Catégories
Société

Une députée LFI participe à un rassemblement de motards en colère

Des Amis de la Terre aux fanatiques du transport individuel.

Depuis le vote de la loi « Climat et résilience » en 2021 qui rend obligatoire la création de « zones à faible émission »  pour toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici 2025, on voit ressortir la colère beauf qui avait vu naître celle contre les 80km/h, puis des gilets jaunes.

Évidemment, les zones à faible émission qui vise à faire interdire aux maximum la circulation routière dans les grandes villes sur la base des vignettes Crit’Air forment une mesure anti-populaire et anti-démocratique fondée sur une logique libérale. Néanmoins, la question est de savoir si on répond en se plaçant du point de vue de l’avenir ou du passé.

Façonné par le capitalisme, la réponse des Français est de faire du passé un fétiche.

Le samedi 25 mars ce sont donc 8000 motards venus de toute la France qui ont roulé en mode escargot dans toute l’agglomération de Rouen, de Saint-Étienne du Rouvray jusqu’à l’Hôtel de Ville de la métropole de Rouen, pour diffuser leur revendication : bénéficier d’une dérogation au dispositif de la ZFE alors même qu’ils bénéficient déjà d’un sursis jusqu’au 31 août 2023 ! « Laissez-nous tranquille, comme il y a 40 ans quand on faisait ce qu’on voulait sur les routes », voilà le mot d’ordre général du rassemblement.

Il faut dire que les motards, et la FFMC en particulier, ont un sacré panel de revendications détestables à leur actif, allant de leur opposition au 80km/h à l’abrogation du contrôle technique obligatoire, en passant par leur exclusion des circulations alternées dans les grandes villes lors des pics de pollution. Plus anti-social tu meurs.

Les motards pourront dire tout ce qu’ils veulent, ils ne sont là que pour protéger leur désir individuel de pouvoir rouler sur leurs cylindrés comme bon leur semble. Sinon ils organiseraient un autre type de manifestation, et non pas une bien beauf « opération escargot » qui vise à rouler très doucement et donc enfumer et casser la tête encore plus aux gens…

Car, en plus, les motards esquivent bien la réalité des faits. En 2019 par exemple, une étude d’ICCT menée à Paris sur 3 455 deux-roues révélait que ces engins motorisés émettaient 11 fois plus de monoxyde de carbone ainsi que 6 fois plus d’oxyde d’azote qu’une voiture essence ou même diesel. Une réalité qui avait été dénoncée par l’association « Ras le scoot » dans une pétition contre les pollutions sonores et atmosphériques des scooters et motos en 2021.

Même les motos produites après 2016 et le resserrement de leur encadrement des normes de pollution, restent plus fortement émettrices en oxydes d’azote.

Le comportement des motards aurait dû d’ailleurs provoquer une colère noire chez les habitants d’une agglomération qui connaît une piteuse qualité de l’air du fait de la circulation routière et de l’intense activité industrielle périphérique, dont le terrible incendie de Lubrizol il y a trois ans a été un révélateur.

En tout cas, cela n’a pas choqué la toute nouvelle députée de la 4e circonscription de Seine-Maritime LFI-NUPES, Alma Dufour qui a participé à ce rassemblement au nom du rejet de la ZFE rebaptisée « zone à forte exclusion ». Et le ton de son discours été d’un populisme outrancier :

« Y a rien de pire que la résignation qui s’installe dans les têtes et les cœurs des gens en ce moment. Et on voit, que ce soit aujourd’hui, que ce soit dans toutes les manifestations contre la réforme des retraites, le peuple français se réveille, le peuple français n’a pas peur et le peuple français a le droit de décider de son destin. »

On est là dans le pur style gilet jaune d’une « convergence des colères » sans aucun contenu si ce n’est celui de dénoncer une mesure antipopulaire sans jamais véhiculer un message de transformation socialiste. C’est le néant, un nivellement vers le bas des consciences…

Un activisme que le pays connaît depuis longtemps, du boulangisme au poujadisme en passant par la ligue des contribuables des années 1930 et le CIDUNATI des années 1960. C’est la vaine contestation à la française.

Mais pire que cela encore, on a donc une femme de 31 ans qui ancienne porte-parole de l’association écologiste les Amis de la terre de 2017 à 2021 qui ne trouve rien mieux à faire dans la ville qui a connu la catastrophe de Lubrizol que d’aller à un déambulation motorisée de ringards n’ayant que leur individualisme comme étendard.

On voit ici à quel point La France Insoumise qui a investi en politique cette ancienne militante de la « génération climat », constitue un verrou qui cadenasse tout renouveau de la Gauche historique.

On est là dans la parfaite figure du néo-populiste qui s’imagine débarquer pour mieux tout renouveler alors même qu’elle relève d’un activisme populiste ponctué d’ « engagement » rémunéré au sein d’ONG et autres associations.

C’est un rejet pur et dur de la perspective du Socialisme qui est seul à même de fournir une résolution démocratique et populaire à la question de la pollution par la circulation routière. Car elle est la seule à assumer la direction à tous l’échelons de la société des valeurs collectivistes, ayant pour conséquence de faire reculer les villes et de démanteler au maximum l’horrible civilisation de la voiture, dont la moto et la trottinette électrique sont des excroissances.

Ou comme il l’avait souligné à ce propos, cela pose la question du changement du mode de vie dans le cadre de l’opposition entre la ville et la campagne plus qu’une opposition pro/anti voitures. C’est pourquoi :

La mise en application des ZFE devrait ainsi être l’étincelle qui met le feu à la plaine mais non pas sur une base d’un retour aux années 1970, mais en revendication de transports en commun pour tous et partout, avec donc en filigrane la planification démocratique du développement social. Des années 1970, seul le slogan des autonomes doit être retenu : « que voulons nous ? Tout ! ».

Tout ! C’est-à-dire toute la richesse collective pour avoir un pays qui se développe de manière homogène, pour en finir avec les déséquilibres injustes entre grandes métropoles et campagnes, et pour avoir des transports collectifs respectueux de la personnalité humaine et de la Biosphère.

Ça c’est la position de la Gauche historique, à mille lieux des fantaisies populistes qui nous emmène droit vers l’extrême-Droite nationaliste tout en rendant respectable, car vu comme « responsable », les modernisateurs libéraux. Une position qui se refaire un chemin dans les consciences populaires, et vite !

Catégories
Politique

Cacophonie au congrès de la CGT

A l’image de la France.

Du 27 au 31 mars s’est tenu le 53e congrès de la CGT, réunissant presque 1000 délégués et quelques centaines de secrétaires d’Union Départementales et de Fédérations, afin de décider de l’orientation du syndicat pour les trois prochaines années et d’élire la nouvelle Commission Exécutive Confédérale (CEC).

Cela a donc eu lieu dans le contexte du mouvement contre la réforme des retraites et alors même que Philippe Martinez, le Secrétaire Général confédéral, avait au préalable annoncé ne pas briguer de nouveau mandat.

Souhaitant que la suite soit prise par une femme, la direction sortante avait positionné la candidature de Marie Buisson largement en amont.

En face, la fraction syndicaliste-révolutionnaire du syndicat avait profité de l’appel d’air du mouvement contre la réforme des retraites pour faire monter la candidature d’Olivier Mateu, secrétaire de l’Union Départementale des Bouches-du-Rhône, un forestier-sapeur, dont l’arrivée au congrès en Tesla ne passa pas inaperçue.

Si l’affrontement entre la majorité réformiste et la minorité syndicaliste révolutionnaire est un grand classique dans la CGT, le congrès s’est transformé en véritable foire d’empoigne dès le deuxième jour, avec fait inédit, le rejet du rapport d’activité à 50,3% des voix.

Ceci laissa évidemment penser aux syndicalistes révolutionnaires qu’ils étaient entrain de prendre l’avantage, alors que le début du congrès avait été marqué par un verrouillage des débats par la direction sortante.

La suite fut un spectacle affligeant d’une salle où les délégués prenaient la paroles sous les huées des uns ou des autres, et donnant lieu en coulisse à des pressions, menaces et altercations.

En dehors, Olivier Mateu a enchaîné les plateaux dans une course médiatique pathétique, sa candidature montant sur les réseaux sociaux, alors qu’en interne il était loin de conquérir l’unanimité ou même la majorité, notamment chez les femmes.

La surestimation de leur poids par les syndicalistes révolutionnaires s’est confirmée le 30 mars au soir, alors qu’e seulement environ’à peine plus de 30% des délégués essayèrent de le faire rentrer sur la liste de la Commission Exécutive Confédérale.

Ensuite, il fallut une nuit entière, jusqu’à 7h du matin, pour se mettre d’accord sur la figure de Sophie Binet comme Secrétaire Générale.

Elle a été tirée du chapeau, aux dépens de Marie Buisson, afin de maintenir l’unité, et pour cela flanquée du contestataire Laurent Brun de la CGT-Cheminots comme administrateur. Pareillement, le bureau inclut Céline Verzeletti, la candidate bis des syndicalistes révolutionnaires.

On l’aura compris, c’est simple : à la CGT il y a trop de différences, trop de rancunes et de mépris. Une seule chose a maintenu l’unité : la possibilité, l’absolue nécessité de réussir à tout prix l’obtention d’une victoire dans le mouvement contre la réforme des retraites.

Seule une victoire peut éviter la décomposition, voilà ce qui a été le vrai fond de ce qui est ressorti du congrès de la CGT du point de vue de ses participants.

Surtout que personne n’a réellement ni les moyens, ni le courage, ni de perspectives pour opérer une scission, de toutes façons.

D’où le mot d’ordre de conserver les apparences : beaucoup de bruit pour rien, il ne faut pas s’inquiéter, finalement d’un côté comme de l’autre c’est la « famille » CGT avant tout, etc.

Sauf que la réalité, c’est que la nouvelle séquence historique n’en a rien à faire du mouvement contre la réforme des retraites.

L’actualité, c’est la bataille pour le repartage du monde, c’est-à-dire la guerre. Un thème absent du congrès, où par contre toute la salle se retrouve en cœur pour applaudir le délégué du foie gras de Dordogne avant même son intervention.

On reconnaît bien là toute la corruption par le capitalisme.

Voici le communiqué officiel de la CGT, qui assume la dimension « volcanique » du congrès.

« 942 délégué.es représentaient les syndicats CGT des entreprises et services publics de toute la France.


Moment démocratique essentiel du syndicat, les délégué.es ont débattu du bilan d’activité et financier de la mandature écoulée.

Ils ont travaillé sur le document d’orientation, feuille de route de la CGT pour la mandature qui s’ouvre.

Après plusieurs mois d’échanges dans les syndicats, la CGT s’engage à construire un syndicalisme de rupture sociale pour lutter contre les politiques libérales et financières et gagner de nouveaux droits, à développer ses forces et son audience électorale, pour élever et élargir le rapport de force.

Le document a été voté à 72,79%. Après l’intégration des amendements, il sera publié dans les prochains jours.

Enfin les délégué.es ont élu la nouvelle direction composée de 66 membres et sa nouvelle secrétaire générale, Sophie Binet.
Cette direction assurera la conduite de l’action de la CGT dans le cadre des orientations du congrès. 

Sophie Binet élue Secrétaire générale de la CGT !

Dans ses conclusions, la nouvelle secrétaire générale a salué les camarades en grève depuis plusieurs semaines pour le retrait de la réforme des retraites. 

Elle a remercié les camarades bénévoles qui ont assuré l’organisation du congrès et les délégués qui ont vécu une semaine difficile.

Si le congrès s’est tenu sur une terre volcanique, « on a empêché l’éruption » a-elle insisté, et a regretté « qu’on soit parfois plus dur entre nous qu’avec les patrons ». 

L’ambition est de retrouver des relations pacifiées grâce à notre culture de débats et notre culture de la lutte. 

À partir du document d’orientation ambitieux, la CGT va lancer une grande campagne de syndicalisation, et porter la reconquête industrielle et le développement des services publics. 
 
Elle a souligné la marque de fabrique de la CGT :  porter les questions sociales et environnementales en partant de nos métiers et notre travail dans le contexte de la mondialisation. Elle s’est félicitée de l’ambition de la CGT de lutter contre les violences sexistes et sexuelles et a remercié Philippe Martinez pour son engagement à la tête de la CGT. »

Voici l’appel du congrès, qui emploie même l’écriture inclusive. Si on avait dit il y a 20 ans, ou même dix ans, que la CGT parlerait des « travailleurs.euses », cela aurait fait rire. Mais c’est inévitable : la CGT subit le lessivage du 24 heures sur 24 du capitalisme. Il ne fait pas le poids sur rien.

Appel du 53e congrès : uni.e.s et rassemblé.e.s dans la lutte

Les 942 délégué.e.s réuni.e.s au Congrès de la CGT à Clermont Ferrand réaffirment leur opposition à la réforme des  retraites portée par le gouvernement et le patronat. La CGT juge indispensable de donner une ampleur sans  précédent à la mobilisation du 6 avril, d’amplifier le rapport de force par la multiplication des actions de grève,  blocages, occupations décidées en assemblée générale.

Après 10 journées de temps fort d’une mobilisation historique qui ont réuni des millions de personnes, dans la rue  partout en France métropolitaine et en Outre-Mer et alors que des salarié.e.s sont en grève reconductible dans le  pays, Emmanuel Macron ne peut plus rester sourd et aveugle face au rejet massif de sa réforme antisociale.

Le gouvernement est prêt à tous les mauvais coups pour sortir de la crise dont il est responsable. Non à  l’allongement de la durée de cotisations, non à la retraite à 64 ans ! Oui au retrait pur et simple de cette réforme  illégitime, injuste, injustifiable et injustifiée ! Il n’y aura ni médiation, ni compromis.

La CGT réaffirme son exigence d’une retraite pleine et entière à 60 ans avec des départs anticipés pour tous les  travaux pénibles et le maintien de tous les régimes pionniers.

Les délégué.e.s du 53ième congrès de la CGT condamnent avec la plus grande fermeté les actes policiers et des  patrons. D’où qu’elles viennent, les violences ne réduiront pas la colère du monde du travail qui anime cette  mobilisation sociale historique. La CGT condamne les réquisitions et le non-respect du droit de grève, droit à valeur  constitutionnelle. La CGT exige la suppression de toutes les poursuites judiciaires des militant.e.s dans le cadre  d’actions syndicales et de manifestations.

Après des années d’austérité salariale, de plus en plus de salarié.e.s, précaires, privé.e.s d’emploi, jeunes et  retraité.e.s n’arrivent plus à faire face à l’inflation, cela ne peut plus durer. La CGT réaffirme l’ensemble de ses  revendications : augmentation des salaires, SMIC à 2 000 euros, remise en place de l’échelle mobile des salaires,  dégel du point d’indice…

Pleinement mobilisé.e.s contre la réforme des retraites, les délégué.e.s du 53ième congrès s’élèvent contre la  dégradation de la situation internationale et réaffirment leur engagement pour la paix et la solidarité internationale  entre les peuples et clament sans ambiguïté leur refus de la guerre.

Face à cette oppression du capital et de ses relais et face à l’urgence climatique, nous confirmons nos valeurs  fondamentales de classe, de masse, de démocratie et d’indépendance. Nous réaffirmons que dans cette lutte  violente du capital contre l’humanité et la planète, notre force est d’œuvrer à rassembler le monde du travail le  plus largement possible, comme la CGT le fait depuis 128 ans.

Les congressistes du 53ième congrès rappellent leur engagement dans le combat pour l’égalité entre les femmes et  les hommes ainsi que la lutte contre toutes les discriminations et toutes les violences sexistes et sexuelles. Le  congrès dénonce l’agression d’un camarade à Albi par un groupuscule d’extrême droite.

Les délégué.e.s du 53ième congrès appellent également le monde du travail à garder la plus grande vigilance et la  plus grande fermeté contre l’extrême droite et ses idées nauséabondes. Les délégué.e.s du 53ième Congrès  représentant toute la CGT affirment que nous resterons le syndicat de toutes et tous, quels que soient leurs  origines, leurs genres ou leurs croyances.

Nous sommes face à de multiples urgences qui nécessitent la mise en œuvre de véritables ruptures remettant en  avant l’humain, la réponse aux besoins fondamentaux de la population et l’émancipation des travailleurs.euses.

