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Refus de l’hégémonie

Zaloujny, de chef de l’armée ukrainienne à ambassadeur

Le 8 mars 2024, le ministre des affaires étrangères polonais Radosław Sikorski expliquait qu’une intervention de l’Otan aux côtés de l’Ukraine était une très sérieuse hypothèse, afin de mettre au pas la Russie, autrement dit de la dépecer.

« La présence de forces de l’OTAN en Ukraine n’est pas impensable. J’apprécie l’initiative du président Emmanuel Macron car il s’agit de faire en sorte que Poutine ait peur et non que nous ayons peur de Poutine.

La Russie s’est révélée civilisationnellement incapable d’adopter nos valeurs, malgré nos encouragements répétés. Nous avons dû revenir au rôle initial de l’OTAN. Les Russes se définissent eux-mêmes comme un pays qui ne peut pas vivre en paix avec ses voisins. »

Cette diatribe polonaise ne doit pas surprendre, le nationalisme polonais rêve depuis des centaines d’années de prendre le contrôle de toute l’Europe de l’Est et de détruire la « Moscovie ». Et c’est là qu’on a affaire à des complications très nombreuses, qu’il est nécessaire pourtant de saisir pour ne pas perdre le fil.

Le plus simple pour cela, c’est de prendre la nomination de Valeri Zaloujny, nommé le 7 mars 2024 ambassadeur extraordinaire au Royaume-Uni. Auparavant, il était commandant en chef des forces armées d’Ukraine.

Zaloujny, un général, occupait ce dernier poste depuis juillet 2021, avant de se faire démettre début février 2024. C’est justement là où c’est intéressant. Zaloujny est en effet un fervent nationaliste, un admirateur de Stepan Bandera. En fait, l’armée ukrainienne est par définition bandériste.

Zaloujny avec un officier devant un portrait de Stepan Bandera

Or, le nationalisme ukrainien est traditionnellement exterminateur par rapport aux Juifs, aux Polonais et aux « Moscovites ». Cependant, la situation actuelle empêche une telle « franchise » et les nationalistes appuient surtout l’idée d’une alliance entre le Royaume-Uni, la Pologne et l’Ukraine.

Le Royaume-Uni assume depuis le départ de vouloir détruire la Russie, et, fait très important, en février 2022, une alliance dénommée « trilatérale » unissait le Royaume-Uni, la Pologne et l’Ukraine.

C’est le sens de la nomination de Zaloujny comme ambassadeur à Londres. C’est un compromis avec les nationalistes ukrainiens de la part de la fraction directement pro-américaine, dirigée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Par nationalistes ukrainiens, il ne faut pas penser à Azov. La ligne d’Azov est celle d’un bandérisme « pur », jusqu’au-boutiste avec un racialisme « européen » à l’arrière-plan. C’est le « secteur droit » qui est ici au cœur de la question, car il est le parti prônant l’alliance directe avec le Royaume-Uni, tout comme « Svoboda ».

Rappelons que tant Azov que le « secteur droit » et « Svoboda » disposent d’unités de l’armée directement sous leur direction idéologique. Ces organisations pèsent très lourd en Ukraine.

Valeri Zaloujny et Dmytro Kotsyubaylo du « secteur droit » en décembre 2021 après la remise au second de la plus haute décoration ukrainienne par Volodymyr Zelensky 

Zaloujny était parfaitement en phase avec l’armée bandériste, et était très populaire, d’où la grande surprise de son éviction. Mais une semaine avant son éjection du poste de commandant en chef des forces armées d’Ukraine, il y avait des rumeurs de heurts politiques très violents entre Zaloujny et Zelensky.

Cela semblait très flou. On devinait alors un affrontement interne, très brutal, dont le point de départ était l’échec de la « contre-offensive » ukrainienne. Mais quel était la nature de cet affrontement ?

Retraçons les grandes lignes de ce qui s’est passé. Nous le disions dès avril 2023 : cette contre-offensive n’avait qu’un seul sens, celui de servir la marche à la guerre du côté occidental.

L’échec de la contre-offensive, de fait, a été complet, et un grand souci du point de vue occidental dans le bilan est que Zaloujny n’a pas suivi les consignes de l’Otan, dispersant tout le matériel fourni en différents points au lieu de chercher à ouvrir une brèche.

Il a également reconnu, en novembre 2023 lors d’une interview au média américain The Economist, l’échec de la contre-offensive. Pour cette raison, il a ensuite poussé à la mobilisation de 500 000 nouveaux soldats, ce que Zelensky voyait comme un grand risque politique dans une Ukraine sous le joug du nationalisme, mais avec une base très précaire sur le plan social ou des idées.

Zaloujny a alors été remplacé par Oleksandr Syrsky, ancien commandant des forces terrestres, lié à la fraction de Zelensky. Mais comme la superpuissance américaine a confié la patate chaude aux Européens, Zaloujny a été nommé au Royaume-Uni, comme compensation renforcée aux nationalistes ukrainiens.

Zaloujny avait d’ailleurs entre-temps refusé d’être nommé au Conseil national de Sécurité et de Défense, preuve qu’il voulait rester dans la partie politique en cours au sein d’un régime ukrainien en très mauvaise posture.

Autrement dit, on a ici les deux fractions principales aux commandes en Ukraine, maintenant une forme de compromis : la fraction soumise à la superpuissance américaine, dirigée par Volodymyr Zelensky et aux commandes, la fraction nationaliste cherchant un tournant « britannique » et polonais, qui n’est pas aux commandes mais reste puissante.

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Guerre

Le Royaume-Uni déclare pratiquement la guerre à la Russie

Cela ne fait pas semblant.

Le général Sir Patrick Sanders est depuis peu le nouveau chef d’état-major de la British Army, l’armée britannique. Sa ligne est radicalement différente de celle de son prédécesseur puisqu’il s’agit d’assumer totalement la guerre, alors qu’avant il était même question de réduire les effectifs…

Dans un message interne à ses troupes le 18 juin 2022, expliquant qu’il est le premier chef d’état-major depuis 1941 à prendre le commandement de l’armée dans l’ombre d’une guerre terrestre en Europe impliquant une puissance continentale, il dit ni plus ni moins qu’il s’agit d’être « prêt à combattre et à gagner des guerres terrestres ».

Cela entre autres déclarations du genre, d’un bellicisme incroyable :

« Il y a urgence à bâtir une armée capable de combattre aux côtés de nos alliés et de vaincre la Russie au combat ».

« Nous sommes la génération qui doit préparer l’armée à se battre à nouveau en Europe ».

« C’est particulièrement mon devoir de rendre notre armée aussi meurtrière et efficace que possible. Le moment est venu et c’est à nous de saisir l’occasion ».

Le même jour, le Premier ministre britannique Boris Johnson allait exactement dans le même sens en déclarant dans la presse :

« Je crains que nous devons nous armer pour une longue guerre, alors que Poutine recourt à une campagne d’usure, essayant d’écraser l’Ukraine avec brutalité. Le Royaume-Uni et ses partenaires doivent réagir en veillant à ce que l’Ukraine ait l’endurance stratégique pour survivre et, finalement, l’emporter ».

La messe est dite. L’armée britannique n’acceptera aucune partition de l’Ukraine. Elle est d’ores et déjà prête à assumer une guerre contre la Russie. Le Royaume-Uni défend donc, au sein de l’Otan, une ligne ultra pour aller jusqu’au bout. C’est que l’armée britannique se voyait déjà faire d’Odessa son port avancé en Orient, alors elle n’imagine pas que ses plans soient contrariés.

Le problème, c’est que la guerre en Ukraine est à un tournant et l’armée ukrainienne va connaitre défaite sur défaite, alors qu’elle n’a remporté quasiment aucune victoire depuis le début de l’invasion. Il n’y a donc pas d’alternative : soit l’Otan ou en tous cas une armée puissante comme la British Army s’en mêle directement, soit la Russie obtiendra une partition de l’Ukraine (ce qui n’est pas incompatible avec un conflit larvé en parallèle, qui existe de fait déjà depuis 2014).

Voici d’ailleurs un texte d’une signification quasi-historique, sur lequel il ne serait pas sérieux de faire l’impasse. C’est une déclaration commune du ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine Dmytro Kuleba et de son homologue pour le Royaume-Uni, Liz Truss, le dimanche 26 juin 2022.

Il est question d’armes lourdes en masse, pour défaire directement l’armée russe. Cela équivaut en pratique à une déclaration de guerre britannique envers la Russie, et c’est en tous cas comme cela que la Russie va le considérer.

Le mot « paix » est prononcé à de nombreuse reprises pour justement en repousser le contenu, car le Royaume-Uni ne veut surtout pas d’un quelconque traité dans les conditions actuelles.

« Le Royaume-Uni est aux côtés de l’Ukraine sur la voie d’une démocratie européenne libre. Nous l’avons renforcé grâce à notre partenariat trilatéral avec la Pologne. Maintenant plus que jamais, nous sommes solidaires.

Le président Zelenskyy et le Premier ministre Boris Johnson sont unis pour défendre la sécurité et la liberté de l’Europe. Nous avons tous les deux noué une étroite amitié en tant que ministres des Affaires étrangères, voyant d’un même œil la Russie et bien d’autres questions.

Le partenariat entre nos grandes nations est fondé sur le principe fondamental selon lequel les gens doivent être libres de choisir leur propre avenir. Pourtant, c’est un anathème pour Vladimir Poutine. Il se sent menacé par la perspective de succès des démocraties libres voisines comme l’Ukraine, car cela risque d’exposer les échecs de l’autoritarisme. Il est donc maintenant déterminé à éteindre la flamme de la liberté en Ukraine par une guerre totale.

Pour obtenir la paix et protéger notre mode de vie, l’Ukraine et le monde libre doivent rester forts et unis. Nous devons ignorer les voix défaitistes qui insistent sur le fait que les gens commencent à se fatiguer et qui proposent de vendre l’Ukraine pour mettre fin rapidement à l’horreur implacable. Le peuple ukrainien n’a pas le luxe de se sentir fatigué. Le reste du monde libre non plus. Les preuves de crimes de guerre odieux continuent de s’accumuler, du bombardement de civils ukrainiens innocents au viol, à la torture et à l’enlèvement.

Les forces russes militarisent la faim dans le monde en arrêtant les exportations de céréales ukrainiennes et en volant les récoltes. Les mandataires russes ont enfreint la Convention de Genève dans la manière dont ils traitent les prisonniers de guerre, y compris les citoyens britanniques servant dans les forces armées ukrainiennes. Il est donc impératif que le G7 et l’OTAN démontrent cette semaine que leur engagement envers l’Ukraine ne sera jamais surpassé par la détermination de Poutine à s’en emparer.

Cela signifie augmenter et accélérer leur approvisionnement en armes lourdes, continuer à sanctionner tous ceux qui sont complices de la guerre de Poutine et couper complètement les importations d’énergie russe. Chaque arme livrée aidera le peuple ukrainien à repousser les forces russes, à reprendre des villes actuellement sous le feu comme Severodonetsk et celles contrôlées par la Russie comme Kherson.

