Catégories
Culture

La Casa de Papel et la chanson Bella Ciao

Avant-hier la chaîne de streaming Netflix mettait en ligne la deuxième partie de la série La casa de Papel. Arrivée discrètement en décembre sur la plateforme, elle a connu un très grand succès en février et mars, particulièrement en France, arrivant en tête de plusieurs classements.

La série a déjà été diffusée en entier en Espagne, son pays d’origine. C’est l’histoire d’une bande de malfrats qui mène un casse avec des prétentions sociales, illustrées par la chanson Bella Ciao présente à différentes reprises.

Ils investissent pendant une semaine la Maison Royale de la Monnaie d’Espagne à Madrid pour imprimer leur propre butin. Ils séquestrent et maltraitent des otages, y compris des adolescents, en les forçant à travailler pour eux.

La série emprunte beaucoup à la dramaturgie du huis-clos, sans en être un, et porte ainsi un intérêt tout particulier à la psychologie des personnages. Ils ne sont cependant pas des figures typiques, mais plutôt des portraits caricaturaux de différentes personnalités, surjoués psychologiquement. On est loin d’un film comme A dog’s day Afternoon (Un après-midi de chien) de Sidney Lumet (1976), qui traite globalement du même thème, dans un quasi huis-clos également. Autre époque, autre niveau.

L’histoire est somme toute très banale, c’est un énième “casse du siècle”, avec un plan prévu au millimètre qui connaît finalement quelques accros. Les rebondissements sont nombreux, mais systématiquement résolus par le “professeur”, dont le profil rappel aisément celui de l’ignoble Walter Walt dans Breaking Bad.

Le scénario est finalement très niais avec des rebondissements tirés par les cheveux. Le cœur de l’intrigue est la liaison qu’entretient le meneur du braquage (qui agit depuis l’extérieur) avec la cheffe des opérations du côté de la police (qui se jette dans les bras d’un inconnu et lui présente sa famille en moins d’une semaine).

Un des moments les plus absurdes est celui où l’une des héroïnes, après avoir été arrêtée puis s’être échappée, s’introduit à nouveau dans le bâtiment à l’aide d’une moto-cross sous les yeux de la police tenant le siège. C’est digne d’un mauvais film d’action des années 1990.

Les personnages évoquent souvent ce qu’ils vont faire après les douze jours de production de monnaie, s’acheter une île est l’idéal central. Il s’agit de se mettre à l’aise jusqu’à la fin de sa vie. Leur braquage est motivé par l’enrichissement personnel et l’adrénaline avec la figure mythique du génie calculateur pour permettre cela.

On peut donc se demander au nom de quoi le morceau emblématique Bella Ciao, dont voici les paroles, vient appuyer à multiples reprises ce scénario.

Una mattina mi sono alzato
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Una mattina mi sono alzato
E ho trovato l’invasor
O partigiano portami via
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
O partigiano portami via
Ché mi sento di morir
E se io muoio da partigiano
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E se io muoio da partigiano
Tu mi devi seppellir
E seppellire lassù in montagna
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E seppellire lassù in montagna
Sotto l’ombra di un bel fior
Tutte le genti che passeranno
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Tutte le genti che passeranno
Mi diranno: che bel fior
E quest’è il fiore del partigiano
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Quest’è il fiore del partigiano
Morto per la libertà.
Un matin, je me suis levé
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Un matin, je me suis levé,
Et j’ai trouvé l’envahisseur.
Hé ! partisan emmène-moi
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Hé ! partisan emmène-moi,
Car je me sens mourir
Et si je meurs en partisan
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Et si je meurs en partisan,
Il faudra que tu m’enterres.
Que tu m’enterres sur la montagne
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Que tu m’enterres sur la montagne,
À l’ombre d’une belle fleur
Et les gens qui passeront
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Et les gens qui passeront
Me diront « Quelle belle fleur »
C’est la fleur du partisan
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
C’est la fleur du partisan
Mort pour la liberté

La chanson Bella Ciao est une chanson paysanne qui s’est popularisée au sein de la résistance antifasciste italienne durant la seconde guerre mondiale. Elle est devenue par la suite un hymne repris par les mouvements populaires européens, notamment lors des soulèvements de 1968 en France ou dans les années 1970 en Italie.

Dans le dernier épisode de la première partie diffusée sur Netflix, un flashback de la veille du début du braquage montre « le Professeur » avec son bras droit « Berlin » autour d’un dernier repas, le professeur dit : « Nous sommes la résistance, non? » et il commence à entonner Bella Ciao.

En voix off, « Tokyo » la narratrice, explique au spectateur que « La vie du Professeur tournait autour d’une seule idée : résister. » Et on y apprend que son grand-père avait résisté contre le fascisme en Italie.

On a donc un élément de l’héritage historique de la gauche qui est mis en avant, et ce à plusieurs reprises.

Mais contre qui résistent les braqueurs ? Sont-ils comme les maquisards braquant 2 milliards dans un train à Périgueux en juillet 1944 pour financer la lutte contre l’occupant nazi ? Certainement pas.

Mais dans le contexte actuel il peut sembler au spectateur que leur entreprise est une forme de pied de nez au « système ». C’est d’ailleurs le discours qui est tenu en arrière plan, avec des références à l’aspect subversif qu’aurait le fait d’imprimer sa propre monnaie avec les machines de l’État.

Sur fond de crise économique en Espagne, le “professeur” critique par exemple la Banque Centrale Européenne ayant injecté des liquidités dans les banques privées. Sauf que cela n’est qu’un aspect technique, et ne change pas grand-chose à la réparation des richesses dans la société.

Prétendre pour sa part qu’ils ne volent personne sous prétexte qu’ils créent leur propre monnaie est d’une absurdité sans nom. Les banques passent leur temps à créer de la monnaie par le biais du crédit, c’est même leur rôle majeur, et cela n’a aucun rapport. En imprimant leurs propres billets, les malfaiteurs s’approprient de manière unilatérale une partie de la  valeur des marchandises en circulation dans la société. Cela n’est ni plus ni moins que du vol, un braquage comme un autre.

Mais cela correspond à la vision « anti-système », cette apparente révolte individuelle qui est actuellement très en vogue dans la jeunesse populaire, par le biais du rap entre autre.

Il ne faudrait plus se révolter, il faudrait « niquer le système » en devenant soi-même un bourgeois par une voie illégale, se donnant l’illusion de changer les choses « de l’intérieur ». Ce n’est pas un hasard si les braqueurs ont un uniforme avec un masque de Dali, qui est bien plus une référence au pseudo-mouvement Anonymous qu’à la peinture surréaliste espagnole, même si le côté transgressif est bien sûr mis en avant également.

C’est ainsi que les attitudes mafieuses sans aucune proposition politique sont mises en valeur dans la population, comme avec la série Narcos qui a rencontré elle aussi un grand succès. Ce type de mentalité rejetant la construction collective est ce qui contribue au pourrissement de la société.

La mise en parallèle du patrimoine partisan qu’amène Bella Ciao avec un banditisme détaché de toute action politique est donc une insulte à l’héritage des personnes de Gauche qui veulent défendre des positions historiques authentiques à travers la lutte des classes et non la fuite en avant individuelle.

Catégories
Culture

Jacques Higelin, le saltimbanque des années Mitterrand

Voter François Mitterrand, ce n’était pas simplement croire qu’il y aurait enfin un changement profond, social, dans la société. Cela allait avec le fait de considérer Arthur Rimbaud comme le premier poète de la modernité, de lire la bande dessinée Philémon de Fred, ainsi que d’écouter Jacques Higelin.

Et lorsqu’on se mettait à douter, il suffisait de voir Jacques Higelin en concert, de constater sa gentillesse exaltée, sa présence scénique à la fois humble et poète, pour se dire qu’au moins, on était dans le bon camp, même si l’on était, en quelque sorte, comme tombé du ciel, décalé et idéaliste, mais de toutes façons, ce qui compte, c’est « L’amour, l’amour encore et toujours ».

La mort de Jacques Higelin annoncé hier marque par conséquent vraiment la fin d’une époque ; c’est tout un morceau de la gauche qui s’écroule littéralement. C’est tout un regard, propre aux années 1980, qui s’éteint : celui qui s’imaginait combiner rock’n roll, littérature et revendication d’une identité ferme de gauche, contre les connards de droite.

Avec Jacques Higelin, il y avait ce rappel : être de gauche, c’est être cultivé, mais pas avec une forme académique. C’est oser connaître les bas-fonds, les émotions fortes, les angoisses individuelles, en-dehors de toute apparence conformiste.

Pas négligé, pas déglingué, mais pas « clean » pour autant…

« Voilà que l’idée me prend
D’aller traîner mes godasses
Sur le dépotoir de l’aérogare
Qu’est juste en face

Et là, vautré sur la banquette d’un jumbo jet déglingué
Je rêve tout éveillé
A Paris New-York, New-York Paris
Comme si vous y étiez,
Comme si tu y es »

Il y a bien sûr le mois passé à la salle de concert de Bercy en 1985, avec notamment deux figures musicales importantes qui se révélaient au public français : le Sénégalais Youssou N’Dour et le Guinéen Mory Kanté.

On est dans l’esprit d’ouverture internationale, ou internationaliste, et l’idée d’un vrai show populaire : il y a plusieurs podiums, qui sont articulés, un gigantesque escalier digne des temples d’Amérique du sud, les musiciens sont une trentaine, il y a une jeep, Jacques Higelin court dans tous les sens, etc.

Jacques Higelin s’est toujours véritablement donné à son public, avec des improvisations, des concerts qui s’étirent. Impossible de le voir sans être marqué, il suintait un respect sincère pour le public, ou même le peuple. Lui-même habitait Pantin, en banlieue parisienne et sa position est pratiquement l’inverse de celle de Johnny Hallyday, puisque c’est toujours une forme de fragilité qu’il a mis en avant.



Cependant, il ne faut pas se leurrer : cela a d’énormes limites, d’énormes lacunes. Jacques Higelin, très rapidement et en ce sens il représente vraiment la Bande Originale des années Mitterrand, est aussi le symbole d’une gauche intellectuelle, tout à fait insérée socialement au point de disposer d’un vrai capital, lisant le Nouvel Observateur avec ses publicités pour les montres de luxe, les grosses cylindrées et l’immobilier.

Qu’il ait soutenu Anne Hidalgo aux municipales parisiennes de 2014 en dit assez long, puisque elle a joué un rôle de premier plan, avec Bertrand Delanoë, dans la sanctuarisation de la capitale comme bastion des classes privilégiées.

D’où les inévitables basculements vers une sorte de poésie à la Baudelaire, Breton, etc., c’est-à-dire le culte de lui-même par l’artiste, qui exprime une sensibilité large mais célèbre un entre-soi élitiste entre intellectuels, avec les références voilées, l’esthétisme semi-décadent, l’attitude de saltimbanque se jouant de tout, etc.

La chanson Champagne ou Poil dans la main, presque Spleen d’un côté Idéal de l’autre, témoigne bien d’une grande faiblesse sur le plan de la densité, ce qui l’oppose ici résolument à Hubert-Félix Thiéfaine qui lui tendait à une expression existentielle plus forte, plus intense, plus sombre (en puisant malheureusement dans l’esthétique anti-conformiste voire la rhétorique d’extrême-droite à défaut de trouver une voie réelle).


Jacques Higelin est, dans tous les cas, une figure incontournable des années 1980 et fut une figure attachante, parmi les plus attachantes.

Catégories
Culture

The Stone Roses – The Stone Roses (1989)

Lorsque The Stone Roses sortit son album éponyme en 1989, il fut très apprécié mais ce n’est qu’au bout d’un certain temps que l’ensemble des critiques britanniques s’aperçut qu’il s’agissait de l’un des albums les plus brillants produits dans ce pays.

Il est vrai que le mélange pouvait semblait improbable : une base blues rock, un esprit résolument alternatif avec une revendication propre à la scène indépendante, mais avec une tonalité orienté vers le dance-rock (appelé « baggy ») et une forme de joie relevant de l’esprit techno (la fameuse scène dite « madchester » de la ville de Manchester).

La culture de la musique psychédélique forme d’ailleurs un arrière-plan culturel immanquable, la chanson la plus connue témoignant de cette dimension hypnotique, avec une capacité mélodique véritablement propre à la scène anglaise de l’époque.

La pochette de l’album est une allusion à une œuvre du peintre contemporain Jackson Pollock, Bye Bye Badman, titre également d’une chanson de l’album.

Les couleurs sont celles de la France, car la peinture est censée être une allusion à mai 1968 ; des citrons furent ajoutées en référence au récit d’un jeune Français rencontré et ayant raconté comment les citrons sont utilisées contre les gaz policiers lors des manifestations.