Le 53e congrès appelle les salarié.e.s, retraité.e.s, privé.e.s d’emploi et les jeunes à s’engager dans toutes les  luttes proposées, menées et organisées par la CGT et à la reconductibilité sous toutes les formes. Le 53e Congrès  appelle l’ensemble des salarié.e.s à poursuivre leur engagement dans les grèves en cours, à venir amplifier les  mobilisations et à rejoindre la CGT pour lutter toutes et tous ensemble JUSQU’À LA VICTOIRE !

Clermont-Ferrand, le 30 mars 2023

Catégories
Guerre

Deux ministres pour le complexe militaro-industriel

La réindustrialisation au nom de la guerre.

L’interview parue le 27 mars 2023 ne passera pas inaperçu pour qui suit l’actualité de la guerre. C’est au Figaro (en abonné) qu’elle a été donnée par le ministre de l’Économie, Bruno Le maire, et celui des Armées, Sébastien Lecornu. Ils justifient l’augmentation du budget militaire – 413 milliards pour 2024-2030 – prévue pour la prochaine loi de programmation militaire.

L’interview n’intervient pas au hasard puisqu’au même moment se tenait une réunion dirigée par le Président de la République sur les modalités de mise en place de l’ « économie de guerre » qu’il a annoncé au salon de l’armement Eurosatory en juin 2022.

Ainsi, Bruno le Maire affirme avoir demandé à ce que chaque banque ait dorénavant un conseiller défense pour mieux « flécher » les investissements vers les usines d’armements françaises. Cela signifie que le complexe militaro-industriel va toujours plus être au devant de la scène économique française.

Que l’interview soit réalisée conjointement par le ministre de l’Économie et celui des Armées est révélateur. Comme ils l’énoncent eux-mêmes :

L’industrie de l’armement signe entre 10 et 15 milliards par an de contrats à l’international. C’est une industrie qui contribue au redressement de notre balance commerciale. Et c’est une industrie qui occupe 200 000 emplois, bien répartis sur tout le territoire, ainsi que des centaines de PME installées dans toutes les régions.

Or, en France, l’industrie est justement en chute libre et sur les milliers d’entreprises composant la « base industrielle et technologique de défense », plusieurs centaines sont incapables de suivre le rythme exigé par l’ « économie de guerre ».

Alors il faut viser la « réindustrialisation » et c’est le complexe militaro-industriel qui en devient le moteur central, rappelant toute la justesse de la Gauche historique faisant de la guerre tout à la fois la cause et l’effet de la relance du capitalisme.

Déjà il y a peu, Sébastien Lecornu annonçait la « relocalisation » à Bergerac de la production de poudre propulsive pour les obus tirés par les canons Caesar livrés à l’Ukraine et produit par l’usine Eurenco. Une usine qui a déjà payé le prix fort de l’ « économie de guerre » cet été en étant touchée une violente explosion.

Cela s’inscrit en réalité dans une commande à l’échelle européenne de près d’1 million d’obus dans le but d’alimenter la guerre occidentale contre la Russie, alors qu’aux 5 000 obus tirés par jour par l’armée ukrainienne répondent les près de 15 000 russes… On apprend d’ailleurs dans l’interview que le budget d’aide à l’Ukraine a été « sorti » du budget de la prochaine Loi de programmation militaire avec l’accord du Premier ministre, donc du Président de la République sans qu’il n’y ait, encore une fois, aucun débat public à ce sujet.

Plus généralement, il faut comprendre que la France tente de conserver les acquis de son industrie de défense en Europe car on l’aura compris cela signifie un marché juteux pour l’industrie d’armement qui est en mesure de satisfaire cette giga commande !

Mais cela n’est pas tout puisqu’il avait été diffusé par France Info, seul média au passage ayant parlé de cela, que l’État s’apprêtait à « relocaliser » une vingtaine de productions industrielles militaires stratégiques. Cela concerne notamment des pièces essentielles pour certains moteurs d’hélicoptères à l’usine Aubert et Duval dans le Puy-de-Dôme mais aussi certaines coques de bateau produites actuellement en Europe de l’est.

La France a beau participer aux prétentions occidentales comme quoi la Russie aurait une économie faible, il n’en reste pas moins vrai que cette dernière a une base industrielle fondée sur une production lourde, contrairement à la France, totalement larguée à ce niveau.

Alors elle tente de rattraper son retard pour mieux conserver sa place au soleil… Mais à lire les propos du ministre des Armées, on comprend à quel point les dirigeants français sont largués par l’Histoire :

La trajectoire – à la hausse depuis 2017 – de cette future LPM [ Loi de programmation militaire, NDLR] doit être sincère et fiable, donc soutenable, afin de poursuivre son exécution à l’euro près. Cela restera notre marque de fabrique et c’est d’autant plus indispensable que cet effort est aussi important que celui que les gaullistes ont décidé dans les années 1960.

Les dirigeants français s’imaginent pouvoir lancer un « plan » industriel alors qu’ils sont à la tête d’un pays en faillite complète, avec une croissance d’à peine 0,2 % qui ne tient que parce qu’il s’est soumis à la superpuissance américaine. D’ailleurs, la réforme des retraites prend ici tout son sens historique, étant une nécessité à ce que Bruno le Maire nomme « les marges de manœuvres nécessaires pour les investissements ».

Dans ce mécanisme tristement connu par les héritiers de la Gauche historique, le complexe militaro-industriel tente de s’imposer à tous les échelons de direction de l’État, renforçant ainsi la tendance vers la guerre de repartage mondial. Heureusement, la France est une puissance à bout de souffle qui tente de faire ce qu’elle peut mais apparait de plus en plus comme le maillon faible d’un Occident en déroute. Une déroute qui sonne comme une brèche historique pour celles et ceux qui veulent enfin s’émanciper du capitalisme et de ses horreurs !

Catégories
Politique

Macron, gestionnaire de la « crise politique »

Macron gère tant bien que mal la restructuration du capitalisme français.

Le discours d’Emmanuel Macron mercredi 22 mars a été l’illustration même de la crise. Non pas qu’il y ait un tournant historique qui se joue comme le prétendent certains, mais tout au contraire parce que le pays continue à s’enfoncer dans la décomposition sans que ni « en haut », ni « en bas », il n’y ait une quelconque perspective.

On notera ainsi le format de l’intervention qui n’a pas été un discours, comme cela avait pu être le cas lors de la pandémie de Covid-19, départ à la crise historique. L’heure ne fut pas non plus celle de grand écoute du 20h, mais à 13h.

De fait, son discours n’a ni servi à temporiser, ni servi à réprimer une quelconque protestation de masse, mais simplement à assumer la gestion d’une restructuration du capitalisme. Et quoi de mieux que de s’adresser à 13h, soit directement aux retraités en pantoufles, pour endosser le dossard du champion du conservatisme ?

Son discours n’a été rien d’autre qu’une répétition de ses grandes orientations, sans aucune grande annonce, car de grande annonce il n’y a en réalité nul besoin. La vérité c’est que les gens sont contre la réforme des retraites tout en ayant compris qu’ils s’étaient eux-mêmes piégés dans le mode de vie capitaliste fait de crédits en tout genre.

C’est pour cela d’ailleurs qu’Emmanuel Macron a rappelé que les choses avaient changé depuis 2019, avec la pandémie de Covid-19 qui a obligé l’État à s’endetter plus fortement. Le président de la République avait déjà déclaré il y a quelques jours que la réforme était une « nécessité absolue » et le Premier ministre Élisabeth Borne en avait préciser la raison au 20h de TF1 le jeudi 16 mars, celle de la protection du niveau de vie dans le capitalisme français :

« Quand on voit les sommes que l’on a mobilisé pour accompagner les français dans la crise covid, quand on voit ce qu’on mobilise pour les accompagner face à la flambée des prix de l’énergie, on ne peut pas faire croire aux français qu’on peut financer notre système de retraite par la dette […] Peut-être que certains veulent laisser croire que l’on peut tout financer par la dette, je pense que les français qui veulent acheter une maison, ils voient que les taux d’intérêts augmentent. C’est pareil pour l’État »

Et justement les gens se sont eux mêmes bloqués, veulent du capitalisme sans en vouloir. A ce titre, les contestataires ne représentent que l’apogée de la figure du petit-bourgeois pris de rage née en 2018 dans la crise des gilets jaunes. Macron le sait et peut se permettre d’enfoncer le clou en se déclarant prêt à « endosser l’impopularité » car il n’y a précisément aucune « majorité alternative ». Tout cela est vrai…et c’est très inquiétant car cela ne peut que servir cette vieille solution du sauveur suprême sorti des rangs de l’extrême-Droite capable d’assumer franchement le « tout changer pour ne rien changer ».

Macron endosse alors tout à la fois le parti de l’ordre et celui de la modernisation. Tout en appelant à l’augmentation de casernes de gendarmerie dans le pays et au personnel de justice, il vise à la « réindustrialisation » en profitant des réformes précédentes, comme la baisse des impôts de production ou bien encore la loi travail 2016, pour relancer le capitalisme français.

Macron navigue à vue : il est à un moment de l’Histoire où il se doit de sauvegarder le capitalisme français, ou plus exactement de le relancer sur une nouvelle base, tout en s’assurant de la paix sociale et civile. Une relance-restructuration qui se heurte non pas à une contestation intérieure mais à l’aiguisement de la compétition politico-militaire internationale le précipitant sous le parapluie des États-Unis.

Dans ces conditions, Macron se contente de gérer les choses en faisant passer une réforme qui rassure les investisseurs internationaux, condition seule à même de garantir la capacité de la France à lever sa dette et donc à conserver son niveau de vie actuel, donc à garantir la paix sociale.

Cela fonctionne pour l’instant car il n’y a précisément pas de contestation de masse du régime puisqu’il n’y a pas de Gauche historique travaillant à l’émergence d’une telle proposition. La bourgeoisie reste malgré tout bien inquiète de la situation car elle recèle objectivement toutes les conditions pour la renaissance d’une telle proposition…

Et l’on voit ici combien les opposants actuels sont de faux contestataires mais de vrais saboteurs de la seule prise de conscience nécessaire, celle du renversement d’un capitalisme français qui ne peut plus, dans cette époque de crise générale, payer l’addition sans se cracher lui-même…

Catégories
Guerre

Une guerre juste est dirigée par des femmes

La place des femmes dans l’armée est l’indicateur de la nature d’une guerre.

Femmes combattantes durant la guerre d’Espagne

Depuis plusieurs années, les armées occidentales tentent de féminiser leurs effectifs.

Il a fallu attendre par exemple 1982 pour que l’école de formation des dirigeants militaires de l’armée française soit ouverte aux femmes. Et ce n’est qu’en 2016 que fut nommée pour la première fois au poste de vice-amiral une femme.

Mais cela se base sur l’approche typiquement bourgeoise des quotas et de la parité, renvoyant les femmes à des faire-valoir pour dresser une belle vitrine auprès des populations. Avoir une armée féminiser, c’est se donner une légitimité démocratique pour ses guerres…

En réalité, ces efforts ne peuvent surmonter le fait qu’on ne peut parvenir à l’implication active des femmes dans l’armée sur la base d’une société civile marquée tout à la fois par des restes culturels de patriarcat et surtout et principalement, par une société de consommation qui fait des femmes des cibles de la sexualisation marchande.

Dans le monde, il n’y a pas une seule armée qui réussit à impliquer les femmes à la hauteur de ce qu’elles représentent, soit la moitié des populations. En haut du classement, il y a Israël avec 33 % de femmes dans ses effectifs, puis la Hongrie avec 20 %, les États-Unis avec 18 %, la France avec à peine 16 %… Plus loin encore, il y a la Pologne avec seulement 3 %.

Mais même ces chiffres ne veulent rien dire. Car l’armée c’est une micro-société, avec son administration, ses cuisines, son service des santés, etc. Si l’on regarde plus près l’armée française, sa féminisation concerne avant tout son administration et son service de santé.

En Ukraine, les femmes étaient même jusqu’à 2018 carrément interdites de devenir conductrice de chars ou tireur, les réduisant à n’être que des cuisinières, des comptables, ménagères, etc. Malgré une réforme leur ouvrant ces postes militaires, la prégnance de l’état d’esprit traditionaliste est si fort dans la société ukrainienne, avec notamment leur sexualisation agressive, que les femmes restent bien à l’écart. A tel point qu’il n’était même pas prévu de sous-vêtements et de chaussures pour femmes !

Dans l’armée française, l’histoire du commandement est si fortement liée à l’aristocratie et à la grande bourgeoise qu’il est bien illusoire de s’imaginer que les femmes puissent devenir des protagonistes à part entière. On peut regarder quelques témoignages du Tumblr « Paye ton treillis » pour s’en rendre compte !

Il y a un fait historique implacable : lorsque la lutte est juste, les femmes s’y impliquent de manière active et tout naturellement. Ce sont les femmes de Paris qui ont réquisitionné les canons de la butte de Montmartre en mars 1871, formant le premier acte du soulèvement populaire de la Commune.

Plus avant encore, les femmes ont toujours été aux avant-postes des insurrections paysannes, tout comme lors de la Révolution françaises elles formèrent de nombreux clubs et détachements armés. Une tradition qui se prolongea ensuite, les femmes étant aux premières lignes des manifestations ouvrières menacées par la répression de l’armée tirant à balles réelles.

Par conséquent, après Charles Fourrier, Friedrich Engels sanctuarisa la position du féminisme du mouvement ouvrier :

« dans une société donnée, le degré d’émancipation de la femme est la mesure naturelle de l’émancipation générale ».

Dès 1925, l’URSS ouvrait l’enseignement militaire aux femmes, aboutissant à ce que près d’un million de femmes s’engagent lors de la grande guerre patriotique, y compris des postes déterminants comme l’aviation et le tir d’élite – contre à peine 14 000 en 1945 dans l’armée française. Pendant la guerre d’Espagne, nombreuses furent les femmes impliquées dans les combats du côté des milices socialistes et anarchistes.

C’est pourquoi la grande féministe socialiste Clara Zetkine remarquait que la révolution allemande de 1848/1849 était à la traine du processus historique du fait que les femmes les plus avancées n’avait lutté qu’avec leurs plumes et non pas avec des armes :

En outre, l’amazone allemande de 1848/1849 était plus en costume qu’en action. Dans la littérature social-démocrate d’aujourd’hui, on note avec satisfaction que les femmes révolutionnaires de 1848 ont probablement fait peu d’usage des poignards et des pistolets qu’elles portaient à la ceinture.

La reconnaissance devient une critique involontaire de gestes vides et théâtraux, qui n’auraient pas été nécessaires pour exprimer une ferme détermination à se battre. Amalie von Struwe a tenu bon, fièrement, alors qu’elle était enlevée par un soldatesque ivre et fou furieux. On attribue à Emma Herwegh un plus grand sang-froid et une plus grande bravoure dans les situations dangereuses que son mari.

Il ne faut pas confondre pacifisme et pacifique : engagées dans un processus de libération, les femmes sont d’ardentes combattantes. À la suite de quoi on peut dire qu’une guerre juste se mesure à l’aune de l’implication des femmes dans le fait militaire.

Cela ne veut pas dire être engagée dans des rôles subalternes tels que les services administratifs, sanitaires, etc., ni même seulement combattre au front bien que cela soit important. A ce titre, dans l’armée française, les femmes ne sont pratiquement jamais des soldats de première ligne, ce qui en dit long…

Plus fondamentalement, une guerre juste se mesure dans le degré d’implication des femmes dans la direction politique, dans la chaine de commandement, avec pour priorité la féminisation totale du corps dirigeant intermédiaire de part son rôle charnière dans l’application des décisions.

Car en réalité, l’art militaire ne réside pas seulement dans la force physique, ni même dans le maniement des armes, ce qui sont des éléments tout à fait secondaires – à moins de relever d’un état d’esprit foncièrement machiste et anti-collectiviste.

L’art militaire, c’est l’art de la conduite des opérations dans ses aspects tactiques en lien avec une stratégie d’ensemble, en tenant évidemment compte des armes et des armées à disposition mais surtout et essentiellement d’une vue d’ensemble du processus d’affrontement. Cela exige de raisonner non pas en additionnant des capacités militaires individuelles, mais en développant un point de vue total et collectif, voir collectiviste, c’est-à-dire organique.

Du fait de leur position naturelle, les femmes portent en elles un sens aigu de l’organisation collective et de la planification des choses, ce qui doit faire d’elles le protagoniste majeur pour la conduite d’opérations réussies.

Elles sont moins susceptibles de basculer dans l’héroïsme viril typique des armées bourgeoises portées par des dirigeants masculins. D’ailleurs les engagés militaires ont tout à gagner d’une direction féminine, car ils sont certains de ne pas être sacrifiés pour rien.

