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Société

« L’Huma » et les courses hippiques

On ne lit pas forcément L’Humanité, quotidien qui n’est plus que l’ombre de lui-même, porté à bout de bras par l’argent de l’État et même de grands financiers. Mais, sans préjuger de la médiocrité générale sur le plan journalistique, car toute la presse est ainsi, voir qu’il y a dedans les résultats de courses hippiques ne peut laisser qu’un goût amer.

Quoi ?! Le journal fondé par Jean Jaurès, le journal historique des socialistes, puis du PCF, tombant aussi bas ?

La Gauche n’a jamais encore mené de bataille d’opinion contre les jeux d’argent, c’est là un grand malheur et une profonde erreur. Lorsque, en plus, il y a une utilisation d’animaux, c’est vraiment lamentable. On imagine la condition de ceux-ci, dans un environnement en plus nécessairement façonné par une pression terrible pour le succès.

Tout milieu capitaliste visant à « triompher » implique de fait la corruption, la triche, le dopage, etc. Seuls des naïfs peuvent penser que tout est fait dans les règles et qu’il n’y a pas de manipulations, de coups bas, de consommation de produits stupéfiants pour tenir le coup, etc.

Alors voir L’Humanité fournir des pronostics pour les courses hippiques, c’est terrible, c’est Jean Jaurès au PMU. C’est la Gauche cédant devant l’aliénation, l’appât du gain facile en contournant le travail, réduisant les animaux à des outils de divertissement…

Voir dans L’Humanité qu’il est conseillé de parier sur « Futbolisto », « Hell’s queen », « Elan du rocher », que « Mille rubis » est un bon outsider, tout comme « Etincelle de rêve » ou « Electra du vivier », c’est un choc. Ce n’est pas étonnant quand on y pense, la capitulation devant les beaufs étant ce qu’elle est, mais quand même.

Si à cela s’ajoute une prose revendicative, avec les bons conseils donnés telle une consigne politique, là par contre, on touche un sacré fond.

« Prudence. Cet été, les quintés donnent souvent lieu à des arrivées improbables. C’est essentiellement dû à la médiocrité des lots proposés, comme par exemple le vendredi soir à Cabourg, où l’incohérence des programmes et l’inconséquence des dirigeants ont pour conséquence un déficit de participants. Cela oblige à choisir comme « quinté » des cours de médiocre niveau. Parieurs, la prudence est de mise… »

Parieurs de tous les pays, unissez-vous ! Les organisateurs de courses hippiques ne sont pas à la hauteur des exigences des prolos PMU ! Il faut plus de lots, pour de meilleurs entreprise proposant de meilleur chevaux-esclaves. On en veut pour notre argent !

Comment L’Humanité espère-t-il être un quotidien qui sort de sa profonde crise avec un positionnement pareil ? C’est un véritable suicide et peut-être est-ce ici une allégorie de la Gauche anéantie en France, justement car elle a échoué sur le plan des valeurs. Ne disons pas qu’elle a trahi les ouvriers, car ce sont aux ouvriers de faire la Gauche justement. Disons plutôt : la Gauche n’a pas été en mesure de préserver ses valeurs et elle s’est faite mangée par les valeurs du capitalisme.

Même en arguant qu’un organe de presse ne peut pas aller trop loin, voir les courses hippiques est déjà un suicide culturel. Il en va de même pour la FSGT, la structure dédiée au sport issu du mouvement ouvrier qui assume ouvertement le MMA : on perd là par définition toute affirmation de la non-violence, du refus de faire du mal aux autres, du sport comme développement personnel, dans un cadre collectif, ne se faisant pas aux dépens des autres.

Il est ici vraiment fascinant de voir la Gauche française, ces dernières années, massivement mentionner Antonio Gramsci en disant qu’il faut prendre en compte la question culturelle pour gagner les gens et ne rien faire derrière. C’est bien la preuve d’un problème de fond.

Et ce problème ramène aux débuts du mouvement ouvrier en France. On ne sort pas de l’opposition stérile entre électoralistes opportunistes d’un côté, syndicalistes anti-politiques de l’autre. Cela se fait aux dépens de la culture et on en paie le prix encore aujourd’hui. Ni les électoralistes, ni les syndicalistes n’ont besoin de la culture… alors que c’est essentiel pour qu’il y ait une réelle base populaire portant le Socialisme en termes de valeurs concrètes !

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Politique

Appel du PCF : « Construisons une union populaire qui porte un nouvel espoir pour la France »

Le PCF tenait le week-end dernier un Conseil national et il a été émis un appel au rassemblement, avec l’idée que tant les Verts que La France insoumise se réunissent à leur tour le week-end prochain et qu’il est temps d’organiser l’unité en vue des prochaines municipales.

On trouvera cependant très étrange que cet appel n’a pas été diffusé publiquement et soit pour ainsi dire presque impossible à trouver, y compris en le demandant directement. Le voici cependant :

« Construisons une union populaire qui porte un nouvel espoir pour la France

Les élections européennes achevées, le président de la République prétend aggraver sa politique au service des ultrariches. Le droit à la retraite et celui des privés d’emplois à être correctement indemnisés sont dans son collimateur. La santé, le transport ferroviaire public, l’Éducation nationale font les frais de sa volonté de déréguler et privatiser. Il laisse s’opérer des plans de licenciements et autres opérations financières menaçant ce qu’il demeure de notre industrie, et il ne se préoccupe d’écologie que le temps des discours.

La colère est toujours aussi forte, l’espoir que cela change aussi. Il n’en est que plus grave que ce pouvoir arrogant veuille réorganiser la vie politique française autour de son face-à-face avec l’extrême droite. Ce jeu cynique installe le parti de la haine en alternative aux choix gouvernementaux, il fait courir un terrible danger à la République.

Jamais le pays n’a eu autant besoin d’une gauche de combat, qui reprenne l’initiative à M. Macron et empêche l’extrême droite de réaliser un hold-up sur l’exaspération populaire. Jamais notre peuple n’a été à ce point orphelin d’une perspective de transformation sociale, d’égalité et
de fraternité, de démocratie et de restauration des équilibres écologiques détruits par un capitalisme avide.

Le Parti communiste français s’adresse donc aux hommes et aux femmes soucieux d’ouvrir un débouché à la hauteur de leurs aspirations et de leurs engagements, mais aussi à l’ensemble des forces de gauche et écologistes, aux organisations syndicales et au monde associatif, aux
collectifs de citoyen·ne·s.

Ensemble, il nous appartient de nous rassembler, sans exclusives ni volonté hégémonique de quiconque, sur des contenus qui portent une volonté d’alternative s’attaquant pouvoir du capital. De ne pas nous contenter de discussions de sommet, mais de mener des combats communs
qui permettent de faire reculer les puissances d’argent et d’arracher des victoires. D’en appeler à l’implication de toutes et tous.

Nous pouvons ainsi, nous devons nous unir pour une autre réforme des retraites assurant justice et progrès pour chacun et chacune, gagner le référendum contre la privatisation d’Aéroports de Paris, mobiliser contre la vie chère et la hausse des tarifs de l’électricité, obtenir un vrai plan d’urgence pour nos services publics, faire de la reconquête industrielle une grande priorité nationale, agir pour l’augmentation des salaires et des pensions, faire avancer des mesures ambitieuses pour le climat, lutter pour la justice fiscale.

Nous pouvons, dans les communes et les quartiers, sur les lieux de travail et d’études, favoriser l’initiative populaire, permettre à chacune et chacun de prendre la parole et de peser, sur les choix de batailles à mener autant que sur les propositions à mettre en avant, afin que leurs exigences se trouvent prises en compte.

Les élections municipales seront également l’occasion de mettre en échec le pouvoir macronien, la droite et l’extrême droite dans le plus grand nombre de villes. Elles doivent assurer de larges majorités à des politiques de gauche novatrices.

Pour ce qui le concerne, le Parti communiste français met en débat ses dix propositions pour la France. C’est sa contribution à la libre discussion et à l’action qu’il nous faut désormais organiser partout. Pour faire émerger un projet partagé, il portera ses propositions dans les initiatives allant dans ce sens et engagera lui-même les démarches nationales pouvant favoriser le rassemblement.

Travaillons à l’union populaire qui pourra demain changer le destin de
la France.

Conseil national du PCF,

Paris, le 16 juin 2019. »

> Lire également : Les 10 propositions du PCF pour la France

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Politique

Le compte-rendu d’une assemblée de la section PCF Paris 18e

La section PCF du 18e arrondissement de Paris organisait une assemblée générale faisant office de debriefing de la dernière campagne européenne et de questionnements pour la suite. Un compte rendu très intéressant a été fait, que nous reproduisons ci-dessous car c’est un travail collectif de qualité.

C’est tout à fait le genre de démarche démocratique qui permet d’aller de l’avant dans la reconstruction de la Gauche : partir de la base en se posant sur le terrains des idées plutôt que de simples discutions entre appareils pour des accords électoraux.

Les problématiques évoquées lors de cette assemblée sont typiques de celles des militants de gauche un peu partout en France. Il y a le constat d’une situation assez catastrophique pour la Gauche, avec une population française largement dépolitisée. Les préoccupations sont l’écologie, l’extrême-droite, la définition de la Gauche, le capitalisme et les classes populaires.

 

« La dépolitisation est immense ! »

Une semaine après l’élection européenne, les communistes du 18e arrondissement de Paris débriefent à chaud. 35 présents, l’ambiance est studieuse. Dans une courte introduction, Alain Wlos, le secrétaire de la section, pointe une abstention en baisse, même si logiquement elle se concentre dans les quartiers les plus populaires quand on fait le détail par bureau de vote. Un fait marquant : celui d’une défaite idéologique de la gauche. Pour Alain, le bilan de la campagne du PCF est décevante. Pas d’élus et pas de remboursement. Mais il note un état d’esprit positif, la très bonne conduite de notre tête de liste, Ian Brossat, relevée par tous les observateurs.

« Nous avons franchi une étape qualitative dans la communication numérique comme dans des tâches militantes plus traditionnelles tel le porte-à-porte. Mais nous n’avons pas été identifiés comme une force capable de porter la transformation qu’attend la population. »

Le débat s’engage sur une interpellation venue de la salle : « C’est quoi la gauche ? » « EELV n’est pas de gauche, car elle ne s’en réclame pas », observe Françoise. « Il y a une confusion qui est entretenue. Si on ne met pas en numéro un la question de la planète, on ne sera pas entendus. Il faut dire que si on ne sort pas du capitalisme, on est foutus ! On est trop timides sur cette question. »

« Il faut réarmer idéologiquement la gauche pour convaincre, trier les bouteilles ne suffira pas », interpelle Philippe. Lounis, lui, est plus circonspect. « Il y a la question du climat, du coût de l’énergie, de la transposition de la directive européenne. Sur toutes ces questions, nous avons un programme mais le combat est très difficile. Le vote s’est cristallisé dans la dernière semaine où nous avons été écartés des médias comme par exemple lors de l’émission de France 2. »

Pour Gérald, « c’est un résultat qui doit nous interroger avec beaucoup d’humilité. Nous avons affaire à un résultat plein de contradictions. Si notre score s’est maintenu par rapport aux législatives de 2017, nous avons tous observé dans la campagne l’arrivée de nouveaux électeurs communistes. Ça veut dire qu’on en a perdu d’un autre côté. » Et il pointe la question du « mouvement des gilets jaunes où notre carton rouge à Macron n’a pas eu l’effet escompté ».

« Il y a un effet de mode sur la question écologique, il ne faut pas être naïfs », doute Nina. Pour qui « l’élection européenne est un terrain naturel pour Europe écologie ». « Notre priorité c’est ceux qui ne votent pas », défend-elle.

Dominique témoigne d’un « électorat qui ne comprend pas nos divisions à gauche. On est bien accueillis à la Goutte d’or, vus comme proche des gens, anticapitalistes, mais nous manquons de crédibilité ». « La question écologique monte. On a raté quelque chose avec le mouvement des gilets jaunes, qui témoigne d’une fracture sociale, de classe, comme d’ailleurs le mouvement syndical. Ça dit quelque chose de notre rapport à la société. »

Catherine nuance : « On est partis d’un rejet des partis politiques aux manifestations de gilets jaunes à un début d’acceptation. Le vote d’extrême droite est devenu le vote crédible anti-Macron. il faut aller plus dans les quartiers. » Et non pas, comme le dit Dominique, « seulement pendant les élections ».

Catherine est perplexe : « On a vu des gens qui se sont décidés au dernier moment, alors qu’on les avait convaincus en porte-en-porte mais qui ont finalement choisi un autre bulletin. »

Pour Jean, « malgré notre excellent candidat, c’était une campagne très difficile qui portera ses fruits. Beaucoup de gens à gauche ne veulent pas des communistes, c’est ainsi. Pour eux, nous ne sommes pas crédibles. Pour eux, c’est impossible de changer les choses. Il faudra beaucoup de discussions pour faire reculer cette pression idéologique. Les mensonges anticommunistes ont fini par porter. »

Jean-Pierre observe que « même ceux qui n’ont pas voté pour Ian ont apprécié sa campagne. On a une faiblesse sur ce qui s’est passé dans les pays de l’Est et le bilan de cette période n’a toujours pas été tiré. Notre faiblesse sur les lieux de travail demeurent. On existe dans les quartiers mais pas suffisamment. »

« La dépolitisation est immense !, dit Marie-France, il y a besoin de se poser, de faire le bilan de notre activité, sur notre rayonnement. On a un atout, notre candidat. Il ne faut pas se replier. »

Pour Pierre, « le PCF ne doit pas céder aux sirènes du capitalisme vert ». Matthieu relativise : « On a marqué des points, tout s’est joué dans les derniers jours. On ne peut pas se limiter à faire l’écho de la “colère populaire” comme l’a fait la France Insoumise. »

Malgré les résultats, et en forme de clin d’œil, nombre de présents ont invité à la défense de leur journal l’Humanité, et insisté sur les abonnements et le paiement des vignettes de la Fête. Incorrigibles communistes !

Gérald Briant

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Politique

Les slogans très différents du PCF et de Die Linke pour les élections européennes

L’excellent discours anti-militarisme de Fabien Roussel du PCF que nous avons publiée hier ne masque pas un aspect essentiel : la Gauche allemande est bien plus avancée sur le plan des idées, plus volontaire, plus profonde aussi. La Gauche française a en comparaison l’air d’un mouvement « catho de gauche ».

Le discours à l’occasion du 8 mai de Français Fabien Roussel ( pour le PCF ), accompagné de l’Allemand Bernd Riexinger ( pour Die Linke ), au sujet des élections européennes, est un vrai appel contre le militarisme. Il y a même une référence ouverte à la crise des années 1930 ! On devine aisément que ce n’est pas le PCF qui est à l’origine de la majorité du texte, mais bien Die Linke.

Le PCF a en effet malheureusement une approche qui n’est pas du tout « années 1930 ». Il n’y a pas la bataille pour la base populaire. En Allemagne, on l’a par contre bien compris, comme en témoigne l’activité de Sahra Wagenknecht, notamment. Et cela se lit très bien dans les slogans utilisés pour les Européennes.

Le slogan du PCF est le suivant :

Pour l‘Europe des gens, contre l’Europe de l’argent

C’est un slogan apolitique, avec même une référence à l’argent qui, dans un pays marqué par Proudhon et le catholicisme, est toujours douteux. En France, l’argent est mal vu, même dans les classes dominantes. On ne parle pas de combien on gagne, cela ne se fait pas. L’esprit catholique de gauche prédomine et on a l’habitude partout de dénoncer les « nouveaux riches » qui eux étalent leurs richesses.

Le slogan utilisé en Allemagne par Die Linke est par contre bien différent :

Für ein solidarisches Europa der Millionen, gegen eine Europäische Union der Millionäre!

( Pour une Europe solidaire des millions, contre une Union européenne des millionnaires ! )

Die Linke oppose les millions ( de gens ) qui n’ont pas grand-chose aux quelques uns qui ont des millions. Le contraste entre les deux aspects est saisissant et relève nettement d’une lecture en termes de classes. Ce n’est pas « l’argent » comme abstraction qui est dénoncé, mais ceux qui se l’accaparent. Cela peut paraître une nuance infime, mais cela change tout. Le Vatican peut ouvertement dire la même chose que le PCF… mais ne peut pas du tout dire la même chose que Die Linke.

Une autre différence très importante est la question des institutions. Die Linke oppose une Europe solidaire des millions de personnes à l’Union européenne des millionnaires, c’est-à-dire qu’un autre projet européen est sous-jacent. Le PCF lui oppose l’Europe à l’Europe, comme si la même chose pouvait indifféremment avoir deux formes. On a ici quelque chose de totalement différent de ce que dit Die Linke.

Cette différence entre le PCF et Die Linke repose bien entendu sur des visions du monde fondamentalement différentes. Tous deux sont très marqués par l’expérience des pays de l’Est européen. Seulement, le PCF entend faire autre chose, considérant que l’expérience a totalement failli à la base, alors que Die Linke est davantage dans l’optique de faire pareil, mais totalement différemment. La République démocratique allemande est considérée comme une tentative sur un vaste chemin, en quelque sorte globalement positive.

On n’est pas obligé d’être d’accord. On ne peut que voir toutefois qu’il existe dans la Gauche allemande autour de Die Linke une valorisation du patrimoine du mouvement ouvrier, un prolongement dans l’identité. Ce n’est pas du tout le cas dans le PCF, à part pour quelques épisodes symboliques, vidés de leur sens.

Il ne s’agit pas ici de considérer positivement ou non l’expérience dans les pays de l’Est, soulignons le bien. Il s’agit simplement de voir que le PCF se veut quelque chose de totalement nouveau et que cela ne donne pas grand-chose sur le plan du contenu. Il y a beaucoup de promesses pour une dynamique future, mais cela tarde, cela ne ressort pas. Die Linke puise par contre dans le passé et cela lui insuffle une dynamique. On pourrait en préférer une autre, bien entendu, cependant cela ne change pas le fond de la question : on en revient à l’opposition entre la Gauche historique et celle de nature post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale.

Ce qui va se passer pour ces élections européennes est donc très important. Il faudra bien évaluer quel type de Gauche parvient à s’affirmer, lequel ne donne rien ou pas grand-chose. Lequel parvient à s’ancrer dans la population, lequel lui reste extérieur. La situation est différente selon les pays évidemment, mais il y aura forcément des enseignements, parce qu’au-delà des résultats électoraux ( qui sont bien secondaires par rapport à l’essentiel ), il y a le contenu, la perspective, la dynamique.

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Guerre

Le PCF et Die Linke rendent hommage à Jean-Pierre Timbaud en plaidant en faveur d’une Europe de la paix

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et le secrétaire général du parti allemand de gauche Die Linke, Jörg Schindler, étaient réunis ce mardi 7 mai 2019 à Paris pour rendre hommage à Jean-Pierre Timbaud. C’était l’occasion de dénoncer l’Europe guidée par « la coopération militaire et l’armement », et de plaider en faveur de la paix.

Jean-Pierre Timbaud est une grande figure communiste de la Résistance, fusillé par les nazis en octobre 1941. Il est connu pour avoir crié « Vive le Parti communiste allemand » au moment de sa mort, ce qui fut un acte d’internationalisme prolétarien d’une grande valeur.

Le discours de Fabien Roussel publié ci-dessous va pleinement dans ce sens, en rappelant « le combat commun des classes ouvrières française et allemande » contre le nationalisme et le fascisme, cette « bête immonde ».

Les deux partis siègent ensemble au Parlement européen et ont eu plusieurs initiatives communes dans le cadres des élections européennes. Il est question ici de leur combat en faveur d’une «Europe de la paix », alors que la course à l’armement est de plus en plus folle et grande.

Il est critiqué, conformément aux valeurs historique de la Gauche, l’« Europe de la défense que Macron et Merkel appellent de leurs vœux » et « l’industrie de l’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, toutes les bonnes guerres ».

Voici le discours de Fabien Roussel du PCF :

« Initiative PCF – Die Linke
Hommage à Jean-Pierre Timbaud :
Pour une Europe de la paix, contre l’Europe du surarmement

Chère Maryse Veny petite fille de Jean-Pierre Timbaud,
Chère Michèle Gauthier, fille d’Henri Gauthier,
Chère Carine Picard Niles, petite fille d’Odette Niles, représentant  ici l’Amicale Châteaubriant Voves Rouillé Aincourt
Cher Claude Ven représentant la Fédération CGT Métallurgie ainsi que son Institut Histoire Sociale qui est installée ici même dans leur Maison des Metallo
Mesdames et messieurs les représentants des organisations et associations militant pour la paix
Mesdames et messieurs les parlementaires
Mesdames et messieurs les élu·es de Paris
Cher·es ami·es, cher·es camarades

Je suis heureux de nous voir réunis ici en cette veille du 8 mai et des célébrations de la Victoire contre le nazisme, avec notre camarade Jörg Schindler, secrétaire général de Die Linke.

C’est une initiative à laquelle je tenais particulièrement et dont nous avons convenu fin avril avec Berndt Riexinger, le co-président de Die Linke que j’ai eu le plaisir de recevoir à Paris, au siège du Parti.

Il est pour nous très important  à la fois de faire vivre la mémoire de la Grande Victoire de 1945 contre le fascisme, de rendre hommage aux héros morts en déportation et exterminés, Juifs, Tsiganes, homosexuels, communistes, progressistes.  Mais aussi de rendre hommage aux héros de la Résistance tombés dans toute l’Europe, du maquis des Glières aux actions de la résistance allemande.

Ce n’est pas uniquement une question de mémoire. La lutte continue aujourd’hui contre le fascisme, contre la montée des idéologies nauséabondes, racistes et des idéologies de guerre en Europe. Les appels à la haine s’entendent aujourd’hui à nouveau partout en Europe.

Comme l’a écrit Berthold Brecht, « Le ventre est encore fécond d’où est sorti la bête immonde ».

Nous sommes ici pour dire ensemble que le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui renforce véritablement la fraternité et la solidarité entre les peuples dans le respect de leur souveraineté – et non leur mise en concurrence exacerbée ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui défend les intérêts des classes populaires et des travailleurs –et non ceux des banquiers et des multinationales ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui fait de la construction de la paix et d’une culture de paix son axe essentiel et sa priorité absolue.

C’est cette ambition-là que nous voulons porter, à rebours du modèle ultra-libéral dont Emmanuel Macron et Angela Merkel veulent intensifier la marque, au nom d’un« couple franco-allemand » autoproclamé moteur de l’Union européenne.

Un couple tellement centré sur la domination qu’il passe son temps à s’affronter pour savoir qui est le plus fort des deux !

Nous, les communistes, nous formons avec Die Linke un autre couple franco-allemand ! Un vrai couple, dont les relations sont fondées sur les principes d’égalité, de solidarité et d’épanouissement respectif.

Notre « couple franco-allemand », c’est celui qu’incarnait le syndicaliste et dirigeant politique communiste, Jean-Pierre Timbaud, auquel nous voulons rendre un hommage fraternel ce soir.  Bien d’autres avec lui ont porté ce combat pendant la guerre, le combat commun des classes ouvrières française et allemande, le combat commun des communistes français et allemands ; le combat commun des démocrates, femmes et hommes, militant-es de l’émancipation humaine et sociale – français et allemands- qui s’engagèrent dans la Résistance et ont abattu nazisme et fascisme il y a 75 ans.

Notre couple franco-allemand, c’est celui qui se lève pour s’opposer à l’augmentation indécente des budgets de Défense, sur ordre de l’OTAN, pour atteindre 2 % du PIB d’ici 2024. L’OTAN exige en outre que 20% de ces budgets faramineux soient consacrés à l’achat d’armement neuf.

