A défaut de l’avenir… le passé.
L’affaire des pyramides égyptiennes censées fournir de l’électricité durant l’antiquité a défrayé la chronique en raison de la notoriété du chanteur Gims. Ses propos étaient, il faut dire caricaturaux d’un côté, avec une réinterprétation délirante du passé. Les esprits ont été marqués, au point que même EDF a publié le 20 avril 2023, dans le quotidien Le Parisien, une publicité pour surfer sur la vague.
Pourtant, l’aspect principal tenait non pas à ce délire, mais à ce qu’il était censé justifier : une critique radicale de la terrible situation du continent africain.
Ce que faisait Gims, c’était du romantisme : on idéalise le passé, afin d’exiger un meilleur futur. Si l’Afrique avait eu un passé rayonnant, alors son avenir doit l’être aussi. C’est une dénonciation du capitalisme occidental qui prend le masque de l’idéalisme.
Le souci, c’est que lorsque la forme l’emporte, on perd le fond. Et Gims a justement intégré les codes du capitalisme occidental. Malgré sa critique radicale, il est donc récupérable par le capitalisme, même occidental… Comme le montre l’intervention de Rama Yade.
Celle-ci a été très connue en France à un moment. Elle est issue de la bourgeoisie bureaucratique du Sénégal, une bourgeoisie qui vit de la soumission à l’occident. Arrivée en France, elle a fait Sciences Po, est devenue directrice adjointe des programmes puis directrice de la communication de la chaîne parlementaire Public Sénat.
Elle rejoint Nicolas Sarkozy et devint alors, à la fin des années 2000, Secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’homme, puis Secrétaire d’État chargée des sports. Elle a tenté de se présenter, sans succès, à la présidentielle de 2017, puis a quitté la France pour se mettre au service de la superpuissance américaine.
Elle a rejoint en 2021 en effet le Think tank américain Atlantic Council et œuvre à l’influence américaine en Afrique. Impossible pour elle par conséquent de rater l’épisode de Gims et elle l’a bien évidemment soutenu.
Ce n’est pas pour rien que Hollywood produit des horreurs racistes comme les films de super-héros avec la civilisation de « Wakanda », où les Noirs sont irrémédiablement… uniquement entre noirs, seulement africains, totalement soumis au tribalisme. De la même manière, Netflix a sorti une série où Cléopâtre est noire, alors qu’historiquement elle est grecque.
On est ici dans une entreprise de célébration identitaire pour relancer le capitalisme. Les délires LGBT relèvent totalement de ça.
Rama Yade, évidemment, ne parle pas des pyramides « électriques ». Elle n’est d’ailleurs pas américaine, mais sans doute française encore. Mais elle est clairement américaine dans son style, les intérêts qu’elle défend, et donc elle soutient le discours romantique réactionnaire, en parlant d’une Afrique où « l’homme est devenu bipède », où l’âge de la pierre aurait eu lieu, etc.
On est là dans l’obsession racialiste.
L’Afrique noire en est restée à un stade arriéré de l’humanité lorsque l’Europe de l’Ouest connaissait le capitalisme, ce qui a permis le colonialisme. Cela ne fait pas des blancs et des noirs des êtres humains mieux ou moins bien. Ce qui compte, c’est le cheminement de l’Humanité et peu importe que les avancées aient eu lieu à Paris, Moscou, Tombouctou ou Cuzco.
Dans l’Humanité, on avance tous ensemble, ceux qui sont en avance et ceux qui sont en retard relèvent de la même séquence. De toutes façons, à la fin du processus, on sera tous métis, il n’y aura qu’un seul pays sur Terre. Voilà ce qui compte vraiment !
Et pour compléter la séquence, il faut vaincre l’occident et son mode de vie. Comme Gims relève du mode de vie occidental, Rama Yade a pu le soutenir… Et il en a été très content : sur le réseau Twitter, il a salué son intervention. Ce qui fait de lui, devenu une partie de la solution aux problèmes mondiaux, désormais une partie du problème.
Il n’aura fallu guère de temps à Gims pour rentrer dans le rang ! Il expliquait qu’il voulait renverser l’ordre mondial, quelques semaines après il s’aligne sur Rama Yade, l’exemple même d’une personne vendant l’Afrique à la modernisation capitaliste.
On dira que c’était prévisible, que Gims est un vendu. Il y a une part de vérité, mais il faut bien saisir qu’il y a tellement d’aspects dans l’implosion de l’occident qu’on ne sait pas par où les gens vont entrer en rupture. Ni même si, une fois entrés en rupture, ils vont assumer.
Gims a ainsi échoué. Mais prenons Kémi Séba. Il est né à Strasbourg et a commencé sa carrière politique avec la « Tribu Ka », qui au début des années 2000 a développé en région parisienne une idéologie suprémaciste noire délirante et antisémite. Désormais, il a choisi de vivre en Afrique pour tenir un discours panafricaniste, fortement teinté d’anti-impérialisme, mais s’alignant en même temps sur une ligne multipolaire (celle de la Russie, voire de la Turquie).
Quand on écoute Kémi Seba, il est évident qu’il ne peut pas ne pas savoir qu’il aurait dû rejoindre la Gauche historique. Parce que tout de même se revendiquer de l’Afrique libérée en prenant comme référence René Guénon, un mystique français imaginant une « Tradition » antique, quel rapport ? Au moins, Mike Tyson s’était fait tatoué Mao Zedong, là on comprend niveau « anti-impérialisme » !
De quel côté va pencher Kémi Séba ? On ne le sait pas encore. Il a été une partie du problème, il tente de se poser en partie de la solution… Mais assumera-t-il la dialectique de l’Histoire?
Nous, nous le faisons en tout cas. Et quel dommage de voir tellement d’errements avec ces obsessions identitaires, ces illusions sur un passé fantasmé, alors que c’est l’avenir qu’il faut voir !