Lorsque l’on est issu de la tradition du mouvement ouvrier, on a donc un critère essentiel pour mesurer très concrètement si une guerre est juste ou pas. Et il ne fait nulle doute que la guerre qui se prépare sous nos yeux n’en est pas une : les femmes ne seront de grandes dirigeantes que lorsqu’elles prendront la tête de la guerre pour la paix et pour l’émancipation de l’oppression.

Catégories
Guerre

Obligation du service national universel : la France prépare la guerre

Le militarisme, c’est la préparation de la guerre de repartage.

Instauré en 2019, le Service national universel (SNU) est une forme de service militaire soft. Au départ basé sur le volontariat, Emmanuel Macron a toujours promis sa généralisation et son caractère obligatoire.

Avec 32 000 jeunes en 2022, le projet est loin de ses buts et pourtant c’est à grand pas que se rapproche la mise en place de sa généralisation obligatoire, d’abord dans 6 départements puis, à terme, sur tout le territoire. Tout cela sera très vraisemblablement intégré à la prochaine loi de programmation militaire (LPM) qui doit être votée au printemps, et dont la hausse déjà connue du budget illustre la militarisation accrue de la France.

Un article de presse révélait ainsi que cette obligation pourrait prendre la forme de 2 semaines pour tous les élèves de seconde sur leur temps scolaire sur la base d’une journée de 6h30-22h30, le tout dans un département différent du leur.

On y retrouve toute la panoplie de la discipline militaire, tel le port de l’uniforme et l’interdiction du téléphone portable, la levée du drapeau à 8h sur fond de Marseillaise, etc. L’obligation passerait par le fait de pouvoir passer certains examens et cela fournirait des points bonus pour Parcoursup.

De fait, le SNU, ce n’est ni plus ni moins qu’un préparatif de guerre intégré à la question générale de la mobilisation nationale, et en particulier à celle des réservistes puisque la suite du SNU consiste en la possibilité d’intégrer la réserve opérationnelle appelée à être augmentée avec la LPM 2024-2030.

A l’instar des envois d’armes en Ukraine, à l’instar de l’exercice Hemex-Orion 2023, à l’instar de son rôle de « Nation-cadre » en Roumanie pour le compte de l’Otan, la France cherche à se donner les moyens d’assumer demain la guerre mondiale.

Le SNU, c’est si l’on veut la même chose que la loi des 3 ans qui fit passer la service militaire obligatoire de 2 à 3 ans en 1913 en vue de la guerre avec l’Allemagne. Cela l’est d’autant plus que depuis le 4 juillet 2022 le secrétariat d’État chargé de la jeunesse et du Service national universel est sous la tutelle du Ministère des armées.

Évidemment, on ne passe pas de la fin du service militaire en 1997 à son rétablissement en un claquement de doigt, surtout dans un pays aseptisé par la société de consommation. Il faut des sas et le SNU en est un.

Image du SNU en Guyane en 2021

Par conséquent, pour porter une critique conséquente du SNU, il s’agit de relier la question de la militarisation de la société civile d’avec son soubassement historique qui n’est rien d’autre que la tendance à la guerre de repartage. Car voilà ce qui heurte la sensibilité populaire dans la prochaine mise en œuvre obligatoire du SNU : la prise en charge par l’armée de tâches civiles en dehors même du temps scolaire en vue de préparer les esprits à l’effort national de guerre.

Sans une telle dimension critique, on loupe le coche historique et on s’expose aux mêmes errements que la gauche d’avant 1914 avec son ralliement général à la « défense de la patrie ».

Il faut même préciser ici, par responsabilité envers le peuple qui a un grand sens de la réalité, qu’il faut surtout refuser le militarisme bourgeois, refuser l’engagement militaire au service de l’ordre occidental soumis aux États-Unis.

Mais, une fois que l’on a dit cela, il faut bien, hélas, penser la réalité du monde marquée par la tendance à la guerre. Non pas qu’il faille choisir un camp impérialiste contre un autre, non pas qu’il faille accepter la guerre au service des puissants, mais que la bataille pour la paix impose irrémédiablement de penser l’opposition aux armées bourgeoises qui s’opposeront à toute émancipation du capitalisme qui, lorsqu’il est en crise, nous emmène à chaque fois vers la guerre générale.

Par conséquent, le refus du SNU, en tant qu’expression du militarisme bourgeois exige une alternative, celle de l’enseignement militaire pour tous. Ou pour le dire dans une formule simple : la démocratie populaire + le fusil, l’auto-discipline du peuple pour son émancipation totale, du capitalisme et de ses guerres.

Il n’y a donc pas 36 000 possibilités face à cette lame de fond qui rythme et va rythmer les prochaines années : ou bien l’on choisit un camp impérialiste, États-Unis ou Chine, ou bien on refuse d’être embarqué dans une 3e guerre mondiale sous le mot d’ordre « guerre à la guerre des grandes puissances ».

Sans cette perspective, la critique du SNU et du militarisme en général est vouée à l’échec ou plutôt elle laisse le champ libre à l’extrême-droite nationaliste qui, elle, prend acte de la réalité et assume le fusil…sans la démocratie.

La critique conséquente du SNU ne peut être qu’une critique de la militarisation de la France dans le cadre de la guerre de repartage du monde. Elle doit être le prétexte à une mobilisation populaire pacifiste d’ampleur, contre la puissance française au service de l’Otan.

Catégories
Guerre

EELV, succursale de l’hégémonie occidentale

Avoir un masque « de gauche » ne change rien.

Comme si l’affreuse tribune de Raphaël Glucksmann ne suffisait pas, des élus « écologistes » français ont publié une tribune (en version abonnée) le 27 février dans Le Monde dont le titre est d’un bellicisme fou : « nous devons accélérer considérablement la livraison d’armes à l’Ukraine ».

A l’origine, on y trouve Aurélien Taché, un député « écologiste » sorti des rangs de la République en Marche mais qui n’est rien d’autre que le porte-voix de la version française des Démocrates américains. On notera d’ailleurs qu’il a fondé en 2020 Les Nouveaux Démocrates, qui ont ensuite fusionné au sein d’EELV en octobre 2022.

Au delà de l’appel à l’envoi de toujours plus d’armes en Ukraine, la portée de la tribune est davantage sur la question dite « internationale » où il s’agit de s’attaquer à la défiance des pays du Sud envers le soutien des occidentaux à l’Ukraine.

Si on lit entre les lignes, ce « non-alignement » est décrit comme une forme de désobéissance, à cause des occidentaux qui n’auraient pas donné assez de gages sur leur domination en opposition à celle de la russie.

Sûres de leur leadership, les chancelleries occidentales continuent de déconsidérer ce qu’on appelle aujourd’hui le « sud global », il s’agit d’une erreur stratégique majeure.

Une telle inquiétude au ton faussement progressiste mais en réalité typiquement néocolonial est exactement la même que la position énoncée par d’Emmanuel Macron lors de la conférence de Munich. En effet, à cette occasion Emmanuel Macron a notamment affirmé :

Nous devons en préparer les termes et le faire, c’est le faire en réengageant celles et ceux qui aujourd’hui en Asie, dans le Pacifique, au Proche et Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique latine, ne pensent pas tout à fait dans les termes que je viens d’expliquer, et qui malgré ce que je disais au début de mon propos, continuent de dire: « il y a des doubles standards, vous dépensez énormément pour l’Ukraine et vous continuez de ne pas dépenser pour nous. Vous vous battez avec beaucoup de force contre la guerre, là, pas suffisamment contre la pauvreté chez nous. On a une guerre chez nous depuis des décennies, vous n’en avez pas fait le 100ème ! » Sachons les entendre. Donc il nous faut réengager diplomatiquement toutes ces géographies pour les convaincre de rejoindre notre effort de pression sur la Russie et de préparation de la paix.

En suivant la feuille de route énoncée par Emmanuel Macron, en plus d’appeler à toujours plus de livraison d’armes à Kiev, les responsables d’EELV démontrent, s’il le fallait encore, combien la guerre américaine contre la Russie est un marqueur historique dans la bataille pour le repartage du monde.

En fait, du monde c’est surtout les pays du sud, soit l’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie qui se retrouvent à devenir le butin à s’accaparer pour les grandes puissances en lutte, superpuissance américaine et chinoise en tête.

Et EELV montre son véritable visage, celui d’être en service commandé du capitalisme français au sein de la Gauche sous couvert du masque « moderniste ».

Cela fait écho à l’actuelle visite d’Emmanuel Macron en Afrique, notamment au Gabon, Angola, Congo-Brazzaville ainsi qu’en République démocratique du Congo (RDC). Lors de la conférence de Munich, Emmanuel Macron avait également déclaré que l’invasion russe en Ukraine prouvait l’échec

de la mentalité coloniale, très clairement. Il y a eu un discours qui a cherché à créer la confusion entre zone d’influence et zone de coercition et à expliquer qu’il y avait une légitimité à ce conflit.

La Russie serait une vielle puissance coloniale, « coercitive », quand la France aurait, avec toute son arrogance tant détestée dans le monde, compris la modernité : celle du « partenariat d’influence ».

Dans les anciens pays colonisés par la France, il s’agirait de dépasser la « Francafrique », comme lorsqu’Emmanuel Macron annonçait fin décembre 2019 la suppression du Franc CFA remplacé par l’Eco – ce qui ne modifie en rien la situation de dépendance économique des pays d’Afrique de l’Ouest puisque la parité Eco/Euro reste assurée par la Banque de France.

Emmanuel Macron est ici dans l’héritage direct du Général de Gaulle qui a transformé les liens coloniaux formels en de multiples liens de dépendances bien plus subtils dans les années 1960.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’offensive que représente la tribune d’EELV qui ne se contente pas de dire qu’il faille sauver l’hégémonie occidentale au Sud, mais va plus loin….bien plus loin.

La réponse à la guerre en Ukraine n’est donc pas à trouver dans un élargissement infini de l’OTAN. Elle passe par des actes concrets et rapides de soutien militaire et dans une régénération idéologique éthique, qui doit nous conduire, en dépassant les discours et en respectant nos partenaires, à chercher, partout dans le monde, des alliés pour contrer le nationalisme « néovölkisch » [ethniciste] de Poutine, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à vivre en paix.

Une « régénération idéologique éthique » ? C’est là une ligne proposée à la bourgeoisie française pour assumer tout à la fois le turbocapitalisme et la transition verte comme moyen de relancer entièrement le capitalisme français sur une base nouvelle.

Cela n’a rien d’anodin puisque lors de sa tournée africaine, Emmanuel Macron passait par le One Forest Summit au Gabon comme pour dire que la France serait le bon « partenaire » écologique pour les africains qui subissent durement le réchauffement climatique.

De fait, la tribune d’EELV est un moyen de se placer pour l’après guerre en Ukraine, dans l’objectif que l’Otan triomphe de la Russie. EELV a dorénavant besoin d’une victoire franche et nette de l’Occident pour pouvoir, pensent-ils, se poser en force dirigeante sur la base d’une idéologie alliant valeurs post-modernes, « transition écologique » et libéralisme dans un capitalisme relancé, régénéré.

C’est la version New Deal pour la guerre de repartage du XXIe siècle : relancer le capitalisme occidental sous des apparats écolo-humanistes.

D’où leur soutien politique envers le régime ukrainien, d’où leur soutien total au projet d’écrasement-démantèlement de la Russie. On ne s’étonnera guère d’ailleurs que le régime de Kiev soit le vecteur d’une idéologie tout à la fois nationaliste et turbocapitaliste à coups de LGBT, de promotion de la GPA…

Cela fait d’EELV une des principales forces bellicistes en France, une des succursales les plus acharnées de la défense du mode de vie occidental sur le reste du monde.

« Nous devons accélérer considérablement la livraison d’armes à l’Ukraine »

Un collectif d’élus écologistes, emmené par le député Aurélien Taché, dans une tribune au « Monde », demande à la France d’en faire davantage pour aider l’Ukraine : les livraisons d’armes doivent non seulement être plus importantes, mais elles doivent aussi être faites en coordination avec les pays de l’Union européenne.

Alors que nous célébrons le funeste premier anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, beaucoup redoutent une nouvelle attaque massive de cette dernière. Les services de renseignements des pays occidentaux comme les deux discours prononcés par le président russe, Vladimir Poutine, le premier le 21 février devant la Douma, puis le second le lendemain à l’occasion d’un gigantesque meeting, ne laissent que peu de doutes sur les intentions du maître du Kremlin.

Nous allons très probablement entrer dans une nouvelle phase du conflit et la paix, qui doit être notre seul objectif, semble encore bien loin. A cette occasion, nous souhaitons, nous, écologistes, réaffirmer notre soutien plein et entier au peuple ukrainien.

Alors que le chef de l’armée norvégienne estimait le 22 janvier que le conflit avait déjà fait plus de 300 000 morts, dont au moins 30 000 civils, nous estimons qu’il est aussi nécessaire de changer d’approche, pour en finir avec ce qui restera comme l’une des plus grandes tragédies de ce début de XXIe siècle. D’abord, en accélérant considérablement la livraison d’armes et en adoptant enfin une approche européenne de celle-ci. Depuis un an, l’armée française a, entre autres, fourni dix-huit canons Caesar, quelques dizaines de missiles antichars Milan et une quinzaine de canons tractés TRF1, ce qui ne la place qu’en dixième position sur la scène internationale derrière, par exemple, la Pologne.

Incompréhensible et inacceptable

Alors que de nouvelles annonces de livraisons ont été faites lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, confirmées par le président américain, Joe Biden, lors de sa visite surprise à Kiev le 20 février, la France refuse toujours de livrer des chars Leclerc aux Ukrainiens, à rebours des Anglais, des Allemands et bien sûr des Américains. C’est incompréhensible et inacceptable. Nous réclamons ces livraisons et souhaitons aussi, qu’à l’instar de Josep Borrell, la France apporte son soutien à la proposition estonienne d’achat commun de munitions par l’Union européenne (UE), qui font aujourd’hui cruellement défaut aux Ukrainiens.

Emmanuel Macron ne cesse de dire qu’il est favorable à une véritable Europe de la défense, que nous, écologistes, avons toujours soutenue. Il est temps de passer de la parole aux actes. Enfin et surtout, nous devons radicalement changer d’attitude sur la scène internationale. Lors de l’interview qu’il a donnée à plusieurs médias, publiée le 18 février, le président de la République a affirmé que l’unité des Européens et du camp occidental est l’un des plus grands échecs de Vladimir Poutine. Nous affirmons pour notre part que la défiance du reste du monde, et en particulier des pays du Sud, à l’égard du soutien militaire à l’Ukraine, si elle peut malheureusement s’expliquer, est notre plus grand échec.

Alors que la Chine pourrait livrer des armes à la Russie, l’Inde n’a jamais condamné clairement l’agression russe et la Turquie, avec un Erdogan qui s’est souvent affiché aux côtés de Vladimir Poutine ces dernières années, essaie au mieux de se placer en arbitre dans le conflit.

La situation n’est guère mieux en Afrique, notamment francophone, ou l’influence russe ne cesse de grandir. Il y a un an, près de la moitié des pays du continent s’étaient en effet abstenus sur la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies pour condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les chancelleries occidentales, habituées au suivisme des Etats africains, s’étaient étonnées de ces positions et ne semblent toujours pas avoir compris la raison ni l’importance de l’enjeu.

« Les pays africains n’ont pas oublié les guerres menées par les Etats-Unis en Irak et par la France en Lybie, puis nos échecs à contenir l’insécurité qui s’est ensuivie au Sahel »

Sûres de leur leadership, elles continuent de déconsidérer ce qu’on l’appelle aujourd’hui le « Sud global », comme ce qu’on appelait le « tiers-monde » au temps de la guerre froide. Il s’agit pourtant d’une erreur stratégique majeure.

En sous-estimant la capacité de ces pays à avoir une grille de lecture autonome du conflit et de leurs intérêts et en continuant d’offrir à Poutine l’opportunité de se poser en hypothétique chef d’un axe non-aligné soudainement ressuscité, nous nous isolons toujours davantage et affaiblissons les valeurs démocratiques qui justifient pourtant notre soutien à l’Ukraine.

Il est donc impératif de poser des actes permettant de ressouder la communauté internationale, et pas uniquement son versant occidental. Les pays africains n’ont pas oublié les guerres menées par les Etats-Unis en Irak et par la France en Lybie, puis nos échecs à contenir l’insécurité qui s’est ensuivie au Sahel. Ils voient parfaitement la différence de traitement que nous faisons dans l’accueil des réfugiés venus d’Ukraine face à ceux venus d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie.

