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Le Brexit, un pas vers la division, vers la guerre

L’accord ente l’Union Européenne et la Grande-Bretagne, qui doit encore être validé par le parlement britannique, est l’expression de la tendance au repli isolationniste des pays capitalistes, dans un contexte de bataille pour le repartage du monde.

Brexit

Les choses sont donc désormais fixées : le gouvernement britannique est parvenu à un accord avec l’Union Européenne au sujet du Brexit. Le document de l’accord fait 600 pages et celui-ci rentrera en vigueur le 29 mars 2019. Le parlement britannique doit encore valider cet accord le 11 décembre, ce qui ne va pas forcément de soi.

C’est en effet tout le paradoxe : une large partie de la population britannique n’est pas pour le Brexit, et c’est vrai même pour une partie importante des entreprises, des bourgeois et des grands bourgeois. Seulement voilà, ce qui décide en dernier ressort, c’est la tendance historique.

Or, la tendance historique est à l’affrontement pour le repartage du monde, parce que c’est nécessaire pour obtenir suffisamment de profits. La croissance interne ne suffit pas, elle ne peut jamais suffire, et la Grande-Bretagne a les moyens de faire sa propre aventure, de par les restes de son empire et sa puissance financière. Cela est d’autant plus vrai que l’Union Européenne est inéluctablement marquée par l’hégémonie du tandem franco-allemand.

Angela Merkel vient d’ailleurs d’affirmer que « les Etats souverains doivent aujourd’hui, devraient aujourd’hui, être prêt à abandonner leur souveraineté ».

Le Brexit est donc strictement similaire à l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Il y a bien d’autres équivalents, comme la prise du pouvoir en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Pologne, par des réactionnaires brutaux focalisés sur l’optique isolationniste – nationaliste. La récente élection de Bolsonaro au Brésil relève du même principe.

> Lire également : Présidentielles brésiliennes : le succès ultra-réactionnaire de Jair Bolsonaro

La croissance permise par l’ouverture des marchés en Europe de l’Ouest, puis son élargissement à l’Est après 1989, a fait son temps. Elle n’est plus assez effective et c’est désormais le chacun pour soi, d’autant plus que ne pas le faire équivaut à renforcer la Chine, qui s’est habilement placée depuis 20 ans comme « usine du monde ». Chacun entend désormais remettre les compteurs à zéro et privilégier sa propre situation, afin de parvenir à trouver une croissance, coûte que coûte.

Cela sous-tend naturellement deux choses : d’abord que l’écologie est un thème définitivement passé aux oubliettes, ensuite que la tendance à la guerre émerge de manière ouverte, alors qu’elle était passée à l’arrière-plan avec le cycle ouvert par 1989.

On fait ici face à un problème : si les gens en France reconnaissent cela, ils n’y croient pas pour autant, ou bien pensent que cette guerre sera loin, en Asie. Personne ne prend la guerre au sérieux, à part bien entendu les généraux de l’armée française, ainsi que le haut appareil d’État. C’est très grave, vu comment les choses peuvent se passer très vite.

Rappelons ici brièvement quelques tensions importantes, alors que l’Ukraine a décrété la loi martiale en raison de tension avec la Russie dans la région de la mer d’Azov, de la mer noire. L’Espagne veut à tout prix récupérer Gibraltar, que les Britanniques ne comptent jamais abandonner. L’Autriche veut donner la nationalité autrichienne aux germanophones au Tyrol du Sud, considéré par l’Italie comme le Haut Adige. La Hongrie compte bien annexer les territoires des pays voisins où les Hongrois forment la majorité, la remise en cause du partage d’après 1918 étant son obsession. La Bosnie est une poudrière bureaucratique et mafieuse sous pression de la Croatie et de la Serbie, cette dernière entendant bien récupérer le Kosovo, que l’Albanie souhaite quant à elle annexer.

Des tensions comme cela il y en a encore de nombreuses en Europe, et c’est encore pire dans le monde. Cela ne jouerait pas vraiment si la tendance était à l’unification, aux échanges, mais là le capitalisme se contracte ; en perte de vitesse, il reprend ses bases nationales et donc la tendance à la compétition nationale, au repartage, à la guerre.

Le Brexit est l’expression d’une telle tendance et elle est un avertissement de la terrible menace qui pèse sur les peuples du monde : le monstre de la guerre ressurgit !

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Politique

Jeremy Corbyn et le Labour face à la question antisémite

Le Labour (parti travailliste) au Royaume-Uni – l’équivalent du parti socialiste – a un très gros problème, que l’on connaît bien en France, mais plutôt du côté du PCF et de la France insoumise. En effet, après un tournant pro-gouvernemental sous une forme libérale de gauche (très proche d’ailleurs d’Emmanuel Macron) avec Tony Blair, le Labour cherche depuis plusieurs années à revenir à gauche et à gagner de nouveau aux élections sur cette base.

Jeremy Corbyn

Mais il ne le fait pas en se tournant vers les socialisme, l’histoire du mouvement ouvrier. Il le fait sur un mode populiste de gauche, avec évidemment une très large ouverture à l’antisémitisme, ce socialisme des imbéciles.

Au lieu de parler de la classe ouvrière, le mot Palestine a acquis dans le Labour une dimension pratiquement magique pour avoir l’air de gauche, tout au moins de cette gauche « moderne », post-industriel, post-moderne, post-colonial, post-tout ce qu’on voudra.

