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Ragwear, un streetwear vegan normal et donc classe

La marque allemande Ragwear est à la fois ouverte et exigeante ; elle réussit à ouvrir un chemin pour le moins incontournable.

Ragwear est une marque allemande qui est assez proche de l’esprit d’iriedaily, mais sans la prétention alternative, ce qui amène paradoxalement un style beaucoup plus grand public et accessible, avec un esprit même peut-être plus authentique, parce que plus simple, plus neutre, sans agressivité.

Fondée en 1997 sur une base streetwear liée à la culture skate, la marque s’est aperçue des conditions terribles qu’implique la production de denim en Afrique en termes de conditions de travail et de pollution de l’eau. Elle a alors tout changé et en 2007 elle est devenue une marque strictement vegan accordant une place essentielle au refus de polluer.

Comme chez Iriedaily, on a pareillement sur Facebook les photos des travailleurs chinois produisant les habits ainsi que des lieux de travail, des employés, mais chez Ragwear on a également régulièrement des photos d’animaux, avec également des appels aux dons, la marque parrainant également une vache arrivée dans un refuge spécialisé pour vaches, etc. On est davantage dans une modernité vegan que dans un style branché urbain comme fin en soi.

Cela implique bien entendu un style moins tranché, moins cassant sur le plan graphique, mais de ce fait quelque chose de moins masculin urbain. La touche féminine est marquée et il est intéressant de savoir que les designers se trouvent à Prague, ce qui joue certainement sur le côté neutre et fleuri.

Cela interpellera forcément, parce qu’on sort clairement de la course au bizarre ou au grotesque qui est le pendant de la compétition au sein du streetwear, puisque le principe sous-jacent est de se faire remarquer en ville. C’est toute la difficulté de la question du style alors que le capitalisme corrompt les designers et les gens en général, imposant une fuit effrénée dans le remarquable. Ragwear se sort de cette problématique par un côté clairement tourné vers les gens normaux et par un souci fondamental : celui d’être sympathique et du bon côté.

Ragwear produit des t-shirts manches longues et courtes, des chemises, des sweatshirts, des blousons, des robes, des hauts et des pantalons ; on notera que son site dispose d’une version en français, ce qui est valable pour les sympathiques articles du magazine.

La marque mérite clairement d’être connue en France et il est évident qu’elle le sera, parce qu’elle propose ce qui est tout à fait dans l’air du temps. L’exigence posée par Ragwear correspond à quelque chose de tout à fait populaire : simple et vegan, urbain mais sans pousser à une distinction artificielle. Ce qui est classe, somme toute.

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Iriedaily, le style berlinois

Une employée d’Iriedaily qui sert de prétexte à montrer une des productions de la marque, avec à l’arrière-plan une voiture de police qui brûle lors de la manifestation de 10 000 personnes contre l’inauguration de la Banque Centrale Européenne à Francfort en 2015 et une photo montrant un rassemblement « autonome anti-impérialiste » en Allemagne dans les années 1980… On l’aura compris, Iriedaily est une marque allemande, mieux encore de Berlin, mieux encore de Kreuzberg.

Inconnu (pour l’instant) en France, Iriedaily a pourtant déjà atteint un certain niveau dans le streetwear, puisqu’elle est distribuée dans une quinzaine de pays, à travers 400 magasins.

Le style est très berlinois, avec un esprit club chatoyant associé à une vraie dimension pratique, une approche rentre-dedans mais recherchée, ce qui fait qu’on est assez loin du côté carré – cadré français, même si on reconnaîtra pourtant une certaine patte française du début des années 1980 avec le côté coloré, géométrique, street art.

Iriedaily est née sur le tas, en 1994, d’un petit groupe pratiquant la sérigraphie (par exemple pour la tournée allemande de Bad religion) et d’un Français, Jaybo aka Monk, qui a vécu la vie de la bohème artistique le menant à s’installer à Berlin en 1986 et qui est devenu le chef designer d’Iriedaily.

On devine l’arrière-plan alternatif et d’ailleurs Iriedaily a son origine dans le quartier de Kreuzberg, le bastion des autonomes allemands durant toutes les années 1980. « Irie » signifie d’ailleurs plaisant en anglais jamaïcain, « daily » voulant dire quotidien, journalier, et « iriedaily ! » est une salutation amicale rasta.

L’entreprise – car c’en est une – n’hésite pas à donner la liste de ses fournisseurs en Chine et au Portugal, ainsi qu’à présenter les photos des ouvriers dans les lieux où sont produits ses marchandises pour montrer qu’elle ne cache rien et qu’elle est à la pointe du « fair wear ». Elle produit des t-shirts antinazis dont les fonds vont à des associations, elle insiste sur le sens des responsabilités sociales, il y a une affirmation de la nécessité de faire du durable, pratiquement tous ses produits sont vegans, etc.

Le style, par son approche berlinoise, est très différent de la démarche française et il y a lieu de se demander dans quelle mesure une certaine dimension féministe ne joue pas, si la différence ne tient pas tant, au fond, au style profondément différent entre la berlinoise et la parisienne.

Iriedaily est une marque qui vaut le coup d’être connu, surtout tant qu’il y a encore le fond alternatif et que le côté bobo ne l’a pas emporté, même s’il est déjà présent évidemment puisque l’entreprise est somme toute un refuge pour vivre de manière pas trop affreuse dans un capitalisme insupportable.

Il est tout à fait plaisant d’avoir une marque permettant des vêtements s’appuyant sur des matières durables, vegans, par une marque fournissant un salaire parmi les moins pires possibles aux ouvriers. C’est déjà ça, même si on ne peut pas s’y arrêter.

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Quand l’esprit est dans une impasse et bascule dans l’idolâtrie

Parfois l’esprit cherche des refuges, la pensée se raccroche à ce qui se trouve à portée. L’expression la plus connue est celle de personnes qui trouvent un secours dans la religion. On aurait tort de minimiser ce phénomène et de ne pas accorder plus d’attention aux différents niveaux, aux innombrables impasses que la réalité d’un capitalisme, à la fois triomphant et en perdition, produit inlassablement.