La France va dépenser 295 milliards d’euros au total pour sa défense entre 2019 et 2025 alors que toutes les politiques publiques sont privées de l’argent indispensable pour rénover et développer nos infrastructures et nos services publics de santé, d’éducation, de transport, de culture. Sur le nucléaire, pour la même période, le budget de la modernisation est en hausse de 60% par rapport à la période précédente ! Il passera de 23 milliards à 37 milliards d’euros. 14,5 millions d’euros par jour !

A-t-on besoin d’investir 14,5 millions d’euros par jour dans la modernisation nucléaire quand notre pays a tant besoin d’hôpitaux, d’écoles, de services publics ?

Savez-vous ce que cet argent représente ?

Nos amis du Mouvement de la paix ont fait le calcul, c’est simple : 1 missile M51 c’est l’équivalent de 100 scanners médicaux mais des départements entiers du pays se transforment en déserts médicaux ; 1 Mirage, c’est l’équivalent de deux collèges en milieu rural mais nos campagnes, notre ruralité se meurt un peu plus chaque jour

Tout le monde appelle à la paix mais les dépenses mondiales d’armement explosent à nouveau : 1 700 milliards de dollars pour 2017 dont la moitié pour les seuls pays membres de l’OTAN.

Non seulement nous nous emprisonnons dans la stratégie belliciste de l’OTAN mais nous en « rajoutons » quand Macron et Merkel cherchent, à relancer le projet d’« une Europe de la Défense » .

Cette « Europe de la défense » qu’ils appellent de leurs vœux en agitant toutes les peurs, les haines possibles, ces 13 milliards d’euros de dotation, prévu pour 2021-2027, pour le « Fonds européen de la Défense », c’est le « cadeau » qu’ils réservent à l’industrie d’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, les bonnes guerres…

« Qui veut la paix, prépare la paix » et c’est pour cela que nous appelons l’Europe, la France et l’Allemagne à ne pas vendre d’armes aux pays en guerre, aux dictatures, aux pays qui entretiennent des conflits coloniaux, expansionnistes, soutiennent le terrorisme international ; la France ne doit pas vendre des armes à l’Arabie saoudite, 11 milliards d’euros en 9 ans, et prétendre que ces armes ne sont pas utilisées au Yemen !

Nous appelons à interdire toutes les opérations militaires extérieures en dehors des résolutions de l’ONU ; nous appelons à redonner tout son rôle à cette organisation internationale au lieu de promouvoir le devoir d’ingérence.

Et nous appelons à signer et à ratifier le traité international d’interdiction des armes nucléaires ;

Nous disons NON à l’« Europe de La Défense » et  oui à la dissolution de l’OTAN. Et sans attendre, la France doit quitter l’OTAN.

L’ « Europe de la défense » et l’OTAN doivent être remplacés  en Europe par un traité de coopération et de sécurité collective qui implique tous les pays du continent en mettant un terme aux stratégies de tensions et de surarmement ; nous opposons à l’idée de militarisation sans fin du continent l’idée de sécurité collective, principe qui est un des fondements de la charte des Nations Unies selon lequel les mesures de défense prises par un État ne doivent pas compromettre la sécurité d’un autre état.

La tenue, sous l’égide de l’ONU, d’une conférence pan-européenne de paix et de sécurité collective est urgente et nécessaire pour faire baisser les tensions entre l’UE et ses voisins. Ce qui a été possible en pleine guerre froide, avec la conférence d’Helsinki, l’est d’autant plus aujourd’hui.

Nous appelons à abroger les accords de libre-échange pour les remplacer par des accords de maîtrise des échanges avec les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique…

Nous appelons à réinvestir l’ONU et ses agences pour qu’elles soient de véritables outils au service de la prévention des conflits et du développement humain.

Nous appelons à bannir les racismes, les discriminations, et à restaurer la justice et l’égalité des droits, à conquérir de grandes avancées sociales pour les travailleuses et travailleurs du monde entier.

L’Europe de la paix, chers amis, chers camarades, c’est celle qu’a portée Jean-Pierre Timbaud au moment mourir.

C’est notre vision à nous aujourd’hui, c’est celle d’une union de peuples et de nations libres, souverains et associés.

« C’est le plus grand des combats », nous exhortait Jaurès et nous ne cesserons jamais d’en faire notre priorité car elle donne tout son sens à une Europe des gens, une Europe qui n’a d’autre visée que l’humain d’abord.

C’est dans cet esprit que nous nous battons pour faire élire au parlement européen, le 26 mai, le plus de députés communistes, de Die Linke et de la gauche européenne. »

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Politique

Les réactions à la proposition de fédération populaire par Jean-Luc Mélenchon

Plusieurs personnalités liées à la Gauche ont réagit à la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon de créer une fédération populaire. Les réactions sont dans l’ensemble mitigées, car tout le monde ou presque a compris qu’il s’agirait surtout d’un « rassemblement » autour de sa propre personne.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste a bien résumé le sentiment général à Gauche sur la proposition du leader de la France insoumise :

« C’est « Je veux bien rassembler mais sur mes bases et derrière moi ». Et c’est comme ça qu’on n’y arrive jamais ».

Olivier Faure a également considéré que c’était d’abord « un aveu d’échec » de la part de  celui qui avait initialement refusé « l’idée même de rassembler la Gauche ».

Selon lui, le député insoumis considérait auparavant « qu’il n’était pas de la Gauche mais du peuple », ce à quoi il a répondu :

« la Gauche, ça n’est pas le populisme, ça ne le sera jamais. Jamais. Cela suppose de sa part qu’il fasse ce pas-là et qu’il abandonne cette idée folle du populisme de gauche ».

Olivier Faure considère par ailleurs que le Parti socialiste fait la démarche de l’unité pour les élections européennes en présentant Raphaël Gluksman et que cela fonctionne, tout en regrettant qu’il y ait actuellement une « offre divisée ». C’est un raisonnement qui peu paraître absurde, car cela revient à se féliciter d’une situation tout en regrettant qu’elle n’existe pas.

Il faut cependant comprendre que le Parti socialiste considère être toujours la force centrifuge de la Gauche. Il imagine pouvoir rassembler à nouveau après ces élections, ce qui couperait de fait l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon :

« Il y a déjà une progression, qui n’est pas suffisante, et nous devons viser un score qui nous mettent dans une situation où nous puissions, demain, être à nouveau en mesure de rassembler et d’être un pôle de stabilité à gauche. »

Le sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures du Parti socialiste Rachid Temal est allé dans le même sens qu’Olivier Faure, en critiquant l’exclusion de fait du PS par la France insoumise :

« Mélenchon dit « Je veux discuter avec la Gauche », mais ne veut pas des partis et met des oukases sur le PS  ! »

Le candidat Raphaël Glucksmann a pour sa part considéré qu’effectivement, « la gauche ne pourra être une offre crédible que si elle se réunit », mais qu’il faut d’abord avoir des discussions de fond, en assumant les divergences de chacun. On comprendra que cela revient là aussi à critiquer le populisme de Jean-Luc Mélenchon, qu’il avait d’ailleurs qualifié quelques jours avant de « Thatcher de gauche ».

De son côté, le tête de liste du PCF aux Européennes Ian Brossat a eu une position plus mesurée, mais néanmoins sceptique. Il a considéré qu’il était d’accord sur l’idée de se reparler à Gauche après les Européennes, mais que pour autant « personne ne peut jouer les gros bras ».

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel n’a pas réagit publiquement, ou alors très discrètement et cela est passé inaperçu. Rappelons qu’il expliquait au mois de février dernier discuter toutes les semaines avec Jean-Luc Mélenchon « pour lui demander de se détendre un petit peu, qu’on puisse trouver les contours d’un rassemblement ensemble », précisant que cela ne « veut pas dire forcément fusionner dans des listes ».

Benoît Hamon a pour sa part répondu longuement à la proposition de fédération populaire, dans un entretien également à Libération dès le lendemain. Il a considéré cela comme un « geste d’unité » pris très « au sérieux ».

Sa position est néanmoins compliquée à comprendre. Il explique qu’il faut une unité face au danger que représente l’extrême-droite, sans parler du fait que justement Jean-Luc Mélenchon n’aborde jamais le sujet de l’extrême-droite dans son long entretien.

> Lire également : Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Les propos de Benoît Hamon sont de gauche, avec un héritage évident de la tradition du Front populaire :

« Je vois la colère partout. L’alternance la plus naturelle aujourd’hui, c’est Marine Le Pen. Je me refuse d’user de cette situation avec cynisme comme le fait Emmanuel Macron en polarisant le débat entre lui et le Rassemblement National. Je préfère apporter des réponses positives aux inquiétudes des Français. Pour ce faire, il nous faut une gauche forte. Le drapeau est aujourd’hui à terre, relevons-le. »

Il semble cependant céder à la panique, en oubliant l’analyse de fond en raison d’un danger imminent, ce qui est forcément un grave erreur. Il dit en effet :

« Alors à tout prendre entre le désastre annoncé et un geste d’unité je préfère prendre acte de ce geste d’unité et le prendre au sérieux. Après tout, le fair-play, c’est peut-être contagieux. »

Il ne semble pas avoir vu que Jean-Luc Mélenchon n’était pas du tout dans une optique de Front populaire face à l’extrême-droite.

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts David Cormand a lui très bien vu que la question se posait par rapport à l’extrême-droite et que le « peuple de gauche » ne considérait pas le leader de la France insoumise comme étant un opposant à l’extrême-droite :

« Mélenchon le fait maintenant parce qu’il est en difficulté politique, interne, et dans les sondages. Il voit bien que le peuple de gauche qui lui avait accordé sa confiance à la présidentielle considère moins que c’est lui qui peut offrir une alternative aux libéraux et aux fachos ».

Finissons par Yannick Jadot, tête de la liste Europe Écologie-Les Verts, qui pour le coup assume totalement de ne plus être de gauche. Il a répondu qu’il fallait totalement rejeter la question de l’unité de la Gauche :

« J’ai noté qu’après m’avoir tapé dessus, il était favorable à l’économie de marché, finalement. Il est vrai que l’économie chez Maduro, l’économie des sovkhozes, ça ne fait pas rêver. Le problème de Mélenchon, Faure, Hamon, Glucksmann est que le pôle socialiste a explosé. Ils utilisent l’écologie pour essayer de masquer leur rupture. Ils disent tous : il faut recomposer la gauche derrière moi.

Moi, mon sujet, c’est qu’un projet écologique et solidaire gagne en Europe et dans ce pays. Je n’ai jamais été socialiste, trotskiste ou communiste, je n’ai toujours été qu’écologiste. J’ouvre portes et fenêtres aux citoyens qui ont compris que la lutte contre le dérèglement climatique était la mère de toutes les batailles et qu’elle pouvait être un formidable levier de justice sociale. »

Il rejette de ce fait totalement la proposition Jean-Luc Mélenchon, le considérant presque ouvertement comme un équivalent de Marine Le Pen (alors que lui-même est un équivalent d’Emmanuel Macron) :

« Non, ça ne m’intéresse pas. Jean-Luc Mélenchon a des convictions, une colère, une indignation par rapport à l’injustice sociale que je peux partager. Mais il a une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. Il passe son temps à brutaliser le débat politique, moi je veux apaiser notre pays. Il se place dans une logique national-étatiste, moi je veux une France beaucoup plus décentralisée, régionalisée.

Je crois fondamentalement que l’Europe, malgré ses défauts, est une formidable aventure, qu’elle est notre horizon civilisationnel. Il a quelques ambiguïtés avec Maduro et Poutine. Nous les écologistes, combattons toutes les dictatures, de droite, de gauche, où qu’elles soient. Nous devons à nos enfants une Europe des libertés, qui reconnaît à chacune et chacun sa dignité, ses identités multiples. Nous leur devons un avenir bienveillant dans lequel ils se projetteront avec confiance. »

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Communiqué du Secours populaire français après la disparition de son Président Julien Lauprêtre

Fils d’ouvriers et ouvrier dans sa jeunesse, Julien Lauprêtre représentait avec le Secours populaire français une certaine tradition du mouvement ouvrier, qui a développé ses structures de manière indépendante au début du XXe siècle puis s’est de plus en institutionnalisé après la Guerre.

Le parcours Julien Lauprêtre à la tête du Secours populaire français depuis 1955 porte la marque de l’institutionnalisation, en ayant dirigé une association très liée au PCF ( il a été membre de son Comité central de 1970 à 2000) qui affirmait en même temps son indépendance, ses propres choix.

Le Secours populaire français est directement issu de la tradition du Front populaire de 1936, comme processus d’Unité des socialistes et des communistes. Il est un prolongement de masse du Secours Rouge, branche française du Secours Rouge International généré par l’Internationale Communiste.

Il a notamment lancé des actions pour les vacances de la jeunesse populaire. Julien Lauprêtre a lui-même rencontré sa femme à l’été 1936 dans une colonie du Secours ouvrier international et il est expliqué dans sa biographie que l’engagement communiste de son père a « pris racine dans les manifestations de 1934 contre les ligues fascistes, pour le Front populaire en 1936 ».

Julien Lauprêtre fut un Résistant, « marqué » par sa rencontre avec Missak Manouchian en prison à 17 ans, avant d’être nommé responsable national des Jeunesses communistes dans la clandestinité.

D’une organisation spécifiquement liée au mouvement démocratique et populaire, tant en France qu’à l’international, il a fait du Secours populaire français une association caritative, centrant son action sur la solidarité aux personnes pauvres et l’aide alimentaire, finissant par nouer en 2012 des partenariats avec des entreprises symboles du capitalisme telles que Disneyland, Courte-Paille ou Carrefour.

Si le Secours populaire français (lui-même issu du Secours rouge, branche du Secours rouge international généré par l’Internationale Communiste) est un élément important du patrimoine démocratique et populaire en France, de la Gauche française, avec un héritage provenant directement du Front populaire, il est aussi un exemple de renoncement de la tradition historique du mouvement ouvrier centrée sur le combat politique et l’autonomie vis-à-vis du capitalisme et des institutions capitalistes.

Voici le communiqué du Secours populaire français :

« Continuons le combat d’une vie !

Le Secrétariat national du Secours populaire et la famille ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Julien Lauprêtre, Président du Secours populaire français, survenu à 93 ans dans un hôpital parisien des suites d’une chute pour laquelle il avait été hospitalisé.

Plus qu’un Président, c’est un ami que tous les membres du Secours populaire ont perdu aujourd’hui. Julien se présentait toujours comme « bénévole à Paris ». C’est vrai qu’il n’était pas un Président ordinaire. Sa porte et son écoute étaient ouvertes à tous, sans distinction, à n’importe quel moment de la journée. Une humanité, une simplicité et une sincérité qui allaient droit au cœur des 80 000 bénévoles de l’Association. Julien aimait répéter : « La solidarité ne règle pas tout, mais pour celles et ceux qui la reçoivent, elle est irremplaçable. » Et il ajoutait aussitôt cette phrase d’Henri Barbusse : « La solidarité, ce ne sont pas des mots, mais des actes. » Toute sa vie, Julien a refusé l’inacceptable, la pauvreté, l’injustice. Toute sa vie a été orientée vers les autres. Il a fait de la solidarité son combat quotidien, et du Secours populaire, un grand mouvement de solidarité populaire.

Dès son arrivée en 1954, Julien et un petit groupe d’hommes et de femmes vont faire du Secours populaire, l’une des plus importantes associations de solidarité de notre pays. Très vite, il a compris que l’association avait tout à gagner à se recentrer sur son rôle d’association de solidarité plutôt que d’intervenir sur le champ politique. Il en a fait une association rassemblant toutes les bonnes volontés pour que se développe une solidarité populaire indépendante des pouvoirs établis, qu’ils soient publics ou privés, philosophiques, confessionnels, politiques ou syndicaux. Au Secours populaire, nous sommes quotidiennement les témoins de ceux qui vivent un véritable parcours du combattant pour régler leurs factures, faire trois repas décents par jour, se soigner… Nous sommes aussi les témoins, avec nos partenaires dans le Monde, des situations des enfants, des femmes, des hommes qui luttent pour survivre. La pauvreté est là. Elle ne recule pas. Elle s’aggrave.

Avec une ténacité incroyable, Julien a fait front pour ne pas laisser la désespérance prospérer. Il a sillonné le monde, fait le tour de notre pays pour mobiliser les bénévoles à agir sans relâche pour les personnes dans la précarité, et sensibilisé les dirigeants à la lutte contre la pauvreté en France, en Europe et dans le Monde. Il avait aussi à cœur d’offrir aux enfants l’opportunité de prendre la parole, d’agir, de s’organiser. C’est ainsi qu’est né en 1992 le mouvement d’enfants bénévoles au Secours populaire, les « copains du Monde ».

Il a consacré sa vie pour que celles et ceux qui n’ont rien, ou si peu, relèvent la tête et soient plus forts pour s’en sortir grâce à la solidarité, dans une démarche d’égal à égal entre celui qui donne et celui qui reçoit.

Aujourd’hui, les membres du Secours populaire sont plus que résolus à continuer son combat pour faire triompher l’entraide et la solidarité et faire reculer la pauvreté et l’exclusion. »

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Politique

Communiqué du Groupe communiste au Sénat contre la mobilisation des militaires de Sentinelle

Le Groupe communiste républicain citoyen écologiste (CRCE) au Sénat a produit un communiqué dénonçant la mobilisation des forces de l’opération Sentinelle pour le prochain samedi des gilets jaunes.

Il est rappelé par ces sénateurs, comme par la plupart des intervenants à Gauche, que ce recours à l’Armée n’est pas conforme à la pratique républicaine qui distingue la Police, qui relève du civil, c’est-à-dire d’un cadre démocratique particulier, de l’Armée, qui relève de la guerre.

La déclaration du gouvernement quant à la mobilisation de ces forces relève en grande partie de l’effet d’annonce, d’un pas de plus dans le grotesque, dans l’ambiance grotesque du pays en ce moment. Il est en effet expliqué par le Ministre de l’intérieur que le préfet de police pourra s’appuyer sur ces militaires, mais qu’ils « ne doivent en AUCUN CAS participer au maintien de l’ordre », et donc qu’ils devront en cas de besoin… appeler la Police.

Cela est absurde, et on aura bien compris que cela vise surtout à renforcer une posture, de manière politicienne, afin d’apparaître comme le parti de l’Ordre, alors qu’en réalité presque rien n’avait été décidé pour empêcher la casse samedi dernier, comme l’ont largement expliqué, franchement ou à demi-mots, les représentants policiers.

Il n’en reste pas moins que cette annonce du recours à l’Armée dans le cadre d’une manifestation sociale est inacceptable sur le plan politique, de part ce que cela sous-tend en arrière plan comme remise en cause du cadre démocratique.

Ainsi, une personnalité comme Ségolène Royale, qui n’avait déjà pas grand-chose de gauche, s’écarte définitivement de la Gauche en déclarant à ce propos :

« Je me suis demandée pourquoi ça n’avait pas été fait plus tôt », ajoutant que « les black blocs ne sont pas des terroristes mais ils sèment la terreur. Et donc c’est la même chose. »

Le recours à l’Armée dans le cadre d’une manifestation raisonne à Gauche comme un danger fascisant, et réveille la mémoire de la grande répression de 1948 faisant intervenir l’Armée. Plusieurs mineurs avaient été tués par les militaires dans le nord de la France après de grandes grèves.

Voici le communiqué du Groupe communiste républicain citoyen écologiste au Sénat :

« Emmanuel Macron doit renoncer au recours à l’armée à l’occasion de l’Acte 19 des Gilets jaunes

Emmanuel Macron a annoncé sa décision de recourir aux militaires de Sentinelle pour, dans le cadre de l’Acte 19 des Gilets jaunes, « sécuriser les points fixes et statiques conformément à leur mission ».

Contrairement à ce qui a été affirmé par Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres, ces militaires aucunement formés au maintien de l’ordre et équipés d’un matériel de guerre seront de fait associés à l’action de la police.

C’est une décision grave qui marque une étape inquiétante dans la surenchère sécuritaire en cours.
L’interdiction de manifester, la compétition malsaine entre le pouvoir et la droite la plus dure pour bomber le torse face au mouvement des Gilets jaunes, menacent de porter atteinte aux libertés fondamentales et en premier lieu au droit de manifester.

Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRCE l’ont dit et répété, ils condamnent les destructions et les violences qui surviennent lors de certaines manifestations. Cette casse dessert le mouvement.
Mais ils ont également souligné l’attitude du pouvoir qui pousse à une escalade potentiellement dévastatrice pour notre pays.

Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRCE estiment que le Parlement doit être informé et consulté pour une si grave décision.

En tout état de cause, Emmanuel Macron doit respecter la pratique républicaine en matière de maintien de l’ordre qui en réserve l’exercice à la police et à la gendarmerie.

Ils rappellent à cet égard que depuis 1921, le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations est confié à la gendarmerie et à la police.

Ce pouvoir a en effet été transféré, par un vote à l’Assemblée nationale, de l’armée aux effectifs de gendarmerie mobile.

Groupe CRCE au Sénat, le 21 mars 2019 »

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Politique

Les 10 propositions du PCF pour la France

Les 10 propositions du PCF pour la France :

« Face au mouvement des Gilets jaunes, aux mobilisations populaires, le président de la République a du ouvrir un grand débat national. Celles et ceux qui se sont exprimés y ont porté un message clair. Ils disent vouloir vivre dignement et être respectés. Ils disent que le travail doit payer. Ils disent que les injustices sociales et fiscales sont une honte. Ils disent, à l’échelle de leurs quartiers, de leurs lieux de travail, qu’ils veulent pouvoir décider. Ils disent que la fin du mois ne doit pas être opposé à la fin du monde. Ils attendent des réponses fortes et ambitieuses.

Avec cet objectif, le Parti communiste français présente 10 grandes propositions pour l’avenir de la France.

POUR UNE VIE DIGNE ET ÉPANOUIE

1 Hausser le Smic (20%), augmenter les salaires et les minima sociaux. Contraindre les entreprises à l’égalité professionnelle femmes-hommes. Porter les retraites à 1400 euros minimum

La France est devenue un pays de bas salaires et de contrats précaires. Les femmes en sont les premières victimes. Et trop de jeunes se débattent avec des petits boulots sous-payés. Il est temps que l’État réunisse une conférence nationale pour les salaires, la reconnaissance des qualifications, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, le pouvoir d’achat des retraités.

2 Organiser un plan de lutte contre l’exclusion et la grande pauvreté. Rembourser les soins à 100%, indexer les retraites sur le salaire moyen

A la Libération, dans un pays dévasté, les Français ont conquis la Sécurité sociale et cela a contribué au redressement national. Aujourd’hui, quand quelques actionnaires et banquiers confisquent les richesses, la Sécu peut être consolidée et étendue. Et le système solidaire de retraites, fondé sur la répartition, doit être pérennisé et garanti.

POUR LA RELANCE ET POUR L’ÉGALITÉ

3 Lancer un grand plan d’urgence pour la reconstruction des services publics

Éducation nationale, hôpitaux, transports, petite enfance, énergie… : les services publics ne sont pas une « charge » mais un investissement pour l’avenir. Il faut en finir avec le dogme de la libre concurrence qui les détruit et fait de beaucoup de nos territoires des déserts. Il est urgent de les reconstruire au plus près des citoyens, et de recruter massivement des agents pour les faire fonctionner.

