Catégories
Politique

Manifeste du premier festival des idées

Un « festival des idées » avait lieu ce week-end à la Charité-sur-Loire dans la Nièvre, rassemblant beaucoup de courants de la Gauche ou issus de la Gauche, cherchant l’unité politique. 

1 500 personnes étaient présentes à l’initiative d’un ancien député PS, Guillaume Duval, soutenu par toute la presse qu’on doit qualifier de bobo de gauche, Alternative économique, Politis, L’Obs, Libération, Médiapart, Basta mag, Regards, Le vent se lève.

On a pu y voir Cécile Duflot d’EELV, Clémentine Autain, Manon Aubry ou Raquel Garrido de la France insoumise, Emmanuel Maurel, proche de la France insoumise, Guillaume Balas de Génération-s ou encore Boris Vallaud, François Lamy et Jean-Marc Germain du Parti socialiste.

Ce n’était pas un événement populaire organisé de longue date sur des bases démocratiques, mais un événement relativement confidentiel pour des gens déjà dans le petit milieu de la Gauche, qui malheureusement tourne sur lui-même, persistant à évoluer à l’écart de la société et des classes populaires.

Voici le Manifeste issu de cette première rencontre, qui annonce probablement d’autre initiatives. On notera que le ton se veut très engagé, mais qu’il ne dit en même temps pas grand chose, n’osant même pas le terme de Socialisme. On y trouvera certainement beaucoup de bonne volonté, mais en tout cas pas celle d’un retour aux fondamentaux de la Gauche historique avec la classe ouvrière comme centre de gravité.

« MANIFESTE DU PREMIER FESTIVAL DES IDÉES

Les périls montent. Nous prenons la parole, car se taire serait renoncer. Nos générations devront faire preuve d’une immense mobilisation de courage, d’imagination et de désintéressement pour faire face.

Pour la première fois dans l’histoire, l’avenir de la vie sur terre est menacé. L’extrême lenteur des décisions, le poids d’intérêts puissants qui ne sont pas ceux des peuples, la cécité et la lâcheté mettent en doute notre capacité à endiguer en Europe et dans le monde les catastrophes écologiques, sociales et démocratiques.

Au même moment, la France est prise en tenaille entre un néolibéralisme autoritaire fasciné par la toute- puissance du marché, et une extrême-droite xénophobe. L’échec de l’un prépare l’arrivée de l’autre.

C’est pourquoi nous appelons à un soulèvement des consciences et à la réunion des forces de l’alternative. La peur tétanise, les certitudes paralysent, mais les idées peuvent changer le monde, quand elles invitent au dépassement des égoïsmes et au bien commun.

CE QUI DOIT CHANGER 

La politique est en panne. Nous devons la changer. Le double langage la discrédite : dénoncer les excès du capitalisme et en même temps signer les traités de libre-échange, c’est une illustration de ce grand écart mortifère. Les classes moyennes et populaires n’y ont pas leur place.

La défiance atteint des sommets. Le mouvement des Gilets jaunes, la révolte sociale la plus large depuis un demi-siècle, n’a reçu aucune réponse à la hauteur des situations intolérables qu’il révélait. Les inégalités et les discriminations rongent notre pays. Nous refusons que ces failles ouvertes séparent sans appel plusieurs France.

Mais s’opposer ne suffit jamais, nous devons nous rassembler pour proposer.

La société doit faire le programme. C’est d’abord à la société d’inventer son futur et ses projets, et non plus aux seuls dirigeants politiques. Elle a tout pour l’écrire : les colères et les utopies concrètes, les solidarités actives et l’excellence collective, le goût de bâtir et le sens de l’intérêt général. Et d’abord l’énergie, les vies, les idées, l’expérience de millions de gens.

Il faut affirmer que l’écologie est un impératif central, le progrès humain le but et non pas une variable d’ajustement, la démocratie un préalable pour réussir les mobilisations et les transitions.

Nous voulons abolir ce pouvoir technocratique et marchand sur nos idées et sur nos vies. Nous appelons à créer un espace démocratique puissant, une communauté de citoyens agissants, pour inventer les nouvelles coordonnées de la politique.

Pour la première fois, proposons aux citoyens, à des femmes et des hommes venus de la société et des territoires, à des innovateurs du quotidien et du terrain de se retrousser les manches, ensemble. C’est en quittant le confort des institutions établies que s’inventent les projets optimistes.

Cette naissance est une promesse, celle d’un nouvel imaginaire qui se construit. Nous ne pensons pas pareil, tant mieux si le but est le même : sans nier les différences, ne cultivons pas les divisions. Sans redouter les controverses, refusons la violence des mots, bâtissons ensemble cette fédération des idées et des projets qui préparent d’autres combats.

Pour gagner cette bataille, il faut faire tomber les murs qui divisent et qui paralysent. Ces murs qui font de l’Europe une forteresse assiégée. Ces murs qui dispersent et condamnent à l’impuissance les gauches éparpillées, les écologistes, les syndicalistes, les mouvements citoyens, et les éloignent des classes populaires.

Il est urgent que cessent les guerres de chapelles. Pour être à la hauteur de la France, en 2022, il n’y aura pas de salut solitaire, mais l’ardente nécessité de se rassembler, afin de transformer l’alternative en alternance. Les partis et les citoyens engagés devront faire l’apprentissage des coalitions. C’est le seul chemin, à un moment où être de gauche, c’est être nécessairement écologiste, et où pour écologiste, il faut impérativement défendre une République sociale.

NOS ENGAGEMENTS 

Le Festival des idées est un événement, pas un mouvement. Ce festival est différent parce qu’il veut rassembler et faire dialoguer citoyens, acteurs de la société civile organisée et responsables politiques. Nous avons démontré ici la vitalité des idées et la capacité d’invention de notre peuple. Quand chacun prend la parole et trouve sa place, l’écoute des autres permet de penser mieux. C’est la représentation de tous qui permet la participation et l’adhésion de chacun.

Femmes et hommes engagés dans le mouvement associatif, des syndicats, des médias, chercheurs, artistes, actrices et acteurs d’entreprises citoyennes, des banlieues et de la ruralité, de l’accueil des migrants, des luttes de la jeunesse ou encore contre la pauvreté : un monde se lève, prêt à prendre toutes ses responsabilités. Vous êtes, nous sommes de ce monde-là.

Pour amplifier ce mouvement, nous travaillerons au cours des prochains mois à des « Idées pour demain », pour les mettre en débat lors de la seconde édition du Festival des Idées en juillet 2020. Nous engageons ce travail intense en mixant les origines, les géographies, les expériences et les savoirs.

Nous appelons à l’éclosion de Festivals des Idées partout où la volonté de faire tomber les murs et d’inventer de nouveaux horizons existe.

Rejoignez notre combat pour penser et pour agir, pour rassembler, associer, coopérer, mener les combats communs, inventer d’autres façons de vivre. Oui, l’espoir est contagieux. »

On retrouvera également la Charte sur le site du festival, permettant de relayer l’initiative dans sa région.

Catégories
Écologie

Chasse à courre : Solidarité avec Claire et Christophe au tribunal de Rennes le 16 juillet

Il faut soutenir AVA Bretagne dont deux des membres seront en procès le 16 juillet suite à la plainte qu’ils ont déposé après s’être fait agressés.

Les faits dénoncés sont très graves, d’une rare violence. C’est que l’opposition démocratique et populaire à la chasse à courre charrie beaucoup d’hostilité de la part de gens qui ne veulent pas voir le monde changer, qui veulent maintenir leurs traditions féodales.

Voici le communiqué :

« Solidarité avec Claire et Christophe : tous au Tribunal !

Le samedi 2 février dernier, alors qu’ils suivent une chasse à courre pour la documenter et en exposer la barbarie au monde, Claire et Christophe sont sauvagement agressés. 🏰🗡📯

Claire est frappée, jetée au sol et emmenée dans un fossé où on lui maintient la tête sous l’eau jusqu’à suffocation.

Christophe, qui tente de s’interposer, est lui aussi frappé, immobilisé au sol et étranglé. Leurs agresseurs ne réussiront pas à leur voler leurs caméras, seule l’arrivée d’autres camarades d’AVA (Abolissons la Vénerie Aujourd’hui) mettra fin à l’agression.

Depuis quelques mois, les chasseurs à courre ont organisé une véritable milice pour empêcher les opposants de suivre et filmer leur pratique barbare. Pas moins de vingt agressions graves sont à déplorer, mais seulement quelques unes passeront en Justice.

La condamnation des agresseurs de Claire et Christophe doit venir mettre un coup d’arrêt aux violences orchestrées par les veneurs. L’Etat de droit doit prévaloir ! ✊👩‍⚖

➡ Tous devant la Cité Judiciaire de Rennes, ce mardi 16 juillet à 13h !
Soyons nombreux à leur montrer notre soutien, réclamons justice tous ensemble ! 👥👥🗣

➡ Ramenez pancartes, banderoles et collation. Seules quelques personnes pourront assister à l’audience et communiqueront en direct à l’extérieur.

➡ Des co-voiturages sont organisés sur cette page. 🚗🚌

➡ Si vous ne pouvez pas vous déplacer, laissez leur un message de soutien ici ! 💚 »

Catégories
Écologie

« Qui va me venir en aide ? »

Le refuge « Sauvegarde Animalière Risle Seine » dans l’Eure a lancé un appel début juillet 2019 pour une de ses protégées : Eloïse, une chienne de 10 ans dont l’arrière-train « ne fonctionne plus ». Le message a gagné en ampleur sur les réseaux sociaux grâce au compte Facebook du site Seconde chance (sorte de moteur de recherche pour aider l’adoption d’animaux, notamment soutenu par l’animalerie en ligne wanimo.com).

« Qui va me venir en aide ? »

Eloïse a besoin d’aide. Elle ne demande qu’à vivre, mais ses problèmes moteurs la gênent dans sa vie. Un chariot ou n’importe quelle autre solution durable lui permettrait de retrouver une plus grande mobilité et une vie de chien presque normale.

Voici le message de la publication Facebook de l’association :

« J’ai 10 Ans et je m’appelle Éloïse. Je suis au refuge depuis quelques temps car mon maitre n’a plus voulu de moi,bref…
Maintenant,c’est mon train arrière qui ne fonctionne plus,on doit m’aidé à me mettre debout pour me faire marcher et faire mes besoins. Hormis ça, j’ai toute ma tête et bon appétit mais ne plus pouvoir courrir ou marcher est vraiment très embêtant au quotidien,pour moi mais aussi pour les personnes qui s’occupe de moi. Il me faudrait peut-être un chariot mais le refuge n’a pas beaucoup de moyen. Alors, si une Asso spécialisée serait prête à m’accueillir et m’aidé se serait super. Je n’ai pas envie de mourrir car oui,certain pense sûrement qu’une fameuse piqûre serait l’idéal et que de toute façon personne ne voudra jamais de moi ! Heureusement que le refuge nous garde jusqu’au bout, même vieux. En attendant une solution, je vais continué d’y croire encore …… merci »

L’histoire n’est malheureusement pas originale. Elle est bien trop classique. Un chien qui a fait confiance a des êtres humains qui l’ont abandonné, qui commence à vieillir et dont la santé se dégrade et se retrouve abandonnée une deuxième fois : cette chienne aurait dû avoir un chariot dès l’apparition des premiers signes troubles moteurs. Le refuge et les personnes qui s’occupent d’elle ne sont pas en cause. Cette chienne a été abandonnée par la société des hommes, par une société qui sera jugée barbare par les générations futures.

L’humanité est capable d’envoyer des êtres humains sur la Lune, mais est incapable de fabriquer un chariot sur mesure pour une chienne qui ne demande qu’à vivre ?

La folie du mode de production capitaliste préfère produire en masse des objets abrutissants et gadgets inutiles et polluants plutôt que de se donner les moyens de défendre la vie ?

Et comme toujours, ce sont des commentaires sur des publications Facebook, quelques milliers de partages pour essayer de trouver une solution. Ce sera une demande envoyé à un refuge spécialisé dans l’accueil de chiens handicapés et globalement une sorte de bricolage pour arriver à régler un nouveau problème avant le prochain : comptes dans le rouge, abandons de l’été…

La situation des animaux handicapés est terrible. Alors qu’ils ne demandent qu’à vivre, bon nombre sont tout simplement tués (les plus hypocrites parleront à tort d’euthanasie) en raison de l’espèce, de sa prétendue nuisibilité, des certificats de la structure d’accueil, etc. Sans parler de personnes qui décrètent, par exemple, qu’un oiseau dans l’incapacité de voler serait forcément malheureux et que la mort vaut mieux que la vie dans ce cas-là.

Ces personnes n’ont probablement jamais connu des oiseaux, par exemple, qui, tellement désespérés, ont non seulement trouvé un partenaire mais se sont en plus reproduits. Ces personnes considèrent-elles que seuls les êtres au bord du gouffre cherchent à enfanter ? Qui a entendu ce genre de raisonnements sait très bien qu’ils émanent de personnes et de structures qui ont malheureusement cédé en partie aux valeurs dominantes.

Très tôt, la question du rapport aux animaux s’est posée au sein du mouvement ouvrier. De manière trop faible ou trop en marge dans l’ensemble, mais avec la question de la vivisection, du végétarisme et plus généralement d’un idéal de vie harmonieuse et en paix avec la nature.

Il est temps reprendre le flambeau et de dépasser les limites propres à la fin XIXe et au début du XXe siècles. La question des animaux doit être centrale : personne ne doit rester sur le bord de la route.

L’idéal socialiste du XXIe siècle ne peut pas éviter la question animale. Et il ne peut pas la poser à la façon d’associations ancrées dans les institutions comme L214. Le Socialisme doit intégrer pleinement les animaux : généralisation des dispensaires, réseaux de refuges et de centres de soins gérés par l’État, recherches pour améliorer la vie des animaux sauvages et domestiques…

L’exemple d’Éloïse ne pourra plus arriver : des ateliers dédiés seront chargés de produire tout type d’équipement médicaux pour tous types d’animaux. L’humanité en est capable, elle doit retrouver sa dignité perdue.

Catégories
Culture

Debaser des Pixies

› Debaser a été enregistré en 1988 et est sorti sur l’album Doolittle. C’est un morceau du groupe de musique rock indé Pixies, principalement connu pour leur titre « Where is my mind ».

Debaser pourrait se traduire par « rabaisseur », « un snob ». La chanson parle d’un bourgeois qui tente d’impressionner une fille qui lui plaît en lui parlant d’un film surréaliste.

« Got me a movie                 Tu m’as donné/fait voir un film
I want you to know              Je veux que tu le saches
Slicing up eyeballs             Globes oculaires tranchés [référence à l’une des scènes de « un chien andalou »]
I want you to know              Je veux que tu le saches
Girlie so groovy                Jeune fille sensationnelle
I want you to know              Je veux que tu le saches
Don’t know about you            Je ne te connais pas
But I am un chien andalusia     Mais je suis un chien andalousie

Wanna grow up to be             Je veux grandir pour être
Be a debaser… »                être un rabaisseur…

Cette chanson est intéressante car elle joue véritablement avec le côté inutile du surréalisme et de l’attitude qui en découle. À première vu on se dit que c’est de l’art pour de l’art cette chanson, mais pas du tout !

Dans la manière dont est chanté la chanson, on ressent bien que c’est pour se moquer de la bourgeoisie qui se pense intellectuellement supérieure !

C’est donc un homme qui pour tenter de séduire une femme, fais le snob « je veux que tu le saches », se pose en faux appréciateur de l’art « mais je suis un chien d’andalousie » en référence au film surréaliste de Dali Un chien andalou.

Debaser se moque donc de l’esprit arrogant de la bourgeoisie appréciant l’art contemporain.

En moins de deux minutes, il y a une critique de l’esprit viriliste, de l’art contemporain et de son absurdité, de l’arrogance de la bourgeoisie « debaser .

En plus de cela, la musique est très entraînante.

Catégories
Politique

Léon Blum, Pour être socialiste (1919)

Il y a 100 ans, le dirigeant de la SFIO Léon Blum publiait cet article destiné aux jeunes, qui est un classique pour la Gauche en France.

« Pour être socialiste

À mon Fils,

Jeunes filles et jeunes gens qui lirez ces quelques pages, je ne vous demande que ceci : lisez avec une entière foi dans la sincérité de l’homme qui s’adresse à vous, lisez avec une attention dégagée des préjugés qui vous enserrent sans doute depuis votre enfance, lisez en laissant se former en vous l’appel de vos consciences dont les rigueurs de la vie n’ont pas encore faussé la voix, lisez avec vos yeux frais et votre esprit libre.

De quoi est né le socialisme ?

Voilà longtemps que les hommes travaillent, souffrent et pensent sur cette terre. Leurs efforts accumulés par les siècles ont créé peu à peu une moralité universelle, ont constitué comme un patrimoine commun de sentiments que chacun de nous porte en soi dès sa naissance, que chacun de vous peut retrouver en lui-même. Nous naissons avec le sentiment de l’égalité, avec le sentiment de la justice, avec le sentiment de la solidarité humaine. Nous savons, avant d’avoir rien appris, et par un instinct qui est l’héritage de nos ancêtres, que nous apparaissons tous en ce monde égaux, avec le même droit à la vie, avec le même droit au bonheur, avec le même droit de jouir des richesses indivises de la nature et de la société. Nous savons qu’il doit exister un rapport permanent, équitable entre nos droits et nos devoirs, entre notre travail et notre bien-être. Nous sentons que notre bonheur n’est pas indépendant de celui des autres hommes, de même que notre travail demeurerait vain sans le leur, mais que leurs souffrances et leurs misères sont les nôtres, que toute injustice qui les atteint doit nous blesser. Nous sentons que la vertu véritable, celle qui procure la pleine satisfaction du cœur, c’est de savoir sacrifier fût-ce notre intérêt présent et notre profit égoïste, au bonheur commun et à la justice future, et que là sont les formes authentiques de cette fraternité que nous enseignaient les religions, de l’immortalité qu’elles nous ont promise.