Le vie quotidienne du capitalisme empêche de prendre conscience de la réalité. Elle s’immisce dans chaque moment, chaque espace afin d’éroder les corps et les esprits. Contrairement à ce que s’imaginent les anarchistes français, l’ultra gauche et autres populistes, les gens ne sont pas des « moutons » (expression péjorative pour ces animaux). Les esprits cherchent à survivre et le résultat, aujourd’hui, n’est pas beau à voir.

Certains cherchent un certain confort, une certaine sécurité à travers une maison, une voiture, un petit commerce ou même un bout de terrain. D’autres cherchent à tout prix cette paix, mais se font broyer avant d’arriver au but : alcool, drogues… Au-delà de ces stratégies de survie de l’esprit, il y a toutes les petites solutions et tous les détours qui parsèment la vie. Tous les mensonges, à soi et aux autres, toutes les certitudes auxquelles on se raccroche. Les variantes sont infinies : chaque instant, chaque lieu, chaque personne en produit de nouvelles. Toutes ont un point commun : l’égo y est un poison central.

Il est un poison qui empêche de voir réellement un Homme derrière l’autre. Il dégrade l’esprit en fabriquant de fausses haines et de fausses adorations. Il fabriques des idoles et des fétiches.

L’Homme croit aimer une personne alors qu’il s’est réfugié dans l’adoration d’une image, une production de son esprit emprisonné par son égo. Non seulement les sentiments sont faux, mais en plus ils sont tournés… vers soi. L’Homme troublé n’est plus capable de voir une personne en face. La raison s’efface doucement devant ce culte nouveau.

Combien de personnes s’imaginent transportées par des sentiments nobles alors qu’elles ne vénèrent qu’une image ? Combien se complaisent dans cette situation ?

Echo et Narcisse - John William Waterhouse, 1903

Le problème est que cette situation est rassurante. L’idolâtrie, peu importe le niveau, devient un refuge. On se construit un personnage, on le vit, on l’incarne. On décroche à nouveau de la réalité et de ses exigences, avant de se raccrocher à sa petite vie et ses habitudes.

On dira que ce phénomène est la plupart mesuré, que la plupart de ces personnes ne sont pas folles, qu’elles peuvent parfaitement vivre en société, etc. Mais c’est oublier que cette démarche façonne la pensée : elle entretient le culte de l’égo et empêche de saisir le monde tel qu’il est et de saisir sa place, à la fois grande et insignifiante.

Toute personne qui porte en elle une part d’idolâtrie se tourne vers elle-même, sans même s’en rendre compte, vers un monde statique qui se répète indéfiniment. L’esprit se complaît dans cette simplicité et ce confort apparents. Il n’a alors aucune raison de se tourner vers l’avenir qui signifie la fin d’un monde : tel est le problème fondamental du culte des idoles moderne.

Chaque petite moment d’idolâtrie est un refuge et une impasse : il permet de se construire un petit monde à soi, un personnage dans un cadre connu, balisé et prévisible. Mais il s’oppose par essence à toute socialisation, à tout dépassement de soi : il est contre un Homme nouveau.

À chaque bouffé d’auto-intoxication, l’esprit se complaît dans ces échecs, dans sa propre médiocrité, dans les douleurs qu’il se créé de toute pièce. Elle ne cherche même plus une responsabilité extérieure : « les choses sont mauvaises aujourd’hui et le seront toujours, tel est la loi immuable de l’univers ».

Il ne peut y avoir de place pour de telles logiques. Elles sont des poisons à combattre. L’égo est un poison. Mais il est très difficile de s’en défaire et de l’éviter : les générations passées et actuelles sont en quelque sorte condamnées à le côtoyer. Il n’est pas question ici de défaitisme, seulement de réalisme : il faut voir les problèmes en face.

Un ordre nouveau, grandiose et rayonnant est à venir. Mais son avènement ne se fera pas sans difficulté et sans douleur. Un monde sans égo, sans fausse vérité, sans impasses, sans mensonges : un nouveau battement pour un cœur mourant.

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Décadence, vie de bureau et corruption

La vie de bureau est une réalité pour de plus en plus de personnes dans notre pays et dans les autres nations capitalistes : enfermées sept heures par jours, voire plus, derrière un bureau, un écran et un clavier d’ordinateur. Chacun prend ses habitudes, chacun comprend la place de chacun, chacun trouve son rôle et finit par le jouer le plus naturellement possible.

John William Waterhouse - The Lady of Shalott

La vie de bureau intègre totalement les employées à leur entreprise. Ils font et sont la vie de « la boîte ». Ils portent ou défendent la « culture de l’entreprise », quand ce sont pas ses « valeurs ». Les plus chanceux et les plus aliénés auront un poste qui correspond à leurs besoins et à leurs attentes. L’entreprise remerciera ses collaborateurs par des séminaires, des séances de team building, des comités d’entreprise généreux afin de renforcer le lien entre l’entreprise et ses membres. Elle organisera des repas de Noël, elle forgera des liens entre ses collaborateurs grâce au management et aux ressources humaines : elle n’est plus une entreprises, elle est une famille.

Les moins chanceux n’auront pas cette joie d’aller travailler le matin. Tous les matins. Ils en rêveront. Ils accepteront le moindre petit cadeau et seront satisfait, d’avoir accès aux même activités d’entreprises que leurs compatriotes chanceux : pots de départs et alcool gratuit, prendre part aux jeux des relations sans lendemain entre collègues, sorties groupées dans un bar dont on parlera pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Le capitalisme moderne des pays comme la France a ceci de fantastique qu’il repousse toujours plus loin le concept d’offre et de demande : chaque personne peut trouver la vie de bureau qui lui correspond. Mieux : chacun doit trouver la vie de bureau qui lui convient… à chaque moment de sa vie. Tout est possible.

Une personne cynique et prétentieuse trouvera chaussure à son pied, une autre davantage portée sur le sens de son travail trouvera aussi l’entreprise qui lui permettra de s’épanouir et de grandir, selon les termes chers aux défenseurs de l’entreprise.

La bonne vie du bureau devient le rêve, l’idéal de la mauvaise vie de bureau. On galère, et enfin : on trouve sa place. On remercie l’entreprise et les collègues qui nous ont fait confiance. On souhaite le meilleur et plein de succès à tous lorsque l’on quitte le navire : peu importe tous les non-dits, toutes les rumeurs, toutes les choses qui se savent très bien. Et peu importe les piques qui seront lancées dans son dos.