4 Nationaliser une grande banque privée, au service de l’emploi, de la renaissance industrielle, de la transition écologique

Les banques financent massivement la spéculation, les délocalisations, l’évasion fiscale, les investissements polluants. Les crédits doivent au contraire aller, avec des taux très bas, aux investissements qui créent des richesses et des emplois, qui développent les biens communs. La nationalisation d’une grande banque privée serait un levier important en ce sens.

POUR LA PLANÈTE ET LE CLIMAT

5 Prioriser les transports collectifs publics, avec extension de la gratuité pour les transports locaux. Doubler la part du fret ferroviaire, contre le tout-route

L’humanité est en péril. La production et les services doivent donc être réorientés vers un développement social et écologique. Cela passe par une effective priorité aux transports collectifs publics, décarbonés et accessibles à toutes et tous. Il faut en finir avec les politiques qui encouragent le transport routier au détriment de l’exigence écologique.

6 Rénover énergétiquement un million de logements et les bâtiments publics

Pour lutter contre le dérèglement climatique, il ne suffit pas de signer les accords de Paris puis de passer à autre chose. Il faut s’en donner les moyens. Une grande politique publique en faveur de la rénovation énergétique des logements et établissements publics serait une première avancée. Ce serait aussi un levier pour l’emploi et la relance de l’économie.

POUR LA JUSTICE FISCALE

7 Supprimer la TVA sur les produits de première nécessité, rendre l’impôt plus juste et progressif

Les impôts non progressifs (TVA, TICPE, CSG) représentent 67% des recettes fiscales. Les petits paient plus que les gros. Il faut les supprimer (TVA sur les produits de première nécessité) ou les abaisser fortement. L’impôt sur le revenu doit être calculé sur 9 tranches (contre 5 actuellement). L’impôt sur les sociétés doit devenir plus progressif, et être modulé selon les politiques d’emploi et d’investissement des entreprises.

8 Rétablir l’ISF, taxer les dividendes. Atteindre le zéro fraude fiscale. Supprimer le CICE et réorienter cet argent vers les PME et TPE

Une redistribution juste et efficace des richesses, c’est possible. En rétablissant l’ISF (4 milliards d’euros), en taxant les revenus purement financiers des entreprises et des banques (47 milliards), en agissant enfin contre l’évasion fiscale (80 milliards). Le CICE, qui ne crée pas d’emplois et est accaparé par les actionnaires, doit être supprimé et son montant (40 milliards en 2019) affecté à des prêts aux PME et entreprises qui investissent et créent des emplois.

POUR UNE RÉPUBLIQUE D’INTERVENTION CITOYENNE

9 Rendre le pouvoir au Parlement contre la monarchie présidentielle. Instaurer un référendum d’initiative populaire. Mettre en place des pouvoirs décisionnels des salariés à l’entreprise

Les citoyens veulent pouvoir décider. Diminuer les pouvoirs présidentiels, c’est doter le Parlement de nouveaux pouvoirs pour représenter mieux le peuple, et c’est aussi restituer aux collectivités locales les moyens d’agir. 500 000 électeurs doivent pouvoir faire soumettre à référendum des lois sur l’organisation des pouvoirs publics ou la politique économique et sociale. Les salariés ont besoin de nouveaux moyens d’intervention sur les choix des entreprises, à commencer par un droit de veto et de contre-propositions face aux plans de licenciements.

POUR EN FINIR AVEC L’AUSTÉRITÉ EUROPÉENNE

10 Sortir du pacte budgétaire européen : priorité aux dépenses sociales et écologiques

Les besoins vitaux des peuples et les impératifs écologiques ne peuvent plus être corsetés par un pacte antidémocratique, obsédé par l’équilibre budgétaire à n’importe quel prix et la réduction des dépenses publiques. C’est de coopération pour des dépenses d’avenir, socialement et écologiquement utiles, dont nous avons besoin, avec une Banque centrale européenne finançant à 0% un fonds européen de développement solidaire. »

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Politique

« Les jours heureux », le programme du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944

Il y a 75 ans, 15 mars 1944 le Conseil National de la Résistance votait à l’unanimité son programme pour la libération nationale et la reconstruction du pays. Assez court, il consiste dans sa première partie en un manifeste mobilisateur pour la Résistance et dans sa seconde partie en un programme de gouvernement, qui fut largement appliqué par la suite. 

Il est très souvent fait référence à ce document à Gauche lorsqu’on parle d’acquis sociaux en France et de leur remise en cause. Ce fut en effet une base, permettant un grand élan de modernisation du pays.

Le CNR regroupait des mouvements de la Résistance avec différentes sensibilités, les deux grands syndicats, la CGT sous influence communiste et la CFTC sous influence sociale-chrétienne, ainsi que le Parti communiste, le Parti socialiste, les Radicaux, la Droite républicaine et les Démocrates-chrétiens.

Les communistes y jouèrent un grand rôle, permettant une sorte de grand compromis entre la Gauche et les gaullistes, allant dans un sens très favorables aux classes populaires. Plusieurs ministres communistes au gouvernement participèrent à l’élaboration ou organisèrent directement la Sécurité sociale, les régimes de retraites par répartition, les conventions collectives et les comités d’entreprise, la nationalisation de grandes entreprises comme Renault ou la création d’EDF, etc. De grandes figures de la Gauche comme Frédéric Joliot-Curie ou Henri Wallon participèrent aux politiques de recherche scientifique ou à l’Éducation nationale.

L’URSS et l’Armée rouge jouissaient à l’époque d’un grand prestige dans les classes populaires et la classe ouvrière était largement organisée par le parti communiste, très fort numériquement bien que largement affaiblit par la guerre. Cela permettait un rapport de force très favorable à la Gauche, rendant possible des compromis historiques améliorant directement la vie des classes populaires.

Il faut cependant bien voir qu’il ne s’est pas agit en France d’un régime de Démocratie Populaire comme cela a pu exister en RDA et dans plusieurs pays de l’Est. Les institutions capitalistes françaises n’étaient pas ébranlées, ni même dépassée, mais il était surtout question de le rétablir comme elles étaient prétendument avant la guerre, avec simplement un contenu plus social et plus démocratique. L’Occupation et le régime de Vichy était considéré comme simplement une page à tourner :

« Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale. »

Voici donc ce document dans son intégralité :

LES JOURS HEUREUX, PAR LE C.N.R.
PROGRAMME D’ACTION DE LA RÉSISTANCE

Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la RÉSISTANCE n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée. Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est, en effet, qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité.

Aussi les représentants des organisations de la RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R., délibérant en assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s’unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste.

I – PLAN D’ACTION IMMÉDIATE

Les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. expriment leur angoisse devant la destruction physique de la Nation que l’oppresseur hitlérien poursuit avec l’aide des hommes de Vichy, par le pillage, par la suppression de toute production utile aux Français, par la famine organisée, par le maintien dans les camps d’un million de prisonniers, par la déportation d’ouvriers au nombre de plusieurs centaines de milliers, par l’emprisonnement de 300.000 Français et par l’exécution des patriotes les plus valeureux, dont déjà plus de 50.000 sont tombés pour la France.

Ils proclament leur volonté de délivrer la patrie en collaborant étroitement aux opérations militaires que l’armée française et les armées alliées entreprendront sur le continent, mais aussi de hâter cette libération, d’abréger les souffrances de notre peuple, de sauver l’avenir de la France en intensifiant sans cesse et par tous les moyens la lutte contre l’envahisseur et ses agents, commencée dès 1940.

Ils adjurent les gouvernements anglais et américain de ne pas décevoir plus longtemps l’espoir et la confiance que la France, comme tous les peuples opprimés de l’Europe, a placés dans leur volonté d’abattre l’Allemagne nazie, par le déclenchement d’opérations militaires de grande envergure qui assureront, aussi vite que possible, la libération des territoires envahis et permettront ainsi aux Français qui sont sur notre sol de se joindre aux armées alliées pour l’épreuve décisive.

Ils insistent auprès du Comité Français de la Libération Nationale pour qu’il mette tout en œuvre afin d’obtenir les armes nécessaires et de les mettre à la disposition des patriotes. Ils constatent que les Français qui ont su organiser la RÉSISTANCE ne veulent pas et d’ailleurs ne peuvent pas se contenter d’une attitude passive dans l’attente d’une aide extérieure, mais qu’ils veulent faire la guerre, qu’ils veulent et qu’ils doivent développer leur RÉSISTANCE armée contre l’envahisseur et contre l’oppresseur.

Ils constatent, en outre, que la RÉSISTANCE Française doit ou se battre ou disparaître; qu’après avoir agi de façon défensive, elle a pris maintenant un caractère offensif et que seuls le développement et la généralisation de l’offensive des Français contre l’ennemi lui permettront de subsister et de vaincre.

Ils constatent enfin que la multiplication des grèves, l’ampleur des arrêts de travail le 11 Novembre qui, dans beaucoup de cas, ont été réalisés dans l’union des patrons et des ouvriers, l’échec infligé au plan de déportation des jeunes français en Allemagne, le magnifique combat que mènent tous les jours, avec l’appui des populations, dans les Alpes, dans le Massif Central, dans les Pyrénées et dans les Cévennes, les jeunes Français des maquis, avant garde de l’armée de la Libération, démontrent avec éclat que notre peuple est tout entier engagé dans la lutte et qu’il doit poursuivre et accroître cette lutte.

En conséquence, les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. déclarent que c’est seulement par l’organisation, l’intensification de la lutte menée par les forces armées, par les organisations constituées, par les masses, que pourra être réalisée l’union véritable de toutes les forces patriotiques pour la réalisation de la libération nationale inséparable, comme l’a dit le Général De Gaulle, de l’insurrection nationale qui, ainsi préparée, sera dirigée par le C.N.R, sous l’autorité du C.F.L.N, dès que les circonstances politiques et militaires permettront d’assurer, même au prix de lourds sacrifices, son succès.

Ils ont l’espoir que les opérations de la Libération du pays, prévues par le plan de l’état major interallié, pourront ainsi être, le cas échéant, avancées grâce à l’aide apportée par les Français dans la lutte engagée contre l’ennemi commun, ainsi que l’a démontré l’exemple glorieux des patriotes corses.

Ils affirment solennellement que la France qui, malgré l’armistice, a poursuivi sans trêve la guerre, entend plus que jamais développer la lutte pour participer à la libération et à la victoire.

***

Pour mobiliser les ressources immenses d’énergie du peuple français, pour les diriger vers l’action salvatrice dans l’union de toutes les volontés, le C.N.R décide :

D’inviter les responsables des organisations déjà existantes à former des comités de villes et de villages, d’entreprises, par la coordination des formations qui existent actuellement, par la formation de comités là où rien n’existe encore et à enrôler les patriotes non organisés.

Tous ces comités seront placés sous la direction des comités départementaux de la libération (C.D.L). Ils seront soumis à l’autorité des C.D.L qui leur transmettront, comme directives, la plate-forme d’action et la ligne politique déterminée par le C.N.R.

Le but des ces comités sera, à l’échelon communal, local et d’entreprise, de faire participer de façon effective tous les Français à la lutte contre l’ennemi et contre ses agents de Vichy, aussi bien par la solidarité et l’assistance active à l’égard des patriotes sous l’impulsion et le soutien donnés aux revendications vitales de notre peuple. Par dessus tout, leur tâche essentielle sera de mobiliser et d’entraîner les Français qu’ils auront su grouper à l’action armée pour la Libération.

Ces comités devront, selon les circonstances et en se conformant aux instructions données par les C.D.L, appuyer et guider toutes les actions menées par les Français contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation imposées par l’ennemi, de l’extérieur et de l’intérieur.

Ces comités devront :

1) Développer la lutte contre la déportation et aider les réfractaires à se cacher, à se nourrir, à se vêtir et à se défendre, enlevant ainsi des forces à l’ennemi et augmentant le potentiel humain de la RÉSISTANCE ;

2) Traquer et punir les agents de la Gestapo et de la Milice de DARNAND ainsi que les mouchards et les traîtres ;

3) Développer l’esprit de lutte effective en vue de la répression des nazis et des fascistes français ;

4) Développer, d’une part, la solidarité envers les emprisonnés et déportés; d’autre part, la solidarité envers les familles de toutes les victimes de la terreur hitlérienne et vichyssoise ;

5) En accord avec les organisations syndicales résistantes, combattre pour la vie et la santé des Français pour une lutte quotidienne et incessante, par des pétitions, des manifestations et des grèves, afin d’obtenir l’augmentation des salaires et traitements, bloqués par Vichy et les Allemands, et des rations alimentaires et attributions de produits de première qualité, réduites par la réglementation de Vichy et les réquisitions de l’ennemi, de façon à rendre à la population un minimum de vital en matière d’alimentation, de chauffage et d’habillement ;

6) Défendre les conditions de vie des anciens combattants, des prisonniers, des femmes de prisonniers, en organisant la lutte pour toutes les revendications particulières ;

7) Mener la lutte contre les réquisitions de produits agricoles, de matières premières et d’installations industrielles pour le compte de l’ennemi ; saboter et paralyser la production destinée à l’ennemi et ses transports par routes, par fer et par eau ;

8) Défendre à l’intérieur de la corporation agricole les producteurs contre les prélèvements excessifs, contre les taxes insuffisantes, et lutter pour le remplacement des syndicats à la solde de Vichy et de l’Allemagne par des paysans dévoués à la cause de la paysannerie française.

Tout en luttant de cette façon et grâce à l’appui de solidarité et de combativité que développe cette lutte, les comités de villes, de villages et d’entreprises devront en outre:

a) Renforcer les organisations armées des Forces Françaises de l’Intérieur par l’accroissement des groupes de patriotes : groupes francs, francs-tireurs et partisans, recrutés en particulier parmi les réfractaires ;

b) En accord avec les états majors nationaux, régionaux et départementaux des F.F.I, organisées milices patriotiques dans les villes, les campagnes et les entreprises, dont l’encadrement sera facilité par des ingénieurs, techniciens, instituteurs, fonctionnaires et cadres de réserve, et qui sont destinés à défendre l’ordre public, la vie et les biens des Français contre la terreur et la provocation, assurer et maintenir l’établissement effectif de l’autorité des Comités départementaux de la Libération sur tout ce qui aura été ou sera créé dans ce domaine pour le strict rattachement aux F.F.I dont l’autorité et la discipline doivent être respectées par tous.

Pour assurer la pleine efficacité des mesures énoncées ci-dessus, le C.N.R prescrit de l’état major national des Forces Françaises de l’Intérieur, tout en préparant minutieusement la coopération avec les Alliés en cas de débarquement, doit :

1) Donner ordre à toutes les formations des F.F.I de combattre dès maintenant l’ennemi en harcelant ses troupes, en paralysant ses transports, ses communications et ses productions de guerre, en capturant ses dépôts d’armes et de munitions afin d’en pourvoir les patriotes encore désarmés ;

2) Faire distribuer les dépôts d’armes encore inutilisés aux formations jugées par lui les plus aptes à se battre utilement dès à présent et dans l’avenir immédiat ;

3) Organiser de façon rationnelle la lutte suivant un plan établi avec les autorités compétentes à l’échelon régional, départemental ou local, pour obtenir le maximum d’efficacité ;

4) Coordonner l’action militaire avec l’action de RÉSISTANCE de la masse de la nation en proposant pour but aux organisations régionales paramilitaires d’appuyer et de protéger les manifestations patriotiques, les mouvements revendicatifs des femmes de prisonniers, des paysans et des ouvriers contre la police hitlérienne, d’empêcher les réquisitions de vivres et d’installations industrielles, les rafles organisées contre les réfractaires et les ouvriers en grève et défendre la vie et la liberté de tous les Français contre la barbare oppression de l’occupant provisoire.

***

Ainsi, par l’application des décisions du présent programme d’action commune, se fera, dans l’action, l’union étroite de tous les patriotes, sans distinction d’opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Ainsi se constituera dans la lutte une armée expérimentée, rompue au combat, dirigée par des cadres éprouvés devant le danger, une armée capable de jouer son rôle lorsque les conditions de l’insurrection nationale seront réalisées, armée qui élargira progressivement ses objectifs et son armement.

Ainsi, par l’effort et les sacrifices de tous, sera avancée l’heure de la libération du territoire national ; ainsi la vie de milliers de Français pourra être sauvée et d’immenses richesses pourront être préservées.

Ainsi dans le combat se forgera une France plus pure et plus forte capable d’entreprendre au lendemain de la Libération la plus grande œuvre de reconstruction et de rénovation de la patrie.

II – MESURES À APPLIQUER DÈS LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE

Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la Libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R. proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération :

1 ) Afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le Général de Gaulle pour défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle ;

2 ) Afin de veiller au châtiment des traîtres et à l’éviction dans le domaine de l’administration et de la vie professionnelle de tous ceux qui auront pactisé avec l’ennemi ou qui se seront associés activement à la politique des gouvernements de collaboration ;

3 ) Afin d’exiger la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants de marché noir, l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d’occupation, ainsi que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations acquises depuis l’armistice par les gouvernements de l’Axe et par leurs ressortissants dans les entreprises françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution de ces participations en patrimoine national inaliénable ;

4 ) Afin d’assurer :

  • l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
  • la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
  • la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
  • la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
  • l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
  • le respect de la personne humaine ;
  • l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;

5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :

a) Sur le plan économique :

  • l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
  • une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
  • l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
  • le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
  • le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
  • le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.

b) Sur le plan social :

  • le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
  • un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
  • la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
  • la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
  • un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
  • la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
  • l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
  • une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
    le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.

c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.

d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale.

L’union des représentants de la RÉSISTANCE pour l’action dans le présent et dans l’avenir, dans l’intérêt supérieur de la patrie, doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Elle doit les inciter à éliminer tout esprit de particularisme, tout ferment de division qui pourraient freiner leur action et ne servir que l’ennemi.

En avant donc, dans l’union de tous les Français rassemblés autour du C.F.L.N et de son président, le général De Gaulle !

En avant pour le combat, en avant pour la victoire, afin que VIVE LA FRANCE !

LE CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE

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Philippe de Villiers reprend les thèses du PCF du début des années 1950

Figure de la Droite dans sa composante à la fois dure et catholique, Philippe de Villiers vient de sortir un ouvrage pour dénoncer l’Union européenne. Son argumentaire nationaliste est en fait un copié-collé inversé des thèses du PCF dans les années 1950.

L’ouvrage J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu (Fayard) de Philippe de Villiers est largement salué par la presse de Droite. Le Point, par contre, n’est pas du tout content et y voit une démarche « complotiste ».

L’idée est en effet très simple : Philippe de Villiers prétend révéler des documents d’époque montrant que le projet de construction européenne ne fut pas une belle idée issue de la guerre et de la Résistance, mais un projet monté par les États-Unis d’Amérique pour disposer d’un marché où écouler ses marchandises.

Les États-Unis auraient monté des structures pour arroser d’argent et former des cadres organisant une construction européenne servant leurs intérêts.

Voici comment Philippe de Villiers présente la chose au Parisien.

« Les preuves que j’apporte à travers les archives montrent que les Américains ne voulaient pas d’une « Europe-puissance ». Ils voulaient un marché annexe pour écouler leurs surcapacités productives, et une simple « commission exécutive » dans un bloc transatlantique où les nations européennes viendraient se fondre sous une gouvernance mondiale. Ce projet a été exécuté par Jean Monnet. Dans ses Mémoires, il annonce d’ailleurs que l’Europe « ne sera qu’une étape » vers un marché planétaire de masse (…).

J’ajoute que le troisième Père de l’Europe, Walter Hallstein [avec Jean Monnet et Robert Schuman], était un juriste d’Hitler. Il a appartenu à quatre organisations nazies, a été professeur en enseignement du nazisme, a été capturé par les Américains, rééduqué avant d’être propulsé président de la Commission européenne. Ils le tenaient. Découvrir que l’architecte du traité de Rome a été un bureaucrate nazi est quand même inquiétant.

Monnet et Schuman partageaient trois obsessions avec lui : la première, c’est que les nations sont des survivances du passé, ce que croyait aussi Hitler qui, supranationaliste, faisait primer la race ; la deuxième, c’est qu’il faut faire sauter la séparation entre l’économie et le politique d’où l’influence des lobbys ; la troisième, c’est qu’il faut fondre l’Europe dans un bloc transatlantique. Mon livre évoque aussi le passé de Schuman qui fut ministre du maréchal Pétain et fut frappé « d’indignité nationale » en 1945. Le mythe de l’Europe comme prolongement de la Résistance est un mensonge. »

Philippe de Villiers est très fier de lui et affirme avoir « découvert » quelque chose, qu’il appelle le « mondialisme ». On voit mal pourtant comment il pourrait y avoir un « mondialisme » en 1950 alors que la moitié du monde se revendique du socialisme et s’oppose au capitalisme. Mais le fond de la question n’est pas là : oui ou non la construction européenne a-t-elle été un projet américain ?

Le Point, qui fait partie de la Droite traditionnellement pro-américaine, se moque de lui en résumant sa vision à « un Da Vinci Code dans l’Union européenne » ; Christian Lequesne, professeur à Sciences-po Paris, et Sylvain Schirmann, professeur à l’Institut d’études politiques de Strasbourg et spécialiste de la construction européenne rejettent catégoriquement cette thèse.

Et c’est là tout de même qu’on voit l’effondrement du niveau de culture politique. Car Philippe de Villiers, malgré sa prétention d’intellectuel réactionnaire cherchant à former un néo-romantisme catholique national, ne fait que dire de manière déformée… ce que le Parti Communiste disait dans notre pays dans les années 1950.

Évidemment, Philippe de Villiers détourne ce que le PCF disait dans un sens nationaliste, puisqu’il fait partie des ultra-chauvins voulant que la France rétablisse ses velléités impériales (il rejoint ainsi tant Marine Le Pen que Jean-Luc Mélenchon). Le PCF, quant à lui, rejetait le militarisme. Voici ce qu’il dit, dans une déclaration commune de juillet 1950 des Partis Communistes de France, d’Allemagne, d’Italie, de Grande-Bretagne, de Hollande, de Belgique et du Luxembourg.

« La réalisation du projet Schuman aboutirait à mettre les industries minières et sidérurgiques ­ et par voie de conséquence l’ensemble de l’économie ­ de la France, de la Grande-Bretagne, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Italie et de la Hollande sous le contrôle des magnats capitalistes de la Ruhr, eux-mêmes aux ordres des financiers de Wall Street. »

Cette thèse était partagée alors par le PCF et la Gauche des socialistes, tandis que la Droite de socialistes rejoignaient le centre et la mouvance de la Droite catholique pour l’accepter mais dans un sens inverse, en l’assumant politiquement, administrativement. Ce fut historiquement très clairement un levier pour casser la Gauche en deux et isoler les communistes… Ainsi que pour satisfaire la production américaine cherchant à développer ses possibilités de trouver des débouchés.

Nul mondialisme donc, ni complot, ni même de complotisme : c’est tout simplement du capitalisme. Et quand on ne saisit pas cela, on bascule dans des explications aux tendances historiques bien connues. Philippe de Villiers explique ainsi le « mondialisme » par l’activité de Rotschild, Soros, et en arrive dans son livre, dans une même perspective dont on devine le sens, à évoquer Moïse et Josué pour dénoncer les fondateurs de la construction européenne…

« Depuis soixante-dix ans, on nous répète que l’idée d’une super-nation européenne a surgi des entrailles des peuples, que c’est la ferveur populaire qui, par un phénomène inouï d’immanence eschatologique, a porté le processus d’intégration communautaire et, ainsi, favorisé le dépassement du droit international public traditionnel. Au cœur de cette « histoire sainte », Jean Monnet, l’Inspirateur, est une sorte de Moïse. Robert Schuman, qui fait tomber les murailles de Jéricho à coups de déclarations sonnantes, est une sorte de Josué. »

Voilà où mène l’irrationnel, mais il serait erroné de ne pas voir que l’irrationnel n’est pas que folie : il est aussi un moyen de détourner d’une compréhension correcte de choses. Philippe de Villiers agite une manière de voir les choses, pour pas qu’on se tourne vers la critique de la construction européenne par le PCF et la Gauche des socialistes des années 1950… Qui est précisément ce dont on a besoin aujourd’hui.

