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Appel des socialistes serbes au monde civilisé (1918)

Le document suivant est un témoignage poignant, les socialistes serbes racontant les dramatiques événements qui frappent leur pays en 1918, alors que des forces étrangères interviennent de manière sanglante.

L’appel au monde civilisé souligne l’importance de l’unité face à la barbarie. La préface est de Camille Huysmans, une figure très connue de la social-démocratie de Belgique, qui fut également notamment nommé secrétaire de la seconde Internationale en 1905.

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L’échec de Star Trek Discovery à un retour aux sources

Star Trek Discovery est une nouvelle série américaine dont la diffusion a débuté en septembre 2017. On a pu déjà voir neuf épisodes de la première saison, les six derniers étant diffusés à partir du 7 janvier 2018.

Les événements de la série ont lieu une dizaine d’années avant ceux de la série originelle des années 1960, cependant la série se distingue principalement des autres séries et de l’univers Star Trek en général sur deux points.

La première saison est dès le début, et jusqu’aux derniers épisodes diffusés, marquée par une guerre (celle avec l’empire Klingon) et elle est centrée sur la vie d’un personnage. Or, s’il y a des conflits et de guerre présents dans Star Trek, à aucun moment une guerre ne prend autant de place dans l’opus…

Et cela encore moins au tout début d’une série. Star Trek est avant tout une tentative de présentation d’un monde unifié, en paix, tourné vers la bienveillance. C’est l’une des différences majeures avec Star Wars, qui relève de la fantasy dans un contexte spatial.

De plus, si à l’origine certaines personnages ont eu plus d’importance que d’autres dans les différents films et séries, aucun n’a autant monopolisé l’attention que l’héroïne de la nouvelle série, Michael Burnham.

Cette nouvelle série brise donc le fondement même du Star Trek de Gene Roddenberry : critiquer le présent à travers une utopie en évitant la personnalisation, même si c’est à travers des personnages que l’on découvre les événements.

L’origine du problème est relativement simple : au lieu de proposer un futur qui critique le présent, Discovery fait surgir notre présent dans le futur de Star Trek.

Il n’y a plus l’unité qu’il y avait auparavant : avancées technologiques, progrès médicaux, raffinement culturel, etc. Le seul progrès ici est d’ordre technologique…

Comme si les progrès technologiques n’avaient pas de limite, tandis que nous approcherions des limites de tout ce qui est d’ordre culturel et moral.

Cela revient ni plus ni moins à briser toute utopie. Pourquoi ? Parce que le simple fait de poser une pseudo critique (de certains aspects) du présent dans ce qui est censé être une utopie revient à dire que dans deux siècles l’humanité se posera toujours ces questions. Si elle se les pose toujours, c’est qu’il est impossible d’y apporter une réponse. Star Trek Discovery tue le futur en y incorporant de force une époque relativement barbare.

Dans Star Trek à l’origine, on ne pose pas la question du racisme, mais on y répond en montrant que dans le futur, il y a des gens de toutes couleurs de peau et que la couleur ne compte pas. Lorsque est posée la question de la guerre, des conflits, c’est à travers la présentation de monde arriérés, qui doivent progresser encore.

Prenons un exemple. La question des animaux et du rapport à la nature est une question brûlante de ce début du XXIe siècle. Il est clair qu’un futur où la chasse à courre, la vivisection et l’industrialisation de la mort d’être vivants continuent d’exister n’a plus rien d’utopique. Même l’Utopie de Thomas Moore publié au début de XVIe siècle repoussait déjà la mise à mort d’animaux du cœur de son utopie.

Cette question a déjà été comprise ne serait-ce que partiellement dans différentes œuvres : pensons à Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (aussi publié sous le titre Blade Runner), ou  encore au quatrième film Star Trek : Retour sur Terre. Ces œuvres ont plus de trente ans.

Qu’en est-il aujourd’hui avec Star Trek Discovery ? Tout cet héritage est nié. Ceci se voit à travers le tardigrade spatial. Il s’agit d’un animal colossal retrouvé sur un vaisseau, et retenu en captivité afin de l’étudier afin de développer de nouvelles armes. Aucune dignité n’est reconnue à cette forme de vie. Le capitaine justifie et justifiera toutes ses décisions le concernant par la guerre avec l’empire Klingon. L’héroïne de la série est tout d’abord réticente mais accepte.

Rapidement, le scientifique de l’équipage comprend le rôle de l’animal sur le vaisseau où il a été trouvé et capturé : il permet de stabiliser et d’améliorer le nouveau système de navigation du vaisseau (passons les détails sur la vision délirante et anti-scientifique de l’univers qui va avec).

Comment ? En étant attaché dans une cellule transparente au coeur de la salle d’ingénierie et en souffrant à la vue de tous.

L’héroïne comprend que l’animal souffre mais ne réagit pas fermement : elle commence par accepter, puis tente de convaincre le capitaine qu’il faut arrêter. Pendant ce temps, les voyages continuent et le tardigrade alterne sa cellule de captivité et sa cellule de torture.

Où est la civilisation lorsque devant de tels actes tout le monde reste passif ? Comment peut-on penser que dans une civilisation avancée, une telle ignominie puisse exister ?

La question qui est posée ici est celle de la vivisection. Mais elle est posée selon les critères de notre époque – et même pour notre époque, elle est posée d’une manière grossière. La poser de cette manière c’est admettre plus qu’à demi-mot que l’humanité sera toujours capable de barbarie dans deux siècles.

Star Trek Discovery s’imagine donc « progressiste » parce qu’elle aborde, entre autres, la question des animaux à travers la vivisection. Toutefois, il n’en est rien. Le discours est libéral ; il n’y a plus d’universel, il n’y a que des individus avec différentes sensibilités.

Certains sont amenés à faire de mauvais choix, d’autres à en faire de bons. Il n’y plus de société comprise comme un tout. Il n’y a plus un ensemble qui avance vers toujours plus de progrès : l’individu est ici un horizon indépassable.

Cette importance de l’individu se voit avec la place centrale qu’occupe Michael Burnham et son passé. La série nous en apprend plus sur son passé que sur celui de n’importe quel capitaine ou officier dans toute une saison d’une autre série.

Pour souligner ce caractère central, le personnage qui est une femme a un nom d’homme, une absurdité servant à surfer sur la question du « genre » et de l’identité. Afin de bien renforcer cela, ce personnage a été sauvé de la mort par un Vulcain.

Les Vulcains forment une espèce extra-terrestre plus avancée technologiquement que l’humanité qui a fait le choix de se défaire de ses émotions pour ne plus vivre que selon la logique. Ils symbolisent la rationalité : dans la série à l’origine, le personnage de Spock, Vulcain, faisant le pendant au côté émotionnel tête brûlée du Capitaine Kirk.

C’est une manière de philosopher sur comment combiner émotion et raison. Là, on a droit à un questionnement identitaire de Michael Burnham se demandant si elle doit céder aux sentiments, avec tout un questionnement existentiel sur son rapport avec son père.

Cette personnalisation correspond vraiment à une incapacité à revenir aux sources de Star Trek. On pourrait, somme toute, faire un parallèle avec les gens de gauche comme Benoît Hamon, qui choisisse d’être des Emmanuel Macron de gauche plutôt que de revenir aux sources.

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Politique

PS 31 : « L’Humanisme des Lumières aujourd’hui » ou le socialisme du 21ème siècle

« L’Humanisme des Lumières aujourd’hui » ou le socialisme du 21ème siècle

Pour une société des Nouveaux Possibles

(Réflexion issue des travaux de refondation et des rencontres avec les militant.es de la Haute-Garonne

Sébastien Vincini – 1er Secrétaire fédéral #PS31)

Le PS vient de subir sa plus importante défaite électorale. La seule arithmétique électorale ne peut masquer ce qui est en réalité une défaite politique et idéologique. Cela remet en cause l’idée même de notre utilité voire même notre existence.

Elle clôt un chapitre important de l’histoire des socialistes commencée en 1971. Ce qui frappe dans la séquence électorale de 2017, c’est l’amplitude et la violence de notre défaite. Il s’agit là, en miroir, de la contrepartie de l’espérance que notre accession au pouvoir avait faite naître.

Cela doit nous rappeler que la gauche au pouvoir, c’est plus que la gauche, c’est un symbole.

Comprendre nos défaites, être lucide sur nos échecs et notre aveuglement.

La forme contemporaine du libéralisme, le libéralisme connecté ou libéralisme 4.0 se traduit par des mutations technologiques et sociétales d’une ampleur considérable. Elles s’accompagnent d’une multitude de peurs, de craintes, d’espoirs imprécis et d’un sentiment largement partagé d’être exclus de ses bienfaits potentiels.

Durant le précédent quinquennat, nous n’avons pas su entendre ces peurs et nous les avons même amplifiées en ayant eu une croyance aveugle dans la compétitivité mondiale et dans les seuls outils de régulation qu’offrait alors la pensée sociale-démocrate. Du CICE à la loi travail, nous avons donné le sentiment de nous soumettre à la toute-puissance d’une idéologie technico-financière, oubliant la réalité des gens, la place des citoyens.

Aujourd’hui, Emmanuel MACRON a réussi l’unification de l’ensemble des libéraux, ceux issus de la droite historique et ceux de la gauche, véritables fossoyeurs de la gauche gouvernementale. Le pragmatisme affiché de ce nouveau monde, dépassant en apparence le clivage gauche/droite, n’est que le prolongement d’un libéralisme politique au service de la finance mondialisée et immatérielle.

Nous redéfinir. Nous interroger.

Pour se redéfinir, le socialisme du 21ème siècle doit nommer son adversaire, comprendre les mutations de son temps et retrouver l’idéal humaniste des Lumières, qui assimile le progrès technique au progrès social et humain, et aujourd’hui environnemental.

À qui profitent les fruits de la croissance, même mineure, la création de richesses générées par les progrès technologiques et numériques ? Le constat est implacable… À quelques uns, pour quelques uns… au détriment du plus grand nombre, de l’humanité dans l’universalité de sa dignité, des ressources naturelles de notre unique biosphère.

Nous confronter au réel. Comprendre les douleurs contemporaines.

Le territoire est l’espace de l’activité et de la vie, il porte les stigmates des troubles profonds de notre société, il est le révélateur le plus immédiat que chacun peut constater. La perte de repères, la solitude, la désertification tout autant que la concentration urbaine, la pollution, la précarisation et la ghettoïsation, se traduisent dans sa déstructuration, dans sa fracturation. C’est par lui aussi que s’annoncera la reconstruction. C’est pourquoi il est, et doit être au centre de la refondation du PS. Le territoire, c’est le réel.

Le libéralisme 4.0, cette économie moderne se déploie dans l’urgence et sans avoir été pensée avec suffisamment de profondeur alors que le système actuel présente tous les symptômes de sa fin : inégalités spectaculaires et croissantes dans le Monde, et chômage de masse, précarisation croissante de pans entiers de la société qui se pensaient jusqu’alors à l’abri, délitement des liens et des espaces de solidarité, en France.

Ce libéralisme par sa vitesse, sa force, s’impose avec brutalité. Il se traduit par une double peine de précarité : précarité matérielle et sociale ; précarité onirique (envie d’avoir envie, plus de perspective).

Ce libéralisme abandonne les liens sociaux aux rapports de force, et accroît la fracture de la société entre perdants et gagnants. Il sape le principe d’égalité citoyenne, entre ceux qui vivent une mondialisation heureuse et les laissés pour compte, les oubliés, les exclus.

Les sentiments de frustration, de désespérance, d’injustice, ouvrent des espaces à l’individualisme, au chacun pour soi, mais aussi au repli identitaire, au communautarisme, à l’entre soi, qui fondent le terreau de la montée des populistes xénophobes.

En agissant ainsi, c’est toute la société qui fait fausse route. Nous sommes devant un choc de civilisation. Aimé Césaire l’a dit : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une société décadente ».

Beaucoup, dans les territoires, se pensent du côté des perdants, éprouvent un sentiment de dépossession et de déclassement ; et aspirent parfois à une pause face à l‘évolution accélérée de l’innovation technologique. C’est ce qu’ils expriment dans des expressions populaires de plus en plus répandues qui revendiquent un « comme autrefois » ou un « comme avant » trop souvent nostalgiquement idéalisés.

Notre société a besoin d’être rééquilibrée entre affichage de la puissance (vitesse, mondialisation, intelligence artificielle) et l’exigence populaire, au risque d’une déchirure irrémédiable du lien social, qui rappelle que le progrès doit être social et partagé et non un facteur de déshumanisation.

La performance ne peut et ne doit pas être un alibi à la revendication de puissance de quelques-uns.

Nous devons en effet affronter une mécanique de spoliation à l’œuvre. Un système d’intelligence artificielle (que résume l’ensemble formé par les données, le big data, le numérique et l’internet des objets) prétend s’imposer à partir de données qui sont pourtant le bien commun, nos données personnelles et collectives.

« Les plateformes et services numériques qui peuplent notre quotidien se multiplient tous les jours. Sociabilité ordinaire, travail, loisir, éducation : la quasi-totalité de notre vie sociale est peu à peu colonisée par des appareils, des réseaux, et des services en ligne qui deviennent les adjuvants utiles mais aussi envahissants de notre vie personnelle, professionnelle et publique. »

Décrivons le processus en cours de captation du pouvoir, des ressources et de la richesse ; l’exemple de la concentration à l’extrême des multinationales numériques que sont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Aujourd’hui, ces géants du numérique régissent le cœur informationnel de nos sociétés.

La libéralisation et le partage des données est le nouveau carburant des nouveaux modèles économiques. A quelle fin ? maitriser nos consommations ? orienter nos cultures ? déployer une économie prédictive ? nul besoin de répondre.

Pour autant, le partage de données, les algorithmes constituent une formidable opportunité de revisiter l’ensemble des stratégies publiques. Les Nouveaux Possibles, qui vont en résulter, sont, de fait, des biens communs. Ils ne peuvent faire l’objet d’une appropriation abusive, d’une spoliation.

Ces « biens communs » concernent en effet l’ensemble du patrimoine de vie des territoires, c’est-à-dire de tout ce que nous partageons en commun, essentiel à la vie humaine : des éléments naturels (l’eau, l’air, la terre) à la culture, en passant par les espaces d’échanges numériques et les mécanismes de solidarité…

Les technologies modernes permettent, grâce aux données qui les contiennent, de construire les nouveaux usages. Ils peuvent déboucher sur les Nouveaux Possibles, des nouveaux modèles de transition énergétique, de gestion de l’eau, de mobilité, de réorganisation du travail, de prévention dans la santé. Les données ainsi maitrisées sont « l’énergie motrice » des projets de territoire résilient.