On reconnaît ici une approche à la fois révoltée et romantique, autodestructrice et outrageusement intellectualisée (« Ces pierres que j’envoie, Oh ces french kiss, sont la seule voie que j’ai trouvée… » ou encore comme refrain d’une chanson dénonçant un amour qui a trompé : « Je me fous d’où tu as été ou de ce que tu as prévu / Je suis la résurrection et je suis la vie »).

Et ce qui est frappant, c’est que cet esprit de révolte ne va pas de paire avec une négation de l’héritage musical anglais, bien au contraire : on a ici ni plus ni moins que la tentative – indubitablement réussie – de former un nouveau classicisme.

La liste des influences et références musicales qu’on trouve sur cet album est d’une densité peu croyable, allant de Led Zeppelin à Simon and Garfunkel, des Smiths aux Sex Pistols, des Rolling Stones à la northern soul, du reggae à Kraftwerk, des Byrds aux Jimi Hendrix.

Si aujourd’hui les Stone Roses forment quelque chose d’incontournable pour qui s’intéresse un tant soit peu à la culture anglaise, avec un prestige populaire de la plus haute importance, le groupe ne fut pas en mesure d’assumer une dimension trop grande pour eux.

Après toute une série de concerts, l’album Second Coming de 1994 fut intéressant, mais de bien moindre importance par rapport aux attentes, dans un environnement musical formant désormais la britpop (Suede, Blur, Oasis, Pulp), une scène bien plus raffinée et petite-bourgeoise, sans la vigueur et la profondeur de la vague précédente qui se voulait résolument liée à la jeunesse populaire dans une optique alternative, tout en ayant en fait sombré pour beaucoup dans les drogues chimiques.

Il est intéressant de voir le nombre de personnes d’importance que l’on trouve autour du groupe alors. Simon Wolstencroft a été le batteur de la première version du groupe, avant de partir pour la première formation des Smiths, qu’il quitta pour participer longtemps dans The Fall.

Peter Hook de New Order produisit une des chansons des Stone Roses, Elephant stone, un an avant la sortie de leur premier album. Le bassiste du groupe fut par la suite longtemps celui de Primal Scream.

Catégories
Politique

Succès de la grève des cheminots du 4 avril 2018 et tribune de Bernard Thibault

Le second jour du premier moment de grève des cheminots a été un succès encore une fois. S’il y a eu un peu moins de grévistes que la veille, avec 29,7 % contre 33,9 %, il y avait cependant davantage d’aiguilleurs que la veille (46 % au lieu de 39%), ainsi que davantage de contrôleurs (77 % au lieu de 69%).

La part de conducteurs reste grosso modo stable (74 %, 77 % la veille) et l’impact est tellement significatif que même pour la reprise du travail, la désorganisation est importante (seulement 3 transiliens et TER sur 4, 3 Intercités sur 5, 3 RER C sur 5, 1 RER E sur 2).

Un fait important a également été la publication dans Le Monde d’une tribune (payante) de Bernard Thibault, qui a été secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots de 1993 à 1999, puis général de la CGT de 1999 à 2013.

Hier, l’article d’agauche.org soulignait le manque d’envergure sociale des revendications des cheminots de la CGT, au sens où tout était étroitement corporatiste, avec une dimension « on sait mieux gérer que les autres ».

La tribune de Bernard Thibault aborde directement cette question, le titre étant par ailleurs « La grève des cheminots porte l’intérêt général », alors que la conclusion est extrêmement lyrique, avec les cheminots présentés comme une sorte d’avant-garde des droits sociaux :

« Accuser les cheminots d’être responsables du désastre des politiques publiques est un comble. Cette humiliation a la réponse qu’elle mérite. Il est à leur honneur de poursuivre l’action de leurs prédécesseurs pour une certaine idée du service public et des droits sociaux pour les générations futures.

Il est des grèves qui portent l’intérêt général, d’où jaillit la lumière, et ce n’est pas en cet anniversaire de celles de 1968 qu’on pourra nous dire le contraire. »

Il faut cependant rappeler ici qu’en 1968, la CGT a été contre le mouvement de contestation et a cherché à tout prix à ce qu’il soit étouffé, participant en première ligne avec l’État pour qu’il y ait des négociations salariales et que le mouvement soit enterré.

Le résultat est bien connu : l’isolement fatal de la gauche voulant changer le monde, le raz-de-marée électorale de la part de la droite.

Bernard Thibault se moque bien de cela, puisque son objectif est en réalité de faire un chantage disant : aucune revendication n’est possible si un bastion du service public tombe.

Sauf qu’il dit en même temps que « la SNCF appartient à la nation » et qu’il s’agit d’une « multinationale qui possède près de 1 300 filiales dans le monde ». Et c’est là que tous les problèmes se révèlent au grand jour.

Car la SNCF est un groupe qui consiste ni plus ni moins qu’en du capitalisme d’État. De par son organisation, ses méthodes, ses objectifs, ses perspectives à l’échelle mondiale, etc., il s’agit de capitalisme tout ce qu’il y a de plus classique.

Que ce groupe, né en 1937-1938, ait profité de l’élan social de 1945, puis de l’intégration de la CGT au projet d’un État-providence fort, tout le monde le sait. Que cela ait pu profiter aux salariés de la SNCF, tant mieux.

Mais à un moment, il faut voir les choses en face et on ne peut pas dire en même temps qu’il s’agit d’une multinationale et d’un secteur public.

C’est pourtant ce qu’ont fait tant le Parti socialiste et le Parti communiste français depuis longtemps, c’est vrai. Cependant, c’était là une faillite intellectuelle, morale et culturelle sur le plan des idées de gauche, et en 2018 une telle incohérence est une bombe à retardement.

Si Bernard Thibault disait : la SNCF devrait être un secteur public, il serait cohérent. Mais ni lui ni la CGT ne le font et ne veulent le faire, car cela serait révéler leur effroyable compromission historique. Ils ont participé à la naissance d’un monstre, au moyen de l’État, qui inévitablement sera repris par la suite par le capitalisme de la manière la plus directe…

Vu ainsi, il n’est pas vrai de dire que « la grève des cheminots porte l’intérêt général », il faudrait dire qu’elle le pourrait… si on passait du corporatisme à la lutte des classes, de la défense d’acquis au sein d’un capitalisme d’État en voie de privatisation à celui d’acquis en général face au capitalisme.

Catégories
Politique

Succès de la grève des cheminots du 3 avril 2018 et étroitesse d’esprit syndicale

La grève d’hier a été un succès certain à la SNCF. Les grévistes ont été de 77 % chez les conducteurs, 69 % chez les contrôleurs, 39 % chez les aiguilleurs, 40 % chez les agents d’escales et du matériel.

C’est une expression de capacité de lutte significative. Et le fait que les cheminots aient déposé dix-huit préavis de deux jours (avec une grève de deux jours sur cinq), témoigne d’une combativité certaine, ce qui rassure ceux et celles n’osant pas lutter mais éprouvant de la sympathie.

Il y a ainsi un frémissement social certain, un esprit de recomposition élémentaire mais réel.

Au point qu’il y a nettement un bloc réactionnaire qui apparaît et voit en la lutte des cheminots le symbole de la lutte des classes, la boîte de Pandore de la confrontation sociale. Le premier ministre Edouard Philippe s’est donc posé en défenseur de « ceux qui veulent aller travailler veulent continuer à bénéficier de leur liberté constitutionnelle d’aller et venir ».

Il est vrai ici que, malheureusement, le gouvernement est aidé par l’esprit étroitement corporatiste de la Fédération CGT des cheminots, qui ne sort pas de l’esprit de collaboration avec les institutions, dans l’esprit de la CGT depuis les années 1950.

Voici par exemple les positions de la Fédération sur la lutte actuelle ; on y retrouve une mentalité nullement de gauche mais ayant tout à voir avec un esprit néo-gaulliste de cogestion, avec la revendication d’une meilleure efficacité au service de l’économie et du pays, etc.

Ce n’est certainement pas avec cela que les gens vont sympathiser avec la lutte et accepter que leur vie quotidienne ou leur capacité à aller travailler soient perturbés au plus haut point…

L’incapacité à formuler les choses autrement que de manière étroite, corporatiste – au final, syndical – est révélateur de l’absence de réflexion réelle sur ce qu’est la lutte de classes au sens réel du terme… Ou plus exactement de comment la CGT, comme déjà en 1968, n’entend que vouloir participer à la gestion, sans vouloir en rien changer la vie.

DETTE ET FINANCEMENT

La dette du système ferroviaire doit être reprise par l’Etat sans contrepartie. Elle est de sa responsabilité. Des financements pérennes doivent être apportés pour assurer le développement du service public ferroviaire (marchandises et voyageurs).

C e q u e l a C G T p r o p o s e :

• Création d’un pôle financier public pour donner la priorité à l’emploi, à la création de richesses dans les territoires et à la préservation de l’environnement, et non plus à la recherche de la rentabilité des capitaux. • Création d’une Caisse d’Amortissement de la Dette Ferroviaire de l’Etat (CADEFE) afin de libérer le système ferroviaire de ce poids (1,7 Md€ d’intérêts par an).

• Nationalisation des autoroutes et utilisation des profits pour alimenter la CADEFE.

• Mise en œuvre de l’Eco Taxe poids lourds. Ces nouvelles ressources financières permettraient également d’apurer la dette.

• L’utilisation de la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (TICPE) pour le financement des infrastructures de tous les transports (routes, voies navigables, ferroviaire – 6Mds consacrés pour le réseau ferré national-).

• La création d’un Versement Transport Régional (VTR) additionnel qui permettrait de doter les régions d’une ressource provenant du secteur économique, principal bénéficiaire du système des transports régionaux.

• Arrêt des Partenariats Public-Privé (PPP) qui ne servent que l’intérêt de groupes du BTP (Vinci, Bouygues, Eiffage).

RELANCE DU TRANSPORT DE MARCHANDISE S PAR FER

Le Fret ferroviaire SNCF ne doit pas être filialisé. Une véritable politique de relance et de report modal doit être décidée, appuyée par des moyens, notamment pour répondre aux enjeux environnementaux et ne pas laisser dépérir l’activité à petit feu.

C e q u e l a C G T p r o p o s e :

• Préservation et modernisation des emprises ferroviaires. La SNCF doit s’appuyer sur son groupe, pour se mettre au service de cette ambition.

• Développement des ports qui doit s’appuyer sur davantage d’acheminements ferroviaires.

• Pour la distribution urbaine, il faut s’intéresser aux acheminements en amont et définir les infrastructures nécessaires (hôtels logistiques, plateformes intermodales ou Cross-Dock…).

• Internalisation des coûts externes propres à chaque mode (supportés par la collectivité) par une tarification du fret à son juste coût. La CGT se prononce pour une Tarification Sociale Obligatoire (TSO).

• Conditionnement des aides publiques aux entreprises industrielles et de service à l’utilisation d’un mode de transport vertueux.

STATUT DE L’ENTREPRISE

La SNCF doit rester sous statut d’EPIC, propriété de la Nation et non objet de tractation et de spéculation financière.

C e q u e l a C G T p r o p o s e :

• Regroupement de SNCF Réseau, SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF (dit « de tête ») au sein d’un seul EPIC SNCF en veillant à la séparation comptable entre l’opérateur et le gestionnaire de l’infrastructure, seule obligation imposée par les textes européens.

ORGANISATION DE LA PRODUCTION Une réorganisation complète de la production doit mettre fin au cloisonnement par activités, réactiver une véritable coopération opérationnelle entre les cheminots et assurer le retour à la qualité de service qu’exigent les usagers.

C e q u e l a C G T p r o p o s e :

• Une entreprise unique et des établissements multi-activités (voyageurs grandes lignes/proximité et Fret le cas échéant) décloisonnés au sens des activités, mais reposant sur la reconnaissance des métiers, garants de la qualité et de la sécurité. Ils doivent être renforcés dans l’animation, les qualifications, les formations…

• La mutualisation des moyens, des personnels et des informations, source d’efficacité.

RÉ INTERNALISATION DES CHARGES DE TRAVAIL

C e q u e l a C G T p r o p o s e :

• Les activités externalisées doivent être réintégrées (charge de travail et les personnels qui en ont la charge) dans le triple objectif de mettre fin au surcoût de la soustraitance, d’améliorer le statut social des salariés et de regagner la maîtrise complète de la production pour en assurer la qualité et la sécurité.

OUVERTURE A LA CONCURRENCE

La concurrence est un mauvais système qui se base uniquement sur le dumping social, qui n’est pas adapté aux contraintes techniques de l’exploitation ferroviaire et qui ne permettra pas de développer le service public ferroviaire. La situation de Fret SNCF, libéralisée depuis 10 ans, est significative d’une dégradation de la qualité de service du transport de voyageurs annoncée si la concurrence se mettait en place.