Chaque sanction contribuera à affamer la machine de guerre de Poutine et à sauver davantage de civils innocents d’une nouvelle barbarie. Le peuple ukrainien se bat sans crainte pour sa patrie. Ils peuvent gagner cette bataille et la gagneront avec le soutien indéfectible du monde libre.

C’est pourquoi le Royaume-Uni est à l’avant-garde de la fourniture d’armes lourdes. Les systèmes britanniques de lance-roquettes multiples M270 sont en route pour aider l’Ukraine à se défendre contre l’artillerie russe à longue portée.

Le Royaume-Uni a déjà fourni 1,3 milliard de livres sterling d’aide militaire, notamment des missiles antichars, des systèmes de défense aérienne, des véhicules blindés et de la formation. Le peuple ukrainien se souviendra à jamais de ce que le Royaume-Uni a fait à ses heures les plus sombres. Le Royaume-Uni augmente ses sanctions, avec une nouvelle législation cette semaine sur une série d’interdictions commerciales, et d’autres à venir le mois prochain.

Le monde libre, collectivement, doit faire pression plus fort pour couper la Russie de ses principales sources de revenus étrangers : l’énergie et d’autres exportations telles que l’or. Nous ne pouvons pas être intimidés par Poutine qui essaie d’allumer le monde avec des menaces sinistres. Chaque fois que l’OTAN a résisté à son intimidation, il a été contraint de reculer, et non d’encore plus avancer. Son agression ne réussit qu’à encourager davantage de nations à rejoindre l’alliance défensive la plus réussie au monde.

Il viendra un temps pour la paix. Mais il faut que ce soit une paix bonne et durable. Le chemin de Poutine vers la table des négociations passe par les champs de bataille de l’Ukraine. Il ne sera sérieux au sujet des négociations qu’une fois que le peuple ukrainien aura repoussé ses troupes. Les partisans de l’Ukraine doivent tous jouer leur rôle pour que le président Zelensky puisse négocier en position de force face à un Poutine affaibli. C’est essentiel pour que la paix dure.

Il ne peut y avoir de règlement négocié qui reproduise l’accord de Minsk, qui s’est fait au détriment de la souveraineté, de la sécurité et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ceux qui proposent de sacrifier la terre ukrainienne proposent en fait de payer en sang ukrainien pour l’illusion de la paix. Ce sera un mirage s’il n’est pas accompagné de la restitution du territoire ukrainien et de l’endiguement de l’impérialisme de Poutine.

Poutine a clairement indiqué qu’il ne s’arrêtera pas à l’Ukraine dans ses ambitions, mais ira plus loin en ciblant d’autres nations souveraines – en particulier celles qu’il croit pernicieusement faire partie de la Russie. C’est pourquoi personne ne peut se sentir en sécurité jusqu’à ce que la Russie se retire de l’Ukraine et ne soit plus jamais en mesure de perpétrer une telle agression.

Le peuple ukrainien ne se bat pas seulement pour son avenir, mais aussi pour l’avenir de la liberté et de la démocratie en Europe et dans le reste du monde. C’est la guerre de tous, car la victoire de l’Ukraine est dans notre intérêt à tous, aussi longtemps que cela prendra. Ensemble, nous pouvons assurer l’avenir de l’Ukraine dans une Europe entière et libre, où la paix règne à nouveau. »

Ces gens sont des furieux. Ils précipitent le monde dans la guerre, ils assument totalement de déclencher la 3e guerre mondiale. Le régime britannique et les dirigeants nationalistes et corrompus de l’Ukraine jettent le peuple ukrainien en pâture, comme première chair à canon de la nouvelle guerre mondiale pour le repartage du monde.

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Culture Refus de l’hégémonie

Le terrifiant et obligatoire téléfilm « Threads » (1984)

Un classique de la véracité sur la guerre nucléaire.

« Threads » (les fils) est un téléfilm de 1984 qui est le pendant britannique du téléfilm américain Le Jour d’après. Dans ce dernier, on accompagne une famille de la campagne américaine dans la pénombre de la guerre nucléaire ; dans Threads, on accompagne une famille de la ville industrielle de Sheffield. Le Jour d’après était passé à la télévision sur ABC, Threads à la BBC.

Les deux téléfilms sont incontournables. Cependant, Le Jour d’après a une approche américaine ; son réalisme reste si ce n’est consensuel, du moins dans le cadre classique d’un téléfilm, même si forcément en raison du thème, cela reste émotionnellement très difficile. Threads s’appuie par contre sur une lecture anglaise du réalisme et c’est très cru. Ce n’est pas un film d’horreur, mais c’est l’horreur.

Dans les deux cas, on se rappellera toute sa vie de ces films et on est immanquablement horrifié par l’existence même de l’arme nucléaire. Mais Le Jour d’après est cauchemardesque, Threads est infernal. Peter Bradshaw du journal The Guardian résume ainsi ses impressions tout à fait compréhensibles :

« Ce n’est que lorsque j’ai vu Threads que j’ai découvert que quelque chose à l’écran pouvait me faire donner des sueurs froide et frissonnantes et me maintenir dans cet état pendant 20 minutes, suivi de semaines de dépression et d’anxiété. »

Threads s’appuie en effet sur toutes les analyses possibles des effets à court et moyen terme d’un holocauste nucléaire sur la Grande-Bretagne. Son exposition est scientifique et il est très bien réalisé. Ce qu’on voit est vraisemblable, voire on le considère comme vrai et comme pour Le Jour d’après, c’est totalement envahissant.

Cela parlait alors d’autant plus aux Britanniques que le Royaume-Uni avait tout un programme – Protect and Survive – passant à la télévision, à la radio, diffusé en brochures, etc. expliquant comment se « protéger » et « survivre » à une attaque nucléaire.

Threads est pratiquement une réponse point par point à l’absurdité de ce programme expliquant aux gens quoi faire, comme si cela serait suffisant. Le bourrage de crâne de Protect and Survive ne passerait plus aujourd’hui tellement c’est infantilisant, niais et absurde.

Threads est ainsi incontournable, mais il faut être prêt mentalement. Le Jour d’après est regardable en famille, même s’il est dur. Impossible pour Threads. En fait, il faut à la fois l’éviter au possible et en même temps absolument le regarder. Telle est sa nature.

Le film est visible en ligne ici, de manière légale et sûre (même si c’est un peu long à démarrer). C’est la version originale et l’anglais qu’on y trouve, celui de Sheffield, est indéniablement difficile d’accès. On comprend l’ensemble cependant sans soucis… malheureusement.

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Guerre

Le Royaume-Uni et les Etats-Unis préparent l’opinion publique à la guerre contre la Russie

Les préparatifs psychologiques sont incessants.

Il y a eu pour la période du 12 au 14 novembre 1 889 violations du « cessez-le-feu » au Donbass, contre seulement une vingtaine du 14 au 16. Mais le matériel de guerre ukrainien est toujours activement transporté aux frontières, la Suède a décidé d’envoyé des formateurs militaires, et le Royaume-Uni est allé encore plus loin. Non seulement il fera de même, mais sa presse ne cesse de raconter que la Russie va lancer une invasion.

Le chef d’état-major de l’armée britannique, Nick Carter, a également expliqué que le risque de guerre accidentelle avec la Russie était encore plus grand qu’au moment de la guerre froide avec l’URSS! C’est dire comment l’opinion publique britannique est travaillée au corps, alors que le secrétaire d’Etat à la défense britannique Ben Wallace est justement en visite en Ukraine.

Le Royaume-Uni a également officialisé un prêt à l’Ukraine pour qu’elle lui achète des navires de guerre et des missiles (une frégate, deux chasseurs de mines, huit navires avec des missiles). Et le ministre des affaires étrangères ukrainien Dmitry Kuleba a averti ses homologues français et allemand Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas qu’il fallait tout de suite organiser le soutien militaire futur à l’Ukraine contre la Russie, car dans le feu de l’action il n’y aura plus le temps.

La Russie n’est pas en reste non plus : elle vient de mettre en place des facilités d’importation et d’exportations de produits en provenance du Donbass séparatiste. C’est une manière d’accentuer l’intégration économique (puisque c’est comme s’il n’y avait plus de frontières) et d’exercer toujours davantage de pression contre l’Ukraine. Et en détruisant un vieux satellite soviétique au moyen d’un missile, la Russie a fait une démonstration de force militariste à ce niveau.

De toutes façons le but de la Russie est de désagréger l’Etat ukrainien, que ce soit au moyen de pressions militaires et économiques, d’une intense propagande, ou bien la guerre. Il faut dire que pressée par la crise, la Russie est dans un expansionnisme débridé et qu’elle entrevoit une possibilité de conquête. L’Etat ukrainien est totalement corrompu, le niveau de vie le plus bas d’Europe, les lois ne sont pas appliquées à quiconque à des moyens financiers un tant soit peu important, l’extrême-Droite est hyperactive alors qu’une partie de la population ne respecte de toutes façons pas le régime en raison de ses attachements culturels à la Russie.

Inversement, le Royaume-Uni et les Etats-Unis veulent affronter la Chine et s’il y a moyen pour eux d’affaiblir son allié russe en utilisant l’Ukraine comme chair à canon… Il y a donc tous les ingrédients pour la guerre. Ce n’est pas par choix ou calcul, c’est une tendance générale, et cette tendance contient également du choix et du calcul. Et le peuples sont passifs, soit parce qu’ils n’ont pas compris qu’il y aurait la guerre… Soit parce qu’ils l’ont déjà intégré en leur for intérieur. Il y a ici une véritable cassure entre l’ouest et l’est de l’Europe.

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Guerre

Pêche: l’agressivité française envers le Royaume-Uni

On se croirait en 1914, avec des antagonismes de plus en plus violents et récurrents.

Le gouvernement français a pris des décisions très radicales à l’encontre du Royaume-Uni pour protester sur la question de la pêche dans les eaux anglo-normandes. Une liste de mesures de « rétorsion » a ainsi été annoncée mercredi 28 octobre 2021 dans un communiqué conjoint du ministère français de la Mer et du secrétariat aux Affaires européennes.

Il y est question d’interdire, à partir du 2 novembre, aux navires de pêche britanniques de débarquer dans leurs ports habituels en France. Cette mesure de blocus est un véritable acte de guerre commerciale, typique des relations franco-anglaise depuis des siècles. Il s’agit d’une décision très agressive de la part de la France, qui entend faire plier de force le gouvernement britannique en menaçant son économie.

Cela est d’autant plus agressif que les ministères en question ont annoncé d’autres actions, dans un communiqué hallucinant de par le ton provocateur employé :

C’est un véritable chantage, avec une opération assumée de harcèlement des opérateurs économiques britanniques sur le territoire national et des transporteurs à destination du Royaume-Uni, avec même la menace de couper le courant (les îles anglo-normandes dépendent d’un câble sous-marin les reliant à la France pour la fourniture énergétique). C’est un chantage typique d’une escalade guerrière, du même genre (à une moindre échelle) que ce qui existe en mer de Chine, ou (de manière assez équivalente) les tensions concernant les îles grecques au large de la Turquie.

