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Refus de l’hégémonie

Les 5-6 mai 2024 scellent l’intervention occidentale en Ukraine

Pour comprendre cet article, il faut bien avoir en tête que nous avons annoncé le conflit armé en Ukraine six mois avant son commencement, et que nous le suivons de manière régulière depuis cette date, avec une analyse rigoureuse et efficace.

Ce qui va être dit est, ainsi, tout à fait sérieux, au-delà du caractère habile des propos. Cette mise en garde alors que la société française est totalement décadente, et que les Français ne savent se révéler que mous et larmoyants.

Voici les deux événements marquants, qui reflètent un moment dramatique.

Le 5 mai 2024, le quotidien italien La Repubblica a publié un article donnant une information « confidentielle » de l’Otan. Cela est précisé de la manière suivante.

« Pour la première fois depuis le début de la guerre, l’OTAN a identifié, de manière très confidentielle et sans annonce officielle, au moins deux lignes rouges au-delà desquelles une intervention directe dans le conflit en Ukraine pourrait avoir lieu. »

L’article n’est pas signé que par un journaliste direct de ce quotidien, mais également par deux correspondants, un basé à… Paris, l’autre à Bruxelles. Il se veut avoir une facture officielle-inoficielle.

Quelles sont les deux lignes rouges? La première, c’est la participation de la Biélorussie au conflit entre la Russie et l’Ukraine. En fait, derrière cela il y a l’idée que si le front s’élargit, l’armée ukrainienne aura du mal à répondre en raison de son manque de soldats.

Cette hypothèse est de toutes façons peu plausible, car du point de vue russe, la Biélorussie est appelée à jouer le rôle de frère futur « arbitre » pour le compromis entre les deux autres frères ennemis russe et ukrainien.

La seconde ligne rouge, c’est l’invasion par l’armée russe des États baltes, de la Pologne ou de la Moldavie. L’hypothèse d’une invasion des Etats baltes ou de la Pologne n’a aucun sens, car ce sont des pays membres de l’Otan et la Russie n’allait pas en 2024 se rajouter de ennemis directs.

La Moldavie, par contre, n’est pas dans l’Otan et là cela indique beaucoup de choses. Il y a là une véritable ligne rouge. Mais à quoi?

L’article italien a été beaucoup commenté, et il a été concerné que l’intervention occidentale en Ukraine dépendait de ces deux points. C’est là une imbécillité.

En réalité, les deux lignes rouges indiquent non pas le point minimum, mais le point maximum. Ce qu’il faut lire, c’est la chose suivante : « tant que la Biélorussie, la Pologne, les Etats baltes et la Moldavie ne sont pas en jeu, l’Otan n’interviendra pas ».

Cela veut dire en même temps : « une intervention occidentale en Ukraine pour participer au conflit est acceptable pour l’Otan, tant que cela ne dépassera pas un certain seuil, défini par les lignes rouges, car là c’est l’Otan collectivement qui interviendrait ».

L’article italien a bien entendu également précisé qu’en l’état, l’Otan n’a aucun plan pour intervenir militairement en Ukraine, histoire de bien fermer l’hypothèse et de livrer l’intervention occidentale à elle-même.

Le 5 mai 2024, l’intervention occidentale en Ukraine a ainsi été autorisée, et définie.

Ne manquait alors plus que la réponse russe. Elle est venue le lendemain. Le 6 mai 2024, le ministre russe de la Défense a annoncé des exercices militaires « en réponse aux déclarations provocatrices et menaçantes de certains dirigeants occidentaux contre la Fédération de Russie ».

La tenue de ces exercices sera faire « sur instruction du Commandant en chef suprême des forces armées de la Fédération de Russie », qui est le président russe Vladimir Poutine. C’est une décision du plus haut niveau possible.

Et, surtout, il y a la tenue de ces exercices.

« Au cours de l’exercice, une série de mesures seront prises pour s’entraîner à la préparation et à l’utilisation d’armes nucléaires non stratégiques. »

La doctrine militaire russe est formelle. L’emploi des armes nucléaires est réservé à une situation où l’existence même de l’Etat russe est menacé. Depuis plusieurs mois, cet emploi a été élargi à la Biélorussie, où des armes nucléaires non stratégiques ont été placées.