Il faut définir ces communs, ces nouveaux espaces entre l’opposition binaire de l’Etat et du Marché. Ces « communs » ne peuvent faire d’objet d’une appropriation privée car nous pensons, nous, humanistes qu’il n’y aura pas de progrès de la performance sans progrès social partagé.

Ce besoin de rééquilibrage doit être notre combat politique. Il concerne l’action publique dans les territoires tout autant que le rôle de l’Etat. Plus que jamais sa mission régalienne, au service de la cohésion sociale, de la formation, de la justice et de la sécurité, la réaffirmation des valeurs républicaines et la laïcité, conditionne cette étape contemporaine de progrès.

Mais l’émergence des communs et d’une économie du partage doit aussi nous interroger sur la notion même de service public et de propriété, de ses caractères les plus exclusifs que sont l’usage, l’héritage et la rente.

La reconquête. Inventer les Nouveaux Possibles.

Les territoires, métropoles comme bassins de vie, sont projetés frontalement dans la concurrence internationale. L’Etat doit les soutenir, harmoniser leurs relations au sein de la nation et de l’espérance européenne.

La social-démocratie s’est construite autour d’un modèle économique, d’un marché, qui appelaient régulation et redistribution. Les valeurs de justice et de partage qui la fondent sont toujours d’actualité mais elles doivent être repensées dans ce contexte de choc de civilisation.

Face à ce choc de civilisation, nous avons le devoir de proposer un choc de confiance dans l’avenir. Nous l’avons souligné, les territoires sont les premiers révélateurs de ce « malaise dans la civilisation » (pour plagier l’expression de Freud qui annonçait la grande crise humaine, économique et sociale de la première moitié du 20ème siècle) … Mais ils sont aussi et surtout les territoires de la reconquête :

  • Lieu d’écoute des nouvelles douleurs contemporaines (le réel)
  • Place légitime à reconquérir pour le PS ; la gauche du réel
  • Lieu de l’action concrète, de l’expérimentation, de l’innovation sociale

C’est pourquoi le PS doit proposer un projet de société des Nouveaux Possibles, c’est un modèle de production de confiance dans la maîtrise des mutations en cours, le modèle de confiance productif dans de la mutation écologique.

Notre projet doit être guidé par l’exigence de « vies dignes » pour tous, par l’Homme. Les citoyens attendent qu’on prenne en compte leur envie de « vraies vies » et qu’on réponde à leurs attentes :

  • En leur apportant la protection qui est un droit des « vies dignes » et en renforçant leur confiance par une assistance bienveillante à laquelle ils ont droit (tiers de confiance, intimité numérique)
  • En faisant confiance a priori aux citoyens, en arrêtant de les cliver, en retrouvant la Nation.
  • En les accompagnant dans leur prise de conscience pour des actes responsables (écologie, valeurs éthiques etc.)
  • En traçant un idéal, celui des Nouveaux Possibles auquel ils se sentent associés.

C’est un modèle humaniste d’exigence écologique qui privilégie l’Homme dans l’adaptation au changement climatique.

C’est un modèle horizontal qui valorise l’autonomie et la responsabilité dans les rapports humains en accompagnant les mutations du travail et qui invente de nouvelles formes de gouvernances.

C’est un autre modèle de protection sociale proposant un nouveau contrat social, un modèle de confiance en l’Homme où par exemple les innovations sociales, comme l’expérimentation du revenu de base, pourraient constituer le lien unifiant tous les citoyens, pour faire nation et donner confiance en l’avenir.

C’est un modèle de créativité qui est une valeur essentielle de la société actuelle et le lien entre les générations, entre les divers niveaux de territoires, entre les technologies et l’humain.

Aujourd’hui, la créativité est au centre des métiers du numérique (applications), elle est l’énergie des innovations de terrain, et elle demeure une digue efficace contre les dérives autoritaristes. C’est également l’enjeu stratégique des modèles industriels (Innovation, disruption).

C’est un modèle de démocratie permanente, de souveraineté des citoyens. Nous devons imaginer les outils de la démocratie permanente où le pouvoir des citoyens ne s’exprime pas simplement à chaque élection mais dans la gestion quotidienne des biens communs.

La perte ou le ressenti de perte de libertés individuelles est au cœur du malaise social et de la défiance envers le politique. La construction d’une démocratie permanente devra s’appuyer sur l’autonomie éclairée des citoyens et sur les principes de transparence, de contrôle et d’évaluation.

C’est un modèle d’émancipation et d’accomplissement de chacun par l’accès de tous à l’éducation, à la culture, à l’art, parce que « la liberté commence où l’ignorance finit ». Les socialistes peuvent s’enorgueillir d’avoir mis en place le statut d’intermittent du spectacle qui est envié dans le monde. N’est-ce-pas dans les périodes difficiles qu’il faut justement miser sur la créativité, la culture, les arts ?

Nous devons proposer de bâtir la deuxième phase de l’exception culturelle. A contre courant de l’uniformisation, qui génère pertes de repères et d’identité, il faut approfondir l’exception culturelle. Cela veut dire l’élargir à l’art de vivre, mais également à la toile numérique, vecteur d’uniformisation dans un monde où tout se dématérialise. Et pourquoi pas aux communs ? L’exception culturelle doit être la plus belle réponse dans ces temps de doute et nous sommes légitimes pour cela.

Consensus, efficience et cohésion habitent nos propositions. Pour le PS le travail de réflexion et de recomposition est imposant. Il s’agit, à la fois, de retrouver la confiance et la proximité avec les citoyens en plein doute et d’être capables de leur proposer l’espérance des Nouveaux Possibles.

Les territoires sont l’espace naturel de ce nouvel élan.

Le rôle du politique est de veiller à la gouvernance, à la protection, à la confiance pour instaurer le cercle vertueux d’un progrès social partagé, idéal des Lumières, autour de ces biens communs.

Le Socialisme a une longue histoire. Il change, il évolue, il s’adapte, il se contredit parfois. Mais comment pourrait-il en être autrement ? En paraphrasant Spinoza, « pour persévérer dans son être », dans un monde où tout change, où rien ne demeure, nous devons sans cesse nous rénover, nous renouveler. Soyons les « défricheurs » de Nouveaux Possibles et inventons le socialisme du 21ème siècle.

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Le sens de la polémique quant à « Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi »

Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi a été un très grand succès du box-office en France, dépassant les quatre millions de vues. Cependant, il a révélé un immense conflit d’interprétation.

La presse internationale a considéré que le film était une réussite dans la forme, même si l’on pouvait aussi regretter que le scénario est particulièrement redondant, puisant aux autres épisodes. Le public, par contre, a considéré qu’il connaissait un outrage. La pétition lancée aux États-Unis et demandant le retrait de l’épisode VII du « canon » de la saga a rassemblé 75 000 signatures.

Interpréter cette différence d’interprétation révèle beaucoup de choses et la première, c’est que désormais Star Wars relève de l’univers Disney, dans la forme et dans son contenu. Cet univers est profondément de culture protestante, avec la question du doute généralisé et angoissant, de l’engagement moral avec le choix entre le bien et le mal, avec des personnages révélant une certaine faiblesse par rapport à des événements plus forts qu’eux.

Bien entendu, il ne faut pas ici s’attendre à un questionnement intellectuel, mais à une déviation du protestantisme sur un mode commercial de masse, avec tout le côté caricatural qui va avec.

Or, Star Wars appartient historiquement à une lecture relevant du fantastique, sous la forme du Space Opera. On a donc une combinaison de culte de la supériorité « naturelle » et de la magie, dont les jedis, avec leur spécificité dans le sang, sont les grands représentants.

Le public a donc reproché à Disney d’avoir sabordé cette dimension fantastique au profit de sa propre lecture et le grand symbole de cela, c’est le sort réservé à Luke Skywalker.

Son côté faible et son refus de la tradition jedi, associés au caractère « fort » de personnages secondaires, a heurté de plein fouet le culte de la « supériorité ». Le rôle secondaire, voire inexistant de la « force » a totalement perturbé.

L’humour régulièrement présent a été considéré comme une insulte à la dimension épique. Le petit passage où Chewbacca veut manger un Porg rôti devant d’autres Porgs, pour finalement ne pas le faire en raison de son sentiment de culpabilité, a également choqué.

Toutes ces critiques sont à la fois naïves et fausses. D’abord, parce que Star Wars est un produit commercial de bout en bout et que le principe de la force relève du mysticisme le plus complet. Vouloir donc une continuité rationnelle pour Star Wars n’a donc aucun sens : tout dépend des choix subjectifs des studios, ainsi que de l’imagination délirante des scénaristes.

Ensuite, parce qu’il y a une dimension nostalgique foncièrement régressive qui s’exprime. Les épisodes IV-V-VI relèvent du Space Opera, mais les épisodes I-II-III sont remplis d’éléments simplistes, enfantins, aberrants, etc.

Cela fait bien longtemps qu’il n’y a plus cette dimension « mystique » sérieuse et finalement on retrouve dans l’attitude des fans de Star Wars le même comportement irrationnel que chez les fans de Dune ou du Seigneur des anneaux.

Il y a une telle fuite dans un monde imaginaire totalement coupé de la réalité que les réactions sont exacerbées, les vanités hypertrophiées, le sentiment de trahison complet dès qu’il y a la perte des habitudes, des repères traditionnels.

Tout cela montre bien le formidable niveau d’aliénation qui existe dans la « société de consommation »: on vend du rêve et une fois ce rêve se révélant faux, on éprouve une nostalgie régressive, sans remettre tout à plat, sans rien remettre en cause.

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Columbine : « Enfants terribles » (2017)

Le collectif musical Columbine a connu un immense succès dans la jeunesse française en 2017 avec plusieurs millions de vues pour chacun de leurs clips sur YouTube. Cela prolonge le grand succès qu’ils avaient rencontré en 2016, presque uniquement via internet et le bouche-à-oreille dans les lycées.

Leur premier album Clubbing for Columbine était un patchwork rap/electro protéiforme, une sorte de grand jet plein de bonnes choses, mais partant dans tous les sens.

Leur second album Enfants terribles sortie en avril 2017 affirme pour sa part une véritable identité, avec une grande unité musicale et une production de haute qualité.

Columbine est un collectif de jeunes artistes ayant un grand sens de l’esthétique. Les principaux membres se sont d’ailleurs rencontré au lycée dans une section « Cinéma-Audiovisuel ».

Cela produit une musique très moderne, avec des textes de qualité, bien posés sur des instrumentales efficaces. Autrement dit, ce sont de jeunes musiciens qui savent faire de la musique. Et qu’en font-ils ? En bons artistes, ils expriment leur époque.

Le terme « Enfants terribles » est récurent dans l’album. C’est le fil conducteur qui exprime en quelque sorte le mal-être de la jeunesse, de l’adolescence au début de l’âge adulte.

La vulgarité, très présentes et difficilement supportable par moment, est une volonté d’authenticité, de réalisme. C’est aussi, on l’imagine, un moyen d’affirmer le refus du conformisme, des rapports sociaux faux et dénaturés, superficiels, trop simples. Le titre éponyme de l’album est à ce sujet très parlant.

La vulgarité semble être ici un moyen de garder de la distance avec le sujet, comme s’il était trop difficile d’exprimer ses sentiments autrement sans tomber dans la niaiserie ou dans quelque chose de faux.

Le titre Rémi est quant à lui certainement le plus abouti de l’album. L’univers du groupe, son message, son ambiance, est excellemment délivré. Le couplet de Fauda (le deuxième) est particulièrement impressionnant. Il dégage une véritable puissance, de part la vitesse d’élocution et la qualité du texte.

On est toujours dans la thématique du mal-être de la jeunesse et le refrain « Qu’est-ce qu’on s’emmerde » est là encore plein de sens.

Le titre Été triste est peut-être le plus classique de tout l’album, le plus accessible. La thématique est simple et populaire, abordées plus légèrement que dans les autres morceaux. Et c’est très réussi.

Le titre Talkie-Walkie, avec son clip, est le plus travaillé, le plus professionnel. Il est aussi le plus « radio-edit », c’est-à-dire qui pourrait tout à fait passer en radio, et le clip à la télévision.

C’est un morceau de grande qualité, sans lissage ni formatage insipide. Cependant, Talkie-Walkie exprime toute la contradiction du groupe. On ne sait jamais si on est dans la dérision simplement divertissante ou bien dans la critique sociale plus profonde.

Faut-il comprendre ce titre comme le récit humoristique de la vie d’un dealer ou bien est-ce une métaphore ? Que faut-il penser de la drogue d’ailleurs ? Columbine la critique dans certaines paroles, mais relativise ailleurs en l’assumant.

Cette ambiguïté, à propos de la drogue mais pas seulement, est omniprésente dans leur démarche. Elle est typique de l’époque, à l’image d’une jeunesse qui se cherche, qui a des exigences culturelles et sociales élevées, mais qui est incapable de faire des choix tranchés.

La jeunesse française a choisi la dérision et le détachement comme moyen d’éviter la réalité. Mais à ne rien assumer, on ne fait que subir la réalité.

Columbine en est certainement là. Le titre Château de Sable qui conclue brillamment l’album montre d’ailleurs qu’ils se posent des questions, sur leur avenir, sur leur démarche, etc.

Vont-ils continuer dans le détachement et l’attitude « d’enfants terribles », ou bien vont-ils prendre leur métier d’artistes au sérieux ? Vont-ils contribuer à transformer toujours plus le rap français en de la simple variété française ou bien vont-ils participer en tant qu’artistes à changer le monde ?

Pour l’instant, ils ont du recul par rapport à leur succès et ne semblent pas vouloir sombrer dans la célébrité, l’argent facile. Leur volonté de rester simple et accessible est tout à fait louable. Mais ils marchent sur un fil car cela n’est pas évident.

Autant ils s’affirment comme populaires et ancrés dans la réalité populaire quand ils assument de supporter le Stade Rennais, leur club de football local. Autant ils frôlent le populisme quand ils assument d’écouter Jul « comme tout le monde », alors que ce dernier produit une musique d’une nullité affligeante et d’un niveau culturel déplorable.

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Société

Drame de Millas : « Mais toi continu de danser et danser encore là haut »

La collision le 14 décembre 2017 entre un car scolaire et un TER au passage à niveau de Millas dans les Pyrénées-Orientales, causant six morts et six blessés graves, a profondément traumatisé une large partie de la société.

La question de savoir si le passage à niveau était fermé ou non lors du passage du bus est ainsi devenue un thème d’actualité dans la vie populaire. Plus de 50 000 personnes ont signé une pétition en faveur de la conductrice du bus, considérant qu’aucune personne n’aurait sciemment défoncé une barrière abaissée et qu’elle est accusée car la SNCF cherche à se dédouaner de toute responsabilité.