C e q u e l a C G T p r o p o s e :

• L’Etat doit transposer les dispositions du 4e paquet ferroviaire dans le droit national en décidant de l’attribution directe de l’exploitation des services ferroviaires à la SNCF sur l’ensemble du réseau ferré national. Cette décision est conforme à l’article 5 – paragraphe 4 bis du règlement Obligations de Service Public (OSP) qui prévoit des exceptions à la mise en concurrence en regard des caractéristiques structurelles géographiques, de la complexité du réseau, ainsi que de la qualité de service et d’un meilleur rapport coût-efficacité.

DROITS SOCIAUX DES CHEMINOTS/GARANTIES SOCIALES

Le statut doit être confirmé comme la règle, y compris pour les futurs embauchés. Il doit être amélioré ainsi que les droits des contractuels. Les droits des cheminots font partie intégrante de l’équilibre entre droits et devoirs liés au service public. Ils doivent être préservés. Une véritable augmentation générale des salaires et pensions doit être annoncée.

C e q u e l a C G T p r o p o s e :

• Maintien et amélioration du statut dans le cadre d’une SNCF intégrée et publique. Admission au statut de tous les personnels de la SNCF qui remplissent les conditions.

• Liées à la Convention Collective Nationale de la branche ferroviaire, les garanties sociales doivent être revues à la hausse, pour que le patronat ne puisse pas renforcer le dumping social entre l’entreprise publique et les entreprises ferroviaires privées. Les voies ferrées d’intérêt local et la restauration ferroviaire doivent y être intégrées.

Catégories
Politique

Attaques fascistes à l’université : le libéralisme a concédé un espace à l’extrême droite

Christine Hugon est une enseignante titulaire de l’Université de Droit de Montpellier, spécialiste du Droit privé. Montpellier compte en réalité trois Universités et celle-là fait souvent office de bastion de la réaction, comme souvent c’est malheureusement le cas dans les Universités ou les Facultés de Droit de notre pays.

Christine Hugon est aussi par ailleurs l’animatrice d’une association qui promeut la pratique aristocratique de la monte à cheval selon la technique dite de « l’Amazone », qui s’accompagne de tout un dressage et surtout de tout un style qui exprime de part en part la Réaction.

Elle a exprimé sur France Info cette phrase suite aux violences d’il y a quelques jours à Montpellier, lors d’une tentative d’occupation d’un amphithéâtre dans l’Université de Droit par des étudiants majoritairement venus de l’Université Paul-Valéry, bastion de l’extrême-gauche étudiante locale :

« Il y a des gens qui votent extrême droite et qui sont à des années lumières de ces millices » (France Info, 30 mars 2018)

Qu’une femme qui appartienne à la bourgeoise la plus étroite, avec un tel niveau d’éducation, puisse assumer de tels propos en dit long sur l’hégémonie culturelle qu’a gagné l’extrême-droite dans la région de Montpellier.

Il nous faut bien comprendre ce qu’il y a de totalement inacceptable dans une telle affirmation. Déjà, nous en sommes aujourd’hui au point où la Réaction ne se contente plus d’une opposition par le vote ou le jeu électoral : elle est en position de pouvoir tabasser avec l’appui des institutions : en Picardie les militants anti-chasse à courre d’AVA en février et à Montpellier.

Et ces attaques n’ont rien de phénomènes isolés, ou marginaux, ils s’inscrivent dans toute une tendance, même un processus, de radicalisation de l’extrême droite.

Il nous faut ainsi relever l’attaque coordonnée du 26 mars dernier contre une AG d’étudiants à Lille 2, où une vingtaine de militants d’extrême droite a tabassé les étudiants qui quittaient l’assemblée, se sont repliés avant l’arrivée de la police puis ont revendiqué l’agression sur un compte Twitter qu’ils ont supprimé pour ne pas se faire identifier personnellement.

A l’Université de Paris I, sur le site Tolbiac, bloqué par des étudiants qui tentent d’occuper les lieux sur la durée, une milice d’extrême droite, la « Cocarde étudiante » a pourtant tenté un véritable coup de force en débarquant en pleine AG à 10h du matin.

Si l’attaque a pu être repoussée par la foule, les militants d’extrême droite n’ont pas hésité à porter des coups. Le même site d’ailleurs a été visé quelques jours plus tôt par une attaque plus ciblée sur le bureau de l’Union des Etudiants Juifs de France, vandalisé avec des inscriptions antisémites.

A Paris toujours, au lycée autogéré dans le XVe arrondissement, cette fois c’est un faisceau armé de barres de fer, se revendiquant du GUD, groupe qu’il est inutile malheureusement de présenter et dont ce n’est d’ailleurs pas la première attaque sur ce lycée, qui a forcé l’entrée de l’établissement pour s’attaquer à deux élèves.

Cette opération de terreur s’est accompagné là aussi de gestes de revendications explicites comme des saluts nazis et des injures homophobes contre les victimes. A Strasbourg aussi où une vingtaine de militants liés au « Bastion social » de l’Arcadia a tabassé six étudiants à proximité du Palais Universitaire, siège d’un mouvement de contestation d’étudiant, en revendiquant leur agression ouvertement, où une étudiante a ainsi témoigné :

Pauline, elle, na rien dit à sa famille. Ses parents ne comprendraient pas. Ils vivent «dans un bled», «ont voté FN aux dernières élections». Les policiers lont «traitée comme une petite fille capricieuse», dit-elle : «J’étais paniquée et on ma dit que si je ne me calmais pas, c’était tant pis pour ma déposition.» (Libération, 29 mars 2018)

Voilà le résultat de l’aveuglement libéral sur l’extrême droite et la de la dénégation des électeurs qui en soutiennent les partis institutionnels. L’union, la confiance au sein des familles même se brise, la société libérale est ébranlée, épouvantée, paralysée. Alors elle nie.

Même les policiers cherchent à décourager la victime, à la faire taire, à ne pas pousser à une enquête, exprimant finalement leur volonté de ne pas réprimer.

C’est inacceptable. Mais c’est malheureusement inévitable, le libéralisme va être débordé par l’extrême droite et sa violence. Que veulent donc les gens qui votent à l’extrême droite sinon les milices et le terrorisme ? Que croit sérieusement une personne comme Christine Hugon, pour en revenir à elle quand elle affirme une phrase aussi « naïve » ? Quand elle ajoute même :

« Ils avaient des planches de cagettes, j’ai cru que c’était des battes de base-ball. Ils ne frappaient pas sur la tête. S’ils avaient voulu frapper fort à deux, l’étudiant serait inerte. C’étaient des coups qui étaient retenus. »

On voit qu’on est dans l’hypocrisie, la négation pure et simple de la violence concrète, des faits.

Christine Hugon tente ainsi tout à la fois de séparer les électeurs d’extrême droite des militants de groupes violents, et de minimiser la violence de ces mêmes groupes. Christine Hugon n’est sans doute pas une militante d’extrême droite, peut-être a-t-elle des sympathies pour celle-ci ou certaines de ces idées, mais elle est avant tout une bourgeoise libérale, probablement conservatrice sur les bords, mais certainement pas quelqu’un qui cautionne la violence.

Mais la voilà face à la réalité, complètement dépassée. Ce n’est pas là ce qu’elle voudrait, mais c’est là ce qui est. L’arbre préfère le calme, mais le vent continue de souffler. Christine Hugon, tout comme la société bourgeoise libérale est en train d’être dépassé par ce qui se passe.

C’est le sens de ce qu’a voulu exprimer Christine Hugon : la violence, brutale, directe et choquante, son esprit personnel la rejette, tout comme elle pense qu’on puisse voter pour l’extrême droite sans que cela ne puisse avoir de conséquences politiques concrètes.

Ni les contradictions, ni l’antagonisme ne sont franchement perçus, assumés ou même pris au sérieux. Il s’agirait d’exprimer une opinion, donner son avis et même faire valoir sa « liberté ». On pourrait ainsi choisir de voter pour l’extrême droite sans devoir se sentir responsable des violences que celle-ci commet en fin de compte. Cela ne saurait être que des « incidents », sans responsabilités collectives.

Le libéralisme a concédé un espace à l’extrême droite, et depuis elle a gagné des positions, produit une culture, diffusé un style. Certes, elle n’avance pas unie, cependant il en va souvent ainsi historiquement et la logique des faisceaux est de toute façon à la base même de sa vision du monde et de ses conceptions politiques.

Tout cela est sérieux, l’extrême droite ne veut pas du libéralisme, elle ne veut pas de la démocratie bourgeoise, elle dit et elle veut le pouvoir précisément pour l’abattre, pour changer la société.

Et ses forces grandissants à mesure que décline le libéralisme bourgeois sous le poids de ses contradictions, elle ne s’embarrassera pas des règles ou des élections, du moins pas ses groupes les plus virulents, qui vont accentuer la pression.

Les gens qui votent à l’extrême droite sont peut-être pour certains a des années lumières de saisir cela, mais parce qu’ils sont encore libéraux d’esprit et parce qu’au fond donc, ils ne prennent pas au sérieux l’extrême droite.

Mais l’extrême droite, ce sont les milices, la violence, le tabassage des opposants, l’embrigadement des esprits.

L’extrême droite ne voit le peuple que comme un appui à sa prise de pouvoir, ne rêve que de « l’ordre », de désarmer et d’assécher la société civile, d’écraser la Gauche.

L’extrême droite veut le pouvoir et elle assume et assumera de plus en plus ouvertement la violence, et cela, ses scores électoraux, même s’ils ne concernent que des partis établis et reconnus comme le Front National, en sont bien sûr la caution, l’appui. Ne pas le comprendre, c’est faire preuve d’ignorance ou pire, d’aveuglement.

Un tel niveau de dépolitisation tel qu’on le connaît en tout cas montre l’ampleur du vide de la culture politique en raison de l’hégémonie libérale. Certes, l’Etat, qui refuse formellement cette violence, a réagi fermement à Montpellier en poussant la justice contre les complices de ces agressions : un enseignant, Jean-Luc de Boissezon et même le doyen Philippe Petel, tout deux mis en examen. Mais ces complicités sont en elles mêmes un état des lieux.

Et de par sa nature – imbriqué dans l’élite sociale et économique, façonnée par la bourgeoisie, de fait à son service – l’Etat ne peut pas aller jusqu’au bout de sa prétendue neutralité.

Tout cela ne suffira pas donc pas à enrayer la tendance à la radicalisation de l’extrême droite. La tâche historique de la Gauche est de le comprendre et de lui faire face.

Il nous faut étudier l’extrême droite, il nous faut lui répondre, mais plus seulement dans le débat libéral : dans la lutte. Il nous faut produire nos analyses, les diffuser massivement, constituer des bases démocratiques pour rassembler le plus grand nombre face à l’extrême droite et ses milices.

Il nous faut un haut niveau d’exigence intellectuel, une conscience de l’histoire de la lutte des classes dans notre pays. C’est cela faire face à l’extrême droite, c’est cela assumer avec un contenu, une maturité prête à l’engagement anti-fasciste, pour défendre et étendre la démocratie authentique (dont on est toujours plus éloigné), en rompant avec le libéralisme.

Catégories
Politique

Annecy : non à Dieudonné le 14 avril 2018

Dieudonné est toujours actif, cherchant avec un  certain succès à contourner la vaste opposition démocratique qui lui fait face. Il était il y a quelques jours, le 30 mars 2018, à la salle des fêtes de Bayeux, au grand dam de son maire Patrick Gomont qui a tenu à préciser :

« Je tiens ici à réaffirmer que la Ville de #Bayeux ne cautionne en aucun cas la venue de Dieudonné, hier à la Comète. La salle a été réservée sous une fausse identité et lors de la réservation, la billetterie indiquait Caen puis les spectateurs recevaient le lieu exact de la représentation par sms.

Je dénonce ces pratiques malhonnêtes dont cet individu use pour tromper les communes, dont la Ville de Bayeux, qui ne veulent pas de lui en représentation. L’équipe municipale se réserve le droit de porter plainte. »

Le lendemain, il était à Rouen, puis ensuite à Serqueux. A chaque fois quand on achète le billet, on est informé que le lieu sera au maximum dans les 20 km de la ville mise en avant et qu’on sera prévenu quelques heures auparavant par texto.

Il y a désormais le même risque à Annecy le 14 avril. Dieudonné a essayé de louer la salle de l’Arcadium, qui était déjà prise. Mais il est évident que seule une mobilisation vaste peut faire pression pour qu’il n’y ait pas de réactions après la tenue d’un spectacle – en réalité surtout une tribune politique – de Dieudonné.

Voici l’appel fait à Annecy justement pour une telle mobilisation, par Jeunesse contre la haine, avec une pétition comme intermédiaire pour relayer l’appel, qui espérons le se déploiera également dans les communes avoisinantes.

« Le 14 avril prochain, l’ « humoriste » antisémite Dieudonné a prévu une date à Annecy pour sa nouvelle tournée.