On part ensuite pour une entreprise qui nous correspond davantage : que ce soit en terme de valeurs ou de carrière. On s’intègre à nouveau, on participe à une nouvelle vie dans une nouvelle entreprise. La vie quotidienne continue son travail de destruction, de sape et de corruption.

L’esprit de chacun se fait plier, broyer, écarteler. Peu importe la vitesse, le résultat sera identique: la richesse, la lumière qui brille en chacun sera détruite petit à petit. La vie quotidienne isole et bride les sens, elle restreint l’intelligence au strict minimum : l’entreprise devient le seul horizon. Et si l’entreprise seule n’y arrive pas assez vite, la vie sociale prend le relais.

La moindre nuance de couleur dans le ciel, le moindre changement dans la couleurs des arbres devraient être des sources d’émerveillement et de curiosité continus parmi les innombrables perceptions que nous avons du monde et de l’univers. Mais rien de tout cela n’est nécessaire à la vie de bureau : il faut optimiser les sens et l’esprit afin qu’ils ne perturbent pas le bon déroulement d’une vie de bureau morne.

L’émerveillement et l’attention accordée au sens, et donc à la vie et à l’univers, n’apportent rien à l’entreprise. Tandis que des parties de Call of Duty entre collègues après le travail permettent de souder l’équipe, de fournir des sujets de discussion, de créer des groupes de collègues…

Un divertissement des plus abrutissants pour un travail abrutissant. Un travail abrutissant qui permet de s’offrir des biens abrutissants. La boucle est bouclée : difficile d’en échapper. Les années passent, certains restent dans la même entreprise pendant dix ans, vingt ans… Et finissent complètement démolis.

Deux mille ans d’histoire et certains acceptent, et sont même fiers, de faire rayonner une marque, une entreprise, sur la réseaux sociaux ? De vendre des produits qui n’ont, socialement, aucune utilité ? De développer des applications plus ou moins calamiteuses qui ne servent en réalité à rien ? D’organiser des séminaires, de séances de team-building, tous plus destructeurs culturellement les uns que les autres ? Quand ils ne sont pas des insultes à l’idée même de culture.

Les plus chanceux acceptent avec plaisir l’horreur, l’abrutissement quotidien et la négation pure et simple de la complexité et de la richesse de la vie. Mais combien, parmi les moins chanceux, rêvent de cette situation ? En étant bien conscients que tout est faux. Combien acceptent cette petite vie quotidienne faite de corruption dans l’espoir d’avoir un peu mieux plus tard ?

La capitalisme en perdition n’est plus capable de donner le moindre sens au travail. Il ne chercher plus qu’à étendre son emprise sur toujours plus d’aspects de la vie quotidienne. Les sens, la vie intérieure doivent être brisés, pliés et calibrés afin de permettre à un mode de production à l’agonie et gagner ainsi des années d’espérance de vie. C’est une impasse qui ne pourra aboutir qu’à l’avènement d’un monde et d’un homme nouveaux sous le socialisme. Mais cette renaissance ne se fera pas sans douleur : il faudra payer le prix de décennies de corruption.

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5 leçons pour être productif

Jean-François Millet, Le semeur, 1865
Jean-François Millet, Le semeur, 1865

Leçon numéro 1 : rien ne vient de rien

Pour être productif, il faut puiser non pas en soi-même, mais dans la culture. Pour écrire il faut avoir des connaissances littéraires, pour faire de la musique il faut avoir des connaissances musicales, etc. C’est une fiction du capitalisme de croire qu’il y a des choses qui s’inventeraient. Rien ne vient de rien. Pour produire, il faut se tourner vers ce qui a été produit et apporter sa sensibilité.

Voici un exemple avec le Prélude n° 20 en Do Mineur, Opus 28 de Frédéric Chopin.

Et voici la chanson « Could It Be Magic » composé par Barry Manilow en partant de la base de Frédéric Chopin.

Leçon numéro 2 : le principe, c’est de célébrer

Barry Manilow n’aurait jamais pu composer « Could It Be Magic » sans un certain niveau d’exigence artistique, de capacité technique, mais surtout de capacité émotionnelle à célébrer. Sans célébration, aucune production n’est possible, dans aucun domaine.

Il y a des gens qui voient des pistes, des idées et qui décident de se comporter comme des voleurs. Ils se disent qu’ils peuvent avancer dans la vie sans être redevable à personne. Comme ils se voilent la face, ils haïssent même ceux qu’ils ont volé, dénigrent ceux à qui ils doivent tout.

C’est là conforme à une mentalité corrompue propre au capitalisme et qui est incapable de célébrer, de distinguer le juste et l’injustice, l’harmonieux du dis-harmonieux.

Et surtout, dans le mensonge il n’y a pas la capacité humaine à aller jusqu’au bout d’une entreprise.

C’est pour cela que la chanson de George Harrison « My Sweet Lord » n’est pas religieuse en réalité, mais universelle.

Leçon numéro 3 : tout le monde peut briller

Le capitalisme veut des gens efficaces pour ses propres besoins. Il dévalue tout le reste. Il est donc normal de n’avoir aucune confiance en soi pour tout ce qui compte – car cela ne compte pas pour le capitalisme.

Le premier pas est de comprendre que ce n’est pas qu’on est faible sur le plan de la créativité, de la productivité, mais qu’on a été rendu faible. Comme il est dit dans la chanson Instant Karma de John Lennon, tout le monde brille « comme la lune et les étoiles et le soleil – tout le monde ! »

Leçon numéro 4 : être authentique

On peut penser avoir raison et se planter. Mais humainement, il y a des erreurs qu’on doit assumer dans son vécu pendant des années. Il faut donc être authentique, tout le temps, sinon dans les moments d’épreuve on se voile la face et on échoue.