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La lettre de Ian Brossat du PCF à France Télévision

Ian Brossat qui conduit la liste PCF pour les élections européennes de mai prochain n’est pas invité au grand débat télévisé du 4 avril prochain sur France 2. S’il fustige avec raison un déni de démocratie, il faut malgré tout rappeler la grande responsabilité de la Gauche dans son ensemble qui, en refusant l’unité, donne en quelque sorte le bâton pour se faire battre.

Pour les organisateurs de débats télévisés, y compris sur le « service public », ce qui compte est surtout la contrainte technique de la réalisation. Leur préoccupation n’est pas démocratique, alors ils voient forcément les « petites listes » comme autant de difficultés pour distribuer la parole, avoir un rendu dynamique, ne pas traîner en longueur, etc.

Ce qui se passe est très simple : les organisateurs ne voient pas l’intérêt de donner la parole à une liste créditée de quelques pourcents dans les sondages, qui selon-eux dira peu ou prou la même chose qu’une autre, par exemple celle de Benoît Hamon.

Le problème est que tout le monde à Gauche mise sur les élections pour se faire entendre, peser le plus possible, comme si la bataille démocratique ne pouvait passer que par là, ou en tous cas principalement par là. C’est une grossière erreur.

La Gauche devrait être en mesure d’avoir une seule voix qui se ferait entendre clairement et facilement à la télévision pour les élections. Les débats électoraux télévisés ne sont pas le lieu pour un débat contradictoire entre les différentes forces de Gauche qui veulent chacune apporter leur nuance. Ce genre de débat doit avoir lieu avant, et surtout sous d’autres formes, réellement démocratiques, permettant d’analyser le fond et d’étayer les arguments.

Voici donc la lettre de Ian Brossat qui en quelque sorte réclame son du à la directrice de France Télévision avec des arguments qui ne sont pas absurdes, mais qui sont très insuffisant politiquement.

Rappelons avant que le PCF a prévu un rassemblement devant le siège du groupe pour appuyer cette demande mardi prochain le 19 mars à 18h.

 

Madame Delphine Ernotte-Cunci

Présidente de France Télévisions

 

Madame la Présidente,
La chaîne France 2, du groupe public France Télévisions dont vous êtes la Présidente, organise le jeudi 4 avril un débat télévisé dédié à l’élection européenne lors de « L’Émission politique ».
Votre initiative est salutaire pour notre démocratie et pour le débat public, alors que cette échéance électorale d’une importance capitale demeure mal connue du grand public.

Toutefois, à la suite d’un appel téléphonique fortuit de notre attachée de presse, nous avons appris que France 2 ne jugeait pas utile d’inviter de représentant de la liste « Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent », soutenue par le Parti Communiste Français, et que j’ai l’honneur de conduire.

Il s’agirait d’un déni de démocratie grave et incompréhensible.

Comme vous ne l’ignorez pas, le Parti communiste français est présent dans les deux assemblées, avec plus de trente parlementaires qui prennent part au fonctionnement institutionnel de notre pays. Les Françaises et les Français se sont choisis plus de 7 000 élu·es locaux et nationaux de notre famille politique pour les représenter, plus de 800 maires et trois parlementaires européens pour faire entendre et respecter leur voix. L’effacement du Parti communiste français du débat du jeudi 4 avril, sur la première chaîne du service public, serait une véritable anomalie démocratique.

Comme en 2005 déjà, à l’occasion du référendum européen, les Français attendent aujourd’hui une plus juste et sincère représentation de leurs opinions. Dans cette élection européenne où l’enjeu du pluralisme est tout particulièrement important, la voix de la liste du PCF n’est réductible à celle d’aucune autre liste.

Faut-il vous rappeler que nous sommes le seul parti de gauche à avoir rejeté tous les traités européens libéraux depuis le début de la construction européenne ? Nous sommes également la seule liste du paysage français à inclure dans ses rangs plus de la moitié d’ouvrières et d’ouvriers, de femmes et d’hommes employés — à l’image exacte de ce qu’est la France aujourd’hui. Nous sommes la seule liste, droite et gauche confondues, qui est en mesure de faire entrer, le 26 mai une femme ouvrière, en la personne de Marie-Hélène Bourlard, pour la première fois dans l’histoire du Parlement européen.

La dernière élection présidentielle a démontré qu’il était possible de proposer aux Français des débats télévisés de grande qualité en y conviant l’ensemble des forces en présence. C’est cela la vitalité de notre démocratie ; elle est une chance que chacune et chacun devrait saluer. Dès lors, comment les Français pourraient-ils comprendre qu’il en soit aujourd’hui différemment sur la première chaîne du service public, qu’ils financent ?
C’est la raison pour laquelle j’ai l’honneur de solliciter auprès de vous un rendez-vous dans les plus brefs délais, afin qu’une solution puisse être trouvée concernant la présence de notre liste au débat du 4 avril.

Je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de mes sentiments respectueux

Ian Brossat,
Porte-parole du PCF, tête de liste « Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

de répondre techniquement à une demande.

 

débat à la télévision ne sont pas

 

le jeudi 4 avril un débat télévisé dédié à l’élection européenne lors de « L’Émission politique »

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Élections européennes 2019 : la Gauche unie ou éparpillée façon puzzle

Il faut bien trouver une image pour montrer ce qui risque d’advenir à la Gauche si elle ne parvient pas à l’unité. Ce sera l’éparpillement façon puzzle.

L’expression est douteuse, car elle relève d’une logique mafieuse et de ce grave travers français du goût gratuit pour le pittoresque. Il n’empêche qu’elle est ici adéquate : si la Gauche n’est pas unie aux élections européennes de 2019, elle va se retrouver éparpillée façon puzzle. Rappelons d’où vient cette étrange image, à savoir du film culte (mais qu’on peut ne pas aimer) Les tontons flingueurs, où Bernard Blier alias « Raoul Volfoni » dit la chose suivante :

« J’vais lui faire une ordonnance et une sévère… J’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus : j’dynamite, j’disperse, j’ventile. »

En 2019, point de Raoul : c’est la Gauche elle-même qui s’auto-dynamite, se disperse elle-même, se ventile par choix. Parce que les gens de Gauche se croient dans les années 1990 ou 2000, dans une société stable où il est suffit de gérer en disant vaguement le contraire de la Droite. Les carriéristes ont bien compris que tout avait changé et ont pris la poudre d’escampette, passant souvent dans le camp d’Emmanuel Macron.

D’autres, sincères, se sont retrouvés désorientés et ont capitulé. Ceux et celles qui avaient des idéaux se sont noyés dans l’amertume et d’autres, plus friables sur le plan des idées, ont rejoint le populisme de Jean-Luc Mélenchon. Tout cela pour dire que ce qui reste ne pèse pas lourd ; il n’y a plus grand monde.

Et il y en aura encore moins si on rate les « millenials ». Cependant, encore faut-ils que ceux-ci sachent que la Gauche existe et dans l’état actuel des choses, c’est l’unité où l’éparpillement façon puzzle. Et tout le monde y a intérêt, pour survivre.

Le Parti socialiste ne peut pas se présenter sous son propre nom, tellement il est dévalorisé dans l’opinion publique. Génération-s est inconnu d’une vaste partie de la population y compris de secteurs pouvant sympathiser. Le PCF est travaillé par tellement de courants internes que s’il part tout seul et qu’il fait un score misérable, il se fractionne.

Europe Écologie – Les Verts a un dirigeant qui pousse, mais rien comme structures derrière lui : il suffit de lui donner la tête de liste et les volontés de parcours solitaire cesseront d’elles-mêmes.

Il serait donc logique de s’unir, pour résister ensemble à une vague de Droite, et il serait parfaitement cohérent aussi de s’ouvrir à toute la Gauche en général, y compris l’extrême-gauche dans la mesure où celle-ci n’est pas devenue une ultra-gauche historique. Il suffirait d’un drapeau rouge et du mot ouvrier pour réinscrire plein de monde dans une démarche politique réelle.

Comme ce sont de plus les élections européennes, les valeurs servant de dénominateur commun sont vraiment faciles à trouver et ce serait un premier pas pour la suite. Autrement, ce sera un premier pas pour une traversée du désert… Voire une traversée du désert avec qui plus est une brutale répression de Droite, voire d’extrême-droite, voire du militarisme, du fascisme, vu comment tout va vite.

Car c’est là le fond de la question. On sait à quel point la Gauche, historiquement, n’a saisi son identité commune malheureusement bien souvent qu’alors que la menace fasciste planait ou qu’il avait déjà pris une forme monstrueuse très concrète. Et si on doit avoir un critère pour savoir qui est de Gauche aujourd’hui, ce serait la réponse « oui » à la question « Le fascisme est-il une menace réelle, et non une fantasmagorie ? ».

Il faut donc assumer l’unité, car sans cela, à l’échec succéderait la honte sur le plan des responsabilités face à l’Histoire. Il faut l’unité pour protéger la Gauche et prévoir les choses positives de demain, mais aussi pour former un avertissement au peuple de France : si celui-ci cède à la démagogie, au populisme, ce sera la catastrophe !

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La terrible crise des agressions sexuelles au sein des JC

C’est une affaire très grave qui, malheureusement, reflète tout un état d’esprit omniprésent de par le libéralisme culturel existant dans une large partie de la Gauche. La conséquence de la rupture avec les valeurs ouvrières et la tradition socialiste-communiste a été la valorisation d’une « ouverture d’esprit » au libéralisme culturel et de la promiscuité comme « libération sexuelle », provoquant des situation où les femmes se retrouvent les victimes de manipulateurs et de pervers.

Ces derniers jours, le scandale est ainsi relativement vaste chez les Jeunesses Communistes, qui ont connu une croissance significative ces dernières années, au moyen d’une démagogie populiste très prononcée, avec une large ouverture aux thèses post-modernes, post-industrielles, post-marxistes, etc.

Le résultat en a été bien entendu une structure interne largement poreuse aux valeurs de libéralisme des mœurs, avec les inévitables tendances ultra-patriarcales en profitant pour s’affirmer, notamment lors des événements d’envergure, de soirées ou de conférences. Les viols et les agressions sexuelles ont été nombreux.

Avec, en toile de fond, l’inévitable triptyque promiscuité – alcool et drogues – libéralisme culturel, exactement comme pour les Jeunes Socialistes et l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), frappés de la même ignominie ces dernières années.

Un des actes racontés dans le quotidien Le Monde en dit long sur l’ambiance typique des mœurs des militants de ces structures libérales culturellement, avec deux jeunes militants dormant totalement saouls, l’un dans la salle de bains et l’autre sur la moquette, alors qu’un autre militant plus âgé chercher à abuser sexuellement d’une jeune militante.

C’est là quelque chose de caricatural, et de typique de la Gauche refusant la hiérarchie et ses responsabilités bien déterminés, rejetant les principes idéologiques et culturels, considérant comme périmée la morale ouvrière. Et la caractéristique odieuse et pathétique de ces affaires est toujours que la structure s’est protégée en niant les faits, tandis que les victimes ont été, malgré leurs prétentions à posséder un haut niveau idéologique et une forte capacité de rébellion, totalement incapables de faire face à la situation.

La source du problème est bien entendu la base sociale du mouvement. Il va de soi qu’une Gauche liée à la classe ouvrière n’aurait jamais pu, à la base même, accepter de tels comportements et aurait de manière expéditive réglé le compte à ceux qui ont un comportement décadent. Mais qui rejette le principe de décadence n’est pas en mesure de faire face à cela.

Qui considère qu’il n’y a pas de morale ne peut pas rejeter les actes immoraux ; qui considère qu’il n’y a que des individus est obligé de se faire déborder par les expressions d’un capitalisme décadent.

C’est donc ici, pour les Jeunesses Communistes mais également le PCF, ni plus ni moins qu’une faillite sur toute la ligne, un terrible échec dans l’affirmation du féminisme, mais un échec inévitable : quand on rompt avec la classe ouvrière, on ne peut pas faire face aux violeurs, qui profitent du relativisme, du libéralisme, de l’individualisme.

Croire qu’on peut s’en sortir au moyen d’une brochure pour les adhérents, comme l’a fait le PCF, est d’une absurdité complète. L’Humanité donne la parole à deux femmes s’exprimant publiquement (notamment sur twitter ici et ), mais l’article en ligne est payant ! Et Le Monde affirme même ouvertement que des zones entières sont particulièrement touchées par la présence de violeurs, comme la Gironde, le Bas-Rhin, le Nord, Paris, la Haute-Vienne, l’Indre-et-Loire et le Val-de-Marne !

Cette affaire des agression sexuelles indique pleinement que les Jeunesses Communistes sont tombées aussi bas, sur le plan des mœurs et de la culture, que l’ultra-gauche qui dans son ensemble est largement influencée par les mœurs libertaires prônés par la Ligue Communiste Révolutionnaire dans les années 1970.

Refuser la promiscuité serait « réactionnaire » ; la consommation d’alcool et de drogues dans les soirées relèveraient de la « modernité » . Il n’y aurait plus de membres d’un Parti avec des règles, mais des adhérents qui seraient des « modernes ». La classe ouvrière serait  « réactionnaire » sur le plan des valeurs.

Face à tout cela, il est plus que temps de réactiver les valeurs de la Gauche historique. Le féminisme est une composante historique du mouvement ouvrier et ne peut exister que par lui, parce que seul le Socialisme sait affirmer une morale nouvelle. Ce qui est, pour la gauche post-moderne, un insupportable puritanisme.

Les femmes doivent ici bien cerner les enjeux de la question ; si elles échouent à comprendre le cul-de-sac que représente le courant post-moderne, post-industriel, né dans les universités américaines, elles ne parviendront jamais à écraser les valeurs patriarcales s’insérant dans les interstices de l’individualisme.

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La réponse du PCF à Génération-s et Benoît Hamon

Le PCF a rendu public sa réponse à Génération-s et Benoît Hamon, à la suite de la proposition de votation citoyenne pour unifier la Gauche pour les élections européennes de 2019.

La voici :

A l’attention de Benoît Hamon et de la direction de Génération.s

Cher·e·s Amis,

Par voie de presse puis dans un courrier, Benoît Hamon, au nom de Génération.s, vient d’inviter les différentes forces de gauche à s’engager collectivement, en vue des élections européennes, dans une « votation citoyenne pour l’Union ». De leur côté, les animateurs et animatrices de Place publique ont rendu publique une proposition de « dix combats communs ».

C’est l’occasion, pour le Parti communiste français, de vous redire dans quel état d’esprit il aborde le moment présent.
Vous ne l’ignorez pas, notre inquiétude est grande devant la situation de la gauche, à quelque cent jours du scrutin des européennes, alors que le pays traverse une crise sociale et démocratique sans précédent.

Les exigences populaires sur les salaires, les retraites, le pouvoir d’achat, les services publics, la justice fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et les inégalités, l’écologie, la transition de nos modèles économiques appellent d’amples rapports de force pour faire reculer les logiques concurrentielles, financières, de déréglementation qui dominent aujourd’hui la construction européenne.
Oui, pour y parvenir, tout doit être fait pour porter haut la colère qui s’exprime en France et en Europe. Oui, il faut unir le plus grand nombre possible de forces et de citoyen·ne·s pour combattre la politique du pouvoir en place, pour reconquérir notre souveraineté face aux décisions prises par les gouvernements, par Bruxelles et par la BCE.
Oui, il est urgent de rompre avec la logique de traités européens qui donnent la priorité à la finance et creusent un déficit démocratique nourrissant les tentations de la haine et du repli, pour construire de nouvelles politiques de solidarité et d’égalité s’opposant aux choix présentement mis en œuvre.

Cela exige de la clarté dans les réponses portées et une forte envie d’union.

Puisque nous échangeons à propos de l’échéance électorale du 26 mai prochain, il n’est tout de même pas inutile de rappeler que c’est la complaisance d’une partie des forces de gauche envers des traités libéraux enfermant l’Europe entière dans l’austérité perpétuelle qui a conduit la gauche, dans son ensemble, au désastre présent.

Ensemble, c’est cette page qu’il conviendrait de tourner résolument.

C’est le sens des propositions que nous formulons, pour notre part. Et c’est l’objectif que poursuit la liste conduite par Ian Brossat, dont nous avons mis la candidature à disposition comme tête d’une liste portée par large rassemblement pluraliste.
La campagne qu’il mène actuellement avec ses colistiers et colistières s’efforce de se faire l’écho des aspirations de notre peuple, et les candidat·e·s, dont nombre ne sont pas adhérents du PCF, ont pour première qualité d’être à l’image de la diversité des combats qui se mènent aujourd’hui dans tout le pays.

Sur le fond comme sur la forme, la proposition de « votation citoyenne » ne nous semble pas permettre la clarté nécessaire à l’unité et à la reconquête. Quant à l’offre des « dix combats communs», il y manque des questions essentielles, et aujourd’hui centrales, dans les mobilisations sociales, quand bien même nous y retrouvons des propositions qui nous sont chères.

Comment promouvoir une nouvelle vision de l’Europe tournant sans ambiguïté le dos à ce qui s’est fait jusqu’alors en son nom, comment remobiliser à gauche des millions de femmes et d’hommes qui ont perdu confiance au fil des renoncements passés, à partir d’une liste dont le programme évacuerait des points cruciaux ? À commencer par la nécessaire bataille pour de nouveaux traités capables de répondre aux besoins des peuples d’Europe et de s’opposer pratiquement à ceux qui existent, dont on sait les conséquences désastreuses pour les populations… Ou encore l’engagement des député·e·s élu·e·s à siéger dans le même groupe au Parlement européen, afin de donner toute leur force aux propositions qu’ils·elles auront auparavant défendues ensemble devant les électeurs…

C’est sur ces questions que nous butons. C’est à partir d’elles que l’union pourrait déjouer l’impasse du face-à face organisé entre les libéraux et l’extrême droite.

Nous ne nous satisfaisons nullement de l’éparpillement actuel. Si nous entendons répondre avec efficacité à la profondeur des exigences populaires, l’union suppose que nous énoncions ensemble le sens de notre présence future au Parlement européen. À partir d’un engagement clair et concis, tous les débats de construction d’une liste commune pourraient effectivement s’ouvrir.
Nous l’avons déjà dit maintes fois, nous le répétons, tout en étant engagés dans la campagne, nous sommes à tout moment disponibles aux initiatives et rencontres qui permettraient un rassemblement pluraliste, dans la clarté et en pleine transparence devant le pays, de toutes les forces ayant en commun de vouloir s’émanciper de la logique de traités que les peuples rejettent de plus en plus.

Telle est, à nos yeux, la seule manière de rendre possible la construction d’une autre Europe, anti-austéritaire et de progrès social, démocratique et féministe, fondée sur un nouveau modèle de développement durable, associant librement des peuples et des nations souverains, actrice de la paix dans le monde parce qu’elle se dégagerait de sa trop longue soumission à l’Otan.
Ce débat-là, nous le voulons, et nous le croyons toujours possible.

Paris, le 13 février 2019

Fabien ROUSSEL
Secrétaire national de Parti communiste français

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L’Union Européenne à la croisée des chemins

Les prochaines élections européennes vont refléter un grand tournant pour l’Union Européenne, car l’idée d’unité européenne apparaît comme coincée entre une vision transnationale utopique et un retour offensif des nationalismes.

Parlement européen - wikipedia

Dans les années 1990, les Français pensaient dans leur majorité que dans les vingt années suivantes, il y aurait un passeport européen, des États-Unis d’Europe. Cela apparaissait comme la conclusion logique de l’effondrement du bloc de l’Est et de la montée des échanges entre les pays, le tout dans une ambiance utopique de paix, de commerce et de citoyenneté.

Aujourd’hui, plus personne n’y croit et le parlement européen de Bruxelles est compris, à juste titre, comme une sorte d’entité transnationale instaurant des réglementations visant à la fois la sécurité mais aussi surtout la libéralisation, les nouveaux règlements renforçant la compétition économique de par les exigences nouvelles.

Ces règlements ne sont pas forcément appliqués d’ailleurs, selon les situations et les pays. Paris ne se résoudra pas à fermer son métro, alors que normalement il devrait afin de faire des travaux pour le rendre accessible aux handicapés. De la même manière, la sécurité sociale française n’applique pas vraiment les principes européens de la carte de séjour nécessaire au-delà de trois mois pour les citoyens européens, ayant une politique d’immigration très ouverte.

C’est que les intérêts nationaux priment tout de même, malgré tout et c’est cela qui a ruiné le projet européen. Ce projet n’était d’ailleurs pas autre chose au début qu’une tentative de renforcer le capitalisme, dans le prolongement du plan Marshall et avec l’appui des États-Unis.

L’idée d’une unité politique, comme utopie pacifique, est finalement assez récente et n’a jamais correspondu à quoi que ce soit de concret. Ce n’était qu’un discours mis en avant par la démocratie-chrétienne des différents pays, pour justifier le renforcement du libéralisme, qui est pour le coup la véritable utopie de ces gens.

Certains, comme Benoît Hamon, EELV ou le PCF, pensent à Gauche qu’il est nécessaire de reprendre cette utopie d’unité et d’en faire l’étendard des valeurs à exiger : le refus du nationalisme, l’ouverture aux autres, la coopération internationale, l’opposition au militarisme.

Cela est évidemment très sympathique comme idée, le souci est que les gens qui la soutiennent ne sont rien d’autre que sympathiques. Ils sont de milieux sociaux urbains et cultivés, ouverts sur le monde mais en même temps totalement déconnectés du monde « d’en bas ». L’idée même de crise économique ou sociale les dépasse et ils n’envisagent même pas que la classe ouvrière ait une histoire, une identité.

D’autres pensent qu’il faut faire de la rupture ou d’un certain type de rupture avec l’Union Européenne le point de départ de toute initiative politique et sociale. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise, et des différentes organisations politiques issues de la gauche du PCF. A l’arrière-plan, il y a l’idée que seule la « République » peut permettre des conquêtes sociales, dans l’idée de Jean Jaurès. Naturellement, il n’est pas possible de nier certaines tendances « patriotiques », « souverainistes », nationalistes.

C’est un véritable conflit qui existe à Gauche, et dans le contexte d’une Union Européenne puissamment ébranlée par les montées du repli nationaliste, dans la perspective de la défense militariste des égoïsmes nationaux… c’est évidemment explosif.

Par conséquent, s’imaginer avec un tel arrière-plan qu’on peut être de Gauche et éviter la participation aux débats, le soutien à une nouvelle structuration de type politique, n’est tout simplement pas possible.

Le travail de fond sur des expériences positives, pouvant servir de moteurs ou de modèles, est la tâche contributive la plus importante ; dans tous les cas elle doit s’allier à une perspective visant un état d’esprit unitaire.

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Le PCF peut-il se maintenir tel qu’il est ?

Le PCF est passé d’une ligne insurrectionnelle à une participation gouvernementale soumise aux socialistes. Devenu un satellite de ces derniers, il est désormais orphelin de ceux-ci. Il est à l’heure des choix : trouver une identité propre, ou disparaître. En a-t-il les moyens ?