De quoi est né le socialisme ? De la révolte de tous ces sentiments blessés par la vie, méconnus par la société. Le socialisme est né de la conscience de l’égalité humaine, alors que la société où nous vivons est tout entière fondée sur le privilège. Il est né de la compassion et de la colère que suscitent en tout cœur honnête ces spectacles intolérables : la misère, le chômage, le froid, la faim, alors que la terre, comme l’a dit un poète, produit assez de pain pour nourrir tous les enfants des hommes, alors que la subsistance et le bien-être de chaque créature vivante devraient être assurés par son travail, alors que la vie de chaque homme devrait être garantie par tous les autres. Il est né du contraste, à la fois scandaleux et désolant, entre le faste des uns et le dénuement des autres, entre le labeur accablant et la paresse insolente. Il n’est pas, comme on l’a dit tant de fois, le produit de l’envie, qui est le plus bas des mobiles humains, mais de la justice et de la pitié, qui sont les plus nobles.

Je n’entends pas soutenir, vous le comprenez bien, que tous les sentiments généreux et désintéressés de l’âme humaine ne se sont manifestés dans le monde qu’avec les doctrines socialistes. Ils sont plus anciens, s’ils ne sont pas éternels. L’instinct de justice, de solidarité, de moralité humaine qui trouve aujourd’hui son expression dans le socialisme a, tout le long de l’histoire, revêtu d’autres formes et porté d’autres noms. C’est cet instinct qui a fait la force des religions modernes, puisque toutes, à leur naissance, dans leur première phase de prosélytisme populaire, se sont tour à tour adressées à lui. Un encyclopédiste du XVIIIe siècle, un jacobin de la Convention, un démocrate de 1830 étaient probablement mus par les mêmes sentiments qui font aujourd’hui le ressort et la force vive de notre action. Mais – là est le point essentiel – la foi socialiste est la seule forme de cet instinct universel qui réponde exactement aux conditions actuelles de la vie sociale, de la vie économique. Toutes les autres ont été dépassées par le cours des temps. Toutes les autres sont discordantes et retardataires. Que ceux qui s’y obstinaient de bonne foi le comprennent et viennent à nous.

Le socialisme est donc une morale et presque une religion, autant qu’une doctrine. Il est, je le répète, l’application exacte à l’état présent de la société de ces sentiments généraux et universels sur lesquels les morales et les religions se sont successivement fondées. Sa doctrine est économique plutôt que politique. Pourquoi ? Parce que l’analyse de l’histoire – analyse que chacun de nous peut vérifier et confirmer par son expérience quotidienne – établit précisément que les faits économiques, c’est-à-dire les formes de la propriété, les phénomènes de production, d’échange et de distribution de denrées, dominent de plus en plus l’évolution des sociétés modernes, gouvernent de plus en plus leurs institutions et leurs rapports politiques.

Sa doctrine a pour principe initial ce qu’on appelle la lutte des classes. Pourquoi ? Parce qu’en effet, le caractère essentiel des sociétés modernes, considérées du point de vue économique, est la division progressive en deux classes des individus qui les composent : d’une part, les possédants, ceux qui détiennent le capital et les moyens de production créés par la nature ou par le labeur accumulé des siècles ; d’autre part, les prolétaires, ceux dont la propriété consiste uniquement dans leur force personnelle de travail, dans leur vie et dans leurs bras. Concentration progressive des capitaux et des instruments de travail entre les mains des possédants, accroissement progressif du nomb21re des prolétaires, tel est le trait dominant de l’évolution économique depuis un siècle et demi, c’est-à-dire depuis que la science a multiplié l’emprise des hommes sur les richesses et les puissances naturelles. Obligation impérieuse pour le prolétaire de travailler au service et au profit du capital, de devenir le salarié d’un patron, telle est la conséquence inéluctable de cette évolution.

Pourquoi est-on socialiste ?

On est socialiste à partir du moment où l’on a considéré ce fait essentiel : le patronat et le salariat s’engendrant l’un l’autre et s’opposant l’un à l’autre, à partir du moment où l’on se refuse à accepter ce fait comme nécessaire et éternel, à partir du moment où l’on a cessé de dire : “ Bah !, c’est l’ordre des choses ; il en a toujours été ainsi, et nous n’y changerons rien ”, à partir du moment où l’on a senti que ce soi-disant ordre des choses était en contradiction flagrante avec la volonté de justice, d’égalité, de solidarité qui vit en nous.

Est-il vrai d’ailleurs qu’il en ait toujours été ainsi, toujours et partout ? Non, l’effort séculaire des hommes pour vivre en société, pour exploiter en commun le patrimoine des richesses naturelles a déjà connu d’autres formes dans l’histoire. Le salariat lui-même présentait des caractères moins définis aux temps de l’artisanat, du petit négoce et de la petite industrie. Sa généralité comme ses conditions actuelles, datent des progrès du machinisme et du développement des sociétés anonymes de capitaux. Il est vrai qu’il est devenu aujourd’hui la loi commune. Mais c’est cette loi que ni notre raison ni notre cœur n’acceptent plus.

Vous êtes le fils d’un salarié, ouvrier, employé, journalier agricole. Sauf hasard providentiel, votre destinée est de demeurer toute votre vie un salarié. Voilà, tout à côté de vous, dans la rue voisine, le fils d’un possédant, d’un détenteur de capitaux. À moins de circonstances extraordinaires, il restera sa vie entière, directement ou indirectement, un patron. Vous travaillerez pour lui, pour l’entreprise qu’il dirige, ou bien pour l’entreprise où il a placé ses fonds et dont il a mis les titres dans son tiroir. Le produit de votre travail servira pour une part à vous nourrir, vous et les vôtres, mais pour le surplus, à constituer ses profits. Ce salaire, tant qu’il a été le maître absolu, il l’a comprimé, maintenu à un taux dérisoire et inhumain, pour accroître à la fois ses débouchés et ses bénéfices. Il a dû le relever peu à peu depuis que vos camarades et vous, groupés pour votre défense commune, lui avez fait sentir, de temps en temps, la menace de votre force, depuis aussi que, sous l’influence des penseurs et des hommes d’action socialistes, l’opinion publique s’est entr’ouverte aux idées de progrès et d’équité. Cependant, votre salaire ne représentera jamais la valeur entière de votre travail. Toujours, quoi qu’il arrive, une part de cette valeur sera perçue, retenue au profit du capital que l’autre possédait à sa naissance et que vous ne possédiez pas. Il en sera ainsi pendant toute sa vie, et pendant toute la vôtre.

Pourquoi ? Est-ce juste ? Et cela peut-il durer ?

Que disaient, il y a cent trente ans, les hommes de la Révolution française ? Ils disaient : fils de noble, fils de bourgeois, fils de serf ou de manant, les hommes naissent tous libres, tous égaux, pétris du même limon, de la même argile. La société doit consacrer leur égalité naturelle. Plus de distinction tirée de leur origine, de ce qui précède leur venue au monde, de ce qui devance la manifestation de leur utilité personnelle…

Les hommes de la Révolution avaient cru achever leur œuvre en confondant tous les ordres de l’ancienne société. Ils ne se doutaient pas que, dans la société moderne, la même iniquité reparaîtrait, sous une forme moins supportable encore, par la formation et la distinction des classes. Ils ne se doutaient pas qu’il nous faudrait reprendre, après eux, sur nouveaux frais, leur tâche révolutionnaire. Fils de possédant ou fils de prolétaire, les hommes naissent tous libres, tous égaux. Pourquoi la société livre-t-elle les uns aux autres, asservit-elle les uns aux autres, exploite-t- elle le travail des uns au profit des autres ?

On nous répondra : la société distribue à chacun de ses membres le rôle, la tâche qui convient à ses facultés. Il faut bien que l’un commande et que l’autre obéisse, que l’un dirige et que l’autre exécute, que l’un travaille de son cerveau, l’autre de ses bras. Il existe nécessairement comme une hiérarchie d’emplois sociaux, auxquels une société policée pourvoit selon la différence des aptitudes, c’est-à-dire de l’intelligence et de la culture. Soit, il faut des hommes pour toutes les tâches, et il serait absurde que chacun d’eux prétendît à diriger les autres. Mais où trouverons-nous l’assurance que le fils du possédant en fût plus digne que le fils du prolétaire ? Quand donc a-t-on mesuré contradictoirement leurs aptitudes, c’est-à-dire leur intelligence et leur culture ? L’un est plus instruit que l’autre ? C’est qu’un premier privilège, une première distinction arbitraire les a séparés, dès que leur conscience s’éveillait à la vie. Les fils de possédants ont eu leurs écoles à eux, où l’instruction n’a pour ainsi dire pas de fin, où le plus médiocre esprit, à force de temps et de sollicitude, finit par usurper un semblant de connaissances. Les fils de prolétaires ont les leurs, où l’étude est limitée dans ses programmes et dans sa durée, et que les plus aptes doivent quitter bien vite pour apporter à leur famille un complément de subsistance, pour entrer à leur tour dans la servitude du travail salarié.

Si l’on prétend réserver aux plus dignes les emplois de direction et de commandement, qu’on commence donc par donner à tous la partie égale ! Que l’instruction soit commune entre tous les enfants, semblable pour tous, qu’elle devienne entre eux un moyen de sélection exacte… et alors nous verrons bien à qui le prix du mérite reviendra. Que de degré en degré l’école nationale retienne vers les cultures supérieures et les hauts emplois sociaux ceux qui s’en montreront les plus dignes, ceux-là seuls, fussent-ils fils de possédants. Ce jour-là, nous pourrons constater dans quelle classe de la société la sève humaine monte avec le plus de vivacité et de fraîcheur. D’ici là, on aura justifié un privilège par un autre, rien de plus.

On nous répondra encore, comme dans les livres de morale : il ne tient qu’aux fils d’ouvriers. Qu’ils soient laborieux, sobres, économes, qu’ils appliquent toute leur force à leur travail, qu’ils acquièrent la confiance de ceux qui les emploient et, peu à peu d’échelon en échelon, ils pourront devenir à leur tour patrons ou propriétaires. Il n’existe plus, dans notre société actuelle, de caste fermée dont l’entrée soit interdite. Parmi les patrons d’aujourd’hui combien sont fils de prolétaires, combien ont débuté dans la vie sans privilège héréditaire du capital, avec le seul don de leur énergie et de leur intelligence … je le concède encore. Il est vrai que, parmi les patrons d’aujourd’hui, et quelquefois parmi les plus puissants, tous ne le sont pas par droit de naissance. Les sociétés modernes font une terrible consommation d’hommes. Il y a chez elles disette de talents tout comme il y aura un jour pénurie de charbon. Elles ne peuvent s’embarrasser sur le choix ou discuter sur l’origine,

Réfléchissez cependant. Si les enfants d’ouvriers et de paysans étaient tous également sobres, économes, laborieux, pourraient-ils devenir tous, en récompense de leurs vertus, patrons ou propriétaires ? N’est-il pas évident que la classe privilégiée est, par sa nature même, une sorte d’oligarchie, une classe à effectif nécessairement limité ? L’un ou l’autre d’entre vous, par son mérite ou sa bonne fortune, pourra peut-être un jour franchir la barrière ; mais elle ne saurait s’ouvrir à tous. On disait jadis, après l’abolition des lois qui réservaient aux gens de “ sang bleu ” tous les grades militaires, que chaque soldat portait dans sa giberne le bâton de maréchal de France. Que voulait-on dire par là ? Qu’aucun obstacle légal n’empêchait plus un soldat de parvenir au grade suprême, et de même, il n’y a pas d’impossibilité légale à ce que le petit apprenti devienne un jour le chef de la grande usine. Mais à quoi se réduit sa chance ? Combien y a-t-il de soldats qui, de leur giberne, doivent faire sortir le bâton de maréchal ?

La véritable égalité

Que prouveraient d’ailleurs ces élévations isolées ? Si les privilégiés d’aujourd’hui sont nés un peu partout, les privilèges n’en sont ni moins iniques, ni moins odieux. S’il n’existe plus entre les classes de cloisons étanches, si leurs limites sont indécises, elles n’en sont pas moins ennemies. Il se produit des échanges entre elles. Qui le nie ? Mais dans le hasard de ces échanges nous ne pouvons voir que des accidents, non pas le jeu normal d’une loi. Qu’un ouvrier accède à la bourgeoisie, c’est un miracle. Qu’un bourgeois retombe au travail manuel, c’est une catastrophe. Tel patron est le fils d’un ouvrier ou d’un paysan, je le veux bien. Mais que seront ses enfants à lui ? des fils de bourgeois comme les autres. La bourgeoisie aura pompé un peu de sang jeune, voilà tout.

Là n’est pas la véritable égalité. Quand bien même dans la société présente – et cela n’est ni vrai ni possible – il existerait une harmonie entre les privilèges sociaux et les qualités individuelles, si ceux qui commandent étaient les plus dignes du commandement, si les plus riches étaient les plus dignes de la fortune ; rappelez-vous ceci : que le capital se transmet indéfiniment alors que nulle qualité du corps et de l’esprit n’est nécessairement héréditaire. Avec chaque génération, le classement humain recommence sur nouveaux frais. Le fils de l’homme le plus intelligent peut être un sot, le fils de l’homme le plus énergique peut être un faible. S’ils n’apportent pas ces tares en naissant, le luxe et la paresse peuvent promptement les en affliger. Quel droit peuvent-ils revendiquer au privilège social sinon leur droit de naissance ? Ils le recueilleront pourtant dans leur héritage, comme un dauphin de France recueillait jadis la couronne de droit divin, comme l’aîné d’un noble recueillait les titres et les terres de sa maison. La société actuelle n’interdit pas à l’ouvrier, au paysan de conquérir parfois les hautes dignités capitalistes, mais renvoie-t-elle leurs enfants à l’atelier ou à la terre, quand ils ne sont bons, comme il arrive, qu’à conduire la charrue ou qu’à manier le marteau ?

La véritable égalité consiste dans le juste rapport de chaque individu d’où qu’il soit né, avec sa tâche sociale. Certes, le socialiste ne nie pas cette donnée brutale : l’inégalité naturelle, l’inégalité de la force, de la santé, de l’intelligence entre les individus. Il n’entend pas faire passer sur eux le rouleau compresseur pour les réduire tous au même niveau, pour les confondre tous dans une sorte de moyenne humaine. La tâche qu’il veut assumer est plus lourde cent fois que celle de la société actuelle, puisqu’il veut exploiter au mieux cette terre, tirer le plus riche rendement des ressources delà nature et de l’industrie, les produire avec la moindre dépense de travail humain, les répartir selon le juste équilibre des besoins. Donc, plus encore que la société actuelle, et parce que son œuvre comportera des besognes de direction plus complexes, il attache du prix à l’intelligence et à la science. Nous comprenons clairement, nous socialistes, que nous n’accomplirons l’œuvre immense qui nous est remise par le destin, qu’en plaçant chaque travailleur à son poste exact de travail, à celui que lui assignent ses facultés propres, judicieusement reconnues et cultivées par l’éducation commune. Mais ces affectations nécessaires, nous les réglerons par la seule considération des aptitudes personnelles, au lieu de les abandonner follement, comme le régime bourgeois, aux accidents de la naissance. D’ailleurs, dans cette répartition des tâches, nous n’entendons introduire aucune idée de hiérarchie et de subordination.

Nous ne séparerons pas à nouveau l’unité sociale en castes mouvantes mais tranchées. Meilleurs ou pires, plus forts ou plus faibles, tous les travailleurs nous apparaissent égaux et solidaires devant le même devoir. La bonne distribution du travail commun exige qu’entre eux le commandement revienne aux plus dignes, mais il leur sera remis pour le profit commun non pour leur honneur et leur profit personnel. Notre but n’est pas du tout de rémunérer leur mérite qui est l’ouvrage de la nature et de l’effort accumulé de la civilisation, mais de l’utiliser dans l’intérêt de la collectivité tout entière. Ils ne seront pas à proprement parler, des chefs, mais des travailleurs comme les autres, associés, assemblés dans la même œuvre avec leurs frères de travail, chacun peinant à son poste, tous s’efforçant vers le même objet, qui est l’égal bien- être et le bonheur commun des hommes.

De quoi est fait le capital ?

Ainsi, par une révolution semblable à celle qu’ont accomplie nos pères, nous installerons la raison et la justice là où règnent aujourd’hui le privilège et le hasard. Dans la République du Travail, point de distinctions sociales, mais seulement des répartitions professionnelles. Ces affectations auront pour fondement unique l’aptitude personnelle, propre à chaque individu, naissant et s’éteignant avec lui. La société présente au contraire repose essentiellement sur la division en classes : classe des possédants, classe des prolétaires, et cette division a bien pour principe le capital, puisqu’elle apparaît avec la possession du capital, puisqu’elle se transmet et se perpétue, comme vous l’avez vu, avec le capital lui-même.

Il est temps ici de retourner en arrière et d’envisager de plus près ce mot dont nous nous sommes déjà servis tant de fois. Le capital qu’est-ce donc que ce talisman magique dont la présence ou l’absence transforme notre condition, notre état, notre vie entière ? Comment se présente-t-il à nous, quelle est son origine ou sa raison d’être, de quoi est-il fait ?