C’est d’autant plus vrai par rapport à soi-même. On ne peut pas produire en étant à côté de soi, ou pas entièrement soi-même. C’est vrai pour écrire une ligne, avoir une relation amoureuse, choisir un habit…

Et quand on a quelqu’un qui se trompe en face, il faut oser aller jusqu’au bout pour chercher à discuter jusqu’au bout, quitte à se faire massacrer. C’est le prix à payer parfois pour rester authentique.

La chanson « We can it work out », « On peut le faire », est un magistral appel à quelqu’un s’étant enfermé sur soi-même et ayant perdu de vue l’important, ne voyant plus pourquoi justement il y a intérêt à faire les choses…

Leçon numéro 5 : se lier à la Cause

Impossible d’avoir de l’énergie sur le plan personnel sans se lier à la Cause. Si l’on vit pas en soi, à travers les fibres de son existence, la Cause du socialisme ou l’un de ses aspects, on rapetisse et on disparaît dans l’aliénation.

Il faut savoir se plier à la Cause et s’écraser… Tel John Lennon l’a fait dans la chanson « Woman » (« Pour l’autre moitié du ciel (…) Après tout ma dette envers toi dure toujours (…) Femme je sais que tu comprends le petit enfant à l’inérieur de l’homme S’il te plaît rappelle toi ma vie est dans tes mains »).

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Réflexions Vie quotidienne

La fidélité, une valeur prolétarienne

En tant que classe sociale, le prolétariat est le vecteur d’une morale, de valeurs qui sont liées au quotidien mais aussi à toute une transmission collective, allant de la famille jusqu’aux luttes sociales en passant par les relations amicales et amoureuses. Au cœur de la transmission prolétarienne, il y a valeur cardinale qui est celle de la fidélité.

La loyauté est une valeur qui est difficile à saisir si l’on est pas soi-même issu ou lié à la classe ouvrière. Pour la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, elle apparaît toujours comme quelque chose de « décalé », d’un peu has been. Être moderne, ne serait-ce pas être « libre » de tous les carcans moraux, des normes ?

Cette incompréhension des classes éduquées se voit parfaitement bien lors d’une fermeture d’usine avec des reclassements à la clef ou lors d’une rénovation urbaine d’un quartier HLM délaissé. Bourgeois et petit-bourgeois se disent : « pourquoi ces gens ne sont pas contents de la modernisation ? Cette usine n’était-elle pas le vecteur d’un travail aliénant ? Ce quartier ne tombait-il pas en ruine ? ».

Pour les bourgeois, c’est la preuve du conservatisme des classes populaires, de leur réticence au « changement ». Mais, pour les prolétaires, c’est tout un monde qui s’écroule, un héritage de riches histoires, d’amitiés, d’expériences culturelles à laquelle on est fidèle.

Plus que fidèles à eux-mêmes, à leur propre personnalité, les prolétaires sont loyaux envers leur propre histoire en tant qu’histoire collective partagée dans la morosité et la joie du travail, du quartier, de la zone pavillonnaire, de la campagne. Il n’y a qu’à voir comment Mc Circulaire parle de sa campagne, en refusant le business du rap mainstream. Il y a une forme d’humilité, de respect et c’est cela la fidélité populaire.

Au cœur de la vie quotidienne, on reconnaît la loyauté prolétaire avec par exemple ces personnes qui donnent tant d’attention à leurs grands-parents car ils y voient le vecteur essentiel de la transmission d’une histoire, d’un héritage. Tout comme cela est visible dans cette parole si populaire de « respecter les anciens » ou dans cet attachement au couple amoureux, c’est-à-dire au prolongement dans le temps d’une fidélité à la fidélité elle-même.

Le style ouvrier réside bien dans cette loyauté et l’on peut voir d’ailleurs comme des pans de la Gauche se sont brisés sur cet aspect si essentiel de la vie quotidienne. Ce fut ainsi le cas de la Gauche contestataire dans l’après mai 1968. Si des milliers de gens, d’origine petite bourgeoise, sont allés aux ouvriers, à quoi cela sert-il si c’est pour partir aussitôt qu’on est arrivé ? Quelle fidélité, quelle loyauté, quelle crédibilité ?

Car, sur ce point, les ouvriers sont, plus que tout autre, d’une exigence absolue. À ce titre, la classe ouvrière est le seul contre-feu stable à la décadence d’une bourgeoisie qui valorise la casse de tout ancrage historique ( qu’il soit individuel ou historique ). C’est là le sens du triomphe de la PMA, de sites d’adultère comme Gleeden, de l’art contemporain sonnant comme un reflet de cette grande bourgeoisie cosmopolite en complète trahison de sa propre histoire.

La fidélité est tellement essentielle aux classes populaires qu’elle a été à la base de ses décrochages dans l’Histoire. N’est-ce pas de la fidélité populaire à la nation qu’est née la commune de Paris de 1871 ? N’est-ce pas de la loyauté envers la souveraineté que s’est développée la Résistance des années 1940 ?

Au regard de l’histoire, on peut dire certainement que la fidélité est le style de vie prolétarien dans tous les aspects la vie quotidienne. Elle se réalise ensuite au plan politique dans le Parti.

En effet, dans le mouvement ouvrier, cette fidélité s’est traduite par la discipline et la loyauté envers la SFIO ou la SFIC – Parti Communiste . Être membre d’un Parti de la classe ouvrière, c’est devenir fidèle à la fidélité elle-même incarnée par la discipline partisane.

Bien sûr on peut le critiquer, car sans la critique et l’auto-critique, cela dérive vers un enlisement bureaucratique. Mais d’un autre côté, c’est aussi l’expression de ce style ouvrier car derrière la fidélité il y a la ténacité, l’abnégation, la fermeté.

C’est ce que n’ont jamais compris la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, y voyant là un écrasement de l’individu, tout comme elles voient aujourd’hui la liberté dans l’amour libre, la déconstruction individuelle et bannit toute cadre moral collectif. C’est la raison qui explique que la Gauche, portée par les classes moyennes de centre-ville, s’est faite laminée par le postmodernisme et ses soutiens aux luttes des marges (LGBT, « racialisme », décoloniaux…)

Le danger est qu’il y a un courant, issu des classes dominantes, qui a saisi tout cela et surfe habilement dessus : le fascisme. C’est sa mise en avant de l’ « enracinement », sa valorisation unilatérale de la « famille », de la discipline militaire, de l’honneur de la patrie. Ce n’est qu’un détournement démagogique qui vise à assécher l’élan populaire vers son émancipation.