Jeunesse contre la haine Savoies appelle donc le maire d’Annecy, Mr. Jean-Luc Rigault à faire interdire son spectacle à Annecy.

Dieudonné a été condamné pour  » incitation à la haine raciale « .

Mais malgré cela, il relance une tournée cette année, dans toute la France.
De plus, son geste « la Quenelle » est un geste ouvertement antisémite et homophobe, puisqu’il s’agit d’une sodomie, ce geste ressemble au salut nazi, étant d’après la LICRA un salut nazi inversé.

D’après Dieudonné, le monde est contrôlé par les lobbys sionistes, il est proche d’Alain Soral et Robert Faurisson (ayant été eux-mêmes condamnés à plusieurs reprises, soit pour injures raciales, soit pour diffamation raciale).

Dieudonné n’est pas un humoriste mais un antisémite !
Interdisons son spectacle partout !  »

En plus d’être un antisémite, Dieudonné ne cache plus ses liens avec les néo-nazis, comme avec Faurisson, qui en plus d’avoir été condamné pour son négationnisme* , et proche de Rivarol (journal nationaliste) et on a pu l’apercevoir au banquet de Rivarol.

Signez la pétition et partagez la : https://www.change.org/p/jean-luc-rigault-dieudonn%C3%A9-ne-fait-rire-que-les-antis%C3%A9mites 

Il s’agit d’une initiative de Jeunesse Contre La Haine Savoies, pour toute remarque vous pouvez les contacter via :

Facebook
-Twitter : @jclh_savoies
-Mail : jclh.savoies@gmail.com

*Négationnisme: Doctrine niant la réalité du génocide des Juifs par les nazis, notamment l’existence des chambres à gaz.

Catégories
Culture

Le dodelinement comme expression corporelle

Les expressions corporelles peuvent être extrêmement nombreuses et ce qui est frappant dans une société frappée du sceau d’instagram, de facebook et des films hollywoodiens, c’est la perte de qualité et de quantité de celles-ci.

Dans une société où, effectivement, tout est dans le conventionnel et en plus, en France, dans la maîtrise de soi, toute expression corporelle trop apparente apparaît d’autant plus comme décalé.

Il faut être dans la maîtrise et dans l’obéissance aux codes, très restreints de par leur nombre, pour rester crédible. C’est un paradoxe frappant qui obéit à une simple loi bien connue : le capitalisme prétend que chaque fasse ce qu’il veut, mais en pratique cela donne une société du conformisme où tout est copie-conforme et sans personnalité.

Contribuons à la défense et la diffusion d’une expression à la fois simple et riche, le fait de dodeliner sa tête, bien qu’il faille peut-être renommer une telle chose. Il peut être d’une grâce incroyable, comme fournisseur d’informations quant à ses propres choix, ou bien les deux.

Voici un extrait du film Hibernatus, où l’acteur Louis de Funès, bien connu pour ses mimiques considérées comme « allant trop loin » et en même temps foncièrement charmantes, discute avec un médecin au sujet d’un encombrant ancêtre retrouvé prisonnier dans le glaces et qu’on a réveillé…

De manière plus artistique, voici une chanson d’Afghanistan, Yak Qadam Pesh (« Un pas en avant » en persan) de Jawid Sharif, où le dodelinement de la tête est ici d’une grâce absolue, s’insérant ici dans une retenue d’un charme d’autant plus puissant qu’il est sobre, tant de la part du chanteur que de la danseuse.

C’est en Inde où le dodelinement est une véritable institution (sauf relativement dans le nord), disposant par conséquent de nuances très marquées pour qui sait les décoder. Le dodelinement a un rythme, ainsi qu’une vitesse, les sourcils jouant le rôle de catégorisation de celui-ci.



Si vous êtes vous-mêmes en train de dodeliner de la tête devant l’écran en regardant ces vidéos, il ne vous reste plus qu’à écouter cette chanson qui, au bout d’une minute, donne les techniques pour y arriver.

Il va de soi que quelqu’un qui ne connaît pas ce mode d’expression peut le considérer comme relevant d’une maladie, comme le raconte (malheureusement en anglais) ce docteur qui a dû modifier l’avis de sa supérieure à ce sujet…

Le dodelinement de la tête, de par la sympathie de son expression, ne pourra que conquérir le monde alors que l’humanité fusionne au fur et à mesure. Il est déjà en Ukraine, où Alena Vinnitskaya met du temps à se lancer dans son duo avec Kiev electro, mais y parvient très bien.

On remarquera que dans cette chanson délirante – qui appelle les Slaves à descendre dans les Balkans danser comme des Gitans – Alena Vinnitskaya balance ses yeux d’un côté ou de l’autre, comme dans la vidéo afghane.

C’est là encore une expression corporelle qui ne peut que progresser. La chape de plomb des comportements stéréotypés ne peut que s’effondrer devant les attitudes naturelles et culturelles à la fois, puissamment développées pour être capable d’exprimer toujours plus de nuances.

Le monde d’une humanité qui s’est rencontrée, assimilée, est une perspective plus que réjouissante… C’est toute la définition de la beauté qui va être mise à l’épreuve par la grâce et le charme !

Catégories
Guerre

Non à l’envoi de troupes françaises en Syrie !

Quand un pays en envahit un autre depuis une centaine d’années, que ce soit par colonialisme ou par expansionnisme, il ne dit pas qu’il le fait car il veut s’étendre. Il affirme le faire par nécessité : pour sauver des gens, libérer une population, empêcher la barbarie, étendre la civilisation, etc.

Même l’Allemagne nazie, outrancière dans son agressivité, prétendait vouloir former une nouvelle Europe. Ne parlons pas non plus de la guerre de 1914 ou du colonialisme français, tout pétri de « bonnes intentions ».

Être de gauche, c’est inversement et par définition refuser tout interventionnisme militaire de son propre pays dans un autre. Toute acception d’une exception est une trahison de ce principe.

On peut soutenir un pays, un régime, comme par exemple la République espagnole face au soulèvement de Franco. On peut soutenir une résistance légitime à une occupation. Mais on ne peut pas soutenir une faction, des bandes armées, des troubles visant à dépecer un pays.

Par conséquent, être de gauche c’est rejeter par principe l’envoi de troupes françaises en Syrie annoncé hier. La décision, de manière subtile, a été annoncée non pas par l’Élysée, mais par un représentant des Forces démocratiques syriennes, les FDS, le Kurde Khaled Issa.

L’Élysée s’est contentée d’un communiqué de presse, expliquant avoir discuté avec des membres des FDS « à parité de femmes et d’hommes, d’Arabes et de Kurdes syriens » et disant d’Emmanuel Macron que :

« Il a assuré les FDS du soutien de la France, en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité au nord-est de la Syrie, dans le cadre d’une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toute résurgence de Daech dans l’attente d’une solution politique au conflit syrien. »

La « stabilisation » en question est une allusion aux conséquences de l’intervention militaire turque ces derniers jours en Syrie du Nord, dans une zone contrôlée jusque-là par les forces kurdes, avec un chaos général, avec 160 000 personnes fuyant les combats.

La Turquie, aidée de « rebelles » syriens, contrôle déjà une importante zone (en turquoise sur la carte ci-conre).

Pour rappeler brièvement les événements, lors de la guerre civile en Syrie, les occidentaux avec la France en tête ont cru que le régime allait vite tomber et ont arrosé des opposants malgré la forte présence d’Al – Qaïda.

Non seulement le régime a tenu, mais ces forces sont devenues autonomes, alors que l’État islamique s’est développée.

La Russie et l’Iran sont alors intervenus pour soutenir le régime syrien, pendant que les États-Unis développaient une présence en se liant aux Kurdes de Syrie, également appuyées techniquement par des experts non officiels français et britanniques.

La Turquie, qui appuyait l’État islamique, est rentrée dans la danse et officiellement, l’État français vient pour « sauver les Kurdes ». C’est-à-dire, en réalité, pour participer au dépeçage de la Syrie, avec trois zones :

– le régime syrien officiel de Bachar Al-Assad, lié à l’Iran et la Russie ;
– un régime « arabo-kurde » lié aux États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ;
– un régime arabo-islamiste aux contours flous encore ;
– une zone passant sous la coupe de la Turquie.

Tout le monde est gagnant : la Turquie empêche l’avènement d’un État kurde et renforce sa dimension « ottomane », pendant que les autres ont un pied à terre local. C’est gagnant-gagnant, aux dépens de la démocratie et des populations locales, jusqu’à la prochaine guerre de partage…

Il faut souligner ici l’importance, dans ce cadre d’un régime autoritaire. De plus en plus, avec la montée des tensions, les régimes deviennent de plus en plus pyramidales, que ce soit en Turquie ou en Russie, en Inde ou aux États-Unis, en Chine ou en Égypte.

Il y a à chaque fois un chef qui dirige le pays, prenant des décisions avec une approche ultra-populiste. C’est aussi le cas en France : la décision d’Emmanuel Macron est, naturellement, celle d’un président de la cinquième République, qui décide seul de la politique extérieure, sans le parlement, sans demander son avis à la population.

Il est inévitable, ici, de parler des Kurdes. Il est tout à fait compréhensible que l’on éprouve de la sympathie pour ce peuple sans État, aux populations vivant en minorité dans plusieurs États, et plus précisément en minorité opprimée, que cela soit en Turquie, en Iran, en Irak ou en Syrie.

Cependant, on ne découpe pas les États comme cela, encore moins quand ce sont des grandes puissances qui sont partie prenante. Cela n’a rien de démocratique, à moins de considérer les nations comme des fictions, les États comme des aberrations.

Lorsque, en France (mais aussi en Belgique), les anarchistes se sont massivement lancés dans des campagnes de soutien aux Unités de protection du peuple (YPG) kurdes agissant en Syrie, ils sont cohérents, puisqu’ils veulent une décentralisation, des communautés autonomes, un État central présent le moins possible, etc.

Mais être de gauche sans basculer dans l’anarchisme qui est bloqué à une vision individuelle des choses, c’est voir le rôle de la guerre, des grandes puissances, de la logique de partage par la conquête…

C’est refuser que des parties fassent ce qu’elles veulent aux dépens du tout, car une telle logique de dépeçage ne profite qu’aux conquérants qui utilisent le vieux principe : diviser pour régner !

Catégories
Politique

La marche blanche en l’honneur de Mireille Knoll

Le meurtre d’une femme octogénaire qui avait échappé à la Rafle du Vél d’Hiv, Mireille Knoll, dans un crime crapuleux où elle a été lardée de coups de couteaux et vu son corps et son appartement incendié, avec un fond idéologique antisémite, a profondément ému le pays, alors que parallèlement un gendarme, Arnaud Beltrame, s’est sacrifié pour remplacer une personne otage d’un terroriste islamiste.

C’est encore l’émotion, face au terrorisme et à la barbarie. Avec le besoin de s’interposer, et toujours ce haut le cœur devant l’arbitraire, qui frappe jusqu’à une dame âgée. Avec qui plus est cet arrière-goût d’une amertume terrible consistant en cette impression de déjà vu.

L’antisémitisme, ce poison, existe en effet en France de manière désormais très particulière, et tout le monde le sait. Exclu très largement voire totalement des personnes ayant un certain niveau d’instruction, il est particulièrement présent comme fond diffus dans la population liée au travail manuel : ici la figure du « Juif » reste une sorte d’abstraction, un fantôme représentant l’intellectuel, la ville, l’argent.

Tel est le prix à payer pour l’absence d’une Gauche de la raison, de la connaissance : l’antisémitisme est le socialisme des imbéciles.

A cela s’ajoute un autre antisémitisme, d’une virulence très grande dans les milieux marqués par la religion musulmane, en raison des valeurs mises en avant dans les pays arabes qui utilisent l’antisionisme comme « anti-impérialisme » mobilisateur pour masquer leurs propres carences, mais aussi de la concurrence historique effrénée de l’Islam pour s’affirmer contre les monothéismes précédents.

C’est de là que vient toute une série de crimes, avec en arrière-plan l’attentat meurtrier de Toulouse, l’attaque contre Charlie Hebdo et l’hypercasher, l’assassinat sordide d’Ilan Halimi, celui de Sarah Halimi.

Dans ce dernier cas, comme pour Sébastien Sélam en 2003 et comme pour Mireille Knoll, voire l’ensemble des attentats et meurtres, la particularité est que les assassins relèvent de la pathologie mentale et de milieux qu’on peut définir comme « lumpen » ou « antisocial », avec la culture du trafic, de l’arnaque, de l’escroquerie, etc.

Comme on le voit, la question est donc éminemment sociale et l’Etat n’a souvent pas su quoi faire, relativisant l’antisémitisme sous prétexte que tout serait surtout un déséquilibre mental.

La marche blanche organisée hier à Paris par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) en l’honneur de Mireille Knoll est ainsi un moment très particulier.