On notera d’ailleurs que ce chantage français est illégal : l’accord européen concernant le Brexit prévoit un protocole très précis pour ce genre de désaccord, mais n’autorise certainement pas une telle salve de mesures unilatérales.

Les propos tenus par la France sont en tout cas sans équivoque. La secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune a dit la chose suivante (et il faut vraiment souligner le caractère belliqueux d’une telle déclaration) :

« Maintenant, il faut parler le langage de la force parce que je crains que, malheureusement, ce gouvernement britannique ne comprenne que cela. »

Cela alors que le gouvernement français s’est vanté dans la journée via un communiqué officiel, largement relayé par la presse, d’avoir forcé le contrôle d’un premier navire britannique, puis ensuite d’avoir dérouté et saisi un chalutier britannique qui n’était pas en règle. Il s’agit d’une simple opération de police maritime, tout à fait anecdotique en pratique. Mais c’est prétexte à faire monter la tension.

La question elle-même de la pêche dans les eaux anglo-normande n’est de toutes façons également qu’un prétexte, d’ailleurs. Cela ne concerne que quelques dizaines de petits bateaux, à l’activité quasi-artisanale.

L’accord du Brexit prévoit une licence pour pêcher dans les eaux territoriales britanniques, avec la fourniture de la preuve que l’activité était déjà exercée à cet endroit depuis des années. C’est le principe du Brexit, de la sortie du marché commun européen : le Royaume-Uni a choisi la voie du nationalisme et entend logiquement avoir la main sur ses eaux territoriales.

En pratique, une grande partie des chalutiers français concernés ont ainsi déjà obtenu leur licence, et pour les autres, les autorités britanniques accusent la France de retenir volontairement les documents demandés, justement pour faire monter la pression.

La France par contre entend en quelque sorte faire « payer » le Royaume-Uni, en mettant la pression sur la question des eaux territoriales anglo-normandes, qui sont plus proches de la France que de l’Angleterre.

Ce qui est certain en tous cas, c’est qu’il y a une opération délibéré en France d’escalade sur la question, comme avec ces propos du porte-parole du gouvernement français :

« Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est qu’il manque quasiment 50% des licences auxquelles nous avons droit. C’est une situation qui n’est pas acceptable et je le dis clairement, notre patience atteint ses limites. »

Un tel chiffre de 50 % est invraisemblable, il ne correspond même pas à la situation décrite par la France il y a près d’un mois de cela, alors que de nouvelles licences ont été accordées depuis. L’agressivité française à l’encontre du Royaume-Uni est ici très claire et a comme sens d’aller au conflit.

Cela doit être dénoncé avec la plus grande vigueur par la Gauche française. Le silence à ce sujet serait criminel : l’escalade guerrière est chaque jours plus évidente, la grande bataille pour le repartage du monde est chaque jour plus facile à voir, à sentir, à redouter.

La France n’est pas en reste, d’autant plus qu’il s’agit d’une puissance secondaire dans le monde, mais s’imaginant encore bien plus grande qu’elle ne l’est. C’est typiquement ce genre de pays qui permet le déclenchement des guerres, à force d’agressivité, à force d’actes d’hostilités, qui sont pour eux le seul moyen d’exister.

La ministre de la Mer, Annick Girardin, a beau se défendre en disant « ce n’est pas la guerre, c’est un combat ». En pratique, le mot guerre est prononcé, et c’est bien d’une escalade de type militariste dont il s’agit.

Bien entendu, il ne s’agit pas de prétendre que la question se pose, directement et immédiatement en 2021, d’une guerre entre la France et le Royaume-Uni. Mais il se dessine par contre, de manière concrète et actuelle, une tendance générale à la guerre, dont la France est largement partie prenante. Cet épisode anti-britannique en est une manifestation très claire, reflet d’une guerre larvée, prélude au conflit armé.

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Guerre

Instauration de l’alliance Australie – Royaume-Uni – Etats-Unis

L’esprit impérialiste s’exprime ouvertement et l’ennemi, c’est la Chine.

Le 15 septembre 2021 au soir, une conférence vidéo a réuni le président américain Joe Biden, le premier ministre britannique Boris Johnson et le premier ministre australien Scott Morrison. Il a été annoncé une alliance stratégique allant dans les sens d’une unification militaire pour la région indo-pacifique.

Plus précisément, l’alliance Australie – Etats-Unis – Royaume-Uni, présentée sous l’acronyme AUKUS, implique en effet un partage d’information et de technologie, une intégration des connaissances scientifiques liées à la défense et la sécurité ainsi que des bases industrielles et des chaînes d’approvisionnements.

En ce sens, les Etats-Unis vont fournir à l’Australie de quoi mettre en place des sous-marins à propulsion nucléaire ; la seule fois où un tel partage d’un tel type de connaissances a eu lieu, c’était pour le Royaume-Uni en 1958.

Les trois pays sont déjà membres de la  » Five Eyes alliance », avec la Nouvelle-Zélande et le Canada, une collaboration générale au niveau des services secrets. Cette fois, on rentre dans le dur puisqu’il s’agit ni plus ni moins que d’élever le niveau matériel de l’Australie sur le plan militaire dans le cadre de la future confrontation avec la Chine.

D’ailleurs, en plus des sous-marins eux-mêmes, la technologie nucléaire acquise peut également permettre à l’Australie d’aller dans le sens de posséder la bombe nucléaire, même si évidemment elle prétend actuellement ne pas vouloir de prolifération.

On notera que cela implique également l’annulation de la commande effectuée il y a deux ans auprès de la France de douze sous-marins de ce type (pour 31 milliards d’euros). Cela ne peut que déplaire à la France. Et c’est très dangereux pour la Gauche en France, car cette situation va renforcer les excitations militaristes, les fantasmagories stratégiques, les velléités impérialistes d’aller à la guerre.

Car la superpuissance américaine ne veut pas perdre son hégémonie, la Chine veut devenir une superpuissance et obtenir l’hégémonie (le régime tente en ce moment de recadrer les esprits dans un sens nationaliste – étatique d’ailleurs). Le Royaume-Uni veut être aux premières loges de la victoire américaine espérée, d’où le BREXIT.

De son côté, la Russie cherche à maintenir sa position à l’ombre chinoise, alors que l’Allemagne espère compter les points et profiter de son hégémonie en Europe. C’est une véritable course impérialiste comme avant 1914.

Que va faire la France? Au rythme où vont les choses, c’est cette question de savoir se placer dans la bataille pour le repartage du monde qui va devenir de plus en plus central, et il va être essentiel de comprendre ce qui va en être pour la présidentielle 2022.

On notera d’ailleurs qu’aucun des trois pays concernés par l’alliance AUKUS n’a daigné ne serait-ce que faire semblant d’avoir un débat dans le pays à ce sujet. L’information au sujet de l’alliance a filtré quelques heures avant son annonce, toutes les décisions ont été prises par en haut, dans l’esprit de la diplomatie secrète. C’est tout à fait révélateur d’une marche à la guerre et les institutions doivent s’effacer substantiellement devant elle.

Le fait qu’en France les classes dominantes ne soient pas unies sur les choix stratégiques est ainsi une chance, car cela peut permettre de percer cette muraille du secret, des décisions lointaines, comme cela peut être un terrible danger car cela peut renforcer l’attrait, pour faire avancer la marche à la guerre, d’utiliser le nationalisme avec une grande ampleur.

En tout cas, avec AUKUS, on a déjà un bloc de formé pour la guerre pour le repartage du monde. C’est le second bloc clairement défini avec celui Russie-Chine. Les choses vont vite, très vite.

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Guerre

Avertissement russe au Royaume-Uni et grand ménage intérieur ukrainien

Les plaques tectoniques continuent de se mouvoir.

Le 14 juillet 2021, Mikhail Popov, secrétaire député du Conseil de Sécurité de la Russie, a abordé la question de l’incident avec le navire de guerre britannique HMS Defender, en Mer Noire, dans les eaux de la Crimée (conquis à l’Ukraine par la Russie et annexée). Dans une interview accordée à la Rossiiyskaya Gazeta, un média institutionnel, il a donné un grand avertissement :

« Des actions similaires seront contrecarrées à l’avenir par les méthodes les plus dures de la part de la Russie, quelle que soit l’allégeance étatique du contrevenant. Nous suggérons à nos opposants de bien réfléchir à la pertinence d’organiser de telles provocations compte tenu des capacités des forces armées russes. »

Il a spécifiquement nommé deux figures institutionnelles britanniques, le premier ministre Boris Johnson et le secrétaire d’État aux affaires étrangères Dominic Raab, abordant ouvertement le sort des soldats britanniques :

« Ce ne sont pas les membres du gouvernement britannique qui seront à bord des navires et navires utilisés à des fins de provocation. Et c’est dans ce contexte que je veux poser une question aux mêmes Boris Johnson et Dominic Raab – que diront-ils aux familles des marins britanniques qui seront blessés au nom de si « grandes » idées? »

C’est là un avertissement très clair.

Du côté ukrainien, il y a eu un événement capital, puisque le ministre de l’Intérieur Arsen Avakov  a été débarqué. Il faut s’imaginer ce que cela peut représenter, en prenant compte les faits suivants au sujet de Arsen Avakov :

– il était ministre de l’Intérieur depuis 2014 ;

– il a été nommé dans le gouvernement provisoire issu de la révolte de l’Euromaïdan ;

– il a survécu à des dizaines de scandales, de protestations contre lui ;

– la Garde Nationale de 60 000 hommes et des dizaines de bataillons de volontaires mis en place étaient sous sa direction directe, notamment le fameux bataillon Azov, lui-même étant lié au dirigeant nationaliste Andriy Biletsky ;

– il accompagnait souvent l’actuel président ukrainien Volodymyr Zelensky au début de sa présidence et jouait un rôle essentiel dans la politique ukrainienne comme représentant de la ligne offensive anti-russe.

On peut pratiquement parler de coup d’État, dans le prolongement de l’exigence américaine de mettre au pas les oligarques. La grande question actuellement en Ukraine est de connaître le prochain rôle d’Arsen Avakov.

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Guerre

Incident militaire russo-britannique en Mer Noire

La tension continue de monter en vue de la prochaine crise russo-ukrainienne.

Au milieu juin il y a eu, en Suisse à Genève, une rencontre entre les présidents américain et russe, Joe Biden et Vladimir Poutine. L’escalade en cours est donc passée par un protagoniste très actif du militarisme mondial, le Royaume-Uni, à l’offensive depuis le Brexit.

Le 23 juin 2021, le destroyer britannique HMS Defender s’est ainsi rapproché de la Crimée, annexée par la Russie. Cette dernière considère, selon les critères internationaux, que l’espace maritime de 12 miles nautiques de large depuis la côte est son territoire national. Or, le HMS Defender s’est placé à dix miles nautiques, soit 18,5 km.