La Gauche historique se doit de défendre cette valeur de la fidélité dans tous les aspects de la vie quotidienne. C’est une des conditions à la conquête de l’hégémonie culturelle et à la construction d’une nouvelle société démocratique, populaire. S’il y a un sens à défendre la Gauche historique, c’est bien celui-ci : ouvriers, soyez fidèles à vous-même, à votre héritage, celui du Socialisme, du mouvement ouvrier, du drapeau rouge, de ses générations qui ont combattu pour l’émancipation.

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Caisse automatique, capitalisme et vie quotidienne

Avec les progrès technologiques de ces dernières décennies, tout particulièrement l’évolution des dernières années, le capitalisme fait participer de plus en plus chaque personne à sa marche générale. Caisses automatiques, communautés liées à des produits, etc. : le mode de production capitaliste s’introduit toujours plus dans la vie quotidienne en faisant activement participer chacun.

L’exemple le plus frappant est celui des caisses automatiques : non seulement l’entreprise détruit des emplois mais elle les remplace en partie par celui, non rémunéré, de ses clients. L’emploi de caissier ne disparaît pas parce qu’une machine perfectionnée est capable de réaliser le même travail avec une plus grande productivité, mais parce qu’une partie du travail a tout simplement été déportée sur le client. Ce dernier travaille gratuitement pour l’entreprise à chaque fois qu’il utilise une caisse automatique.

L’intrusion du capitalisme dans tous les aspects de la vie est toujours plus grande. Après avoir parcouru des rayons remplis de produits industriels nocifs vendus à des prix agressifs, d’animaux morts, et de rayons poisons (la taille des rayons d’alcool dans certains supermarché fait froid dans le dos), le client va aider l’entreprise à réaliser sa marge.

Tous les sens sont de plus en plus corrompus et attaqués par une vie quotidienne toujours plus aliénante. Il faudrait maintenant donner de son temps et de son énergie pour que la machine continue de fonctionner ?

Les avis en ligne prennent de plus en plus d’ampleur ces dernières années. Au-delà de grandes entreprises sur lesquelles ceux-ci sont déposés (Google, Tripadvisor, etc.), beaucoup d’acteurs de plus petite taille proposent des services pour mieux les gérer (vision d’ensemble, réponses sur les différentes plateformes, etc.)

Les sommes générées directement et indirectement par ces avis sont importantes : beaucoup de personnes en vivent professionnellement. Et tout ça grâce… à d’autres qui ont gratuitement déposés des avis sur ces plateformes.

Les grands groupes emploient des personnes à temps plein pour répondre aux avis déposés par des internautes. Ces mêmes personnes vont souvent utiliser une solution pour avoir des statistiques et une vue d’ensemble. Ces solutions, souvent bancales bien entendu, dépendent des géants qui acceptent de rendre ces données accessibles facilement.

Tout un système absurde fonctionne, fait vivre toujours plus de personnes et permet aux grosses plateformes d’asseoir leur position et d’éliminer les concurrents trop faibles. Tout cela au final, pour gérer des avis d’utilisateurs plus ou moins de mauvaise foi, sans parler de toute l’économie de la production de faux avis.

Ainsi, plus une plateforme devient incontournable, plus les gens vont y consulter les avis de telle ou telle enseigne et plus ils auront tendance à déposer des avis sur celle-ci. Et tout cela pour quoi ? Pour de simples avis, peut-être vrais, peut-être faux, peut-être déposés par la concurrence, peut-être créés par une personne à des milliers de kilomètres de là.

Le tout est vendu comme un progrès : les entreprises sont obligées d’être plus transparentes, les gens savent et se partagent l’information. Mais il n’en est rien. La réalité est que tout ce système ne fait qu’accroître la position d’entreprises toujours plus fortes. Tout cela formate et tend à faire en sorte que toujours plus d’aspects de la vie quotidienne prennent part à la marche forcée d’un mode de production en perdition.

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«Le facteur ne passera jamais»

Depuis la privatisation de La Poste, un grand décalage se produit entre la figure historique du facteur servant le peuple et le rôle froid d’exécutant dans lequel il se retrouve enfermé par le capitalisme. C’est aussi un grand vide pour beaucoup de gens dans la vie quotidienne.

Le facteur tenait une place importante dans la vie sociale. C’était le personnage que l’on voyait tous les jours, avec qui on pouvait parler, il amenait les nouvelles, les bonnes et les mauvaises. C’était une personne de confiance, avec qui on pouvait s’arranger pour ne pas rater telle missive urgente. Il savait les habitudes des uns et des autres, pouvait s’inquiéter d’une absence et donner de sa présence.

C’était un petit travail tranquille, ou alors les difficultés étaient compensées par le plaisir d’être là pour les autres.

On imaginait le facteur comme une gentille personne, pas vraiment futée, mais avec un rôle central dans le quotidien.

Tout cela est fini, car ce genre de personnage ne peut exister dans le capitalisme broyant tout sur son passage. Mais les gens ne voient pas cela et la rancœur remplace le bon sentiment.

Le préjugé sur une supposée bêtise se renforce et on s’imagine que si le facteur n’est pas passé, c’est que c’est un fainéant et que décidément « les gens sont de plus en plus cons ».

C’est bien évidemment une manière de tout réduire aux seuls individus et c’est plutôt pratique puisque ça n’engage à rien.

Alors que si on regarde les choses dans leur ensemble, la colère des gens est autant compréhensible que la détresse du facteur, mais ce n’est la faute ni de l’un, ni de l’autre.

La facteur, qui voit sa tournée sans cesse se rallonger et les « clients » s’éloigner. La villageoise, qui n’a pas son journal pendant trois jours.

La Poste a fait repousser les boîtes aux lettres au bout des chemins ou les regrouper par quartier, afin de réduire le temps entre chaque point de distribution et pouvoir ainsi rallonger la tournée. Cela permet de distribuer aussi des colis et puis des publicités, puis faire des prestations diverses et variées.