Cela a pris des proportions toujours plus extrêmes, avec des attitudes et positionnements que l’on connaît bien de ce côté-ci de la Manche, pas du tout chez les socialistes mais vraiment beaucoup chez la France Insoumise et énormément au PCF.

Seulement, à un moment donné il faut être sérieux et passer soit dans l’antisémitisme ouvert, soit finalement dans son refus. Le dirigeant du Labour, Jeremy Corbyn a ainsi été obligé vendredi dernier de chercher à se sortir de ce pétrin, en publiant dans le Guardian une lettre où il affirme vouloir déraciner les antisémites de son parti.

Cela suit la publication conjointe de la part de journaux de la communauté religieuse juive le présentant comme une « menace existentielle », une rhétorique bien entendu absurde, d’ailleurs très largement poussé par les rabbins britanniques, mais qui montre le problème de fond.

Car les nombreuses initiatives antisémites dans le Labour, allant du complotisme sur le 11 septembre jusqu’à l’éloge de Hitler ou la dénonciation des « banquiers juifs », se sont engouffrées dans une critique (elle non antisémite) de l’État israélien. En fait, on peut très bien voir que sans assumer le socialisme, la critique du sionisme devient un outil pour les enragés ne voulant pas le socialisme, mais une sorte de troisième voie.

I will root antisemites out of Labour – they do not speak for me (Jeremy Corbyn)

On connaît bien cela en France avec par exemple les Indigènes de la République, mais le PCF et la France insoumise ne sont guère différents dans le fond ; eux non plus ne veulent pas du socialisme, de l’histoire du mouvement ouvrier. La Palestine est surtout pour eux un argument masquant leur défense de la « politique arabe de la France ».

Jeremy Corbyn devait donc choisir entre faire comme si de rien n’était ou bien réfuter l’antisémitisme. Il devait adopter une critique non-antisémite de l’État israélien ou bien maintenir son populisme.Il a choisi de couper la poire en deux, ce qui n’est pas possible, car hostile à l’universalité du socialisme qui rejette toute religion et exige la fusion de toute l’humanité.

Il se positionne ainsi :

« J’ai mené campagne toute ma vie pour la reconnaissance de la force d’une société multiculturelle. La Grande-Bretagne ne serait pas ce qu’elle est sans nos communautés juives (…).

Dans les années 1970, certains à gauche ont expliqué de manière erronée que « le sionisme est du racisme ». C’était faux, mais l’assertion que « l’anti-sionisme est du racisme » est également fausse. »

Cela n’a pas de sens. Soit on est pour une culture universelle et on refuse le communautarisme, auquel cas on ne peut pas accepter de particularisme religieux, national, ethnique, etc., soit on est pour le multi-particularisme mais en ce cas on ne peut plus critiquer le sionisme, ni aucun nationalisme ou tribalisme d’ailleurs.

Et cela montre que Jeremy Corbyn n’est pas sérieux dans son engagement à gauche, que la question antisémite est un vrai problème chez lui aussi, lui qui en 2010 participait le jour de l’anniversaire de la Shoah à une conférence intitulée « Plus pour personne – d’Auschwitz à Gaza » assimilant les activités de l’État israélien aux crimes illimitées du nazisme.

C’est pourquoi Jeremy Corbyn est également coincé face à la député du Labour Margaret Hoge, qui est juive et membre du Labour depuis cinquante ans, qui lui a lancé en plein parlement : « Tu es antisémite et raciste ».

Ce qu’elle lui reproche, c’est de ne pas faire en sorte que le Labour accepte la définition de l’antisémitisme formulé par l’International Holocaust Remembrance Alliance, en raison de trois points.

Le premier est la question de l’assimilation de l’État israélien à l’Allemagne nazie, que désormais Jeremy Corbyn rejette également, du moins en apparence. Le second est la question de la dénonciation de personne juives comme plus fidèle à l’État israélien qu’à leur propre pays, le troisième est la question de la considération comme quoi le sionisme a une base ethnique, donc raciste.

Jeremy Corbyn

Cette dernière question n’a pas toujours été en débat à gauche. A l’origine, la gauche soutenait le sionisme et inversement ; l’URSS a été le premier pays, sous Joseph Staline, à reconnaître l’État israélien.

Puis, rapidement, le sionisme ayant choisi de se placer sous le parapluie américain, la gauche a rejeté le sionisme, dès le début des années 1950 et en particulier à parti de 1967, période d’émergence de la gauche palestinienne.

L’État israélien se refermant toujours plus sur lui-même, s’ouvrant à la religion contrairement à auparavant, ce rejet s’est amplifié, malgré la désormais non-existence à peu de choses près de la gauche palestinienne

Il va de soi aussi que la modification toute récente de la constitution israélienne, où les Israéliens arabes deviennent des citoyens de seconde zone, ou encore le blocus maritime de Gaza par une sorte de grand mur, ne vont pas amener les choses à changer de ce point de vue.

Le Labour a alors proposé à Margaret Hoge qu’elle s’excuse, afin de ne pas avoir à faire de mesure disciplinaire à son encontre. Naturellement, elle n’a pas voulu, polarisant cette situation terrible pour la gauche britannique. Le Labour a finalement décidé de ne prendre aucune sanction à son encontre.

Cela a, au moins, le mérite de poser une question importante, à l’opposé d’en France où il n’y a eu strictement aucune autocritique de la Gauche par rapport à l’antisémitisme diffusé sous prétexte d’antisionisme. Il a fallu le mouvement Je suis Charlie pour que l’antisémitisme connaisse un coup d’arrêt, la base de la Gauche s’exprimant enfin.