La Russie a averti le destroyer, puis procédé à des tirs de semonce au moyen des navires garde-côtes, puis a envoyé dix minutes plus tard un avion Su-24M afin de larguer quatre bombes à fragmentation hautement explosives de 250 mm le long du parcours du destroyer.

L’ambassadeur britannique à Moscou a été convoqué. De leur côté, les forces britanniques nient d’avoir pénétré l’espace maritime de la Crimée, tout comme d’avoir été pris à partie par la marine militaire russe, parlant d’exercices d’artillerie russe se déroulant au même moment.

On notera les couleurs LGBT du Ministère britannique de la Défense

Cet incident se produit alors que le Royaume-Uni est très actif pour fournir à l’Ukraine des navires militaires ainsi qu’une aide pour construire deux bases navales (une en Mer Noire et l’autre en Mer d’Azov). Il s’agit de la pointe d’une tendance générale, puisque du 28 juin au 10 juillet se déroule en Mer Noire militaires Sea Breeze 2021, des manœuvres militaires avec l’Ukraine et l’OTAN.

L’OTAN vise très clairement à faire de l’Ukraine un élément central dans son dispositif d’affrontement avec la Russie. Le peuple ukrainien doit servir de chair à canon et le pays de zone tampon. En ce sens, les survols des avions-espions de l’OTAN sont ininterrompus (ici le parcours du Usaf Boeing RC-135V Rivet Joint le 23 juin 2021).

La grande opération de militarisation de sa frontière par la Russie s’est ainsi avérée un échec. L’Ukraine a tenu le choc, ne permettant pas une offensive russe, amenant même inversement un soutien militaire massif des Etats-Unis et du Royaume-Uni, avec le renforcement de la perspective de l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN (si ce n’est formellement, du moins techniquement).

Si la Russie était la plus agressive à l’origine, ce sont désormais très clairement les forces américano-britanniques qui poussent pour profiter d’une situation jouant en leur faveur, alors que le nationalisme le plus fantasmatique se déverse en Ukraine.

C’est une preuve de la tendance à la guerre toujours davantage prédominante dans les rapports internationaux ; la crise russo-ukrainienne n’a pas disparu, son affaiblissement relatif ne correspond qu’à une vague nouvelle, plus haute que la précédente, alors que désormais la Biélorussie est totalement isolée par les pays occidentaux en raison de l’affaire de l’avion détourné.

L’élan en ce sens est d’autant plus violent qu’il s’agit à terme pour la superpuissance américaine de se confronter à la Chine. Or l’effondrement du régime russe est un objectif qui doit être réalisé auparavant, afin d’isoler encore plus la Chine, de renforcer le bloc occidental en faisant en sorte que l’Allemagne sorte renforcée et accepte de se placer dans le giron américain, etc.

La guerre est le seul horizon concret du capitalisme en crise.

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Guerre

Brexit: le triomphe du nationalisme britannique

Après quatre années d’âpres négociations, le Royaume-Uni n’est officiellement plus membre de l’Union européenne. Des accords douaniers ont été signés in extremis entre les deux parties, évitant un catastrophique « no deal ». Ce n’est toutefois qu’un paravent, car la situation est maintenant entièrement nouvelle et les tensions vont s’exacerber à tous les niveaux.

L’épisode du Brexit aura duré tellement longtemps et connu de tels rebondissements pendant quatre ans que sa réalisation effective le 1er janvier 2021 passerait presque inaperçue. Pourtant, tout a changé pour le Royaume-Uni.

D’un côté, le pays est menacé d’éclatement, notamment du côté de l’Écosse où le nationalisme et la tentation pro-Union européenne vont être de plus en plus forts. Le 24 décembre 2020, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon avait déjà annoncé la couleur en annonçant avec fracas :

« Le Brexit arrive contre la volonté du peuple d’Écosse et aucun accord ne pourra jamais compenser ce que le Brexit nous enlève. Il est temps de tracer notre propre avenir en tant que nation européenne indépendante ».

Nicola Sturgeon fait ici allusion au fait qu’en Écosse, 62% des votes s’étaient exprimés contre le Brexit en 2016.

Parallèlement, il va y avoir pour le Royaume-Uni et même il y a déjà une course effrénée pour tirer un avantage concurrentiel de la sortie des règles et normes européennes. La Droite britannique, qui a littéralement atomisé la Gauche avec le Brexit, a maintenant des possibilités énormes pour mobiliser la population dans le sens du capitalisme et de la concurrence avec les capitalismes des pays de l’Union européenne (et d’ailleurs).

En France, il a beaucoup été question des pêcheurs et de leurs accès aux eaux territoriales britanniques, qui est maintenant limité ou alors « payant ». Ce n’est là qu’un petit aspect parmi énormément d’autres, qui font que les tensions sur le plan économiques vont être de plus en plus importantes.

Il n’y a qu’à prendre la question nord-irlandaise, qui était le principal point de crispation pour la négociation des accords avec l’Union européenne, pour comprendre à quelle point la situation extrêmement tendue.

Regarder une carte permet de visualiser le problème.

L’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni, mais historiquement et géographiquement, le territoire est fortement lié au reste de l’île, l’Irlande, qui est membre de l’Union européenne. Comme il n’était pas envisageable de déployer une frontière stricte entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, alors il a été négocié que l’Irlande du Nord reste dans le marché européen et donc qu’il n’y ait pas de formalités douanières.

Par contre, la frontière s’applique dans le cas des échanges entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni avec des formalités douanières extrêmement complexes pour déterminer ce qui est étranger ou non. Concrètement, cela fait qu’une partie du Royaume-Uni est coupée du reste du pays sur le plan économique.

C’est un véritable sac de nœud et les difficultés sont déjà là dans les ports de la mer d’Irlande, puisque une partie du territoire britannique relève au sens strict de l’espace économique de l’Union européenne.

Une telle situation n’est pas durable. Soit le Royaume-Uni continue de l’accepter, et alors il se retrouve dépendant de l’Union européenne et le Brexit n’a pas de sens, soit il s’affirme et alors il y a forcément conflit. Et c’est la même chose pour à peu près tout. Pour l’instant, les accords font que le Royaume-Uni est aligné sur les règles et normes européennes en ce qui concerne l’économie, mais tout va être négocié au cas par cas à l’avenir, avec un enjeu potentiellement conflictuel à chaque fois, même pour des choses en apparence insignifiantes.

Au sens strict, le Royaume-Uni a toujours été très indépendant par rapport à l’Union européenne, c’est à dire surtout par rapport au tandem franco-allemand. Mais l’intégration économique lissait les rapports, d’autant plus qu’il y avait parallèlement une intégration sociale-culturelle de part les échanges facilités entre les habitants européens et britanniques. Tout cela est fini.

Cela ne veut pas dire que le Royaume-Uni et l’Union européenne vont maintenant se faire la guerre. Mais cela signifie que le Royaume-Uni est encore plus une force comptant dans le grand échiquier mondial, entièrement autonome et en situation d’aller elle-même chercher des alliances pour peser dans un sens ou dans l’autre, d’une manière ou d’une autre.

Plus il y a de tensions, plus il y a de difficultés économiques (d’autant plus dans un contexte de crise de l’économie elle-même), plus il y a d’espace pour la Droite afin d’exprimer le nationalisme et tendre vers la guerre. Avec le Brexit, le Droite britannique se retrouve en position de force pour mobiliser dans le sens d’un empire britannique retrouvé, se réaffirmant, etc.

Inversement, les pays de l’Union européenne, à commencer par le moteur franco-allemand, voient leur situation changée avec le renforcement du Royaume-Uni. Ils peuvent tout autant faire bloc, et donc se renforcer de manière agressive pour peser, qu’au contraire se disloquer en raison des difficultés nouvelles.

Le Brexit est ainsi une contribution à la bataille pour le repartage du monde, au militarisme généralisé.

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Culture

Liverpool FC x Nike: «Tell us never»

Le peuple dit qu’il peut tout changer, car lui seul est en mesure de le faire. La vidéo de Nike pour/avec le club de football de Liverpool reflète un changement d’époque : le peuple s’impose, partout.

Il y avait le « yes we can » de Barack Obama, qui était un idéalisme américain tout à fait caricatural. Le « Tell us never » de Nike dans sa collaboration avec le club de football de Liverpool est bien différent. On y voit en effet, en quelque sorte, la classe ouvrière dire qu’elle a un mode de vie qui lui est propre et qu’elle est capable d’apporter un débordement, un saut en qualité.

Dis : « jamais » [cela ne pourra être fait] et la réponse est : « C’est déjà fait ».
(tell us « never », it’s already done.)

C’est là le reflet de la collision entre un capitalisme toujours plus de masse et la culture de masse. Le peuple s’impose à travers les interstices d’une consommation se voulant aliénante, mais obligée de coller à la réalité populaire. La contradiction est explosive et on lit déjà l’avenir, avec un peuple coloré dans son style et stylé dans ses couleurs.

De fait, il n’y a qu’à socialiser Nike et on a déjà une base solide. Le capitalisme touche vraiment à sa fin, il est déjà hors-jeu.

Il suffit d’ailleurs de comparer cette vidéo de très haut niveau à la campagne d’affiches délirante, d’une esthétique très fasciste, que Nike avait réalisé en 1998 lors de la coupe du monde de football en France, avec sa « république populaire du football ». La Mairie de Paris avait d’ailleurs interdit ces affiches faisant la promotion du Nike Park établi sur le Parvis de la Défense (Adidas étant également le sponsor de la coupe du monde, cela a dû joué).

Il est évident, cependant, qu’une telle vidéo s’appuie sur la particularité du club de Liverpool, qui assume directement sa dimension populaire. Paradoxalement, ce n’est pas forcément le cas de clubs éminemment populaires comme le Racing Club de Lens, par exemple, et ce même pour les organisations de supporters, qui ne jouent pas au sens strict de manière ouverte sur cette dimension.

On a une démarche localiste de soutien, mais cela ne s’élève pas à une dimension populaire, ouvrière, alors que dans le fond c’est pourtant évident. On a là un refus de faire de la politique, en quelque sorte, même indirectement. Il y a bien entendu l’erreur inverse, avec d’autres clubs se voulant de gauche de manière assumée, de manière forcée et donc folklorique (l’AS Livorno en Italie, Hapoel Tel Aviv, Sankt-Pauli à Hambourg, etc.).

Rares sont les clubs se revendiquant de la classe ouvrière en tant que telle, en se fondant sur une réelle tradition. Cela se lit dans les détails ; sur le site de Schalke 04, par exemple, au lieu de « bonjour », on a l’expression des mineurs : « Glück auf ! » (soit « à la chance »). On a également le symbole des mineurs sur les annonces des prochaines rencontres.

Et de manière encore plus intelligente, sur le logo de son magasin en ligne, le caddie est remplacé… par une berline de mine. Subtile, fin, populaire !