En plus de distribuer du courrier, de la publicité, des colis et des lettres recommandées, les facteurs doivent parfois placer dans les halls des plaques fibres d’opérateurs téléphoniques, relever le papier à recycler dans les entreprises ou encore apporter des repas à domicile. La Poste, dans ce domaine, est un trésor d’inventivité.

Chaque geste est chronométré de manière à optimiser le temps au maximum. Cela paraît très rigoureux, mais toutes les procédures cachent en fait un système anarchique avec des flux de courrier et de colis qui ne rentrent pas dans les moyennes calculées. Pour faire simple, la majorité du temps, beaucoup de tournées sont impossibles à finir. Parler aux gens, n’en parlons pas.

Les facteurs, livrés à eux-mêmes, prennent alors sur leur temps de pause pour pouvoir finir le travail. Cela donne donc des gens qui travaillent pendant 7h sans s’arrêter, parfois sans manger.

C’est proprement une situation de moins en moins tenable, avec de nombreux burn out et même des suicides. Pour des postiers qui ont le métier dans la peau, en tant que rôle social, cela peut provoquer de grandes souffrances de ne pas être à la hauteur des attentes des gens.

Le capitalisme va vers toujours plus de barbarie et cela se voit dans les hôpitaux, les EHPAD, dans la brutalité de la voiture, la souffrance des animaux ou dans la course vers la guerre…

Et finalement, si tout se dégrade vers toujours pire, c’est la faute d’un peu tout le monde car, corrompu par le capitalisme, on s’accommode du pire.

> À voir ailleurs : l’émission « Envoyé spécial » sur France 2 diffusera demain jeudi 12 septembre 2019 un reportage « La Poste sous tension »

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Le logement et le mauvais goût

Déjà les romantiques dénonçaient au XIXe siècle le fait que l’art ne soit pas valorisé comme il se doit. Que dire en ce début du XXIe siècle où le capitalisme a défiguré entièrement la notion même d’harmonie ? Cela se lit particulièrement dans les logements. Malgré la révolution de l’accès à des biens matériels de goût, il n’y a pas eu de réalisation sur ce plan.

Le capitalisme propose absolument tout ce qu’on veut niveau objets du quotidien et on peut se débrouiller pour l’avoir pour des sommes si ce n’est modiques, au moins accessibles. On peut disposer de meubles, de fourchettes, d’affiches, de tapis, de théières, de tapisseries, de moquettes… qui reflètent un certain niveau artistique. La qualité ne sera pas forcément exceptionnelle, mais dans l’idée, il y aura un certain niveau.

Or, que voit-on ? Que l’intérieur des logements n’est que le prolongement des logements du passé. Il y a une continuité qu’on peut qualifier de parentale dans les appartements et les maisons. Il y a une véritable reproduction des habitudes, des manières de concevoir le rapport aux objets dans le logement.

Cela ne veut pas dire que cela soit entièrement faux. Il y a des cultures nationales et un logement français n’est pas un logement indien ou japonais, ce qui n’implique pas qu’il n’y a pas des choses justement à apprendre les uns des autres, conformément aux échanges toujours plus grands au sein de l’humanité.

Et il y a bien sûr des objets techniques nouveaux par rapport à auparavant, comme les ordinateurs, les box internet, etc. Cela ne change pas le fond de la question, car ces objets s’intègrent dans le paysage, sans rien changer.

Bien entendu aussi, les gens très riches achètent de leur côté des choses nouvelles, souvent excentriques, beaucoup de choses excentriques, ils remplissent autant qu’ils le peuvent, ou bien restent minimalistes, mais leurs achats proviennent de catalogues de choses à la mode.

Mais pourquoi n’y a-t-il pas pourtant un gigantesque changement à l’intérieur des logements, strictement parallèle à l’accumulation énorme de marchandises disponibles ? Pourquoi les logements d’aujourd’hui n’ont-ils pas un intérieur resplendissant, en comparaison à il y a cinquante ans ?

Pourquoi, dans les logements, n’y a-t-il pas eu un changement total, alors que la société de consommation permet un accès sans comparaison par rapport à il y a cinquante ans ?

La raison est très simple à trouver. La consommation capitaliste est tout comme la production capitaliste, elle est chaos. Les gens achètent n’importe quoi, n’importe comment. Il n’y a pas de prévision, pas de planification. Il n’y a pas de réflexion profonde, il n’y a pas de mise en rapport avec la culture.

Ce qui est acheté l’est en fonction d’un vague goût personnel, c’est-à-dire, pour employer le terme adéquat, en fonction des caprices. Ces caprices expriment souvent la reproduction déformée des caprices parentaux, selon l’adage bien souvent vérifié qu’une fois adulte – une fois qu’un emploi a été trouvé de manière plus ou moins définitive – il y a un grand recul et des retrouvailles avec les vieilles valeurs et cela de manière toujours plus profonde.

Ce n’est pas qu’une question d’éducation. C’est le système même de consommation qui s’impose aux gens, qui les rend prisonniers de tout un style de vie. L’incohérence est totale et flagrante entre ce qu’il serait possible de faire et ce qui est fait. Les logements eux-mêmes sont d’ailleurs totalement dépassés par rapport à ce qu’on pourrait faire.

Les villes elles-mêmes sont terriblement en retard par rapport aux exigences culturelles, écologiques, de rapport à la nature, de mobilité, d’accès aux soins, etc. Elles deviennent toujours plus moches mêmes, le chaos de la propriété privée les défigure, les transformant pour les grandes en bastions cosmopolites de privilégiés et de grandes entreprises, pour les petites en déserts.

Par quelque bout que l’on prenne la vie quotidienne dans le capitalisme, on voit que le mauvais goût est toujours lié au caractère dépassé du capitalisme ; le mauvais goût est le contre-coup d’un chaos qui a pris de telles proportions que tout devient toujours plus déformé. C’est la fin d’une civilisation : le Socialisme est une exigence historique.