Si je dis de mon voisin qu’il est un riche capitaliste, cela signifie qu’il est propriétaire de terres et d’usines, qu’il possède ce qu’on appelle aujourd’hui des valeurs mobilières – actions de sociétés ou rentes sur un État, – qu’il a de grosses sommes placées chez son banquier ou chez son notaire et beaucoup de billets de banque ou d’or dans son tiroir. L’or et les billets de banque ne sont pas des richesses réelles, ce sont des monnaies, c’est-à-dire des valeurs fictives, imaginées dans un état lointain de la civilisation pour représenter les denrées et marchandises de toute espèce, pour en faciliter l’échange et la conservation. Les métaux précieux et le numéraire sont, dans le régime actuel, les moyens de paiement universellement adoptés, mais ils ne sont par eux-mêmes d’aucune utilité sociale. Il est aisé de concevoir une société parvenue à un haut degré de culture et de civilisation, où la monnaie ne serait cependant pas employée. Il suffirait d’adopter, entre les hommes, une autre façon de distribuer les produits de leur travail et les richesses naturelles. Si nous faisons, par l’imagination, l’effort de supprimer tout l’or et tous les billets existant sur cette terre, les intérêts privés d’une multitude d’hommes en seront momentanément bouleversés, mais, dans son ensemble, la richesse totale du monde n’en sera aucunement diminuée. Car, considérée en elle-même, la monnaie ne satisfait à aucun des besoins des hommes. Ce n’est pas avec de l’or qu’on mange, qu’on se chauffe ou qu’on se vêt, qu’on bâtit ou qu’on construit une machine. Nous en sommes venus, peu à peu, à considérer l’or comme le signe représentatif de toutes les valeurs, mais il n’est pas par lui-même une valeur, si ce n’est pour les rares industries qui l’emploient comme matière première. Un compte dans une banque n’est pas autre chose qu’une certaine quantité de monnaie mise en dépôt et que le dépositaire s’engage à nous représenter sur notre demande. Les rentes ou les actions ne sont pas autre chose que des monnaies à valeur variable et productrices de revenu annuel. À l’origine du compte, il y a un versement de numéraire. À l’origine du titre de rente ou de l’action, il y a une opération de placement, c’est-à-dire l’échange de la valeur mobilière contre une certaine quantité d’or ou de billets. Toute cette première catégorie de capitaux ne représente donc, sous une forme simple ou compliquée, directe ou indirecte, que la monnaie et ses divers modes de transformation.

Nous pourrions en rechercher ensemble l’origine, et nous nous convaincrions aisément que dans l’immense majorité des cas la possession du numéraire, sous ses multiples formes, ne correspond nullement au travail personnel de l’homme qui le détient, que cette valeur a été créée, avant lui, en dehors de lui, par le travail des autres hommes. Mais je préfère insister sur le21 fait essentiel, à savoir qu’il s’agit uniquement ici d’une valeur imaginaire, d’une valeur de convention, que, nous autres hommes, jouons avec la monnaie comme on voit les enfants jouer avec des jetons ou des cailloux, et qu’on pourrait la supprimer d’un trait de plume sans que la consistance vraie du monde fût changée, sans que la somme des richesses réelles qu’il engendre pour les besoins des hommes fût diminuée d’un morceau de pain. On nous a mainte et mainte fois affirmé que, même sous cette première forme, le capital était indispensable à la vie des sociétés. À quelle fonction vitale des sociétés serait-il donc nécessaire ? Parler ainsi, comme on le fait chaque jour, c’est commettre une confusion puérile entre les capitaux eux-mêmes et les produits ou marchandises de toute espèce que, dans l’économie actuelle, ils représentent et permettent seuls d’acquérir. Les capitaux ne sont pas nécessaires, et ne peuvent le sembler qu’en vertu d’une fiction, d’une convention universelle. Ce n’est pas, je le répète, avec de l’argent que l’on monte une usine ou que l’on rend une terre productrice, c’est avec des matériaux ou des outils que l’argent n’a pas créés et qui existeraient sans lui. Ce n’est pas en réalité avec l’argent qu’on paie des salaires, c’est avec des denrées de toute sorte qu’on échange aujourd’hui contre l’argent, mais qui sont produites sans lui, et qui pourraient être réparties par un autre moyen. Si vous voulez apprécier l’importance relative du travail et des capitaux d’échange, songez qu’on pourrait retirer du monde, sans l’appauvrir, toutes ses richesses monnayées, alors qu’on n’en saurait retirer, sans paralyser sa vie, un seul jour du travail unanime des hommes. Cependant la possession de ce signe conventionnel, de ce simulacre, assure aux heureux élus, comme dans les contes de fées, tous les bienfaits et la satisfaction de tous les vœux : le droit de ne pas participer par le travail au labeur commun du monde, le droit de prélever un large tribut sur ce que produit le travail des autres, le droit de faire fleurir leur paresse et leur faste sur le surmenage et la misère de la multitude. Nos yeux et notre esprit sont accoutumés à ce spectacle ; nous en sommes venus à le juger naturel. Si nous en trouvions le tableau dans quelque récit d’explorateur, ou dans les visions imaginaires d’un Rabelais ou d’un Swift, son absurdité nous saisirait autant que son injustice.

J’en viens à la seconde classe de capitaux : la terre, son sol et son sous-sol, les forces qu’elle recèle, les bâtiments qui la couvrent, les engins de toute sorte dont l’industrie humaine l’a peuplée. Ici, c’est autre chose. Ce capital est réel. Il représente notre vrai patrimoine, notre vraie richesse. Il n’est pas moins indispensable à notre vie que le travail, puisque c’est à lui que le travail s’applique, c’est lui que le travail fait valoir. Ces richesses communes de la terre sont la condition même de notre existence ; aussi le labeur continu des hommes les a-t-il en partie créées, en partie aménagées : et si l’avenir peut nous promettre de plus en plus de bien-être, de plus en plus de confort et de sécurité, c’est par leur exploitation plus exacte et plus savante. Mais, s’il en est ainsi, comment concevoir que ce qui est nécessaire à la totalité des hommes demeure la propriété exclusive de quelques-uns ? Où sont leurs titres ? Le capital utile du monde est, pour une part, le don gratuit de la nature, d’autre part, l’héritage du travail séculaire de l’humanité, car toutes les générations qui se sont succédé sur cette terre y ont tour à tour ajouté leur part. N’avons-nous pas tous la même vocation aux richesses naturelles ? N’en sommes-nous pas tous, en naissant, propriétaires égaux et indivis comme de l’air et de la lumière ? N’y avons-nous pas tous le même droit, contre le même devoir, — le devoir de les entretenir et de les accroître dans la mesure de nos forces. Quel jour, pour reprendre le mot d’un poète, avons-nous, comme Esaü, vendu notre part de l’héritage ? Et tout ce qu’a incorporé à la nature, depuis des centaines et des milliers de siècles, depuis que l’homme a paru sur cette terre, le travail accumulé des générations, comment une poignée d’individus s’arrogerait-elle le pouvoir d’en détenir, à elle seule, le profit et l’usage ? C’est à tous les hommes que doit revenir le bien créé par tous les hommes. C’est la collectivité présente qui est la seule héritière légitime de la collectivité indéfinie du passé. La nécessité commune, l’origine commune, voilà ce qui justifie doublement la communauté du capital, en tant que le capital représente l’ensemble des richesses naturelles et des moyens de production.

Il y a dans cette vérité quelque chose d’éclatant et de nécessaire, et l’on n’en peut plus détacher ses yeux dès qu’on l’a clairement saisie une fois. Pourtant, il est naturel qu’elle ait longtemps échappé à l’intelligence humaine. Durant de longs siècles, le travail humain s’est poursuivi dans un état de dissémination extrême et d’ignorance réciproque. Courbé sur sa tâche isolée, n’apercevant rien de celle qu’accomplissaient ailleurs les autres hommes, n’employant guère à son effort particulier que sa propre force, le travailleur adaptait, ajoutait à sa personne son instrument de travail. Le petit champ que le paysan cultive, le marteau du forgeron, le métier du tisserand leur semblaient comme un prolongement de leurs bras. Cet aspect individualiste du travail semblait ainsi justifier, ou même engendrer la propriété individuelle. Mais, depuis cent cinquante ans, les grandes industries et les grandes agglomérations d’hommes se sont formées. L’exploitation des richesses naturelles n’est plus remise à l’effort morcelé des individus. Les besoins accrus du monde ne peuvent plus être satisfaits, la population multipliée du monde ne peut plus subsister par la totalisation de tâches distinctes et indépendantes. Les moyens de production sur lesquels repose l’existence de l’univers moderne se séparent de plus en plus de la personne qui les manie pour s’ajuster dans un ensemble organisé.

L’univers a pris de plus en plus la figure d’une usine immense et unique dont tous les rouages solidaires concourent à une même fin. Chaque jour nous voyons se resserrer ces liens de dépendance mutuelle entre les espèces multiples de moyens de travail et de travailleurs. L’économie d’autrefois les abandonnait chacune à son libre jeu, à son initiative autonome. L’économie d’aujourd’hui les assemble, bon gré mal gré, dans des combinaisons et des disciplines collectives. Bientôt, les nécessités mêmes de la vie du monde obligeront de soumettre à des directions d’ensemble – non seulement nationales mais universelles -les fabrications et les cultures, la distribution des matières premières et la répartition des produits. Il le faudra pour parer à la disette des produits, à l’insuffisance de la main-d’œuvre ; il le faudra pour assurer l’équilibre entre la production globale du monde, et la croissance continue de la population et des besoins. Le capitalisme lui-même sous la pression de cette nécessité, avait dû s’orienter, pendant les vingt années qui ont précédé la guerre, vers l’organisation centralisée de l’industrie. Mais ce corps unique, dont dépendra ainsi la vie du monde, qui donc a qualité pour en régler les fonctions essentielles, qui donc doit recueillir le fruit de son activité universelle ? Quelques privilégiés ? Non certes, la collectivité entière et universelle des hommes. Et ainsi, les formes collectives de la production moderne viennent ajouter une justification de plus, imposer comme une nécessité de plus, aux formes collectives de la propriété.

Réaliser la fraternité comme l’égalité

Le bien des hommes appartient collectivement à tous les hommes ; le travail des hommes – des vivants et des morts – doit profiter collectivement à tous les hommes. Chacun doit son plein travail à l’œuvre commune ; chacun doit recueillir sa part du travail commun. En ces quelques formules si simples tient l’essentiel de la pensée socialiste. Notre doctrine est donc celle qui peut réaliser la fraternité comme l’égalité. Qui peut la contester ou la combattre ? Ceux qui ne veulent pas la comprendre ou ceux qu’elle lèse dans leurs intérêts. Ceux dont elle ferait tomber les privilèges, ceux dont elle ferait cesser l’usurpation. Usurpation consacrée par la loi, protégée par toutes les puissances de propagande et de contrainte, perpétuée par toutes les formes de l’héritage social, mais qui, toujours contraire à la raison et à la justice, se trouve aujourd’hui en contradiction manifeste avec la moralité générale de ce monde, avec les lois et les besoins généraux de la production. La propriété, dans la légalité capitaliste, c’est l’absorption totale et éternelle de la chose appropriée, c’est le droit d’en user à son gré, de la transformer, de la transmettre, de la détruire. Le propriétaire d’un stock de blé peut le brûler, s’il lui plaît, quand le pain manque à la ville voisine. Le propriétaire d’une usine peut la laisser chômer, s’il lui plaît, quand des outils de première nécessité manquent à l’industrie ou à la culture. Peu importe l’intérêt commun, la chose est à lui. Le jeu de la concentration, de la capitalisation, de l’héritage pourra rassembler dans les mains d’une centaine d’hommes, à la rigueur dans les mains d’un seul – Wells a fait ce rêve – toute la propriété utile du monde. Peu importe l’esclavage universel, la propriété reste sacrée… Peut-être, mais c’est l’instinct de conservation qui doit alors, à lui seul, légitimer la révolte. Songeons que la propriété individuelle a déjà subi quelques atteintes, que le progrès matériel et moral des sociétés a déjà arraché au propriétaire quelques-uns de ses attributs séculaires. Un Romain était propriétaire de ses enfants comme de ses animaux de somme ; il pouvait les vendre ou les tuer. Un planteur des Antilles était propriétaire de ses esclaves comme de ses champs de canne à sucre. Mais la conscience humaine a élevé son cri et ces formes de la propriété sont tombées. D’autres tomberont à leur tour, qui sont nées de la même conception déviée et exorbitante du droit. Ce que nous disons aujourd’hui, c’est qu’un homme ne peut demeurer maître absolu, maître unique, maître éternel par sa descendance, de ce que la collectivité des hommes a jadis recueilli ou créé, de ce qui conditionne aujourd’hui la vie collective des hommes. Et nous avons proclamé le socialisme, quand nous avons dit cela.

Vous entendez d’ici les répliques intéressées ou sceptiques. Quoi, nous disent les railleurs, pour justifier le socialisme, ce sont les lois économiques, les nécessités de la production que vous invoquez ! Touchant paradoxe ! Mais vous savez bien que les hommes n’ont pas naturellement le goût du travail. Pourquoi travaille-t-on ? Pour gagner de l’argent, pour épargner, pour transmettre à ses enfants le fruit de son épargne. Quand vous aurez supprimé ces deux stimulants de la paresse humaine, le désir du gain et l’héritage, vous aurez tout bonnement rejeté l’animal humain à son apathie atavique. Il ne travaillera plus que pour satisfaire à ses besoins élémentaires, ou bien il ne travaillera plus que par contrainte. État de production indéfiniment raréfiée, ou bien état de travaux forcés et de chiourme, votre cité socialiste aboutira nécessairement à l’un ou à l’autre. Choisissez… Il faut bien que je suppose ce langage. On vous l’a tenu, ou vous l’avez entendu tenir. Il faut bien aussi que j’y réponde, quelque découragement que l’on éprouve à chasser sans cesse devant soi l’éternelle sottise, l’éternelle routine, l’éternelle incrédulité. Où a-t-on pris qu’un célibataire, qu’un homme ou qu’une femme sans enfants fussent moins actifs, moins industrieux, moins âpres au gain, qu’un père de famille ? Que chacun regarde près de lui, et vérifie. J’ai vu souvent que la charge de famille obligeait un homme à un travail excessif, surmenant, pauvrement rémunéré. Je n’ai jamais vu que le défaut d’enfants détournât l’homme d’un effort utile et fît d’un travailleur un oisif.

La vérité est, tout simplement, que, par un secret instinct de moralité, nous sommes moins honteux de rapporter à nos enfants qu’à nous-mêmes notre appétit personnel de lucre. Il arrive que des bourgeois Prennent plus tôt le temps de “ se retirer des affaires ” comme ils disent, parce que leur fortune acquise, médiocre pour de nombreux enfants, suffit au contraire à leur ménage stérile. Mais, qu’ils vendent leur fonds de commerce ou ferment leur boutique, de quelle activité utile cette retraite prématurée prive-t-elle la société ? Non, il n’est pas vrai que la transmission héréditaire, signe et moyen de l’usurpation capitaliste, soit l’agent indispensable de la prospérité sociale… L’appât du gain, l’envie de gagner de l’argent ? c’est autre chose. Si nous considérons autour de nous la mêlée des hommes, elle paraît dirigée, en effet, par ce mobile unique. Gagner de l’argent, c’est le véritable idéal humain, le seul que proclame et qu’essaie de réaliser une société pervertie. Conquérir pour notre compte la plus large part des privilèges que l’argent représente ou permet d’acquérir, c’est le programme de vie que le spectacle contemporain nous propose. Tout nous appelle à cette lutte : l’opinion et la morale, qui devraient la flétrir, l’exaltent, et il faut une sorte d’héroïsme pour se soustraire volontairement à la contagion. C’est le sentiment moteur aujourd’hui, ne perdons pas notre peine à le contester. Mais où prend-on le droit de conclure que l’humanité n’en puisse pas connaître d’autre ? Le sophisme est là.

J’ai pour ma part une vue moins désespérée ou moins méprisante de l’humanité. Je crois, je suis sûr, vous êtes sûrs comme moi, que des mobiles d’une autre sorte peuvent pousser les hommes à surmonter leur indolence naturelle. Et d’abord, est-on si sûr que l’indolence leur soit naturelle ? Est-ce qu’au contraire, parmi les données naturelles du problème, j’entends celles qui nous sont fournies par la nature, nous n’avons pas le droit de poser le goût du travail ? L’homme aime déployer son activité, employer sa force. Quand il esquive la tâche, c’est que la société l’avait astreint à un labeur autre que celui où son tempérament propre le destinait. Ce désaccord, nous l’éviterons sans doute, nous qui plaçons à la base même de l’économie sociale la recherche de l’affinité entre le travail et le travailleur. C’est au contraire le loisir prolongé qui ennuie et qui accable, et, peut-être, dans la société future, aurons-nous plus de peine à occuper le loisir que le travail. Voilà la vérité, et, pour s’en convaincre, il suffit de s’éloigner quelque peu du spectacle présent des choses. Il suffit de s’élever par la pensée au-dessus du misérable niveau des mœurs actuelles, mœurs qui sont le produit direct, et non la cause, de notre régime social.