Ils voient aussi notre silence face aux crimes commis par l’armée israélienne en Palestine, ou encore, ainsi que nous l’a récemment rappelé Omar Sy, notre indifférence face aux conflits qui ravagent l’Afrique centrale et orientale, comme la guerre oubliée du Tigré, qui s’achève à peine et qui a fait 600 000 morts en Ethiopie.

La réponse à la guerre en Ukraine n’est donc pas à trouver dans un élargissement infini de l’OTAN. Elle passe par des actes concrets et rapides de soutien militaire et dans une régénération idéologique éthique, qui doit nous conduire, en dépassant les discours et en respectant nos partenaires, à chercher, partout dans le monde, des alliés pour contrer le nationalisme « néovölkisch » [ethniciste] de Poutine, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à vivre en paix.

Liste des signataires : Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Ecologiste-Nupes à l’Assemblée nationale, députée de l’Isère ; Guillaume Gontard, président du groupe Ecologiste-Solidarité et territoires du Sénat, sénateur de l’Isère ; Mounir Satouri, député européen, membre du groupe des Verts/Alliance libre européenne (ALE) ; François Alfonsi, député européen, membre du groupe des Verts/ALE ; Christine Arrighi, députée écologiste de la Haute-Garonne ; Lisa Belluco, députée écologiste de la Vienne ; Benoît Biteau, député européen, membre du groupe des Verts/ALE ; Damien Carême, député européen, membre du groupe des Verts/ALE ; Charles Fournier, député écologiste de l’Indre-et-Loire ; Claude Gruffat, député européen, membre du groupe des Verts/ALE ; Hubert Julien-Laferrière, député écologiste du Rhône ; Julie Laernoes, députée écologiste de Loire-Atlantique ; Benjamin Lucas, député écologiste des Yvelines ; Francesca Pasquini, députée écologiste des Hauts-de-Seine ; Sébastien Peytavie, député écologiste de Dordogne ; Marie Pochon, députée écologiste de la Drôme ; Jean-Claude Raux, député écologiste de Loire-Atlantique ; Michèle Rivasi, députée européenne, membre des groupe du Verts/ALE ; Eva Sas, députée écologiste de Paris ; Aurélien Taché, député écologiste du Val-d’Oise et membre de la commission des affaires étrangères ; Sophie Taillé-Polian, députée écologiste du Val-de-Marne.

Catégories
Guerre Refus de l’hégémonie

Exercice Hemex-Orion 2023: la France assume la guerre de repartage

La France prépare la guerre.

Prévu depuis 2017, l’exercice Hemex-Orion marque l’entrée pour les armées françaises dans la nouvelle ère dite de la « haute intensité ». Une préparation qui implique de s’entrainer sur un très vaste espace pour appréhender les grandes manœuvres opératives : un type d’exercice qui n’était plus réalisé depuis 30 ans.

Cela signifie que la guerre pour le repartage de l’ordre mondial issu de la deuxième guerre mondiale est entièrement assumé par la France, comme le décrit le service communication des armées dans sa petite vidéo de présentation de l’exercice :

« Orion consitute le premier jalon d’un nouveau cycle d’exercice triennal des armées. Le contexte international est marqué par la durcissement de la compétition entre grandes puissances, le réarmement et la déshinibition de certaines puissances régionales, la multiplication des foyers de crises et l’expansion de la menace terroriste. »

Avec Hemex-Orion 2023 – Hemex pour « Exercice d’hypothèse d’engagement majeur », Orion pour « Opération d’envergure des armées Résilientes Interopérables Orientées vers la haute intensité Novatrices, il est visé une gigantesque manœuvre, avec 7 000 soldats engagés au départ et 12 000 en fin d’opération, le tout sur une vingtaine de départements entre février et mai 2023.

Intégré dans la « stratégie de défense collective de l’Otan », l’exercice se fonde sur un scénario imaginé par le ministère des armées lui-même. Une fédération aurait éclaté en plusieurs entités. L’une dentre elles, Mercure, soutiendrait des milices qui revendiquent l’indépendance d’une des régions de l’Arnland, autre entité née de l’explosion de la fédération mais soutenue par la France.

On a ici une allusion directe à la situation ukrainienne de 2014 à aujourd’hui. Mais on pourrait y voir également la perspective du démantèlement de la Russie… Plus généralement, comme lors de l’exercice SERRAT 2022 en Ardèche, on retrouve tout l’imaginaire propagandiste anticommuniste dans les symboles utilisés pour qualifier l’ennemi… sans parler de la milice indépendantiste.

Si la manœuvre militaire est détaillée sur derniers temps dans la presse générale, la première phase de l’exercice a débuté en mai 2022 par le fait de planifier les opérations.

Avec la seconde phase en Occitanie, c’est un camp de SDF qui a été déplacé, le massif de la Gardiole qui a été interdit d’accès entre février et mars.

En tout sont déployés de 1 à 3 brigades, 2 300 véhicules, dont 100 drones et 40 hélicoptères, 30 bâtiments navals, dont le porte-avion Charles de Gaulle, 20 captures spatiaux, 80 aéronefs (plus 50 de la marine nationale), 6 système de défense sol/air, 2 drones Male (reconnaissance).

Dès le 9 février a débuté la montée en puissance du déploiement militaire dans le sud de la France et samedi 18 mars, un avion C-130 a largué en mer de Toulon une dizaine de commandos marines. Puis, ce samedi 25 février, ce sont 600 paras » ainsi que 12 tonnes de matériel qui ont été largués dans le ciel de Castres dans le but de percer les premières lignes ennemies.

Le gros de cette phase 2 consiste en un vaste débarquement amphibie dans le bassin de Thau à Sète menant combat jusqu’à la mi-mars, en rejoignant les troupes aéroportées à Castres. L’exercice doit se clôturer entre le 5 et le 11 mars à Cahors avec exercice de combat en ville, ce qui a valu aux établissements scolaires d’informer via le logiciel Pronote les parents d’élèves.

La délégation militaire du Lot qui souhaite conserver le plus grand réalisme de l’exercice a présenté la chose publiquement :

« la coordination avec les acteurs locaux, les interactions avec la population, la préservation des infrastructures et des activités économiques. Orion représente l’occasion de voir les militaires en action et de leur témoigner leur soutien. Ce contact avec les territoires manifeste la vitalité de lien armées-nation contribuant à la cohésion nationale »

Cette phase de l’exercice vise à tester le déploiement de l’échelon national d’urgence (ENU) composé de 5000 soldats capables d’être déployés en 48h. Ici, on parle d’un déploiement à la fois aéroportée à l’intérieur des lignes ennemies et d’un débarquement amphibie de troupes marines après des actions de neutralisation physique et cyber. L’armée cherche à s’entrainer à la guerre dite « multimilieu/multichamp », embrassant la terre, la mer, les airs mais aussi le cyber et l’informationnel.

La seconde phase relève en fait d’un pré-engagement, dans l’ombre, de l’armée française, alors dirigeantes d’autres forces issues de l’Otan, contre les milices indépendantistes imaginaires.

La phase 3, dénommée « civilo-militaire », relève de l’implication de plusieurs ministères dans la prise de décision et l’explication à l’opinion publique de l’engagement. Soit après coup. Cela doit permettre à justifier publiquement que la France est la « nation-cadre » d’un vaste dispositif d’intervention militaire au moment où, dans le scénario, les forces de Mercure entrent en confrontation directe. Ce sera la phase 4 entre avril et mai, dite d’envergure ou guerre de haute intensité entre deux armées conventionnelles.

Pour traduire : on déploie l’armée…on explique après, ou comment démasquer le fondement d’une guerre de grande puissance n’ayant aucune valeur démocratique et populaire. Cela en dit long sur la sophistication de la prochaine guerre de haute intensité, nécessitant tout un dispositif politico-militaire dans l’espoir de conserver toute la situation sous contrôle. A moyen terme, cela est vain bien évidemment.

Ce qui est clair, c’est que la France prépare activement la guerre et cela fait écho à une citation des Comités de la paix des Usines Schneider de 1952 reprise par la gazette anti-guerre Rosa dans son numéro 11 :

Les ouvriers pensent et disent que ce n’est pas tellement sûr que la guerre soit une fatalité, car une fatalité qui a un plan et qui a des crédits, n’en est pas une.

A l’instar de la France « nation-cadre » en Roumanie, c’est-à-dire puissance dirigeante et coordonnatrice de plusieurs armées pour le compte de l’Otan, l’exercice Hemex-Orion n’est là que pour préparer la France à manier un déploiement militaire sophistiqué par et pour l’Otan.

Car derrière cet exercice où prennent part des soldats allemands, belges, italiens, grecs, américains, anglais, etc., la France ne vise pas directement à assurer la défense nationale, mais bien plutôt à montrer sa crédibilité envers l’Otan.

C’est un signal envoyé aux États-Unis comme quoi la France reste dans la course pour la guerre de repartage qui s’annonce, ou plutôt qui a déjà commencé avec la guerre contre la Russie.

C’est une preuve une fois de plus que la France n’est qu’une puissance de second ordre qui tente, tant bien que mal, de conserver sa place au soleil en tirant profit du mieux qu’elle peut de l’ordre international garanti par l’Otan depuis les années 1950. Car il faut bien comprendre que mobiliser 12 000 hommes, c’est tout à la fois rien au regard de ce qui se passe justement en Ukraine et déterminant si l’on se place sur le plan de la coalition Otan.

Il faut donc prendre cet exercice pour ce qu’il signifie historiquement : la France est un protagoniste majeur du militarisme occidental qui se prépare à maintenir le statu quo mondial qui lui est favorable.

Quiconque ne le conteste pas est de facto dans le camp du militarisme français.

Catégories
Guerre

Déclaration intersyndicale de soutien au régime ukrainien

C’est l’union sacrée !

À l’occasion des « un an » de la guerre en Ukraine, l’intersyndicale issue du mouvement contre la réforme des retraites publie un communiqué qui révèle leur convergence complète avec le camp occidental contre la Russie.

Il est même appelé à participer à la manifestation organisée à Paris le 25 février 2023 par les nationalistes ukrainiens ! Manifestation qui aura notamment comme participant l’ambassadeur ukrainien, avec le soutien du Parti socialiste, d’EELV, de Renaissance (le parti d’Emmanuel Macron), du NPA, d’ATTAC…

Un premier communiqué le 24 février 2022 avait déjà été réalisé par une intersyndicale (moins Sud-Solidaires), mais là, un an après le lancement de la guerre, on est dans l’accompagnement total dans la soumission du capitalisme français à la superpuissance américaine.

Cela n’a rien d’étonnant et c’était déjà le cas par leur silence au sujet de la guerre avec la lutte contre la réforme des retraites comme prétexte pour rester dans le train-train syndical malgré la situation historique.

Tout est bon pour pour ne pas briser l’union. Et on voit ici à quel point nous avions raison de dire que ce mouvement dit des retraites participe au rouleau compresseur militariste en France.

En assumant ouvertement la position de l’Otan, le mouvement syndical dans sa totalité à choisi de servir sur un plateau d’argent le peuple français à la guerre des Etats-Unis contre la Russie.

Bref, 1914 bis repetita. La CGT n’ayant d’ailleurs jamais fait le bilan de l’union sacrée, quoi qu’elle puisse prétendre. Elle n’est qu’une force économique qui accompagne le capitalisme. Cela était vrai hier, cela l’est toujours aujourd’hui.

Le syndicalisme doit exister, mais de manière subordonnée à la Gauche politique établie sur ses valeurs historiques.

Com-intersyndic-paix-juste-et-durable-22022023

Catégories
Restructurations économiques

La nature de la réforme des retraites

Pas un choix, mais une nécessité pour la bourgeoisie.

Sur agauche.org, la position a été claire depuis le début : la contestation actuelle de la réforme des retraites relève du passé. Elle illustre un monde militant en déliquescence, qui ne sait plus que se rattacher aux miettes de la puissance française.

Pour autant, il n’en reste pas moins vrai que la réforme des retraites représente en soi une offensive de la bourgeoisie française. Elle exprime la restructuration du capitalisme français dans un tout nouveau contexte, non pas celui des années 1990-2000, mais bien de celui né du grand dérèglement produit par la pandémie de Covid-19.

C’est là que l’on voit que les contestataires sont des opportunistes car ce qu’ils contestent c’est précisément le fait que cette réforme illustre le grande chamboulement des choses, la déstabilisation de la puissance française qui n’a dorénavant plus le choix que d’aller à la confrontation intérieure et extérieure.

Non pas simplement dans une optique d’anticipation budgétaire, comme cela pouvait être le cas avant 2020, mais bien plus dans le but de la survie même du mode de vie capitaliste en France.

La réalité des faits est la suivante : la pandémie de Covid-19 a obligé à des dépenses économiques et sociales faramineuses tout en accentuant les antagonismes entre capitalismes nationaux.

Depuis lors, il s’agit de rester dans la course en conservant la capacité de financement du train de vie des pays riches pour assurer la paix intérieure tout en se militarisant pour limiter la perte des zones d’influences prisées par le bloc russo-chinois, principalement la superpuissance chinoise.

Une tendance vieille comme le capitalisme en crise : la paix intérieure pour la guerre à l’extérieur. Mais contrairement au siècle passé, le capitalisme vomit tellement de richesses qu’il ne peut plus vivre, paradoxalement, qu’à coup de crédits.

C’est ce qui a été expliqué par l’économiste libéral Alain Minc, comme quoi la réforme des retraites est là pour assurer la capacité d’endettement de la France à un niveau soutenable. Cela est tout à fait juste et exprime bien en quoi elle est liée historiquement au « quoi qu’il en coûte » de la période 2020-2021. La réforme des retraites n’est pas « imposée » par les marchés financiers, elle est rendue nécessaire par la configuration même du capitalisme entré en crise générale en 2020.

Mais en période de crise du capitalisme, à la capacité financière s’ajoute une autre nécessité de toute grande puissance, la capacité militaire. A ce titre, une commentatrice déclarait sur la chaine télévision LCI à propos du manque de munitions occidentales en direction de l’Ukraine la chose suivante :

« Certains choix budgétaires ont prix le dessus sur la défense. On a choisi dans nos sociétés, surtout en France mais aussi dans certains autres pays européens, on a dit que qu’en ces temps de dividende de la paix [période d’après la chute de l’URSS] où la guerre n’était plus concevable, où l’Europe allait pour toujours vivre en paixle budget devait se concentrer sur les dépenses sociales et donc maintenant on est vraiment dans la merde. Parce qu’on est face à un choix absolument cornélien, c’est-à-dire que la France endettée comme on l’est n’a pas les moyens de fournir l’effort de défense qu’il faudrait pour se réarmer et récupérer notre niveau d’antan et pouvoir répondre de manière conséquente à toutes les crises qui nous menacent, et je pense que celle d’Ukraine n’est que la première, après on risque d’avoir la crise iranienne et la crise Chine-Taïwan, on aura pas les moyens suffisant pour gonfler le budget de défense et de garder le niveau d’aides et de dépenses sociales qui est le notre. »

Le gouvernement aurait pu assumer entièrement cette position, tant les français sont attachés au modèle pavillon-consommation. Quoi de plus simple que dire aux français que s’ils veulent conserver leur taux de crédit pour devenir propriétaire et avoir une belle voiture équ’il faut passer par le fait de travailler deux ans de plus tout en acceptant le renforcement militaire ?

Et quoi de plus simple si une crise parlementaire intervenait avec dissolution de l’Assemblée nationale que de dire : qui est responsable ? Voulez-vous payer trois fois plus cher votre emprunt immobilier car la France est en train de perdre toute crédibilité financière ?

Car les français sont piégés, ou plutôt ils se sont auto-piégés en acceptant les règles du mode de vie capitaliste alors même que la situation issue de la pandémie de covid-19 va toujours plus les mettre sous pression pour continuer à bénéficier de ce mode de vie dont ils n’osent pas se séparer. Ils veulent la paix intérieure, c’est-à-dire qu’ils veulent conserver à tout prix le mode de vie qui pourtant les précipite dans l’abime de part ce qu’il implique historiquement – militarisation et restructuration anti-sociale.

Les français sont de bout en bout des petits-bourgeois. Pour eux, il n’y a pas vraiment de crise, les riches se gavent et la dette ne seraient que des choses abstraites sans rapports avec la réalité, la pandémie aurait montré qu’on peut « générer » de l’argent sans aucunes conséquences, etc., etc.