Ces armes désignent en fait des bombes nucléaires de puissance bien moindre, pour détruire notamment des troupes s’avançant.

Le principe a notamment été théorisé par l’Otan pendant la guerre froide. En cas d’offensive du pacte de Varsovie, il avait été considéré que les troupes passeraient par deux passes stratégiques : la trouée de Fulda, près de Francfort, et la vallée du Danube à la frontière entre l’Autriche et la Slovaquie. Les armes nucléaires tactiques de l’Otan étaient prêtes à être lancées ou utilisées sur place en cas d’attaque.

Autrement dit, la Russie a elle-même exposé ses deux lignes rouges à une intervention occidentale. La première, c’est une invasion occidentale de la Biélorussie, et il faut considérer que l’enclave de Kaliningrad est concernée ici.

La seconde, c’est la défaite : si l’armée russe est défaite au-delà d’un certain point, elle forcera l’arrêt des hostilités.

Deux autres points viennent s’ajouter.

Tout d’abord, le même jour, la Russie a convoqué l’ambassadeur français, et averti que si des armes britanniques fournis à l’armée ukrainienne frappait le territoire russe, alors « toute installation ou équipement militaire britannique sur le territoire ukrainien et au-delà » pourrait en conséquence être la cible de l’armée russe.

Cela fournit une « limite » à la France et au Royaume-Uni.

Ensuite, le président Xi Jinping était également le même à Paris. Il a tenu de nouveau le discours chinois qui dit tout pour ne rien dire, et rien pour tout dire. La formule la plus concrète fut :

« Nous nous opposons à l’utilisation de la crise ukrainienne pour jeter la responsabilité sur d’autres, salir un pays tiers et déclencher une nouvelle guerre froide. »

Autrement dit, la Chine n’interviendra pas directement aux côtés de la Russie, mais naturellement tout est un jeu mondial, et la Chine a tout intérêt à ce que la Russie ne perde pas, donc il ne faut pas compter sur elle pour se subordonner aux occidentaux.

De toutes manières ici, à part pour les journalistes occidentaux qui sont de purs crétins, il est évident que la Russie n’aurait jamais lancé son opération en Ukraine sans l’accord chinois. Stratégiquement, les intérêts russes et chinois sont trop communs.

Tout cela est malheureusement absolument clair, si on lit correctement les choses. Le 5 mai, les pays occidentaux ont défini le cadre de leur côté, le 6 mai la Russie a défini le cadre de son côté.

Tout ce qui produit sous un certain seuil de tolérance est donc accepté… L’intervention occidentale peut donc se faire, sans « risque de troisième guerre mondiale ».

Il faut noter ici la stupidité de ceux qui imaginent que l’escalade en Ukraine signifierai la destruction du monde. Ce fantasme « exterministe » n’a aucun sens. Les choses sont bien pires que ça, avec des affrontements qui vont s’étendre et se contracter, avec des armes nucléaires qui peuvent être utilisées et provoquer des catastrophes, sans pour autant que ne cesse les conflits, etc.

Pour qui s’intéresse plus précisément à cette question de l’emploi de l’arme atomique, un article est ici incontournable : « Les stratégies impérialistes de contournement de l’équilibre de la
terreur à l’époque de la seconde crise générale du capitalisme :
l’asphyxie comme approche de la superpuissance américaine, le
délitement comme approche sino-russe » (revue Crise n°18, février 2022).

Si on veut angoisser, on peut dire que les 5-6 mai 2024, il y a eu la mise en place d’un contournement de l’équilibre de la terreur.

Naturellement, dans les faits tout sera bien plus compliqué et les généraux furieux qui s’imaginent inventer des « règles » sont en plein délire. Mais ce sont eux qui décident… Ce sont eux qui font ce qu’ils veulent…

Pour l’instant. Guerre à la guerre! L’ennemi est dans notre propre pays, conformément au défaitisme révolutionnaire. Non à l’intervention occidentale pour faire la guerre contre la Russie!