Le sweat shirt « Love your hood » (soit en anglais « aime là d’où tu viens ») est pareillement une affirmation de l’identité ouvrière (et en promo ici à trente euros).

Le club de l’Union de Berlin s’assume pareillement ouvrier (Nous de l’Est nous allons toujours de l’avant / Épaule contre épaule pour l’Union de fer / Durs sont les temps et dure est l’équipe / Aussi gagnons avec l’Union de fer (…) Qui ne se laisse pas acheter par l’Ouest ? / Union de fer, Union de fer). Mais c’est surtout le Rapid de Vienne qui se pose dans cette perspective avec le plus de netteté, avec une définition officielle comme un « club ouvrier », le club appartenant indirectement au Parti socialiste avec même un contrôle de l’identité du club par les ultras.

On voit ici évidemment comment la Gauche historique est capable d’insuffler des véritables valeurs, parce qu’elle se situe dans un prolongement. La démarche de Liverpool FC repose ainsi clairement sur les fondements de la Gauche historique, en l’occurrence du Labour Party britannique en général et de son identité locale en particulier. Cela a ses limites, mais c’est vrai, c’est authentique et c’est donc cent fois plus radical que les revendications folkloriques « de gauche », qui sont décalées de tout contenu populaire et ne satisfont que des petits-bourgeois en mal d’aventure identitaire.

Le peuple n’aime pas parader, il aime la vérité, il manifeste.

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Société

Covid-19: une campagne britannique contre le surpoids

Le gouvernement du Royaume-Uni a présenté ce lundi 27 juillet 2020 une grande campagne contre le surpoids et l’obésité, facteur de risque important dans le cadre du covid-19. C’est un événement majeur pour la société britannique, montrant à quel point la crise sanitaire en cours bouleverse profondément le monde.

Le covid-19 n’est pas simplement une maladie de plus, relevant d’une sorte de fatalité naturelle. C’est le produit de tout un système et du mode de vie allant avec. L’alimentation de mauvaise qualité responsable du surpoids relève directement de ce mode de vie conforme au capitalisme… et favorable à l’expression de formes sévères du covid-19.

Cela avait été un phénomène flagrant au plus fort de la crise sanitaire : les personnes en réanimation étaient essentiellement des gens en surpoids (hormis d’autres types de maladie ou bien la fragilité inhérente à la vieillesse).

En France, cette information est au fond très peu connue, car le sujet du surpoids et de la mauvaise alimentation est relativement taboue. Ce n’est pas le cas aux Royaume-Uni, pour des raisons culturelles.

Comme aux États-Unis, il y a un paradoxe énorme dans le pays : dans les centre-villes, et surtout à Londres, on peut manger pratiquement la nourriture la plus saine du monde, quasiment à tous les coins de rue, pour pas cher et souvent sans viande. Pour les classes populaires vivant en dehors par contre, l’alimentation est d’une qualité pitoyable, provoquant un surpoids généralisé, qui engendre une épidémie massive d’obésité à des degrés particulièrement alarmants.

À peine entrés dans l’adolescence, ce sont déjà un enfant sur trois qui sont en surpoids ou carrément obèses dans le pays. En ce qui concerne les adultes, les chiffres sont dramatiques : 63% ne sont pas dans une situation saine vis-à-vis de leur poids et 28% sont carrément obèses.

Alors que la crise du covid-19 n’en finit plus, le sujet est donc particulièrement brûlant dans le pays. L’agence sanitaire a publié samedi 25 juillet 2020 une étude affirmant que les obèses ont 40 % de risques supplémentaires de mourir de la maladie.

Une grande campagne « better health » (meilleur santé)  a donc été lancée et elle est radicale.

Toute publicité pour la malbouffe est interdite (y compris sur internet) avant 21h pour préserver les enfants, le nombre de calories des repas (qui n’est pas forcément un bon indicateur par ailleurs) doit être rendu public pour toutes les grandes enseignes de restauration, les supermarchés n’ont plus le droit de faire des promotions sur aliments considérés comme de mauvaise qualité. Autrement dit, il est dorénavant interdit de présenter des friandises ou des sodas devant les caisses au supermarché.

C’est un changement extrêmement profond, qui en dit très long sur la catastrophe sanitaire en cours, d’autant plus que la mesure est prise par un gouvernement censé être favorable avant tout au business. Rien que pour les friandises aux caisses, il faut bien voir que cela change drastiquement l’organisation de nombreux magasins où l’on fait pour ainsi dire la queue à la caisse au milieu d’un rayon friandises…

En arrière-plan, il y a la situation personnelle du premier ministre, en soins intensifs après avoir été touché par le covid-19, qui impute régulièrement son hospitalisation à son surpoids. Il a failli mourir (après avoir relativisé honteusement la pandémie pendant des semaines) et cela a provoqué un électrochoc dans le pays.

En 2019 encore, Boris Johnson avait affirmé qu’il reviendrait sur la taxe « boissons sucrées » d’avril 2018. En juillet 2020 finalement, son gouvernement a mis en place un plan massif estimé à 10 millions de livres sterling pour lutter contre le surpoids et la mauvaise nourriture. Le symbole est très fort.

Cela n’a rien d’anecdotique, cela prouve à quel point le monde n’est plus le même, à quel point la situation a changé dans tous les domaines, en profondeur, augurant des bouleversements sociaux-culturels majeurs dans les temps à venir.

L’obésité et le surpoids dans les classes populaires sont une horreur du 20e siècle, produites par un capitalisme soumettant chaque moment de la vie aux profits des grandes entreprises. Mais la vie se révolte, et elle est de plus antagonique avec le capitalisme. Le capitalisme lui-même le constate, mais il ne peut pas se rebeller contre lui-même…

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Société

Burberry, un bon exemple de la tendance aux masses

Marque aristocratique bornée, Burberry’s est devenue Burberry, une marque se plaçant sur le marché mondial du vêtement de luxe ou quasi, et est un bon exemple de mondialisation qui tombera dans les mains des masses.

Burberry est l’exemple même d’un changement radical d’époque, et c’est bon signe. À l’origine, c’est une marque entièrement tournée vers les couches sociales supérieures anglaises, dénommée Burberry’s. Mais le capitalisme s’est « mondialisé » et à partir de 2002 avec son entrée en Bourse, l’entreprise traditionnelle s’est transformée en marque à visée mondiale. Cela va dans le bon sens : il n’y aura plus qu’à nationaliser pour mettre au service des masses.

En attendant, c’est totalement inaccessible car les prix se veulent « luxe » (disons que c’est juste en-dessous le vrai luxe, mais extrêmement cher). Et pourtant vue l’approche, on voit déjà que les masses s’approprieront inévitablement la marque, qu’elle ne peut continuer dans sa lancée qu’en devenant au service des masses.

Il est évident que la bourgeoisie traditionnelle s’efface, disparaît, se liquide elle-même dans le capitalisme ayant atteint un niveau incroyable. Cela produit bien entendu des réactionnaires regrettant le passé et des LGBT fascinés par le turbocapitalisme, mais surtout des possibilités énormes pour une société qui, tournée vers le Socialisme, aurait des moyens énormes de satisfaire les exigences culturelles populaires.

Ce qui est frappant avec Burberry, c’est comment le style anglais apporte une puissante contribution avec son côté chic légèrement dégradé par des symboles cependant parfaitement harmonieux. C’est en fait la direction que Lacoste a tendance à prendre et qu’il faudrait que cette marque ne prenne en fait surtout pas, car ce n’est pas du tout dans sa matrice. Quand Lacoste essaie de faire de l’anglais, cela rate totalement, alors que la même chose fait par Burberry cela aurait fonctionné.

En même temps on ne peut pas s’étonner que des producteurs d’habits, dans un cadre capitaliste, échappent à un esprit de perdition, de décadence, de désorientation générale. Avec le fameux coup de piocher, comme ici pour Lacoste avec de « l’inspiration » chez Fila et Gosha Rubshinskiy. Cela fait totalement tâche au milieu du minimalisme efficace du reste, mais bon ce qui compte c’est l’expansion à coups de n’importe quoi.

On ne peut que rêver, pour l’instant, de ce que donneront Burberry et Lacoste quand ces marques seront socialisées. En tout cas elles le seront, car les masses veulent le style qui exprime le rapport à la vie réelle, concrète : life deluxe for all.

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Culture Planète et animaux

Les incontournables vidéos écologistes de Steve Cutts

Représenter la vie quotidienne dans une courte vidéo est une gageure : il faut que cela soit accessible à tout le monde, sans perdre sa substance. On a ici un admirable exemple.

L’illustrateur anglais Steve Cutts produit des œuvres marquantes, d’autant plus en cette période de crise. Ses dessins et ses vidéos sont bluffants et à ne surtout pas rater. On est évidemment dans un esprit très anglais, que ce soit pour l’’humour noir, une dénonciation de type végan assumée, un regard écologiste s’asseyant sut une riche histoire.

La critique de la vie quotidienne qu’on y trouve est, somme toute, exactement celle qu’est incapable, malheureusement, de fournir la Gauche et l’extrême-Gauche françaises. Alors que c’est exactement cela qu’il faudrait !

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Guerre

Vers la guerre: triomphe de Boris Johson et du Brexit

La catastrophe tant redoutée est arrivée : les élections au Royaume-Uni ont été marquées par un triomphe pour la Droite, la Gauche se faisant dévaster. La voie est libre pour une vague nationaliste et la mise en place d’un bloc assumant de batailler pour le repartage du monde.

Lors des élections de 1987, la Droite de Margaret Thatcher avait obtenu 376 sièges à la Chambre des Communes, la Gauche de Neil Kinnock 229. Aux élections de décembre 2019, la Droite de Boris Johnson a obtenu 365 sièges, la Gauche de Jeremy Corbyn 202 sièges. Cela veut dire que la défaite de la Gauche nous ramène directement à la période la plus sombre du Royaume-Uni, lorsque la Droite avait tellement le dessus qu’elle allait de victoire en victoire. En 1987, Margaret Thatcher obtenait même sa troisième victoire, et la plus grande.

La situation est d’ailleurs au sens strict encore pire et il faut remonter à 1935 pour un résultat aussi mauvais. Mais l’esprit correspond à celui des années 1980, où le libéralisme prédominait dans tous les secteurs culturels du pays, à part dans une toute petite Gauche activiste se confrontant au racisme sur le terrain et très influente dans le milieu des musiciens, ainsi que du côté de l’IRA.

Il est vrai que la raison fondamentale de tout cela, c’est que le mouvement ouvrier britanique ne s’est jamais élevé au Socialisme, formant un « travaillisme » sans envergure. Le Parti travailliste (Labour Party) était ainsi une construction des syndicats (en Allemagne ce fut l’inverse : la social-démocratie marxiste construisit les syndicats). Toute la Gauche pouvait et peut adhérer au Labour, critiquer comme il l’entend, le Parti étant une sorte de vaste fédération.