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« …parqués comme des animaux »

Il est 17h, quelques minutes avant le départ du train de banlieue d’une gare parisienne. Il n’y a plus de places assises, les derniers voyageurs remontent le quai à la recherche d’une voiture moins dense, en vain. Un homme, la trentaine, monte dans l’une des premières voiture ; il monte et se faufile dans la voiture à la recherche d’une fauteuil vide ou même d’une marche. Agacé, il sort au bout d’une minute et laisse sortir discrètement ces quelques mots : « …parqués comme des animaux ».

amesoeurs - ruines humaines EP

La réaction est tout simplement typique de toute une partie de la population des banlieues éloignées : toutes ces personnes veulent le calme et la tranquillité, rien ne doit déranger leurs petites vies.

Dans un sens, ces personnes ont raison de ne pas trouver normal que les trains soient toujours remplis à certaines heures, sans que la SCNF ne prévoit d’augmenter les capacités du réseau. Seulement, la comparaison avec les animaux témoigne de leur mentalité petit-bourgeoise étriquée. N’importe qui d’un minimum rationnel trouvera cette réaction absurde : un homme de trente, quarante ans, qui n’a visiblement aucun problème moteur peut bien rester debout vingt à trente minutes jusqu’à la première gare où descendront beaucoup de voyageurs. Sans parler de la densité de voyageurs qui n’a tout simplement rien à voir avec celle de certaines lignes du métro parisien aux heures de pointe. Mais il faut exagérer, s’imaginer vivre un enfer pour se donner l’impression d’exister.

On se retrouve ainsi avec des personnes fuyant la vie parisienne pour une vie plus calme en banlieue et qui sont incapables de raisonner en terme de société. Le repli individuel l’a emporté. L’illusion de s’être protégé de la folie des grandes villes, sans aucune remise en cause de tout une organisation de territoire ;  aucun début de critique du mode de production capitaliste.

Ces gens veulent le calme, pour eux. Pétris de libéralisme mais sans les moyens de le vivre à fond, ils sont obligés de s’inventer une vie.

Il y aurait Paris, la mégapole tentaculaire, sa proche banlieue chic ou lumpenprolétaire et au-delà, des zones habitables. Des endroits sans trop de vague. La petite vie de personne s’éloignant de Paris pour gagner quelques mètres carrés et gagner en « qualité de vie ».

Il faut pourtant être aveugle pour ne pas voir que l’Île-de-France est complètement écrasée par Paris. À tel point que les départements limitrophes en font de plus en plus les frais ces dernières années : les villes sur des lignes de TER vers Chartres, Amiens, Compiègne, Montargis ou encore Château-Thierry voient arriver des personnes qui viennent d’Île-de-France et travaillent sur Paris.

Les personnes qui vivraient un enfer parce qu’elles n’ont pas de place assise dans un train sont incapables de proposer quoi que ce soit. Elles ne cherchent qu’à maintenir leurs illusions, qui commencent avec le train : l’image du départ d’une grande gare, voire Paris et sa proche banlieue disparaître avant d’arriver au vrai pays. Cette mentalité convient très bien à la SNCF et la bourgeoisie française : ces personnes ne remettront jamais en cause ni l’urbanisation forcenée du territoire, ni l’absence de tout plan concernant les trajets travail-domicile.

Regio 2N

Le rêve petit-bourgeois d’un capitalisme à visage humain, d’une concurrence loyale, d’une industrie soucieuse du bien-être des humains et de l’écologie est une aberration. Le mythe pouvait vaguement tenir il y a encore vingt ans, mais aujourd’hui… La comparaison indécente avec les animaux témoigne bien de cette dimension irrationnelle. En 2019, comparer un train avec quelques personnes debout à un train transportant des animaux à l’abattoir est tout simplement abject. Il faut être totalement corrompu pour se permettre ce genre de remarques – témoins de la décadence d’une époque.

Il y a pourtant énormément de choses à redire sur l’organisation des transports dans les grandes villes, tout particulièrement en Île-de-France. Mais sans une approche démocratique, on n’aboutit qu’à entretenir un mirage petit-bourgeois qui s’efface de plus, en plus et on termine chez les gilets jaunes.

Le compromis est très clair : plutôt 45 minutes de train, pas trop rempli en situation normale, que 30 minutes dans le métro parisien en heure de pointe. Peu importe que les toilettes soient supprimées dans les nouveaux trains, peu importe les retards récurrents, tant que globalement, cela tient. Parce que la plupart des personnes font avec.

Toutes les critiques d’hystériques qui expliquent que « ça va péter » font le jeu de la SNCF : ils soutiennent indirectement celle-ci avec leurs discours à côté de la plaque. Elle peut ensuite apparaître comme une entité raisonnable qui prend en compte les avis des ses clients.

Gare de la Ferté sous Jouarre

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La folie se propage dans les grandes villes

Le capitalisme rend les gens fous. Les psychiatres disent eux qu’on voit plus de fous, parce qu’il y a moins de place en psychiatrie. C’est une terrible capitulation de leur part, une preuve de leur étroit esprit corporatiste.

Grandes villes - Amesoeurs amesoeurs

La loi est ainsi faite qu’on n’a pas le droit de critiquer les médecins ; les psychiatres étant des médecins, on n’a donc pas le droit de les critiquer non plus. Ils « savent » ce qu’ils font et on doit donc accepter cela, et faire comme si les médecins ne formaient pas une corporation, comme si leurs attitudes et leurs évaluations ne correspondaient pas à des principes, des idéologies.

Alors, lorsque le quotidien Le Parisien interroge des psychiatres sur la recrudescence du nombre de fous à Paris (mais bien sûr dans les autres grandes villes aussi, voire en général), on a droit à des réponses simplistes et il faudrait les prendre pour argent comptant.

Il faudrait accepter, donc, qu’on ne sait pas s’il y a plus de fous ou non, que de toutes façons si on les voit plus c’est parce qu’il y a moins de places en psychiatrie, et également que les psychiatres font mieux leur travail qu’avant, repérant mieux les cas, etc.

Tout cela n’est que mensonge et ne vise qu’à financer la corporation des psychiatres. En réalité, la société se ratatine sur elle-même et les gens s’effondrent psychologiquement, psychiquement, mentalement. Les grandes villes, telles qu’elles existent sous leur forme actuelle, ne sont plus des bastions de la culture mais des lieux de désocialisation, de pression, d’aliénation. La grande ville, c’est la souffrance, à part pour une minorité aisée s’imaginant vivre de manière heureuse.