Faisons cet effort. Considérons si c’est ou non l’appât du gain qui provoque les grands témoignages du travail humain, qui suscite les grandes tâches de l’histoire. Est-ce l’appât du gain qui a édifié les temples de l’Acropole ou les cathédrales gothiques ? Est-ce l’appât du gain qui a inspiré les grands ouvriers de la Renaissance, les grands constructeurs d’idées du XVIIIe siècle ?… Si la littérature et l’art sont devenus aujourd’hui métier et marchandise, c’est que la contagion du lucre a gagné l’écrivain et l’artiste, mais on ne nous citera pas une belle œuvre, dans aucun temps, que son auteur ait conçue dans un esprit mercantile. Est-ce l’appât du gain qui incite le savant à la méditation, à la découverte, est-ce pour “ gagner de l’argent ” qu’ont travaillé un Newton, un Lavoisier, un Ampère, un Pasteur ? L’invention pratique, le perfectionnement industriel ne sont pas dus davantage à l’espoir du profit, mais à un besoin intime de recherche et de trouvaille qui puise en lui-même sa satisfaction. Vous ne trouverez pas une tâche vraiment utile à l’humanité dont l’origine ne soit désintéressée…

En revanche, nous voyons autour de nous quelle sorte d’activité le désir du gain provoque. C’est pour gagner de l’argent qu’on lance une affaire, qu’on monte une maison de banque, de courtage ou de commerce, qu’on achète et qu’on revend, qu’on agiote et qu’on spécule. Le désir du gain forme et entretient cette écume, cette fermentation putride que nous voyons s’étaler à la surface de la vie économique. La société actuelle est peuplée de hardis aventuriers, lancés à la conquête de l’or, et qui, par tous les moyens, essaient de dévier à leur bénéfice le courant des capitaux. Mais de quelle richesse réelle leur audace a-t-elle jamais accru le monde ? En quoi la société se trouvera-t-elle appauvrie quand nous l’aurons nettoyée de toutes ces initiatives parasitaires ? Elles déplacent arbitrairement la richesse, elles ne la créent pas. Vous trouverez le symbole de cette fausse activité dans un mouvement de hausse ou de baisse à la Bourse, qui fait passer dans la poche des uns l’argent des autres, mais qui ne modifie pas d’un sou le capital foncier du monde. En la supprimant, nous aurons mis fin à des exactions individuelles, nous n’aurons attenté à aucune utilité collective. Nous n’aurons pas altéré ou ralenti la vie sociale, nous l’aurons assainie au contraire, nous l’aurons guérie d’une maladie, d’une infection.

Consacrer son travail à l’intérêt collectif

S’il était vrai que pour fournir sa contribution pleine de travail, l’homme eût à surmonter une inclination naturelle, il serait donc faux, en tout cas, que le désir du gain fût le mobile indispensable de cet effort. L’homme peut déployer cet effort, et il l’a fait, par la vertu des mobiles moraux. Il peut le faire par application désintéressée à l’œuvre entreprise, par fidélité à une discipline consentie, par dévouement à un idéal commun, par don de sa raison et de son âme à une grande foi. Considérez d’ailleurs les tâches qu’impose à l’humanité l’état présent du monde, et demandez-vous si c’est l’appétit égoïste du lucre qui peut nous mettre en état de les remplir. Le profit capitaliste, quoi qu’on fasse, ne sera jamais que l’apanage d’une oligarchie – je ne veux pas dire d’une élite – et l’humanité ne résoudra les problèmes de vie ou de mort posés devant elle par les circonstances, que grâce à l’effort concerté de tous les travailleurs. Elle ne les résoudra que si chaque travailleur détient en lui-même la claire conscience de consacrer son travail à l’intérêt collectif, qui comprend nécessairement son intérêt propre, au lieu de l’offrir en tribut à cette oligarchie privilégiée. Elle ne les résoudra que si une foi commune élève les travailleurs au-dessus des fins égoïstes, exalte leur vaillance, rassérène leur âme blessée par tant de souffrances et de misères. Cette foi, nous seuls la proposons aujourd’hui, nous seuls pouvons la créer, et la créer indistinctement chez tous les hommes. J’ajoute que nous seuls pouvons en placer les moyens et la récompense dès cette vie même, dès cette vie terrestre, et non dans le recul indéfini d’une immortalité.

Mais, si vous le voulez bien, retournons l’argument, reprenons l’offensive. Recherchons, dans la société actuelle, les effets et les incidences d’un travail vraiment créateur. Je suppose que, demain, un inventeur imagine quelque outillage nouveau qui bouleverse la technique d’une des grandes industries directrices, la métallurgie ou le tissage, qui réduise dans une proportion considérable la main-d’œuvre et le prix de revient. Il y a d’abord bien des chances pour que cet inventeur méconnu, comme tant d’autres, meure dans le désespoir et la misère. De vains appels aux capitalistes, qui seuls aujourd’hui peuvent mettre en œuvre de nouveaux procédés mécaniques, auront épuisé sa patience, abrégé sa vie ; puis, quelques années plus tard, une société financière exploitera ses brevets acquis à vil prix et en recueillera le bénéfice immense. Mais admettons que, par une exception providentielle, lui— même ait pu faire valoir sa découverte. Je vois bien le profit qu’il en retirera lui-même : nous aurons sur la terre un milliardaire de plus. Quel profit en recueillera la collectivité ?

En attendant que l’industrie universelle se soit adaptée aux procédés nouveaux, des centaines d’usines seront condamnées au chômage. Le déplacement de la main-d’œuvre déterminera une baisse générale des salaires ; la masse des produits jetés sur le marché provoquera les troubles économiques les plus complexes. Verrons-nous du moins le consommateur profiter de la réduction des prix de revient ? Pas le moins du monde ; il n’en profitera que dans une mesure dérisoire. Les prix de vente ne seront abaissés que de la quotité nécessaire pour étouffer les concurrences, et notre inventeur empochera le surplus. Une crise universelle d’une part ; de l’autre une immense fortune individuelle, c’est-à-dire éternellement transmissible. Tel est le bilan. Est-ce qu’il ne révolte pas la raison ?

Notre inventeur viendra nous répliquer : “ Ma fortune est cependant bien à moi : je l’ai gagnée ; elle est le fruit de ma découverte, le produit de mon travail. ” Mais est-il vrai que sa découverte soit bien à lui ? Le même homme l’aurait-il menée à terme, vivant seul dans une île déserte, ou naissant dans quelque tribu sauvage de l’Océanie ? Ne suppose-t-elle pas, au contraire, tout l’actif préalable au travail humain ? N’est-elle pas pour le moins, le résultat d’une collaboration, d’une coïncidence entre son génie individuel et l’effort collectif de la civilisation ? La collectivité devrait donc, pour le moins, recueillir sa part du bénéfice. Pourquoi s’en trouve-t-elle frustrée, non seulement au profit de l’inventeur lui-même, mais de ses descendants jusqu’à la dernière génération ?… Et cet exemple ne vous fait-il pas toucher du doigt l’injustice foncière qui gît à la racine même des modes actuels de la propriété ?

Il est arrivé parfois dans l’histoire que les masses ouvrières s’insurgeassent contre les progrès du machinisme qui les privaient momentanément de leur gagne-pain. Et l’on nous désignait, avec une pitié insultante, l’égarement de ces travailleurs dressés contre la science et le progrès. Ils avaient tort contre la science et le progrès. Ils avaient raison contre la société capitaliste. Était-ce leur faute si un progrès de la civilisation collective, qui devrait raisonnablement se traduire par un accroissement du bien-être collectif, n’engendrait pour eux que la misère et la famine ?À mesure que l’outillage humain se perfectionne, à mesure que la science, œuvre commune des hommes, étend son empire sur les forces naturelles, quel devrait être le résultat ? L’augmentation de la somme des produits dont chacun dispose, la diminution de la somme de travail que chacun doit. Chaque pas en avant de la civilisation devrait ainsi se traduire par un bénéfice unanime, universel, et il se traduit au contraire par une nouvelle rupture d’équilibre entre ceux qui possèdent et ceux qui travaillent. Nous concevons, nous, une société qui, comme le sens du mot l’impose, fasse vraiment des associés de tous les individus qu’elle englobe, qui fasse profiter chaque homme du travail de tous, qui les fasse profiter tous de chaque extension de l’industrie et de la science.

De grands penseurs ont attendu de la science le renouvellement des sociétés humaines. Comme les ouvriers révoltés devant la machine ils avaient raison et ils avaient tort. La science accroît et accroîtra sans mesure le rendement du travail, mais, si le pacte social demeure vicié dans son essence par une clause inique, en accroissant les richesses, nous n’aurons fait qu’accroître l’iniquité. Nous aurons multiplié les prélèvements du capital sur le travail, nous aurons multiplié la divergence entre les profits du capitaliste et les salaires du travailleur. Si la règle du partage est injuste, l’injustice augmentera avec la masse des produits à partager… C’est avec le socialisme que la science deviendra vraiment bienfaitrice, et l’on peut dire en ce sens que socialisme et science sont vraiment le complément l’un de l’autre. La science développe les richesses de l’humanité ; le socialisme en assurera l’exploitation rationnelle et la distribution équitable. Chaque découverte de la science, quel que soit le domaine particulier où elle se manifeste, se trouvera en quelque sort étalée sur l’ensemble du corps social pour déterminer en lui une amélioration : augmentation du bien-être si la somme des denrées est augmentée, augmentation du loisir si la somme du travail nécessaire pour les produire est réduite. Inversement, l’instauration du régime socialiste implique comme un appel ardent et constant au secours de la science. En utilisant aussitôt, pour le bien commun, chaque conquête de la science, nous en provoquerons incessamment de nouvelles ; sans cesse nous mettrons au point son programme de recherches, tout en développant autour d’elle l’atmosphère de désintéressement et de confiance dont elle a besoin.

C’est ainsi que le socialisme seul, résolvant cette contradiction mortelle, peut replacer la société déviée sur la véritable route du progrès. Je me garderai bien de tracer un tableau paradisiaque de l’état de choses qu’il veut créer. Je sais trop que, dans ce monde, la nature elle-même introduit des causes irréductibles de souffrance. Nous ne supprimerons pas la maladie, la mort des enfants, l’amour malheureux, mais, à côté de ces misères naturelles, il en est d’autres qui sont le produit d’un mauvais état social et qui peuvent disparaître avec lui. Imaginez le groupement humain, une fois débarrassé de ces entraves artificielles. Supposez que, par une sélection judicieuse, tous les individus se trouvent distribués dans les divers quartiers de l’activité sociale ; supposez que chacun, sans exception, donne à la société chaque jour quelques heures de travail utile, j’entends du travail qu’il aime, car l’intérêt commun concorde ici, comme en toutes choses, avec les conditions du bonheur personnel. Supposez que, dans l’univers entier, la production soit organisée de façon à obtenir le meilleur rendement des ressources naturelles, chaque terroir ou chaque groupe fabriquant ou cultivant ce qu’il peut créer avec le plus d’abondance, de perfection ou d’économie, toute concurrence nationale ou internationale supprimée, les méthodes et les outils les plus récents venant sans cesse au service du travail. Supposez que tout le travail humain soit ordonné comme une usine unique, où la tâche particulière de chaque atelier, de chaque ouvrier vient s’assembler dans un programme d’ensemble constamment revisé selon les ressources et les besoins. Supposez que ce programme se limite aux productions vraiment utiles, et ne gaspille plus tant d’activité laborieuse pour satisfaire – ou même pour créer – des besoins factices, des modes d’un jour. Ne croyez-vous pas que cet effort discipliné suffirait pour assurer à chaque homme ce que l’humanité lui doit de naissance : le bien-être, sinon le bonheur ? N’y a-t-il pas place pour tous sous le soleil ? Le travail commun ne peut-il pas assurer à chacun une nourriture abondante, des vêtements commodes, un logement spacieux et sain, le libre usage de toutes les ressources et de tout l’outillage collectifs ?

Vues chimériques, nous dira-t-on. Mais où donc est la chimère ? Nous venons de voir, pendant cinq ans, l’humanité se plier à une discipline de destruction et de mort. Ne pourra-t-elle accepter une discipline de création et de vie ? Pendant cinq ans toute l’activité des hommes s’est trouvée réellement ordonnée sur un plan commun, vers un but unique. Nous voulons faire pour l’avantage commun ce qui s’est fait pour la misère commune ; au profit de tous, ce qui s’est fait au profit de quelques-uns. Si nous avions disposé pendant cinq ans, à notre guise et sans conteste, de toutes les puissances du travail, de toutes les richesses de la terre> doutez-vous que nous eussions ordonné le monde selon nos chimères ?… Vues misérables, viendra-t-on nous dire encore ! Théories qui n’invoquent et ne veulent satisfaire en l’homme que l’appétit purement matériel !… Ce serait déjà beaucoup que les satisfaire. Ce serait quelque chose d’avoir purgé la société des maux qui la déshonorent, et qu’un cœur pitoyable, un esprit droit ne peuvent contempler sans révolte et sans honte : la misère, la faim, tout leur lamentable cortège de maladies, d’abêtissements, de dégradations. Mais il n’est pas vrai que nous nous adressions à l’animal humain, à la bête humaine. Nous nous adressons, vous l’avez vu, à ce qu’il y a de plus pur, de plus élevé dans l’homme : l’esprit de justice, d’égalité, de fraternité. Dans l’esclave opprimé, nous voulons susciter cette moralité nouvelle qui s’éveille avec la liberté.

La liberté du corps entraîne celle du cœur et de l’esprit. En brisant la servitude du travail, nous entendons briser toutes les servitudes. Le socialisme transformera, renouvellera la condition de la femme, la condition de l’enfant, la vie passionnelle, la vie de famille. Il comporte comme une libération, comme une épuration universelles. En créant et en organisant le loisir pour tous les travailleurs – loisir vrai où l’activité persiste, et non pas repos accablé après le surmenage d’un labeur excessif, – il permettra l’accession de tous aux plus nobles occupations humaines ; il ouvrira tout grands à tous les trésors de la science, des lettres, de l’art. Je me rappelle ce mot profond d’un philosophe : “ Tout dans l’arbre veut être fleur… ” Dans l’humanité aussi tout aspire à la floraison, au plus riche épanouissement de l’esprit et de l’âme. Cet instinct, refoulé jusqu’au tréfonds de la conscience par toutes les contraintes, par toutes les misères sociales, c’est le socialisme qui saura lui rendre sa force et sa splendeur.

Guerre et capitalisme

Vous l’avez remarqué sans doute : je suis arrivé au terme de ces quelques pages sans vous parler de l’événement formidable dont nous nous dégageons à peine et dont l’ombre pèse encore sur nous. Je n’ai tiré de la guerre que des arguments accessoires ; je n’y ai fait que de rares et indirectes allusions.

J’aurais pu y puiser au contraire les moyens essentiels de ma preuve. Il m’eût été facile de vous montrer qu’entre le capitalisme et la guerre il existe comme un rapport de connexion nécessaire, que ces deux puissances de mal naissent l’une de l’autre et ne disparaîtront que l’une avec l’autre. Poursuivant l’analyse, j’aurais pu vous faire saisir, dans le déroulement même de la guerre, l’opposition croissante des intérêts capitalistes avec l’intérêt commun, la nécessité croissante des méthodes d’organisation collective. J’aurais pu vous montrer l’incapacité du capitalisme à résoudre les problèmes écrasants que la guerre lui a légués.

Son impuissance éclate à tous les yeux. Nous le voyons plier peu à peu sous le poids des charges qu’il a lui-même accumulées. Nul ne peut plus douter qu’en laissant déclencher cette guerre, il ait signé, à plus ou moins long terme, son arrêt de déchéance et de mort… Mais je ne suis pas entré dans ces développements que semblaient pourtant imposer les circonstances. Je vous ai parlé comme je l’aurais fait avant la guerre. C’est à dessein.

La guerre a projeté comme un éclairage brutal et soudain sur les vices essentiels de la société bourgeoise. Elle a déchiré soudain le voile sur la réalité des choses. Mais cette réalité préexistait à la guerre, et c’est pourquoi nous étions socialistes avant la guerre. Nous ne voulons pas faire de vous des socialistes de pur sentiment. Il nous faut autre chose qu’une commotion de révolte contre le spectacle affreux que le genre humain vient de subir. Il nous faut votre adhésion réfléchie, totale. Aussi me suis-je appliqué à vous montrer, non pas les arguments actuels du socialisme mais ses raisons fondamentales, celles qui n’étaient pas moins vraies aujourd’hui qu’hier et qui resteront vraies demain, jusqu’à la transformation inévitable.

Ce qui est exact, c’est que la guerre aura hâté singulièrement le moment où les idées maîtresses du socialisme doivent s’incorporer à la conscience universelle… N’est-ce pas étrange ? L’humanité ne s’élève que lentement au niveau de certaines idées, si claires cependant, si impérieuses, qu’il semblait qu’elles dussent s’imposer aussitôt à toute raison. Les quelques races dont nous connaissons l’histoire ont développé des germes d’une richesse et d’une perfection telles que rien de plus grand ne paraîtra jamais sous le ciel. Et cependant que de vérités sont devenues essentielles, élémentaires pour nous, que ces grands hommes n’avaient jamais aperçu ! Un Platon n’a même pas soupçonné la barbarie, l’effroyable iniquité du droit de conquête et de l’esclavage. Un Rabelais, un Pascal n’ont même pas entrevu les principes moraux et politiques que la Révolution française a publiés dans le monde et que la raison humaine ne discutera plus. Si la question s’était posée devant eux, ils l’eussent résolue comme nous. Mais elle ne se posait pas ; elle ne pouvait pas se poser encore… Puis il semble soudain qu’à un moment déterminé de l’histoire, l’intelligence des hommes acquière comme un sens nouveau.

Il en est ainsi du socialisme. Nulle vérité plus évidente dès qu’on l’a une fois conçue. Le seul étonnement, c’est qu’on puisse la contester et qu’on ait pu la méconnaître, c’est que tant de grands esprits aient pu passer à côté d’elle sans l’entrevoir, comme jadis les navigateurs, sans s’en rendre compte, passaient à côté des continents inconnus. Mais aujourd’hui nous avons touché la terre nouvelle. La guerre aura devancé l’heure où, pour tous les hommes, pour tous ceux du moins qui ne refusent pas obstinément d’ouvrir les yeux, le monde apparaîtra sous un aspect imprévu, s’illuminera d’une lueur inconnue et inévitable.