Et les contestataires de la réforme des retraites ne les aident pas à sortir de l’ornière. Car ils soulèvent une pierre trop grosse pour eux, ils se heurtent à un problème qu’ils refusent de traiter pour ce qu’il est : l’illustration de la crise du capitalisme français. Historiquement, ils apparaissent comme des brouilleurs de la prise de conscience historique.

Quand on voit que leur seule perspective c’est la « taxation des ultra-riches » sur fond d’acceptation totale du mode de vie bourgeois, ces gens ne peuvent que nous précipiter dans les bras de l’extrême-droite par leur incapacité même d’assumer la crise.

Du fait de sa nature, la réforme des retraites devrait se heurter non pas à une contestation syndicale du type de celle qui existe depuis 40 ans en France, mais à une grève politique de masse. Elle devrait être le prélude à une remise en cause générale du mode de vie occidental, à la perspective de la prise du pouvoir par le peuple à tous les niveaux pour transformer de fond en comble le mode de vie capitaliste.

Cela passe par une nouvelle conscience, une conscience de la crise du capitalisme et de sa sortie historique, le Socialisme.

Catégories
Guerre

Une tribune militariste dans l’Express

La fraction libérale-atlantiste de la bourgeoisie mène la danse.

La tribune intitulée « Budget de la Défense : encore un effort nécessaire » publiée le 6 février par l’Express et rédigée par Nicolas Bouzou, un économiste atlantiste et vice -président du cercle Turgot, est ainsi très révélatrice de la situation en cours.

L’hebdomadaire l’Express est un journal qui est organiquement lié, au sens idéologique et culturel, à la fraction libérale-atlantiste de la bourgeoisie. Ses prises de positions sont l’expression condensée de la pensée de toute la fraction moderniste de la bourgeoisie, celle actuellement au pouvoir par la voie d’Emmanuel Macron, celle qui « réforme ».

La réforme des retraites est à ce titre une expression de la restructuration du capitalisme français. Il faut la voir avec les lunettes du monde de 2023 et non pas de celui d’avant la pandémie de Covid-19, qui a engendré un grand dérèglement social et économique, culturel et politique.

Il y a ainsi deux camps réels, si on omet ceux qui veulent que rien ne change, par nostalgie. Il y a ceux qui veulent sauver le mode de vie capitaliste et ceux qui veulent s’en débarrasser.

Ce que dit la tribune est justement l’inverse de ce qui est dit sur agauche.org. Il est dit sensiblement la même chose dans la forme, mais totalement l’inverse dans le contenu. Pour résumé, le monde aurait radicalement changé depuis 2020 et la guerre en Ukraine ouvre la voie à une déstabilisation générale du monde. Il s’agit donc d’inscrire le capitalisme français dans l’optique de l’affrontement à tous les niveaux.

Un pays incapable de faire une réforme des retraites bénigne pour équilibrer son système et augmenter l’emploi des 55-65 ans alors que la guerre menace de s’étendre sur notre sol est voué à devenir insignifiant. Car les lois de l’économie (qui ne sont rien d’autre que des lois de l’organisation des humains en société) sont implacables : pour investir davantage dans l’énergie décarbonée, dans la santé, dans l’éducation, dans notre sécurité, nous n’avons pas d’autre choix que de produire davantage de richesses : travailler plus et mieux, être plus intelligents, investir davantage. Voilà la feuille de route cohérente avec notre environnement hostile. Si nous ne le faisons pas, par défaitisme, lâcheté ou pacifisme, c’est notre pays que ne nous mettons en danger.

Voilà, pour les capitalistes français, la nouvelle donne qu’il s’agit d’avoir en tête pour pouvoir continuer à faire progresser le capitalisme français. S’il est salué l’augmentation du budget de la Défense, passant de 295 milliards d’euros sur la dernière loi de programmation militaire à plus de 400 milliards pour l’exercice 2024-2030, il faudrait « encore un effort nécessaire ».

La réforme des retraites s’inscrit alors dans ce panorama, celui qui doit permettre de dégager plus de recettes financières dans le but de renforcer le capitalisme français, et principalement son complexe militaro-industriel. De fait, l’un et l’autre sont les deux faces d’une même pièce.

Au vu de la situation de 2023, ne pas faire la réforme des retraites n’aurait rien à voir avec les précédentes réformes en 1995, 2003, 2010 : cela signifierait l’incapacité du capitalisme français à se restructurer pour mieux se relancer dans le grande bataille du repartage du monde sous égide de l’Otan, donc des États-Unis.

On voit ici à quel point la réforme des retraites n’est qu’un élément secondaire dans la véritable tendance de fond, celle de la mise en place des conditions d’une nouvelle guerre mondiale.

A ce titre, il est une fois de plus confirmé le fait que la perspective de se confronter à l’Otan sur des bases socialistes-pacifistes mène directement à se confronter au régime en place. Logiquement, si une mobilisation d’ampleur avait lieu sur cette base, cela déboucherait sur une crise de régime. C’est bien pour cela que l’extrême-Droite dans sa variante parlementaire a refusé un tel positionnement dès l’invasion russe en Ukraine au mois de février 2022.

De ce point de vue, on ne peut que constater combien les contestataires actuels de la réforme des retraites sont à côté de la plaque. Pour eux, la question se limite à de vilains financiers qui veulent épuiser les gens au travail, tels des vampires maléfiques qui seraient des parasites détachés de la vie réelle.

Leur contestation est vaine. Pire : de part son orientation, du fait de sa négation de l’arrière-plan historique, il ne s’agit que de faire tourner la roue de l’Histoire en arrière.

Si on a compris qu’il y a en fait la mise en place d’un rouleau compresseur militariste au service de la restructuration capitaliste, il ne peut y avoir d’autre option que celle énoncée sur agauche.org. Car face à cette perspective, il s’agit d’être ancré dans le sens de l’Histoire mais du point de vue démocratique et populaire.

Catégories
Guerre

L’Occident se brûle les ailes

Les pays de l’Otan commençent à perdre pied dans la guerre contre la Russie.

Quel décalage entre les discours d’il y a quelques mois et ceux d’aujourd’hui.

A l’automne, l’armée russe était finie, le régime russe était sur le point de s’effondrer, la mobilisation de 300 000 hommes en Russie était moquée. La contre-offensive ukrainienne était une réussite presque stratégique, devant se terminer par la reprise de la Crimée et la fuite de toute l’armée russe de l’Ukraine.

Et depuis, tout cet espoir est redevenu ce qu’il était dès le départ, une pure illusion engendrée par une propagande occidentale qui n’a cessé de s’auto-intoxiquer. Dorénavant, c’est le principe de réalité qui est de retour et qui est guidé par un fait implacable : la guerre en Ukraine se joue sur la masse, à la fois d’hommes mobilisables mais aussi de ressources industrielles.

Et le grand coup qui a été porté aux opinions publiques occidentaux est le rapport du FMI sur les prévisions de croissance pour l’année 2024. On y voit que les sanctions portées par l’Europe et les États-Unis n’ont eu que peu d’effets sur l’économie russe, alors qu’elles ont impacté les économies occidentales avec l’inflation, notamment des matières premières et de l’alimentation.

Ainsi, selon le FMI, la Russie peut s’attendre à une croissance économique de 0,30 % pour l’année 2023, puis de 2 % pour 2024, quand les États-Unis se contenteront de 1 % de croissance.

Surtout, les pays en voie développement, et notamment le bloc des BRICS, seront le moteur du commerce mondial. Des pays qui, rappelons-le, n’ont jamais adopté la politique des sanctions à l’égard de la Russie. Les liens économiques entre la Russie et la Chine, mais aussi l’Inde, ont explosé, renforçant de fait la tendance au remplacement de la superpuissance américaine pour l’hégémonie mondiale.

C’est la prétention des pays de l’Otan qui explose en plein vol. La Russie devait soit-disant avoir le PIB d’un pays comme l’Espagne, elle devait être un colosse au pied d’argile, qui s’effondrerait économiquement en un rien de temps. Son économie se fondait sur la seule exportation d’hydrocarbures, elle n’utiliserait plus que des puces électroniques de machine à laver pour ses missiles, etc.

C’était sciemment passer sous silence que la Russie était un pays de plus de 143 millions d’habitants, avec une base industrielle représentant près de 30 % de sa richesse nationale intérieure, contre 15 % en moyenne en Europe. Une industrie lourde qui plus est, ce qui apparaît comme fondamental pour une économie de guerre.

Dans une guerre de haute intensité, la quantité prime sur la qualité : aligner des milliers et des milliers d’hommes et produire des quantités d’armes et de munitions est la clef du conflit. C’est bien pour cela que les États-Unis ont accepté de livrer des bombes à longue portée, dans le but de briser la masse militaire russe en visant ses propres nœuds logistiques arrières.

C’est comme le souligne le dernier numéro de la gazette pacifiste Rosa, la vieille rengaine militariste du « game changer » comme quoi une technologie d’armement pourrait renverser le cours des choses. Au regard de l’histoire, c’est faire un pari plus que douteux.

En réalité, il se trouve ici confirmé la thèse que l’hégémonie occidentale s’effrite et leurs dirigeants commencent à en prendre la mesure. L’économie occidentale s’épuise face à une Russie qui penche vers la Chine, avec des pays latino-américains refusant de soutenir l’occident.

Lorsque Emmanuel Macron est allé il y a quelques jours demander des armes pour l’Ukraine au président brésilien Lula, celui-ci lui a répondu qu’il était en guerre contre la pauvreté, pas la Russie !

Il y a de la démagogie et du pragmatisme dans tout cela, mais les BRICS qui représentent près de 41 % de la population mondiale et leur montée en puissance converge avec la fin de l’occident.

Que faire alors du côté des pays occidentaux au stade où en sont arrivés les évènements ?

Lâcher l’Ukraine est impossible, mais la soutenir pleinement, c’est continuer à se tirer une balle dans le pied. En réalité, il n’y a plus de choix. L’Occident panique d’autant plus que se profile la bataille pour Odessa et son port si stratégique, avec notamment l’immense ressource en gaz néon qui est en centrale pour toute l’industrie mondiale du semi-conducteur.

Dans six mois, les choses auront profondément changé. En bien ou en mal car c’est maintenant l’engrenage qui est en place, mettant de côté la volonté du « choix diplomatique » comme l’atteste l’échec récente de la négociation du chef de la CIA en Russie. La Russie a joué calmement sa partition qui veut que l’Occident ne suivra pas le rythme de la confrontation, car ni son appareil industriel, ni la vision du monde de ses dirigeants ne le permettent.

La conséquence est évidemment dramatique pour l’Ukraine. Comme il l’a été dit mille fois ici, la nation ukrainienne a été sacrifiée sur l’autel des impérialistes. Penser que quoi que ce soit de bon puisse sortir du soutien de l’Otan aura été l’erreur historique de l’Ukraine. Elle n’aura été que la chair à canon de la prétention occidentale de briser la Russie.

Et pour nous en France, cela veut dire qu’il faut se porter sur l’essentiel. Tout le mode de vie occidental s’effondre, c’est ça qui compte réellement. A nous de faire en sorte que cela aille au socialisme, et non pas à la barbarie.

Ceux qui accordent une importance centrale à la « réforme des retraites » sont ici en dehors de la dimension historique de la période actuelle.

Catégories
Guerre

L’armée française augmente son budget d’un tiers

La France s’accroche tant bien que mal à sa puissance.

« Le monde ne nous attend pas, car les rivalités aiguisent les appétits et les stratégies, car nous devons tenir notre rang », voilà les propos on ne peut plus clairs d’Emmanuel Macron pour ses vœux aux armées à la base aérienne de Mont-de-Marsan lors desquels il a présenté les contours de la future loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM).

La LPM 2024-2030 vise un budget visant à répondre à hauteur de 413 milliards d’euros de besoins militaires, soit environ 57 milliards par an, contre 44 milliards pour l’année 2023 qui est déjà marquée par une rallonge substantielle dans le cadre de la dernière LPM.

Entre les deux LPM, on a une hausse de près de 36 % du budget militaire !

Après avoir remis à niveau l’armée française, la puissance capitaliste française vise dorénavant à la mettre à niveau des conditions de la grande bataille pour le repartage du monde.

Les choses sont claires et actées devant la société française : le monde va vers la guerre et il s’agit de la préparer pour défendre la puissance française, le capitalisme français.

Comme la France est devenue une puissance de second ordre, elle ne peut compter uniquement sur la masse, passant ici par l’annonce du doublement de la réserve opérationnelle et un nouvel horizon pour la SNU : elle vise surtout le renforcement de « l’épaisseur » de sa cuirasse militaire.

Ce sont les « quatre pivots » énoncés par Emmanuel Macron, à savoir la souveraineté, passant tout à la fois par le renforcement des moyens du renseignement militaire et la réforme de la Direction générale de l’armement en vu de fluidifier le fonctionnement du complexe militaro-industriel et de le faire entrer dans l’ « économie de guerre » annoncée en juin 2022 au salon de l’armement Eurosatory.

A ce titre, il a été opté par la mise à niveau complète de l’armée de l’air avec un passage au « tout Rafale », ce qui exige une certain niveau de production.

Il y a également l’augmentation des moyens pour la cyberdéfense, la haute intensité, c’est-à-dire la hausse de la production de munitions mais aussi le maintien en condition opérationnelle des équipement avec l’augmentation des exercices de grande envergure – comme le sera l’exercice Orion cette année dans l’est du pays.

Enfin, on retrouve ce qui est appelé l’engagement dans les « espaces communs », comme l’Espace ou les espaces marins mais aussi l’Europe et les alliances en vue de conserver une autonomie d’action, et surtout de commandement.

L’insistance sur les « espaces communs » est cruciale. Les océans et les mers, notamment et surtout les grands fonds marins sont devenus un nouvel espace pour l’accumulation capitaliste pour la décennie à venir et il s’agit de les défendre coûte que coûte pour une puissance française qui a la seconde zone économique exclusive du monde.

C’est le sens de la construction d’un nouveau porte-avion nouvelle génération qui devra succéder à l’actuel Charles de Gaulle. Cela doit permettre à la France de se positionner « correctement » dans la très chaude région indo-pacifique et ainsi défendre ses pré-carrés en relative autonomie d’avec la superpuissance américaine.

Tout comme d’ailleurs Emmanuel Macron a bien fait mention, à propos des zones de tensions maritime, de « la Méditerranée orientale » du fait de la forte implication de la France auprès de la Grèce contre la Turquie.

Dans ce panorama marquée par la crise, on peut et doit comprendre la réforme des retraites comme le côté pile de la pièce de la restructuration capitaliste, la hausse du budget militaire en étant le côté face.

Non pas de manière réformiste-populiste comme quoi il y aurait de l’argent pour l’armée et pas pour les retraites, mais en ce que ces choses sont l’expression d’un capitalisme français pourrissant qui tente de se maintenir coûte que coûte…et qu’il s’agit donc de renverser et non pas d’aménager par d’autres « orientations budgétaires ».

Car cette hausse du budget militaire vise non plus qu’à conserver les positions de la France capitaliste dans un monde toujours plus en proie aux antagonismes économiques, politiques, militaires. Ni plus, ni moins.

Quant à la réforme des retraites, elle n’est là que pour assurer la capacité de l’État à continuer à emprunter sur les marchés financiers à des taux qu’il juge soutenables alors que l’endettement du pays a flambé pendant la pandémie de Covid-19. Donc à lui assurer son train de vie, sa puissance économique, sa capacité à conserver sa place dans le monde là aussi.

Dans tous les cas, ce sont les masses qui en paient le prix fort par la dégradation progressive de leurs conditions de vie sur fond de militarisation de la société au dépends de la démocratie elle-même.

Mais entend-on une telle analyse chez les forces qui dirigent le mouvement ? Nullement. Au contraire, on a le niveau zéro de la conscience, le pur populisme comme avec la leader d’EELV Marine Tondelier qui voudrait une « France sans milliardaire ». Mais pas sans capitalisme ! Pas sans le militarisme français et l’OTAN !

Les députés d’une NUPES ont choisi de suivre la tendance, celle d’une France capitaliste forte pour mieux grappiller quelques concessions sociales, ou plutôt conserver quelques miettes sociales. Jamais il n’est question de crise, donc de capitalisme et de militarisme car tout tomberait du ciel, ou plutôt de la tête d’une « oligarchie » qui voudrait le mal des gens…

Mais le problème, c’est bien que les masses veulent elles-aussi conserver leur mode de vie dans une France stable, prospère, à l’écart des troubles du monde… sans aucune implication réelle pour renverser le vieux ordre.