L’article reprend les chiffres du livre d’une des personnes interrogées et parle de 4,7 à 6,7 millions de « personnes touchées par la dépression en France ». Des chiffres énormes et vagues à la fois. Comment faire la part de ce que l’on pourrait qualifier de réelle dépression, et de posture égocentrique ? Comment faire la part entre ce qui tend réellement vers la dépression et ce qui tend vers de la mise en scène malsaine ?

Une personne qui évoque une envie de suicide est-elle dépressive ? suicidaire ? Ou est-elle dans une logique petite-bourgeoise égocentrique ? Tout ceci est très subjectif et extrêmement difficile à évaluer. Et tant que l’on raisonne en terme d’individus, chacun pourra avancer les chiffres les plus extravagants avec des analyses toutes les plus subjectivistes les unes que les autres. Au final on voit bien que la société n’est pas consciente d’elle-même, et que personne n’en sait trop rien.

Si l’on raisonne en termes de société, alors on peut voir aisément les dégâts d’ensemble fait aux habitants de notre pays… Encore faut-il pour cela prendre en compte le capitalisme. Si cela était fait, on échapperait à nombres d’interprétations subjectives, dénuées de tout fondement culturel, de tout rapport au travail, effectuées par les psychologues et psychiatres.

Ce qui résout la dépression, c’est la coupure avec ce qui est négatif, toxique, et cela en termes de rapports sociaux, combinée avec un retour dans un environnement naturel, sain, et un travail. La psychiatrie a tort à la base, car elle prend pas en compte la notion de travail. Le travail est le moyen humain pour développer l’esprit, pour saisir la réalité de manière rationnelle, et pour voir comment les choses se transforment.

Comment quelqu’un ayant des problèmes psychologiques, psychiques, psychiatriques, peut-il s’en sortir, s’il ne connaît pas le principe de transformation ? Il ne saura pas comment se transformer lui-même, il restera apathique, incapable de trouver une solution concrète. La société ne le lui propose d’ailleurs pas non plus, se contentant de livrer des tonnes de médicaments pour étouffer, engourdir, endormir les esprits ayant déraillés. Il est bien connu que la France est un pays hautement consommateur d’antidépresseurs : c’est déjà une raison de révolte.

Qui ne veut pas rompre avec les grandes villes, avec la folie d’un capitalisme sous haute pression, avec le mépris du travail comme force transformatrice, ne devrait pas parler de folie, car il a déjà capitulé face à l’ennemi.

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La vie, c’est comme Docteur Maboul

Finalement, le monde a été contaminé par Docteur Maboul. Parce que tout le monde considère que dans la vie, il s’agit d’arracher des choses auxquelles on a plus ou moins pas droit. La vie est un « combat », celui de retirer un maximum d’opportunités, sans se faire pincer.

Si on regarde bien, on peut discerner surtout deux types de personnes. Il y a ceux qui veulent se faire de l’argent, et ceux qui veulent retirer le plus possible de la vie. Les premiers ne réfléchissent pas au contenu de leur vie et paradoxalement ils ont presque une compréhension socialiste de l’abondance… Sauf qu’ils ne la conçoivent concrètement que pour eux-mêmes.

Les seconds se posent la question du contenu, mais ils pensent que cela restera surtout indéfini, que c’est le hasard qui va décider d’à quoi cela va ressembler. Ils ont compris que le capitalisme était une loterie, mais ils pensent qu’ils peuvent faire les plus fins, les plus malins. Ils ont l’impression qu’ils pourront arracher au bon moment ce qu’il faut et se conçoivent en quelque sorte comme des pirates des temps modernes.

Alors qu’en réalité, ils ont le niveau conceptuel du jeu Docteur Maboul, où il s’agit avec une pince d’attraper des petits objets sans toucher les bords. La vie est ici aussi simple que cela : prendre ce qu’on peut, sans se faire pincer, sans se faire heurter, sans se faire trop cabosser. Essayer autant qu’on peut…

On ne le croira peut-être pas, mais l’analogie est encore moins bizarre qu’on ne pourrait le penser de prime abord, parce que n’importe qui peut être Docteur Maboul. Si un docteur dingue peut le faire, alors pourquoi pas moi ? C’est la démocratisation absolue du casino capitaliste. Tout comme n’importe quel docteur, même fou, peut réussir cette chirurgie joviale, n’importe qui peut gagner au loto de la vie. Il suffit de jouer.

Et même, plus il y a de participants, plus il y a de lots. La conception « Docteur Maboul » de la vie voit le monde comme un gigantesque Las Vegas, avec une multitude de prix, de gagnants, de perdants mais ce n’est pas grave car cela ne concerne pas soi-même : tant qu’on peut jouer…

Il ne s’agit pas, notons le bien, de faire sauter la banque. Cela, c’est pour ceux qui veulent gagner de l’argent, en abondance, pour vivre dans l’abondance, dans « leur » communisme à eux, dans leur « utopie », dans « leur » petit « paradis ». Il s’agit simplement de vivre et pour cela il faut un cadre, des normes, des moyens. Et pour les avoir il faut participer au casino et pousser les autres à le faire. On pense même d’autant mériter de gagner qu’on a contribué à renforcer le nombre de lots. On veut forcer le hasard.

La vie, c’est comme Docteur Maboul. La vie, c’est rien de prévu, à part la possibilité de gagner. De gagner quoi ? On ne sait pas, il y a de la concurrence. Mais il y a des lots, et c’est ça qui compte. Car rien d’autre n’a de sens : ni l’histoire, ni la nature, et encore moins la société. La vie est une sorte d’immense foire du trône, avec des divertissements, des lots à gagner, des préférences. On y flotte, on bascule dans certains choix et pas dans d’autres, on est transporté et grisé, et à la fin tout le monde rentre chez soi.

Que dire du vide d’une telle conception de la vie ? Que c’est l’aboutissement de toute une civilisation. Le capitalisme connaît une fin telle Rome ; il a gagné totalement et donc perdu. Il s’effiloche en se renforçant, se renforce en s’effilochant, il attend à travers son déclin que le Socialisme le remplace, rétablissant le sens : l’histoire, la nature. Fini, Docteur Maboul !