Ce jour-là, l’humanité ne comprendra plus comment elle a pu entretenir autour d’elle, des siècles durant, tant de mensonges et d’erreurs absurdes. Laissez-moi user encore d’une comparaison. Il y a deux cents ans, les chirurgiens ont pratiqué pour la première fois l’opération de la cataracte, et rendu la vue à des ave21ugles nés. On a pu comparer alors l’idée qu’ils se faisaient du monde dans leur nuit, et celle que leur fournissait la vue restituée. Ils avaient cru se représenter, par ouï-dire, à travers leurs sensations incomplètes, ce qu’est exactement la lumière, ce qu’est une fleur, ce qu’est un visage humain. Mais au contraire, ils ne se représentaient rien d’exact. Ils avaient vécu dans un monde d’illusions étranges et mensongères qui ne s’étaient dissipées pour eux qu’avec les ténèbres qui les entouraient. Ils ne saisissaient la réalité du monde qu’une fois la taie arrachée de leurs yeux. Le socialisme, une fois conçu, produit en nous la même révolution spirituelle. C’est la taie arrachée de notre intelligence. Pour la première fois la réalité de l’univers social nous apparaît, et nous nous rendons compte que, jusqu’alors, nous avions vécu dans le préjugé, dans la routine absurde, dans le mensonge, dans la nuit.

C’est à cette tâche de délivrance que nous vous convions, jeunes gens. Pour vous-mêmes d’abord, puis pour ceux qui vous entourent et que vous pourrez persuader. Vous êtes l’espoir, vous êtes la vie qui vient, la sève qui monte ; de vous va dépendre le sort prochain de l’humanité. Réfléchissez, examinez. Vous êtes à l’instant des choix décisifs, puisque c’est à votre âge que la pensée et l’action s’aiguillent pour le reste de l’existence. C’est à la fin de la jeunesse et dans tous les premiers moments de l’âge mûr, pendant ce court intervalle de quelques années, que toutes les pensées fécondes de la vie se formulent, que les résolutions efficaces d’action se fixent en nous.

L’alternative capitale vous est donc offerte. Irez-vous du côté de l’avenir ou du côté du passé, du côté de l’iniquité ou du côté de l’égalité, du côté de l’égoïsme ou du côté de la fraternité ? Vous ne pourrez pas rester neutres ; il faut vous prononcer, il faut choisir… Eh bien ! vous vous rangerez avec la justice, avec la vérité, avec la vie. Vous ne ferez pas de bas calcul ; le défaut de votre âge est le choix aventureux plutôt que le calcul mercenaire. Vous écouterez l’appel généreux et chaud de votre cœur… Et si vous surpreniez, autour de vous, la tentation vile d’aller du côté du plus fort, à ces égoïstes imprudents que la force elle-même, en un jour peut-être prochain, sera au service de la justice…

Léon Blum »

Catégories
Politique

Communiqué du Parti socialiste sur l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

Le Parti socialiste appel au rassemblement de la Gauche et des écologistes pour s’opposer à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Amérique du Sud) :

« Accord UE – Mercosur : un accord qui menace les intérêts des Européens et la planète

Le 28 juin 2019, la Commission européenne a annoncé la conclusion de l’accord entre l’UE et le Mercosur, qualifiant celui-ci « d’historique ». A son tour, Emmanuel Macron s’en est félicité, déclarant : « A ce stade, l’accord est bon, compte tenu du fait que les préoccupations de la France ont été intégralement prises en compte. »

Depuis, la Commission n’hésite pas à présenter cet accord comme la réponse au protectionnisme et à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. En réalité, elle a poussé à la conclusion de deux décennies de négociations libérales, flouant ainsi les intérêts de millions de citoyens, d’agriculteurs et d’éleveurs européens.

En outre, cet accord apparaît totalement anachronique face aux enjeux à relever en matières climatique, sanitaire, sociale et environnementale. L’heure n’est plus au libre-échange mais au juste-échange, c’est-à-dire au développement de modes de production, de distribution et de consommation soutenables pour la planète. Le Parti socialiste appelle le président de la République à sortir de l’ambiguïté sur cet accord avec le Mercosur.

A l’instar de son opposition à la ratification du CETA, soumise au vote de l’Assemblée nationale ce mois-ci, le Parti socialiste sera mobilisé en France et en Europe aux côtés de ses partenaires pour empêcher une ratification du Mercosur. Il invite solennellement les autres formations de gauche et écologistes à se joindre à une opposition commune. »

Catégories
Politique

L’affiche de Cédric Villani

Cédric Villani espère pouvoir avoir le soutien de LREM pour être candidat lors des municipales parisiennes. Il a à ce titre produit une affiche, qui est un chef d’oeuvre du genre. C’est tellement caricatural que l’on s’imagine que c’est en réalité une production de l’extrême-droite pour se moquer de lui.

Cédric Villani est un mathématicien connu, car les médias ont raffolé de son style vestimentaire vaguement original accompagnant son haut niveau scientifique, lui-même recevant la médaille Fields en 2010, l’un des deux prix les plus prestigieux dans sa discipline.

Très actif dans les mathématiques, il est passé par la suite en politique : en 2017, il a été élu député LREM de la cinquième circonscription de l’Essonne. Il veut maintenant être maire de Paris. La blague, c’est qu’il a présidé le comité de soutien d’Anne Hidalgo en 2014, lorsque celle-ci a été élue maire !

Cela en dit long sur l’opportunisme de Cédric Villani, et ce d’autant plus quand on voit l’affiche que l’on peut retrouver à Paris. On ne peut pas faire plus parisien – bobo, pour ne pas dire directement désormais : bourgeois dans son style parisien. Paris est devenu en effet surtout une ville de bourgeois d’un côté, de lumpen de l’autre.

Le Yoga, le Macbook, le selfie, les petits bateaux au jardin du Luxembourg… On a tous les clichés de ce qu’est devenu le Parisien et la Parisienne. La seule chose qu’il y a à sauver, c’est le pauvre pigeon en bas à droite de l’affiche, qui à l’instar de ses congénères doit se retrouver bien perdu dans ce panorama d’une bourgeoisie moderniste, hédoniste, branchée, détruisant le monde sans avoir l’air de le faire.

Il est impossible de faire plus niais, plus vide, plus totalement en correspondance avec la bourgeoisie des temps modernes, fière de l’avènement d’une société apolitique et d’un État technocratique, de l’individu-roi et de la démolition de toutes les normes.

L’affiche est exemplaire de cette incapacité bourgeoise à prendre la réalité au sérieux. L’humanité va au-devant des plus grands défis qu’elle ait connu et ces gens-là sont stupidement béats, heureux de vivre en privilégiés dans leur bulle. Et Cédric Villani veut être leur roi, donnant l’exemple de comment un scientifique peut se précipiter dans le confort et la reconnaissance sociale, au lieu d’assumer les exigences rationnelles et sensibles de notre époque.

Catégories
Politique

Communiqué de Génération-s : « à quoi joue Mme Pécresse face aux groupuscules d’extrême-droite ? »

Génération-s publie un communiqué dénonçant le refus de la région Île-de-France, tenue par la Droite, d’aider Pierre Serne face à l’extrême-droite.

Voici le communiqué :

« Île-de-France : à quoi joue Mme Pécresse face aux groupuscules d’extrême-droite ?

Pierre Serne est lâchement abandonné  par la majorité de droite au Conseil régional d’Île-de-France, alors qu’il fait face depuis des mois au déferlement de haine de groupuscules d’extrême-droite.

Le conseiller régional Pierre Serne subit depuis des années des injures et menaces de mort sur les réseaux sociaux mais aussi dans sa vie quotidienne. Ces menaces font notamment suite à des actions, en tant qu’ancien vice-président aux transports de la région Île-de-France, en faveur du retour de l’aide régionale aux déplacements des bénéficiaires de l’Aide Médicale d’État.

En mars 2019, suite à la parution d’un article de Médiapart qui met en lumière un forum internet d’extrême-droite ultraviolent qui l’avait ciblé, Pierre Serne a de nouveau été victime d’un déferlement de haine, d’injures homophobes et de menaces de mort sur les réseaux sociaux.

En 2018, Pierre Serne avait déjà subi des attaques sur ces prises de position liées à son mandat et avait reçu, à l’unanimité des groupes républicains, la protection fonctionnelle de l’institution pour prendre en charge une partie de ses frais de justice.

C’est donc légitimement qu’il avait sollicité, à nouveau, la protection fonctionnelle de l’institution régionale pour poursuivre en justice les harceleurs.

Les groupes de droite, majoritaires, se sont opposés cette fois à cette demande. Cette décision est un abandon des valeurs républicaines face à l’extrême-droite.

En se réfugiant derrière des questions de forme absurdes, la droite de Madame Pécresse se fait complice de ces groupuscules qui menacent et harcèlent des élus de la République pour leurs prises de positions humanistes. Nul ne devrait avoir à craindre pour sa sécurité et sa vie en raison de ses opinions politiques.

Génération.s demande à Madame Pécresse des explications sérieuses et à l’ensemble des pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour soutenir et protéger Pierre Serne.

Génération.s réaffirme son soutien à Pierre Serne et sa solidarité dans cette nouvelle épreuve. Son courage et sa détermination à résister aux menaces de l’extrême-droite sont une fierté pour notre mouvement. »

Catégories
Écologie

Week-end de résistance et d’occupation contre le projet de Surf Park de Saint Père en Retz (44) le 20 et 21 Juillet 2019

Le collectif Terres Communes organise un week-end de mobilisation les 20 et 21 juillets 2019 contre cet absurde projet de surf park à Saint-Père-en-Retz dans la région de Nantes.

Faut-il à se point se moquer de la planète et des enjeux environnementaux pour s’imaginer que c’est une bonne idée de créer une piscine à vague à la place de terres agricoles en 2019 ? D’autant plus que l’installation aurait une consommation en énergie et en eau gigantesque.

Ce serait, d’après le promoteur du projet La Bergerie qui aspire à de juteux profits, le rêve des surfeurs du monde entier que d’avoir la vague qu’ils veulent quand ils veulent. L’esprit étriqué des consommateurs aliénés par le capitalisme ne se satisfait plus d’avoir souillé l’océan, voilà qu’il s’imagine maintenant le remplacer…

C’est donc l’absurde projet de surf park qui est sur les rails à Saint-Père en Retz en Loire-Atlantique. Même le président de ce département, Philippe Grovalet du Parti socialiste, à reconnu à quel point « faire du surf à 10 km de la côte, alors qu’on est un département littoral, c’est aberrant, anachronique. »

Il a affirmé à la presse qu’il agirait pour mettre fin au dossier. Tant mieux. En attendant, rien ne vaudra une mobilisation de terrain, populaire et démocratique, s’opposant directement au projet.

On trouvera de nombreuses ressources sur le site du collectif Terres Communes qui organise cette mobilisation populaire dans trois semaines. On trouvera également des éléments utiles sur le site de l’association Pays de Retz environnement, qui envisage de s’opposer au projet sur le plan juridique.

Voici le programme provisoire du week-end et les infos pratiques :

SAMEDI 20 JUILLET

14h : Rdv Mairie 14h30 : départ de la manif occupation

16h : Arrivée sur site du projet de la manifestation et de l’alter tour peu de temps après

16h30-19h : Prises de paroles (PRE, Alter-tour, terres communes) puis table ronde (différents sujets), pose/montage de la première cabane d’occupation en parallèle et différentes animations pour enfants et plus grands, stands de collectifs/assos du 44 et ailleurs tout le week-end

19h-1h : Diner à prix libre en soutien à la ZAP, Concerts, 3 groupes puis scène libre à partir de 23h

DIMANCHE 20 JUILLET

Petit déjeuner à prix libre

Toute la journée : Implantation d’un Potager, construction de cabanes d’occupation, agoras, plusieurs animations en cours de validation pour les petits et les grands, etc…

Concerts l’après-midi

Appel également à rester la semaine suivante et au-delà pour soutenir la ZAP !

Infos pratiques

Bénévolat en amont du week-end :

Les coups de main pour préparer l’événement sont plus que les bienvenu-e-s ! Pour cela, contactez-nous à terrescommunesretz@gmail.com

Et afin de préparer au mieux l’événement, nous avons également prévu 3 jours de chantiers collectifs avant le week-end. Vous pourrez camper sur une ferme, les repas seront à prix libre (à partir de bons petits produits bio du coin 😉 et ce sera l’occasion de se faire de belles petites soirées au feu de camp afin de mieux se connaître 🙂

Vous pouvez venir pour 1, 2 ou 3 jours à partir du mercredi 17 Juillet. Bientôt un formulaire d’inscription, en attendant envoyez-nous un email si vous êtes déjà intéressé-e !

Au menu : construction des toilettes sèches et d’une cabane d’occupation, confection des panneaux de signalétique, des poubelles, des abris pour l’évènement, préparation de la logistique du week-end : abris, buvette, etc…, préparation en amont des repas du week-end à partir des produits bio des producteurs du coin, etc…

Covoiturage :

Lien pour le samedi 20 : http://www.movewiz.fr/participation?PMW=539jAbYzQZBXU5108

Lien pour le dimanche 21 : http://www.movewiz.fr/participation?PMW=88ocFDV09tZnE5109

Possibilité de venir un ou plusieurs jours auparavant pour nous aider dans la prépa du week-end, contactez-nous dans ce cas 😉

Accès au site du projet/Parking :

Possibilité de se garer à proximité du site sur le parking des salles de la Bergerie et dans les rues entre Saint Père et le site du projet.

Si vous venez seulement pour la journée, le mieux est de vous garer dans Saint Père en Retz (à pied à environ 15mn du site du projet) pour permettre aux personnes restant plus d’une journée/occupant le terrain ou ramenant du matériel de pouvoir se garer à proximité du site.

Trois accès au site (via les salles de la bergerie, entre la laiterie et les salles, au niveau du chemin au sud) :

https://www.openstreetmap.org/?mlat=47.21713&mlon=-2.03638#map=17/47.21712/-2.03638&layers=N

Camping :

Possibilité de venir quelques journées auparavant pour venir nous aider à la préparation du week-end. Nous contacter pour les lieux pouvant vous accueillir.

Le week-end, un espace camping sera disponible à partir du samedi.

Besoin en matériel en amont, pendant le week-end et après :

  • Tentes/tout autre abri temporaire pour l’occupation du terrain
  • Matelas, draps et toute autre fourniture pour le dodo 🙂
  • Vêtements
  • Tout matos de construction (bois, palettes, tôles, outils, etc…) et plan de récupération de matos, meubles divers ou de quoi en fabriquer 😉
  • Semences/plants pour l’implantation du potager + outils de jardinage, foin, etc…
  • Matériel de cuisine/contenants pour l’eau
  • Pour l’autonomie énergétique : installation solaire complète ou incomplète
  • Vélos + de quoi les réparer
  • trousses médicales
  • tout autre matériel que vous pensez indispensable (on en oublie surement, n’hésitez pas à nous le dire !)

Nous manquons également encore de personnes pour préparer au mieux le week-end, n’hésitez pas à vous manifester !

Et toute aide est la bienvenue, avant, pendant et après l’événement (tractage, gestion toilettes sèches/déchets, signalétique, pré-construction des cabanes, etc…)

Catégories
Politique

Neuf syndicalistes de l’usine PSA de Poissy condamnés à de la prison avec sursis

La cour d’appel de Versailles a condamnés à trois mois de prison avec sursis neuf militants CGT de l’usine PSA de Poissy ce vendredi 28 juin 2019. Le tribunal a reconnu des faits de « violence en réunion » à l’encontre d’un chef de l’usine.

Dès le début de l’affaire, la CGT avait dénoncé une manœuvre d’intimidation à l’encontre des syndicalistes. Dans un communiqué de 2017 après le procès en première instance, la CGT PSA avait dénoncé « une Justice aux ordre de Peugeot », considérant une politique générale de répression.

Il est reproché aux syndicalistes d’avoir violenté un responsables, alors qu’ils venaient simplement défendre les droits d’un des leurs, en retour d’arrêt de travail. Une quinzaine de minutes de discussion dans le bureau d’un manager par des gens en colère est donc considéré comme une violence telle qu’elle mérite la prison…

C’est que du point de vue de la bourgeoisie, des ouvriers qui s’organisent pour affirmer leurs intérêts, c’est forcément quelque-chose de violent. La bourgeoisie est terrorisée à l’idée que la classe ouvrière se soulève et s’organise. C’est pour cela qu’elle doit frapper fort, en isolant, en faisant peur, en tentant d’enrayer toutes tentative d’expression consciente et organisée de la classe ouvrière.

Quand on sait avec quelle violence le management broie les salariés dans les entreprises et particulièrement en ce qui concerne les opérateurs dans les usines, on ne peut qu’être révolté d’une telle situation.

Les neufs syndicalistes ont décidé en concertation avec leur avocat de se pourvoir en cassation.

Catégories
Culture

Aux Hésitants par l’auteur progressiste Bertolt Brecht

Bertolt Brecht est un poète, dramaturge, metteur en scène, écrivain allemand progressiste. Il est connu en France pour ses oeuvres Grand’Peur et misère du IIIe Reich, L’opéra de quat’sous et La mère.


Brecht a été un contemporain de la montée du fascisme, il voyait dans quelle direction allait les choses, après une analyse sérieuse de la situation. Nous vivons une chose semblable à celle qu’a vécu Bertolt Brecht dans les années 1920 et 1930, à la différence près qu’à l’époque la Gauche était sincère, assumait le Socialisme et que la jeunesse osait lutter.

C’est en 1933 que Brecht écrit le poème Aux hésitants (An den schwankenden).

C’est un véritable hymne à l’engagement, à l’optimisme mais aussi à la critique. Il essaie d’y expliquer l’échec de la lutte contre le fascisme en Allemagne de la sorte : le Front populaire ne s’est jamais réalisé en Allemagne…

« Aux Hésitants

Tu dis:
Pour nous les choses prennent un mauvais pli.
Les ténèbres montent. Les forces diminuent.
Maintenant, après toutes ces années de travail,
Nous sommes dans une situation plus difficile qu’au début.