De fait, on aura encore malheureusement bien de la peine à voir se former une opposition politique aux orientations de cette LPM qui sera bientôt débattue au parlement. Pour cela, il faut raisonner en termes de crise…et de révolution.

Et malheureusement, il semble bien que c’est la troisième guerre mondiale qui va précipiter les choses.

Catégories
Politique

Aucune contestation en France contre l’escalade guerrière

L’Histoire avance dans la dépolitisation générale.

Entre le mois d’octobre et le début de l’année 2023 vient de se jouer une séquence politique majeure, qui marque un tournant dans l’implication française pour l’OTAN dans la guerre en Ukraine.

Le 31 octobre 2022, le journal Le Monde publiait une tribune de dirigeants libéraux-atlantistes appelant la France à prendre les devants en assumant en premier de livrer des armes offensives en faveur du régime ukrainien.

Pour les auteurs de cette tribune, représentants de toute une couche d’experts animée par la défense de la superpuissance américaine et dont le point d’ancrage sont les pays baltes violemment anti-russe, la France se devait de prendre l’initiative pour se repositionner correctement dans l’OTAN.

C’est chose faite puisque le 4 janvier 2023, juste après la visite du ministre de la défense Sébastien Lecornu à Kiev, Emmanuel Macron annonçait l’envoi d’une quarantaine de chars AMX10-RC. Cela signifie que la France suit toujours plus les consignes des pays d’Europe de l’est, en fait de l’OTAN, et devient un moteur du bellicisme anti-russe en Europe.

Il n’y a qu’à voir comment l’annonce d’envoi de chars français a été suivi de tout une discussion politique en Europe, de la Pologne à l’Allemagne en passant par Londres et sa décision d’envoyer des chars Challenger II.

Depuis cette annonce qui sonne comme un véritable tournant du fait que ce type d’armes permet de mener des contre-offensives et donc prolonge ouvertement la guerre, il est stupéfiant de noter qu’il n’y a aucune réaction politique, ni à Gauche, ni à Droite.

À gauche, des gens comme Boris Vallaud du PS préféraient rencontrer à la mi-novembre l’Union des ukrainiens de France, dont le président promeut l’interdiction du ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski.

Ce qui n’est pas un simple positionnement « tactique » : pour le nationalisme ukrainien, la Russie n’existe pas, c’est une malédiction moscovite.

Lors des manifestations parisiennes de cette même association, parsemée de drapeaux bandéristes et de personnes faisant le salut du parti d’extrême-Droite Svoboda, on retrouve parfois Yannick Jadot, dont le parti EELV est d’un bellicisme fou, mais aussi des drapeaux du NPA. C’est dire…

Mais on ne trouve rien non plus ni du côté de Révolution Permanente, ni du côté de l’ultragauche. À Lutte Ouvrière, on se contente d’un dernier communiqué sur une simple motion, histoire de dire quelque chose, votée le 7 décembre dernier. Depuis, plus rien.

En fait, du côté de l’extrême-gauche, on ne trouve que les maoïstes du PCF(mlm) pour prendre les choses au sérieux et de promouvoir l’engagement anti-OTAN et anti-guerre, comme l’illustre d’ailleurs l’un des articles du numéro 22 de la revue Crise qui anticipait correctement l’impact politique joué par la tribune des libéraux-atlantistes mentionnée plus haut.

Quant à l’extrême-Droite, si prompt à se faire la championne du nationalisme et du souverainisme, chaque jour de plus dans la guerre en Ukraine contribue à la ringardiser.

Il suffit de voir que lors de sa niche parlementaire du 12 janvier, moment où l’on peut mettre au débat n’importe quel sujet, le groupe RN a préféré parler d’exonération des cotisations sociales, de la suppression des zones à faible émission, de la légitime défense des policiers ou encore de l’uniforme à l’école plutôt que des décisions pro-OTAN du cabinet présidentiel.

Le constat est sans appel : l’Histoire se fait en France dans le désert total ou plutôt dans l’acceptation générale de décisions militaristes faites sans aucun processus démocratique, au moins parlementaire.

C’est là le signe d’une profonde dépolitisation dans une démocratie où les principales forces d’opposition ne sont même pas en mesure d’axer leurs interventions sur la véritable actualité qui apparaît donc sous le signe d’un consensus général dont il n’est même pas question de débattre.

Pourtant, depuis la réélection d’Emmanuel Macron, alors même que la guerre en Ukraine n’a jamais été au centre des débats de la présidentielle et des législatives, toutes les décisions concernant le financement ou l’envoi d’armes ne sont jamais passées par l’assemblée nationale.

Le seul moment, formant un nœud de la séquence politique dont il est question ici, a été l’ovation générale au régime ukrainien lors de la rentrée parlementaire début octobre.

Moment qui n’était même pas suivi d’un vote législatif mais seulement d’un débat symbolique en présence de l’ambassadeur du régime de Kiev. Autrement dit, cela n’était là que pour renforcer la légitimité de toutes les décisions militaires prises dans l’ombre du cabinet présidentiel.

Un exemple de propagande : le 17 janvier 2023 Le Parisien parle de bombardements russes à Donetzk, alors que c’est l’armée ukrainienne qui a visé un centre commercial et une zone résidentielle de Donetsk

La Gauche est même incapable de mobiliser sur une chose si simple que la guerre en Ukraine et ses conséquences sur l’augmentation du coût de la vie en France, préférant faire de l’inflation une chose tombée d’on ne sait trop où. Mais il est vrai que pour cela, il faudrait avoir des bases historiques à gauche, de celles qui relient la crise économique à la guerre, et la guerre aux restructurations capitalistes.

Et c’est là que l’on comprend que la protestation contre la réforme des retraites est l’expression du vieux monde. C’est même une actualité qui vient du monde d’avant, d’avant 2020.

Et forcément, plutôt que de s’actualiser, la Gauche française reste dans ses habitudes routinières et elle y met même le paquet. Le constat fait ici dès le mois de mars 2022 d’un militantisme incapable de saisir les changements dans le monde s’avère toujours plus juste.

Et comme l’Histoire travaille dorénavant contre ces vieilles forces militantes, celles-ci redoublent d’effort pour imposer coûte que coûte la réforme des retraites comme la grande actualité. Cela serait même le vecteur d’une politisation à entendre certains, quel délire !

Mais tout le monde y croit, du Figaro jusqu’au Rassemblement national en passant par la NUPES, dans un grand mensonge collectif qui voudrait que l’actualité serait de savoir comment la stabilité sociale va être négociée et conservée dans ce pays.

D’ailleurs, s’il y a vraiment une mobilisation contre les retraites, ce serait la preuve que la société française s’est repliée sur elle-même, pensant que l’on peut encore et toujours raisonner comme ces quarante dernières années. Ce serait une expression de la stabilité capitaliste, nullement de sa remise en cause pourtant bien à l’ordre du jour.

La seule actualité de l’époque, c’est la tendance à la guerre. Il n’y rien en dehors, rien à côté : qui ne met pas les pieds dans le plat reste en dehors de l’Histoire.

Catégories
Guerre

La Grèce, poste-avancé de l’OTAN contre la Turquie

La Grèce se militarise pour le compte de l’OTAN.

La Grèce a toujours été un fer de lance de l’OTAN, hier dans sa lutte contre l’URSS, aujourd’hui dans sa défense de l’hégémonie occidentale.

Dès 1947, la Grèce signait un accord bilatéral avec les Etats-Unis pour mettre à disposition toutes ses infrastructures pour le compte de l’OTAN, avant de rejoindre officiellement l’alliance atlantique en 1952…en même temps que la Turquie.

Le bloc occidental était alors concentré sur l’opposition à l’empire soviétique et se devait de maintenir la discipline de ses membres, tous ses membres, y compris donc la Grèce et la Turquie malgré leur opposition historique commencée avec la guerre d’indépendance grecque en 1821 et allant jusqu’à la persécution des Grecs d’Anatolie en 1922.

Mais tout cela est du passé. La situation qui prime dorénavant est la tendance à la guerre et les antagonismes refont surface.

Car si la Turquie était depuis la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal Atatürk en 1923 un simple satellite des États-Unis, avec des centres urbains modernes dans un océan rural isolé, l’arrivée d’Erdogan au pouvoir à la fin des années 1990 a coïncidé avec une vague de modernisation qui a bénéficié aux gens ayant quitté les campagnes arriérées dans les années 1970.

Cette nouvelle génération de « turcs noirs », en opposition aux « turcs blancs » des grands centres urbains, se trouve en phase avec l’idéologie du parti de la justice et du développement (AKP) qui a su dépasser les vieux mouvements islamistes turcs en maintenant le conservatisme religieux comme levier d’organisation civile tout en acceptant la laïcité comme fondement de l’Etat turc moderne.

Bref, la Turquie n’est plus celle des années 1960, et la vague de modernisation alliée à la mobilisation de pans entiers de la société lui permet de rêver au retour du passé ottoman…et le coup de frein engendré par la pandémie de Covid-19 ne peut que la faire basculer dans l’expansionnisme et le militarisme.

Mais la Turquie reste membre de l’OTAN, tout comme la Grèce, ce qui provoque forcément des remous comme lors d’une réunion de l’alliance de décembre 2020 où les ministres des affaires étrangères grecs, français, des États-Unis et de la Turquie se sont accusés de favoriser les tensions en Méditerranée.

Évidemment, face à cela, la Grèce n’est pas en reste. Sauf qu’à la différence de la Turquie, elle est un pays affaibli par la crise financière de 2008, incapable de défendre seule ses zones d’influences, d’autant plus que l’armée grecque compte un peu plus de 100 000 militaires actifs contre 735 000 en Turquie.

Si la Grèce a annoncé le rallongement de son service militaire obligatoire de 9 à 12 mois dès le mois de mai 2021, avec la perspective de former 15 000 nouveaux soldats, ainsi qu’une augmentation hallucinante de son budget militaire, elle ne peut faire face à la Turquie sans se vendre en découpe à l’OTAN.

Dès 2019, elle signe un accord de mise à jour du partenariat de défense mutuelle avec les États-Unis, revenant en fait à ouvrir les vannes à la présence des forces américaines en Grèce.

En septembre 2020, le secrétaire d’État à la défense Mike Pompeo venait affirmer cet accord, en proclamant au passage qu’il était envisagé le déplacement des forces américaines des bases turcs d’Incirlik et de Kürecik vers la Thrace orientale et la Crète.

Et c’est bien ce qui est en train de se passer. En 2021, le gouvernement de droite grec ouvrait ainsi les portes du port d’Alexandroúpolis dans le Nord-Est de la Grèce, à la frontière avec la Turquie, aux forces américaines.

Un port qui s’est avéré central pour la livraison d’armes occidentales au régime de Kiev ainsi que pour le renforcement des positions de l’OTAN en Roumanie et Bulgarie, après que la Turquie a fermé les détroits de Bosphore et des Dardanelles en vertu de la convention de Montreux de 1936.

En fait, le port est carrément devenu l’une des plus grandes bases américaines en Europe, avec des agrandissements qui lui permettent d’accueillir dorénavant des bâtiments maritimes de gros tonnages. À terme, il doit également se doter d’un système de radar en lien avec la station mère de l’île de Samothrace pour surveiller les détroits de la mer noire dans l’optique de remplacer la station-radar turque de Kürecik.

Heureusement, une partie de la population conteste cette militarisation car cela l’expose directement aux conséquences d’un conflit direct avec la Russie ou la Turquie. Du bon sens pacifiste quand on sait que les avions de chasse turcs violent régulièrement cet espace aérien grec à cet endroit !

Mais au-delà d’Alexandroúpolis, c’est également la base historique de l’OTAN en baie de Souda au sud de la Grèce qui a été modernisé pour y accueillir des drones de combat et de surveillance F-22 et F-35, trois nouveaux avions ravitailleurs essentiels pour les AWACS, ces Boeings E-3A dotés d’un système aéroporté de détection et de contrôle qui sont basés à l’ouest de la Grèce sur la base d’Aktion. Enfin, la base de Souda doit également voir s’installer un radar de veille pour la surveillance de la Méditerranée orientale et de la Mer Égée.

Boeing E-3A AWACS

A cela s’ajoute, les bases aériennes en Thessalie de Larissa et Vólos, qui accueillent respectivement des drones américains MQ-9Reaper spécialisés dans la surveillance et des hélicoptères Apache et Chinook.

En violet : bases grecques modernisées pour l’OTAN, en marron : quelques bases grecques, en jaune : bases militaires mises à disposition des armées françaises, en violet : bases britanniques à Chypre, en vert : base turques de l’OTAN, en bleu : détroits de la mer noire fermés depuis mars 2022

Ce déploiement massif des États-Unis en Grèce est le reflet que l’OTAN prépare la guerre contre une Turquie dont elle pense qu’elle va basculer à terme dans le bloc sino-russe. Une perspective soi-disant justifiée notamment par la décision de cette dernière de se fournir en missiles S-400 russes après le refus américain de lui vendre ses systèmes Patriot.

Un des tournants qui apparaît comme un marqueur historique est la levée par les États-Unis en septembre 2022 de son embargo pesant sur la République de Chypre sur l’exportation d’armes américaines décidé en 1987. Avant de venir en Grèce, Mike Pompeo est d’ailleurs passé par l’île.

Cet embargo servait à geler la situation du conflit entre la Turquie et la Grèce sur cette île de la Méditerranée depuis 1974 où un coup d’État militaire en faveur du rattachement à la Grèce avaient eu pour conséquence l’envahissement par la Turquie de la partie nord de l’île, contribuant à la séparation entre une République de Chypre au sud et une République Turc de Chypre Nord (RTCN), avec en parallèle une partage entre populations turcophones et grécophones.

Au centre de la rivalité gréco-turque du fait de sa place pour l’exploitation des hydrocarbures, l’île est prise en étau entre les partisans ultranationalistes grecs de l’ « Enosis » et l’expansionnisme turc et l’idéologie de la « Patrie bleue », dont la dernière manifestation a été l’intégration de la RTCN comme membre observateur de l’Organisation des Etats turciques en novembre 2022.

A la lumière de ce contexte, il est évident que si les États-Unis réorientent leur implantation militaire vers la Grèce, et surtout de sa partie orientale pour mieux anticiper la séparation avec ses bases en Turquie et son centre de commandement terrestre à Izmir, il y a clairement un partage des tâches occidentales dans la zone.

Ainsi le Royaume-Uni est en charge de la mission européenne du groupe d’intervention littorale fondée sur une capacité de débarquement optimale grâce à l’interopérabilité de ses forces aériennes, maritimes et terrestres.

Pour s’entraîner à ses manœuvres, le Royaume-Uni peut compter sur ses bases de Dhekelia et d’Akrotiri qui s’étalent sur 3 % de son ex-colonie Chypre, portions de territoire sur lesquels il reste pleinement souverain.

La base d’Akrotiri abrite le quartier général des forces britanniques et apparaît comme un lieu central pour les opérations occidentales en Irak, Libye et Afghanistan mais aussi plus récemment dans la guerre en Ukraine.

Elle est tellement centrale que l’état-major britannique a entrepris une vaste modernisation de la base, le commandant adjoint du Commandement stratégique britannique affirmant que le rôle de Chypre était appelé à devenir plus important pour « la sécurité mondiale et notre posture mondiale ».

Mais le rôle principal dans la zone pour le compte de l’OTAN revient à la France. Elle a toujours considéré la Méditerranée comme une de ses chasses gardées, remontant à la percée du Canal de Suez et à l’expédition de Morée au XIXe siècle et allant jusqu’à l’intervention militaire en Libye en 2011 en passant par la forte implication de Nicolas Sarkozy dans le projet d’Union pour la Méditerranée en 2008.

Le pacte d’assistance militaire mutuelle signé entre la France et la Grèce en septembre 2021 illustre le rôle joué par la France dans la zone, avec notamment le renforcement d’exercices interarmées comme l’exercice ARGO22.

Le complexe militaro-industriel français est même aux avant-postes de la construction du « bouclier » méditerranéen grec, avec la livraison de 24 rafales stationnés à la base de Tanagra ainsi que de 3 nouvelles frégates.

A cela s’ajoute l’accord de défense signé entre la République de Chypre et la France à Paris en avril 2017 qui lui donne l’accès total au port de Limassol, faisant de la France le second partenaire militaire de l’île après la Grèce. Une des premières illustrations de cet accord a été la mission Clemenceau 2022 entre février et avril 2022 lors de laquelle le porte-avion Charles de Gaulle a stationné dans la zone, permettant l’exercice aérien conjoint TALOS22 avec la garde nationale chypriote.