PCF Congrès 23 25 novembre 2018

En 1978 avaient lieu des élections législatives en France et elles furent un tournant historique à Gauche. La revue de Droite, L’Express, constatait ainsi le 13 mars 1978 par la voix de Jean-François Revel que :

« Le Parti communiste français était le premier parti de France au temps de Maurice Thorez. Du temps du secrétariat de Waldeck Rochet, il était le deuxième parti de France et le premier parti de la gauche. Sous Georges Marchais, il est devenu le deuxième parti de la gauche et le troisième parti de France. »

La Gauche a connu en effet depuis 1945 deux situations. La première est caractérisée par le refus catégorique des socialistes de se rapprocher des communistes. Les socialistes boycottaient la CGT et assumaient un anticommunisme forcené. Le PCF était le premier parti de France, mais les socialistes participaient au blocus général de celui-ci, aux côtés de la Droite, n’hésitant pas à aider à la naissance de la CGT-Force Ouvrière, ouvertement appuyée par les États-Unis.

Cette situation prévalut jusqu’en 1958, où la Gauche en général fut incapable de s’opposer au coup d’État de De Gaulle instaurant la Ve République. Son échec politique fut d’autant plus puissant qu’avec mai 1968 émergea une nouvelle génération de militants, d’activistes, de syndicalistes. François Mitterrand comprit cela, unifia les socialistes et fit en sorte de phagocyter le PCF.

Les socialistes finirent par dépasser électoralement le PCF, bien que celui-ci disposait d’une base de militants et de sympathisants encore sans équivalents. Et en 1981, François Mitterrand triompha aux présidentielles, plaçant le PCF dans l’orbite socialiste jusqu’à aujourd’hui.

De nombreuses tendances oppositionnelles sont apparues dans le PCF, désireuses d’en revenir aux « fondamentaux ». Depuis le tout début des années 1990 et jusqu’à aujourd’hui, elles ont su attirer un certain nombre de membres du PCF. Mais jamais elles ne furent en mesure d’influer ne serait-ce qu’un peu la tendance du PCF à n’être qu’un simple satellite des socialistes.

Le PCF, de par sa volonté de conserver ses élus, de participer au gouvernement, a une tendance naturelle à accepter les choix des socialistes ; en cela, le PCF est devenu comme Europe Écologie Les Verts.

Mais comme les socialistes se sont effondrés, le PCF doit faire des choix par lui-même. Or, au mieux, il produit des dirigeants comme Ian Brossat. Les membres du PCF se sont auto-intoxiqués, s’imaginant vraiment être le prolongement du PCF du Front populaire, du PCF de la Résistance, du PCF des années 1950, 1960, 1970, etc., alors qu’ils n’ont strictement aucun rapport avec rien de l’histoire de ce parti.

La sphère dirigeante du PCF n’est pas tant issu de la base historique de ce parti, que des éléments institutionnels et universitaires ayant parasité celui-ci et finit par prendre la direction culturelle, puis politique et idéologique. C’est pour cela qu’il y a un jargon universitaire post-marxiste, une esthétique très propre et lisse conforme à l’esprit universitaire, des postures revendicatives offusquées, etc.

Cependant, cela ne saurait être suffisant pour développer une identité propre. Cela peut permettre une affirmation, mais il serait naïf de penser que cela suffit, en soi, pour une affirmation autonome, notamment aux prochaines élections européennes. En même temps, ne pas maintenir une affirmation autonome, c’est inéluctablement disparaître dans la fusion avec d’autres.

Tel est le dilemme du PCF, le dilemme insoluble, car en quittant la classe ouvrière, le PCF a perdu le moteur de l’Histoire.

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Christophe Guilluy à propos de la Gauche et de l’immigration

La défense de l’immigration et la mise en avant de la figure du migrant ne font pas partie des principes traditionnels de la Gauche, parce que ce ne sont pas des positions populaires et démocratiques. Christophe Guilluy a expliqué cela à de nombreuses reprises et le fait à nouveau très bien dans No Society avec ce passage à propos du Parti communiste français reproduit ci-dessous.

Cependant, l’auteur du concept de « France périphérique » ne fait pas le choix de la Gauche et d’un engagement politique au service des classes populaires. Il fait partie de ces intellectuels qui ne vont pas au fond des choses, préférant vendre des livres qui disent toujours la même chose, se contentant d’une posture de commentateur invité sur les plateaux de télévision et les rédactions des grands quotidiens et magazines.

C’est pour cela que son discours, en l’occurrence ici son rappel à propos de la Gauche et de l’immigration, a finalement plus de chance de servir le populisme que les classes populaires elles-mêmes.

Pourtant, ce qui est dit est tout à fait vrai, et devrait être assumé entièrement par la Gauche, plutôt que de s’enfoncer dans le postmodernisme et le cosmopolitisme propre à la bourgeoisie des grandes métropoles.

Christophe Guilluy

Extrait de No Society de Christophe Giulluy :

> Lire également : Avec No Society, Christophe Guilluy fait le choix du populisme

« En milieu populaire, la régulation des flux migratoires n’est absolument pas conflictuelle, elle apparaît au contraire comme une option raisonnable. C’est en réalité la classe dominante qui l’a hystérisée en manipulant la question raciale.

D’ailleurs, à une époque où la gauche défendait encore les classes populaires, la régulation des flux n’était absolument pas un sujet tabou. Conscient des effets sur la classe ouvrière (dumping social, fragilisation du capital social et culturel), le Parti communiste français n’hésitait pas à demander l’arrêt de l’immigration.

En effet, pendant la campagne présidentielle de 1981, le premier secrétaire du PCF, Georges Marchais, expliquait qu’il fallait « stopper l’immigration officielle et clandestine » et qu’il était « inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France alors que notre pays compte près de 2 millions de chômeurs français et immigrés ». Si le PCF et plus largement la gauche rassemblait encore l’essentiel des voix populaires, c’est à cette époque que l’ostracisation des plus modestes a commencé, notamment dans une fraction de la gauche socialiste.

George Marchais pressentait la montée d’un discours qui visait à ostraciser la classe ouvrière pour mieux délégitimer ses revendications. Dans un discours prémonitoire, il dénonce clairement la dynamique qui allait conduire à la relégation culturelle des plus modestes puis à la rupture entre la gauche et les classes populaires :

 » Nous posons les problèmes de l’immigration, ce serait pour utiliser et favoriser le racisme, nous rechercherions à flatter les plus bas instincts, nous combattons le trafic de drogue, ce serait pour ne pas traiter de l’alcoolisme apprécié par notre clientèle… ils crient tous en chœur pétainisme […]. Quelle idée se font ces gens des travailleurs ? Bornés, incultes, racistes, alcooliques, brutaux, voilà d’après nos détracteurs, de la droite au Parti socialiste, comment seraient les ouvriers. »

Dans la bouche de Marchais, la régulation des flux ne relevait donc d’aucune dimension ethnique ou culturelle, elle visait à protéger les ouvriers du dumping social et de la fragilisation de leur capital social. Mais la légitimité et la subtilité de ce discours seront balayées par la grosse artillerie idéologique de la classe dominante et le déplacement d’une question sociale sur la question raciale.

Quarante ans plus tard, la relégation culturelle des classes populaires occidentales est effective. Le rôle joué par l’intelligentsia de gauche dans cette entreprise aura été déterminant. Elle annonce un divorce définitif du camp du progrès et de sa base populaire en offrant à l’ensemble des mouvements populistes de droite un électorat potentiellement majoritaire.

L’entreprise de diabolisation des opinions par la classe dominante et ses relais médiatico-académiques n’aura en effet aucun impact sur les classes populaires, on assiste au contraire à un durcissement des positions. Refusant les débats tronqués, hermétiques aux discours des experts et des médias, les classes populaires du XXIe siècle demandent, comme en 1981, la régulation des flux. »

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« Pour un printemps du communisme »

Le texte « Pour un printemps du communisme » avait été proposé par des adhérents du PCF comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018. Il n’a recueilli lors du vote du début octobre que 3 607 votes, soit 12% des suffrages.

Ce texte est une proposition qui représente une tendance très critique vis-à-vis du communisme et de l’héritage de l’URSS.

Tout à fait postmoderne, il ne s’inscrit aucunement dans la tradition du mouvement ouvrier et l’héritage de la classe ouvrière. Il reflètent le point de vue de gens participant ou ayant participé à des fronts communs « anti-libéraux » et voulant une alliance avec la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Il est quasiment illisible de par l’emploi massif de l’écriture « inclusive ».

PCF « Pour un printemps du communisme !»

Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps du communisme.

Nous sommes extrêmement inquiet·e·s à la lecture du projet de base commune soumis aux communistes par le Conseil national. Dans une situation de très grande difficulté pour notre Parti, devenu manifestement inaudible des classes populaires, le Secrétaire national avait annoncé sa volonté de faire du 38ème Congrès celui de notre « réinvention ». Ce mot très fort, à la hauteur de la situation, promettait un travail de complète remise à plat de nos conceptions, de notre projet, de notre organisation et de nos pratiques. Il impliquait une analyse sans concession des causes de notre grave affaiblissement, sur le long terme autant que dans les années récentes. Il devait ainsi permettre de déboucher sur les changements profonds qui nous permettraient de jouer à nouveau un rôle significatif dans la vie politique de notre pays.

Or le texte proposé ne tient pas ces engagements. De façon incompréhensible, c’est à peine s’il mentionne les difficultés auxquelles nous sommes confronté·e·s : comme si tout allait bien ou pas trop mal pour notre combat communiste ; comme si l’affaiblissement important de notre collectif militant, la diminution du nombre de nos élu·e·s, ou nos derniers résultats électoraux nationaux (1,93% à la présidentielle de 2007, 2,72% aux législatives de 2017) ne caractérisaient pas une situation critique.

Cette négation des obstacles à surmonter débouche inévitablement sur l’absence quasi totale d’innovation. La plupart des 48 « thèses » présentées ne font que reprendre des idées générales bien connues des communistes, sans aucune rupture avec nos textes de congrès précédents : analyse du capitalisme contemporain et exigence de son dépassement ; confrontation de classes en France et défense stratégique des « acquis » ; enjeux de la bataille idéologique et objectifs de rassemblement populaire ; importance des luttes et de victoires mobilisatrices ; nécessité d’une organisation communiste de masse et de l’amélioration de son efficacité… Ce texte ne répond donc en rien à l’objet d’un congrès « extraordinaire ». Quelles sont les causes de la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons ? Que devons changer de nous-mêmes, que devons-nous inventer et faire de nouveau pour redonner un avenir à notre combat ? À ces questions vitales, le texte ne répond pas car il ne les pose même pas. Pour l’essentiel, il propose de continuer comme avant, et, sur la stratégie, en revient à une tentative que nous avons faite sans succès voici plus de trente ans.

Quatre faiblesses majeures marquent la proposition de base commune du Conseil national.

1. La crise du communisme occultée

Le texte affirme que « le communisme est à l’ordre du jour de ce siècle », mais il ne dit pas un mot sur la crise profonde que traverse le mouvement communiste dans le monde depuis le tournant du XXIe siècle. Dans le cadre d’un congrès extraordinaire, nous ne pouvons faire l’impasse sur le fait que l’expérience soviétique, notre proximité historique avec l’URSS et l’échec des régimes de l’ancien bloc de l’Est aient durablement terni l’image du communisme et de notre Parti dans les esprits de la majorité de notre peuple. Il est encourageant de voir que selon un récent sondage, la jeune génération croit davantage à l’actualité du communisme que la génération de la guerre froide (« 72 % des 65 ans et plus estiment que le communisme est “dépassé”, contre 50 % parmi les 18-24 ans », dont 32 % pensent que le communisme est d’actualité). Il reste que seulement 18 % des personnes interrogées perçoivent les idées communistes et marxistes comme une « alternative crédible au système économique actuel ».

Comment réhabiliter la pratique et la théorie communistes pour qu’elles redeviennent porteuses d’espoir de changements réels ? Comment mettre en valeur les apports du communisme en France et dans le monde — apports dont nous pouvons être fier·e·s —, tout en reconnaissant les impasses du modèle soviétique ? Nous estimons que nous ne pouvons nous réinventer sans nous confronter directement à ces questions. Si nous voulons nous libérer des étiquettes étatistes, autoritaires, productivistes et autres, il faut redéfinir les propositions phares de notre projet. Si nous voulons être pleinement dans les luttes du XXIe siècle, il ne faut plus hiérarchiser les mobilisations, mais attribuer autant d’importance politique aux luttes « de classes » qu’à celles qui visent à l’émancipation des dominations liées au genre, aux prétendues « races », à l’orientation sexuelle, à l’environnement, etc. C’est donc à ces questions que nous consacrons la première partie de notre proposition de base commune alternative.

2. Une « orientation révolutionnaire » prisonnière de l’électoralisme

La proposition du Conseil national affirme en préambule « la nécessité du dépassement du capitalisme » et appelle à une « orientation révolutionnaire visant à sortir enfin de la société de classes ». Ce sont des idées centrales du projet communiste depuis le Manifeste de Marx et Engels. Cependant, au-delà de ces affirmations générales, le texte ne propose aucun renouvellement de ce que cela signifie d’être révolutionnaire aujourd’hui. Sans adapter notre stratégie révolutionnaire aux réalités de notre époque à partir d’une analyse précise des conditions économiques, politiques et sociales du capitalisme contemporain, nous ne serons révolutionnaires qu’en idée. Certes, il est bien question de « processus révolutionnaire » et non plus de grand soir. Le texte affirme aussi que « notre stratégie de conquête de pouvoirs ne se limite pas à l’État national » mais vise aussi la conquête de pouvoirs à l’échelle des entreprises, des collectivités, de l’Union européenne, etc (thèse 26). Cependant, le contenu de ces pouvoirs n’est jamais explicité, ni le chemin pour les conquérir. De fait, en donnant la priorité à la conquête du pouvoir d’État (thèse 25) et au fait d’avoir des élu·e·s dans les institutions (thèse 27), la « stratégie révolutionnaire » proposée par la direction reste prisonnière de l’illusion électoraliste — et ce sans même poser la question de l’effet de nos alliances électorales avec le PS sur notre crédibilité révolutionnaire.

Nous pensons quant à nous que, si toutes les conquêtes possibles de positions institutionnelles et de pouvoirs sont indispensables, la question du pouvoir d’État doit être articulée à ce que nous appelons, avec Marx et Jaurès, une « évolution révolutionnaire » qui dépasse le cadre des institutions. C’est pourquoi, dans une seconde partie de notre proposition de base commune alternative, nous avançons une nouvelle conception du processus révolutionnaire, remettant la question de la prise et de la transformation des pouvoirs institutionnels et du pouvoir d’État à leur place dans une « évolution révolutionnaire » visant prioritairement en tous domaines l’hégémonie des classes salariales et de l’ensemble des dominés.

3. Une stratégie à géométrie variable

Là aussi, l’absence de réflexion sur 40 ans de tentatives sans succès a de lourdes conséquences. Même l’échec du Front de gauche est expédié en quelques lignes, sans analyser les raisons pour lesquelles, dit pourtant le texte, « de 2012 à 2015 nous n’avons pu ou su renforcer le FG, ni faire de la profonde aspiration à l’unité de ses sympathisants, une force de cohésion empêchant son éclatement et élargissant sa dynamique ». Faute de réussir à lire et comprendre cette très longue et riche page de notre histoire, le Conseil national se condamne dès lors lui-même à la répéter. Comme en 1985 avec le « Nouveau Rassemblement Populaire Majoritaire » décidé par le 25ème Congrès (qui faisait suite au virage libéral de F. Mitterrand et notre sortie du gouvernement d’union de la gauche), il tire un trait sur l’objectif d’une construction politique à gauche. A la place, et sous couvert de « plasticité », il propose des constructions « évolutives et multiformes » (thèse 28) avec soutien aux luttes, espaces locaux ou thématiques « autour de nos propositions communistes », et forum politique national permettant des « campagnes communes » et des « constructions programmatiques ou électorales » avec des partenaires différents selon les cas (thèse 32). La stratégie à géométrie variable devient ainsi la règle. Et comme au 25ème Congrès, passe à la trappe l’idée même d’une construction politique durable à gauche. N’est-ce pas pourtant ce qui a permis de recréer l’espoir en 2012 avec, pour la première fois depuis 1981, un score du Front de gauche au-dessus de 10 % ? Et malgré les hésitations et atermoiements, de permettre la percée de J.-L. Mélenchon à près de 20 % en 2017 ? Nous pensons au contraire qu’il faut imaginer une construction politique nouvelle assurant la pleine autonomie et liberté d’action de chacune de ses composantes, tout en permettant de faire « Front commun » contre la droite et l’extrême droite. Nous y consacrons la troisième partie de cette proposition alternative.

4. Le retour au parti d’avant-garde

La critique essentielle qu’appellent les propositions du Conseil national pour transformer l’organisation du Parti est que, sur le fond, elles ne transforment pratiquement rien. De la conception générale aux propositions concrètes, ce que ce texte envisage aurait pu être écrit exactement de la même façon il y a dix ou vingt ans : mise en mouvement populaire, organisation des dominé·e·s et de la jeunesse, parti de masse présent sur les lieux de vie et de travail, importance de la formation, nécessité de grandes campagnes dans la durée, réseaux thématiques, directions plus démocratiques et efficaces, etc. Le seul ajout, hormis quelques aspects pratiques, concerne l’utilisation devenue incontournable des outils numériques. Pourtant, la nécessité d’inventer un nouveau processus révolutionnaire doit aboutir à une tout autre forme d’organisation de notre Parti. Il s’agit de passer d’un parti d’avant-garde, tachant de faire passer ses « propositions communistes » dans les masses, à une organisation qui permette aux femmes et aux hommes concrètement mobilisés dans les luttes de prendre leurs affaires en main et de décider directement en tous domaines et en toutes circonstances. C’est l’objet de la quatrième partie de notre texte.


A nos yeux, ce congrès est vraiment celui de la dernière chance. Beaucoup de communistes sont désemparé·e·s et démotivé·e·s ; d’autres quittent le Parti, presque toujours sur la pointe des pieds. Nous n’avons déjà presque plus la force de soutenir l’Humanité. Si nous n’avons pas la capacité collective de voir la réalité en face et de trouver les moyens de relancer notre combat, nous deviendrons, comme le Parti radical de gauche, une nouvelle « butte-témoin » d’un passé révolu.

Nous refusons cette perspective dramatique. Non seulement parce que nous tenons à notre Parti, mais plus encore parce que notre peuple et le mouvement révolutionnaire dans son ensemble en ont besoin. Après quarante ans d’un libéralisme échevelé qui a profondément abîmé notre pays comme le monde entier, nous vivons un moment de remise en mouvement des peuples qui cherchent par tous les moyens, parfois les pires, à sortir du scenario catastrophe que promet le capitalisme mondialisé. En témoignent sous nos yeux les luttes et leurs tentatives de convergence. En témoigne le rejet du statu quo – parfois identifié à « l’establishment » – qui bouleverse la situation politique dans notre pays mais aussi en Espagne, Portugal, Italie, Angleterre, Pays-Bas, Irlande, et même aux États-Unis et ailleurs. Ce qui manque cruellement, c’est une nouvelle perspective de dépassement du capitalisme. Elle se cherche, de mille manières. Mais elle aura d’autant moins de chances d’émerger et de s’imposer que le communisme, qui s’identifie à un tel changement révolutionnaire, sera absent de la scène politique.

Notre responsabilité est aujourd’hui celle-ci : donner au communisme une figure offensive, attractive, adaptée à notre époque et tirant les leçons du passé. Pour cela, nous avons besoin de beaucoup de réflexion et de travail, mais peut-être encore plus d’audace et de détermination à nous réinventer nous-mêmes. Bien loin de réduire l’enjeu à une simple question de personnes, ce congrès annoncé comme extraordinaire doit permettre aux communistes, enfin, d’avoir ce débat de fond, et de décider de leur avenir.

I. Pour un base-alternative-maquette du communisme

Le communisme a suscité au XXe siècle un espoir formidable pour des millions de personnes qui voulaient en finir avec la domination et les ravages du capitalisme. Picasso disait être « venu au communisme comme on va à la fontaine ». C’est dire combien cet engagement pouvait alors paraître évident et vital. Couronnant un grand siècle de révolutions, celle d’Octobre semblait ouvrir enfin les chemins d’un monde réellement humain. Notre Parti, comme d’autres à travers le monde, s’est construit sur cet immense espoir. En l’articulant à notre propre histoire et en l’ancrant dans les luttes de la classe ouvrière, il en a fait une perspective réaliste. C’est ainsi qu’il est devenu, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le premier parti de France.

Si les régimes dits de « socialisme réel » ont réalisé des progrès sociaux très importants pour leurs citoyen·ne·s dans de nombreux domaines, le manque de liberté et de démocratie politiques, la brutalité de la répression, les mésaventures économiques, les interventions militaires à l’étranger ont fini par trahir l’espoir d’un nombre croissant de personnes qui avaient cru aux idéaux communistes. Avec l’effondrement du monde soviétique à la fin du « court XXe siècle », le sentiment était désormais « qu’il n’y a pas d’alternative ». C’est cette fausse évidence, produit d’une conjoncture historique, qui a entraîné la crise généralisée du mouvement communiste mondial. Nous avons bien proposé un « socialisme démocratique », mais faute d’être porteurs d’une nouvelle conception du communisme, nous n’avons pas échappé à la crise qui touche sans exception l’ensemble des partis communistes du monde. Nous avons perdu ce qui faisait de nous les partisans d’une radicale alternative de société, et d’autres partis ont paru alors plus « utiles ».

La crise du communisme est d’autant plus dramatique que le capitalisme désormais mondialisé ne cesse d’entraîner l’humanité à des catastrophes en ce tournant du XXIe siècle. Crises financières et économiques, crises écologiques, crises politiques, crise des solidarités, montée des inégalités et généralisation de la précarité : dans un contexte de crise généralisée du système capitaliste, la critique radicale de ce système et la pensée de Marx retrouvent toute leur actualité. Pourtant, le communisme comme « mouvement réel » enraciné dans les luttes ET portant l’idéal d’un monde enfin débarrassés de toutes les formes d’exploitation, de domination et d’aliénation, peine à exister sur la scène politique.

On ne peut donc pas, comme le fait le projet de « base commune » du Conseil national, se contenter d’affirmer péremptoirement que « le communisme est à l’ordre du jour de ce siècle ». Il n’existe aucune nécessité historique pour que les crises du capitalisme entraînent mécaniquement l’avènement du communisme. L’histoire a montré au contraire que nous ne pouvons sous-estimer l’incroyable capacité du capitalisme de se remettre de ses crises ou de les prolonger pour une période indéfinie. Nous sommes convaincu·e·s que seul le communisme peut véritablement ouvrir la voie vers le dépassement de ces crises. Mais, terni·e·s d’une image étatiste, productiviste et autoritaire, associé·e·s à des expériences qui se sont soldées par un échec, nous arrivons mal à convaincre de la crédibilité de la voie communiste.

Nous ne pouvons pas nous résigner à cette situation. Nous portons avec les autres partis communistes dans le monde l’immense responsabilité historique que voici : faire renaître l’espoir dans le projet communiste, pour qu’advienne un printemps du communisme. Non seulement la fonction spécifique et l’existence de notre parti en dépendent ; mais surtout, la question désormais vitale du dépassement du capitalisme fait d’une revitalisation de notre combat la principale urgence politique. Notre premier objectif doit donc être de faire à nouveau du communisme une idée mobilisatrice en lui redonnant une portée émancipatrice et l’épaisseur concrète d’un mouvement ancré dans les luttes réelles dans les conditions d’aujourd’hui.