Pour cette raison, la tendance bascule dans un sens ou dans un autre. Les réformistes l’emportent à la direction, perdent à un moment les élections, sont remplacés par des activistes plus engagés qui échouent dans leur entreprise, ce qui amène un rebasculement, etc. En l’occurrence, le Labour était dirigé par Jeremy Corbyn, depuis 2015, très à gauche, avec un véritable engouement, le parti passant de 190 000 à 515 000 membres en raison de sa popularité.

La démarche était très proche de celle de Jean-Luc Mélenchon ; le populisme anticapitaliste a d’ailleurs permis l’émergence d’une vague antisémite violente dans le Labour. Pris au piège entre le travaillisme et les philosophies post-modernes à la mode (et si puissantes en Angleterre), Jeremy Corbyn refusa même de prendre position pour ou contre le Brexit. Tout ce qu’il proposa fut une meilleure négociation et surtout un nouveau référendum, lui-même ne donnant jamais son point de vue.

C’était là un suicide politique, laissant se déchaîner la Droite soutenue par toute la haute bourgeoisie afin de former un bloc britannique autonome. Donald Trump a évidemment été le premier à saluer Boris Johnson, alors que Morgan Ortagus, porte-parole de la diplomatie américaine, a rappelé la volonté américaine de former un bloc de libre-échange entre les deux pays.

On l’a compris : le bloc britannique se met dans l’orbite américaine, assumant de s’impliquer dans l’affrontement sino-américain, les pays du continent européen étant encore à l’écart à ce niveau. Cela ne se fera pas sans difficultés, car le Parti national écossais a obtenu 48 des 59 sièges d’Écosse, prônant l’indépendance. Mais il se fera inévitablement mettre au pas, car le Royaume-Uni rentre dans une période sombre, celle de l’élan nationaliste dans le militarisme.

Il suffit pour l’admettre de voir les chiffres de participation aux élections : ils sont de 67,3 %. Un tiers du pays est resté entièrement à l’écart d’une élection décisive pour l’avenir du Royaume-Uni ! Le capitalisme a littéralement broyé la société britannique, atomisé les individus, anéantit les esprits dans le nationalisme et mobilise dans un sens militariste.

Comme dans les années 1930, seule une poignée de pays-îlots vont se retrouver à résister à la montée et l’installation du Fascisme !

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Politique

Des socialistes anglais, espagnols, allemands, autrichiens… mais pas français, pourquoi ?

Pourquoi la social-démocratie est-elle encore si puissante en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Autriche ? Parce que dans ces pays, la social-démocratie a été un mouvement de masse à l’origine. Elle est ancrée dans la population. Il n’y a jamais eu rien de tel en France.

Il faut bien une explication ! Pourquoi le Parti socialiste est-il si faible ? Parce qu’il a participé au gouvernement, qu’il est corrompu ! Allons donc ! En Allemagne et en Autriche, les socialistes participent aux institutions depuis 1945, ont formé d’innombrables gouvernements d’alliance avec la Droite. Ils sont pourtant toujours là ! En Angleterre, le Labour a été au pouvoir plusieurs fois, et Tony Blair était encore plus libéral que François Hollande. En Espagne, le PSOE a toujours plus trahi ses traditions aussi. Et il existe encore, puissant !

Non, la réponse ne peut pas être la corruption de la direction, la participation au gouvernement. Car une direction, cela se change, une orientation, cela se modifie. Mais justement, en Allemagne, en Angleterre, en Autriche, en Espagne, il y a une base pour impulser ce changement, pour le forcer. En France, il n’y a pas cela. Et cela s’explique par des raisons multiples.

Primo, le Parti socialiste n’a jamais atteint une réelle base de masse, il a toujours été un petit parti électoral avec beaucoup de voix, et ce déjà à l’époque de Jean Jaurès. Par contre, en Allemagne et en Autriche c’était un vaste mouvement politique marxiste qui faisait le choix de participer aux élections (et de former des syndicats). En Angleterre, c’était un mouvement syndical qui a fait le choix d’établir un parti politique et de participer aux élections pour gagner de l’espace pour ses revendications. En Espagne, ce fut un mouvement de masse également, avec une histoire plus tortueuse.

Secundo, les traditions historiques jouent. Les socialistes se sont donnés comme naissance historique le congrès d’Epinay, fusion organisé par François Mitterrand de plusieurs courants socialistes, dans les années 1970. Cela ne peut pas suffire. Les socialistes allemands, anglais, autrichiens, espagnols, assument eux un siècle de mouvement. Et vues les histoires tourmentées de l’Espagne, de l’Autriche, de l’Allemagne, forcément, assumer l’identité socialiste, cela pèse.

Tertio, même lorsqu’il y a eu des références au-delà des années 1970, les socialistes n’ont rien pu en faire. Léon Blum ? Ouvertement marxiste, pas possible. Jean Jaurès ? Parfait car mélangeant tout de manière confuse mais avec un grand lyrisme, et pourtant par là même inutilisable. Les autres ? Tous aussi confus, tous incapables de formuler une doctrine.

Restèrent donc les grandes personnalités. Les François Mitterrand, Michel Rocard, Lionel Jospin, ou même François Hollande. Des gens avec de la culture, de la prestance, de l’ambition mais politique, bien cadré, bien posé. Ce sont des gens qui sentent les choses, qui portent les événements, qui comprennent, et qu’on comprend, cette chose si rare en politique. Oui, mais tout cela n’a rien de spécifiquement socialiste comme approche, et une fois les types partis, que reste-t-il ? Pas grand-chose, au mieux, des décombres, au pire.

Il ne reste plus qu’à reconstruire par en bas, donc. Mais avec quelle base ? Le Parti socialiste a eu ces dernières années une base où les entrepreneurs prenaient une place toujours plus importante. À part certaines sections, l’embourgeoisement était flagrant. Ces gens-là sont partis, évidemment. Et les autres aussi ! Il n’y a pas eu la fierté d’être socialiste, de maintenir le drapeau. Même les derniers volontaires ont quitté le navire, allant avec Benoît Hamon faire autre chose ou bien parasiter Jean-Luc Mélenchon en attendant mieux.

C’est que le Parti socialiste était un parti comme les autres. Ce n’est pas le cas des partis sociaux-démocrates d’Allemagne, d’Angleterre, d’Autriche et d’Espagne. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas s’effondrer, s’enliser, échouer. Mais eux ont une histoire, alors que le Parti socialiste a montré qu’il n’aura été qu’un appareil électoral ou bien gouvernemental.

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Politique

Le Royaume-Uni participera aux élections européennes

Le chaos politique du Brexit ne s’arrête pas. Sa source est il est vrai intarissable : c’est l’accroissement de la compétition internationale pour le repartage du monde. Les alliances se font et se défont, alors que les dépenses d’armement explosent. Avoir un pied dedans et un pied dehors est le plus grand luxe qu’on puisse se fournir.

Personne ne peut comprendre pourquoi le Royaume-Uni va participer aux élections européennes, alors que son gouvernement est très clair sur sa sortie prochaine. Si encore il y avait un doute, un nouveau référendum, mais non, ce n’est pas le cas. Le pays va sortir, c’est une certitude. Mais qu’est-ce qui est sûr alors que ces derniers jours, Donald Trump a relancé la guerre commerciale avec la Chine et que son armée aurait un plan d’invasion de l’Iran assez précis ? La tendance n’est-elle pas également à une production d’armement toujours plus grande, toujours plus sophistiquée ?

Si l’on prend les critères de la Gauche historique, la chose est très claire : on va à la guerre. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais sous quelle forme. Il est cependant clair pour tout le monde que les deux principaux protagonistes seront les États-Unis, à l’immense potentiel militaire, et la Chine, qui a comme horizon de devenir la plus grande puissance mondiale d’ici 30 ans. Les tensions entre les deux pays ne peuvent qu’augmenter, jusqu’à la confrontation.

La France n’est pas en reste. On accuse souvent et avec raison la Russie de se militariser, mais la France la dépasse en ce domaine. Plus personne ne s’arrête dans la militarisation, en fait. Un jour, l’un est plus puissant, un autre jour, c’est l’autre. C’est ce contexte instable par définition qui fait que le Royaume-Uni tergiverse. Dans le fond, il n’en a rien à faire de l’Union européenne et de son inévitable moteur franco-allemand. Il dispose de son « Commonwealth » et il est bien connu que stratégiquement, c’est pratiquement un État américain.

Mais qu’y a-t-il de mieux que de faire en sorte que la manière de sortir de l’Union européenne se déroule de la manière la plus adéquate pour ses intérêts ? Et pour cela, il faut gagner du temps. Et comment gagner du temps, si ce n’est en ayant des élus européens fraîchement élus ? Il faut voir le chaos provoqué par la participation du Royaume-Uni. Normalement, les postes pour ses députés auraient dû être dispatchés à d’autres. Là, ce ne sera pas le cas. Il faudra le faire par la suite, mais à quoi va ressembler la suite ?

On voit également comment la Gauche est ici coincée. D’un côté, pour renforcer l’Union européenne, si on a l’espoir de la tourner dans un sens démocratique ( ce qui est discutable bien entendu ), il faudrait dire que le Royaume-Unis fait du sabotage. De l’autre, pour refuser l’esprit international de division, il faudrait saluer le fait que le Royaume-Uni soit resté jusque-là, et l’encourager à continuer…

Dans tous les cas, la Gauche est perdante. La raison en est que l’agenda est à la fois national et international, et que la Gauche est très différente selon les pays, notamment en France où elle est majoritairement post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale. Il n’y a pas le poids international qu’il y avait de par le passé, lorsque le mouvement ouvrier réussissait, au moins en partie, à exercer une pression à l’échelle de plusieurs pays. Si demain, il y avait une tension menant ouvertement à la guerre, il n’y aurait même pas les moyens d’une protestation internationale, si ce n’est symbolique.

> Lire également : nos articles sur le Brexit

Le Royaume-Uni est conscient de cela, tout comme il sait qu’au sein de l’Union européenne, il y a de nombreuses divisions. Il a donc les coudées franches. Il ne fait pas face à une opposition anti-guerre, anti-nationaliste, ni à l’extérieur, ni en son sein. Il ne fait pas non plus face à un front uni des pays de l’Union européenne. Il peut donc se balader, prolonger la bataille pour ses propres intérêts. Ce faisant, il renforce d’ailleurs ses contradictions internes, mais il s’en moque. On voit bien que le Brexit a été décidé par en haut et que l’avis des gens ne compte pas.

Tout cela est très mauvais et la situation va bien finir par être intenable à un moment. L’esprit anti-guerre doit absolument se renforcer, se généraliser à Gauche, sans quoi les vents mauvais qui arrivent seront meurtriers.

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Le film Human Traffic aura une suite, en réaction au Brexit

En 1999, le film Human Traffic portait un regard sur la jeunesse populaire britannique et le clubbing, lié à la musique techno. Vingt après, son réalisateur Justin Kiligan annonce qu’une suite de ce film cultissime en Grande-Bretagne est en préparation, et sera une réaction au Brexit.

