni sociaux ni démocrates. Jaurès parle d’un « réformisme révolutionnaire », ce qui me va bien. Mais il manque évidemment la préoccupation écologique.

*François Ruffin est député (FI) de la Somme et rédacteur en chef de Fakir.

Entretien réalisé par Florian Gulli.

Cause commune n° 3 – janvier/février 2018