Pour cela, il est urgent de dresser un bilan lucide et critique en vue de notre réinvention. Nous pouvons être fier·e·s du rôle que notre parti a joué par le passé dans les réformes du Front populaire, dans la Résistance, dans la mise en place de la Sécurité sociale et du statut de la fonction publique, dans les nationalisations et dans bien d’autres domaines. Aujourd’hui, nos élu·e·s continuent de porter des politiques au service des besoins sociaux et écologiques. Savoir mettre en avant les apports positifs de notre parti pour contredire le discours négatif sur le communisme est essentiel pour renouveler notre image.

Mais si notre parti n’a pas échappé pas au déclin du mouvement communiste mondial, cela ne peut pas être dû uniquement à des raisons extérieures. Malgré nos textes de congrès, qui ne manquent jamais d’un « coup de chapeau » à la visée communiste, nous avons surtout travaillé à des programmes « de gouvernement » que notre faiblesse rendait d’ailleurs peu crédibles. Nous n’avons pas redéfini, au vu des échecs passés et des nouvelles conditions des luttes de classe, les principes, les objectifs et les moyens d’un projet actuel d’émancipation humaine. Pas plus n’avons-nous réussi à ancrer dans nos pratiques, notre fonctionnement, notre démarche, un rapport émancipateur entre l’individu et le collectif, entre égalité et liberté. Nous parlons d’émancipation, mais nous avons beaucoup de difficultés à l’éprouver, la faire vivre.

En lien avec tous les travaux théoriques et les expérimentations pratiques qui explorent les chemins nouveaux de l’émancipation — et qui connaissent un véritable bouillonnement en France et à l’étranger —, il faut revoir nos conceptions et notre projet sur nombre de questions. Il ne s’agit pas, dans le cadre de ce congrès extraordinaire, d’exposer tout un programme ni de définir de A à Z un projet communiste, mais de préciser quels changements nous devons apporter à nos conceptions et à nos pratiques pour pouvoir donner un nouvel élan à notre combat. Beaucoup de nos actions, dont nous pouvons être fiers, méritent d’être poursuivies et développées: luttes pour la paix, dans les entreprises, contre l’évasion fiscale, contre les inégalités de territoires, pour l’économie sociale et solidaires, la culture, etc. Nous limitons donc ici nos propositions à quelques questions, dans des domaines désormais stratégiques pour la lutte contre le capitalisme mondialisé d’aujourd’hui, sur lesquelles il nous faut impérativement transformer nos idées, nos positions et nos façons de faire.

A. Libérer le travail et la production de l’exploitation capitaliste par une authentique démocratie économique

En faisant prédominer nos stratégies d’alliance sur notre propre combat communiste, nous avons progressivement privilégié des compromis avec le capital — portant notamment sur le partage des richesses —, au détriment de la claire perspective d’une sortie du capitalisme. Cette perspective implique un processus d’avancées et de ruptures avec les logiques capitalistes pour aller vers la maîtrise intégrale des travailleurs et travailleuses sur les buts et conditions de leur travail. Notre combat se brouille si nous n’en faisons pas apparaître les objectifs fondamentaux et les étapes essentielles. Nous devons réaffirmer notamment notre volonté d’aller vers une « expropriation des expropriateurs » en allant progressivement vers un régime de démocratie économique qui ôte au capital tout pouvoir de domination sur la propriété et le travail.

1. Socialisation et démocratisation des structures économiques

L’un des fondements du communisme depuis le Manifeste de 1848 est l’idée « d’abolition de la propriété privée » des grands moyens de production et d’échange. Or, cette idée a été dénaturée par l’étatisation soviétique. Il faut que nous intégrions dans nos propositions programmatiques le fait que la seule propriété d’État ne garantit pas un fonctionnement plus démocratique des entreprises, avec des travailleur·euses plus libres et égaux. Nous sommes souvent passé·e·s à côté du potentiel révolutionnaire de nouvelles formes de partage, de production et de propriété collective dans la société, par exemple les communs de la connaissance, les plateformes numériques de l’économie collaborative et les structures juridiques qui les soutiennent. Nous ne pourrons redonner ses couleurs à l’idée communiste sans proposer une conception nouvelle de la socialisation et de la démocratisation des moyens de production et d’échange à partir de ce qui existe déjà. Un nouveau statut juridique des entreprises qui met fin à la mainmise du capital sur la production et l’appropriation des richesses est essentiel dans ce combat. C’est dans ce sens que nous devons soutenir les luttes contre les plans sociaux et les délocalisations, pour le développement des pouvoirs des salariés, les SCOP, la gratuité de services publics, de nouvelles nationalisations, etc.

2. Liberté au travail et salaire à vie

Nous battre pour l’emploi est certes indispensable, mais la perspective restera limitée, voire peu crédible à terme si nous ne faisons pas vivre concrètement l’idée qu’il y a une alternative historique à la subordination des individus au marché de l’emploi. Alors que les progrès technologiques continuent de réduire le besoin de travail humain dans de nombreux secteurs et d’éliminer définitivement des emplois, le marché de l’emploi reste quasiment le seul accès à de l’argent pour la majorité de la population, hormis les allocations du système de redistribution. L’épuisement et l’aliénation au travail, un taux de chômage chroniquement élevé, le chantage à l’emploi et la stigmatisation des bénéficiaires des aides sociales comme « improductifs » sont autant d’indicateurs que ce système arrive à bout de souffle.

Il est temps de redéfinir ce qu’est le travail et de révolutionner le mode d’accès à des moyens d’existence, en instituant par exemple un statut des « producteurs et productrices associé·e·s » et un régime de salaire à vie. Un tel régime socialiserait l’ensemble de la valeur économique produite et la distribuerait aux individus pendant toute leur vie selon une grille d’échelons progressifs, établis en fonction de critères décidés démocratiquement. Des activités socialement utiles, mais jugées « improductives » d’un point de capitaliste, seraient ainsi valorisées ; et les individus associés auraient plus de liberté pour choisir un équilibre entre vie professionnelle, formation et vie personnelle tout en bénéficiant d’une sécurité financière, car les droits seraient liés à la personne et non pas au statut d’emploi. C’est donc dans ce sens que nous devons soutenir les luttes pour le développement des droits des salarié·e·s et des chômeurs·euses, contre la souffrance au travail et le « burn-out », pour le temps et les moyens d’un travail bien fait, pour la réduction du temps de travail, pour un travail qui ait du sens et œuvre à l’intérêt général.

B. Démocratisation radicale et révolution citoyenne

Le « dépérissement de l’État » – comme instrument de domination du capital – doit être au cœur d’un projet d’émancipation. Il suppose une conception révolutionnaire de la démocratie, fondée sur la multiplication des formes d’auto-organisation et visant à l’égal exercice de tous les pouvoirs par tous les citoyens et toutes les citoyennes. Il faut pour cela fixer l’objectif concret d’une 6ème République qui dépasse radicalement la démocratie parlementaire par le développement permanent de toutes les formes possibles d’intervention citoyenne, l’institution de nouveaux rapports entre élu·e·s et citoyen·ne·s, la prééminence des assemblées élues sur les exécutifs, la parfaite transparence de l’action publique et une stricte séparation des pouvoirs. Ainsi, c’est pour un nouveau régime politique qu’il faut lutter. Il appelle par exemple une forme dé-verticalisée de toutes les institutions (y compris de notre parti), de même qu’une déprofessionnalisation de la politique.

Cette volonté de reprise du pouvoir sur nos vies doit nous conduire aussi à prendre à bras-le-corps des enjeux désormais cruciaux pour les libertés comme le pluralisme des médias (au point où l’on en est, il faudrait plutôt parler d’une séparation du conglomérat État/financiers et des médias), ou la maîtrise citoyenne des technologies, des nanotechnologies aux algorithmes de l’intelligence artificielle.

C’est dans ce sens, et en mettant nos propres pratiques en accord avec ces principes, que nous répondrons à l’immense discrédit qui atteint notre système politique, et aux aspirations à l’autonomie et l’intervention citoyenne qu’expriment des mouvements comme « les Nuits debout ».

C. Pour une nouvelle conception du développement humain sans hiérarchie des luttes émancipatrices

Le combat communiste s’est engagé entre le XIXe siècle et le début du XXe siècle, alors que les premières révolutions industrielles, qui promettaient une croissance potentiellement infinie de la production de richesses, entraînaient le développement d’une classe ouvrière nombreuse, relativement homogène et très prolétarisée. Ce sont les ouvrier·e·s du secteur industriel qui ont constitué alors la base sociale du mouvement communiste et qui sont devenu·e·s l’archétype du « prolétariat ».

Or, voici près d’un demi-siècle que les progrès techniques et les délocalisations suppriment les emplois industriels en France au profit de l’essor du secteur tertiaire. Selon les chiffres de l’INSEE, la classe ouvrière ne représente plus que 20 % de la population française active ou anciennement active, et la tendance ne va pas s’inverser. Près de deux tiers de la population se composent désormais d’employé·e·s, de professions intermédiaires, de cadres et de professions intellectuelles supérieures. Tout comme la classe ouvrière, ces populations dépendent de la vente de leur force de travail pour vivre et subissent elles aussi, à différents degrés, l’aliénation au travail. Pourtant, nous n’avons pas su nous adapter efficacement aux évolutions d’un salariat de plus en plus nombreux, mais aussi plus stratifié et divisé, de façon à ce que chacun de ses divers composants puisse se reconnaître dans le projet communiste. Faute de définition claire de notre bloc social et d’articulation entre les différents objectifs de lutte, nos tâtonnements n’ont convaincu ni les salarié·e·s des secteurs en essor que le communisme ne se réduit pas à la seule classe ouvrière, ni les ouvrier·e·s que les communistes ne leur ont pas tourné le dos. Notre base sociale s’est ainsi considérablement réduite.

Pendant longtemps nous avons pensé que les luttes devaient être hiérarchisées et que les “luttes sociales”, directement liées au rapport capital/travail, devaient être placée au sommet. Or, ces luttes ne sont pas le seul chemin pour saisir et combattre la domination capitaliste. La fin du capitalisme ne garantit pas non plus la fin des autres systèmes de domination incarnés par le sexisme, le racisme, ou le productivisme. Il est grand temps d’en finir avec une vision pyramidale des luttes et d’articuler les combats contre les différents systèmes de domination et d’exploitation (anticapitalisme, féminisme, écologie, antiracisme, etc.) dans une nouvelle conception de l’émancipation et du développement humains. Et de participer activement à toutes les actions — ZAD, universités expérimentales, pédagogies alternatives, etc. — qui cherchent concrètement à casser les codes de reproduction du système capitaliste et explorer de nouvelles façon de vivre et de travailler. C’est ainsi que nous pouvons atteindre le salariat et l’ensemble des dominé·e·s dans toute leur diversité et œuvrer à leur unité.

1. Pour l’abolition de toutes les formes de domination

Inscrire toutes les luttes et toutes les initiatives porteuses d’alternatives concrètes à l’ordre existant dans la perspective d’une société d’émancipation humaine suppose de prendre ces mobilisations telles qu’elles sont, en phase avec les évolutions et les besoins de la société. Faute de l’avoir fait, nous sommes longtemps passés à côté de celles qui, à partir des années 60/70, posaient des questions nouvelles liées notamment aux droits de la personne, et qui se sont alors développées en dehors et parfois contre nous. Nous ne devons pas commettre à nouveau de telles erreurs.

Le projet communiste vise à abolir toutes les dominations que le capitalisme tend au contraire à présenter comme « naturelles ». En donnant la priorité aux “luttes sociales” , nous avons trop souvent sous-estimé le caractère structurel de discriminations traversant les classes des salarié·e·s elles-mêmes, liées aux prétendues « races », au sexe, à l’orientation sexuelle, à l’âge, etc. Il nous faut au contraire mettre tous les combats émancipateurs au même niveau — par exemple, ceux des femmes contre les dominations masculines et le patriarcat, dont le mouvement planétaire déclenché par l’affaire Weinstein montre l’importance essentielle ; ceux des personnes « racisées » ; ou ceux contre une dénaturation islamophobe de la laïcité. Cela suppose de poursuivre l’actualisation de nos analyses et de nos conceptions pour penser ensemble toutes les dominations et poser en tous domaines la question de l’égalité réelle de tous les êtres humains.

2. Faire de la lutte contre tous les racismes une de nos grandes priorités politiques

Le chaos du monde actuel est propice à la montée de toutes les haines. Dans toute l’Europe, le racisme redevient, à grande échelle, un des instruments de la domination de classe. Tout est fait pour exacerber la concurrence des exploités et des dominés en criminalisant les migrants, les réfugiés et les roms; et pour placer l’islamophobie au cœur du dispositif idéologique car elle favorise tous les amalgames et place le débat sur le choc des civilisations. Inégalités sociales, précarisation du travail, assignations territoriales dans des quartiers délaissés de la République, discriminations racistes structurelles (embauche, logement, contrôle au faciès) se conjuguent pour mettre à l’index, en état de sous-citoyenneté, une part croissante de la population, et singulièrement de la jeunesse. Nous avons sous-estimé ce racisme institutionnel, injure quotidienne à nos principes républicains

Il est urgent de porter un anti racisme qui lie racisme et capitalisme, colonialisme et néo colonialisme, qui revendique l’égalité de traitement pour toutes et pour tous, qui agit contre toutes les formes de discriminations, d’humiliations et d’oppressions, qui combat avec force l’offensive xénophobe, qui lutte contre l’islamophobie et l’antisémitisme et toutes les formes de racismes, qui ouvre la voie du « tous ensemble » pour une société d’êtres humains égaux, libres et réconciliés

3. Pour un éco-communisme ambitieux

L’humanité prend conscience de sa place dans un monde fini à l’écosystème unique et entre de fait dans une nouvelle ère de son histoire, celle d’une communauté de destin. Il n’est pas exagéré de parler d’une dimension nouvelle et enthousiasmante de l’actualité de la pensée communiste. Mais aujourd’hui encore, nous avons le plus grand mal à nous investir réellement dans les luttes écologiques qui pourtant, fondamentalement, mettent en cause le modèle productiviste/consumériste du capitalisme et cristallisent à leur façon l’exigence d’une alternative de civilisation. C’est désormais un enjeu vital pour l’humanité, et une préoccupation grandissante dont témoignent la vigueur et la multiplication des mobilisations.

Nos priorités sont à la relocalisation des industries au plus près des territoires, au remplacement du modèle agro-industriel par une agriculture paysanne écoresponsable, au développement de l’économie circulaire afin que les déchets des uns soit la matière première des autres. Nous avons pourtant soutenu nationalement, contre toute évidence, le projet pharaonique de NDDL. Et notre ambition sur le plan énergétique se limite toujours à un contrôle public de l’énergie nucléaire à côté d’investissements dans les énergies renouvelables.

Si les luttes écologiques contre le nucléaire sont si intenses et de longue durée, c’est que cette énergie pose des questions anthropologiques qui devraient nous interpeller en tant que communistes. Bien que l’énergie nucléaire participe à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle implique aussi une hyper-centralisation étatique de sa gestion ou pire encore une gestion par le marché et les intérêts prives, comme à Fukushima. Elle a aussi ceci de particulier qu’elle transmet aux générations futures pour des centaines de milliers d’années la gestion des déchets radio-actifs. Qui peut aujourd’hui dire ce que seront nos sociétés dans 300 000 ans ? Notre conception communiste de la lutte pour le droit à l’énergie et contre le réchauffement climatique nous oblige donc à affirmer la nécessité d’une sortie urgente des énergies carbonées; et d’une sortie progressive et maîtrisée du nucléaire au profit du développement d’un mix électrique 100 % renouvelable. Une telle sortie du nucléaire doit retenir comme critère absolu un équilibre entre la satisfaction des besoins en énergie et la réduction des émissions de gaz à effets de serre pour que la fermeture de centrales nucléaires se fasse toujours au profit des énergies renouvelables et ne se traduise jamais par un recours aux énergies carbonées pour combler les besoins.

Ces luttes et ces exigences ne s’opposent ni au « progrès » ni à l’emploi, bien au contraire. Mais ce monde fini aux ressources limitées implique de changer de civilisation. Désormais il faut inventer un autre mode de développement fondé sur la sobriété, bannir le consumérisme qui gaspille et demande plus de ressources que la terre ne peut fournir, passer d’une société de l’avoir à une société de l’être. Le dépassement du capitalisme est de ce fait un passage obligé vers cette nouvelle civilisation de “bien vivre” humain.

4. Migrations : défendre la liberté de circulation et d’installation

La France s’est engagée depuis trente ans dans une logique de contrôle de l’immigration et de fermeture des frontières, les alternances politiques n’y changeant rien. Pire, les gouvernements successifs présentent des projets de lois indexés sur la surenchère de l’extrême droite. Les migrations actuelles, dans lesquelles les grandes puissances ont une responsabilité écrasante (effets de l’esclavage et du colonialisme, politiques néocoloniales, soutien et armement des conflits), ne cesseront pas dans les années et les décennies à venir du fait de nouvelles causes comme le réchauffement climatique. En 2015, la crise dite « des réfugiés » fut en réalité une crise de la construction européenne, car les gouvernements européens ont délibérément évité toute prise en charge matérielle et humaine de l’afflux des réfugié·e·s, ce qui a conduit à des milliers de morts aux portes de l’Europe. Il devient chaque jour plus évident que le bétonnage des frontières est une absurdité crimunelle.

Notre parti doit poursuivre et accentuer son soutien à toutes les mobilisations défendant les droits des migrant·e·s. Et nous devons nous engager pleinement dans la bataille idéologique qu’est la question de l’immigration. Mais l’indispensable solidarité finira par être débordée si nous ne posons pas cette question sur le plan politique et si nous ne mettons pas en débat une alternative émancipatrice à la réponse inhumaine et vaine du capitalisme. La seule façon de lutter contre les réactions racistes et identitaires, dont on voit déjà dans toute l’Europe les dégâts politiques, est d’associer notre conception de l’émancipation au parti-pris des migrant·e·s et à l’affirmation du droit imprescriptible de tout être humain à s’installer hors des frontières de son pays, ce qui, sauf exceptions marginales, est toujours lié à une situation de détresse vitale. Cette mesure est la seule qui permettrait immédiatement qu’il n’y ait plus de milliers de morts chaque année. Et il nous faut aussi affirmer frontalement l’exigence d’un autre ordre international, s’en prenant aux causes des migrations, tout en luttant sans ambiguïté pour le droit de circulation et d’installation de celles et ceux qui prennent le terrible risque de l’exode.

D. Reprendre le pouvoir sur les médias, démocratiser les technologies de la communication

L’espace médiatique et les industries de la culture sont massivement dominées par les forces du capital, qui marchandisent l’information et la communication, le divertissement et la culture, et les mettent au service exclusif de leur domination idéologique. Édition, presse, télévisions, radios sont aujourd’hui entièrement accaparées par une poignée de milliardaires qui imposent à tou·te·s leur récit : guerre des civilisations contre lutte des classes, fin de l’histoire contre révolution…

L’internet, qui s’est vécu un temps en espace de liberté, est lui-même menacé avec notamment l’attaque contre le principe de neutralité du net. Il est surplombé désormais par un petit nombre d’acteurs à la puissance inouïe. Puissance financière puisque la capitalisation boursière d’Alphabet (Google), Amazon, Facebook, Apple et Microsoft avoisine désormais le PIB de la France. Puissance politique avec notamment des capacités analytiques et prescriptives inédites des comportements humains, permises par des algorithmes toujours plus performants, déployés de façon omniprésente et indiscernable à travers l’internet des objets et qui s’insinuent dans l’ensemble de notre quotidien.

Ces dominations inédites dessinent les contours d’un projet éminemment totalitaire. Libérer les médias et les technologies de la communication des puissances de l’argent en affirmant leur stricte séparation d’avec les puissances financières et l’État est un combat communiste aussi important pour la désaliénation des esprits que celui qui, au début du siècle dernier, a permis d’arracher le principe de séparation des Églises et de l’État.

E. Gagner la bataille de l’Europe

La construction européenne est en train d’asphyxier le débat politique en mettant chacun des pays qui la composent face au choix impossible entre continuer de subir les traités néolibéraux ou sortir de l’Union. Echapper à ce dilemme est un impératif politique. Mais le changement de société du XXI siècle ne peut se concevoir dans un repli souverainiste étroitement national ; la souveraineté doit se concevoir à tous les niveaux, local, national, européen et mondial. Nous devons donc nous emparer de la grande idée européenne – à laquelle, malgré tout, l’immense majorité des Européens reste à juste titre attachée – comme d’une dimension essentielle de notre internationalisme, et faire d’une transformation de l’Europe une étape et un levier essentiel du combat pour faire vivre la possibilité d’une alternative à l’ordre capitaliste mondial.

La France dispose de nombreux moyens d’agir. Sa capacité de bloquer toute nouvelle adaptation de l’Europe à l’ordre mondial actuel ou de désobéir à certaines directives peut créer une situation insupportable pour les forces qui soutiennent le capital et imposer la renégociation des traités. Ce combat ne pourra se mener qu’au nom d’une autre construction européenne – une Europe à « géométrie choisie » qui n’obligera jamais aucun peuple à s’aligner sur des politiques qu’il refuse – et nécessitera de travailler à une dynamique européenne de rassemblement. Ce doit être désormais un objectif politique prioritaire qui suppose d’élever considérablement le niveau des nos objectifs et de notre engagement. Au-delà du Forum européen progressiste, il nous faut travailler à une nouvelle initiative de très grande ampleur que notre Parti, compte tenu de son histoire et de la place de la France en Europe, a la légitimité et donc le devoir de proposer à toutes les forces disponibles en France et en Europe.

F. Les nouveaux repères du communisme

Ainsi, sur ces questions comme sur tous les grands enjeux politiques, nous devons faire ce travail fondamental visant à reconstituer les principes et les repères d’une alternative communiste à l’ordre existant, et à les traduire en batailles concrètes. Il s’agit de dire en quoi elle consiste et donc le type de société vers laquelle nous proposons d’aller. Tant que nous ne pourrons pas dire ainsi, fondamentalement, « ce que nous voulons », nous resterons dans l’incapacité de combattre l’amalgame entretenu sans cesse par nos adversaires entre notre projet et l’image du communisme que l’histoire a laissée dans les esprits.

II. Un processus révolutionnaire démocratique et citoyen

Le Parti communiste doit être révolutionnaire. Non seulement parce que l’émancipation humaine exige d’en finir avec le système capitaliste pour aller vers un autre type de formation sociale. Mais aussi pour échapper aux catastrophes vers lesquelles ce système entraîne aujourd’hui l’humanité. Car notre époque est bien celle d’une immense crise mondiale, durable, affectant les sociétés dans toutes leurs dimensions profondes, crise de survie qui pourrait devenir, de la pire manière qui soit, une crise terminale susceptible même de provoquer à terme l’extinction de notre espèce. Comment croire qu’on pourrait conjurer de tels périls sans un radical changement de système, c’est-à-dire une révolution ?

Le capitalisme offre aujourd’hui à une poignée de personnes le pouvoir insensé de détruire toute vie civilisée. Mais il offre aussi à l’immense majorité la force de conjurer les dangers, grâce au développement et aux transformations sans précédent des forces productives, aux révolutions technologiques et à la montée des aspirations à vivre autrement. En un mot, les contradictions du capitalisme donnent à l’Humanité, comme le pronostiquait Marx, la perspective d’aller vers une société sans classes, sans domination, ni exploitation, ni aliénation. Travailler à cette perspective est la raison d’être fondamentale d’un parti communiste.