Et l’ennemi se dresse plus fort qu’autrefois
On dirait que ses forces ont grandi. Il paraît désormais invincible.
Nous avons commis des erreurs, nous ne pouvons plus le nier.
Nous sommes moins nombreux.
Nos mots sont en désordre. Une partie de nos paroles
L’ennemi les a tordues jusqu’à les rendre méconnaissables.

Qu’est-ce qui est faux dans ce que nous avons dit,
Une partie ou bien le tout?
Sur qui pouvons-nous compter? Sommes-nous des rescapés, rejetés
d’un fleuve plein de vie? Serons-nous dépassés
ne comprenant plus le monde et n’étant plus compris de lui?

Aurons-nous besoin de chance?
Voilà ce que tu demandes. N’attends
pas d’autre réponse que la tienne.

(traduction d’Olivier Favier)

An den schwankenden

Du sagst:
Es steht schlecht um unsere Sache.
Die Finsternis nimmt zu. Die Kräfte nehmen ab.
Jetzt, nachdem wir so viele Jahre gearbeitet haben,
Sind wir in schwierigerer Lage als am Anfang.

Der Feind aber steht stärker da denn jemals.
Seine Kräfte scheinen gewachsen. Er hat ein unbesiegliches Aussehen angenommen.
Wir aber haben Fehler gemacht, es ist nicht mehr zu leugnen.
Unsere Zahl schwindet hin.
Unsere Parolen sind in Unordnung. Einen Teil unserer Wörter
Hat der Feind verdreht bis zur Unkenntlichkeit.

Was ist jetzt falsch von dem, was wir gesagt haben,
Einiges oder alles?
Auf wen rechnen wir noch? Sind wir Übriggebliebene, herausgeschleudert
Aus dem lebendigen Fluß? Werden wir zurückbleiben
Keinen mehr verstehend und von keinem verstanden?

Müssen wir Glück haben?

So fragst du. Erwarte
Keine andere Antwort als die deine. »

Catégories
Culture

Ça ira ça ira, le nouveau clip très frais des Pirouettes

C’est frais, c’est coloré, c’est positif ! Extrait de l’excellent album Monopolis.

Catégories
Politique

Tribune de Jean-Christophe Cambadélis : « Il faut construire, bâtir et élaborer un cycle nouveau. »

Dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche, Jean-Christophe Cambadélis appelle la Gauche à se reconstruire dans un nouveau cycle.

S’il peut être considéré comme une figure usée représentant un certain passé ayant échoué, Jean-Christophe Cambadélis compte néanmoins parmi les figures importantes d’une Gauche ayant réussi à conquérir tous les pouvoirs en France et ce à plusieurs reprises.

D’ailleurs, il ne considère pas lui-même avoir échoué, car la mission de la Gauche consisterait simplement à « dompter » le capitalisme, pour y introduire « une part de justice, d’égalité et d’humanité ».

Pour lui, la Gauche est quelque-chose de très large, de très sociétale et il considère qu’elle représente encore beaucoup de choses et de gens en France. Cependant, il admet cette évidence que tous les compteurs doivent être maintenant remis à zéro entre les forces, entre les courants. « Tout est pardonné », dit-il avant de conclure qu’« il faut que l’on se parle ! »

Le Rassemblement national de Marine Le Pen représentant une menace très sérieuse, il s’agit donc selon lui de ne pas jouer avec le feu au risque de tout perdre.

Voici sa tribune :

« Il manque de tout à gauche : d’union, de stratégie d’ensemble et de nouveaux concepts. Surtout de bienveillance et d’humilité. La gauche est un « no man’s land » où les ambitions ne manquent pas, où l’inimitié est partout et la dynamique nulle part. La gauche n’est pas pour autant détruite. Cumulée électoralement, elle avoisine les 30%. Socialement, elle est sans équivalent. Au niveau local, la gauche municipale est un réseau solide et structurant.

Culturellement, même si elle a beaucoup perdu, elle produit, crée et agit partout sur le territoire. Intellectuellement, même si sa domination sans partage est entamée par le libéralisme, elle reste bien vivante. Et malgré le nomadisme électoral, un Français sur deux se dit de gauche.
La gauche est divisée, atomisée, percluse de querelles de chefs, ce qui la rend sans ressort pour la conquête du pouvoir. Alors que ceci serait ô combien nécessaire à la France d’aujourd’hui.

Évidemment, les écologistes peuvent critiquer l’absence de radicalité dans la transition écologique. Mais c’est par la gauche qu’ils ont pu peser, obtenir des ministres, une présidente de région, voire un groupe parlementaire. Ils ont participé à un gouvernement qui a imposé un accord mondial historique sur le climat. Et combien de collectivités locales où les écologistes travaillent au quotidien avec toute la gauche… Jamais ceci n’aurait été possible en incarnant un « ni droite ni gauche ».

Chacun le sait, l’écologie est avec le numérique la question de notre temps. Mais l’écologie ne règle pas la nouvelle question sociale, tellement prégnante dans le capitalisme immatériel. Et celle-ci ne règle pas la question écologique. Alors un courant écologiste durable ne peut être dans un seul parti. Et un parti de gauche sans l’écologie est un couteau sans lame. La gauche et les écologistes sont condamnés à s’entendre. Comme le dit avec raison son secrétaire national David Cormand : « Il faut faire 50% pour gagner une élection. Et même dans mes rêves les plus fous, je ne vois pas les écolos les faire seuls ».

A gauche les fractures sont nombreuses. Une partie reproche à l’autre de l’avoir entravée dans son action et cette dernière reproche à la première d’avoir dévoyé son projet. Chacune porte une part de l’échec. Car les leaders de l’une ont gouverné avec l’autre. Et celle qui ne gouvernait pas n’a pas réussi à proposer une alternative majoritaire. Elles ont été irréconciliables. L’une a fait perdre l’autre, qui lui a bien rendu. La gauche réformiste s’est effondrée dans la présidentielle. Et la gauche radicale est revenue à son étiage aux européennes.

Il est possible de faire de ces revers un bien. Personne ne peut dire : « la gauche, c’est moi ». Il y a une fenêtre pour l’union. Aux municipales d’abord. Il n’est pas compréhensible que, ayant gouverné, travaillé, espéré ensemble dans les collectivités locales, nous partions en ordre dispersé. La compétition est utile à condition qu’une unité soit au rendez-vous.

Si nous en restons là, les écologistes d’un côté, la gauche de gouvernement de l’autre, la gauche radicale, la gauche républicaine, la gauche européenne, la gauche mouvementiste, et pour finir, dans chaque famille, les divisions d’hier et les ambitions d’aujourd’hui, alors la gauche s’abîmera et trônera sur les étagères de l’Histoire.

L’enjeu, c’est la nouvelle France. Qui ne voit pas que seule la gauche est en capacité de construire une transition social-écologique au nouveau capitalisme numérique immatériel?

Les gauches ont forgé leur réflexion et déployé leur action dans le capitalisme industriel. Elles ont introduit une part de justice, d’égalité et d’humanité dans ce capitalisme. C’est tout l’enjeu du nouveau combat pour domestiquer écologiquement et socialement le capitalisme immatériel. C’est la nouvelle frontière de la gauche, les querelles de l’ancien monde n’ont plus leur place dans celui qui vient.

Ces nouveaux combats sont propres à fonder une nouvelle unité et un nouveau progressisme. L’un ne va pas sans l’autre.
Il y a une autre raison de surmonter nos querelles d’un autre temps. L’urgence de la situation politique. Qui ne voit pas qu’Emmanuel Macron est devenu un rempart de papier face à Marine Le Pen? Rejeté par près de 70% du pays, il est détesté à gauche et à droite. La dédiabolisation des frontistes du Rassemblement national, combinée à la détestation maximale d’Emmanuel Macron, crée les conditions d’un tournant obscur dans un pays agité par les amertumes de toutes sortes.

L’effondrement du clivage gauche droite a libéré les populismes et donné une nouvelle force au national-populisme, incarné par la famille Le Pen. Dans un pays où la crise du résultat produit un profond « du pareil au même », le maintien de Macron par le rejet des extrêmes n’est jouable que si le consensus est grand autour de ce dernier. Ce qui, à l’évidence, n’est pas le cas.

La droite n’est pas en état de faire barrage comme chacun peut le constater. Et si la gauche est divisée en chapelles hostiles, alors le terrain est dégagé pour le lepénisme et ses 11 millions d’électeurs au second tour de la présidentielle.  Face à une France politique en décomposition, la force relative mais compacte du lepénisme permet d’envisager le pire.

On se rassurera à bon compte aux municipales, régionales, départementales, mais la machine infernale est en place. Et ce n’est pas l’accélération libérale et la stratégie du débauchage, enrôlant les malgré nous du macronisme, qui va changer la donne.

Alors, chers amis, où que vous soyez, quels que furent vos engagements d’hier, tout est pardonné. Tout doit être surmonté, avec bienveillance, humilité et imagination. Il faut construire, bâtir et élaborer un cycle nouveau.
Cela ne passera pas par un seul parti, encore moins par une seule personnalité, mais par un nouveau « tous ensemble ».

Il faut que l’on se parle! Réconcilions-nous. »

Catégories
Société

Le Parisien publie le journal de bord d’une infirmière des urgences

Le Parisien week-end a publié le compte rendu très intéressant de la semaine de travail d’une infirmière des urgences d’un grand hôpital parisien. Sont décrites dans le détail cinq gardes de nuit effectuées récemment, du 17 au 24 juin 2019.

Il y a bien sûr l’actualité sociale en arrière-plan de cet article avec ce mouvement de grève des personnels qui n’en peuvent plus des conditions de travail et d’accueil des patients.

« A la fin de la nuit, on est tous crevés. On a travaillé en sous-effectif, il manquait trois aides-soignants sur sept. Ça augmente beaucoup la charge de travail. Je prends ma voiture et rentre chez moi à toute vitesse. »

Il y a aussi cette réalité plus quotidienne de la vie dans les grandes métropoles du capitalisme qui est très bien décrite par Élise, dont le prénom à été changé.

« Mes parents, qui habitent en province, viennent à Paris ce week-end. On a prévu de déjeuner ensemble samedi. Ça va être vite fait, car je serai entre deux gardes. Je pars pour l’hôpital, sans dîner. De toute façon, le frigo est vide, nettoyé et éteint. Je n’ai pas eu le temps de faire les courses depuis plus d’un mois ! »

Comment ne pas devenir fou, se demande-t-on, quand on lit cela. On remarquera d’ailleurs que beaucoup des cas décris par cette infirmière relèvent ni plus ni moins que de la folie, avec une très grande violence, reflet de la violence sociale et culturelle de notre époque.

« Vers minuit, un garçon de 16 ans, alcoolique, déjà venu la veille, arrive inconscient, avec des traces d’agression sur le corps et le visage. On fait le scanner : il a un hématome sous-dural (NDLR : un épanchement de sang autour du cerveau). Il est envoyé au bloc, son pronostic vital est engagé. Avec des personnes aussi jeunes, on se dit qu’on a encore moins le droit de se tromper. »

Ce récit est très intéressant, montrant une grande dignité de la part de gens voulant très bien faire, mais qui se retrouvent littéralement broyés par cette machine infernale qu’est le capitalisme. L’infirmière adore son travail et a le sens du service, mais envisage de démissionner.

« Je prends mon poste en tant qu’infirmière d’accueil et d’orientation. Je suis la première personne que les patients voient. C’est à moi de faire le tri et de les installer dans différentes zones, en fonction du degré d’urgence. C’est un rôle que j’aime bien, il y a beaucoup d’adrénaline et il faut bien connaître son métier. Quand je commence, beaucoup de patients attendent déjà. Je dois aller vite, mais je n’ai pas le droit à l’erreur. »

À lire sur le site du Parisien : « Dans l’enfer des urgences : l’affolant journal de bord d’une infirmière de nuit »

Catégories
Société

Une Inter-LGBT pro PMA, pro GPA…

Hier s’est tenue la « marche des fiertés ». Il est bien loin, l’esprit de la gaypride avec son esprit d’ouverture. Désormais l’agenda est ouvertement libéral : PMA, GPA, refus assumé du modèle du couple… tout y passe. On ne sera pas étonné que Mastercard soit l’un des sponsors.

Des trains SNCF aux camions des éboueurs, les couleurs LGBTQ+ sont partout et Mastercard en a profité pour présenter une carte de crédit « non-binaire ». Car, il faut bien le saisir, la démarche LGBTQ+ a un agenda très précis : l’ultra-libéralisme, tant économique que sociétal.

La déclaration de l’Inter-LGBT de cette année est, comme d’habitude, explicite :

« Les familles LGBTparentales existent depuis plusieurs décennies et concernent des dizaines, voire des centaines de milliers d’enfants. Ces familles sont d’origines diverses : les enfants sont nés de précédentes unions, de procréation médicalement assistée à l’étranger, de procréation amicale avec un tiers connu mais qui ne souhaite pas être parent, de gestation pour autrui ou de coparentalité,… Mais elles doivent toutes affronter des difficultés pour être reconnues. »

Tout est ici exposé clairement. Il faudrait reconnaître la PMA pour tout le monde, mais également la GPA. Après, il y en a encore pour ne pas reconnaître que la PMA et la GPA ont la même substance… Mais ce n’est pas tout. L’Inter-LGBT dit ouvertement qu’on peut avoir fait un enfant, mais ne pas vouloir assumer son rôle de parent, et que c’est un droit !

L’arrière-plan, c’est l’esprit consommateur : la famille serait réactionnaire en soi, il faut la démolir en la remplaçant par autant de types qu’il y a d’individus. Tout doit être recomposable comme on l’entend. C’est la loi du marché, portée à l’absolu sur le plan des rapports qui, on l’aura deviné, n’ont plus rien de sentimentaux, amoureux.

Évidemment, l’écrasante majorité des gens allant à la marche des fiertés ne comprend rien aux tenants et aboutissants de ce qui se présente ici à l’arrière-plan. Ils s’imaginent surtout être démocratiques et aider des gens marginalisés. C’est là où se situe le grand piège de la question.

Et cette question, pour la résumer très simplement, consiste en la chose suivante : oui ou non l’évolution naturelle, biologique de l’être humain, est-elle une valeur en soi, devant guider l’humanité ? Le marché dit non. Les transhumanistes qui défendent le marché et les choix individuels disent la même chose. Les gens se disant de Gauche, mais rejetant la Gauche historique, ainsi que les Lumières, disent eux aussi la même chose.

Beaucoup évitent également de se positionner. Pourtant, la légalisation de la PMA pour toutes va obliger à le faire. La légalisation potentielle du cannabis sera aussi une question brûlante, sans parler à l’avenir du « droit au suicide », de la GPA, etc.

C’est là qu’on voit à quel point la majorité des gens a abandonné tout principe de responsabilité par rapport à la société, corrompu par le libéralisme et, finalement, acceptant un certain confort matériel au moyen d’une consommation semblant satisfaisante.

L’Inter-LGBT agit comme reflet de cela : sa dynamique « festive » correspond à l’individu qui, rejetant toute norme comme « extérieure », se prétend au-delà de la Nature et de ses règles, s’imaginant exister par ses choix, sa consommation. C’est le capitalisme triomphant.

Catégories
Politique

Tribune d’Audrey Pulvar : « N’ayons pas peur d’être de gauche »

Audrey Pulvar publie une tribune dans L’Obs dans laquelle elle parle d’écologie, de révolution et de la Gauche.

Beaucoup de gens seront forcément mal à l’aise avec l’association d’Audrey Pulvar et du mot Gauche, tellement elle représente un certain état d’esprit bobo détestable, voir caricatural. On sera d’ailleurs amusé de voir qu’elle évoque dans sa tribune plusieurs philosophes en les liant à la Gauche et à la révolution des esprits, mais qu’elle ne semble pas connaître l’existence de Karl Marx !

La tribune qu’elle publie dans l’Obs, l’hebdomadaire par excellence des bobos, est néanmoins intéressante. C’est intéressant non pas tant par ce qui y est dit, car c’est en fin de compte ce que pensent déjà beaucoup de gens, mais parce que cela illustre un tournant : de plus en plus de personnalités assument à nouveau la Gauche, le termes Gauche, l’identité de gauche.

C’est assurément une bonne chose, bien qu’il ne faille pas oublier en même temps l’impérieuse nécessité pour les masses populaires et en particulier la classe ouvrière de se réapproprier la Gauche, de ne pas se la faire confisquer à nouveau par une partie de la bourgeoisie.

Voici la tribune publiée ce mercredi 26 juin 2019 :

« La totalité. Rien de moins.

C’est dans la totalité de nos modes de vie, nos organisations, nos projections, que s’inscrit la pensée écologique. Totalité des conséquences effroyables du réchauffement climatique, déjà constatées pour des dizaines de millions d’individus ; totalité de la révolution – et non simple évolution – à opérer pour relever le défi de façon solidaire et responsable.

Mais surtout, totalité de la définition de nous-même à réécrire, créer, construire. Totalité de notre relation à l’autre humain, à l’autre à naître, à l’autre vivant, y compris non-humain ; de notre relation au temps, à l’Histoire, à ce qui compte vraiment.

Totalité des références à pulvériser.

L’écologie n’est pas qu’une affaire de climat, de source d’énergie, de disparition d’insectes ni d’ours blanc dérivant, hagard, sur son morceau de banquise détaché. L’écologie n’est pas qu’une affaire de quinoa, de robinets fermés, de « manger local », d’éoliennes ou de fenêtres bien isolées. Ce que sous-tend la pensée écologique, qui reste à élaborer – bien que de nombreux philosophes, sociologues ou anthropologues, de Dominique Bourg à Timothy Morton, en passant par Erik Olin Wright ou Abdourahmane Seck, pour ne citer que ceux-là, aient déjà beaucoup produit à ce sujet –, concerne avant tout des questions aussi vastes que la justice sociale, la solidarité internationale, le partage de ressources vitales raréfiées, la responsabilité individuelle et collective.