C’est pourquoi les pacifistes en France doivent se concentrer sur le conflit gréco-turc, en se focalisant forcément sur la Grèce et les agissements de son régime. Car bientôt la France et la Grèce seront en guerre ouverte pour le compte de l’OTAN contre la Turquie et il faudra assumer ses responsabilités historiques.

Catégories
Société

L’aide médicale à mourir, ou l’échec de la société face à la dignité

La vie n’est pas une variable d’ajustement.

Depuis décembre 2022 la convention citoyenne sur la fin de vie a débuté en France. Elle est pilotée par le CESE, Conseil Économique Social et Environnemental.

Jusqu’à mars 2023, 150 citoyens tirés au sort devront débattre du sujet de la fin de vie et apporter des éléments de réponse à la question suivante :

« Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »

C’est une question vaste qui mérite un débat de fond.

Dans le capitalisme les personnes en fin de vie sont un fardeau, elles ne produisent plus rien mais ont besoin d’énormément d’attention et donc de moyens. On arrive dans une situation où on laisse les malades dans des chambres d’hôpital, isolés du reste de la société. Une vie se résumant à se voir se dégrader entre 4 murs pâles, aux sons des bips des machines, des soignants qui courent et qui n’ont pas le temps nécessaire à un accompagnement réellement humain. La plus grande crainte des personnes se sachant condamnées c’est finalement d’être en dehors de la vie, de ne plus pouvoir faire ce qu’elles faisaient auparavant et d’être un poids financier et émotionnel pour leur famille et la société.

C’est pourquoi l’argument principal des pro-euthanasie ou du suicide assisté est la liberté pour chacun de quitter une vie qui ne ressemblerait qu’à un enfer, bien souvent en mettant en avant les souffrances physiques ou psychologiques des gens. Il faut comprendre qu’ils ne souhaitent pas mourir mais simplement ne plus souffrir.

C’est tout à fait différent.

A l’heure de la réalité virtuelle et des avancées technologiques en matière de robotique, tout les moyens doivent être donnés pour que ces capacités soient mises aux services des personnes malades bien avant d’en être au stade de la fin de vie.

Une expérience virtuelle immersive de vol avec des oiseaux migrateurs, l’ascension d’une montagne, une visite des profondeurs marines ou encore une longue ballade dans un champs fleuri au printemps, les possibilités sont immenses.

Ce qu’il faut aussi prendre en compte, c’est l’état de l’hôpital en France qui manque inimaginablement de moyens, et que la prise en charge des personne en fin de vie demande des investissements colossaux tant en matériels qu’en personnels, pour pouvoir aller se balader dans les villes ou la nature peu importe la mobilité des personnes, des gens avec qui discuter de ses questionnement, de ses craintes.

Car si pour l’entourage la fin de vie d’un proche est une terrible épreuve, n’oublions pas que la personne concernée a tout le travail de deuil de sa propre vie à faire, en toute connaissance de cause et avec moult détour.

Accepter l’aide médicale à mourir c’est laisser gagner la souffrance et refuser la complexité de la vie, sa dignité quoi qu’il arrive. Voulons-nous vraiment foncer tête baissée dans l’optique que la vie n’est qu’un paramètre à ajuster ?

Les libéraux diront que oui, le chemin qu’ils tracent vers la GPA en est la preuve.

La question est de savoir quelle place consacrer au handicap et la maladie dans notre société. Chacun, peu importe sa condition, doit pouvoir participer à la production que ce soit matériellement ou culturellement et bénéficier de tout ce que la collectivité peu nous apporter, comme par exemple DJ Pone, atteint de la Maladie de Charcot, qui a réussi à composer un album entièrement avec ses yeux grâce à un logiciel adapté.

A l’heure du Covid où l’humanité s’est heurtée à sa contradiction avec la biosphère et où la population française se vautre dans l’individualisme, le devoir de la Gauche historique est de défendre une société où chacun a sa place et a la possibilité de s’épanouir quoi qu’il arrive…

Catégories
Écologie

Les stations de ski, ce vieux monde qui s’arc-boute

Le réchauffement climatique les a déjà condamnées.

Station des Gets, 1800m d’altitude

Cela fait maintenant bien une décennie que les hivers sont irréguliers, avec des chutes de neige aux quantités aléatoires, surtout en-dessous de 1200 mètres d’altitude.

Mais cet hiver 2022-2023 est déjà surprenant car s’il était habituel de voir l’hiver commencer tard ou se finir plus tôt, là il a commencé plus tôt pour terminer plus tôt et éventuellement recommencer on ne sait quand.

En quelques jours à peine, ce sont des dizaines de centimètres de neige qui ont disparu y compris très haut jusqu’au-dessus de 1800 mètres d’altitude, provoquant même des situations plus que dangereuses, comme des affaissements de terrain à Châtel en Haute-Savoie.

Si bien qu’aux dernières nouvelles, il y avait plus de la moitié des pistes de ski en France qui étaient fermées fin décembre après qu’un déluge de pluies torrentielles s’est abattu sur tous les massifs à la veille de Noël.

Châtel
Villard-de-Lans à 2000m d’altitude

Et c’était sans compter ces trois derniers jours marqués par des températures hallucinantes de chaleur, avec dans les Alpes du Nord des + 12°c à 1000 m d’altitude !

A ce niveau, les capitalistes de l’or blanc sont désemparés car la neige stockée l’été (« snowfarming ») a déjà été utilisée en partie et les canons à neige, cette stupidité anti-écologique, ne peuvent fonctionner avec de telles températures.

Si bien que tous les moyens technologiques mis en place par la bourgeoisie pour faire sauter les limites naturelles ne sont plus d’aucune utilité : la nature a triomphé de l’anthropocentrisme.

Il n’empêche que les magnats de l’or blanc, ou de ce qu’il en reste actuellement, font comme si de rien n’était, à l’instar de Jean-Luc Boch, maire de la Plagne-Tarentaise en Savoie et président de l’Association nationale des maires de stations de montagne et du syndicat « France Montagne » :

« Nous ne sommes pas inquiets sur le long terme. Le modèle a encore un bel avenir devant lui. Dans 20 ans, selon les experts, on fera encore du ski, car il y aura encore de la neige en altitude. En revanche, on aura des périodes avec beaucoup de neige, d’autres avec des précipitations et des périodes de redoux, comme aujourd’hui. Regardez ce qui se passe aux États-Unis : on ne vit pas un réchauffement climatique, mais un dérèglement. On aura de plus en plus de précipitations intenses, sans pouvoir les prévoir. »

Puis de justifier en parallèle à cette imprévisibilité, la fuite en avant dans la neige artificielle très gourmande en eau, et nécessitant des retenues collinaires pour la stocker l’été, déstabilisant au passage le cycle de l’eau et abîmant le plus souvent des zones humides.

A lire ces propos, on est pris d’une rage face à une bourgeoisie hors sol qui se pense toujours comme un Dieu au-dessus de la nature et de la grande masse des gens :

« Quand on a une surabondance de matière première comme la neige et l’eau, il faut la distribuer à bon escient. Les retenues d’eau sont indispensables à la survie des êtres humains, et elles vont devenir obligatoires, donc je ne comprends pas les extrémistes qui s’élèvent contre le stockage de ces matières premières… Sauf si l’on veut tuer le modèle de la montagne, et même le monde rural !

Certains dénigrent aussi systématiquement la neige de culture. Elle utilise de l’électricité, c’est vrai, et de l’eau, mais celle-ci est stockée quand elle est en surabondance, qu’elle se jette dans les ruisseaux, puis dans les rivières, fleuves, et enfin dans la mer. Autrement dit, elle n’est utilisée par personne. »

Et cette mentalité typique du paysan parvenu qui ne voit la nature que comme une matière première à valoriser n’est pas isolée. Voici ce qu’a dit Gilles Chabert, ex président du Syndicat national des moniteurs de ski et conseiller régional LR Auvergne Rhône-Alpes, lors du congrès annuel de Domaine skiable de France en 2022 à Lyon :

« Pendant le covid, dans le Vercors, avec tous les randonneurs il paraît qu’il n’y avait plus de quinoa au supermarché, mais nous, on n’a pas rentré de sous dans la caisse ! Il n’y a qu’un modèle économique, c’est la neige [sous-entendu, la neige artificielle]. »

Ce discours masque bien le fait que la canicule de l’été 2022 accompagnée d’une sécheresse historique a profondément déstabilisé le cycle de l’eau, si bien que le barrage hydroélectrique des Bouillouses dans les Pyrénées a dû faire à la mi-décembre un lâché de 90 000m3 d’eau pour alimenter les nappes phréatiques de 4 villages en contre-bas, un phénomène stupéfiant pour la saison.

En réalité, à y regarder de plus près, tous ces discours sont le reflet d’une posture défensive car ces gens savent que tout est fini. Leur responsabilité de classe est surtout de défendre les derniers espace du business de l’or blanc sur la base du mot d’ordre « après moi le déluge! » ou plutôt « encore moi, et après le déluge! ».

Car quand on connaît les stations comme la Plagne-Tarentaise, ces stations construite lors des plans-neiges des années 1960, on comprend que tout cela est terminé, et qu’il n’y en aura plus rien d’ici la fin de ce siècle.

Ces stations de seconde et troisième génération ont été l’expression d’une nouvelle époque, celle de la modernisation de la bourgeoisie, plus soucieuse d’elle-même et de sa santé, avec la consommation des « sports d’hiver » comme forme de distinction sociale et culturelle. C’était Valéry Giscard d’Estaing contre Georges Pompidou.

Aujourd’hui, ces stations buildings façon barres HLM nichées à plus de 2000 mètres d’altitude sont à la fois les seules qui bénéficient encore d’un enneigement correct et à la fois elles sont un repoussoir tant elles sont une telle insulte à la nature.

Flaine, station de seconde génération
La Plagne, « station-intégrée »

Si Jean-Luc Boch tient ce genre de propos de manière si prétentieuse c’est bien parce que son domaine skiable de La Plagne grimpe jusqu’à la haute montagne, soit à plus de 2000 mètres d’altitude.

En effet, les études climatiques sont claires à ce sujet : le manque de neige a affecté principalement les fonds de vallée et la moyenne montagne, soit ce qui se situe entre 1000 et 1800 mètres d’altitude. Dans ces espaces, le manteau neigeux a tout à la fois baissé en épaisseur et en durée : il y a moins de neige et moins longtemps.

En moyenne montagne, c’est près de 5 jours d’enneigement qui sont perdus en une décennie, sans compter l’accélération du réchauffement comme le montre ces 5 dernières années.

L’année 2022 est ainsi l’année la plus chaude depuis 1900, prenant le record à l’année 2020 : ce qui se passe actuellement n’est pas passager mais la nouvelle donne météorologique et saisonnière.

S’ajoute à cela la dégradation de la situation économique, avec la crise énergétique qui fait s’envoler le prix de l’électricité, principal poste de dépense des stations de ski, et la flambée des matières premières qui annule des projets d’infrastructures extrêmement coûteux sans en connaître la pérennité à long terme, à l’instar du funiflaine en Haute-Savoie. Enfin, comment oublier la fermeture des remontées mécaniques lors de l’hiver 2020-2021 ?

Face à la ringardisation du ski, la bourgeoisie s’organise et propose comme porte de sortie, le fameux « tourisme 4 saisons » porté par tout un secteur capitaliste-modernisateur qui voudrait pouvoir rentabiliser la montagne été comme hiver, automne comme printemps.

Porté par des associations comme « Mountain Wilderness » ou « Transitions des Territoires de montagne », ce secteur de la modernisation a tenu des états généraux de la transition en montagne au centre de recherche et développement de Quechua (Decathlon) à Passy en Haute-Savoie les 23 et 24 septembre 2021. Voici leur axe principal énoncé dans leur déclaration commune :

« L’idée est d’imaginer ensemble l’avenir de la montagne pour qu’elle demeure une terre d’envies et une montagne à vivre. »

Traduction : exploiter la montagne toujours à base de remontées mécaniques bruyantes pour une vie sauvage si fragile en ces endroits, à coups de pelleteuses façonnant des pistes pour VTT de descente qui saccagent tout, à base de lacs aménagés en bases de loisirs ou de forêts en parcours acrobatiques.

D’ailleurs des stations de ski qui voient leurs pistes fermées ont déjà réouverts certains tracés pour VTT voir même des accro-branches comme à Lannemezan.

On peut donc s’étonner de l’impact foudroyant du réchauffement climatique dans les massifs montagneux, de surcroît dans les Alpes où celui-ci est plus rapide qu’ailleurs du fait des conditions naturelles qui amplifient le phénomène, il n’en reste pas moins vrai que le capitalisme épuisera jusqu’aux derniers flocons et dernières edelweiss les possibilités de profit.

Ce qui se pose comme enjeu, c’est celui d’une transformation du mode de vie dans les montagnes. Cela regarde principalement les habitants de ces régions, principalement les villages de moyenne montagne, mais le souci est qu’ils sont totalement imbriqués dans la dynamique touristique.

C’est le retour de bâton en pleine figure des populations de montagne, et principalement de l’ancienne paysannerie qui a cru bon éviter la prolétarisation à la sortie de la Seconde Guerre mondiale en se transformant en une petite-bourgeoisie vendue au business de l’or blanc.

Et maintenant que tout cela s’effondre, il n’y a plus d’alternative, si ce n’est que le bon sens veuille que la montagne soit dorénavant considérée comme un espace de nature très fragile devant être préservé au maximum des activités humaines, et donc émancipée du faste de la consommation touristique de quelque nature qu’elle soit.

Et pourtant il faudra bien trouver une porte de sortie démocratique et surtout populaire, car ce ne sont pas avec des actions isolées, fussent-elles pleine de dignité tel le sabotage d’enneigeurs aux Gets entre la nuit du 25 au 26 décembre, que l’on sera à même d’aller vers une pleine reconnaissance naturelle de la montagne.

L’enjeu est trop grand pour être limité à un activisme minoritaire qui évite la grande bataille pour l’opinion, celle-là même qui permettra la mobilisation pour le Socialisme seule solution à même de planifier de nouvelles activités humaines à l’écart d’une montagne ayant retrouvée sa paix méritée.

Catégories
Société

Le conseil d’État s’aligne sur les capitalistes du CBD

C’est une victoire du turbocapitalisme.

Il n’aura fallu qu peu de temps pour que la France s’aligne totalement sur les règles du marché du CBD édictées par l’Union européenne.

Né quelques part dans les années 2010, ce marché avait pris un essor rapide ces dernières années, à tel point que cela avait engendré des remous juridiques.

Et pour cause… Le CBD est une molécule, le cannabidiol, qui est contenue dans certaines fleurs de chanvre de l’espèce Cannabis sativa.

Lié à la grande question du cannabis, il pose donc question aux plans sanitaire et psychologique, et cela d’autant plus que l’Union européenne autorise la vente et la commercialisation de la fleur en elle-même, qui peut donc être fumée comme le sont les fleurs de cannabis contenant du THC, autre molécule du chanvre.

Ces dernières années, la grande bataille des petits boutiquiers du CBD a résidé dans le fait d’avancer que le CBD était une molécule non-psychotrope mais ayant des propriétés apaisantes, par conséquent bien différente de la substance hallucinogène du THC.

Mais en réalité, personne ne sait vraiment s’il n’a pas d’impact sur la santé en général et d’ailleurs il serait bien stupide de penser l’inverse à partir du moment où est inhaler une fumée issue d’une combustion, par nature mauvaise pour le système respiratoire. Quel délire d’ailleurs que de rajouter des variantes de fumette quand on voit les ravages causés par l’industrie du tabac.

Mais en plus de cela, un rapport de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives montrait que le cannabidiol agissait bien sur les récepteurs du cerveau de la sérotonine et la dopamine, avec des effets de sédation et de somnolence.

Plus inquiétant, le CBD est une substance qui n’est pas « inerte pharmacologiquement », c’est-à-dire qu’elle peut interagir « négativement » avec d’autres médicaments immunodépresseurs, anticoagulants ou contre l’épilepsie, cela alors même que le CBD est justement présenté comme pouvant être utilisé en automédication pour soulager des maladies présentant ces symptômes.

Pour ces raisons, une bataille juridique était engagée depuis l’affaire Kanavape en 2014, où un petit boutiquier fut ensuite condamné justement pour vente d’une cigarette électronique au CBD.

Mais en 2020, la cour de justice de l’Union européenne disait que cette interdiction était contraire aux règles de commercialisation sur le marché commun… avant que, le gouvernement français maintienne l’interdiction de vente des fleurs et des feuilles avec un arrêté interministériel le 20 décembre 2021.

Car la législation française est très stricte à ce sujet : oui à la culture agricole, à l’usage des graines et aux dérivés des fibres pour usage alimentaire, non à la vente des fleurs et des feuilles brutes, quel que soient leur format.

Mais c’était sans compter sur la mobilisation de tout le secteur du CBD autour de l’Union des professionnels du CBD, alliée à la très nauséabonde Confédération des buralistes, qui demandèrent dès janvier 2022 un recours suspensif et un recours sur le fond auprès du Conseil d’État.

Le Conseil d’État a donc tranché en faveur des capitalistes : l’interdiction est jugée « disproportionnée », le CBD aurait de surcroît des « effets contractants et relaxants » et « anticonvulsivants » et des tests existeraient pour contrôler les consommateurs et discriminer consommation de THC et de CBD.

C’est un alignement complet sur l’arrêté de la Cour de justice de l’Union Européenne, et une négation de l’arrêté gouvernemental et des précautions sanitaires édictées par la MILDECA.

Mais peu importe car en réalité, tout était joué d’avance, entre laisser-aller sur l’ouverture de « shops CBD », existence d’une filière chanvre française (pour d’autres débouchés) et chantage aux propriétés médicales (même s’il y a déjà des médicaments à base de CBD disponibles sur ordonnances).

Tout était déjà tellement bien ficelé qu’à la mi-novembre, le groupe écologiste au Sénat faisait approuvé à la majorité une résolution pour le développement de la filière chanvre en France, avec pour toile de fond la question de la consommation de fleurs de CBD.

Car si on utilise depuis extrêmement longtemps le chanvre dans le textile, la construction, la pharmacologie, tout cela n’est plus suffisant et il faut bien continuer à élargir les marchés, d’autant plus que la France en est un grand producteur. Relancer le capitalisme, coûte que coûte, vaille que vaille et peu importe les effets sanitaires à long terme.

Les gens les plus attentifs ne sont pas dupes et savent que tout cela n’est que le prélude à une légalisation plus générale, incluant le cannabis récréatif à l’instar du gouvernement allemand qui vient d’ouvrir la brèche. Pour la France, il faut un sas pour faire accepter la pilule à l’opinion publique et le CBD remplit parfaitement ce rôle de d’incubateur culturel.

Et derrière, ce sont surtout les buralistes qui applaudissent des deux mains, trop contents d’envisager sereinement une compensation de la baisse de la consommation de tabac pour continuer à vendre des tas de sortes de poisons, mais aussi les petits boutiquiers du CBD qui se pensent à la tête d’une « cause » alors qu’ils ne sont que les valets du turbo-capitalisme.

Alors même que plusieurs enquêtes montrent que la jeunesse consomme moins d’alcool et de cannabis ces dernières années, notamment depuis la pandémie de Covid-19, le turbo-capitalisme est là comme un rouleau compresseur pour anéantir tout élan moral.

Pourtant, si l’on a besoin d’une chose en notre époque, ce ne sont pas sédatifs pour nous « apaiser », fussent-ils parés de « modernité », mais bien d’un lucidité pour regarder le réel en face, pour mieux se rebeller.

Catégories
Société

Il ne s’agit pas d’être « pour » ou « contre » les coupures d’électricité

On se situe au niveau de la civilisation elle-même.

L’annonce de coupures d’électricité par le gouvernement, avec un plan détaillé à ce sujet envoyé à toutes les préfectures, devrait normalement interpeller les gens sur la situation de blocage que vit l’humanité. Mais, cela semble passer comme tout le reste, et c’est normal car il y a là un problème complexe qui exige un niveau de conscience adéquat.

Quand on y réfléchit raisonnablement, on se dit qu’on ne peut ni être « contre », ni être « pour » les coupures d’électricité. On voit d’ailleurs ici combien le populisme style gilet jaune renforce la logique pragmatique de la bourgeoisie qui gère les choses en fonction d’une société minée par une crise profonde.

Pour les populistes, il ne s’agit que d’une « mauvaise gestion » due à deux hommes, François Hollande puis Emmanuel Macron. Par miroir inversé, le gouvernement peut facilement s’appuyer sur la réalité de la guerre en Ukraine, mais aussi et surtout sur l’impact qu’a eu la pandémie sur la maintenance des centrales nucléaires pour dire que le problème vient de là. À « la mauvaise gestion » répond la « gestion du cours des choses ».

Au centre de ce débat, les gens normaux restent désemparés. Il a été compris qu’on avait affaire ici à un problème d’une grande complexité où s’entremêlent de nombreux aspects. A ce titre, il ne faut pas écouter la bourgeoisie qui nous parle d’une succession de crises pour mieux masquer le fait que c’est une seule et même chose qui s’appelle la crise générale du capitalisme en ce début de XXIe siècle, et qui va donc en fait marquer tout ce siècle.

De quoi relèvent les coupures d’électricité ? D’une mauvaise gestion ou d’une nécessité liée à une « conjoncture » ? Évidemment, cela n’est ni l’un ni l’autre : les coupures d’électricité, c’est l’expression émergée du crash du capitalisme, en tant que mode de production apte à reproduire la vie quotidienne des gens.

Derrière les multiples causes que sont la guerre en Ukraine et l’inflation du prix du gaz qui impact, en tant que dernier moyen de production mobilisable pour fournir de l’électricité, le prix général de l’électricité, la sécheresse estivale comme expression de l’écocide qui mine les réservoirs des barrages d’hydroélectricité, sources essentielles pour faire face aux pics de consommation hivernale, et le retard de maintenance de centrales électriques due à la pandémie, il n’y a pas une accumulation d’aspects, mais un seul et même problème qui s’exprime à travers divers phénomènes.

Cet aspect central, c’est le fait que le capitalisme se heurte à son propre blocage historique, blocage qui lui est propre car c’est bien sa dynamique d’accumulation qui a fait entrer l’humanité dans ce mur et continue à le faire en forçant le cours des choses.

C’est finalement la même chose qu’au début de la pandémie, où le confinement était critiqué par certains comme une « gestion du moyen-âge » alors même qu’il ne s’agissait pas de savoir si l’on était pour ou contre, car telle était dorénavant la situation, exigeant d’y faire face, mais de comprendre comment et pourquoi une telle situation minait l’humanité toute entière.

Et comme pour les coupures d’électricité, on trouvait là concentré en lui le réchauffement climatique, la destruction de la nature, l’enfermement et l’anéantissement des animaux, l’asphyxie de la grande ville, etc.

C’est bien là qu’on voit qu’il y a une continuité historique entre les effets de la pandémie et la cause des coupures d’électricité, renvoyant aux oubliettes la logique d’explication de « cause à effets ».

Le rapport bancal de l’Humanité a amené à la situation d’une pandémie historique, bloquant l’ensemble de la production mondiale qui, pour redémarrer dans un cadre capitaliste, donc marchand, a connu des distorsions majeures.

Distorsions qui sont le terrain à l’accentuation d’antagonismes entre puissances, donc à la tendance à la guerre de repartage… mais aussi à des pénuries en tout genre, y compris de main d’œuvre qui minent le travail de maintenance alors même que l’écocide s’exprime toujours plus, comme les canicules et sécheresses majeures de l’été 2022.

Les potentielles coupures d’électricité de l’hiver 2022-2023 ne sont donc pas un « nouveau » phénomène après la pandémie, puis après la guerre en Ukraine et à côté du réchauffement climatique, mais l’expression nouvelle d’un même phénomène, celui de la crise générale du capitalisme.

De fait, les coupures d’électricité ne posent pas la question formelle « pour ou contre », mais bien une problématique d’ordre civilisationnel de type : « comment faire pour ne plus arriver dans une telle situation ? ».

De plus, il est fort à parier que l’anarchie du capitalisme associée à la décadence toujours plus prononcée des couches dirigeantes, cette autre expression de la crise générale, vont donner, si elles ont lieu, une tournure ubuesque à ces coupures d’électricité…

La Gauche historique se doit d’être à la hauteur de sa responsabilité en posant le problème au niveau de la civilisation humaine elle-même et non pas se ranger derrière la critique populiste, ou bien derrière un pragmatisme « de gauche » proposant une « autre gestion » plus « équitable », plus « rationnelle » etc.

On ne peut ni être pour, ni être contre les coupures d’électricité, mais on se doit d’élever le niveau de conscience pour embarquer l’Humanité dans la nécessité d’une nouvelle civilisation qui s’épargnera à l’avenir les régressions qu’elle éprouve depuis maintenant trois ans et qu’elle ne va manquer d’endurer si elle ne s’émancipe par du cours des choses.

Catégories
Guerre

L’État relance la fabrication d’armes légères Saint-Etienne

Le complexe militaro-industriel se restructure.

Dans les années 1990, avec la fin de la guerre froide, l’industrie de l’armement de petit calibre a subit un net coup de frein à son développement.

Dès 1989, le ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement privatisait en quelque sorte le Groupement industriel de l’armement terrestre (GIAT) car l’objectif était à la spécialisation et à l’allègement industriel dans un contexte de baisse générale de l’armement. Le GIAT devenait ainsi Nexter Group en 2005, et entre temps des entreprises emblématiques fermaient leurs portes, telle la Manufacture d’armes de Saint-Étienne.

Fondée en 1864 et héritière des manufactures royales du XVIIe siècles, la « Manu » était connue pour avoir équipé équiper l’infanterie française de son fameux FAMAS, acronyme désignant le « Fusil d’Assaut de la Manufacture d’armes de Saint-Étienne ». Et depuis cette fermeture, l’infanterie française se fournissait en armes légères à l’étranger, comme avec les pistolets GLOCK autrichiens ou bien les fusils d’assaut HK 416 F allemands.

Mais à l’heure de la crise générale du capitalisme et de sa tendance à la guerre de repartage, la puissance française cherche à « sécuriser » ses équipements pour son modèle d’armée complète, et cela d’autant plus qu’avec la guerre en Ukraine, l’Allemagne se retourne vers son allié historique que sont les États-Unis.

C’est pourquoi il a été envisagé depuis quelques années de reconstruire l’élément de production d’armes de petits calibres dans le cadre du complexe militaro-industriel français. Et c’est l’entreprise Cybergun qui doit se charger de cette besogne… Au départ spécialisée dans les armes de loisirs tels que le airsoft, l’entreprise s’est progressivement tournée vers les armes d’entraînement pour l’armée et la police, puis directement les armes réelles. Ainsi fournit-elle la police des fameux flashball.

C’est cela qui, entre autres, lui a permis de devenir actionnaire majoritaire (65%) dans l’une des dernières manufactures d’armes de Saint-Étienne, Verney-Carron fondée en 1820 et spécialisée dans les fusils de chasse.

Pour freiner son érosion, cette entreprise lançait en 2021 la fameuse marque Lebel avec notamment le fusil d’assaut (VCD15) dont les régimes marocains et malgaches se sont montrés intéressés, le flash-ball Superpro 2, le lance-grenade Le Matru, s’ajoutant aux fusils de précision (VCD10) et mitrailleuses de calibre de 9 mm (VCD9). Ce qui ne l’empêchait pas pour autant d’être sous le coup d’une procédure de sauvegarde depuis septembre 2021…

Il a fallu l’intervention de Cybergun et de sa prise de participation pour sauver cette fabrique d’armes. Dans son communiqué de prise de participation majoritaire de Verney-Carron officialisée en juin 2022, Cybergun déclare viser :

une montée en puissance de l’activité « DÉFENSE & SÉCURITÉ » et notamment de la marque « LEBEL », permettant ainsi de recréer une véritable filière française de l’équipement des forces armées.

Ce qui se passe derrière ce rachat est en réalité une commande de l’État lui-même.

Car Cybergun était depuis 2011 en mauvaise santé financière (sa valeur boursière a fondu de 99 % en quelques années) , à tel point que l’entreprise fut rachetée en 2014 par un fonds d’investissement belge Restarted Investment, lui ayant apporté 20 millions d’euros.

Pour continuer à être soutenu par les marchés financiers, le groupe s’est toujours plus tourné vers le marché militaire, si bien qu’il constitue aujourd’hui l’immense majorité de la rentabilité du groupe. En 2016, il lance une division spécialisée dans le marché des répliques d’armes pour l’entraînement de la police et des armées, division alors dirigée par le général de l’armée de terre (2s), Emmanuel Maurin.

En 2018, il obtient l’accord par le ministère de l’Intérieur pour produire des armées réelles et annonce envisager un partenariat avec un fabricant pour produire des armes de petits calibres.

La pandémie de Covid-19 a été pour l’entreprise une « aubaine » pour concurrencer les autres fabricants d’armes légères, attestant de la restructuration en cours. Comme le dit son PDG Hugo Brugière en décembre 2021 :

Grâce à nos efforts pour augmenter massivement nos stocks à l’été 2019 (les OCABSA [types de titres financiers] n’ont pas servi qu’à éponger la dette), Cybergun a pu considérablement accroître ses parts de marché pendant la pandémie, alors que nos concurrents plus petits (titulaires des rares licences que nous ne possédons pas, comme Beretta et H&K) n’ont pas pu s’approvisionner suffisamment. 

En 2020, Cybergun obtient ainsi en partenariat avec l’autrichien Glock le marché du remplacement des plus de 74 000 pistolets de l’armée de terre.

Puis intervient l’annonce du rachat de Verney-Carron qui ne se réalise officiellement qu’en juin 2022. Entre temps, Cybergun absorbe Vallantur, un équipement de haute technologie tourné vers l’aéronautique et dont sa branche Huard est reconnue dans la fabrication d’emballages haute sécurité pour l’armée. Grâce à cette absorption, Cybergun lance sa filiale Arkania entièrement tournée vers le secteur militaire, disposant de bureaux d’études pour des « armes innovantes ».

Ainsi, le rachat de Verny-Carron par Cybergun permet à celle-ci d’augmenter son capital, et ainsi de passer la barrière des 50 millions d’euros de chiffre d’affaire annuel, condition nécessaire pour répondre aux appels d’offres de l’État lui-même.

Il est donc fort à parier que derrière toute l’opacité de ces rachats et redressements financiers se loge en fait une consigne de l’État lui-même, prise en charge concrètement par la Direction générale de l’armement qui, par le truchement de l’entre-soi mêlant chefs d’entreprises, cadres militaires et dirigeants politiques, vise à remettre sur pied une filière d’armes françaises destinées à l’infanterie.

Nul hasard donc si le député Renaissance Thomas Gassilloud, et président de la commission défense de l’Assemblée nationale, était en visite à l’usine Verney-Carron vendredi 9 décembre. Une conférence de presse a même eu lieu dans les ateliers en sa présence, ainsi qu’avec les patrons de Verney-Carron, de Cybergun et du député Renaissance local, Quentin Bataillon.

Lors de cette conférence de presse, Thomas Gassilloud a notamment déclaré la chose suivante :

On a cru être à l’abri des conflits avec la mondialisation et les intérêts commerciaux (…)

La réalité est apparue brusquement : un conflit de masse, avec de nombreux mobilisés, à forte létalité où la technologie joue son rôle décisif mais pas plus que les hommes et les armes de petits calibre [la guerre en Ukraine]. Or, nous achetons les fusils d’assaut (forces spéciales exceptées) à l’Allemagne, nos munitions à la Belgique, nos pistolets à l’Autriche… »

Verney-Carron passé sous contrôle de Cybergun prévoit ainsi la construction d’une nouvelle usine, avec à la clef la fabrication de 100 000 fusils d’assauts par an à l’horizon 2025. Les débouchés futurs ? Remplacer tous les stocks d’anciens FAMAS en même temps que l’exportation au quatre coins du globe, mais aussi et surtout anticiper l’armement des soldats de la guerre de « haute intensité » à venir. Thomas Gassilloud n’y allant sur ce point pas par quatre chemins :

Rappelons aussi que nous allons augmenter considérablement le nombre de nos réservistes et qu’au-delà, nous devons être en mesure d’équiper une mobilisation plus large encore… 

Voilà qui est donc tout à fait clair et confirme ce qui est dit depuis quelques temps ici : le complexe militaro-industriel français se renforce et par ce renforcement il prend toujours plus d’importance dans l’appareil d’État lui-même.

Ce n’est là ni plus ni moins qu’une expression de la marche à la guerre générale. Et la France s’y jette à corps perdu.