Encore faut-il que l’idée de révolution redevienne une perspective réaliste. Car cette grande idée, qui a mobilisé des millions de femmes et d’hommes sur tous les continents, a été dénaturée par les expériences révolutionnaires du XXe siècle qui, tout en se réclamant du progrès social, de la liberté et même du communisme, ont produit des systèmes brutaux et antidémocratiques. Ce fut une divine surprise pour les forces qui soutiennent le capitalisme : elles en ont profité pour mener une incessante campagne planétaire visant à assimiler communisme et fascisme et à stigmatiser symétriquement ce qu’elles appellent aujourd’hui « les extrêmes ».

Nous-mêmes, face à ce déferlement, avons fini par baisser la garde. Malgré nos textes de congrès, nous avons davantage mené campagne pour des propositions immédiates que des ruptures postcapitalistes ; nous nous sommes plus battus pour « la gauche » que pour le communisme ; et nous avons préféré utiliser des périphrases pour éviter le mot révolution. Mais au lieu de nous permettre de nous maintenir et moins encore de nous renforcer, nous avons ainsi gravement porté atteinte à la crédibilité d’un dépassement du capitalisme qui suppose évidemment des transformations révolutionnaires de l’ordre existant. Il nous faut donc travailler avec ténacité, sur le long terme, à réhabiliter l’idée de révolution en lui donnant, en théorie et en pratique, le caractère radicalement démocratique en accord avec les possibilités, les sensibilités et les consciences d’aujourd’hui. Et dire par conséquent comment, concrètement, nous concevons le processus révolutionnaire nouveau sans lequel l’émancipation humaine demeurerait un mot creux.

A. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

Cette idée fameuse, que Marx a introduite en 1864 dans le préambule des statuts de la Première Internationale, fait partie de l’héritage théorique du mouvement révolutionnaire. Le fait est pourtant que les expériences soviétiques et maoïstes ont fait tout le contraire. Dans les conditions spécifiques à chacune, elles ont toutes les deux débouché sur des systèmes politiques et sociaux oppressifs. Les travailleurs y étaient supposés déléguer la direction du mouvement de transformation sociale à des partis « d’avant garde ». Mais ceux-ci n’ont pas tardé à s’identifier à des appareils d’États dictatoriaux et à déposséder les travailleurs de toute possibilité d’initiative ou droit de décision. Bref, les expériences ont échoué dans ces pays à abolir de la domination de l’homme par l’homme, et le capitalisme y est renouveau florissant.

Nous avons à juste titre expliqué ces échecs par l’état d’arriération de ces pays qui n’avaient pas encore connu, au moment de leurs révolutions, la phase de développement économique, social, institutionnel et culturel liée au déploiement du capitalisme industriel. Leurs économies demeuraient fondamentalement agricoles et, dans la très grande majorité des cas, leurs classes ouvrières urbaines n’y représentaient qu’une partie minime de la population. La démocratie n’y était même pas embryonnaire. Dans ces conditions, les forces consciemment révolutionnaires étaient elles-mêmes très peu nombreuses, et l’unité du « prolétariat » inexistante. La mise en place des régimes « socialistes » n’a donc pas résulté du « mouvement de l’immense majorité dans l’intérêt de l’immense majorité », mais de conjonctures historiques exceptionnelles associant la déliquescence des pouvoirs en place, des guerres dévastatrices (14/18, 39/45, guerres civiles et sino-japonaise, etc.) et l’action de partis relativement peu nombreux mais très déterminés et souvent conduits par des dirigeants exceptionnels.

Des révolutions de cette nature supposaient des partis centralisés et disciplinés, dirigés d’en haut d’une main de fer, capables de conduire la « guerre civile » jusqu’à la conquête du pouvoir d’État, puis de devenir l’État lui-même pour imposer la transformation sociale par la « dictature du prolétariat ». Mais faute de pouvoir s’appuyer sur un soutien populaire suffisamment large, ils n’ont pu conserver le pouvoir qu’en s’imposant par la force. À long terme, de telles révolutions ont échoué principalement parce qu’au lieu de donner aux travailleurs et travailleuses la maîtrise de leur propre émancipation, elles les en dépossédaient complètement. Sans l’adhésion éclairée et active du peuple, le processus a inévitablement fini par se retourner contre lui.

Nous avons certes rompu depuis longtemps avec l’idée d’un « grand soir ». Mais faute d’imaginer un processus révolutionnaire de type nouveau, conduit par les travailleurs et les travailleuses elles-mêmes, nous sommes restés largement prisonniers d’une conception de l’action politique privilégiant l’occupation de positions institutionnelles et, dans les conditions d’un pays comme le nôtre, la stratégie électorale. Même en abandonnant le « centralisme démocratique », nous n’avons pas vraiment remis en question la forme verticale et monolithique du parti dont nous avions hérité avec les « 21 conditions » imposées par l’Internationale communiste en 1920.

B. Une « évolution révolutionnaire » hégémonique jusqu’à la conquête et la transformation du pouvoir d’État

L’histoire montre sans aucune exception que, à défaut de conscience populaire pour en soutenir activement les objectifs révolutionnaires, la conquête du pouvoir d’État est une illusion. Mais un siècle s’est passé depuis 1917, et nous ne sommes ni en Russie ni en Chine. La France est un des pays les plus développés du monde : 75 % de chaque classe d’âge y atteint aujourd’hui le niveau du Bac ; des partis et des syndicats libres y existent de longue date ; et les aspirations des citoyen·ne·s à prendre leurs affaires en main s’y expriment de mille manières, dont par exemple le fait qu’un Français sur deux appartient à une association.

Notre expérience est par ailleurs que, même sans prise du pouvoir, des transformations circonscrites mais profondes de l’ordre capitaliste peuvent s’imposer et perdurer dès lors qu’elles sont majoritairement soutenues. Ainsi, la séparation de l’Église et de l’État en 1905 a engagé un mouvement de recul très important de l’aliénation des consciences sur laquelle s’appuyaient les classes dominantes. La Sécurité sociale a fait sortir de la logique capitaliste un pan considérable de la satisfaction des besoins de santé et de protection sociale, dont la valeur représente aujourd’hui l’équivalent du budget de l’État. Le statut de la fonction publique a instauré les débuts d’un régime de salaire à vie pour des millions de salariés, assurant leur sécurité professionnelle tout en les libérant du marché de l’emploi. Et la loi Veil de 1975, malgré tous les efforts des forces conservatrices, a joué un rôle majeur dans l’émancipation des femmes. De telles transformations, que Jaurès aurait qualifiées de « réformes révolutionnaires », sont aujourd’hui encore « hégémoniques » dans les esprits, au point que l’immense vague néolibérale, réactionnaire et puritaine, qui balaie notre pays comme le monde entier depuis plus de quarante ans, n’a pas pu les rayer de la carte.

Ainsi, sans réduire la « révolution » à la seule prise du pouvoir, mais avec l’objectif d’une transformation radicale, se dessine la possibilité de ce que Marx, repris par Jaurès, appelait une « évolution révolutionnaire » qui abolit progressivement et durablement les mécanismes capitalistes d’un nombre croissant de domaines. La condition décisive de ce processus est le soutien populaire conscient et actif. Dès lors, le rôle essentiel d’un parti révolutionnaire devrait être de travailler à rendre hégémoniques à leur tour de nouvelles transformations « postcapitalistes » dont l’exigence s’exprime déjà dans la société par des luttes ou des pratiques alternatives à l’ordre social actuel.

Il en va ainsi de l’objectif de réduire massivement la durée du travail et d’élever le niveau des qualifications grâce au développement foudroyant des nouvelles technologies ; ou du développement du secteur coopératif, qui fait de chaque travailleur un copropriétaire de l’outil de travail et un codécideur dans l’entreprise ; de l’extension de la gratuité — c’est-à-dire la suppression des frais d’utilisation grâce à un financement socialisé — qui existe déjà pour certains services publics ; ou encore de l’extension d’un régime de salaire à vie à l’ensemble des travailleurs et travailleuses. C’est de façon générale dans ce sens, comme nous le disons plus haut, que nous devons donner la priorité absolue à la bataille idéologique, véritable nerf des luttes de classe, appuyant les mobilisations et initiatives visant à mettre fin au règne du capital sur les entreprises et le système financier, à démarchandiser la force de travail, à démocratiser réellement la République, à transformer l’Europe, etc.

Nous pourrons ainsi rendre à ses acteurs et actrices la maîtrise du processus révolutionnaire et concentrer l’essentiel de nos moyens et de nos efforts sur la conquête des esprits, enjeu décisif de l’affrontement de classes. En toutes circonstances – mobilisations, élections et vie institutionnelle, initiatives citoyennes et expériences alternatives, débats publics… – notre rôle de parti révolutionnaire doit être « d’aiguiller » le mouvement en l’éclairant sur le sens et la force de ce qu’il entreprend lui-même. Ce qui revient à inverser l’ancienne conception : non pas décider voire faire à la place des travailleurs, mais soutenir, nourrir et travailler à donner sens à ce qui se développe déjà dans le mouvement populaire.

Il s’agit donc d’un processus révolutionnaire de type nouveau qui ne fait pas dépendre les grandes transformations sociales de la seule « prise du pouvoir » centrale ni même de résultats électoraux favorables. La conquête de chacune de ces nouvelles « réformes révolutionnaires », jusqu’à leur inscription dans la loi, s’imposera parce qu’elle sera exigée par une majorité tellement importante que même des gouvernements qui y seraient sans cela farouchement opposés devront s’y résoudre, voire les engager eux-mêmes, pour ne pas perdre le pouvoir. C’est ce qui vient encore de se passer sous nos yeux avec la proposition d’E. Macron, le plus libéral des libéraux, d’un statut de l’entreprise qui ne se réduise pas à celui d’une société de capitaux, soit une idée avancée par les communistes – sans beaucoup d’efforts pour la porter, il est vrai – depuis 2001. Il n’y a évidemment rien à attendre de cette proposition du Président de la République, qui fera tout pour qu’elle reste sans aucun effet réel. Mais elle montre que la loi exclusive de la finance qui gouverne les entreprises fait grandir dans la société un rejet et une exigence de changement qui l’oblige à cette manœuvre en recul : « quand une idée s’empare des masses, elle devient une force matérielle ».

Pas plus qu’hier, les tenants du capitalisme ne se résigneront à de telles réformes sans mener bataille par tous les moyens possibles. Un tel processus suppose donc des mobilisations sociales puissantes et une intense bataille des idées. Il sera certainement long et difficile : qui pourrait imaginer le contraire ? Mais il peut s’appuyer sur la force depuis longtemps grandissante dans notre société de l’aspiration à prendre ses affaires en main et à s’approprier la maîtrise de sa vie et du destin collectif. En témoignent la multiplication des associations d’usagers dans les services publics, le mouvement complexe de l’Économie Sociale et Solidaire, la vigueur du mouvement associatif en tous domaines, la revendication lancinante de nouveaux droits et pouvoirs des salariés dans les entreprises, le rejet ultra-profond du modèle délégataire — c’est-à-dire dépossédant — de démocratie parlementaire, la crise des organisations politiques ou syndicales verticales, le mouvement « Me Too », les mobilisations et les luttes pour la dignité, la vérité et la justice dans les quartiers populaires, et même l’écho profond dans l’opinion de mouvements comme Occupy Wall Street ou Nuit debout qui revendiquent le droit à la parole égale et autonome.

C. Les enjeux de pouvoirs

Rendre hégémonique dans les esprits de grandes « réformes révolutionnaires » doit donc devenir notre priorité stratégique. Mais nous tomberions dans une nouvelle erreur si nous poussions le raisonnement jusqu’à l’absurde en affirmant, comme certains groupes gauchistes : « élections, piège à cons ». Des entreprises aux institutions, si les prises de pouvoirs à tous les niveaux (local, national et européen) ne permettent pas à elles seules une transformation sociale révolutionnaire, elles peuvent avoir une influence importante sur le contexte des luttes des classes dominées. En effet, celui-ci peut être plus ou moins favorable ou défavorable selon que les pouvoirs en place leur mènent une guerre féroce — comme Macron aujourd’hui et hier son modèle Mme Thatcher — ou qu’au contraire leur orientation tend à les rendre moins difficiles. À tous les niveaux, les institutions constituent par ailleurs des tribunes pour les positions défendues par les élu·e·s révolutionnaires ou au moins progressistes. En outre, les élections sont des moments importants de politisation dans la mesure où elles mobilisent les esprits — y compris ceux d’un grand nombre d’abstentionnistes — et stimulent le débat public, malgré un système médiatique profondément antidémocratique.

La conquête de capacités d’interventions à tous les niveaux, même si elle n’a plus le caractère central et décisif que lui attribuait la conception de la révolution par la prise du pouvoir d’État, fait au demeurant partie de la « guerre de positions » (Gramsci) qui permet aux classes dominées de jouer un rôle croissant et d’opposer dans tous les domaines des choix et des logiques alternatives à ceux du capitalisme (les effets de ce que l’on a nommé le « communisme municipal » en attestent). Et cela, jusqu’à ce que s’impose la nécessité d’un nouveau système institutionnel et politique adaptant l’organisation des pouvoirs à l’ordre social émergent, comme ce fut le cas pour la bourgeoisie face à « l’Ancien Régime ». L’objectif d’une Assemblée constituante, non pas comme objectif ultime mais comme moyen de rendre aux citoyen·ne·s la maîtrise de tous ces pouvoirs, prend alors tout son sens.

Mais contrairement à ce que nous avons fait notamment avec la stratégie « d’union de la gauche », nous devons renoncer définitivement à l’illusion consistant à croire que des positions électives ou gouvernementales pourraient justifier notre participation à des majorités menant des politiques conservatrices ou libérales. Nous avons lourdement payé le prix de telles expériences : écœurement, colère et démobilisation.

III. Notre stratégie politique : la question du rassemblement

Comme le fait la proposition de « base commune » du Conseil national, Pierre Laurent définit notre « parti-pris stratégique » comme « le combat qui permet, en toutes circonstances, au mouvement réel de la société de pousser le plus loin possible ses potentialités transformatrices ». On ne peut qu’être d’accord avec cette idée générale qui est de fait la nôtre depuis que nous avons abandonné la « dictature du prolétariat ». Mais toute la question est de savoir comment la mettre en œuvre, et surtout, comment articuler notre présence dans les luttes et nos batailles idéologiques avec une stratégie rendant crédible la perspective d’une alternative politique. Or le dernier demi-siècle nous pose de ce point de vue de très sérieux problèmes puisque, successivement, la stratégie d’Union de la gauche, puis celle du Front de gauche, se sont soldées par des échecs. De notre point de vue, cela oblige à faire une analyse critique de ces stratégies non pas seulement depuis 2009, en ne réfléchissant finalement qu’à la période du Front de gauche, mais depuis les années 60 et notre combat pour l’Union de la gauche.

Un point fait très largement accord dans le Parti: sans rassemblement de toutes celles et ceux qui ont intérêt à l’abolition de toutes les formes de domination, il n’y a pas de majorité possible. Personne en effet n’imagine que tout le monde pourrait dans une société comme la nôtre se rassembler derrière un même drapeau. En revanche, il y a débat sur deux points principaux : le périmètre et la forme du rassemblement.

A. Nos alliances avec la social-démocratie et la question de notre crédibilité

Le rassemblement de la gauche — c’est-à-dire de toutes les forces qui se battent et pour l’égalité et pour la liberté — est une nécessité pour créer une alternative antilibérale et pour s’opposer à la droite et à l’extrême droite. Mais on sait qu’il y a à gauche depuis toujours des forces qui visent une simple adaptation du capitalisme, et d’autres, dont nous sommes, qui pensent qu’il faut une profonde transformation anticapitaliste de la société.

L’une des principales leçons qu’il faut tirer de nos alliances électorales de longue date avec le Parti socialiste est qu’elles ont brouillé notre visibilité et notre crédibilité révolutionnaire. Notre affaiblissement s’est aggravé du fait qu’après des décennies d’Union de la gauche, nos zigzags et nos alliances à géométrie variable ont désorienté l’électorat populaire, qui a fini par ne plus savoir si nous combattions réellement la dérive néolibérale du PS, ou si nous nous y résignions. Le résultat est que, loin de pouvoir identifier en nous un recours, le vaste mouvement qui balaie un peu partout en Europe les partis social-démocrates ne nous a pas épargné. Sauf à être emportés nous-mêmes par cette vague de discrédit, nous ne pouvons poursuivre des accords électoraux avec les forces social-démocrates — au-delà de ceux qui visant à battre la droite et l’extrême droite — que lorsque les rapports de force garantissent la mise en œuvre de politiques anticapitalistes permettant une nette amélioration de la vie des classes dominées. Dans nos rapports avec le PS, ce n’est plus le cas depuis longtemps.

B. Pour un « Front commun » de toutes les forces de transformation sociale

Dès lors que notre affaiblissement s’est accompagné du développement d’autres forces critiques du capitalisme, notre stratégie doit viser à les faire converger pour leur donner, ensemble, un poids politique suffisant. C’est ce que nous avons commencé à faire après 2002, notamment lors de la bataille du référendum de 2005 puis avec le Front de gauche. Mais nous n’avons pas pu ou voulu tenir ce cap.

La nécessité de faire converger les forces de transformation sociale est aujourd’hui une évidence politique. Leur division a conduit à l’éparpillement et à l’impuissance entre 1988 et 2007. Leur rassemblement dans le Front de gauche en 2009 a rendu possible, malgré nos hésitations, l’essor d’une dynamique nationale et des résultats électoraux sans équivalent depuis Jacques Duclos en 1969. Mais sous sa forme d’un cartel de sommet, tenant à distance les citoyen·ne·s, cette expérience a fini par échouer elle aussi. Nous portons notre part de responsabilité dans cet échec. Nous n’avons pas voulu investir pleinement le Front de gauche et créer les conditions d’un véritable élargissement à celles et ceux qui se considéraient comme Front de gauche sans pour autant vouloir en rejoindre une des composantes.

Nous n’avons pas non plus fait le choix d’une démarche cohérente sur le plan national, donnant à voir une ambition et être identifié clairement. Nos stratégies à géométrie variable en fonction des scrutins et des territoires nous ont rendus illisibles et ont cassé la construction d’une dynamique de rassemblement durable sur le plan national. Pendant le quinquennat de François Hollande, nous avons commis des erreurs d’appréciation sur la situation politique — non seulement sur ce qu’était devenu le PS, mais aussi sur l’évolution d’une part de ses électeurs, et sur l’ampleur de son rejet par l’électorat. En délaissant le FdG dans de nombreux scrutins locaux et en privilégiant les frondeurs du PS au niveau national, nous avons laissé en friche un espace où la France insoumise a pu se développer. Cette erreur d’appréciation sur la réalité politique dans le pays a entraîné un sérieux désaccord stratégique puisque, alors que la direction de notre parti cherchait un impossible rassemblement de toute la gauche, Jean-Luc Mélenchon voulait une rupture claire avec un PS en plein discrédit. L’impasse est venue de l’impossibilité d’apporter une solution à ce différend, conduisant à la rupture.

La dynamique de la campagne de JLM en 2017 va bien au-delà de celle de 2012, en particulier dans l’électorat populaire, celui-là même qui a eu le plus à souffrir des renoncements du PS. Un électorat qui, même si sur quelques territoires il le recoupe, dépasse bien largement le cadre du vote communiste. Cela doit nous interroger sur les ressorts de cette dynamique, sur les motivations profondes de ce vote.

Malgré l’échec, le Front de gauche est une expérience politique qui a montré des potentialités. Il est donc nécessaire de la reprendre pour aller au-delà et faire de notre parti un outil au service d’une nouvelle forme de rassemblement des forces de transformation sociale. Dans le respect d’un socle commun, un tel rassemblement doit garantir à chacune de ces forces la complète liberté de ses propres combats – pour nous, porter l’ambition communiste – et contribuer ainsi à la dynamique générale. Il doit leur permettre de mener ensemble les batailles qui leur sont communes et de proposer des programmes et des candidatures d’union lorsque les circonstances et le système électoral l’exigent. C’est ce que nous appelons un « Front commun », espace politique de bouillonnement des partis, mouvements, citoyen·ne·s, intellectuel·le·s, artistes, personnalités au service de la mobilisation populaire.

Dire que Jean-Luc Mélenchon n’est pas prêt aujourd’hui à s’engager dans une telle démarche est une réalité, mais aussi l’aveu d’un manque de propositions et d’initiatives nouvelles de notre part pour répondre aux attentes actuelles des citoyens d’autres façons de faire de la politique et de se rassembler. « L’union est un combat », et si nous ne le menons pas, la division, l’éclatement et l’impuissance continueront de dominer. Parce que les communistes ont toujours l’objectif, comme le disaient Marx et Engels, de représenter les intérêts du « mouvement prolétarien » dans sa totalité, il leur appartient une fois de plus de proposer des formes qui permettent la convergence des forces de transformation sociale. Le communisme politique en France n’a jamais été aussi fort et utile que lorsqu’il a été capable, dans les conditions du moment, de porter une perspective de rassemblement. Cela implique, avec lucidité et ambition, de faire vivre culturellement et politiquement ce nouveau rapport aux autres !

C. Un audacieux travail de rassemblement

La géographie de la gauche est totalement chamboulée et l’émergence et l’installation dans le paysage de LFI appellent de notre part à prendre en compte une réalité assez inédite. Inédite, par exemple, par la faiblesse globale de la gauche (moins de 30 %), ce qui impose un effort de reconquête sans précédent. Inédite aussi parce que pour la première fois depuis des décennies, c’est bien un projet clairement antilibéral qui est arrivé en tête de la gauche et qui a rassemblé l’essentiel de l’électorat de la gauche de transformation sociale.

Dans cette phase post présidentielle nous sommes donc confrontés à une reconfiguration sans précédent de la gauche. LFI veut y confirmer une place prédominante à l’occasion des prochaines européennes — un scrutin qui peut lui être favorable, mais qui masque un défi qui sera incontournable pour elle : celui des municipales, départementales, régionales de 2020 et 2021. Si LFI ne fait pas la démonstration qu’elle peut être utile pour gagner, alors elle peut connaître un fort mouvement de reflux d’ici les échéances de 2022 et prendrait la responsabilité d’une désespérance supplémentaire à gauche.

Aujourd’hui les hommes et les femmes que nous ambitionnons de contribuer à rassembler sont éparpillé·e·s. Les repères politiques sont parfois confus et l’image de la gauche est très abîmée auprès d’une large part d’entre-eux. L’Appel pour le 26 mai est l’illustration d’une gauche très diverse, et en même temps des millions d’exploité·e·s ne s’y retrouvent pas ou sont en attente. Il est nécessaire d’œuvrer au rassemblement le plus large de ces hommes et femmes et des organisations qui, pour une partie, les incarnent.

Autant nous considérons que les forces de transformations sociales doivent se rassembler, et que LFI y a évidemment sa place, autant nous sommes persuadés que ce rassemblement ne pourra se faire sans un Parti communiste absolument indépendant et vigoureux. Nous avons donc une double responsabilité: travailler inséparablement à un nouvel essor de notre Parti, et à la construction du Front commun permettant de recréer l’espoir.

Pour cette raison, tourner le dos à la FI au motif que J.-L. Mélenchon ne veut pas aujourd’hui de rassemblement à gauche reviendrait à abandonner notre électorat historique et serait pour nous suicidaire. Nous devons au contraire nous battre pour la mobilisation et l’élargissement de l’électorat qui aspire à une profonde transformation sociale, et donc pour un rassemblement avec la FI et toutes les forces décidées à mettre en cause l’ordre néolibéral. Dans ce combat pour l’union, comme au sein du rassemblement politique qu’il vise à construire, nous devons critiquer sans concession les tentations populistes, mener tous les débats qui le traversent et faire avancer les positions communistes.