Human Traffic a trop souvent été caricaturé en France comme étant une éloge un peu grotesque des drogues chimiques et de la défonce gratuite. C’est ne rien comprendre à ce film, qui est surtout le cri d’une jeunesse prolétarienne contre un monde désenchanté.

On y suit le week-end très intense d’un groupe de jeunes à Cardiff en 1999, sur fond de culture club des années 1990. Si la drogue est ultra présente, c’est un parti pris réaliste, mais pas une apologie gratuite. Ce dont il est question en permanence dans le film, c’est du besoin d’avoir des rapports vrais, intenses mais authentiques, ou plutôt intenses car authentiques.

Les drogues, largement liées à la musique techno, sont une tentative d’avoir ces rapports, en s’arrachant au manque de saveur de la vie quotidienne. C’est une fausse route bien-sûr, un paradis artificiel, et ce devrait d’ailleurs être l’un des grands combats de la Gauche que de détourner la jeunesse de la drogue et de l’alcool.

Cependant, le vrai sujet ici est celui de la réalité du monde, et c’est justement le grand intérêt du film que de parler de cela. Le groupe de jeunes attend le week-end avec impatience, comme échappatoire à des petits boulots insupportables et à des situations familiales trop pesantes. Qui n’a jamais rêvé d’envoyer balader son chef comme le fait Nina au début du film ?

Il faut absolument connaître ici cette scène culte, où le principal protagoniste, Jip, propose un nouvel hymne national pour le Royaume-Uni, une sorte d’utopie moderne.

Voici la transcription et la traduction de ce qu’il dit avant de chanter (une traduction de l’hymne est proposée après la vidéo) :

I can’t fucking relax. / Je n’arrive pas à me détendre putain.
Glad to seen I’m not alone, / Content de voir que je ne suis pas seul,

I really want to lose my inibitions. / J’ai vraiment envie de me lâcher.
You Know, be able to talk to strangers. / Tu sais, pouvoir parler aux inconnus.
Break the ice. / Briser la glace.
But I can’t be arsed either. / Mais je n’ai pas envie de me prendre la tête non-plus.
I don’t need this strees on my night off. / Je n’ai pas besoin de stresser un week-end
Britain, chill the fuck out, / Bretagne, lâche-toi putain,
and then show me how to do it. / Et montre-moi comment le faire.
I think it’s time for a new national anthem.  / Je crois qu’il est temps pour un nouvel hymne national.
You know, one I can relate to. / Tu vois, un truc qui me parle.

Je fais en sorte d’être moi-même, de comprendre tout le monde, ce n’est pas rien comme mission. M’intéressant à tout le monde, j’essaie d’apprendre quelque-chose, mais je capte de moins en moins. C’est dur d’être cool ! Notre génération, aliénation, avons-nous une âme ? Urgence de la techno, réalité virtuelle, on est à court de nouvelles idées. Qui est la reine ?

Le rapport avec le Brexit est évident. La société britannique se replie sur elle-même, en s’imaginant qu’elle puisse s’en sortir ainsi, car cela fait déjà 20 ans, au moins, qu’elle est à « court de nouvelles idées ».

Human Traffic a été un succès populaire en Grande-Bretagne, car il correspondait à un état d’esprit, que le réalisateur résume ainsi :

« Je crois que le monde est un miroir d’intention, et si vous faites quelque chose avec l’intention de rassembler les gens, et que les bonnes personnes le voient, qui ressentent la même chose [alors] les gens peuvent se connecter avec cela. »

La culture clubbing n’a cependant pas été en mesure de porter l’utopie de l’ouverture aux autres. Cela est vécu comme un terrible échec par des gens comme Justin Kiligan, car il fait partie de la génération techno des années 1990, qui pensait pouvoir porter une alternative, des valeurs différentes et meilleures que la morale bourgeoise et le libéralisme. Le Brexit est un désaveu terrible pour lui, comme pour de nombreux britanniques.

Peut-être qu’il y croit encore, car il présente la suite de son film ainsi, en ayant l’air très motivé :

« C’est à propos d’une seule race, la race humaine, et c’est une réaction au Brexit », ajoutant que « si jamais une idée a été inventée à 5 heures du matin, après le club, c’est celle de parler à un inconnu. »

Cela peut paraître naïf, car il est évident que la drogue ne permet que de fausses rencontres, des ersatz de rapports sociaux, si l’on peut dire les choses ainsi. Il y a cependant une dignité à cela, de la part de gens qui n’ont pas trouvé le moyen de faire autrement.

Ce manque de lucidité est cependant une grande erreur, qui mène tout droit dans le mur. Si les classes populaires britanniques ont en grande partie soutenu le Brexit, ce n’est pas parce qu’elles seraient intrinsèquement réactionnaires. Le problème est qu’elles se sont fait broyer par le quotidien pendant de nombreuses années, et qu’elles associent maintenant l’ouverture aux autres à seulement de la décadence et du libéralisme.

> Lire également : Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

On ne sait pas ce qu’aura à dire Justin Kiligan dans Human Traffic 2, et on a hâte de le savoir. Mais s’il s’agit juste de faire « une comédie à propos de la génération rave qui se déroule pendant un weekend à Cardiff, Londres et Ibiza », on peut être certain que cela ne suffira pas. À moins qu’il assume servir le libéralisme et la décadence, car il n’y a pas grand-chose de plus décadent en 2019 qu’un week-end à Ibiza…

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Dégradations visant la tombe de Karl Marx à Londres

La tombe de Karl Marx a connu deux séries de violentes dégradations, dans une optique violemment opposée à l’idée de socialisme. Si cela n’étonne pas en soi, cela rappelle que le rejet de la Gauche s’assume toujours plus ouvertement dans tous les pays, sous une forme très radicale appelant ni plus ni moins à sa liquidation.

La tombe de Karl Marx, avec une sorte de petit monument financé par le Parti Communiste de Grande-Bretagne et inauguré en 1956, se situe à Londres, où il a longtemps habité, ayant dû fuir l’Allemagne. Elle est dans un cimetière du nord de la ville, le Highgate cemetery ; le corps de Karl Marx y repose avec celui de sa femme Jenny, ainsi que trois autres membres de sa famille.

En 1975, une association a pris en charge le maintien de ce cimetière de 15 hectares et de 53 000 tombes, dont l’entrée à la section Est, avec la tombe de Karl Marx, est désormais payante pour financer les frais d’entretien, alors que la section ouest est fermée au public à part pour quelques visites guidées, formant une sorte de petit paradis pour la Nature qui y a repris ses droits.

La tombe de Karl Marx en est la plus marquante politiquement, bien entendu, et elle a connu plusieurs actes de dégradations, et même deux tentative d’attaques à l’explosif, en 1965 et en 1970. Deux récentes dégradations, une dans la première semaine de février 2019, une à la mi-février, ont marqué les esprits. La première a consisté en une attaque au marteau, la seconde en des slogans écrits à la peinture rouge : « doctrine de haine », « architecte de génocide, de terreur et d’oppression », « meurtre de masse », « idéologie de la famine », « mémorial à l’holocauste bolchevik 1917-1953 », « 66 000 000 de morts ».

Pour trouver une dénonciation aussi brutale dans son style, il faut se tourner vers l’Ukraine, où tout ce qui relève du socialisme de près ou de loin est criminalisé de manière virulente, alors que l’État polonais aimerait bien faire de même. Car on n’est pas ici dans un simple refus, ou bien une dénonciation, on est dans une dynamique violente visant la Gauche et cherchant à obtenir sa liquidation. L’anti-socialisme, l’anti-communisme, le rejet de tout ce qui relève de la Gauche historique est particulièrement virulent, et ce dans tous les pays.

Cela ne vient pas que de la Droite ; ainsi, si l’on regarde bien, ni le PS, ni le PCF, ni LFI, ni Génération-s ne se revendiquent de Karl Marx, voire même ne s’en sont jamais revendiqués ; au mieux le considèrent-ils aujourd’hui comme dépassé, mais utile pour l’inspiration. Ainsi, la Gauche française a en général une orientation favorable à Karl Marx dans une approche très romantique. Karl Marx n’est pas lu, mais il symbolise la « critique du capitalisme » ; on ne le lit pas – de toutes façons c’est trop long, trop « dogmatique » et puis l’économie politique c’est bon pour les Allemands, pas les Français – mais on a tout de même certains de ses livres.

Il y a là une certaine schizophrénie française, qui ne date pas d’hier puisque déjà la SFIO d’avant 1914 n’était pas une réelle social-démocratie, mais un conglomérat de courants divers et variés, ayant déjà cette lecture amour-haine de Karl Marx. Rien n’a bien changé depuis ce temps-là. Le problème est évidemment que Karl Marx, qu’on le lise ou pas, représente quelque chose de très puissant historiquement, au-delà de ses idées mêmes, puisqu’il est celui qui a mis en place la première Internationale dans sa forme socialiste.

Les anarchistes ont publié une liste sans fin d’ouvrages dénonçant ce « coup de force » de Karl Marx, exprimant une nostalgie pour l’époque où l’anarchisme aurait pu, aurait dû prendre les commandes du mouvement ouvrier. Mais à part eux en France, personne ne s’intéresse à cette question, qui fait pourtant de Karl Marx, comme le montrent les dégradations, la première grande figure historique du socialisme, du mouvement ouvrier social-démocrate.

Cela signifie que la Gauche française ne pourra pas faire l’économie d’un choix à ce sujet ; il faudra bien qu’elle assume Karl Marx ou non, mais elle ne pourra pas éternellement contourner cette question. Rien que la question « les ouvriers sont-ils exploités dans le capitalisme ? » exige une réponse, qui ne peut être que positive ou négative, sans nuances. Soit la théorie de la « plus-value » de Karl Marx est juste, soit elle est fausse.

Et cette question ne sera pas, vue la situation, posée par la Gauche ; elle sera posée par la Droite, qui voudra aller toujours plus loin et exiger toujours plus de « renoncement » de la part de la Gauche. Un jour il sera demandé franchement l’anti-socialisme, l’anti-communisme. C’est absolument inévitable. Il ne faut d’ailleurs pas se voiler la face et beaucoup de gens dans le PS, le PCF, aimeraient bien se débarrasser des termes socialiste et communiste. Génération-s et la France Insoumise l’ont déjà fait et ce n’est pas pour rien.

La protection du patrimoine historique du mouvement ouvrier prendra ainsi inéluctablement dans un certain temps une tournure brutale, posant d’immenses problèmes à Gauche, mais, espérons-le, traçant également des perspectives plus claires.

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Politique

Ce que montre le chaos du Brexit sur le capitalisme

Loin d’être quelque chose d’organisé, le capitalisme est profondément chaotique. Les crises sanitaires, sociales, économiques, etc. sont le pendant inévitable d’un système fondé sur une compétition acharnée. L’expansion du capitalisme se ralentissant, ces crises vont s’exprimer de manière plus abrupte, mais les gens seront-ils en mesure de les interpréter correctement ?