Car elle amène avec elle la question suivante : que faire face à un antisémitisme tellement larvé qu’il s’exprime aussi ou surtout par la folie meurtrière?

Force est de constater déjà que la réaction étatique a été immédiate, avec une grande fermeté dans le symbolique. Cela correspond à la nature de la société française, qui est d’éprouver un haut-le-cœur face à l’antisémitisme, cette stupidité meurtrière, ce véritable cannibalisme social, il n’y a pas d’autre mot.

Le président de la République Emmanuel Macron a participé aux obsèques de Mireille Knoll, alors qu’étaient présents à la marche blanche le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, ainsi que celui de l’éducation, Jean-Michel Blanquer. Étaient également présents le président de l’assemblée nationale Francois de Rugy, Marlène Schiappa, Nicolas Hulot.

L’État a assumé, en bloc, mais cela reflète avant tout une exigence démocratique de la population. L’État ne fait que suivre un certain niveau de développement démocratique, portée par la gauche. Cela rappelle les émotions de Je suis Charlie ; cela rappelle la nécessité d’aller de l’avant dans le fait de vivre ensemble en élevant le niveau culturel.

Cependant, il ne faut pas se leurrer. Seulement entre 15 et 25 000 personnes étaient présentes dans cette marche partie de Nation, qui a pris le boulevard Voltaire, a rejoint, via la rue de Charonne, le domicile de Mireille Knoll au 26-32 avenue Philippe-Auguste.

Et une bonne partie d’entre elles étaient juives. La France ne veut pas de l’antisémitisme, mais ne sait pas quoi faire, comment se comporter, ce qui la paralyse et renforce le fait que la communauté juive se sente isolée.

Elle qui vit en région parisienne surtout voit bien comment ses enfants se sont faits chasser des collèges et des lycées publics populaires, en raison de l’antisémitisme rampant largement ancré par l’intermédiaire de la religion musulmane. Elle bascule d’autant plus dans un communautarisme religieux borné, superstitieux, isolationniste.

D’ailleurs, hier, la « Ligue de Défense Juive » a ouvertement soutenu la présence de Marine Le Pen, accompagnée notamment de Gilbert Collard, dans la marche blanche ; après avoir été chassée, elle est revenue en effet en queue de cortège, protégée également par la police.

C’est un épisode d’une signification très grave, le signe d’un retournement de fond. La communauté juive était, dans les années 1960, 1970 et 1980, traditionnellement de gauche. Pratiquement toutes les organisations d’extrême-gauche de mai 1968 avaient des dirigeants juifs, alors que des commandos juifs attaquaient l’extrême-droite et n’hésitaient pas à aller jusqu’à jeter de l’acide sur les membres des groupes néo-nazis.

Depuis les années 2000, le nationalisme sioniste et religieux a fondu sur la communauté juive, avec une main-mise très claire de la droite libérale économiquement et dure politiquement, et une tendance toujours plus prononcée à s’ouvrir à l’extrême-droite.

Cette logique communautariste, à la fois moyen de défense et une manipulation des dirigeants conservateurs de la communauté juive, s’aligne de plus parfaitement avec les tendances communautaristes musulmanes, le nationalisme « identitaire » de l’extrême-droite, le culte des « communautés » professé par la « gauche » universitaire, etc.

Cette situation du serpent qui se mord la queue où tout le monde se divise sur des bases ethniques, religieuses, communautaire, etc. traumatise notre pays qui se veut universaliste, et l’impossibilité de trouver une voie concrète produit des fantasmagories : le racialisme à l’extrême-gauche (avec la défense des « racisés »), le fanatisme antisémite complotiste (dont Dieudonné et Alain Soral sont des variantes culturelle et idéologique respectivement), l’antisionisme pratiquement mystique et existentialiste d’une gauche post-moderne en quête d’identité, l’activisme fasciste suprémaciste blanc, etc.

Combattre ces fantasmagories, tout comme la fuite en avant communautariste, ne peut passer que par un projet universel, collectif, ce qui signifie évidemment rejeter le libéralisme économique, mais également le libéralisme politique, le libéralisme culturel.

L’universalisme ne peut être qu’un collectivisme, qu’une fusion, et non pas simplement une « coexistence ». C’est cela, la vraie réponse à la problématique posée par la marche blanche.

Catégories
Politique

La posture populiste d’Alain Soral à la lumière de son roman « Chute ! »

Comment Alain Soral ose-t-il arborer les symboles du Parti Communiste ? Comment ose-t-il porter l’Etoile Rouge, le Marteau, la Faucille ? Comment a-t-il osé se montrer avec la tenue pénitentiaire gris-rayée des déportés NN, avec le triangle rouge des Résistants Communistes dans les camps de concentration nazis ?

Lui qui n’est ni un marxiste, ni même de gauche, lui qui représente si complètement l’imposture petit-bourgeoise de cette fausse « gauche du travail » ? Comment la gauche sincère peut-elle tolérer l’existence d’un tel espace d’expression pour ce qu’il représente ?

C’est bien que l’audience d’Alain Soral et son envergure même sont le signe de la faillite de la gauche à assumer ses valeurs, à valoriser son héritage, à batailler sans compromission pour la démocratie, au service de notre peuple.

Mais cette faillite est heureusement temporaire, Alain Soral ne peut pas réussir ce véritable braquage de la gauche qu’il tente dans sa vaine tentative, car ce qu’il représente est tout simplement ignoble, relève de la capitulation et ne peut séduire que par le désarroi de l’absence d’une gauche audible, structurée et identifiée.

Ce qui signifie rejeter sans aucune hésitation, sans aucune tergiversation possible toute les immondes soupes populistes, tous les vains bricolages « rouge-bruns » qui trahissent l’esprit et l’honneur de la gauche.

Mais même ce qualificatif de « rouge-brun » est encore trop d’honneur à rendre à Alain Soral, lui qui sous le prétexte de se « réconcilier » avec la « droite des valeurs » pousse l’ineptie de son populisme jusqu’à l’alliance avec les milieux les plus réactionnaires du catholicisme national, verse dans une complète mystique, rejoignant en cela le « chavisme » ou le soutien aux régimes militaristes et corrompus de l’Orient (Lybie de Kadhafi, Iran d’Ahmadinejad…) et autres idéologies frelatées.

Toutes propres à séduire la petite-bourgeoise paniquée de notre pays, prête à tous les paravents anti-révolutionnaires en se donnant un contenu si ridiculement radical, auto-proclamé « dissidence », (à visage découvert, bien sûr), et en se revendiquant de la République.

Comment ne pas être fou de rage de voir cette imposture petite-bourgeoise se réclamer du marxisme, de la Révolution, se donner des airs d’une gauche authentique pour soi-disant mieux la dépasser dans la synthèse bouillie et re-bouillie du populisme ?

Car en pratique qu’est-ce qui sépare la « FI » de « ER » ? Rien. Si ce n’est une affirmation plus assumée de la part des seconds à l’antisémitisme. Mais cela est encore un fossé qui a du sens pour beaucoup de personnes engagées sincèrement à gauche, mais qui tombent dans les nasses de la fausse gauche populiste, suivent les élans de son « combat » des « gens » contre « l’oligarchie » avec un vague sentiment de doute.

Ni droite, ni gauche, gauche du travail/droite des valeurs, populisme de « droite » ou de « gauche »… tout cela est exactement la même chose, mais à des degrés différents, avec des formes différentes.

Depuis les travaux de Zeev Sternhel, les personnes qui pensent, les personnes de gauche savent à quel point notre pays est un bouillon de culture pour ces courants petits-bourgeois tentant à chaque crise de cycle du capitalisme de formuler une synthèse propre à tenter de dévier l’inévitable marche à l’impérialisme et à la guerre, l’inévitable lutte des classes qui en découle chaque jour un peu plus, en leur propre faveur, pour le statu quo, pour « geler » notre pays dans un arrière-monde mythifié.

Alain Soral incarne donc tout ce que doit exécrer une personne sincèrement de gauche, une personne authentiquement progressiste. Encore faut-il clairement identifier ce qu’il représente.

Commençons donc par un ouvrage produit par Alain Soral en 2006, au début de son ascension politique. Il quitte alors formellement la scène des grands médias télévisuels et du Paris mondain, milieu dans lequel il gravitait depuis les années 1980 et entre dans ce qu’il qualifie de « dissidence », de manière ouverte.

C’est-à-dire qu’il va rejoindre le Front National de Jean-Marie Le Pen pour tenter d’en devenir un des principaux inspirateurs, avant de soutenir l’élan parallèle de Dieudonné, tout en fondant son propre mouvement, Égalité et Réconciliation. Celui-ci devient assez rapidement dans les années qui suivent un point central dans les courants poussant au populisme et même ouvertement au fascisme, entendant se situer comme le lieu de la synthèse de la « dissidence » et de la formation de ses cadres.

Voilà pour le contexte. Le livre en question est donc un roman qui marque en quelque sorte la transition entre ce que Alain Soral était jusque-là, une espèce d’esprit maudit de la bourgeoisie parisienne, vivant dans son style décadent avec une sorte de morgue soi-disant intellectuelle et « populaire », en ce qu’il se présente alors comme un « provincial » déclassé.

Le titre même du roman dit tout du contenu. Chute ! est une sorte de confession des désillusions et des errements adressée par un avatar de l’auteur, du nom de Robert Gros, prénom pris pour faire « français » selon Alain Soral, après avoir hésité avec « Oussama Joseph-Maximilien » pour simplement verser davantage dans la pure provocation gratuite et superficielle.

Le récit n’épargne au lecteur aucune forme de la vie décadente et sinistre que mena Alain Soral au sein de ce milieu « branché » de la bourgeoisie parisienne. En cela, il est en quelque sorte le double aboutissement des ouvrages précédents, ce qui justifie le choix de commencer à présenter Alain Soral par cet opus.

Jusque-là Alain Soral s’était mis en tête de dénoncer le libéralisme, qui lui apparaissait surtout en l’espèce sous la forme du féminisme bourgeois, confondus bien sûr avec les légitimes luttes du féminisme en tant que mouvement émancipateur du patriarcat, et celle des lobbys communautaires, ce qui lui permettait d’introduire la question de l’antisémitisme, mais alors encore de manière plutôt indirecte.

La lecture pose immédiatement une question. Peut-on avoir vécu une vie décadente au sein de la bourgeoisie parisienne, pratiquant la zoophilie, consommant de la drogue, multipliant les « expériences » décadentes et la baise et finalement être de gauche ?

A vrai dire, cela dépend du rapport que l’on a avec ce passé, si tant est qu’il en soit devenu un, pour commencer. Une personne de gauche présentera cela de manière critique, et si elle veut le faire sous une forme littéraire, elle le fera en pesant soigneusement ses termes et en construisant impeccablement son récit, de son mieux, pour ne pas verser dans le scabreux, le glauque ou le racoleur.

Il est évident que ce n’est pas là la démarche d’Alain Soral. Prolongeant le titre, le roman a l’aspect tout hypocrite d’une confession où l’on sent que si Alain Soral entend « rompre » formellement avec cette vie en affirmant d’en assumer la vérité, il n’y a pas là matière à regret.

Alain Soral, en digne petit-bourgeois surfant sur la décadence sexuelle post-68, s’est bien amusé. « Quel mec ! », voudrait-il qu’on pense ! Certes, il a mené la vie d’un « vaurien », mais il a tant appris de cette « école » et cela, subjectivement, fait d’autant plus de lui un « vrai mâle dominant » qu’il en assume totalement l’exposition publique. Voilà le premier aspect des choses.

Le second aspect, part apparemment dans l’exacte direction inverse. Toutes ces expériences sont une « Chute » au sens biblique du terme, rappelant ce célèbre passage de la Genèse, où l’Homme et la Femme (sous la forme d’Adam et Eve) après avoir cédé à la Tentation (d’ailleurs en dernière instance sous la pression d’Eve), sont chassés de l’Eden, ce paradis terrestre, mais non sans avoir goûté au fruit défendu de l’Arbre de la Connaissance.

Le parcours de Robert/Alain Soral est donc aussi l’expérience de cette Chute, une tombée en décadence, mais qui produit en quelque sorte la conversion, la connaissance ou la prise de conscience, « l’Eveil » et l’absolution qui légitime le combat à venir. Alain Soral a certes vécu cette décadence, et perdu son Eden, mais comme Adam, le voilà désormais prêt à chercher le Christ pour la rédemption. De la Chute, naît la Résurrection.

Toute la perspective est donc catholique-traditionnelle et la morale hypocrite du catholicisme, en effet, laisse un espace pour produire cette confession paradoxale où Alain Soral avoue si sincèrement, si hypocritement, tout à la fois pour reconnaître là ses fautes et en même temps se faire admirer pour ses transgressions en les exposant de cette façon « authentiquement virile » et « assumée ». 