On oscille ici entre critique de l’opacité et de la mauvaise foi de l’Etat, de son mépris des gens, et complotisme. Il y a beaucoup d’aspects dans ces sentiments et ressentiments.

Un message écrit par la mère d’un enfant tué a également beaucoup marqué les esprits. Le voici, les lignes ont été sautées, le message étant normalement publié d’un bloc sur facebook.

Mon Teddy Dlple

💔Ce jour là, nous devions fêter mon anniversaire à ton retour. Je t’ai déposé comme chaque matin à l’arrêt de bus pour partir au Collège.

Tu m’as fais un grand sourire et signe de la main et nous avons passé notre journée chacun de notre côté. Puis……..tu n’es jamais revenu.

Je devais te récupérer à l’arrêt du bus. Tu finissais à 16h. J’ai attendu. Pensant qu’il y avait du retard j’ai attendu encore puisque c’était déjà arrivé. Inquiète ensuite ne voyant pas le bus arriver, j’ai téléphoné au Collège pour savoir s’il y avait du retard et ils m’ont répondu que le bus avait eu un accident et qu’il fallait que je rejoigne.

Arrivée à mi chemin la gendarmerie avait bloquée l’accès et ils m’ont demandé de me ranger sur le côté. Je leur ai dit que tu devais prendre ce bus.

Ils ont commencé à prendre toutes les coordonnées mais je ne savais pas encore ce qu’il se passait. Lorsque j’ai voulu prévenir ton frère, je suis tombé sur un article disant qu’un train avait percuté un bus scolaire et la photo montrait cette scène du bus éventré.

J’ai entendu les hélicoptères (tu étais dans l’un d’eux…je ne le savais pas encore) et toutes sortes de sirènes et là j’ai compris.

L’horreur, l’impensable, l’inimaginable. Puis tout s’est enchaîné…………et lorsque j’ai pu te retrouver enfin très tôt le lendemain, tu étais méconnaissable, tellement abîmé.

Comment un petit corp aurait pu supporter un tel choc. C’est horrible. Mais tu t’es battu. Arrêt cardiaque. Tu étais dans un coma profond et ton cerveau était littéralement endommagé.

Ton corps meurtri de coupures et erraflures, les tibias cassés, la mâchoire fracturée…je n’ose imaginer l’impact. Et cette image du bus dans ma tête….comment supporter ça.

Apparemment tu n’as pas souffert. Mais ce n’est pas dans l’ordre des choses. Tu n’avais que 11 ans.

Ta vie était bien remplie mais elle ne faisait que commencer. Tu aimais aller au Collège, tu travaillais bien, tu avais beaucoup d’amis. Toujours souriant, les yeux pétillants, joyeux, farçeur, plein de vie.

Et ta passion pour la Danse. Tu aimais tellement, tellement danser, rejoindre cette autre famille, ta partenaire, les pistes et les compétitions.

Tu voulais aller loin dans la danse, tu étais toujours partant, tu disais souvent en rigolant que tu voulais beaucoup d’enfants et qu’il fallait profiter de la vie. Comment profiter de la vie maintenant que je t’ai perdu?!

Tout s’est écroulé alors que tu sortais de Collège pour rentrer à la maison à 4km de chez nous.

Je suis restée avec toi et je t’ai vu te battre jusqu’à ton dernier souffle. Maintenant la vie n’a plus de sens sans toi. Je suis dévastée. Perdre son enfant c’est tragique mais dans de telles conditions c’est insoutenable. Je suis dévastée. La vie n’a plus de sens.

Mais je dois moi aussi me battre car ton frère est détruit par ce qu’il t’ai arrivé. Pourquoi toi? Ce jour là? A ce moment là? De cette façon?

Noël aussi n’a plus de sens. Il te tardait tant. Il n’y a pas pire souffrance que de vivre une telle épreuve. Je t’aime fort mon coeur, de tout mon coeur. Je souffre à un point si tu savais…

Mais toi continu de danser et danser encore là haut. De rire et t’amuser.

Ne t’arrêtes surtout pas. Rien ne te ramènera je sais mais on connaitra un jour la vérité. Cette vérité. Je me battrais pour ça. Le destin a frappé ce jour là. Comment vivre après ça?

Bisoux mon coeur, mon titi d’amour. Je t’aime fort. On t’aime tous et on pense à toi et à tous tes copains.💫💕

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Société

Emmanuel Macron et le coup de fil en direct de Cyril Hanouna

L’émission Touche pas à mon poste! de Cyril Hanouna est connue des gens disposant d’une conscience culturelle pour être un monument de stupidité, de vacuité, de destruction de l’intelligence. Emmanuel Macron qui se veut si moderne a pourtant participé à la mascarade que représente cette émission, en acceptant d’être appelé en direct pendant l’émission le 20 décembre 2017.

Jouant la carte de l’humour et n’hésitant pas à saluer Cyril Hanouna, Emmanuel Macron s’est révélé excellent dans ce petit exercice de négation de la pensée. Quatre jours plus tard, il rééditait une telle opération en accordant une interview au pathétique site Konbini, un « site d’infodivertissement ».

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Société

Prendre conscience des suicides et des tentatives de suicide

Selon les différentes études officielles, il y aurait environ 12,3 suicides pour 100 000 habitants en France (chiffres de l’OMS pour l’année 2015), soit environ 10 000 suicides par an.

Ce chiffre ne doit pas en cacher un autre, les tentatives de suicide : environ huit fois plus d’hospitalisations suite à une tentative de suicide. Ils sont difficiles à établir précisément mais il ressort que la France est en tête parmi les pays d’Europe, encore un triste record.

Comment en arrive-t-on là ? Comment la société en arrive-t-elle à pousser des personnes à se donner la mort ?

Le suicide tue plus que les accidents de la route. Il existe des campagnes de prévention de la sécurité routière : vidéos, affiches, sites… Qu’en est-il des actions pour prévenir le suicide ?

Et contrairement à certaines idées reçues, les plus jeunes ne sont pas la tranche d’âge la plus touchée : les adultes de la trentaine à soixante ans le sont. Il n’y a pas de « club des 27 » pour eux, pas de « vivre à fond, mourir jeune » non plus : juste le silence et l’oubli de la part de la société.

Pour les proches il y a la douleur et le deuil. Et il y a une différence avec les autres morts, bien connue : on a plus de chances de se suicider, et d’avoir des idées suicidaires, lorsqu’une personne de notre entourage est disparue de la sorte. Il est donc d’autant plus difficile d’enrayer ce phénomène qui se nourrit lui-même.

Nous ne parlons pas ici d’un virus inconnu, d’une épidémie dont ne connaissons ni traitement ni vaccin. Nous parlons ici de la vie d’une société, des personnes qui la composent et la font vivre.
Ces morts ne sont pas des statistiques regrettables, elles sont l’expression d’une société morbide qui en arrive à insuffler l’idée de mettre un terme à son existence à une partie de ses membres.

Au-delà de la dépression, de la souffrance de l’impression que plus rien n’a de sens… il y a l’idée que la seule chose à faire est de se pendre, de se couper les veines, etc.

Nous pourrons toujours nous acharner à dire qu’il faut s’accrocher, mais tant que la vie quotidienne est façonnée par la lutte de tous contre tous, le mensonge et la tromperie comment lutter ? Quelle alternative proposer ?

La gauche française a renié son héritage et préfère les calculs politiciens. Il n’y a plus ni morale ni universalisme, ce qui revient ici à laisser des personnes sur le bord de la route. C’est une faute morale impardonnable. Il est temps de redresser la barre et d’offrir de véritables perspectives de progrès.

Qu’en est-il de la gauche française aujourd’hui ? Toute cette gauche qui n’a d’yeux que pour les questions économiques lorsqu’il s’agit d’avoir une vue d’ensemble, et pour le libéralisme présenté comme « progressiste » lorsqu’il s’agit de redescendre au niveau des personnes.

Se donner la mort n’a rien de naturel, ce n’est pas une fatalité. Il faut changer la vie, il faut changer le monde. Il faut que la vie ait un sens, car elle en a toujours un et il s’agit de le redécouvrir.

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Nouvel ordre Politique

Le programme du Front Populaire (1936)

Le programme de revendications immédiates que publie le Rassemblement populaire résulte d’un accord unanime entre les dix grandes organisations qui composent le Comité national de Rassemblement :

Ligue des Droits de l’Homme,

Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes,

comité mondial contre le fascisme et la guerre (Amsterdam-Pleyel),

Mouvement d’Action combattante,

Parti Républicain Radical et Radical-Socialiste,

Parti Socialiste S.F.I.O.,

Parti Communiste,

Union socialiste et Républicaine,

Confédération Générale du Travail,

Confédération Générale du Travail Unitaire.

Il s’inspire directement des mots d’ordre du 14 juillet Les partis et organisations, groupant des millions d’êtres humains, qui ont juré de rester unis, aux termes du serment, « pour défendre les libertés démocratiques, pour donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse et, au monde, la grande paix humaine » ont cherché ensemble les moyens pratiques d’une action commune, immédiate et continue.

Ce programme est; volontairement limité aux mesures immédiatement applicables.

Le Comité national entend que chaque parti, chaque organisation, participant au Rassemblement populaire, puisse se joindre à l’action commune sans rien abdiquer de sa doctrine, de ses principes, et de ses fins particulières. Il s’est astreint, d’autre part, à présenter des solutions positives aux problèmes essentiels, actuellement posés devant la démocratie française.

C’est ainsi que, dans l’ordre politique, il définit les mesures indispensables pour assurer le respect de la souveraineté nationale, exprimée par le suffrage universel, et pour garantir les libertés essentielles (liberté d’opinion et d’expression, libertés syndicales, liberté de conscience et laïcité) – que, dans l’ordre international, il pose les conditions nécessaires à la sauvegarde et à l’organisation de la paix, suivant les principes de la Société des Nations – et que, dans l’ordre économique et financier, il s’attache à lutter, dans l’intérêt des masses laborieuses et épargnantes, contre la crise et contre les organisations fascistes qui l’exploitent pour le compte des puissances d’argent.

Ces problèmes d’économie et de finance, d’une si haute importance actuelle, le Rassemblement populaire se refuse à les résoudre séparément : il veut atteindre les causes des moins-values fiscales en agissant contre la crise, et compléter son action contre la crise par l’amélioration du crédit public et privé.

Le Rassemblement populaire souligne qu’un grand nombre des revendications qu’il présente figurent déjà dans les plans et programmes élaborés par les organisations syndicales de la classe ouvrière.

Il ajoute que ces revendications urgentes, et par là même restreintes, si elles apportent une première modification au système économique actuel, devront être complétées par des mesures plus profondes pour arracher définitivement l’Etat aux féodalités industrielles et financières.

En tous les ordres de problèmes, le Rassemblement, a cherché des solutions de justice, seules conformes aux principes de la démocratie : justice égale pour tous dans l’application des lois pénales – justice fiscale – justice pour les indigènes dans les colonies – justice internationale, dans le cadre et suivant l’esprit de la Société des Nations.

S’il a été possible au Comité national du Rassemblement populaire d’aboutir à des formules unanimes, c’est que les partis et organisations qui le composent ont collaboré amicalement dans un esprit de conciliation et de synthèse. Aux masses populaires de soutenir à présent ces revendications et de les faire triompher. Quand ce programme commun aura passé dans la réalité, un grand changement sera obtenu : la liberté sera mieux défendue, le pain mieux assuré, la paix mieux garantie.

De tels biens sont assez précieux pour que tout soit subordonné à la volonté de les conquérir.

C’est à cette volonté revendicatrice que le Rassemblement populaire fait appel. Qu’elle se traduise par une cohésion étroite, où se prolonge la fraternité du 14 juillet, et qu’elle signifie à tous, en France et hors de France, que la démocratie est invincible dès qu’elle reprend sa vigueur créatrice et sa puissance d’attraction.

REVENDICATIONS POLITIQUES

I – Défense de la Liberté

1 – AMNISTIE GÉNÉRALE.
2 – CONTRE LES LIGUES FASCISTES :

a) Désarmement et dissolution EFFECTIVE des formations paramilitaires, conformément à la loi.

b) Mise en vigueur des dispositions légales en cas de provocation au meurtre ou d’attentat à la sûreté de l’Etat.

3 – ASSAINISSEMENT DE LA VIE PUBLIQUE, notamment par les incompatibilités parlementaires.

4 – LA PRESSE

a) Abrogation des lois scélérates et des décrets-lois restreignant la liberté d’opinion;

b) Réforme de la presse par l’adoption de mesures législatives :

1° qui permettent, la répression efficace de la diffamation et du chantage ;

2° qui puissent assurer aux journaux des moyens normaux d’existence, qui les obligent à rendre publique l’origine de leurs ressources, qui mettent fin aux monopoles privés de la publicité commerciale et aux scandales de la publicité financière, et qui empêchent enfin la constitution de trusts de presse.

c) Organisation des émissions radiophoniques d’Etat en vue d’assurer l’exactitude des informations et l’égalité des organisations politiques et sociales devant le micro.

5 – LIBERTÉS SYNDICALES :

a) Application et respect du droit syndical pour tous.

b) Respect du droit des femmes au travail.

6 – L’ÉCOLE ET LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE :

a) Assurer la vie de l’école publique, non seulement par les crédits nécessaires, mais par des réformes telles que la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans et la mise en pratique, dans l’enseignement du second degré, d’une sélection indispensable comme, complément de la gratuité.

b) Garantir à tous, élèves et maîtres, la pleine liberté de conscience, notamment par le respect de la neutralité scolaire, de la laïcité et des droits civiques du corps enseignant.

7 – LES TERRITOIRES COLONIAUX : Constitution d’une Commission d’enquête parlementaire sur la situation politique, économique et morale dans les territoires français d’outre-mer, notamment dans l’Afrique française du Nord et l’Indochine.

II – Défense de la Paix

1 – Appel à la collaboration du peuple et notamment des masses laborieuses pour le maintien et l’organisation de la paix.

2 – Collaboration internationale, dans le cadre de la Société des Nations, pour la sécurité collective, par la définition de l’agresseur et l’application automatique et solidaire des sanctions en cas d’agression.

3 – Effort incessant pour passer de la paix armée à la paix désarmée, d’abord par une convention de limitation, puis par la réduction générale, simultanée et contrôlée des armements.

4 – Nationalisation des industries de guerre et suppression du commerce privé des armes.

5 – Répudiation de la diplomatie secrète, action internationale et négociations publiques pour ramener à Genève les Etats qui s’en sont écartés, sans porter atteinte aux principes constitutifs de la Société des Nations : sécurité collective et paix indivisible.

6 – Assouplissement de la procédure prévue par le Pacte de la Société des Nations pour l’ajustement pacifique des traités dangereux pour la paix du monde.