L’autre, encore et toujours. L’autre, l’espace, la transversalité ! Pas petit, mais grand. Pas mon nombril, ma communauté, mais le vaste, le total, l’Humanité. Pas seulement le « vivre ensemble » mais bien plus le « faire ensemble ». Or cet ensemble n’est pas que mon voisin et moi, ma nation et moi, mon continent et moi… cet ensemble est le nouveau cosmos. Et nous dans ce cosmos.

Qu’est-ce que la notion de progrès, quand il détruit l’être et/ou soumet son écosystème au point de le dégrader dangereusement et à jamais ?

Qu’est-ce que l’innovation, si elle remplace une prédation par une autre, l’actualise en quelque sorte, et n’améliore le sort que de quelques-uns au détriment du plus grand nombre ?

Qu’est-ce que le développement s’il ne concerne qu’un hémisphère du globe, au prix de l’exploitation sans cesse réinventée du second ? Notre hémisphère Nord prospère et, recroquevillé sur ce qu’il considère comme ses trésors d’achèvement, ne survit que parce qu’il est érigé depuis le socle d’un hémisphère Sud vidé de sa substance et vers lequel aujourd’hui nous renvoyons nos productions les plus inconvenantes : déchets sensibles, molécules interdites, chimie mortelle, véhicules de réforme, modèle économique mortifère, mirage nucléaire mais aussi émissions de gaz à effets de serre.

Qu’est-ce que la compétitivité, quand elle s’accompagne d’un sentiment de perte d’utilité pour celui ou celle qui travaille, de maladies professionnelles, d’une plus grande précarité et de baisse du pouvoir d’achat ? Quand elle a pour corollaire l’aggravation de la situation climatique, la combustion permanente de notre hyperconsumérisme, la rémunération toujours plus faible d’une valeur travail mondialisée pourtant toujours plus lucrative pour le tout petit groupe de celles et ceux sur l’argent desquels le soleil ne se couche jamais, présent qu’il est sur les 24 fuseaux horaires ?

Qu’est-ce que le bonheur s’il repose sur la possession toujours plus nombreuse d’écrans et de produits manufacturés, à condition que des enfants travaillent, esclaves, pour nous chausser, nous habiller de jeans ou rendre nos téléphones plus intelligents ? Douze heures de travail étouffant, nocif, pénible pour une ration alimentaire, pour un dollar ou une volée de coups de pieds, et qui pour t’en défendre ? D’où surgit le sens, dans une vie envahie d’objets, de clics, de pouces levés, de swaps, mais vide de relation sincère à l’autre, de responsabilité à l’égard du vivant, dans laquelle l’avoir a supplanté l’être, où le temps de cerveau disponible se monnaye à prix d’or ?

Qu’est-ce qu’un « homme augmenté », s’il ne s’agit pas d’améliorer ses conditions de vie, mais simplement de le rendre corvéable, infatigable, encore plus efficace ?

Qu’est-ce que le vote si les régimes totalitaires, leurs haines et leur passion pour le contrôle ne font plus peur, pourvu que des prises USB demeurent ?

Que veut dire le mot réussite, s’il repose sur la non-résorption des inégalités, dans des sociétés de plus en plus violentes, dépressives, malades, structurellement injustes où consommer plus est la seule réponse au mal de vivre qui « ensommeille au creux des reins », comme le chantait Barbara ?

Qu’est-ce qu’être raisonnable, réaliste… « adulte », dans un système capitaliste mondialisé emporté par sa propre déraison, dont le projet tient en deux mots, Enrichissez-vous !, pour la même petite minorité, tandis que la même majorité s’appauvrit sans protester, puisque pour elle, ce capitalisme contemporain a inventé un mantra, en trois mots celui-ci : Manger, wi-fi, dormir ?

À l’heure de l’urgence climatique et de l’effondrement du vivant, répondre à ces questions ne relève ni de la nostalgie pour un communisme productiviste, ni du renoncement face à un cataclysme annoncé comme inéluctable, ni d’un cynisme d’élites (ces principales responsables du problème, qui ont toujours les moyens de s’en protéger) promptes à tancer des masses supposées ignares. C’est tout le contraire. Sans angélisme, mais avec détermination, elles réclament, ces questions, l’élaboration d’une pensée écologique profonde, didactique, à la fois lucide et enthousiasmante. Le constat de la catastrophe et de ses répercussions est connu, documenté. Les conséquences de nos irresponsabilités dès aujourd’hui et pour demain identifiées. Les efforts à fournir et la profondeur de la remise en question également. Ce qu’il nous reste à bâtir ? La route.

Que l’ampleur de la tâche à concevoir échappe à notre entendement n’a rien d’anormal. Mais cette incapacité à saisir l’étendue des possibles restant à inventer n’est pas synonyme de sidération. Bien au contraire, elle nous place, nus et par grand vent, au pied d’une chaîne de montagnes hostiles à gravir, sans possibilité de rebrousser chemin, avec pour seules ressources notre condition humaine et son inaliénable intrinsèque : l’espoir.

Or, si, enfin honnêtes, nous voulons sortir de la cécité pour tenir réellement compte des alertes scientifiques, des affaissements déjà à l’œuvre, de l’injustice dans laquelle sont tenus, partout sur terre les moins lotis (y compris dans nos pays dits riches, elles et ils, les moins responsables de désordres climatiques, en sont pourtant les premières victimes), vers quelle autre grande idée humaine nous tourner que la politique ?

Ici de grands cris désabusés… Ah, les politiques ! Tous les mêmes… et puis que n’avons-nous déjà essayé (on ne le sait que trop bien) ? Comment les différencier ? Tous copains et coquins ! Assertions trompeuses. D’ailleurs on ne parle pas ici des politiques, mais bien de la politique. Celle qui se met au service de la cité, de l’être et de demain. Celle qui pense le long terme, plutôt que l’attrait du prochain mandat. Celle qui se reconnaît, se revendique et ne craint pas, par calculs mesquins et/ou à courte vue, de dire ce qu’elle défend.

Celle qui prend la mesure de ses responsabilités, au regard non seulement du temps présent mais de l’Histoire, et ne cède pas à la trépidation.

En vogue est l’idée faible selon laquelle, dans notre pays encore régi par les institutions à la fois sûres et figées de la Ve République, droite et gauche n’existeraient plus. Le nouveau monde ne s’en accommoderait pas. Ne subsisteraient que des extrêmes, et au milieu une social-démocratie libérale de bon aloi, elle au moins adaptée aux temps modernes. De cette disparition des grandes familles politiques, cependant, la pensée écologique n’aurait cure, car c’est bien connu, l’écologie ne serait « ni de droite, ni de gauche ». Assertions trompeuses, bis.

Certes, ni l’air que nous respirons, ni la température au sol ne sont de droite ou de gauche. Il y a bien, pourtant, une réponse de droite ou de gauche au défi climatique. Il y a bien une transition écologique solidaire de gauche réclamant une réinvention de nos références et une transition écologique technologique de droite se contentant d’une adaptation, sans renoncement au vieux monde, sans abandon du moteur surconsumériste capitaliste. Il y a bien un avenir de Terriens, dans lequel le plus grand nombre possible d’êtres, engagés de longue date dans une transformation responsable de leurs modes de vie, auront redéfini leurs aspirations et déterminé le nouvel étalon de leur sentiment de plénitude, et un avenir de Martiens dans lequel se projettent ceux qui continuent de prêter à la technologie la capacité à nous dispenser d’un puissant effort de sobriété.

Quel est notre projet ? Quelle grande alternative solidaire, ayant pour pilier la justice sociale, le goût de l’autre, la Respublica et ses fondements démocratiques, pour modèle la sobriété responsable, sommes-nous prêts à élaborer ? Nous sommes entrés dans une ère de ressources vitales rares, dans un monde fini, nous rappellent Alain Grandjean et Hélène Le Teno, « où le sens de l’action et le plaisir d’exister compenseront progressivement l’éventuel sentiment de sevrage ou de limitation matérielle ressenti […] (où) le droit de faire et de s’accomplir ensemble (générera) autant sinon plus de plaisir que le seul droit de travailler pour consommer ». Or à cette raréfaction, selon que l’on se reconnaisse dans une proposition politique de gauche ou de droite – car oui, ces familles idéologiques existent encore –, on ne réagit pas de la même façon.

Ce que supposent, à l’aune de la justice sociale, les défis de nos nouvelles mobilités, d’un aménagement du territoire soutenable, d’une efficacité énergétique optimale, d’une meilleure alimentation et une agriculture à la fois plus juste pour l’agriculteur et plus respectueuse du vivant, d’une lutte contre les nouveaux ravageurs de cultures, contre les nouveaux virus mondiaux, les nouvelles affections de masse, d’une ville harmonieuse et ouverte sur ses périphéries ; ce que réclame en inventivité la réconciliation du citoyen avec l’action politique et la gestion du commun ; ce qu’il nous reste à construire pour rééquilibrer les rapports entre pays, pour protéger les plus fragiles et écrire la partition dont la jeunesse nous estime comptable, tout cela est bien de gauche ou de droite et réclame un positionnement clair.

La gauche française, désorientée, divisée et que l’on dit en mal d’espace politique, vient pourtant de rassembler, avec les écologistes, 32 % des suffrages exprimés aux européennes. Et maintenant ? Devant cette totalité de la pensée écologique à construire, défendre, porter haut, peut-elle se permettre le luxe d’avancer encore désunie ? Sans préconiser ni fusion des partis ni parole unique, ne pourrait-on au moins imaginer s’adresser au peuple de gauche, lequel subsiste, et au-delà aux Terriens, tenants d’une écologie solidaire, en leur promettant un travail commun, une route – on y revient ?

Timothy Morton démontre :

« La pensée écologique doit imaginer le changement économique ; sinon elle n’est qu’une pièce de plus sur l’échiquier de l’idéologie capitaliste. La réalité monotone et cupide que nous avons construite, avec son tourbillon familier, furieux, mais statique au bout du compte, n’est pas la fin de l’histoire. La société écologique à venir sera beaucoup plus agréable, beaucoup plus sociable et même bien plus raisonnable que nous ne l’imaginons. »Qu’attendons-nous pour y travailler, ensemble ?

Nos contempteurs habituels moqueront le grand retour d’une gauche soi-disant naïve et romantique ? Qu’importe ! Au moins pourraient-ils tomber d’accord sur un constat :

Le cynisme, le chacun pour soi, le soi-disant ruissellement, on a essayé. Si cela marchait, nous n’en serions pas à ce point d’intégral désarroi. Essayons donc autre chose. Car n’en déplaise aux adeptes du « There is no alternative » (TINA), une autre humanité est possible. Songeons aux mots de Pierre Fournier, poète, dessinateur et grand penseur de l’écologie dans un temps où le mot existait à peine…

« Je sais maintenant que la peur de passer pour un con est le plus infranchissable et le plus commun des obstacles. »N’ayons donc pas peur de passer pour des cons ou des rêveurs. N’ayons pas peur d’être de gauche.

Audrey Pulvar (Directrice générale d’African Pattern) »

Catégories
Écologie

«Journée mondiale contre l’abandon des animaux»

La journée mondiale contre l’abandon des animaux a lieu pour la première fois ce 29 juin 2019. C’est une initiative commune à de nombreuses associations et plate-formes œuvrant à la défense des animaux, mais à la base produite par une entreprise de médias au sujet des animaux.

Au-delà de son approche, cela rappelle un aspect essentiel de notre pays : dans une société caractérisée par l’esprit de consommation débridée et l’individualisme, avec l’indifférence à la sensibilité, les animaux sont des victimes innombrables.

Voici les principaux points notables, mis en avant par Solidarité refuges. On notera que ces extraits relèvent d’un appel effectué par des entités relevant d’une entreprise visant la question animale.

Une date symbolique

Cette première Journée mondiale a été fixée, pour 2019, au 29 juin. Le dernier samedi du mois de juin qui marque, dans la plupart des pays d’Europe du Nord, dont la France, le départ en vacances d’été. Si c’est un jour de fête pour les familles, il sonne pour beaucoup de chats et de chiens le glas de l’abandon.

Les étés de la honte

Chaque année, c’est la même rengaine : les abandons ne diminuent pas. Officiellement, ils se chiffreraient aux alentours des 100 000 par an sur notre territoire.

La plupart faits directement auprès des refuges et associations par les maîtres eux-mêmes, d’autres, plus lâches, sur les routes, dans les bois, la campagne ou au pied du portail des refuges qu’ils n’ont pas voulu (ou osé) franchir. La honte ? La lâcheté ? Le coût que représente un abandon ?

Si les abandons en France se répartissent tout le long de l’année, un pic est rituellement observé en été : 60 000 selon les estimations, soit plus de la moitié. Mais il faut bien reconnaître que l’absence d’un recensement national centralisé et fiable laisse planer un flou qui profite à la fois à ceux qui veulent minimiser la situation et à ceux qui veulent alerter en estimant que la réalité des chiffres est plus proche des 200 000, voire des 400 à 500 000 abandons si on inclut tous les chats errants, non stérilisés…

Pas de recensement fiable en France

En principe, les refuges et associations doivent tenir un registre de leurs entrées et sorties, mais si la majorité répond à cette obligation, beaucoup l’oublient par manque de temps et de personnel. Pour le refuge d’Auxerre, la surpopulation est aussi due à une baisse des adoptions qui ne permet pas de libérer des boxes pour les nouveaux arrivants.

Ce qui contraint la structure à « refuser » les chiens abandonnés directement par leurs maîtres ou issus des fourrières. Les conséquences sont importantes pour les refuges qui, depuis l’arrêt des contrats aidés par l’Etat (fin 2017), disposent de moins de personnel et de moyens financiers.

A Auxerre, une personne a dû être embauchée pour renforcer l’équipe de salariés et de bénévoles, diminuant d’autant le budget pour les soins et le confort des animaux. Ces restrictions ont même stoppé les enquêtes pour maltraitance qui monopolisent une partie du personnel du refuge qui, de toute manière, n’a plus de place pour accueillir les rescapés d’un sauvetage.

Même l’accueil des animaux issus de fourrière au terme du délai des huit jours ouvrables est compromis. Ce qui, pour ces chats et ces chiens, signe souvent l’euthanasie. En France, 7 % des chiens et 36 % des chats (chiffres Opav*) arrivés en fourrière sont euthanasiés pour raison de santé ou de comportement. Ce qui représente des dizaines de milliers d’animaux par an.

13 propositions pour lutter contre l’abandon des animaux de compagnie

A l’occasion de la première Journée mondiale contre l’abandon des animaux de compagnie, Solidarite-refuges.com et animaux-online.com proposent 13 mesures pour lutter contre ce fléau qui, chaque année, envoie derrière des grilles de refuges ou à la mort des milliers de chats et de chiens.

  1. Que la lutte contre l’abandon des animaux de compagnie devienne une cause nationale

  2. Qu’un recensement national et centralisé soit réalisé auprès de tous les refuges, fourrières et associations qui recueillent des animaux perdus et/ou abandonnés

  3. Que l’animal de compagnie soit considéré dans le droit comme une personnalité juridique non humaine.

  4. Que les commerces et organismes de vente d’animaux de compagnie soient contraints d’informer leurs acheteurs des risques encourus en cas d’abandon ou de maltraitance de leur animal.

  5. Que les contrôles soient renforcés pour les sites d’annonces de ventes et de dons d’animaux de compagnie (réseaux sociaux compris)

  6. Que les programmes scolaires de primaire sensibilisent les enfants à l’animal et à l’empathie envers les animaux

  7. Que des contrôles d’identification soient assurés et le manquement à cette obligation sanctionné afin de lutter contre les trafics et les abandons sauvages.

  8. Qu’un vaste plan de stérilisation des chats errants soit engagé au niveau national

  9. Que la stérilisation des animaux non destinés à la reproduction soit obligatoire.

  10. Que les villes soient dans l’obligation de soutenir par des subventions les associations qui recueillent les animaux abandonnés issus des fourrières (qui elles, sont rémunérées).

  11. Que les villes répondent toutes à l’obligation de fourrière (article L. 211-24 du code rural et de la pêche maritime). Aujourd’hui 1 commune sur 4 n’y répond pas.

  12. Que les Ehpad et autres établissements chargés de l’accueil des personnes âgées et dépendantes favorisent le maintien du lien avec l’animal en acceptant le résident et son animal.

  13. Que les villes développent des structures d’accueil temporaire des animaux de compagnie des personnes fragilisées hospitalisées (haltes canine et féline), en lien direct avec les services d’urgence (pompiers, Samu, etc).

Catégories
Écologie

Communiqué de l’Organisation météorologique mondiale (OMM)

Voici le communiqué de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publié ce vendredi 28 juin 2019, alors que de nombreux records de chaleur sont pulvérisés dans les deux hémisphères depuis le début de l’année. Selon l’organisation, la vague de chaleur précoce et extrême actuellement en France en annonce d’autres, comme partout ailleurs sur la planète…

« L’urgence de l’action climatique sera au centre de la réunion préparatoire au Sommet des Nations Unies

Genève/Abou Dabi, 28 juin 2019 OMM –

Les années 2015 à 2019 pourraient bien être les cinq plus chaudes qu’ait connues notre planète, selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

L’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre condamnera sur plusieurs générations la Terre au réchauffement du climat et à ses corollaires que sont la fonte des glaces et le recul des glaciers, la hausse du niveau de la mer, le réchauffement des océans et les phénomènes météorologiques extrêmes.

L’urgence qu’il y a à agir pour le climat, de plus en plus manifeste, sera donc au centre des discussions lors d’une réunion qui doit se tenir à Abou Dabi les 30 juin et 1er juillet prochains afin de donner une impulsion aux initiatives qui seront annoncées à l’occasion du Sommet sur le climat. Ce dernier sera convoqué en septembre par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, António Guterres.