Dans cette perspective, il est donc attendu notamment que la sodomie soit rangée au rayon des transgressions comme le reste des turpitudes d’Alain Soral, car dans cette perspective catholique, l’homosexualité reste une forme de transgression et pas autre chose. Pour couronner le tout pour ainsi dire, ajoutons que l’éditeur du roman, Franck Splenger et sa maison Blanche, sont spécialisés dans la littérature érotique.

Morale hypocrite, décadence sexuelle, « expériences » individuelles exposées narcissiquement comme une initiation. Et surtout, aucun esprit positif, rien qu’un étalage verbieux et glauque. Rien en tout cas là de compatible avec le style et les valeurs de la gauche, pour ne même rien dire du marxisme.

Même au niveau du style littéraire, l’écriture soit disant acerbe et tranchée, le fond même du récit, rappelant par certains passages les ouvrages précédent d’Alain Soral sur la « drague de rue » ou sa prétendue « vie de vaurien » ne sont que des compilations qui se répètent de manière lassante. Et celles-ci d’ailleurs font penser à une libre inspiration, si ce n’est pas même un plagiat, de la vie de l’intellectuel nationaliste russe Édouard Limonov et de son C’est moi Eddie (connu aussi sous le titre directement traduit du russe Le poète russe préfère les grands nègres).

Le parcours d’Alain Soral ainsi présenté par lui-même dans cet ouvrage comme une série quasiment initiatique et mystique, mais aussi assumé ailleurs, relève donc d’une posture petite-bourgeoise, tournée d’ailleurs vers les valeurs bourgeoises elles-mêmes, tant sous leurs formes décadentes, cosmopolites et métropolitaines de manière faussement coupable, que sous leur forme de la pseudo-morale nationale-catholique.

Comme tout cela est loin des valeurs de la gauche, que tout cet esprit borné et décadent, narcissique et hypocrite n’a rien à faire avec le combat pour la démocratie, pour le socialisme, comme nous sommes loin de la lutte des classes et de son contenu, de ses exigences, de sa morale et de son honneur !

Il faut donc au moins laisser à Alain Soral le fait d’avoir « honnêtement » témoigné de ce qu’il représente, un hypocrite décadent qui se rêve en révolutionnaire petit-bourgeois du haut de ses prétentions populistes.

Catégories
Culture

Le film « Voyage au bout de l’enfer » de Michael Cimino (1978)

Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter) est un film réalisé par Michael Cimino sorti en 1978.

Il s’agit d’un film emblématique du “Nouvel Hollywood”, un mouvement cinématographique s’étalant de la fin des années 1960 au début des années 1980, caractérisé par une modernisation dans la production des films, mais aussi dans la mise en scène et l’approche des sujets traités, plus brut. On y trouve, entre autre, des influences de la Nouvelle Vague française et du néoréalisme italien.

Voyage au bout de l’enfer est un film sur la guerre, mais qui ne montre que très peu la guerre en tant que tel. Sur trois heures de film, on distingue trois actes bien distincts.

Le premier, qui dure un peu plus d’une heure, pose les personnages, le contexte, l’environnement social, d’une manière très réaliste.

Cimino nous plonge au sein d’une communauté d’immigrés russes vivant en Pennsylvanie, parmi lesquels trois ouvriers ont été engagé pour partir faire la guerre du Vietnam.

On assiste au mariage de l’un d’eux (Steven, interprété par John Savage), quelques jours avant le départ, lors une magnifique séquence de fête populaire qui frappe de par son réalisme et par la virtuosité de la mise en scène, notamment lors des scènes de danses. Cette scène a été filmé lors d’un véritable mariage, ainsi les figurants n’en sont pas vraiment, renforçant la vraisemblance et la charge émotionnel de la scène.

Il y a également eu un gros travail préalable des acteurs, d’immersion dans cette communauté de Pennsylvanie, afin de s’imprégner de l’ambiance et de renforcer les liens entre eux. Un des membres de la bande d’amis dans le film est d’ailleurs interprété par un acteur non professionnel, un ouvrier rencontré lors de la pré-production.

Tout cela se ressent durant ce premier acte, cela sonne vrai, tout une communauté et ses enjeux humains sont posés, préparé pour le drame à venir.

En un plan, le film passe au Vietnam, dans la jungle, où nous retrouvons Steven, Mike (Robert De Niro) et Nick (Christopher Walken). La transition, de par l’ellipse du départ, du voyage, et de l’arrivée sur place, est brutale, comme doit l’être le fait d’être arracher à sa vie pour être envoyer au front, dans un pays lointain, où tout est étranger.

Ce second acte est principalement marqué par la séquence de la roulette russe, ou les geôliers imposent aux soldats américains et à leurs alliés capturés le « jeu » de la roulette russe.

C’est une scène extrêmement intense et difficile mais qui à elle seule représente bien toute la folie, la violence et l’absurdité de la guerre et c’est ainsi qu’il faut la voir : comme une métaphore de la barbarie guerrière tel qu’elle est vécu par ces soldats américains.

Le troisième et dernier acte est celui du retour,  où plus rien ne peux être comme avant, où les blessures sont tout autant physiques que psychologiques.

Une très belle scène de chasse – dans la mesure où une telle scène peut avoir une quelconque beauté, de par son caractère meurtrier – faisant écho à celle de la première partie, illustre un changement du rapport à la violence et à la vie en général. Rapport qui se montre dialectiquement ambivalent dans d’autres séquences, par l’aspect autodestructeur qui rattrapera certains vétérans.

Michael Cimino dresse en trois heures une grande fresque humaine, sur contexte de guerre, de ses dégâts, sur ceux qui partent et qui n’en reviennent jamais indemnes, mais pas uniquement, car à la fin c’est toute la communauté qui a été présenté dans le premier acte qui se retrouve meurtri par cette guerre, dépassant ainsi le cadre individuel.

Tout cela en fait un film très fort émotionnellement, à la portée universelle ; Michael Cimino est un réalisateur incontournable.

Catégories
Politique

L’attaque fasciste contre l’occupation à l’université de Montpellier

C’est un fait extrêmement marquant pour toutes les personnes qui connaissent les principes d’organisation à gauche et qui ont une mémoire des luttes : depuis le début des années 1990, il y a eu un effondrement général de la violence.

Les services d’ordre, « outillés » et strictement organisés, ont disparu. Les affrontements parfois très brutaux entre factions politiques ont disparu. La répression policière est parfaitement limitée et en tout cas strictement encadrée.

C’est allé de paire avec un véritable lessivage tant des idées que des principes d’une organisation avec des militants suivant une idéologie bien déterminée. L’individualisme triomphant, avec le libéralisme, impose un mode d’association libre, sans contraintes, temporaire, etc.

Tout pour l’action, rien par la raison, à la carte, sans responsabilité : tel est l’esprit de l’époque.

Les événements de l’université de Montpellier qui soulèvent une partie de l’opinion depuis quelques jours marquent peut-être la fin de cette époque d’absence d’engagement complet et, comme on pouvait se l’y attendre, l’initiative vient de l’extrême-droite liée aux institutions.

L’intervention extrêmement brutale contre des étudiants occupant un amphithéâtre est un saut qualitatif, dans la mesure où elle est carrément soutenue (voire organisée) par le doyen de la faculté de droit, qui a été obliger de démissionner devant la pression de l’opinion publique.

Un commando de personnes cagoulées et armées de bâtons, de matraques et de Taser, menant une opération coup de poing, est quelque chose non pas de nouveau, mais qui n’a pas été vu depuis bien longtemps et c’est pour cette raison un saut qualitatif, un retour au conflit ouvert, franc, assumé.

Le temps de la naïveté, de l’innocence d’une gauche prise en otage par des intellectuels – osons le dire – bourgeois considérant que l’écriture inclusive dépasse la lutte des classes, se clôt.

Voici une vidéo explicative concernant l’attaque, et en-dessous une autre vidéo, celle montrant la brutalité utilisée par les tenants de la chasse à courre contre des opposants il y a quelques jours également.

Il y a lieu de mettre cela en parallèle, car les « veneurs » comme on appelle ceux qui font la chasse à courre ont l’appui du préfet, du maire de Compiègne, ainsi que du président de la République lui-même.

Dans les deux cas, les institutions sont mêlées à des « débordements ». C’est l’esprit du fascisme qui frappe dans les deux cas : l’esprit de la milice, de l’agression, du coup de force, avec l’appui tacite des institutions aux mains de la droite dure.

Voici un témoignage, en provenance du site alternatif montpelliérain Le poing :

 « Je suis arrivé peu avant le début de l’attaque et le doyen a cru que j’étais de son côté. Du coup j’ai tout entendu.

Le doyen a d’abord réuni les étudiants qui étaient contre l’occupation et il leur a sommé de se rassembler dans un coin de l’amphithéâtre. Ils ont compté le nombre de personnes présentes dans l’amphi et ils ont dit ‘‘ok, c’est bon.’’

Ensuite, ils ont fait placer les personnels de la sécurité-incendie en haut de l’amphi et au bord de la porte extérieure qui donne sur la rue. Après, l’un des subordonnés du doyen a ouvert une porte au fond du hall d’entrée qui était restée fermée toute la soirée. Une dizaine de personnes sont arrivées, la plupart cagoulées et armées de bâtons qui ressemblaient à des sortes de bouts de palette.

Le doyen leur a ordonné d’aller dans l’amphi occupé, et ils se sont mis à taper tout le monde. La sécurité-incendie a fait semblant de ne pas trop savoir ce qu’il se passait.

Quand les étudiants ont fui en se faisant taper, le doyen m’a regardé en faisant un pouce levé. J’ai vu quelqu’un se faire tazer au sol.

Quand tout le monde était dehors, les grilles de la faculté se sont fermées, ce qui veut bien dire que les gens cagoulés sont restés avec le doyen.

Il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas comprendre que l’attaque a été mené sur ordre du doyen ».

Voici ce qu’affirme même un site d’extrême-droite, « Réseau libre », assumant le soutien de la police au commando dont aurait fait partie un professeur en droit civil et un professeur d’histoire du droit :

« Le doyen de la fac et les vigiles de l’université ouvrent le chemin à une quinzaine de costauds, cagoulés, planches de bois et barres de fer en mains (…). Le commando est ensuite aimablement raccompagné vers la sortie, remplacé par quelques policiers ».

Tout cela n’est qu’un début. C’est inévitable historiquement. Et rien qu’hier, lorsque 200 personnes étaient présentes devant la préfecture de l’Hérault pour protester contre la réforme de l’accès à l’université, une trentaine d’activistes « identitaires » de la Ligue du Midi était présente également.

Une provocation, une de plus, alors que les « identitaires » voulaient officiellement saluer  la mémoire d’Arnaud Beltrame, ce gendarme qui s’est sacrifié lors de l’attentat islamiste du Super U de Trèbes, en prenant volontairement la place des otages de l’assaillant.

Voici d’ailleurs la page d’accueil du site Le Figaro hier, alors que l’Église catholique a publié par l’intermédiaire d’un prêtre un long texte s’appropriant l’initiative du gendarme. On voit que l’autocollant est celui de « Génération identitaire », ce qui est un choix rédactionnel bien entendu fait exprès, alors qu’en parallèle l’air du temps est au rapprochement entre droite dure et extrême-droite.

D’abord le libéralisme à tout va, puis le fascisme s’instaurant comme représentant de ceux qui ont su émerger du libéralisme sans limites. C’est le même scénario que dans les années 1930.

Catégories
Politique

Roxane Lundy : « Cinquante ans après Mai 68, le PS est devenu un Ehpad »

Être de gauche signifie relever au moins d’une certaine tradition, sans même parler de vision du monde. Il y a, pour cette raison, une phrase très choquante prononcée par la présidente du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), Roxane Lundy, dans son interview au monde. Elle dit en effet :

« Cinquante ans après Mai 68, le PS est devenu un Ehpad. »

Or, qu’est-ce qu’un Ehpad ? Il s’agit d’un établissement spécialisé, dédié aux personnes âgées dépendantes en raison de leur perte d’autonomie physique ou psychique, voire les deux. Ehpad signifie Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes.

Les personnes présentes payent 60 % du prix de l’accueil journalier qui est vraiment très cher, l’État payant 30 % et le département les 10 % restant.

Vues les conditions sociales dans notre pays, on s’imagine à quel point il y a peu de moyens et les termes qui reviennent pour présenter à grands traits la situation est couramment la suivante chez les familles : il s’agit de mouroirs, d’antichambres de la mort. L’impunité est la règle, car quand quelque chose se passe mal, il est facile de l’attribuer à la démence, la fragilité physique, etc.

Depuis un mois et demi maintenant, le personnel des Ehpad est effectivement en lutte ; la grève du 30 janvier rassemblait 31,8% du personnel, celle du 15 mars 22% du personnel des 7750 Ehpad (dont 27 % relèvent du secteur privé avec des grands groupes très bénéficiaires comme Koria, Orpea, DomusVi ; 20 % du secteur associatif).

On l’aura compris : de par cet arrière-plan, les propos de Roxane Lundy sont particulièrement déplacés. Ils sont même odieux. Non seulement ils visent à attaquer des personnes âgées sur leur âge et non sur leurs valeurs, mais en plus le rapprochement avec les Ehpad relève d’une moquerie intolérable.

Cela reflète, de la part de Roxane Lundy, non seulement une méconnaissance ou un refus de sa part de se confronter à la réalité des Ehpad, mais surtout une négation complète de faire de la politique, de raisonner en termes de contenu, de valeurs.

Quand on se différencie de quelqu’un en raison de ses opinions, on ne se moque pas de lui ; on explique de manière rationnelle les différences, on expose de manière raisonnée ce qu’on pense être les erreurs ou les fautes, on dénonce sur la base d’une vision du monde ce qu’on considère comme faux ou inacceptable.

Il s’agit de convaincre, pas de persuader ; il s’agit d’éduquer, de mobiliser, pas de faire du populisme. Mais pour refuser le populisme, encore faut-il disposer d’un certain bagage culturel, théorique, idéologique, de concepts précis, de valeurs particulières.

Ce n’est justement pas le cas de Génération.s, qui est un mouvement contournant les questions de fond et qui, en ce sens, n’est nullement différent de La France Insoumise pourtant critiquée précisément pour cela.

Cela montre bien le problème de fond de bon nombre de gens de gauche dans notre pays, qui se veulent ancrés à gauche, mais considèrent qu’il n’y a pas besoin d’organisation ni de dogmatisme et encore moins de liaisons avec la classe ouvrière. Ils considèrent comme un luxe possible et d’autant plus agréable de contourner le fait d’avoir des comptes à rendre tant en termes de valeur qu’auprès des ouvriers.

Ils vont, évidemment, jusqu’à dire que les ouvriers ne sont qu’un aspect de la société comme un autre, ce que Génération.s n’a pas hésité à faire tout récemment. Mais comment alors ne pas basculer dans le populisme, en ayant des comptes à rendre à rien ni personne ?

Catégories
Politique

Le MJS rejoint Génération-s

Selon le Canard enchaîné, si  Luc Carvounas a fait 6,36 % aux primaires socialistes pour l’élection au poste de dirigeant, c’est parce que son score a été ajusté de telle sorte par la direction actuelle afin de correspondre au score de Benoît Hamon aux présidentielles.

Les « hamonistes » avaient en effet soutenu Luc Carvounas. La réaction à cette provocation ne s’est pas faite attendre : dans une interview au Monde, Roxane Lundy, la présidente du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), a annoncé qu’elle partait rejoindre Génération.s.

Elle a également précisé que c’était le cas de 25 membres sur 30 du bureau national. C’est ce qui s’appelle ni plus ni moins qu’un putsch, car le MJS vient de tenir son congrès qui a lieu tous les deux ans !

Le 10 février, Roxane Lundy a ainsi été élue… pour ensuite valider un choix non présenté lors du congrès… Une belle opération de magouille, d’autant plus facile que lors de ce congrès, il y a eu un boycott.

Les tendances la Fabrique du changement (liée à Martine Aubry) et Agir en Jeunes socialistes (social-réformiste) n’ont ainsi pas participé au vote (soit environ 150 des 500 délégués). Les « hamonistes » ont d’autant plus eu les mains libres.

Il faut noter au passage qu’il n’est pas parlé de « tendance » – c’est trop « vieux jeu » – mais de « sensibilité » (celle de la présidente est appelée « Transformer à gauche »).

Concluons également sur le fait que le nouveau MJS tient son congrès en avril, exactement au même moment que le Parti Socialiste doit nommer son nouveau dirigeant. Ce qui n’empêche pas la présidente du MJS de parler de… « hasard de calendrier ».

C’est ridicule à un point !

Voici l’interview au Monde, la décision n’étant annoncée ni sur le site internet du MJS, ni sur son facebook, ni sur son twitter.

Pourquoi quittez-vous le PS ?

Je quitte le PS sans haine, c’est un désaccord politique. Je fais le choix avec des milliers de jeunes socialistes de partir, car je considère que le Parti socialiste n’est pas l’outil qui permettra de transformer la société. J’ai voulu croire que l’esprit de synthèse d’Epinay pouvait encore exister, que le PS allait comprendre les échecs du précédent quinquennat, qu’il allait se remettre en question, mais ce n’est pas le cas.

En avez-vous parlé avec Olivier Faure, le futur premier secrétaire du PS ?

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en parler avec lui. Je l’ai félicité pour son élection, je lui ai proposé un rendez-vous, mais je n’ai pas encore eu de suite. Aujourd’hui, nous avons un désaccord politique avec sa ligne et celle de Stéphane Le Foll arrivé deuxième. Nous ne parlons plus la même langue. Je pense que le PS n’est pas en mesure de se relever.

Partez-vous avec le nom et le logo du MJS, aujourd’hui rattaché au Parti socialiste ?

Le Mouvement des jeunes socialistes va prendre son indépendance vis-à-vis du PS. Je le dis simplement, ce n’est pas une question d’étiquette. Si des sociaux-démocrates ou sociaux-libéraux veulent un outil de jeunesse pour continuer à s’engager au sein du PS, je n’y vois pas de problème. Nous leur laisserons le nom s’ils le souhaitent.

Resterez-vous à la tête du mouvement ?

Je reste présidente et je deviens militante de Génération.s. L’objectif est de faire une réforme statutaire lors de notre prochain congrès. Je ne serai plus salariée du PS, nous ne toucherons plus d’argent du PS, nous ne dépendrons plus d’eux.

Le congrès du MJS à Bondy (Seine-Saint-Denis), le 10 février, au cours duquel vous avez été élue est contesté. Plusieurs militants dénoncent des fraudes. Que répondez-vous à ceux qui contestent votre légitimité ?

Je vis très mal ces accusations. Ce congrès s’est passé dans les règles. Ma sensibilité l’emporte à une très large majorité : 70 % des voix. Il y a eu des enjeux qui nous ont dépassés et qui sont le fruit de désaccords politiques. Je veux tourner cette page.

Avez-vous eu des discussions avec Benoît Hamon avant de prendre cette décision ?

Benoît Hamon ne m’a pas démarchée. Je constate qu’il y a une dynamique derrière lui. Je lui ai annoncé que je le rejoignais. Il voit cela d’un bon œil. L’objectif est de se mobiliser pour changer l’avenir. Cinquante ans après Mai 68, le PS est devenu un Ephad.

Vous organisez un congrès le premier week-end d’avril, date du 78e congrès du PS où Olivier Faure doit être intronisé, est-ce une façon de venir le perturber ?

Non. C’est un hasard de calendrier. Nous allons créer une dynamique avec Génération.s. On prévient à l’avance, ce n’est pas un mauvais coup ni un règlement de compte. Je pars tranquille vis-à-vis du PS et je respecte les sociaux-libéraux et démocrates.

Catégories
Politique

Le bilan de la grève du 22 mars 2018

La grève qui s’est tenue hier en France est d’une signification qui n’aura échappé à personne. Tout tourne autour de la SNCF surtout, avec comme question : doit-il exister des secteurs à l’écart du sort de chaque salarié dans le pays ?

On comprend que la question revient à se demander s’il doit exister des couches privilégiées ayant davantage d’acquis sociaux. Pour des raisons historiques, c’est ainsi que les gens se la posent, avec raison.

Car si l’on est réellement de gauche, on sait que le capitalisme peut reculer, mais ne s’aménage pas, et qu’il repart toujours à la charge. L’idée de secteurs protégés formant un État dans l’État est un fantasme de fonctionnaire et donc, osons le dire, de syndicaliste.

Avec tout ce que cela signifie de stupidité, de négation intellectuelle, de refus de changement culturel, également de parasitisme éhonté.

Si l’on veut changer le monde, alors on voit aisément que les syndicats, CGT compris, sont un obstacle. Ils ne veulent pas du changement, ils ont des mœurs réactionnaires, ils font un fétiche d’une vie de salarié qui, pour quelqu’un de gauche, est entièrement borné et doit être dépassé.

Ils sont corporatistes, ils font le jeu de la vie quotidienne dans cette société, ils participent à la reproduction de l’économie fondée sur le profit.

Les travailleurs du privé le voient bien et ne sont nullement attirés par quelque chose qui, somme toute, ne les concerne pas.

Mais, inversement et pareillement pour des raisons historiques, l’attaque d’Emmanuel Macron contre un secteur « à part » se veut également une attaque contre les droits sociaux en général.

Faut-il alors se placer sous l’égide du général Jean-Luc Mélenchon, qui tel un Napoléon Bonaparte entend faire vivre la « grandeur française » ? Sans nul doute que non. Cependant, on peut voir quelque chose de relativement vivifiant à la mobilisation hier d’un peu moins de 400 000 personnes.

35,4% des cheminots, 14,54% des enseignants étaient en grève ; les chiffres sont 12,80 % dans la fonction publique d’État, à 8,11% dans la fonction publique territoriale et à 10,9% dans la fonction publique hospitalière.

Car cela prouve que cela remue dans la société et que – si la Gauche a raison dans sa proposition historique – ce qui va ressortir inévitablement, ce n’est pas un mouvement social, mais une lutte de classes.

Comme, évidemment mai 1968. Ce n’est pas pour rien qu’en mai 1968, la CGT était justement contre le mouvement et que la révolte dans les entreprises est passée par le principe de l’assemblée. Si une lutte comme mai 1968, il en sera de même.

Les syndicats qui font beaucoup de bruit, d’un coup, perdront tout discours contestataire. Et il ne faut pas se leurrer : tant qu’il n’y a pas un tel déblocage, en France la gauche restera fondamentalement bloquée, marginalisée, à l’écart.

Le bruit des syndicats, comme celui des anarchistes qui cassent une banque ou une assurance, comme hier un local d’AXA à Paris, n’est que du bruit. Ce qu’il faut, c’est une mobilisation à la base, que les langues se délient, que des échanges intellectuels puissants aient lieu entre les gens, que le verrou culturel saute.

La lutte de classes est une lutte de la classe, pas un mouvement social encadré par des syndicats, avec des idées bornées, le refus systématique d’assumer de vouloir tout changer. La grève du 22 mars n’a de sens que par rapport à cela. Soit on en parlera dans le futur comme une contribution à une vague comme mai 1968, même une vague petite mais prolongée, soit cela passera dans les oubliettes de l’Histoire.

Catégories
Politique

La naissance du mouvement du 22 mars

Le 22 mars 1968 est une date très importante historiquement, car elle marque la naissance d’un mouvement qui a joué un grand rôle dans le déclenchement de mai 1968 : le mouvement du 22 mars.

En voici le manifeste, consistant en un texte voté par 142 étudiants de Nanterre (2 autres votant contre, 3 autres s’abstenant) occupant dans la soirée et pour la nuit le bâtiment administratif de leur université.

Il part d’une lutte contre la répression, des arrestations ayant suivi le saccage le 20 mars 1968 du siège parisien d’American Express, en solidarité avec le Vietnam. Six personnes avaient été arrêtées, dont Xavier Langlade du service d’ordre de l’organisation trotskiste dénommée Jeunesse Communiste Révolutionnaire, ainsi que Nicoles Boulte, qui jouera par la suite un rôle chez les maoïstes de la Gauche Prolétarienne.

À la suite d’une manifestation organisée par le comité Vietnam naitonal, pour la victoire du peuple vietnamien contre l’impérialisme américain, DES MILITANTS DE CETTE ORGANISATION ONT ÉTÉ ARRÊTÉS DANS LA RUE OU À LEURS DOMICILE PAR LA POLICE.

Le prétexte invoqué était les attentats qui eurent lieu contre certains édifices américains à Paris.
Le problème de la répression policière contre toute forme d’action politique se repose à nouveau.

Après :

Les flics en civil à Nanterre et à Nantes
Les listes noires
La trentaine d’ouvriers et d’étudiants emprisonnés à Caen, et dont certains sont encore en prison
Les perquisitions et arrestations continuelles contre les étudiants de Nantes qui mirent à sac le rectorat…

… Le gouvernement a franchit un nouveau pas. Ce n’est pas aux manifestations que l’on prend les militants, mais chez eux.
Pour nous ces phénomènes ne sont pas un hasard.
Ils correspondent à une offensive du capitalisme en mal de modernisation et de rationalisation. Pour réaliser ce but, la classe dominante doit exercer une répression a tous les niveaux.
La remise en cause du droit d’association pour les travailleurs
L’intégration de la sécurité sociale
Automation et cybernétisation de notre société
Une introduction des techniques psychosociologiques dans les entreprises pour aplanir les conflits de classe (on prépare certains d’entre nous à ce métier)

Le capitalisme ne peut plus finasser.

NOUS DEVONS ROMPRE AVEC DES TECHNIQUES DE CONTESTATION QUI NE PEUVENT PLUS RIEN

Le socialiste Wilson impose à l’Angleterre ce que De Gaulle nous impose.
L’heure n’est plus aux défilés pacifiques comme celui organisé par le SNESUP jeudi prochain sur des objectifs qui en remettent rien en cause dans notre société.

Pour nous l’important est de pouvoir discuter de ces problèmes à l’université et d’y développer notre action.

NOUS VOUS APPELONS À TRANSFORMER LA JOURNÉE DU VENDREDI 29 EN UN VASTE DÉBAT SUR
Le capitalisme en 68 et les luttes ouvrières
Université et Université critique
La lutte anti impérialiste
Les pays de l’est et les luttes ouvrières et étudiantes dans ces pays.

POUR CELA NOUS OCCUPERONS TOUTE LA JOURNÉE LE BÂTIMENT « C » POUR DISCUTER DE CES PROBLÈMES PAR PETITS GROUPES DANS DIFFÉRENTES SALLES.
À chaque étape de la répression nous riposterons d’une manière de plus en plus radicale et nous préparerons dès maintenant une manifestation devant la préfecture des Hauts de Seine.

Catégories
Écologie

Le printemps 2018 s’annonce silencieux dans les campagnes françaises

Le CNRS et le Muséum d’histoire naturelle ont enquêté et abouti à un constat terrible sur la disparition des oiseaux ces dernières années. Voici le communiqué à ce sujet du Muséum national d’Histoire naturelle, dont le titre est « Le printemps 2018 s’annonce silencieux dans les campagnes françaises ».

Les derniers résultats de deux études de suivi des oiseaux, l’une menée à une échelle nationale, l’autre plus localement, viennent de sortir.

Les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et du CNRS arrivent au même constat : les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse.

En moyenne, leurs populations se sont réduites d’un tiers en 15 ans. Au vu de l’accélération des pertes ces deux dernières années, cette tendance est loin de s’infléchir…

Grâce à des ornithologues amateurs et professionnels qui identifient et comptent les oiseaux sur tout le territoire métropolitain, le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs, un programme de sciences participatives porté par le Muséum national d’Histoire naturelle au sein du CESCO1), produit des indicateurs annuels sur l’abondance des espèces dans différents habitats (forêt, ville, campagne etc.).

Les relevés effectués en milieu rural mettent en évidence une diminution des populations d’oiseaux vivant en milieu agricole depuis les années 1990. Les espèces spécialistes de ces milieux, comme l’alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan, ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans. Et les chiffres montrent que ce déclin s’est encore intensifié en 2016 et 2017.

Ces résultats nationaux sont confirmés par une seconde étude menée à une échelle locale sur la Zone atelier « Plaine & Val de Sèvre » portée par le CNRS.

Depuis 1995, des chercheurs du CEBC2 suivent chaque année, dans les Deux-Sèvres, 160 zones de 10 hectares d’une plaine céréalière typique des territoires agricoles français.

En 23 ans, toutes les espèces d’oiseaux de plaine ont vu leurs populations fondre : l’alouette perd plus d’un individu sur trois (-35%) ; avec huit individus disparus sur dix, les perdrix sont presque décimées.

Ce déclin frappe toutes les espèces d’oiseaux en milieu agricole, aussi bien les espèces dites spécialistes – fréquentant prioritairement ce milieu -, que les espèces dites généralistes – retrouvées dans tous les types d’habitats, agricoles ou non.

Or d’après le STOC, les espèces généralistes ne déclinent pas à l’échelle nationale ; la diminution constatée est donc propre au milieu agricole, sans doute en lien avec l’effondrement des insectes.

Cette disparition massive observée à différentes échelles est concomitante à l’intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années, plus particulièrement depuis 2008-2009.

Une période qui correspond entre autres à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, à la flambée des cours du blé, à la reprise du sur-amendement au nitrate permettant d’avoir du blé sur-protéiné et à la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants.

Ces deux études, menées toutes deux sur une vingtaine d’années et à des échelles spatiales différentes, révèlent l’ampleur du phénomène : le déclin des oiseaux en milieu agricole s’accélère et atteint un niveau proche de la catastrophe écologique.

En 2018, de nombreuses régions de plaines céréalières pourraient connaître un printemps silencieux (« Silent spring ») annoncé par l’écologue américaine Rachel Carson il y a 55 ans à propos du tristement célèbre DDT interdit en France depuis plus de 45 ans.

Si cette situation n’est pas encore irréversible, il devient urgent de travailler avec tous les acteurs du monde agricole pour accélérer les changements de pratiques ; et d’abord avec les agriculteurs qui possèdent aujourd’hui les clés pour infléchir la tendance.

1 Centre des sciences de la conservation (Cesco – MNHN/CNRS/SU)
2 Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS/Université de La Rochelle)

Catégories
Culture

Le succès de la série « Stranger Things »

La série Stranger Things connaît un grand succès. C’est une production de la chaîne de streaming Netflix avec deux saisons réalisées et une troisième en cours de tournage.

Des phénomènes surnaturels se produisent lors de l’automne 1983 dans une petite ville de l’Indiana aux États-Unis. On suit une bande d’adolescents dont l’un des leurs a disparu mystérieusement. Le personnage d’Eleven, une autre adolescente ayant des pouvoirs de télékinésie et de télépathie, est à l’origine d’une faille ouvrant les portes d’une dimension parallèle, l’Upside Down, d’où provient une sorte de force maléfique.

La typographie du titre rappel évidemment les romans fantastiques de Stephen King. C’est une sorte de mélange entre les films E.T. the Extra-Terrestrial de Steven Spielberg (1982) et Alien de Ridley Scott (1979).

Pour ce qui est d’E.T., on y retrouve la jeunesse populaire américaines des années 1980, qui a soif de découverte et de connaissances scientifiques, qui roule en BMX, qui a des valeurs progressistes, dans un contexte d’abondance économique.

Pour ce qui est d’Alien, il y a des monstres venus d’ailleurs permettant des scènes angoissantes et fantastiques, frôlant parfois l’horreur.

Les épisodes alternent ainsi entre le rythme agréable et la teneur réaliste d’un film comme E.T., avec le rythme intense, tourné vers le surnaturel et l’absurde comme dans Alien.

Les personnages ont globalement un comportement simple et réaliste, ils sont des figures populaires typiques. Par moment cependant, les comportements s’emballent et les protagonistes n’hésitent pas à prendre des risques insensés, quitte à se jeter littéralement dans la gueule du loup. Cela permet d’appuyer et de faire dérouler le fantastique, les moments irrationnels de l’intrigue.

Cela est clairement infantilisant. Stranger Things propose un contenu riche et sophistiqué, mais le dénature avec ces « phénomènes étranges » qui n’amènent rien d’autre que l’autosatisfaction puérile de jouer à se faire peur devant son écran.

La série crée par les frères jumeaux Mat et Ross Duffer est assurément bien faite. La puissance et la qualité de l’industrie cinématographique américaine est ici indéniable.

L’immersion dans les années 1980 est particulièrement réussie, seuls quelques rares anachronismes ont été décelés par les fans. Le scénario et les dialogues de qualité couplés à la grande unité graphique des épisodes contribuent à créer une ambiance générale agréable, prenante. On est d’ailleurs particulièrement déstabilisé et gêné par l’épisode 7 de la saison 2 qui se déroule entièrement en dehors de cet univers, mais plutôt dans la ville de Chicago. Cela rompt le file et casse l’ambiance.

Les adolescents que l’on suit sont fans du jeu des années 1980 Dungeons & Dragons. Les réalisateurs ont en quelques sortes pris au sérieux ce jeu pour le faire exister dans le monde mis en scène dans la série. Les phénomènes surnaturels sont nommés en fonctions de ce jeu (world upside down, demogorgon).

Les réalisateur ont prétendu donner une caution scientifique à leur oeuvre, en citant Cosmos de Carl Sagan ou bien avec un échange entre les jeunes et leur professeur de physique sur des théories de mondes parallèles (épisode 5 de la saison 1). Cela n’est que de la mise en scène, de l’esthétisme, pour tenter de refléter la culture populaire.

La bande sonore est de grande qualité, avec des chef-d’œuvres des années 1980. L’un des personnage écoute The Clash, une magnifique reprise de Bowie clôture un épisode, on entend du Joy Division, du New Order, du Toto, dans la saison 1, du Scorpions, Queen, Cyndi Lauper, Runaway de Bon Jovi, ou encore Ghostbuster de Ray Parker dans la saison 2.

La bande originale aux accents synthwave composée par le groupe Survive est elle aussi de très grande qualité, contribuant largement à la qualité de l’ambiance.

Autre élément sympathique, cette critique au vitriole de la famille petite-bourgeoise de banlieue que nous offre le personnage féminin de Nancy lors de l’épisode 5 de la première saison. Celle-ci est accentué plus tard par une affirmation féminine de haute volée, lorsqu’elle refuse à nouveau le rôle stéréotypée de femme passive.

Cependant, tout cela ne fait que contribuer à la qualité du décors et à une ambiance générale. Culturellement, on ne peut pas dire que la série Stranger Things apporte grand chose de positif. L’aspect principal est qu’elle propose une fascination improductive et sans contenu pour l’irrationnel, pour des phénomènes surnaturels et des scènes absurdes qui leurs sont liées.

Cela est bien dommage. Il eut été pourtant possible, en faisant preuve réellement d’imagination et de créativité, de proposer quelque-chose d’éminemment intéressant avec un tel cadre. La question écologique est un thème qui a émergé dans les années 1980 et qui a été d’une grande actualité aux États-Unis. Les connaissances à propos du monde bactériel qui ont émergées à cette époque, de son lien avec l’ensemble de la vie sur Terre, de la planète comprise elle-même comme un organisme vivant, auraient pu être des thèmes fascinants.

Cela aurait pu avoir le mérite d’être productif, de faire avancer culturellement l’humanité, comme l’art a su le faire à travers l’histoire quand il sert le camps du progrès.

Mais l’industrie du cinéma, et en l’occurrence Netflix avec le business des séries, ne s’intéresse pas à la culture et à l’héritage culturel. Il pompe, lessive, délave et dénature la culture pour produire des œuvres conformes à l’idéologie de notre époque : rien n’a d’importance, peu importe la vérité, peu importe la réalité.

Catégories
Écologie

Le maire de Compiègne Philippe Marini interdit un rassemblement anti-chasse à courre

Le maire de Compiègne, Philippe Marini, a décidé d’interdire le rassemblement anti-chasse à courre, avant même que celui-ci soit déclaré. C’est un exemple significatif du déni de démocratie d’une Droite décomplexée et le prolongement d’une répression déjà dénoncée dans une tribune (que nous avons signée).

On comprend pourquoi, dans leur bande dessinée intitulée La Présidente, qui raconte la victoire hypothétique de Marine aux présidentielles de 2017, François Durpaire et Farid Boudjellal aient fait en sorte de placer Philippe Marini comme secrétaire d’État aux Finances du nouveau gouvernement.

Le CV du maire est également édifiant. Comme études : sciences-Po, l’ENA, licence de droit à Assas…

Puis un parcours institutionnel de haut vol : professeur à Sciences-Po et à l’IUT de Compiègne, directeur adjoint (1979-1982) puis directeur des services financiers du Commissariat à l’énergie atomique (1982-1989), membre du directoire de la banque Arjil de 1989 à 1994, avocat à la cour de Paris, inspecteur des finances, membre de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts de 2002 à 2008, rapporteur général de la Commission des Finances du Sénat, président de la commission des finances, sénateur de l’Oise,  président de la communauté d’agglomération de Compiègne, Secrétaire général de la Section française de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, membre du Comité national de l’Euro, membre du Conseil national des assurances, membre du Conseil national du crédit, chargé d’une mission temporaire auprès du Premier ministre, président du Syndicat mixte de la Vallée de l’Oise, président de l’association Seine Nord Europe, membre du Conseil d’Administration de l’université de technologie de Compiègne, président de l’Association des lauréats du concours général de 2011 à 2018…

Celui qui est également président du groupe France-Arabie saoudite-Pays du Golfe au Sénat avait également demandé à la fin des années 2000, sans succès, que soient déductibles des impôts les pertes boursières issues de la crise financière de fin 2008.

Finalement cela résume tout et on aurait pu commencer par là pour cerner le personnage.

Et rappelons – l’anecdote a son importance – que François Ruffin n’a pas signé la tribune mentionnée plus haut et qu’il ne s’oppose pas à la chasse à courre, ni à la chasse en général. Cela reflète bien son manque de fond culturel réellement de gauche.