« Vote Leave », Londres, 7 juin 2016

En Grande-Bretagne, les personnes avec des maladies chroniques ont été très inquiètes du fait que certains médicaments risquent de ne plus être disponibles. C’est en effet possible, mais aucune administration n’est capable d’évaluer cela, pas plus que les entreprises. Cette absence de maîtrise d’une chose aussi importante est très grave. Elle montre cependant une chose très importante : le capitalisme ne contrôle rien du tout.

Cela pose un double problème. D’abord, il y a le fait que les gens ont pris l’habitude de pouvoir consommer comme ils l’entendent, dans le cadre d’une société de consommation où une forme d’abondance est la règle. Si jamais il y a des manques, des choses devenant inaccessibles, les gens vont très mal le prendre. Ils ne vont pas se dire que le capitalisme est dépassé, ils vont simplement se dire qu’il y a du sabotage, des gens empêchant le capitalisme d’être lui-même. Les gilets jaunes ne disent pas autre chose, même si chez eux ce n’est pas le chaos du marché, mais l’affaiblissement du pouvoir d’achat qui joue.

Ensuite, il faut voir que cela implique des crises sévères, dont la nature ne peut pas être déterminée à l’avance. Il y a l’exemple de la crise des lasagnes produites illégalement avec de la viande de cheval, celle de la crise des pestes aviaire, porcine… celle des déchets plastiques dans l’océan, des déchets dans l’espace… Il y a le réchauffement climatique, les couches pour bébés contenant des produits dangereux… Le capitalisme s’occupant de tous les aspects de la vie, tous les aspects de la vie sont menacés.

Certains en ont conscience et disent, à l’instar du PCF ou de Benoît Hamon, qu’il faut renforcer l’État, les institutions européennes, les institutions internationales. Cela présuppose deux choses : tout d’abord que ces forces aient la capacité de rectifier le capitalisme, ensuite qu’elles aient le moyen de comprendre ce qui se passe pour organiser de telles rectifications. Or, bien malin celui qui est capable d’entrevoir un semblant de logique dans le chaos général qui se profile de plus en plus. Rien que l’incapacité à faire face au Brexit montre qu’une telle chose n’est pas possible. Si les meilleurs cadres d’un État moderne comme le Royaume-Uni ne parviennent pas à gérer une chose si importante, qui peut prétendre le faire à l’échelle mondiale ?

Et, de toutes façons, le capitalisme met toujours devant le fait accompli. Prenons l’exemple du chantier de l’EPR de Flamanville. Il fait partie de quelque chose de très surveillé, puisque le domaine du nucléaire exige beaucoup de sécurité. L’administration est donc aux aguets, surtout que le nucléaire fait partie des exportations « à la française ». Or, que voit-on ? Que le chantier, qui a débuté en 2007, va être prêt en 2020, ce qui l’amène à avoir… dix ans de retard. Une centrale nucléaire avec dix ans de retard, alors que les ingénieurs, les techniciens, l’État, etc., y accordent une attention extrême, sont censés tout planifier à la virgule près ? C’est dire le problème.

Dans tous les cas, de toute façon, la vérification, la surveillance, la supervision… demandent des moyens, et il n’y en a pas. Les États tout comme les grandes institutions sont en faillite. Dans de nombreux milieux d’ultra-gauche on fantasme sur un État de surveillance totale : non seulement ce n’est pas encore réalisable techniquement, mais surtout cela coûterait trop cher, alors que les États ont déjà des dettes gigantesques. Il faudrait un doublement, un triplement de l’activité économique et ce pendant des années pour que les États renflouent leurs caisses, et encore.

Il n’y a donc pas 36 solutions. Soit on rationalise à la hache ce qui relève du chaos, soit on se fait déborder par lui, en espérant que cela passe sans trop de casse. Il faut ici noter cette chose terrifiante quand on y pense : la société britannique attend de manière totalement passive de voir ce que va donner le Brexit. Elle ne manifeste nullement son mécontentement, son inquiétude ; elle attend sans rien faire, ne dépassant pas les murmures. C’est quelque chose de très grave, témoignant d’un déficit démocratique total.

Cela doit inquiéter, car quand on est de Gauche, on est démocratique, et donc on veut que la rationalisation soit faite par le peuple. Mais s’il n’y a pas de peuple à la hauteur pour prendre les choses en main ? Eh bien en ce cas, on a le grand risque que l’on connaît par le passé : la rationalisation se fait par une minorité démagogique s’appuyant sur le nationalisme pour rationaliser dans le sens du protectionnisme et de la guerre. Cela s’appelle le fascisme, qui au moyen du « corporatisme », du « socialisme » national… remet le capitalisme « en ordre », au moyen de « plans » qui ne sont que l’établissement d’une industrie au service de la guerre.

Il est d’autant plus dommage qu’à Gauche, beaucoup de gens aient abandonné la conception selon laquelle le capitalisme, c’est le chaos. Ils pensent surtout que le capitalisme est quelque chose d’organisé, mais dans un sens mauvais. Tout serait une question d’organisation « différente ». Ce n’est pas le cas du tout ; cela ne peut pas être le cas dans une forme sociale fondée sur la compétition, la concurrence. Et cela aboutit à l’illusion comme quoi le capitalisme obéirait aux lois, voire disposerait d’une certaine morale, de certains principes, ce qui est très grave, comme totalement illusoire.

Le capitalisme est chaos et si cela ne se voit pas lors de son expansion, car les déséquilibres ne durent pas longtemps, cela va être de plus en plus flagrant. Ne pas assumer son dépassement, ce serait laisser le champ libre au fascisme comme « réorganisation », « rétablissement », « rationalisation » en apparence du capitalisme, pour en faire une machine de guerre.

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Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

Le Parlement britannique a massivement rejeté hier soir l’accord négocié par Theresa May avec l’Union Européenne pour organiser le Brexit, alors qu’il ne reste que quelques semaines avant l’échéance du 29 mars. Comment un tel chaos est-il possible alors que ce qui se passe est d’une très grande importance sociale, culturelle, et bien sûr économique ? Ce qui se révèle ici, c’est la quête exacerbée de chaque pays à tirer les marrons du feu, c’est-à-dire le renforcement du nationalisme.

Le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a parlé d’une « défaite catastrophique » pour le gouvernement de Theresa May, la « plus grande depuis les années 1920 ». Le vote avait en effet été reporté depuis le 11 décembre pour éviter un tel camouflet. Il était considéré qu’à moins de 100 voix d’écart entre les pour et les contre, la ministre aurait une marge de manœuvre pour renégocier avec l’Union Européenne, mais il y a eu 230 voix d’écart.

Le résultat du vote était attendu tellement la situation est tumultueuse au Royaume-Unis, la seule question était celle de l’ampleur de ce rejet. Celui-ci fut donc très grand, avec 432 voix contre et seulement 202 voix pour, ce qui plonge le pays dans une grande instabilité.

Ce rejet massif relève lui-même d’une grande confusion, car les votes contre ont exprimé des opinions diverses, soit pour dire qu’il ne fallait pas d’accord du tout, soit pour dire qu’il fallait rester dans l’Europe, avec bien-sûr toutes les nuances intermédiaires.

C’est là quelque chose de très chaotique et le bon sens voudrait qu’on procède à un nouveau référendum pour savoir si vraiment il y a une majorité pour le Brexit dans le pays. Cependant, les énormes conflits d’intérêts économiques existant au sein des couches sociales dominantes britanniques empêchent toute rationalité.

Cette proposition d’accord était d’ailleurs elle-même très irrationnelle, parce qu’inacceptable par nature pour un pays. Elle consistait pour le Royaume-Unis, de fait, à garder les règles européennes tout en perdant son pouvoir de décision vis-à-vis des pays membres de plein droit. C’était un bricolage pour faire face à l’urgence, pour tenter de gérer une situation ingérable au vu des différentes contradictions que posent cette sortie de l’Union Européenne.

Il faut bien se douter en effet de l’importance d’un vrai problème de fond, pour que l’une des principales puissances mondiales ne sache pas à ce point si elle veut être ou non dans l’Union Européenne. Il y a au sein des couches dominantes britanniques des partisans d’une alliance avec les États-Unis, d’autres d’un repli sur le Commonwealth, enfin encore d’autres d’une ouverture à l’Union Européenne, sans parler des différentes variantes plus ou moins intermédiaires entre ces options.

On ne sait pas trop qui a le dessus et l’Union Européenne elle-même aimerait bien le savoir, pour savoir si elle doit laisser ouverte la porte, si elle doit la fermer lentement ou carrément brutalement. En clair, avec les événements d’hier soir, puisqu’il n’y a pas d’accord, on peut même imaginer que le Brexit soit repoussé jusqu’aux élections du printemps… à moins que les frontières soient subitement reformées de manière stricte dès le 29 mars avec un « hard-Brexit » !

La question des frontières est d’ailleurs un grand problème ayant empêché tout accord cohérent puisque la question de l’Irlande est très complexe. S’il n’y a plus l’Union Européenne, alors il faut d’une manière ou d’une autre une frontière physique, et donc une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, qui entend de son côté plus que jamais rester dans l’Union Européenne. Sauf que personne n’imagine concrètement une telle frontière, même chez les plus ardents partisans du Brexit, cela d’autant plus que la question nationale irlandaise est encore très brûlante.

Il est évident qu’aucun décideur économique ne peut apprécier une telle situation, sans parler des gens normaux pour qui tout cela est très troublant. La société britannique ne peut qu’en être par ailleurs profondément tourmentée et divisée. Cela renforce l’ambiance anxiogène mondiale qui, avec Trump, Poutine, Erdogan, etc., n’en avait pas besoin.

Mais c’est malheureusement le sens de l’histoire. La Gauche n’a pas écrasé les forces faisant de la guerre un moyen de solution aux problèmes économiques et sociaux. On a beaucoup parlé du racisme comme vecteur d’une régression culturelle et sociale. Cela est juste, mais cela n’est jamais qu’une composante de la pratique de « diviser pour régner » allant de pair avec le principe comme quoi c’est par la guerre que se résolvent finalement tous les problèmes.

La mobilisation de la population vers de fausses solutions est un levier classique pour profiter d’énergies souvent sincères et aller plus efficacement dans le sens de la confrontation économique, politique, militaire. La question du Brexit, c’est évident, ne peut être comprise que dans son rapport avec la notion de guerre, de nationalisme, de bataille pour le repartage du monde.

Il faut souligner ici, pour ce qui nous concerne en France, le rôle absolument néfaste d’un Jean-Luc Mélenchon qui s’est empressé de saluer le résultat du vote :

« Accord Brexit rejeté à la chambre des Communes. L’Union européenne décompose les gouvernements qui pactisent avec elle »

« Le pire accord de libre-échange jamais accepté par la France vient d’être battu au Parlement anglais : pas de regrets »

Lui dont le succès est issu d’une vague de fond nationaliste ayant suivit le référendum sur la Constitution européenne en 2005, participe directement de ce climat délétère, voir franchement nauséabond, tendant à la guerre.