7 – Extension, notamment à l’Europe orientale et centrale, du système des pactes ouverts à tous, suivant les principes du Pacte franco-soviétique.

REVENDICATIONS ÉCONOMIQUES

I – Restauration de la capacité d’achat supprimée ou réduite par la crise

CONTRE LE CHÔMAGE ET LA CRISE INDUSTRIELLE : Institution d’un fonds national de chômage. Réduction de la semaine de travail sans réduction du salaire hebdomadaire. Appel des jeunes au travail par l’établissement d’un régime de retraites suffisantes pour les vieux travailleurs Exécution rapide d’un plan de grands travaux d’utilité publique, citadine et rurale, en associant à l’effort de l’Etat et des collectivités l’effort de l’épargne locale.

CONTRE LA CRISE AGRICOLE ET COMMERCIALE : Revalorisation des produits de la terre, combinée avec une lutte contre la spéculation et la vie chère, de manière à réduire l’écart entre les prix de gros et les prix de détail.

Pour supprimer la dîme prélevée par la spéculation sur les producteurs et les consommateurs ; création d’un office national interprofessionnel des céréales.

Soutien aux coopératives agricoles, livraison des engrais au prix de revient par les offices nationaux de l’azote et des potasses, contrôle et tarification de la vente des superphosphates et autres engrais, développement du crédit agricole, réduction des baux à ferme.

Suspension des saisies et aménagement des dettes.

Mise au point de la révision des billets de fonds de commerce.

En attendant l’abolition complète et aussi rapide que possible de toutes les injustices que les décrets-lois comportent, suppression immédiate des mesures frappant les catégories les plus touchées dans leurs conditions d’existence par ces décrets.

II – Contre le pillage de l’épargne

Pour une meilleure organisation du crédit. Réglementation de la profession de banquier.

Réglementation du bilan des banques et des sociétés anonymes.

Réglementation nouvelle des pouvoirs des administrateurs des sociétés anonymes.

Interdiction aux fonctionnaires retraités ou en disponibilité d’appartenir aux conseils d’administration des sociétés anonymes.

Pour soustraire le crédit et l’épargne à la domination de l’oligarchie économique, FAIRE DE LA BANQUE DE FRANCE, aujourd’hui banque privée, LA BANQUE DE LA FRANCE :

Suppression du Conseil des Régents.

Élargissement des pouvoirs du Gouverneur, sous le contrôle permanent d’un conseil composé de représentants du pouvoir législatif, de représentants du pouvoir exécutif et de représentants des grandes forces organisées du travail et de l’activité industrielle, commerciale et agricole.

Transformation du capital en obligations, des mesures étant prises pour garantir les intérêts des petits porteurs.

III. – Assainissement financier.

Révision des marchés de guerre en liaison avec la nationalisation des industries de guerre.

Répression du gaspillage dans les administrations civiles et militaires.

Institution de la caisse des pensions de guerre.

Réforme démocratique du système des impôts comportant une détente fiscale en vue de la reprise économique, et création de ressources par des mesures atteignant les grosses fortunes (progression rapide de la majoration du taux de l’impôt général sur les revenus supérieurs à 75 000 francs – réorganisation de l’impôt successoral – taxation des profits des monopoles de fait en évitant toute répercussion sur les prix de consommation).

Suppression de la fraude sur les valeurs mobilières, par la mise en vigueur de la carte d’identité fiscale votée par les Chambres, en l’accompagnant d’une amnistie fiscale.

Contrôle des sorties de capitaux et répression de leur évasion par les mesures les plus sévères, allant jusqu’à la confiscation des biens dissimulés à l’étranger ou de leur contre-valeur en France.

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Culture

Princess Nokia : « 1992 Deluxe » (2017)

Destiny Frasqueri alias Princess Nokia, avec son album l’album 1992 Deluxe sorti en septembre 2017, a réussi à produire à quelque chose de très intéressant, exprimant quelque chose de très fort, correspondant à une réaffirmation féministe urbaine des femmes, à travers un style hip hop marquée profondément par la soul et le R&B.

Pour bien évaluer la valeur et les limites de sa démarche, il faut se tourner vers ce qu’elle a fait juste avant, sous le nom de Destiny : une approche soul marqué par le funk et le hip hop, entre sensualité féminine afro-américaine et affirmation du patrimoine culturel, où l’on sent déjà une quête de la reconnaissance identitaire et personnelle, avec un son « maîtrisé ».

Ce que donne la musique en tant que Princess Nokia est bien différent. Dans une synthèse d’agressivité et d’esprit universel, mêlé à des sons particulièrement léchés, 1992 Deluxe est un album de reprise du terrain par les femmes, avec une orientation clairement tournée vers l’esprit de patrimoine, de culture, de communauté.

En ce sens, les chansons Bart Simpson et Kitana sont sans doute les plus révélatrices de l’atmosphère réelle à laquelle appartient la chanteuse dans sa dimension authentique : celle du hip hop d’une grande ville, avec une froideur quotidienne dans une immensité bétonnée, compensée par une quête de chaleur sociale, dans l’esprit de la musique soul.

C’est d’autant plus intéressant que à moins de se renouveler entièrement, ne pourra pas dépasser cette œuvre fondamentalement intéressante. La base de sa démarche est déjà corrompue, en raison de son « jeu » avec les identités.

Destiny Frasqueri a en effet un parcours chaotique : elle est d’origine afro-porto-ricaine et caribéenne, élevée dans différents foyers, sa mère étant décédée du SIDA, lorsqu’elle avait neuf ans, avant d’être élevé en partie par une famille juive. Adolescente en rupture mais s’intégrant dans un milieu plus aisé, elle se tourne vers le punk, vers la mythologie caribéenne des sorcières, ainsi que le mouvement de la Harlem Renaissance des années 1920-1930.

Se tournant alors vers la culture hip hop et R&B, elle prend le nom de Wavy Spice, puis Destiny et enfin Princess Nokia. Or, la valeur de sa démarche ne pouvait qu’attirer le commerce avide de modernité et de différence, de culte de l’identité, dont le phénomène du « queer » est le fer de lance aux États-Unis.

Si elle se veut donc résolument « ghetto » et totalement hostile au commerce de la musique, affirmant mépriser l’argent, elle est déjà justement par là devenue une figure de toute la scène intellectuelle et commerciale qui se prétend en marge.

Vogue a parlé d’elle, elle a défilé pour Calvin Klein, sa musique a pu être repris pour tel défilé de mode, alors que bien entendu des médias comme l’anglophone Vice ou le germanophone Spex la célèbrent pour son identité décalée, sa vulgarité outrancière, son affirmation féministe, etc.

La chanson Tomboy est un excellent exemple de cette fétichisation de l’identité. L’esthétique de la chanson se rattache à l’esprit révolté des années 1970, avec un féminisme de conquête de l’espace public clairement affirmé, tout comme la remise en cause des stéréotypes exigés par les femmes, y compris la beauté.

Mais cela passe par la vulgarité et la quête de reconnaissance identitaire, la chanteuse expliquant que « avec mes petits sein et mon gros ventre / Je peux prendre ton mec si tu me laisses faire », tout en disant en même temps être un mannequin pour Calvin Klein.

Cette démarche identitaire se retrouve dans la vidéo à prétention éco-féministe Young girls, au style totalement déconnecté de Tomboy, mais de la même démarche identitaire. La chanson Brujas, sur les sorcières caribéennes, serait alors une sorte d’intermédiaire.

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Princess Nokia pourra-t-elle se sortir d’un tel tournant identitaire, résolument commercial malgré sa prétention à ne pas l’être ? Cela révèle toutes les limites du phénomène « queer », qui prétend dépasser les clichés, mais qui au lieu des les abolir les fabrique au kilomètre, perdant de vue la société pour ne se tourner que vers l’individu s’imaginant roi… ou reine, ou princesse.

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Politique

« Youpi j’ai compris ! » et l’existence d’Israël

Toute personne de gauche sait très bien que le peuple palestinien connaît une situation humainement extrêmement difficile, de par la raison de la politique de l’État israélien. Même la droite israélienne la plus cynique le reconnaît elle-même.

Le souci qu’il y a, c’est qu’avec l’histoire de l’antisémitisme, Israël est devenu un prétexte pour une sorte de folie furieuse, de véritable passion totalement déconnectée de la réalité.

Ainsi, lorsque Donald Trump a décidé de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem, tous les médias se sont empressés de dire que le président américain avait reconnu cette ville comme capitale israélienne. Le titre du Monde est ainsi « Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, une décision historique et unilatérale ».

La presse internationale a fait de même. Or, c’est entièrement faux, parce que cela fait bien longtemps que les États-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël.

Le congrès américain avait ainsi voté en 1995 un « Jerusalem Embassy Act » annonçant le transfert de l’ambassade américaine dans les quatre ans. Le vote avait été écrasant, tant au Sénat (93 voix contre 5) qu’à la Chambre des représentants (374 contre 37).

Barack Obama avait déjà affirmé que Jérusalem était la capitale d’Israël lors de sa candidature à la nomination comme candidat du parti démocrate, ainsi que lors de sa candidature aux présidentielles. C’était même déjà une promesse électorale de Bill Clinton en 1992.

On peut tout à fait critiquer cela, en disant que cela rentre en conflit avec le projet de partition de l’ONU fait en 1947.

La gauche a d’ailleurs historiquement soutenu cette partition et l’URSS sera le premier pays à reconnaître juridiquement l’État israélien.

Mais si critique il doit y avoir, alors il faut le faire de manière rationnelle, sans quoi, on est dans la mise en scène, pas dans une aide quelconque au peuple palestinien.

Ce qui se passe réellement n’intéresse pas des gens qui ont intérêt à se présenter comme faisant face à une ignominie immédiate, apparue de nulle part, eux-mêmes faisant office de justicier.

Les faits sont niés, pour apparaître comme « radical » – une démarche qui relève historiquement de l’extrême-droite, pas d’une gauche fondée sur les idées. Cela montre à quel point l’antisémitisme est si puissant qu’il se sert de la question israélo-palestinienne pour ses projections.

Un exemple significatif de cette course à l’échalote se trouve dans le dernier numéro du magazine pour enfant de 5-8 ans « Youpi j’ai compris ! », dont Bayard Presse – la grande maison d’édition catholique française, éditrice notamment de Babar, Pomme d’Api, Okapi, J’aime Lire, Phosphore, etc. – a annoncé hier le retrait devant des protestations.

La raison en est que l’existence de l’État israélien est niée, malgré sa reconnaissance par les Nations-Unies en 1948, dans la foulée de la réalisation du plan de partage de la Palestine du 29 novembre 1947.

Tout cela totalement absurde : on peut exiger un État nouveau sous la forme d’une fédération israélo-palestinienne, ou sous la forme d’une République laïque unifiée. Mais nier les faits en disant : cela n’existe pas, cela n’a pas de sens.

Les seuls qui ont adopté cette démarche, ce sont les partisans du panarabisme, du parti Baath comme en Syrie et en Irak, qui ont toujours parlé de « l’entité sioniste ». Avec les résultats que l’on sait : la manipulation démagogique des opinions publiques arabes, l’antisémitisme forcené.

Sans que rien ne change pour le peuple palestinien, qui perd chaque jour davantage du terrain depuis 1947, étant qui plus est dominés par les islamistes ou une OLP totalement corrompue.

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Écologie

Poinsettia, les « étoiles de Noël »

En cette fin d’année et ces jours de fêtes, en France, des Poinsettia, ou plus familièrement appelées les « étoiles de Noël » seront offertes. Elles sont d’ailleurs les plantes les plus vendues en cette période de fin d’année.

Aussi flamboyante soit-elle, cette jeune pousse rouge en pot, risque fortement ne pas résister à l’année à venir. Il faut pour cela comprendre son mode de vie et voir comment les Poinsettia ont été modifiés.

Poinsettia est un ancien nom faisant référence à un ambassadeur américain au Mexique et botaniste à ses heures, Joël Poinsett. Il découvre en 1825 cette plante arbustive, à Taxco et envoie des plants dans son état natal de Californie, dans le but de l’étudier. Elle portera alors le nom de Poinsettia en l’honneur de l’ambassadeur, en 1836.

Bien évidemment, la découverte ne dépend pas de Joël Poinsett. Cette plante existe depuis très longtemps. Cuetxlaxochitl «  la fleur de peau » est originaire du Mexique du sud et d’Amérique centrale.

Selon la tradition aztèque, cette plante rouge est sortie du sol dès suite de la mort d’un chagrin d’amour de la déesse. Les Aztèques l’utilisaient pour ses pigments rouges et comme remède aux difficultés de lactation et d’allaitement des mères.

Sur le plan botanique, c’est l’explorateur allemand Von Humboldt qui amène un plan en 1804. Le Poinsettia est un ancien genre botanique qui est dorénavant classé comme sous-genre des Euphorbiaceal du genre des Euphorbia (euphorbe véritable).

En 1834 la désignation d’euphorbia pulcherrima lui est attribué par le botaniste Ludwig Wildenow. C’est une plante arbustive pouvant atteindre, dans son milieu naturel (Amérique central et Sud du Mexique) la hauteur de 5 mètres.

Toutefois, on promotionne souvent l’ euphorbia pulcherrima comme la plante représentative de Noël. Or, elle correspond bien au mois de décembre, mais dans l’hémisphère sud.

Voyons pourquoi.

Les bractées lancéolées rouge vif (en forme d’étoile), jouent le rôle de pétales. Les petites fleurs nectarifères se regroupent dans une inflorescence de capitule (mâle apétales autour de fleur femelle). Les canaux de la plante véhiculent quant à elles, comme toutes les euphorbes, un latex blanc proche du caoutchouc. Ce liquide contient des protéines allergènes.

Sa culture est très fragile en Europe du fait de multiples aspects : un système racinaire, le besoin d’une phase de repos stricte, les engrais, l’hygrométrie, le bouturage, l’obscurcissement, le réglage des températures et la régulation de croissance.

De plus la multiplication se fait par bouturage tous les ans afin d’assurer la production industrielle. Ce sont donc de jeunes plants qui sont tous les ans exploités dans le but d’assurer une induction florale vigoureuse. Pour cela, il y a le forçage de l’obscurité si la durée du jour dépasse 15 jours par l’application de bâches noires sur les plantes.

Une euphorbia pulcherrima, dans notre hémisphère restera donc ornementale pour un temps donné. Il sera difficile (pour les raison sus mentionnées) de les maintenir en vie.

Afin de conserver cet engouement commercial, les « étoiles de noël » sont ainsi produites à grandes échelle dans des serres. En effet, ce ne sont que les jeunes pieds, issus de sélections variées, qui donnent des pétales rouges flamboyants.

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Culture

Johnny Hallyday et le rôle négatif de ses 392 reprises

Le Parisien a publié un article très intéressant sur la proportion de reprises dans le nombre total de chansons de Johnny Hallyday. Les journalistes de ce quotidien ont comptabilisé pas moins de 392 reprises sur le millier de chansons faisant partie du répertoire de Johnny Hallyday.

C’est un chiffre vraiment extrême, qui souligne un problème de fond : le manque de maturité qui a longtemps existé en France dans l’assimilation de la culture rock. A part Téléphone et Noir Désir, ou encore peut-être Trust ou encore les Rita Mitsouko, la France a été incapable de produire de manière continue des groupes de rock d’une véritable ampleur.

Il y a eu une gigantesque consommation de groupes et de chanteurs anglais et américains, mais une vraie incapacité de se lancer soi-même. Johnny Hallyday a certainement joué ici un très mauvais rôle, parce qu’il a empêché une assimilation correcte, passant en sous-main, de manière dévoyée, la culture rock.

Johnny Hallyday était en effet un chanteur d’adaptation, faisant passer de la musique en contrebande, en brisant sa réelle nature, en l’asservissant au son de la variété.

Johnny Hallyday a repris tout ce qu’il pouvait, d’Aretha Franklin à Lynyrd Skynyrd ou Bob Dylan et Jon Bon Jovi, pour prétendre avoir une authenticité, en fait fictive. La liste sur son site officiel fait pratiquement dix pages.

Il n’était pas un passeur de musique, contribuant à la découverte des originaux, ou quelqu’un modifiant dans le sens d’une interprétation réellement différente, mais un pillard, s’appropriant le prestige d’une musique évoluée, pour la démolir dans le sens de la conformité avec l’esprit variété et radio.

Voici par exemple Génération banlieue (1984), où il chante que la banlieue va exploser, que cela va péter, etc, ce qui est plutôt ironique pour un multi-millionnaire ayant toujours fui le fisc français. Juste après, on a l’original de Warren Zevon, un chanteur important de la culture américaine, considéré comme une sorte de musicien des musiciens, comme l’a défini Bob Dylan.

C’est odieux, parce qu’il y a un lissage musical, une réduction du texte à des éléments caricaturaux, un décalage total par rapport à l’esprit originel.

Voici une autre chanson, qu’il « emprunte » à Aretha Franklin.


Les mimiques de Johnny Hallyday sont ici clairement une tentative de s’approprier le prestige de l’approche d’Aretha Franklin, mais il n’y a évidemment strictement rien à voir.

Le masque de l’émotion a vraiment servi à empêcher d’aborder la culture selon un angle authentique.

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Société

Logiciel libre : le manifeste GNU de Richard Stallman

Le manifeste GNU

Le manifeste GNU, reproduit ci-dessous, a été écrit par Richard Stallman en 1985 pour demander un soutien au développement du système d’exploitation GNU.

Une part du texte provient de l’annonce originelle de 1983. Jusqu’en 1987, il y a eu quelques petites mises à jour pour tenir compte de l’évolution du projet, mais il nous semble maintenant plus judicieux de le laisser inchangé.

Nous avons appris depuis que certains passages étaient souvent mal interprétés ; ceci peut être corrigé en changeant quelques mots. Des notes ajoutées depuis 1993 aident à clarifier ces points.

Si vous voulez installer le système GNU/Linux, nous vous recommandons d’utiliser l’une des distributions GNU/Linux 100% libres. Pour savoir comment contribuer, voir http://www.gnu.org/help.

Le projet GNU fait partie du mouvement du logiciel libre, une campagne pour la liberté des utilisateurs de logiciels. Associer GNU avec le terme « open source » est une erreur dans la mesure où ce terme fut inventé en 1998 par des gens en désaccord avec les valeurs éthiques du mouvement du logiciel libre. Ils l’utilisent pour promouvoir une approche amorale du même domaine.

Qu’est ce que GNU ? GNU N’est pas Unix !

GNU, l’acronyme de GNU’s Not Unix (GNU N’est pas Unix), est le nom du système complet de logiciels, compatible avec Unix, que je suis en train d’écrire pour pouvoir le donner [give away free] à qui en aura l’usage (1). J’ai l’aide de plusieurs autres bénévoles. Les contributions en temps, en argent, en logiciel et en équipement nous sont indispensables.

Pour l’instant, nous avons un éditeur de texte, Emacs, utilisant le Lisp pour écrire des commandes d’édition, un débogueur, un générateur d’analyseurs syntaxiquesa compatible avec YACC, un éditeur de liens, et environ trente-cinq autres utilitaires.

Un shell (un interprète de commandes) est presque terminé. Un nouveau compilateur C portable et capable d’optimisation s’est compilé lui-même et devrait être disponible cette année. Un noyau initial existe, mais nécessite des fonctionnalités supplémentaires pour émuler Unix. Quand le noyau et le compilateur seront terminés, il sera possible de distribuer un système GNU approprié au développement.

Nous utiliserons TeX comme formateur de texte, mais un nroff est en cours de développement. Nous utiliserons aussi le système libre et portable X Window System.

Par la suite, nous ajouterons un Common Lisp portable, le jeu Empire, un tableur et des centaines d’autres choses, plus une documentation en ligne. À terme, nous espérons fournir toutes les choses utiles qui sont normalement incluses dans un système Unix, et plus encore.

GNU pourra exécuter des programmes Unix mais ne sera pas identique à Unix. Nous ferons toutes les améliorations dont notre expérience avec d’autres systèmes d’exploitation nous suggère l’utilité.

En particulier, nous prévoyons d’avoir des fichiers avec des noms longs, des numéros de version de fichier, un système de fichiers à tolérance de panne, éventuellement un système de complétion des noms de fichiers, un dispositif d’affichage indépendant du terminal, et peut-être, à terme, un système de fenêtrage fondé sur Lisp, au travers duquel plusieurs programmes Lisp et des programmes Unix ordinaires pourront partager un écran.

Deux langages de programmation système seront disponibles, C et Lisp. Enfin nous essayerons de gérer les protocoles de communication UUCP, Chaosnet (protocole du MIT), et Internet.

Initialement, GNU vise les machines de classe 68000/16000 avec de la mémoire virtuelle, car ce sont les machines sur lesquelles il est le plus simple de le faire fonctionner. Libre à celui qui voudra s’en servir sur des machines moins puissantes de poursuivre notre travail pour l’adapter à cet usage.

Pour éviter d’horribles confusions, merci de prononcer distinctement le g de « GNU » quand vous parlez de ce projet.

Pourquoi je dois écrire GNU

Si j’apprécie un programme, j’estime que la Règle d’orb m’oblige à le partager avec ceux qui l’apprécient également. Les éditeurs de logiciel cherchent à diviser et à conquérir les utilisateurs en forçant chacun à accepter de ne pas partager avec les autres.

Je refuse de rompre la solidarité avec les autres utilisateurs de cette manière. Je ne peux pas, en mon âme et conscience, signer un accord de non-divulgation ou de licence pour un logiciel. Pendant des années, j’ai œuvré au sein du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT pour résister à ces tendances et à d’autres manquements à l’hospitalité, mais finalement ils sont allés trop loin : je ne pouvais pas rester dans une institution où ce genre de choses étaient faites en mon nom contre ma volonté.

Afin de pouvoir continuer à utiliser les ordinateurs en accord avec ma conscience, j’ai décidé de réunir un ensemble de logiciels libres avec lequel je pourrai me débrouiller sans aucun logiciel non libre. J’ai démissionné du labo d’intelligence artificielle pour que le MIT ne puisse invoquer aucune excuse juridique pour m’empêcher de distribuer GNU gratuitement (2).

Pourquoi GNU sera compatible avec Unix

Unix n’est pas pour moi le système parfait, mais il n’est pas trop mauvais. Ses fonctionnalités essentielles semble être les bonnes, et je pense pouvoir ajouter ce qui lui manque sans les dégrader.

De plus, il est probable que beaucoup de gens trouveront pratique d’adopter une système compatible avec Unix.

Comment GNU sera distribué

GNU n’est pas dans le domaine public. Tout le monde aura le droit de modifier et redistribuer GNU, mais aucun distributeur ne pourra restreindre ces futures redistributions. C’est-à-dire que les modifications propriétairesc seront interdites. Je veux m’assurer que toutes les versions de GNU resteront libres.

Pourquoi de nombreux programmeurs veulent m’aider

J’ai rencontré nombre de programmeurs que GNU passionne et qui souhaitent apporter leur aide.

Beaucoup d’entre eux sont insatisfaits de la commercialisation de logiciels système. Il se peut que cela leur permette de gagner plus d’argent, mais cela les oblige en général à regarder les autres programmeurs comme des ennemis plutôt que des camarades.

La base d’une amitié entre programmeurs est le partage de logiciel. Or les dispositions commerciales typiquement en usage de nos jours leur interdisent de considérer les autres comme des amis.

L’acheteur de logiciel doit donc choisir entre l’amitié et l’obéissance à la loi. Naturellement, beaucoup décident que l’amitié est plus importante. Mais ceux qui respectent la loi se sentent souvent mal à l’aise avec les deux termes de l’alternative. Ils deviennent cyniques au point de penser que programmer n’est qu’une façon de gagner de l’argent.

En développant et en utilisant GNU, plutôt que des programmes propriétaires, nous pouvons nous montrer accueillants envers tout le monde, tout en respectant la loi. De plus, GNU est une source d’inspiration et une bannière sous laquelle d’autres peuvent nous rejoindre dans le partage.

Ceci peut nous procurer un sentiment d’harmonie, impossible à atteindre avec des logiciels qui ne sont pas libres. Pour environ la moitié des programmeurs avec lesquels j’ai discuté, c’est une satisfaction importante que l’argent ne peut pas remplacer.

Comment vous pouvez contribuer

(Actuellement, si vous voulez nous aider dans le domaine du logiciel, regardez la liste des projets hautement prioritaires [en] et la page des appels à contribution de GNU, qui liste les tâches générales ayant rapport avec les paquets GNU. Pour aider dans d’autres domaines, regardez le guide pour aider le projet GNU.)

Je demande aux fabricants d’ordinateurs de faire don de machines et d’argent. Je demande aux particuliers de faire don de programmes et de travail.

Ce à quoi vous pouvez vous attendre si vous nous donnez des machines, c’est que GNU tournera dessus à brève échéance. Les machines doivent être complètes et prêtes à l’emploi ; leur utilisation doit être autorisée en zone résidentielle, et ne doit pas avoir de besoins sortant de l’ordinaire en climatisation ni en alimentation.

J’ai trouvé un grand nombre de programmeurs impatients de collaborer à GNU à temps partiel. Pour la plupart des projets, un tel travail distribué à temps partiel serait très difficile à coordonner ; les diverses parties codées indépendamment ne fonctionneraient pas ensemble.

Mais puisqu’il s’agit de remplacer Unix, ce problème n’existe pas. Un système Unix complet contient des centaines d’utilitaires, ayant chacun leur propre documentation.

La plupart des spécifications des interfaces sont déterminées par la compatibilité avec Unix. Si chaque collaborateur peut écrire un programme compatible remplaçant un seul utilitaire Unix et le faire fonctionner convenablement sur un système Unix à la place de l’original, il s’ensuit que ces nouveaux utilitaires fonctionneront ensemble sans problème.

Même en tenant compte des quelques problèmes inattendus que la loi de Murphy ne manquera pas de créer, l’assemblage de ces composants sera une tâche réalisable (le noyau demandera quand même une communication plus soutenue et sera développé par un petit groupe structuré).

Si je reçois des dons en argent, je pourrai embaucher quelques personnes à temps plein ou à temps partiel. Le salaire ne sera peut-être pas très élevé par rapport au marché, mais je cherche des personnes pour lesquelles l’esprit de communauté est aussi important que l’appât du gain.

Je considère que c’est une façon de permettre à quelques personnes dévouées de consacrer toutes leurs ressources au projet GNU, en leur évitant d’avoir à gagner leur vie autrement.

Pourquoi tous les utilisateurs en bénéficieront

Une fois GNU achevé, tout le monde pourra se procurer de bons logiciels système, gratuits comme l’air qui nous entoure (3).

Cela représente beaucoup plus que l’économie d’une licence Unix. Cela veut dire qu’on va éviter de perdre beaucoup d’énergie à faire de la programmation système en double, et qu’on pourra rediriger ces efforts vers le progrès méthodologique.

Le code source complet du système sera disponible pour tous. Et cela aura pour résultat qu’un utilisateur ayant besoin de modifier un composant aura toujours la liberté de le faire lui-même, ou d’en passer commande à n’importe quel programmeur ou entreprise disponible.

Les utilisateurs ne seront plus à la merci d’une personne ou entreprise particulière, seule à pouvoir effectuer les modifications car elle possède le code source.

Les écoles pourront offrir un environnement beaucoup plus pédagogique en encourageant tous les étudiants à étudier et à améliorer le code du système.

Le laboratoire informatique d’Harvard avait comme politique de n’installer aucun programme sur le système si ses sources n’étaient pas affichées publiquement, et ils faisaient respecter cette politique en refusant carrément d’installer certains programmes. Cela m’a beaucoup inspiré.

Enfin, les frais engendrés par les questions de propriété et de limites d’utilisation des logiciels système ne seront plus d’actualité.

Les mesures mises en œuvre pour faire payer l’utilisation d’un programme, y compris la délivrance d’une licence pour chaque exemplaire, génèrent toujours un coût important pour la société en général, à cause des mécanismes nécessaires pour calculer combien (c’est-à-dire quels programmes) chacun doit payer. Et il faudrait un État policier pour appliquer parfaitement ces mesures.

Prenons une station orbitale, où l’air doit être fabriqué à un coût important : facturer chaque litre inspiré peut être justifié, mais porter un masque-compteur toute la journée et toute la nuit est intolérable même si l’on a de quoi payer la facture.

Et les caméras de surveillance placées partout pour vérifier que vous ne retirez jamais le masque-compteur seraient inacceptables. Il vaut mieux financer la fabrication de l’air par un impôt de capitation et se débarrasser des masques.

Copier tout ou partie d’un logiciel semble aussi naturel à un programmeur que de respirer, tout aussi productif. Cela aussi devrait être libre.

Quelques objections facilement contrées aux objectifs de GNU

« Personne ne s’en servira si c’est gratuit, car cela veut dire que l’on ne peut compter sur aucun support technique. »

« Il faut faire payer le logiciel pour financer le service après-vente. »

Si les gens préfèrent acheter GNU avec du service après-vente, plutôt que d’obtenir GNU gratuitement sans service, une entreprise qui proposera uniquement du service à ceux qui auront obtenu GNU gratuitement devrait être rentable (4).

Nous devons faire la distinction entre le support en termes de réel travail de programmation et la simple assistance. On ne peut pas compter sur le premier de la part d’un fournisseur de logiciel. Si votre problème n’est pas suffisamment répandu, le fournisseur vous enverra balader.

Si votre société a besoin d’un support fiable, la seule solution est d’avoir toutes les sources et tous les outils nécessaires. À partir de là, vous pouvez engager n’importe quelle personne disponible pour régler votre problème ; vous n’êtes pas à la merci de quiconque.

Avec Unix, le prix des sources rend cette solution inabordable pour la plupart des sociétés. Avec GNU ce sera facile. Il serait éventuellement concevable que personne ne soit disponible, mais les modalités de distribution ne sont pas responsables de ce problème. GNU ne résout pas tous les problèmes de la planète, mais seulement quelques-uns.

En attendant, les utilisateurs qui n’y connaissent rien en informatique ont besoin d’assistance, besoin qu’on fasse à leur place ce qu’ils pourraient facilement faire eux-mêmes si seulement ils s’y connaissaient.

De tels services pourraient être proposés par des sociétés qui ne font que de l’assistance et du dépannage. S’il est vrai que les utilisateurs préfèrent dépenser de l’argent pour un logiciel intégrant un service après-vente, ils seront aussi d’accord pour payer simplement le service, ayant obtenu le logiciel gratuitement.

Les sociétés de service se feront concurrence sur la qualité et le prix de leurs prestations ; les utilisateurs ne seront pas tributaires d’une société particulière. En même temps, ceux d’entre nous qui n’ont pas besoin du service devront être en mesure d’utiliser le logiciel sans payer le service.

« On ne peut pas être connu sans publicité et il faut faire payer le logiciel pour la financer. »

« Ça ne sert à rien de faire de la publicité pour un programme que l’on peut obtenir gratuitement. »

Il existe divers canaux d’information gratuits ou presque pour faire connaître une chose comme GNU à de nombreux informaticiens. Cependant, il est peut-être vrai que l’on peut atteindre plus d’utilisateurs de microordinateurs avec de la publicité.

Si c’est le cas, une entreprise qui fait une campagne publicitaire pour un service payant de copie et d’envoi de GNU par la poste devrait être suffisamment rentable pour financer cette campagne et bien davantage. Ainsi, seuls les utilisateurs qui tirent avantage de la publicité la payent.

En revanche, si de nombreuses personnes obtiennent GNU par leurs relations, et que de telles entreprises ne sont pas rentables, cela démontrera que la publicité n’était pas vraiment nécessaire pour répandre GNU.

Pourquoi les partisans de l’économie libérale ne veulent-ils pas laisser cette décision au marché libre (5) ?

« Ma société a besoin d’un système d’exploitation propriétaire pour être compétitive. »

GNU va retirer les systèmes d’exploitation du champ de la concurrence. Vous ne pourrez pas vous assurer un avantage dans ce domaine, mais votre concurrent non plus. Vous pourrez rivaliser dans d’autres domaines, tout en profitant d’avantages mutuels dans celui-ci.

Si votre commerce est la vente de systèmes d’exploitation, vous n’aimerez pas GNU, et c’est tant pis pour vous. Si votre commerce est différent, GNU peut vous éviter d’être poussé vers le domaine onéreux de la vente de systèmes d’exploitation.

J’aimerais bien voir le développement de GNU financé par des dons de fabricants et d’utilisateurs, réduisant ainsi les coûts pour chacun (6).

« Les programmeurs ne méritent-ils pas d’être récompensés pour leur créativité ? »

Si quelque chose mérite récompense, c’est bien la contribution au bien commun. La créativité peut en faire partie, mais seulement dans la mesure où la société est libre de profiter de ses résultats. Si les programmeurs méritent d’être récompensés pour la création de logiciels innovants, de même ils méritent d’être punis s’ils limitent l’utilisation de leurs programmes.

« Un programmeur ne doit-il pas avoir le droit de demander une récompense pour sa créativité ? »

Il n’y a rien de mal à vouloir être payé pour son travail, ou à chercher à augmenter ses revenus, tant que l’on n’utilise pas de moyens destructeurs. Mais dans le secteur du logiciel de nos jours, les moyens habituels sont fondées sur la destruction.

Soutirer de l’argent aux utilisateurs d’un programme en restreignant son usage est destructeur, car cela a pour effet de réduire le nombre et la variété des utilisations de ce programme, ce qui à son tour fait diminuer la richesse qu’il apporte à l’humanité. Quand on choisit délibérément d’imposer des limites, les conséquences néfastes qui en découlent sont de la destruction délibérée.

Un bon citoyen n’utilise pas de telles méthodes destructrices pour augmenter sa richesse personnelle car, si tout le monde faisait de même, il y aurait un appauvrissement général dû à la destruction mutuelle.

C’est ce que l’on appelle la morale kantienne, ou Règle d’or : puisque je n’apprécie pas les conséquences qui adviennent si tout le monde fait de la rétention d’information, je dois considérer comme inacceptable un tel comportement. Plus précisément, le désir d’être récompensé pour sa création ne justifie pas que l’on prive le monde entier de tout ou partie de cette créativité.

« Les programmeurs ne vont-ils pas mourir de faim ? »

Je pourrais répondre qu’on ne force personne à être programmeur. La plupart d’entre nous n’arriveraient pas à se faire payer pour faire des grimaces sur le champ de foire. Mais nous ne sommes pas pour autant condamnés à passer notre vie sur le champ de foire à faire des grimaces et à mourir de faim. Nous faisons autre chose.

Mais c’est une mauvaise réponse, car elle accepte l’a-priori de la question, à savoir que, sans la propriété du logiciel, les programmeurs ne pourraient pas recevoir le moindre sou. C’est, soi-disant, tout ou rien.

La vraie raison pour laquelle les programmeurs ne vont pas mourir de faim, c’est qu’il leur sera tout de même possible d’être payés pour programmer ; seulement, pas aussi bien qu’aujourd’hui.

Restreindre la copie n’est pas la seule base du commerce des logiciels. C’est la base la plus commune (7), car la plus rentable. Mais si ces restrictions étaient interdites ou rejetées par le client, les éditeurs passeraient à d’autres formes d’organisation qui sont actuellement moins utilisées. Il y a de nombreuses façons d’organiser une entreprise.

Il est probable qu’avec ce nouveau système, la programmation sera moins rentable qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais ce n’est pas un argument valable contre le changement. Il n’est pas considéré comme injuste que les vendeuses gagnent ce qu’elles gagnent actuellement. Si les programmeurs gagnaient la même chose, ce ne serait pas non plus une injustice (en pratique, ils gagneraient quand même beaucoup plus).

« Les gens n’ont-ils pas le droit de contrôler l’usage qui est fait de leur créativité ? »

« Contrôler l’usage qui est fait de ses idées » revient à contrôler la vie des autres ; et c’est souvent utilisé pour leur rendre la vie plus difficile.

Ceux qui ont étudié la question des droits de propriété intellectuelle (8) à fond (les avocats, les juristes, etc.) soutiennent qu’il n’existe aucun droit intrinsèque à la propriété intellectuelle. Les différents droits de soi-disant propriété intellectuelle reconnus par les pouvoirs publics ont été créés par des actes législatifs précis dans des buts bien précis.

Par exemple, le système de brevets a été établi pour encourager les inventeurs à divulguer les détails de leurs inventions. Sa raison d’être était d’aider la société plutôt que les inventeurs. À l’époque, la durée de vie de 17 ans pour un brevet était courte par rapport à la cadence des évolutions technologiques.

Puisque les brevets ne concernent que les fabricants, pour lesquels le coût et l’effort d’établir une licence sont minimes comparés à la mise en production, les brevets ne font souvent pas trop de tort. Ils ne gênent pas la plupart des particuliers qui utilisent des produits brevetés.

Le concept de copyright (droit d’auteur) n’existait pas dans l’Antiquité ; les auteurs copiaient souvent de longs extraits des ouvrages de documentation écrits par d’autres. Cette pratique était utile, et c’est de cette seule façon que les travaux de nombreux auteurs ont survécu, ne serait-ce qu’en partie.

Le système du copyright a été créé expressément pour encourager les auteurs. Dans le domaine pour lequel ce système a été inventé – les livres, qui ne pouvaient être copiés économiquement qu’en imprimerie – ce système ne causait pas beaucoup de tort, et ne gênait pas la plupart des lecteurs.

Les droits de propriété intellectuelle ne sont tous que des licences accordées par la société en se basant sur l’idée, juste ou fausse, que globalement elle en bénéficierait. Mais dans chaque situation précise, nous devons nous demander : avons-nous vraiment intérêt à accorder cette licence ? Quels actes autorisons-nous avec cette licence ?

Le cas des logiciels aujourd’hui est très différent de celui des livres il y a un siècle.

Le fait que la manière la plus facile de copier un programme soit entre voisins, le fait qu’un programme ait à la fois un code source et un code objet, bien distincts, et le fait qu’un programme soit utilisé plutôt que lu pour le plaisir, concourent à créer une situation dans laquelle celui qui fait appliquer un copyright fait du tort à la société, matériellement et spirituellement ; une situation dans laquelle personne ne doit agir ainsi, que ce soit ou non autorisé par la loi.

« La concurrence permet de mieux faire les choses. »

Le paradigme de la concurrence est une course : en récompensant le vainqueur, nous encourageons tout le monde à courir plus vite. Quand le capitalisme fonctionne réellement de cette façon, tout marche bien ; mais ses partisans ont tort s’ils pensent que c’est toujours de cette façon qu’il fonctionne.

Si les coureurs oublient le pourquoi de la récompense au point d’être obsédés par la victoire, à n’importe quel prix, ils risquent de trouver d’autres stratégies comme d’agresser les autres concurrents. Si les coureurs en viennent aux mains, ils finiront tous en retard.

Les logiciels propriétaires et secrets sont l’équivalent moral de coureurs qui en viennent aux mains. C’est triste à dire, mais le seul arbitre que nous ayons ne semble pas s’opposer aux combats ; il se contente de les réguler : « Pour dix mètres parcourus, vous avez le droit de tirer un coup de feu. » Ce qu’il devrait faire, c’est séparer les combattants et pénaliser les coureurs dès qu’ils font mine de se battre.

« Les gens ne s’arrêteront-ils pas de programmer, sans l’appât du gain ? »

En fait, beaucoup de gens programmeront sans aucune incitation financière. La programmation exerce une fascination irrésistible pour quelques-uns, généralement les meilleurs.

Nous ne manquons pas de musiciens professionnels qui n’ont aucun espoir de gagner leur vie avec la musique, et pourtant continuent à jouer.

Mais en fait cette question, bien qu’elle soit souvent posée, ne convient pas à la situation. Les salaires des programmeurs ne disparaîtront pas mais diminueront peut-être. La question devient donc : trouvera-t-on des programmeurs qui travailleront pour une moindre rémunération ? D’après mon expérience, la réponse est oui.

Pendant plus de dix ans, nombre de programmeurs parmi les meilleurs mondiaux ont travaillé au laboratoire d’intelligence artificielle du MIT pour un salaire bien inférieur à celui qu’ils auraient eu n’importe où ailleurs. Ils étaient récompensés de plusieurs autres manières : la notoriété et la reconnaissance des autres, par exemple. Sans oublier que créer est amusant ; c’est une récompense en soi.

Et puis la plupart sont partis quand on leur a proposé de faire le même travail intéressant en étant très bien payés.

Les faits démontrent que les gens programment pour d’autres raisons que l’envie de faire fortune ; mais si en plus on leur propose beaucoup d’argent, ils finiront par s’y attendre, et l’exigeront. Les organismes qui payent moins bien ont du mal face à ceux qui payent bien, mais ils devraient pouvoir s’en sortir si les gros payeurs sont bannis.

« Nos besoins en programmeurs sont tellement importants que s’ils interdisent le partage, nous ne pouvons que leur obéir. »

La situation n’est jamais assez désespérée pour qu’on soit obligé d’obéir à une telle interdiction. Rappelez-vous : des millions pour la défense, mais pas un sou de tribut !

« Il faut bien que les programmeurs gagnent leur pain. »

À court terme, c’est vrai. Cependant, il y a de nombreuses possibilités offertes à un programmeur pour vivre décemment sans pour autant vendre le droit d’utiliser un programme.

C’est le moyen habituel actuellement, parce que c’est celui qui engendre le profit maximum pour les programmeurs et les hommes d’affaires, et non parce que c’est la seule manière de gagner son pain. Vous pouvez facilement trouver d’autres manières si vous le voulez. Voici quelques exemples.

Un fabricant qui sort un nouvel ordinateur payera pour le portage des systèmes d’exploitation sur le nouveau matériel.

Les services payants d’enseignement, d’assistance et de maintenance peuvent également créer des postes de programmeurs.

Des personnes aux idées novatrices peuvent distribuer des logiciels comme « graticiels » [freeware] (9), en demandant des dons aux utilisateurs satisfaits ou en vendant un service d’assistance. J’ai rencontré des personnes qui travaillent déjà de cette manière avec succès.

Les utilisateurs ayant des besoins en commun peuvent créer des groupes d’utilisateurs et verser des cotisations. Chacun de ces groupe pourrait passer contrat avec une entreprise de développement pour écrire des programmes spécifiques répondant aux souhaits de ses membres.

Toutes sortes de développements pourraient être financés par une taxe sur le logiciel.

Supposons que chaque acheteur d’un ordinateur ait à payer une taxe sur le logiciel s’élevant à x pour cent du prix. L’administration reverse alors cette somme à un organisme comme la NSFd pour subventionner le développement.

Mais si l’acheteur fait lui-même un don au développement logiciel, il peut s’en servir pour réduire sa taxe. Il peut donner au projet de son choix – choix souvent guidé par l’espoir de profiter des résultats à l’achèvement du projet. La réduction peut atteindre le montant total de la taxe qu’il avait à payer.

Le taux de la taxe pourrait être déterminé par un vote de ceux qui la payent, pondéré par le montant sur lequel ils seront taxés.

Les conséquences :

  • la communauté des utilisateurs soutient le développement logiciel ;
  • cette communauté décide du niveau de soutien financier nécessaire ;
  • les utilisateurs qui s’intéressent aux projets bénéficiant de leur participation peuvent les choisir eux-mêmes.

À terme, rendre les programmes libres est un pas vers le monde de l’après-pénurie, où personne ne sera obligé de travailler très dur pour simplement survivre.

Les gens seront libres de se consacrer à des activités ludiques comme la programmation, après avoir, bien entendu, passé les dix heures par semaine nécessaires à des œuvres telles que la rédaction des lois, le conseil familial, la réparation de robots et l’exploration d’astéroïdes. On pourra programmer sans avoir besoin d’en faire un gagne-pain.

Nous avons déjà beaucoup fait diminuer la quantité de travail que la société dans son ensemble doit fournir pour ses activités productives, mais cela ne s’est que très partiellement traduit en temps libre pour les travailleurs, car beaucoup d’activités non productives sont nécessaires pour accompagner l’activité productive. Les raisons principales en sont la bureaucratie et la lutte isométrique contre la concurrence.

Le logiciel libre va grandement réduire ces pertes dans le secteur du logiciel. C’est pour nous la seule chose à faire pour que les gains de productivité sur le plan technique se traduisent en une diminution du temps de travail.

Notes

  1. Ici, le choix des mots était irréfléchi. Je voulais dire que personne n’aurait à payer l’autorisation d’utiliser le système GNU. Mais cela n’était pas clair, et les gens ont souvent compris que les copies de GNU devaient toujours être distribuées gratuitement ou presque. Cela n’a jamais été mon intention ; plus loin, le manifeste mentionne la possibilité que des entreprises fournissent un service de distribution rentable. Par la suite, j’ai appris à bien faire la distinction entre free dans le sens de libre, et free dans le sens de gratuit.e Un logiciel libre est un logiciel que les utilisateurs ont la liberté de distribuer et de modifier. Certains utilisateurs peuvent en obtenir des exemplaires gratuitement tandis que d’autres les paieront ; et si cela peut rapporter de quoi financer l’amélioration de programmes, tant mieux. Le principal est que toute personne disposant d’un exemplaire ait le droit de l’utiliser en collaboration avec d’autres.
  2. L’expression utilisée, give away, est une autre indication que je n’avais pas encore clairement séparé le problème du prix de celui de la liberté. Nous recommandons maintenant d’éviter cette expression lorsque l’on parle de logiciel libre. Consulter « Termes prêtant à confusion » pour d’autres explications.
  3. Voilà un autre endroit où je n’ai pas fait la distinction entre les deux définitions de free. La phrase telle quelle n’est pas fausse, vous pouvez obtenir des exemplaires de logiciels GNU gratuitement, par vos amis ou par Internet. Mais le fait est qu’elle suggère la mauvaise interprétation.
  4. Plusieurs sociétés de ce type existent actuellement.
  5. Bien qu’il s’agisse d’une organisation à but non lucratif, la Free Software Foundation récolte depuis 10 ans l’essentiel de ses fonds à travers un service de distribution. Vous pouvez commander des logiciels, des livres, etc., à la FSF [en] pour soutenir son travail.
  6. Un groupe de sociétés informatiques a réuni des fonds vers 1991 pour financer la maintenance du compilateur C de GNU.
  7. Je pense que je me fourvoyais en disant que le logiciel propriétaire était le moyen le plus courant de gagner de l’argent dans le monde du logiciel. Il semble que le modèle le plus courant ait été, et soit encore, le développement de logiciel sur mesure. Cela ne permet pas de collecter des rentes, donc l’entreprise est obligée de continuer à travailler effectivement pour continuer à percevoir des revenus. Le modèle du logiciel sur mesure devrait continuer d’exister, plus ou moins inchangé, dans un monde de logiciel libre. Par conséquent, je ne m’attends plus à ce que les programmeurs payés gagnent moins dans un monde de logiciel libre.
  8. Dans les années 80, je n’avais pas encore réalisé à quel point il est déroutant de parler de « la question » de la « propriété intellectuelle ». Ce terme est à l’évidence partial ; plus subtil est le fait qu’il mélange diverses lois disparates traitant de questions très différentes. De nos jours, j’insiste auprès des gens pour qu’ils rejettent totalement le terme « propriété intellectuelle », de peur qu’il ne conduise d’autres personnes à supposer que ces lois forment un tout cohérent. Pour être clair, on doit parler de brevets, de copyright (droit d’auteur) et de marques déposées, séparément. Voir des explications plus détaillées sur la manière dont ce terme sème la confusion et le parti pris.
  9. Par la suite, nous avons appris à faire la distinction entre « logiciel libre » et « graticiel ». Le terme « graticiel » s’applique aux programmes qu’on est libre de redistribuer, mais dont on n’est généralement pas libre d’étudier et de modifier le code source ; donc la plupart ne sont pas des logiciels libres. Vous trouverez des explications supplémentaires sur la page « Termes prêtant à confusion ».

Notes de relecture

  1. Parser generator, ce qui peut aussi se traduire par « compilateur de compilateur ».
  2. « Traite les autres comme tu voudrais être traité. »
  3. Nous traduisons maintenant proprietary par « privateur », ces logiciels nous privant de certaines des libertés énoncées.
  4. Fondation nationale pour la science, organisme américain de financement de la recherche fondamentale.
  5. En français, la distinction entre « libre » et « gratuit » est évidente.
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Les élections du 21 décembre 2017 en Catalogne

Les élections catalanes se sont tenues hier 21 décembre 2017, suite à la crise provoquée par la tentative d’affirmation d’indépendance par le gouvernement régional. Avec 82 % de participation, la mobilisation a été importante et elles ont été marquées par la victoire de la même majorité, avec cette fois 70 députés contre 72 auparavant.

C’est donc un retour à la case départ, avec cette fois le responsable du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, en exil à Bruxelles pour éviter la répression de l’État espagnol. Pourra-t-il revenir ? Pas s’il continue de mettre en avant l’indépendance.

Mais comment mettre en avant l’indépendance si le pays est coupé en deux parts à peu près égales ? Sans compter qu’il y a la question de l’unité de l’Espagne. Si le camp de tradition franquiste est indéniablement encore très puissant, il y a aussi les gens qui ne veulent pas d’implosion d’un pays, de morcellement en toujours plus de petits pays.

Naturellement, être de gauche, c’est se dire qu’après tout, c’est une bonne chose que la monarchie espagnole vacille. Mais le contraire de la monarchie, n’est-ce pas la république ? Mais alors la république pour tout le monde, pas simplement pour les Catalans.

Lors de la guerre d’Espagne, la Catalogne existait sous la forme d’une Généralité catalane, au sein de la République. C’était une composante essentielle du Front populaire, tout en conservant une large autonomie. Les partis socialistes et communistes avaient d’ailleurs fusionné leurs sections locales, devenues indépendantes, en un Parti socialiste unifié de Catalogne.

La Catalogne s’était insérée dans un projet plus global de république portée par les partis de gauche, dans le sens de valeurs résolument ancrées dans les traditions socialistes et communistes. Défendre la Catalogne alors, c’était participer à ses valeurs. C’était la liberté catalane contre la monarchie, l’armée, l’Église. C’était finalement la cause de tout le monde.

La Catalogne ne prend pas du tout aujourd’hui une telle direction. Elle veut être un pays riche dans une Europe composée de petits pays, chacun tirant son épingle du jeu autant qu’il peut. Sous prétexte d’être catalan, tout le monde devrait être ensemble en Catalogne et toutes les questions sociales devraient passer à la trappe.

Les partisans de l’indépendance de la Catalogne sont ainsi contre la monarchie, mais uniquement contre la monarchie pour ce qui les concerne. Ils ne se sentent pas proches des républicains ailleurs en Espagne. Ils veulent leur république, comme si d’ailleurs un tel républicanisme était une fin en soi.

Un tel manque d’universalisme reflète toujours le particularisme, le repli sur soi, l’égoïsme. Alors qu’une cause juste, même particulière, participe toujours à l’universel. Cela pourrait être le cas si la cause catalane avait les mêmes fondamentaux qu’en 1936.

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Culture

Johnny Hallyday et les Zéniths comme salles de concerts

Johnny Hallyday a marqué de son empreinte ce qu’est la musique en France depuis les années 1960. Ses concerts sont reconnus comme des monuments de divertissement spectaculaires, réunissant un grand nombre de spectateurs acquis à son style de musique de variété souvent teintée de rock’n’roll.

Le chanteur était au centre de séries de spectacles destinés à être joués à travers le pays selon le principe des tournées. Chaque tournée est alors conçue comme une entreprise indépendante, réunissant temporairement des investisseurs autour du projet, dans le but de réaliser des profits.

Ainsi par exemple, le « Tour 66 » réalisé par Johnny Hallyday en 2009-2010, dernière grande entreprise du genre autour du chanteur, aurait généré plus de 60 millions d’euros de bénéfices, sans compter les ventes de produits-dérivés.

De telles entreprises nécessitent des infrastructures adaptées à les accueillir, ces spectacles réunissant en effet jusque 20 000 spectateurs par soir. Les concerts se déroulent dans des stades ou de très grandes salles de spectacles.

C’est la politique culturelle menée par Jack Lang au début des années 1980 qui a permis l’essor de ce type d’entreprises de divertissement.

Le ministre a encouragé les grandes villes à construire de grandes salles pour accueillir la musique pop en plein essor à cette époque. Ce sont les Zéniths, dont les cahiers des charges très stricts, tant sur le plan de l’architecture que sur celui de la localisation, ont tous été élaborés sur le même modèle.

Dix-sept salles dont certaines ont une capacité de 9000 places seront construites en périphérie des principales agglomérations françaises.

Johnny Hallyday a été l’un des conseillers techniques du Ministère de la Culture pour la conception du Zénith de Paris, ouvert en 1984.

Jean-Claude Camus, le principal producteur de Jonnhy Hallyday entre 1961 et 2009, a lui-même été l’exploitant du Zénith de Saint-Étienne durant de nombreuses années.

Construits avec de l’argent public provenant de l’État et des collectivités locales, les Zéniths sont exploités comme des entreprises dont la survie dépend de la réalisation de bénéfices importants, par l’organisation de concerts géants.

Ce modèle économique s’oppose à la production de spectacles moins consensuels ou plus pointus, sans parler évidemment des artistes des scènes alternatives, incapables de réunir une quantité de spectateurs suffisantes.

Johnny Hallyday aura été la figure de proue des concerts-monstres à la française, l’idole de milliers de personnes arrivant en voiture à la périphérie des villes, pour des spectacles stéréotypés, conçus pour satisfaire facilement le plus grand nombre, de manière passive et commerciale.

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Politique

Déclaration d’indépendance de la Catalogne d’octobre 2017

[Document signé par 72 députés formant la majorité du parlement catalan, dont la valeur a été suspendu par le même parlement, afin d’entamer des négociations avec l’Etat espagnol, qui aboutiront en fait sur la répression.]

Au peuple de Catalogne et à tous les peuples du monde,

La justice et les droits humains individuels et collectifs intrinsèques, fondements essentiels qui donnent la légitimité historique et la tradition juridique et institutionnelle de la Catalogne, sont la base de la constitution de la République catalane.

La nation catalane, sa langue et sa culture ont mille ans d’histoire. Pendant des siècles, la Catalogne a été dotée et a bénéficié de ses propres institutions qui ont exercé l’autonomie avec plénitude, avec la Generalitat comme la plus grande expression des droits historiques de la Catalogne.

Le parlementarisme a été, pendant les périodes de liberté, la colonne vertébrale sur laquelle ces institutions ont été soutenues, il a été canalisé par les « Cortes catalans » et a été cristallisé dans les Constitutions de Catalogne.

La Catalogne restaure aujourd’hui sa pleine souveraineté, perdue et largement attendue depuis des décennies lors d’une coexistence institutionnelle honnête et loyale avec les peuples de la péninsule Ibérique.

Depuis l’adoption de la Constitution espagnole de 1978, la politique catalane a joué un rôle clé avec une attitude exemplaire, loyale et démocratique à l’égard de l’Espagne et un sens profond de l’Etat. L’Espagne a répondu à cette allégeance en refusant la reconnaissance de la Catalogne en tant que nation; et a accordé une autonomie limitée, plus administrative que politique et a provoqué une processus de recentralisation; un traitement économique profondément injuste et une discrimination linguistique et culturelle.

Le statut d’autonomie, approuvé par le Parlement et le Congrès et approuvé par la citoyenneté catalane, devrait constituer le nouveau cadre stable et durable des relations bilatérales entre la Catalogne et l’Espagne. Mais c’était un accord politique brisé par la décision de la Cour constitutionnelle et qui a fait émerger de nouvelles plaintes des citoyens.

Reprenant les demandes d’une grande majorité de citoyens de Catalogne, le Parlement, le gouvernement et la société civile ont demandé à plusieurs reprises à l’état espagnol la tenue d’un référendum sur l’autodétermination. Devant la constatation les institutions de l’Etat ont rejeté toutes les négociations, elles ont violé le principe de démocratie et d’autonomie et ont ignoré les mécanismes juridiques prévus par la Constitution, la Generalitat de Catalogne a organisé un référendum pour l’exercice du droit à l’autodétermination reconnu en droit international.

L’organisation et la célébration du référendum ont conduit à la suspension de l’autonomie gouvernementale en Catalogne et à l’application de fait de l’état d’urgence. Les opérations policières brutales de caractère et de style militaires orchestré par l’Espagne contre les citoyens catalan ont touché, en de multiples occasions répétées, leurs libertés civiles et politiques et les principes des droits de l’homme, et a contrevenu aux accords internationaux signés et ratifiés par l’Etat espagnol.

Des milliers de personnes, parmi lesquelles des centaines d’élus, institutionnels et professionnels du secteur des communications, l’administration et la société civile ont été surveillées, détenues, frappées, interrogées et menacées par de sévères peines de prison.

Les institutions espagnoles, qui doivent rester neutres, protéger les droits fondamentaux et arbitrer le conflit politique, sont devenues une partie et un instrument de ces attaques et ont laissé les citoyens de Catalogne sans protection. Malgré la violence et la répression visant à empêcher un processus démocratique et pacifique, les citoyens de Catalogne ont voté majoritairement en faveur de la constitution de la République catalane.

La Constitution de la République catalane se fonde sur la nécessité de protéger la liberté, la sécurité et la coexistence de tous les citoyens de la Catalogne et d’avancer vers un Etat de droit et une démocratie de meilleure qualité et répond à l’interdiction de la part de l’Etat espagnol de rendre effectif le droit à l’autodétermination des peuples.

Le peuple de Catalogne est l’amant du droit, et du respect de la loi est et sera l’une des pierres angulaires de la République.

L’Etat catalan remplira toutes les dispositions conformes à la présente Déclaration et garantira le maintien de la sécurité juridique et le maintien des accords de l’esprit fondateur de la République catalane.

La constitution de la République est une main tendue au dialogue. Conformément à la tradition catalane, nous maintenons notre engagement en faveur de l’accord comme moyen de résoudre les conflits politiques. De même, nous réaffirmons notre fraternité et notre solidarité avec le reste des peuples du monde et en particulier avec ceux avec lesquels nous partageons la langue et la culture et la région euro-méditerrannée pour la défense des libertés individuelles et collectives.

La République catalane est une opportunité pour corriger les déficits démocratiques et sociaux actuels et de construire une société plus prospère, plus juste, plus sûre, plus durable et plus solidaire. En vertu de tout ce qui vient d’être exposé, nous, représentants démocratiques du peuple de Catalogne, dans le libre exercice du droit à l’autodétermination et conformément au mandat reçu des citoyens de Catalogne,

NOUS CONSTITUONS la République Catalane, en tant qu’État indépendant et souverain, de droit, démocratique et social.

NOUS METTONS EN VIGUEUR la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS INITIONS le processus constitutif, démocratique, citoyen, transversal, participatif et contraignant.

NOUS AFFIRMONS la volonté d’ouvrir des négociations avec l’Espagne, sans conditions préalables, visant à établir un système de collaboration au bénéfice des deux parties. Les négociations doivent nécessairement être sur un pied d’égalité.

NOUS PORTONS A LA CONNAISSANCE de la communauté internationale et des autorités de l’Union européenne la constitution de la République catalane et la proposition de négociations avec l’Espagne.

NOUS DEMANDONS instamment à la communauté internationale et aux autorités de l’Union européenne d’intervenir pour mettre fin à la violation continue des droits civils et politiques et de suivre le processus de négociation avec l’État espagnol et d’être témoins.

NOUS MANIFESTONS le désir de construire un projet européen qui renforce les droits sociaux et démocratiques des citoyens ainsi que l’engagement à continuer à appliquer les normes de l’ordre juridique de l’Union européenne et celles de l’Espagne et de la Catalogne autonome qui transposent cette norme.

NOUS AFFIRMONS que la Catalogne a le désir sans équivoque de s’intégrer le plus rapidement possible à la communauté internationale. Le nouvel Etat s’engage à respecter les obligations internationales actuellement appliquées sur son territoire et à continuer à faire partie des traités internationaux auxquels le Royaume d’Espagne est partie prenante.

NOUS APPELONS les États et les organisations internationales à reconnaître la République catalane comme un État indépendant et souverain.

NOUS DEMANDONS au Gouvernement de la Generalitat de prendre les mesures nécessaires pour rendre possible la pleine réalisation de cette déclaration d’indépendance et des dispositions de la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS APPELONS chacun des citoyens de la République catalane à nous rendre dignes de la liberté que nous avons donnée et à construire un Etat qui se traduit par des actions et en conduite des inspirations collectives.

Les représentants légitimes du peuple de Catalogne

Barcelone, 10 octobre 2017

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Culture

Kelela : « Take me apart » (2017)

Le premier album de Kelela était très attendu de par les morceaux connus depuis quelques années, en faisant déjà une figure de proue de ce qui est défini comme l’alternative R&B, et il est indéniable que la sortie de l’album Take me apart de Kelela a très certainement été l’un des événements musicaux les plus marquants de la fin de l’année 2017.

L’écouter avec un son puissant est nécessaire pour se retrouver dans l’ambiance R&B sucrée et urbaine typique des banlieues françaises des années 1990 où planait l’ombre lumineuse de Prince.

Take me apart réactive ce processus, appuyant sur la délicatesse et le raffinement sonore tout en restant fondamentalement dansant – l’influence du garage UK est ici fortement présente -, ainsi surtout qu’une orientation electronica particulièrement poussée.

Kelela qui est né en 1983 à Washington d’une famille éthiopienne-américaine, a un avec Take me apart un premier album qui correspond à l’adage coup d’essai, coup de maître.

Si l’une de ses références est Björk, on a ici quelque chose de plus accessible, avec l’irruption d’une féminité assumée, assumant toute sa complexité, la question sentimentale se posant au premier plan, qui dévoile particulièrement les faiblesses des dernières tentatives de Madonna.

Non seulement l’atmosphère ne se dégrade pas en facilités electro-dance – ce que Kylie Minogue n’a littéralement jamais réussi à faire, malgré les quelques mélodies accrocheuses – mais il y a une très profonde maturité sonore et textuelle, amenant qu’on se dit : enfin, de la musique populaire pour adultes.

Ce qui est marquant également est que Take me apart est un album véritablement complet, formant une ambiance particulièrement prenante, résolument chaleureuse et urbaine, tout en étant profondément intimiste ou, comme le précise Kelela, « une vision honnête de comment nous naviguons, dissolvant les liens entre nous, tout en restant sanguin pour la prochaine possibilité d’aimer ».

Take me apart appartient à l’esprit de la musique soul et disco, si marqué par le questionnement sur les sentiments, le couple ; par son témoignage d’une affirmation féminine – qui plus est marquée par l’africanité -, il fera très certainement peur à ceux qui préfèrent s’imaginer simple, simpliste, élémentaire, la densité féminine.

Et il n’est qu’un diamant parmi une multitude d’autres, dont l’un des exemples les plus marquants de 2015-2016 a été Abra, la duchesse de la dark wave, mais à qui il faut bien sûr ajouter Tommy Genesis ou encore Princess Nokia.

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Culture

Emmanuel Macron sur Johnny Hallyday à l’église de la Madeleine

Transcription du discours du Président de la République – Hommage populaire à Johnny Hallyday en l’église de la Madeleine

Mes chers compatriotes,

Vous êtes là pour lui, pour Johnny HALLYDAY.

Près de 60 ans de carrière, 1.000 chansons, 50 albums. Et vous êtes là, encore là, toujours là.

Je sais que vous vous attendez à ce qu’il surgisse de quelque part. Il serait sur une moto, il avancerait vers vous. Il entamerait la première chanson et vous commenceriez à chanter avec lui.

Il y en a certaines qu’il vous laisserait chanter presque seuls. Vous guetteriez ses déhanchés, ses sourires.Il ferait semblant d’oublier une chanson et vous la réclameriez, alors il la chanterait.

Vers la fin, il présenterait ses musiciens et vous applaudiriez, vous applaudiriez plus encore pour que cela ne finisse jamais. Et dans un souffle, en n’osant pas vous l’exprimer trop fort, alors il vous dirait qu’il vous aime.

Alors oui, ce samedi de décembre est triste. Mais il fallait que vous soyez là pour Johnny parce que Johnny depuis le début était là pour vous.

Dans chacune de vos vies, il y a eu ce moment où l’une de ses chansons a traduit ce que vous aviez dans le cœur, ce que nous avions dans le cœur : une histoire d’amour, un deuil, une résistance, la naissance d’un enfant, une douleur.

Dans sa voix, dans ses chansons, dans son visage il y avait cette humanité indéfinissable qui vous perce à jour et qui fait qu’on se sent moins seul.

C’est comme cela que Johnny est entré dans nos vies, par ce blues qui dit nos misères et nos bonheurs, par ce rock qui dit nos combats et nos désirs et pour beaucoup il est devenu une présence indispensable, un ami, un frère.

Et je sais que certains aujourd’hui ont le sentiment d’avoir perdu un membre de leur famille, je sais que beaucoup d’entre vous depuis quelques jours découvrent une solitude étrange.

Mais vous aussi, vous étiez dans sa vie. Vous l’avez vu heureux, vous l’avez vu souffrir. Vous avez vécu ses succès et ses échecs.

Vous l’avez vu parcourir le moindre recoin du pays, passer près de chez vous, chanter dans les petites salles et dans les plus grands stades. Vous l’avez vu frôler la mort plusieurs fois et vous avez tremblé pour lui. Vous avez aimé ses amours, vous avez vécu ses ennuis et à chaque instant, vous l’avez aidé parce qu’il savait que vous étiez là pour lui.

Nous sommes là avec sa famille : avec Sylvie VARTAN, Nathalie BAYE, Laeticia HALLYDAY ; avec ses enfants David, Laura, Joy et Jade, avec ses petits enfants, Emma, Ilona, Cameron.

Et je n’oublie pas que pour eux, c’est aussi un jour de souffrance intime. Nous vous avons si souvent volé votre mari, votre père, votre grand-père, aujourd’hui nous devons aussi vous le laisser un peu parce que ce deuil est d’abord le vôtre.

Nous sommes là avec sa marraine, avec ses musiciens, avec ses paroliers, ses équipes, ses amis, avec ses compagnons de route de toujours. Eux aussi sont déjà un peu plus seuls, ils chercheront cette énergie qui emportait tout sur scène.

Ils devront désormais retenir les mots et les mélodies que personne d’autre ne pouvait chanter ; et ils attendront le copain, l’ami, celui dont ils aimaient les longs silences et l’œil qui à un moment sourit.

Mais tous, tous au fond d’eux-mêmes savent depuis longtemps que Johnny était à vous, Johnny était à son public, Johnny était au pays.

Parce que Johnny était beaucoup plus qu’un chanteur, c’était la vie, la vie dans ce qu’elle a de souverain, d’éblouissant, de généreux et c’était une part de nous-mêmes, c’était une part de la France.

Que ce jeune belge décidant de prendre un nom de scène anglo-saxon soit allé chercher très loin le blues de l’âme noire américaine, le rock’n’roll de Nashville pour le faire aimer aux quatre coins du pays était hautement improbable. Et pourtant, c’est un destin français.

Dix fois, dix fois il s’est réinventé, changeant les textes, les musiques, s’entourant des meilleurs mais toujours il a été ce destin et toujours vous étiez au rendez-vous. Il a été ce que Victor HUGO appelait « une force qui va ».

Il a traversé à peu près tout sur son chemin, il a connu les épreuves, les échecs. Il a traversé le temps, les époques, les générations et tout ce qui divise la société.

Et c’est aussi pour cela que nous sommes ensemble aujourd’hui, c’est aussi pour cela que je m’exprime devant vous. Parce que nous sommes une nation qui dit sa reconnaissance. Parce que nous sommes un peuple uni autour d’un de ses fils prodigues.

Et parce qu’il aimait la France, parce qu’il aimait son public, Johnny aurait aimé vous voir ici.

Il ne savait pas vraiment exprimer ce qu’il vivait, il préférait les silences. Alors il chantait les mots des autres, les chansons des autres. Il n’osait pas avouer ce qu’il ressentait, il aimait la pudeur.

Alors il se brûlait au contact du public, dans la ferveur de la scène et il s’offrait entièrement, terriblement, furieusement à vous.

Il aurait dû tomber 100 fois, mais ce qui l’a tenu, ce qui souvent l’a relevé c’est votre ferveur, c’est l’amour que vous lui portez.

Et l’émotion qui nous réunit ici aujourd’hui lui ressemble. Elle ne triche pas. Elle ne pose pas. Elle emporte tout sur son passage. Elle est de ces énergies qui font un peuple parce que pour nous, il était invincible parce qu’il était une part de notre pays, parce qu’il était une part que l’on aime aimer.

Alors au moment de lui adresser un dernier salut, pour que demeure vivant l’esprit du rock’n’roll et du blues, pour que le feu ne s’éteigne pas, je vous propose où que vous soyez, qui que vous soyez pour lui dire merci, pour qu’il ne meure jamais d’applaudir monsieur Johnny HALLYDAY.

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Politique

Autriche : l’extrême-droite obtient l’intérieur, les affaires étrangères et la défense

L’Autriche de l’après-guerre a connu un régime marqué par un grand compromis, entre la droite du Parti autrichien du peuple et le Parti social-démocrate.

Les postes étaient partagés, les deux camps coexistant parallèlement, toute la société se divisant suivant cette ligne. Symbole de ce compromis, l’aigle nationale se voyait coiffé d’une couronne en forme de tour, symbole de la ville, du bourg, du bourgeois.

Et, dans ses pattes, il tient un marteau et une faucille, se libérant de chaînes : c’est le symbole de la social-démocratie, de la classe ouvrière, du socialisme.

Ce compromis était contre-nature, mais la social-démocratie l’acceptait, car elle préférait les Etats-Unis au communisme. Il n’a été remis vraiment en cause que dans les années 1980-1990 avec l’irruption du FPÖ, le parti de la liberté d’Autriche, avec à sa tête Jörg Haider.

Mais l’alliance du Parti autrichien du peuple et du FPÖ, en 2000, avait provoqué un cordon sanitaire international, l’Autriche connaissant un isolement diplomatique, l’extrême-droite n’obtenant de toutes façons que des postes ministériels secondaires.

L’époque a changé et le nouveau gouvernement qui vient de se former en Autriche correspond au cauchemar de tous les gens de gauche. Non seulement l’extrême-droite arrive au gouvernement, non seulement elle obtient six ministères, mais en plus parmi ceux-ci il y a l’intérieur, les affaires étrangères et la défense.

C’est très exactement le genre de moment où l’on se dit : cela recommence, ce sont de nouveau les années de crise de l’après-première guerre mondiale, avec tout ce chantage nationaliste, cette crispation de la société.

Quelle personne de gauche ne peut pas trembler à l’idée que le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre des affaires d’étrangères, soient d’extrême-droite, membres d’un parti fondé par le chef de brigade SS Anton Reinthaler ?

Une extrême-droite dont les parlementaires, lors des sessions, portent un bleuet. Cette fleur était le symbole de reconnaissance des nationaux-socialistes à partir de 1933, année de leur interdiction.

Une interdiction mise en place par… les nationalistes-catholiques autrichiens, ayant comme dirigeant Engelbert Dollfuss, le dictateur de « l’État des corporations » de 1932 à 1934.

Engelbert Dollfuss qui avait encore, jusqu’à il y a quelques mois et la rénovation du parlement, son portrait dans le club parlementaire de la droite !

Cerise sur ce gâteau indigeste, l’annonce de l’alliance formant le nouveau gouvernement, entre le Parti autrichien du peuple et le Parti de la liberté d’Autriche, s’est faite sur le mont Kahlenberg, lieu du camp de base des armées de l’empire ottoman devant Vienne, symbole de leur dernière grande offensive en Europe centrale, mis en échec en 1683.

C’est une alliance contre-nature, puisque le Parti autrichien du peuple, formant la droite, est de tradition nationaliste – catholique, alors que le Parti de la liberté d’Autriche, l’extrême-droite, représente le courant nationaliste – pangermaniste.

Mais les descendants des austro-fascistes et des nationaux socialistes ont su s’entendre, disposant d’une majorité largement suffisante, puisque aux élections législatives la droite a obtenu 31,5 % des voix, l’extrême-droite 26 %.

L’occasion était trop belle et de toutes manières, droite et extrême-droite sont d’accord pour se tourner ouvertement vers la Russie, tout en restant dans l’Union Européenne.

Qui plus est, avec un chancelier de droite, Sebastian Kurz, qui n’a que 31 ans, le gouvernement peut se prétendre comme représentant une Autriche se modernisant, au moyen d’une équipe nouvelle. Le dirigeant d’extrême-droite Heinz-Christian Strache, âgé de 48 ans, est quant à lui vice-chancelier.

L’Autriche s’enfonce donc dans la droite et l’extrême-droite de manière significative.