«L’expression « urgence climatique » nous est de plus en plus familière», a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas. «Elle ne se réfère pas seulement au climat proprement dit dans la mesure où le changement climatique a un impact sur les océans, les ressources en eau, la sécurité alimentaire, les écosystèmes et le développement durable dans le monde entier».

Petteri Tallas est membre du Comité directeur du Sommet sur le climat et copréside le Groupe consultatif pour la climatologie avec Leena Srivastava, vice-rectrice de l’École des hautes études relevant de l’Institut de l’énergie et des ressources (TERI), à New Delhi. Le groupe en question présentera lors du sommet, à l’intention des dirigeants du monde, des comptes rendus détaillés sur l’état du climat ainsi que des solutions à caractère scientifique pour aller de l’avant et fixer des objectifs ambitieux dans les secteurs clefs.

La délégation de l’OMM participera à un certain nombre de tables rondes lors de la réunion d’Abou Dabi, qui porteront notamment sur les nouveaux objectifs à fixer, sur la transition énergétique et sur le climat et la santé.

António Guterres a convié les dirigeants du monde au Sommet sur le climat, du 21 au 23 septembre prochains, pour qu’ils y présentent des plans concrets et réalistes visant à accroître, d’ici à 2020, leurs contributions déterminées au niveau national compte tenu de l’objectif qui consiste à réduire de 45 % les émissions nettes de gaz à effet de serre sur les dix ans à venir et à parvenir à un bilan nul d’ici à 2050.

La température moyenne a augmenté de près de 1° Celsius depuis l’époque préindustrielle, d’après la Déclaration de l’OMM sur l’état du climat mondial en 2018. Le temps presse, si nous entendons respecter les engagements pris au titre de l’Accord de Paris sur le climat, c’est‑à‑dire contenir la hausse des températures bien en deçà de 2° C, voire la limiter à 1,5° C, d’ici la fin du siècle.

Les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère continuent de croître. Le dioxyde de carbone reste dans l’atmosphère et l’océan durant des siècles, et continuera donc à l’avenir de pousser les températures à la hausse et d’entraîner l’acidification des océans.

«La dernière fois que la Terre a connu une teneur en dioxyde de carbone comparable, c’était il y a 3 à 5 millions d’années: la température était de 2 à 3 °C plus élevée qu’aujourd’hui et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 mètres au niveau actuel», a souligné Petteri Taalas.

Les quatre dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, et 2019 pourrait bien leur emboîter le pas. La tendance à la hausse s’est poursuivie sans relâche depuis le début de l’année, la période janvier–mai se classant au troisième rang des plus chaudes jamais observées.

L’étendue moyenne de la banquise antarctique en mai 2019 était la plus faible jamais constatée pour ce mois, tandis que celle de la banquise arctique figurait au deuxième rang des plus faibles pour ce même mois, d’après le Centre national de données sur la neige et la glace (NSIDC) des États-Unis d’Amérique.

La fréquence et l’intensité des vagues de chaleur et des pics de température poursuivent leur courbe ascendante, et de nombreux records de chaleur sont pulvérisés dans les deux hémisphères. La vague de chaleur inhabituellement précoce que connaît l’Europe – avec des pics à plus de 40° C en France et en Espagne – n’est que la dernière en date d’une série de phénomènes météorologiques extrêmes.

Le mercure a dépassé les 50° C ces dernières semaines en Inde, au Pakistan et au Moyen‑Orient. La mousson du sud-ouest s’est fait attendre, ce qui a mis sous pression les ressources en eau, notamment à Chennai, sixième plus grande ville de l’Inde.

La sécheresse en engendré l’insécurité alimentaire dans la région de la corne de l’Afrique, tandis que l’Asie du Sud-Est ne s’est toujours pas remise des cyclones tropicaux dévastateurs qui l’ont frappée cette année et qui ont fait plus d’un millier de victimes au Mozambique, au Malawi et au Zimbabwe.

Des centaines de hautes personnalités politiques du monde, parmi lesquelles des ministres, ainsi que des experts en climatologie et des représentants des entreprises, des autorités locales, de la société civile, des jeunes et du système des Nations Unies sont attendus dans la capitale des Émirats arabes unis pour cette réunion-bilan à laquelle prendra part le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres.

For further information contact: Clare Nullis, Media Officer. Email cnullis@wmo.int, Cell + 41 79 709 13 97 »

Catégories
Politique

Marion Maréchal à l’université d’été du Medef

Le Medef, le syndicat patronal, a décidé d’organiser une première université d’été en tant que telle. C’est une volonté de son dirigeant Geoffroy Roux de Bézieux, un représentant de la Droite dure. Nulle surprise donc à ce qu’il y invite Marion Maréchal, ni à ce que cela se déroule à l’hippodrome de Paris-Longchamp.

La Droite décide de plus en plus de faire la sainte-alliance des forces conservatrices et des forces populistes, exactement comme ce fut le cas en Allemagne, en Italie, en Espagne, durant les années 1930.

Ce qui est véritablement marquant dans la présence annoncée par L’Express de Marion Maréchal à l’université d’été du Medef, c’est le titre de la table ronde à laquelle elle participera. Celle-ci s’intitule en effet :

« La grande peur des mal pensants, pourquoi les populistes sont populaires. »

Il s’agit là en effet d’une allusion très précise, que bien entendu les journalistes n’ont pas remarqué, de par leur inculture. Le titre de la table ronde fait en effet allusion à un essai de Georges Bernanos, publié en 1931, La Grande Peur des bien-pensants. La thèse qui y est défendue est la même que celle du polémiste Eric Zemmour en ce moment : par intérêt matériel, les forces conservatrices sabordent la tradition, abandonnent le pays et les responsabilités, etc.

Le second grand essai de Georges Bernanos marque au contraire une rupture avec son approche précédente. Dans Les Grands Cimetières sous la lune, publié en 1938, Georges Bernanos exprime son dégoût pour la barbarie du franquisme qui, pourtant, sur le plan des valeurs, lui correspondait totalement. Dans la foulée, Georges Bernanos soutiendra la France libre, abandonnera son antisémitisme forcené, tout en restant un idéaliste.

L’idéalisme n’est pas ce qui intéresse le Medef, ni la Droite, ni l’extrême-Droite. C’est l’esprit de l’essai de 1931 qui l’intéresse, avec cette volonté d’unifier toutes les forces totalement opposées à la Gauche et de promouvoir une dénonciation nationale-catholique de « l’argent ».

C’est qu’on devine qu’avec Emmanuel Macron, son ultra-individualisme économique et sa dialectique culturelle de la légalisation (la PMA pour toutes, le MMA, le cannabis à moyen terme, etc.), il y a un boulevard pour une lecture disant qu’avant, c’était mieux. Le chaos du capitalisme se voit ici opposé, dans le principe, à son propre fantôme. Le passé est censé rattraper et corriger l’avenir.

Normalement, le Front populaire s’oppose tant aux libéraux qu’aux conservateurs. Mais en France, la Gauche a été totalement contaminée par le libéralisme. Google promeut autant que possible la démarche LGBTQ+, cinquante gares de la SNCF pavoisent aux couleurs arc-en-ciel tout comme de nombreuses ambassades américaines dans le monde… et il faudrait leur faire confiance ? Allons, qui peut avoir autant de naïveté ?

Nous sommes coincés entre le marteau libéral et l’enclume conservatrice ; on a déjà Emmanuel Macron, on a désormais Marion Maréchal qui se profile. Et tout risque d’être emporté par une telle opposition ignoble qui vise à dévier le peuple vers le chauvinisme agressif, le protectionnisme au service du capitalisme national, l’esprit corporatiste comme seul horizon.

Catégories
Politique

Démission de Laurianne Deniaud à Saint-Nazaire : « la loyauté ne suffit plus à justifier l’injustifiable »

Le conseil municipal de Saint-Nazaire est dans la tourmente depuis plusieurs semaines après une plainte en diffamation déposée contre la première adjointe Laurianne Deniaud qui avait exposé des faits de violence sexuelle. Elle a présenté hier sa démission dans une lettre très politique, assumant un parcours et un engagement important à Gauche ainsi que cette question démocratique des valeurs, de l’attitude à avoir.

Ce que reproche Laurianne Deniaud, du Parti socialiste, au maire de Saint-Nazaire David Samzun, également du Parti socialiste, c’est son attitude sur la question des violences sexuelles.

Plutôt que de soutenir les femmes dénonçant un viol ainsi que des attitudes nauséabondes envers les femmes au sein de l’équipe municipale, il a selon elle pris le parti des personnes incriminées. Martin Arnout, également du PS, qui est mis en cause pour le viol présumé de Gaëlle Betlamini Da Silva a ensuite porté plainte pour diffamation, ce qui a lancé l’affaire publiquement.

On retrouvera une description plus détaillée de la situation dans ce résumé de la conférence de presse des femmes du conseil municipal par le site Saint-Nazaire News.

Gaëlle Betlamini Da Silva a depuis démissionné de son mandat d’élue, car « la situation devient humainement intenable ». Laurianne Deniaud a annoncé hier sa démission de l’exécutif municipal, tout en gardant légitimement son mandat de conseillère municipale.

Elle expose ses motifs dans une longue lettre publique en rappelant son action publique en tant que première adjointe dans cette ville populaire de Saint-Nazaire. Elle y parle aussi de valeurs qui ne sont plus les siennes, d’éthique qui n’est plus respecté, considérant que la situation est injustifiable.

On peut regretter le manque d’engagement socialiste de sa lettre de démission qui ne reproche pas à David Samzun d’avoir failli en tant que camarade, mais seulement en tant que « chef d’équipe ». Elle ne parle pas de la Gauche ni du Socialisme, mais simplement d’humanisme, alors qu’il y a dans cette affaire un sujet fondamental pour la Gauche.

Comment des hommes peuvent-ils en effet se prétendre de gauche, bénéficier de l’héritage démocratique du mouvement ouvrier et avoir des attitudes telles que celles dénoncées par Laurianne Deniaud et ses camarades ?

Cette question avait déjà été évoquée ici à propos des affaires de viol au sein du MJC, dans l’article « Les hommes démocratiques ne commettent pas d’agressions sexuelles ».

Les violences sexuelles ne naissent pas d’idées, mais d’un style de vie qui est mauvais. Les hommes moraux ne violent pas et les hommes véritablement à Gauche, non seulement ne violent pas car ils ont une morale, mais refusent toute attitude beauf et sexiste au nom de cette morale. Cela inclus de soutenir fermement les femmes dénonçant cela, évidemment.

Quoi qu’on pense de l’attitude du maire de Saint-Nazaire David Samzun et quelque soit les précautions qu’il est d’usage et de devoir de prendre quant à la présomption d’innocence, c’est évident qu’il a tord de prétendre que cette histoire ne concerne pas les affaires communales :

« La justice étant saisie, il appartient aux parties de s’expliquer devant elle. Je ne ferai donc aucun commentaire sur un contentieux qui ne concerne pas les affaires communales ».

Au contraire justement, quand on est à Gauche, quand on est membre d’un parti qui se revendique du Socialisme, de surcroît dans une ville importante pour la classe ouvrière, on assume haut et fort toutes les questions démocratiques. L’attitude des hommes envers les femmes, qui aboutit trop souvent au viol, est une éminente question démocratique.

Voici la lettre de Laurianne Deniaud :

« Monsieur le Maire,

Depuis 5 ans j’ai eu l’honneur d’être première adjointe à Saint-Nazaire.

C’est mon attachement à ma ville et mon engagement politique pour un monde plus juste qui m’ont guidés chaque jour. Saint-Nazaire, c’est ma ville. C’est ici que je suis née, que j’ai grandi et où j’ai choisi de construire ma vie. C’est cette ville, son histoire, ses habitants, ses associations, ses militants qui m’ont donné le goût de l’engagement, de la solidarité, de la lutte contre les injustices. C’est ici que la rencontre de l’associatif, de l’éducation populaire m’a conduit à l’engagement politique.

Depuis 5 ans, servir les Nazairiennes et les Nazairiens a été pour moi un privilège immense.  Avec la majorité municipale des écologistes et de la gauche unie, les projets que nous avons réalisés et que j’ai eu la responsabilité de conduire ou de lancer resteront pour moi une grande fierté.

Je pense à la réalisation de la dernière phase du front de mer et à la Place du Commando, qui ont changé le visage de notre ville.

Je pense à toutes les actions mises en place au service des habitants de nos quartiers prioritaires, au plan de rénovation des quartiers populaires, de la rénovation du quartier de la Tréballe, au futur centre de santé du Petit Caporal.

Je pense au futur éco-quartier de Sautron, aux premières formes d’habitats participatifs qui y naîtront, aux premiers bâtiments à énergie passive de la ville, outils indispensables face au bouleversement climatique qui approche.

Je pense aux projets d’aménagement que nous avons construits en équipe et partagés avec les Nazairiens du réaménagement des digues du Brivet au nouveau visage du bourg de Saint-Marc.

Je pense au projet de rénovation des Halles, qui seront plus dynamiques, plus conviviales, à l’appel à manifestation d’intérêt pour redonner vie aux halles de Penhoët.

Je pense au travail considérable qu’il a fallu mener pour la “grenellisation” de notre plan local d’urbanisme et au plan local d’urbanisme intercommunal, au travail engagé pour la protection de notre patrimoine architectural, paysager mais aussi végétal.

Je pense enfin à la charte de la concertation citoyenne et aux conseils citoyens de quartiers nouvelle génération, à l’introduction de nouvelles formes de participations citoyennes, du tirage au sort aux projets collaboratifs.

Je remercie très sincèrement les équipes formidables de la ville, ses agents sont des serviteurs dévoués du service public qui m’ont beaucoup appris et accompagné dans ces missions. Une politique publique n’est jamais le résultat de la décision d’un seul, c’est un travail éminemment collectif.

J’ai servi avec conviction, humilité et bonheur les Nazairiens, pour accompagner leurs projets, pour échanger, pour dialoguer. Publiquement, j’ai toujours assumé et porté les choix de notre exécutif, quels qu’aient pu être parfois les nuances, les désaccords, les regrets sur certains projets ou sur certaines façons de faire. Et, dans le dialogue avec les citoyens, c’est toujours la position collective que j’ai assumée quoi qu’il ait dû m’en coûter.

Je regrette profondément la situation actuelle. L’humain, l’attention aux autres et l’égalité sont le socle de mon engagement. Depuis plus de quatorze mois, votre gestion de cette situation n’a pas été la hauteur de ce que qu’aurait dû être celle d’un employeur, d’un chef d’équipe,  d’un responsable politique humaniste.

Vous m’avez indiqué explicitement à deux reprises que c’est à la rentrée 2018, et plus précisément le jour où j’avais posé par écrit des éléments sur les confidences dont nous vous avions déjà fait part oralement (relatives à des faits pouvant, s’ils étaient avérés être qualifiés de viol) et sur le climat oppressif et sexiste (que nous étions déjà quelques-unes à ressentir et dénoncer), que j’avais “perdu [votre] confiance”.

Votre absence de soutien revendiquée, alors qu’une plainte en diffamation a été déposée à mon encontre pour avoir simplement précisé la nature des faits que vous avez vous-même évoqué dans une réunion que vous avez convoqué ne peut pas être acceptée, pas plus que la campagne de dénigrement conduite contre moi et les membres du collectif.

L’inversion des responsabilités, pratiquée depuis la plainte en diffamation déposée à mon encontre, est un procédé de musèlement classique dans les affaires de violences sexuelles. C’est inacceptable.

Nos grands-mères se sont battues pour voter, nos mères pour obtenir le droit de maîtriser leur corps. Nous nous souvenons trop peu de la violences de ses batailles, nous avons oublié les héroïnes de ces débats, de ce qu’elles subirent à l’époque.

Les femmes de ma génération se battent aujourd’hui pour que nous ne subissions plus les violences sexuelles, les violences physiques, le sexisme au quotidien, les inégalités dans le monde du travail. C’est un devoir pour que nous ne soyons plus demain une sur deux à subir une violence sexuelle au cours de nos vie ou 30% à subir du harcèlement dans notre vie professionnelle tout en étant payées 25% de moins que les hommes.

Cet engagement je le dois à ma grand-mère, à ma mère, à ma sœur, à mes amies, à mes collègues, à ma fille. Chaque matin depuis plus d’un an, c’est en la regardant, que j’ai trouvé la force de parler et de tenir, de faire tout ce que je pouvais faire d’où j’étais pour que le monde dans lequel elle grandit soit plus juste pour les femmes.

Le message qui est renvoyée aujourd’hui à Saint-Nazaire, où l’inversion des responsabilités expose d’abord les victimes et les femmes qui se taisent encore, est à rebours de l’histoire. Il ne fait pas honneur à notre ville.

Je n’ai jamais pensé faire de la politique une carrière. Être élu n’est pas un métier que l’on pratiquerait des décennies durant. J’avais d’ailleurs décidé au lendemain des élections législatives de me remettre en mouvement professionnel, ce que, comme vous le saviez parfaitement, j’ai commencé à faire.

Lire et entendre ces derniers mois que c’est une prétendue ambition politicienne qui m’aurait animée est intolérable.

La décision que je prends est un déchirement. Mais il y a un moment où la loyauté ne suffit plus à justifier l’injustifiable. Pour moi les valeurs, le combat pour l’égalité femmes hommes, la lutte contre les violences, les pratiques et l’éthique primeront toujours sur les calculs politiciens.

Je choisis aujourd’hui de quitter l’exécutif municipal qui s’est trop éloigné des valeurs humaines et politiques qui m’animent et je vous remets ma démission.

 

Veuillez agréer, monsieur le maire, mes salutations,

Laurianne Deniaud »