D. Les échéances électorales à venir : européennes, municipales et au-delà

Créer les conditions de nombreuses conquêtes électorales de la gauche de transformation sociale implique de lancer pour les prochaines échéances électorales une grande bataille politique pour des listes de rassemblement. Les élections européennes de 2019 et les municipales de 2020 sont l’occasion de tourner la page des divisions qui ont lourdement hypothéqué les législatives de l’an dernier. Nous avons tous fait l’expérience du coût politique et électoral des luttes fratricides qui les ont marquées : nous-mêmes avec le pire résultat en nombre de voix de notre histoire ; la France Insoumise avec un score très inférieur au potentiel qui s’était exprimé au premier tour de la présidentielle. Depuis, les élections législatives partielles ont confirmé cette réalité.

1. Les élections européennes de 2019 : des listes transnationales rassemblant toutes les forces de la gauche antilibérale en Europe

Dans ces conditions il est catastrophique de décider en l’état la constitution de notre propre liste aux élections européennes, même si cette décision est aujourd’hui assortie de l’annonce très vague de notre disponibilité « pour travailler à la jonction de cette liste avec d’autres forces sur des objectifs convergents de transformation de l’Europe ». Allons-nous faire le choix du solo funèbre qui, compte tenu de la règle des 5%, nous condamnerait plus que probablement à n’avoir aucun·e élu·e au Parlement européen ? Nous pensons au contraire que c’est une urgence absolue de faire une proposition audacieuse et hardie de listes transnationales rassemblant l’ensemble des forces de la gauche antilibérale en Europe.

Rappelons-nous que les différences de position entre les diverses composantes de la gauche antilibérale ne portent pas fondamentalement sur la nécessité d’autres politiques européennes, mais sur la stratégie permettant de les rendre possibles. Le rejet de l’actuelle construction européenne est si profond et même violent que réussir à rassembler dans la même démarche toutes les forces de la gauche antilibérale en France et en Europe, pourrait être un électrochoc capable de changer complètement la donne. Nous proposons donc que notre Parti lance à toutes ces forces la proposition de listes communes coordonnées à l’échelle de l’Union européenne. Et que nous menions une bataille de dimension européenne afin d’en faire grandir l’exigence.

2. Les municipales de 2020 : lancer des assemblées citoyennes et franchir un nouveau pas vers un « Front commun »

Les élections municipales sont celles qui suscitent le plus fort investissement citoyen. Après les européennes, elles peuvent donc constituer, si nous en décidons ainsi, un nouveau grand moment de retrouvailles et de convergence entre toutes les forces politiques et citoyennes, avec toutes les femmes et tous les hommes qui veulent s’opposer à la politique d’E. Macron. Les raisons d’engager cette convergence ne manquent pas : le démantèlement de la démocratie locale, la réduction des moyens des collectivités territoriales et les coupes insupportables dans les services publics. Là aussi, l’idée vague de rassemblement à géométrie variable nous rendrait une nouvelle fois complètement inaudibles et préparerait une nouvelle catastrophe électorale.

Ces élections municipales peuvent au contraire conduire à de grands succès si elles permettent de nourrir l’espoir à gauche en franchissant un nouveau pas vers la construction d’un « Front commun » beaucoup plus large que le Front de gauche, permettant l’implication concrète des citoyen·ne·s et leur contrôle constant du processus politique et électoral. En y jouant pleinement son rôle de fédérateur des forces de changement, notre parti y retrouvera visibilité, crédit et attractivité et ne peut qu’en sortir renforcé.

Nous proposons donc de lancer dès maintenant la constitution d’assemblées citoyennes locales visant à préparer cette échéance, d’y inviter toutes les forces de la gauche antilibérale ainsi que toutes les associations et mouvements citoyens, et de mener activement campagne pour convaincre et faire avancer ce projet.

3. Les élections de 2021 et 2022 : une préparation citoyenne inédite

Là aussi, la poursuite d’alliances à géométrie variable nous rendraient une nouvelle fois complètement inaudibles. Les élections départementales et régionales de 2021 doivent nous permettre de faire exister et ancrer dans le paysage politique le « Front commun » capable de recréer l’espoir à gauche, et de développer une nouvelle dynamique de mobilisation et d’implication citoyennes. Sur ces bases, les élections présidentielle et législatives de 2022 pourraient se préparer de façon tout à fait nouvelle : avec le concours de toutes les forces politiques parties prenantes, et sous le contrôle des citoyen·ne·s engagé·e·s dans cette démarche et qui garderaient de bout en bout – stratégie, programme, candidatures – la maîtrise du processus.

IV. Pour un parti ouvert, démocratique de fond en comble, divers et uni

Un « Front commun » serait stérile sans un renforcement significatif du Parti communiste — un Parti communiste renforcé qui puisse mener librement son combat pour le dépassement du capitalisme. Mais quel Parti communiste ? La stratégie révolutionnaire visant à permettre l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes suppose une forme d’organisation bien différente de celle qui prétendait remettre la direction du mouvement prolétarien à un parti d’avant-garde. L’essentiel du pouvoir était alors donné à des dirigeants conçus comme les gardiens du « socialisme scientifique », alors que l’appareil du parti avait pour tâche de relayer les consignes de la direction jusqu’aux militant·e·s et aux « masses ». Désormais, il faut au contraire partir de la capacité des femmes et des hommes engagés dans les luttes postcapitalistes à maîtriser eux-mêmes le processus de transformation sociale dans toutes ses dimensions.

A. Pour un parti de « l’intelligence collective » et de la souveraineté militante

La notion d’intellectuel collectif n’est pas nouvelle. Le texte proposé par le CN en parle à nouveau, mais il continue de l’entendre comme le fait de faire partager au plus grand nombre, à l’intérieur et à l’extérieur du parti, les analyses et les propositions élaborées centralement par la direction du Parti ou les commissions nationales. À une époque où le « prolétariat » était très majoritairement peu éduqué, il y avait ceux qui savaient et décidaient, et ceux qui devaient apprendre et exécuter. Gramsci avait même théorisé le fait que, dans ces conditions, la classe ouvrière devait s’assurer le concours « d’intellectuels organiques » qui lui étaient nécessairement extérieurs.

Aujourd’hui, en revanche, quand les trois quarts de chaque génération nouvelle atteint un haut niveau d’éducation et que les intellectuel·le·s les plus qualifié·e·s sont dans leur masse victimes de l’exploitation capitaliste, cette conception est obsolète. Les classes dominées disposent désormais en leur propre sein des capacités et de l’ensemble des savoirs leur permettant de comprendre les ressorts de la domination qu’elles subissent et d’inventer les moyens de la combattre. Par conséquent, la fonction d’un parti révolutionnaire, et même de sa direction, doit changer. Elle n’est plus de penser et décider à la place des dominé·e·s, mais de contribuer par tous les moyens possibles à ce qu’elles et ils pensent et décident directement.

La structure pyramidale permettant de faire « descendre » le savoir et les décisions du haut en bas doit laisser la place à une forme beaucoup plus ambitieuse d’organisation permettant à chacun·e de celles et ceux qui sont engagé·e·s dans les luttes postcapitalistes de contribuer à l’intelligence collective et de prendre ensemble toutes les décisions. Il s’agit donc aujourd’hui de donner un sens très concret à l’idée de l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes. Leur souveraineté ne doit pas être déléguée : partout et à tous les niveaux, du local au national et au-delà, la conduite du mouvement de transformation révolutionnaire de la société doit se trouver directement entre les mains de celles et ceux qui sont engagé.e.s dans l’action.

B. Pour une autonomie renforcée des sections, dans le respect des orientations nationales

Dès lors, le niveau le plus décisif de l’organisation est celui qui se trouve directement en relation avec les mobilisations. C’est là qu’il est possible d’en apprécier les conditions concrètes pour participer aux choix des objectifs et des formes d’action, d’en mesurer les résultats et d’en tirer les leçons. C’est aussi à ce niveau que peuvent se tisser les relations personnelles qui sont aujourd’hui comme hier une dimension-clé du lien de confiance qui doit se construire entre un parti révolutionnaire et les classes populaires.

Aujourd’hui ce lieu de proximité existe : c’est la section. C’est là, et non au somment, que tout doit se débattre et se décider démocratiquement, depuis les choix concernant l’action immédiate et locale jusqu’aux orientations politiques fondamentales rassemblant toutes celles et ceux qui entendent faire vivre un parti communiste. C’est pourquoi il faut donner aux sections une place plus importante, notamment au moyen de congrès composés de délégué·e·s de sections et non plus de délégué·e·s départementaux. L’échelon départemental doit se limiter à son rôle de coordination et de mutualisation de l’activité des sections.

Les sections et les communistes en lien avec elles agissent dans le respect des orientations fondamentales et des choix stratégiques décidés nationalement lors de nos congrès. À l’intérieur de ce cadre, chaque section, ou les communistes en lien avec elle, peut prendre l’initiative de s’engager dans des collectifs « de base », locaux ou thématiques. Chaque collectif doit donc avoir la maîtrise souveraine de sa propre action et une pleine capacité à se lier avec d’autres pour agir ensemble à l’échelle d’un territoire ou d’un enjeu. Lorsque c’est le cas, chaque collectif de base concerné désigne tout aussi souverainement ses délégué·e·s à un niveau plus large, non pas pour diriger mais pour coordonner l’action et pour s’y exprimer au nom du Parti. Mais toutes les décisions qui y sont nécessaires doivent être prises par l’ensemble des participant·e·s aux collectifs « de base » engagés dans l’action, en recourant lorsque c’est nécessaire au débat et au vote électronique, ou en organisant des congrès locaux qui peuvent être rapides et consacrés à du travail précis sur des ordres du jour limités.

C. Construire le commun de bas en haut

Le principe fondamental de souveraineté des femmes et des hommes engagés dans l’action pourra donc avoir pour conséquences des choix différents d’une lutte à l’autre, d’un endroit à l’autre, en fonction des circonstances, des enjeux et des expériences. La cohérence d’ensemble relève de l’exigences de respect des orientations décidées nationalement lors des congrès. Et la diversité des choix locaux, dans la limite du respect du cadre national, doit aussi permettre de construire de l’expérience et de la réflexion communes, ainsi que des choix communs.

En toutes circonstances, ce commun doit se construire du bas vers le haut. Là où la direction du Parti (Conseil, Comité exécutif ou Secrétariat national) dirigeait avec l’aide de commissions qu’elle-même désignait dans les différents domaines (économie, éducation, culture, politique extérieure, etc.), toutes les décisions doivent désormais être prises par l’ensemble des communistes, soit par des congrès nationaux qui peuvent être des réunions de travail sur des objets précis et limités, soit par des votes de tous les adhérent.e.s.

Dès lors, les « commissions nationales » doivent être remplacées par des collectifs spécialisés composés de délégués démocratiquement désignés par les collectifs locaux équivalents. Ces collectifs seront chargés non pas de conseiller la direction mais de préparer la prise de décisions des communistes et d’en organiser la mise en œuvre. Les « dirigeants·e·s » doivent laisser la place à des porte-paroles élu·e·s (et le cas échéant révoquables) par les collectifs spécialisés. Comme dans le cas de l’activité des sections, l’unité du Parti sera assurée par la constitution d’un socle de choix et d’orientations communes que les communistes élaborent en congrès nationaux et qu’elles et ils s’engagent à respecter.

Cette dynamique demande à ce que l’horizontalité soit appuyée par des outils nouveaux, simples et accessibles, rendus possibles par la révolution numérique. Celle-ci doit contribuer à la transformation de notre Parti pour œuvrer à un communisme 2.0.

D. Pour un parti plus ouvert aux non adhérent·e·s

Lorque l’appareil du Parti avait pour fonction essentielle de faire partager des orientations décidées « en haut », la qualité d’adhérent·e — et plus encore des responsables aux différents niveaux — a longtemps été soumise à des conditions et contrôlée par les directions. Aujourd’hui, il suffit de décider d’adhérer et de payer une cotisation pour disposer des « droits de l’adhérent·e ». Pour autant, le Parti reste encore une organisation relativement fermée dont toutes les décisions sont réservées à celles et ceux qui en ont la carte et payent leur cotisation.

Or, si l’émancipation des travailleurs et travailleuses doit être l’œuvre des travailleurs et travailleuses elles-mêmes, on ne peut réserver la conduite du mouvement de transformation sociale aux seul·e·s travailleur·euse·s qui décident, à un moment donné, d’être membres du Parti. Toutes celles et ceux qui décident de participer à une action politique, même limitée à un sujet particulier, doivent pouvoir, adhérent·e ou pas, participer aux choix relatifs à l’action menée. Cela signifie que les collectifs de base doivent être en permanence ouverts aux citoyen·ne·s qui veulent agir avec les communistes, et qu’elles et ils doivent pouvoir participer à tous les choix liés à leur action.

En revanche, en application du principe général selon lequel chacun·e participe aux choix relatifs aux actions qu’il ou elle mène concrètement, les décisions concernant, d’une part, l’organisation même du Parti communiste — son fonctionnement, sa vie matérielle et financière, la désignation de ses porte-paroles, etc. — et, d’autre part, les structures du Parti — section, fédération, conseil national —, relèvent de la souveraineté des adhérent·e·s qui font vivre le Parti par leur cotisations.

E. Donner aux communistes les moyens pour agir

Dans un monde de plus en plus complexe, où tout va de plus en plus vite, il faut être en capacité d’aider les communistes à être tout à la fois réactifs et utiles dans le débat public et dans la prise d’initiative.

Cela passe par un effort sans précédent pour atteindre les objectifs suivants :

  • Rendre lisibles et audibles nos propositions. L’exhaustivité en la matière est l’ennemi de la visibilité. Nous dégagerons quelques propositions-phares qui puissent identifier et donner à voir l’ambition des communistes.
  • Engager un vaste travail d’éducation populaire avec des outils adaptés (argumentaires, supports vidéos comme « On vous fait un dessin », etc.)
  • Retrouver un savoir-faire militant via un dispositif de formations, d’appropriation des nouveaux supports et d’animation de l’activité militante.
  • Il y a plus d’un siècle le mouvement ouvrier, dans sa diversité, n’a eu de cesse d’essayer de créer un média de masse. L’Humanité est la traduction de cette volonté. Aujourd’hui dans les conditions actuelles, avec le développement des réseaux sociaux et des médias numériques, la question se pose de l’existence d’un média internet nouant un rapport existentiel de même nature que celui qui nous lie à l’Humanité. En lien avec l’Humanité, ce défi nous voulons le relever !

F- Rassembler la force communiste

Avec plusieurs dizaines de milliers d’adhérent.e.s, le collectif militant du Parti est encore une force qui compte. Mais il n’y aura pas de « printemps du communisme » si les adhésions à notre Parti ne se renforce pas considérablement. La profonde transformation de nous-mêmes que nous engageons doit donc s’accompagner d’une vaste campagne d’adhésions qui devra se développer en s’appuyant sur la mise en pratique concrète de nos changements. Dans ce sens, nous devons en particulier lancer un appel aux très nombreux camarades qui, démotivé·e·s et parfois désespéré·e·s, ont quitté le Parti dans les années et même les décennies passées. C’est dans le dialogue avec elles et eux, comme avec celles et ceux — notament les jeunes — qui ne voient pas aujourd’hui en nous le cadre attractif qui pourrait répondre à leur besoins d’engagement, que nous trouverons les moyens de répondre à leurs attentes. Et de rassembler ainsi la force communiste dont notre peuple a besoin.

Conclusion

Les communistes s’apprêtent à faire un choix crucial. Très affaibli, notre Parti est maintenant confronté à une nouvelle situation puisque la France Insoumise, qui se réclame du populisme, a réussi à rassembler l’essentiel de l’électorat qui nous faisait confiance voici 40 ans. Cette force politique est bien différente de nous et ne saurait jouer le rôle qui devrait être le nôtre. Mais l’Histoire ne repasse pas les plats. Ou bien nous réagissons maintenant, alors qu’il est encore temps, pour retrouver une place importante dans la vie politique de notre pays ; ou bien nous nous condamnons à ne plus compter, et le communisme risque fort d’être absent du combat politique pour de nombreuses années, au moment où le besoin en est le plus grand.

Nous sommes des communistes divers, et n’avons pas ces dernières années toujours fait les mêmes choix. Mais nous pensons toutes et tous, comme l’avait décidé le congrès de 2008, que la nouvelle époque dans laquelle nous sommes entré·e·s exige un travail de réinvention de nos analyses, de notre projet et de notre Parti. C’est pourquoi nous proposons avec cette « base commune » alternative une nouvelle conception du communisme, du processus révolutionnaire, de la stratégie et de notre organisation. Elle se donne des objectifs précis et ambitieux pour les années à venir, et nous pensons qu’une grande majorité de communistes peut s’y retrouver. Nous avons la ferme volonté de travailler dans ce sens avec toutes et tous les communistes, jusqu’au congrès et évidemment au-delà, à sortir notre Parti de l’ornière et à ouvrir un nouveau chemin pour notre combat.

Les communistes ne doivent pas baisser les bras. Ils doivent au contraire avoir confiance en elles et en eux. L’histoire est en train de prendre un nouveau cours. Derrière les allures jupitériennes de l’aventure Macron, le rejet des politiques libérales est profond. En France comme en Allemagne, en Italie et ailleurs, ni la droite ni la gauche « de gouvernement » ne peut plus gouverner à elle seule. Ce rejet ira en s’approfondissant, et nous avons la conviction que seules des ruptures avec les logiques capitalistes au profit de logiques communistes permettront de dénouer cette crise politique majeure. C’est à nous de porter haut et fort cette perspective. En nous donnant les moyens de jouer le rôle historique de faire renaître l’espoir dans la pratique et la théorie communistes, notre Parti peut avoir un plus grand avenir que jamais.

Réinventons-nous !

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Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

Les adhérents du PCF avaient jusqu’à hier pour choisir un texte servant de base commune en vue du congrès extraordinaire le moi prochain. En optant pour le texte alternatif « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle » mené par André Chassaigne, ils ont sanctionné la direction de Pierre Laurent et les orientations prises ces dernières années.

André Chassaigne

Le résultat du vote a mis en avant un texte d’opposition qui va dans le sens de la sauvegarde à tout prix du « parti ». Le contexte est celui de la bataille du PCF pour sa survie dans le cadre de la recomposition de la Gauche, et beaucoup considèrent qu’il y a péril en la demeure.

Dans le fond, ce qui y est dit par l’opposition n’est pas très différent de la base commune qui était proposée par la direction. Les divergences concernent surtout des choix stratégiques et politiques.

Le texte de la direction avait déjà été adopté avec difficulté au Conseil National par 49 sur 91 votants et 168 membres, montrant de nombreuses tensions internes. Cette fois, il a été rejeté largement par la base des militants avec seulement 11 461 votes (38%) contre 12 719 voix (42%) pour le principal texte d’opposition.

La proposition alternative « Pour un printemps du communisme », qui représente une minorité favorable à La France Insoumise, a réuni pour sa part 3 607 votes (12%) et celle de la minorité « orthodoxe » intitulé « PCF : Reconstruire le parti de classe », a réunit 2 385 voix (8%).

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Ce que reproche la base à la direction, c’est surtout d’avoir affaibli le PCF et de risquer sa déliquescence. Le choix de l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon dans le cadre du Front Gauche a en effet surtout servi de tremplin à des ambitions personnelles.

L’absence d’un candidat « communiste » au profit de Jean-Luc Mélenchon lors des dernières élections Présidentielles a ensuite été vécue comme un échec terrible par un certain nombre de militants. Le très faible score aux dernières élections législatives (2,72%) n’est ainsi pas tant compris comme un échec sur le plan idéologique mais le résultat de mauvais choix incarnés par Pierre Laurent.

Celui-ci pourrait d’ailleurs démissionner avant même le congrès qui aura lieu fin novembre. Plusieurs fédérations très fortes ont en effet largement voté contre la direction, notamment dans le Pas-de-Calais, qui est la plus importante :

– Le Val de Marne (2343 inscrits) avec 446 votes pour la base commune et 770 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Nord (2679 inscrits) avec 307 votes pour la base commune et 1020 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Pas-de-Calais (2876 inscrits) avec 51 votes pour la base commune et 1414 pour le « manifeste du XXIe siècle ».

Il faut remarquer par contre que la direction a été très soutenue dans deux fédérations importantes :

– La Seine-Saint-Denis (2096 inscrits) avec 826 votes pour la base commune et 221 pour le « manifeste du XXIe siècle »

– Les Bouches-du-Rhône (2470 inscrits) avec 855 votes pour la base commune et 534 pour le « manifeste du XXIe siècle

Si cette mise en minorité de la direction représente quelque-chose d’important, il serait erroné de considérer pour autant que cela est un immense coup de tonnerre au sein du PCF. Il s’agit surtout d’une expression de la base réclamant des garanties quant à la sauvegarde de la structure et des traditions qu’elle représente, ou qu’elle s’imagine qu’elle représente.

Le texte vainqueur est surtout celui qui est le plus conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la fin du XXe siècle.

Pour autant, les deux « tendances » ne devraient justement pas former de tendances, mais s’unir pour proposer une nouvelle base commune de discussion en vue du congrès. L’idée étant de maintenir coûte que coûte l’unité, comme l’a expliqué le président de la Fédération Loire-Atlantique Aymeric Seassau :

« Il va falloir rapprocher les deux textes arrivés en tête […]. Il y a des ponts et des intentions comparables… Chacun a conscience que le PCF est un outil précieux et je pense que tout le monde aura à cœur de préserver le parti.»

La question qui se pose par contre est celle de la tête de liste de Ian Brossat pour les prochaines élections européennes. La position qu’il représente à propos de l’Union Européenne, qu’il défend de manière sociale-libérale, est ouvertement critiquée dans le texte « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ».

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On peut en effet y lire de manière assez tranchée :

« Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. »

Le texte reproche à la direction de ne pas avoir mené de véritable débat sur le sujet :

« Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.
Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.
De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.
Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.
Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.
Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité. »

Cependant, il ne faut pas s’imaginer que le PCF va se déchirer sur cette question. Cela fait plusieurs années déjà que le PCF accompagne la Gauche postmoderne et postindustrielle sur un certains nombres de thématiques sociétales. L’apparition de Ian Brossat n’est que l’aboutissement de ce processus. De nombreux points de vues libéraux sont assumés, comme par exemple sur la question de l’immigration, avec ces derniers jours un soutien total à l’association « SOS Méditerranée » et son navire « l’Aquarius ».

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Pendant que les militants finissaient de voter pour un texte de base commune hier, les deux figures que sont Ian Brossat (représentant la direction) et Andrée Chassaigne (représentant l’opposition) se présentaient ensemble au Sommet annuel de l’élevage à Clermont Ferrand. Cela symbolise une volonté d’unité et de relativiser le résultat du vote.

Le PCF réussira-t-il malgré ces tensions à se maintenir comme force importante de la Gauche, avec ses 50 000 adhérents ? Ou bien va-t-il devenir de plus en plus une relique du passé, se maintenant contre contre vents et marrées avec une présence seulement anecdotique à Gauche, malgré ses 50 000 adhérents ?

> La base commune de la direction : « Le communisme est la question du XXIe siècle »

> La nouvelle base commune : « Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

> Le texte de l’opposition « orthodoxe » : « PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »