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10 décembre 2019: une mobilisation qui ne transcende pas le fatalisme

Les grèves de ce mardi 10 décembre 2019 ont été moins importantes que celles de la semaine dernière, avec principalement les agents RATP et une partie des agents SNCF, surtout les conducteurs, qui maintiennent la grève depuis le 5 décembre. Néanmoins, il a existé encore hier de nombreuses grèves d’une journée, plus ou moins minoritaires, plus ou ou moins entièrement encadrées par les syndicats.

À l’usine Bonduelle Rosporden en Bretagne, la moitié des CDI a débrayé hier, soit pour deux heures, soit toute la journée. Et l’ambiance est assez morose. Le discours du délégué syndical CGT est très pessimiste : il explique que « dans la durée, cela va être compliqué car nous n’avons pas la force de frappe suffisante ».

Et il précise :

« Nous avons une moyenne d’âge de 48/49 ans dans l’entreprise. Il y a beaucoup de gens cassés à force de porter des charges toute la journée. L’entreprise n’arrive plus à recaser les personnels qui ont un problème de santé car tous les postes administratifs sont pris. Il y a donc des licenciements. Il y a vingt ans, on pouvait rester quinze jours en grève, c’était plus facile. Aujourd’hui, on voit bien que les gens sont plus fragiles.

Si l’on veut parler d’équité, il faut tirer tout le monde vers le haut. Nous n’attendons pas grand-chose du Premier Ministre ce mercredi. Les gens sont parfois désabusés, fatalistes. Nous n’arriverons peut-être pas à gagner la bataille mais ne rien faire c’est être sûr de la perdre. Tant qu’il y a une lutte, il y a de l’espoir, mais ce n’est pas simple. »

Voilà qui correspond bien, on le sait, à l’état d’esprit qui règne malheureusement dans le prolétariat français. Le prolétaire français est fataliste. Il se dit que soit c’est foutu, soit qu’il doit regarder individuellement à se caser ailleurs. Il ne va pas plus loin.

La lutte contre le plan gouvernemental de réforme des retraites ne change pas la donne. D’où les discours triomphalistes ou bruyants des syndicalistes et des anarchistes pour faire semblant qu’il se passe quelque chose. N’y croira que celui voulant y croire.

> Lire également : La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

Car ce qui est retenu surtout de cette journée du 10 décembre c’est le nombre de manifestants. Ils ont été moitié moins nombreux partout en France que la semaine dernière. Le ministère parle de 339 000 manifestants et la CGT de 855 000 (d’après Le Parisien). Dans tous les cas, moitié moins.

Cela marque un essoufflement, alors que la grève du 5 décembre avait déjà déçu beaucoup de grévistes pour son manque d’impact, mis à part dans les transports franciliens et à la SNCF.

Selon la SNCF, 77,3% des conducteurs de trains étaient en grève hier, ainsi que 55,4% des contrôleurs et 23,9% des aiguilleurs, ce qui fait un taux officiellement de 24,7% de grévistes pour l’entreprise. À la RATP, le taux de gréviste n’est pas communiqué, mais il est évidement très important, car le trafic est très faible voire inexistant depuis jeudi dernier.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres, la grève était significative dans le transport aérien, ce qui a engendré des annulations de vols, plus ou moins importantes selon les compagnies et les aéroports.

Dans de nombreuses entreprises, et notamment dans l’industrie, les quelques personnes ayant fait grève la semaine dernière ont été encore moins nombreuses cette fois, se limitant encore plus que jeudi dernier aux syndiqués et à leur entourage immédiat.

On remarquera ainsi de nombreuses poches de grévistes, réelles mais très minoritaires, un peu partout dans le pays comme chez Michelin à Clermont-Ferrand ou chez PSA Hordain (Sevelnord), près de Valenciennes où une cinquante de syndicalistes, de l’usine et de l’union locale, ont mené un barrage filtrant qui a un tout petit peu retardé la production.

Les dockers du Grand port maritime de Marseille, où la grève d’hier était suivie et devrait l’être à nouveau demain jeudi 12 décembre, ont également fait un blocage en fin de journée. Il y a aussi des grèves dans la plupart des raffineries françaises, dont 7 sur 8 sont bloquées, avec des mouvements reconduits ou arrêtés à différents moments depuis la semaine dernière, de manière dispersée.

Il faut noter par ailleurs dans le nombreuses communes des grosses mobilisations des personnels de cantine scolaire, sans qu’il y ait de chiffre général. Chez les enseignants, la grève était moins importante que la semaine dernière, avec un taux de grévistes d’après le ministère de 12,41% dans le primaire et 19,41% dans le secondaire (contre respectivement 50 % et 40 % le 5 décembre).

Chez EDF, où la CGT est encore très implantée, la grève a été suivie, avec 21,8 % de grévistes (contre 36,5 % la semaine dernière) pour l’entreprise, mais beaucoup plus pour ce qui concerne les ouvriers, sans que l’on ait de chiffre. On sait cependant que dans certaines unités de production, par exemple la centrale de Cordemais en Loire-Atlantique, les grévistes étaient 92 % la semaine dernière et ont encore bloqué la production cette semaine.

Il y a eu quelque actions de la part d’agents EDF, tantôt biens vues comme à Lyon où la CGT a revendiqué le basculement de 80 000 foyer en tarification heures creuses, tantôt plus discutables comme à Perpignan où le centre-ville a été privé d’électricité pendant une partie de la journée.

On notera également la continuation du mouvement dans les hôpitaux, et notamment les services d’urgence où le mouvement de grève/contestation en cours depuis plusieurs mois connaît un nouveau rebond.

En ce qui concerne la jeunesse, c’est le calme plat dans les lycées et les universités, malgré quelques jeunes radicalisés dans certains établissements qui tentent de forcer les choses avec les habituels « blocus » de lycées ou occupations d’amphithéâtres dans certaines facultés.

Soulignons pour finir la grande grève des éboueurs de Brest (90% de grévistes) depuis la semaine dernière à cause de la durée des tournées et pour réclamer une prime de pénibilité, ainsi que de meilleurs équipements de protection individuelle. Une grève des éboueurs à Martigues près de Marseille, qui dure depuis la semaine dernière, a elle été suspendue hier soir.

Il n’y a ainsi ni mouvement général, ni même une hypothétique agglomération de différentes luttes cloisonnées. On est dans la pente descendante à moins qu’un élément ne vienne s’ajouter dans la dynamique en cours.

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La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

La journée du 10 décembre 2019 contre le plan gouvernemental de réforme des retraites n’a pas amené le monde du travail à se mobiliser massivement. Comment peut-on alors prétendre le contraire ? Entre les « on lâche rien » syndicalistes et les fantasmes anarchistes du grand soir, on est dans un déni complet de la réalité. Il faut que ces gens s’effacent devant la Gauche politique.

Il faut vraiment nier la réalité pour raconter que le « monde du travail » et la « jeunesse » s’est massivement mobilisée le 10 décembre. Ce n’est tout simplement pas vrai. Le dire, c’est mentir. Et, à la suite de la mobilisation du 10 décembre, la CGT ment. Son communiqué intitulé « L’opposition à la réforme des retraites se confirme ! » relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Comment peut-on écrire la chose suivante ?

« Avec 1 million de manifestants dans plus de 200 manifestations organisées ce mardi 10 décembre, c’est une nouvelle journée de mobilisation réussie alors même que cette date est apparue très récemment dans le calendrier après une première journée d’ampleur historique (…).

L’excès de communication déployé par le Gouvernement pour tenter de désamorcer la situation est un échec, force est de constater que le monde du travail, de la jeunesse et des retraité.e.s se sont de nouveau massivement mobilisés ce jour pour exprimer leur volonté de bénéficier d’un régime de retraite solidaire et intergénérationnel à l’opposé du projet présidentiel. Allant même jusqu’à entraîner la mobilisation de secteurs professionnels peu enclin à la manifestation à l’instar des syndicats de la Police Nationale. »

Comment peut-on parler de date « surprise » alors que c’est censé être un mouvement de grève commencé il y a plusieurs jours ? Rien qu’avec cela on comprend que la CGT cherche simplement à faire du bruit autour des cheminots, de EDF et de la RATP, au moyen des retraités et des jeunes, avec quelques bases ouvrières.

Sauf que les ouvriers en général restent tous à l’écart, que la jeunesse fait d’ailleurs pareil, sans parler des travailleurs du secteur privé en général.

Et les grèves, d’ailleurs, où en est-on ? Parce que tout le silence syndical à ce sujet en dit long. C’est un flop. Ce flop vient du fait que les gens n’ont pas fait confiance ni aux syndicats, ni aux anarchistes. Ni d’ailleurs aux cheminots, aux travailleurs de la RATP et à ceux de l’Éducation nationale, qui ne s’imaginaient tout de même pas que la France allait faire une grève générale rien que pour eux quand même !

Il serait peut-être temps que les travailleurs concernés assument de mener une lutte corporatiste, pour se remettre en cause et alors chercher à gagner la confiance de l’ensemble des travailleurs. Ce qui implique bien plus dure, on le devine… Et justement les cheminots, les travailleurs de la RATP, d’EDF et ceux de l’Éducation nationale ne le veulent pas. Leur raisonnement c’est : foutu pour foutu du côté des travailleurs, tirons notre épingle du jeu.

Qu’on ne s’étonne pas donc si tout plante et si les ouvriers restent à l’écart… comme ils sont restés à l’écart des gilets jaunes.

Et c’est pour cela que toute cette mobilisation actuelle n’a pas d’âme, comme bien d’autres ! Et c’est pour cela que la Gauche politique est totalement à plat, avec les syndicalistes et les anarchistes, devant qui tout le monde capitule pratiquement à gauche.

Ce qui revient à faire semblant d’apprécier les commerçants itinérant du XIXe siècle vendant leur camelote en prétendant que c’est un remède miracle. Alors que la classe ouvrière va réémerger sur la place historique… Et que tout va être alors fondamentalement différent.

Bien malin seront alors ceux qui auront valorisé le syndicalisme, l’anarchisme, les gilets jaunes, en pensant que la Gauche politique, la Gauche historique, c’était du passé !

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«La retraite, une affaire de jeunes»

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L’anarchisme, une catastrophe pour une CGT toujours plus à l’heure du choix

En utilisant les anarchistes pour ajouter de la tension à des mobilisations pas vraiment vivifiantes, la CGT a recréé depuis quelques années l’atmosphère du tout début du XXe siècle. Celle où anarchistes et syndicalistes empêchaient les travailleurs d’accéder à la culture de la Gauche et aux questions politiques.

Si encore les anarchistes étaient vraiment des anarchistes, on pourrait se dire qu’il y a quelque chose qui bouge. Mais les anarchistes français actuels sont des post-anarchistes ; ils ne retiennent de l’anarchisme qu’une sorte de spontanéité maladive se justifiant par une fascination pour une hypothétique « grève générale ». C’est le fameux mythe mobilisateur du grand soir.

C’est que les anarchistes actuels sont particulièrement imprégnés des importants succès du syndicat CNT tout au long des années 1990 et jusqu’au début des années 2000. La CNT a servi de grande lessiveuse détruisant les idées et les fondements de la culture anarchiste, au nom du « syndicalisme » et de sa croyance en la « grève générale », « illimitée », « insurrectionnelle », etc.

Résultat, alors que les anarchistes ont toujours soutenu depuis la fin des années 1940 Force Ouvrière, ils servent désormais surtout de troupes de chocs à la CGT. Les uns ont besoin des autres. La CGT mobilise ses troupes, mais l’esprit n’y est pas, pas plus que le nombre, bien souvent. Alors quand les anarchistes cassent, cela fait du bruit, c’est donnant donnant et tout le monde est content.

Les anarchistes se montent la tête et pensent que la grève générale arrive. La CGT fait passer sa démarche anti-politique pour un succès social exprimant une tension réelle.

Il faut voir ici le grand écart opéré. Depuis mai 1968, la gauche de la Gauche a une profonde aversion pour les directions syndicales, voire pour la forme syndicale elle-même. Depuis que la CGT a tout fait pour torpiller mai 1968, la cassure était nette.

Tout cela s’est évaporé et la CGT se voit désormais attribuée toutes les qualités d’un syndicat combatif, non institutionnel, mobilisateur, etc. Alors que tout le monde sait qu’il s’agit d’une gigantesque machinerie bureaucratique ne tenant que par l’abnégation de petites mains bien isolées.

Sa terrible perte de vitesse en témoigne et comme le syndicalisme français n’est déjà pas de masse, c’est pratiquement la survie qui est en jeu. D’où le besoin de faire du bruit pour occuper l’espace médiatique. De la même manière que les gilets jaunes ont voulu faire croire qu’ils représentaient quelque chose alors qu’il s’agit d’un mouvement numériquement marginal, les anarchistes servent de force d’appoint pour les besoins spectaculaires de la CGT.

Depuis quelques années, la convergence est évidente. Son caractère entièrement improductif aussi. La mobilisation du 5 décembre 2019 en a été d’ailleurs un exemple assez frappant. Le contraste était saisissant entre les défilés syndicaux particulièrement lisses et une casse esthétisée au maximum (habits en noirs, fumigènes, graffitis s’appuyant sur des jeux de mots, etc.)

Il va de soi qu’à un moment donné, même la base de la CGT va dire qu’il faut arrêter les frais, cesser de jouer au « syndicalisme révolutionnaire » et passer aux choses sérieuses. Et là il n’y a pas 36 solutions. Soit la CGT plie et se fond dans Force Ouvrière, soit elle assume de se subordonner à la Gauche politique pour ses grandes orientations. Il n’y a que ces deux choix possibles.

La CGT tente de refuser tant l’un que l’autre, depuis plusieurs années, mais la crise est désormais là et l’heure du choix approche toujours plus.

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Assemblée générale et non intersyndicale ou gilets jaunes

Dans une intersyndicale, les travailleurs n’ont pas la parole ; chez les gilets jaunes, ils sont subordonnés aux revendications délirantes des couches moyennes. Il n’y a que dans les assemblées générales que la démocratie est à l’œuvre et permet d’avancer.

Beaucoup de gens de la Gauche ont compris qu’il y avait un souci profond dans la mobilisation du 5 décembre 2019. Les directions syndicales cherchent en effet déjà à se placer pour des négociations avec le gouvernement, ce dernier abattant ses cartes très lentement pour le projet de réforme des retraites, afin d’imposer son propre calendrier.

Il y a tous les ingrédients pour un enlisement et l’espoir d’un mouvement populaire côtoie le scepticisme. Les assemblées générales forment alors un thème qui refait surface, de manière normale puisque c’est un principe d’organisation populaire par définition.

Il est toutefois un problème très simple à comprendre : on trouve des gens de gauche disant oui aux gilets jaunes, oui aux syndicats, oui aux assemblées générales. Or, cela n’a aucun sens. Ces formes d’organisation ne sont pas que différentes, elles sont même résolument antagoniques, car elles affirment des lieux différents pour l’expression.

Le syndicat dit que ce sont les syndiqués qui décident, ce qui signifie bien souvent : la direction syndicale. Les gilets jaunes disent que ce sont les gens impliqués qui décident, ce qui est un volontarisme plus proche du Fascisme italien que d’autre chose.

L’assemblée générale dit que tout le monde s’exprime, que les décisions sont prises de manière démocratique par elle, que tout dépend d’elle. L’assemblée générale n’est pas composée que des gens le plus volontaires (comme chez les gilets jaunes ou les pseudos assemblées générales étudiantes). Elle est composée de tous.

> Lire également : Grève: qu’est-ce qu’une assemblée générale ? Qu’est-ce qu’un «soviet» ?

Il ne s’agit pas d’une unification des syndiqués, comme dans l’intersyndicale, il s’agit de l’affirmation d’une unité de tous les travailleurs, à la base même. L’assemblée générale, ce n’est pas une « mobilisation » d’une partie des travailleurs, c’est le lieu d’existence sociale et donc politique de tous les travailleurs.

C’est pour cela que seule la Gauche politique peut appeler à l’assemblée générale. La nature d’agora ou de forum (ou de soviet) de l’assemblée générale témoigne de sa nature démocratique et seule la Gauche politique peut affirmer cette démocratie.

C’est d’autant plus vrai en France où le syndicalisme est toujours resté un odieux volontarisme dans la perspective du syndicalisme révolutionnaire. Cela est tellement vrai qu’aujourd’hui anarchistes et CGT convergent ensemble, depuis plusieurs années déjà.

Si l’on valorise les syndicats ou les gilets jaunes, on est dans le volontarisme, dans le substitutisme. On ne peut pas dire qu’il faut forcer le cours des choses et vouloir la démocratie à la base. Si l’on prend l’exemple italien, on ne peut d’ailleurs que craindre les effets d’une valorisation du volontarisme dans un esprit syndical ou à la mode des gilets jaunes… Le Fascisme en tant qu’idéologie ne peut ici connaître qu’un profond regain.

La Gauche politique doit d’autant plus soutenir la démocratie à la base. Seules des assemblées générales peuvent par ailleurs sauver le principe même de démocratie, à une époque de consommation de masse supervisée par un capitalisme envahissant tous les aspects de la vie.

Même le régime républicain en place, déjà très peu démocratique avec sa démarche présidentielle, avec les préfets… parvient de moins en moins à donner l’illusion d’impliquer les gens dans les choix. Avec l’individualisme triomphant, on court donc à la catastrophe.

Il faut un formidable élan démocratique de la part du peuple. Sans cela, ce sera la mise en place d’un régime autoritaire « réglant les problèmes » par en haut, dans le sens du militarisme et de la guerre afin de satisfaire les besoins de conquête du capitalisme.

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5 décembre 2019: une grève à l’esprit irréaliste

Allons donc ! Au lieu de travailleurs dans une lutte des classes, on a des gens revendiquant leurs acquis sur un mode corporatiste, avec quelques anarchistes perdus dans la masse. À croire que le capitalisme ne changera pas dans les 10, 20, 30 ans, qu’une guerre mondiale est impossible, que le réchauffement climatique n’existe pas. L’irréalisme est complet.

La grève du 5 décembre 2019 a été marquée d’une forte mobilisation et n’est qu’un début. Espérons qu’elle se transforme, qu’elle se dépasse. L’esprit qui y prédomine est en effet odieusement oiseux, faiblard et, pire encore, vague. Le flou prédomine pour une ligne de conduite dont la seule orientation est de se raccrocher à 1995.

Faisons comme en 1995 et nous conserverons nos acquis particuliers, tel est ce qui est ressort. Après tout, quel est le sens de la vie ? Avoir un bon salaire, une bonne carrière, une bonne retraite… Acquérir une petite propriété, former un patrimoine, normal quoi ! L’horreur !

Seulement, 2019 n’est pas 1995 et inversement. Qu’en 1995, on pense le capitalisme éternel, la société française entièrement stable, c’est ce que faisait 99 % des gens. Seule une infime minorité, même à l’extrême-Gauche, maintenait la théorie de l’effondrement.

En 2019, par contre, tout est instable. Le réchauffement climatique est désormais une donnée parfaitement intégrée par tout le monde. Rien qu’avec cela rien ne sera plus comme avant. Et de toutes manières, la crise est générale. Le militarisme prend une ampleur toujours plus grande avec en toile de fond l’affrontement sino-américain. Un million de personnes ont manifesté il y a peu au Chili et en Colombie, alors que l’Équateur vient de connaître un changement de régime, que l’Algérie, l’Irak et l’Iran vacillent sous les protestations. Plus d’un tiers des Argentins vit sous le seuil de pauvreté.

Et voilà donc des gens qui disent : ah mais nous ne sommes pas des travailleurs, nous sommes des individus qui travaillons et chacun, ensemble mais séparément, réclame la défense de « ses » acquis comme si le reste du monde n’existait pas. Au point de dire : ah ben il y a les cadres aussi, c’est très bien ! Les cadres ! Cette entité intelligente, mais beauf, cette source de nivellement par les bas !

Si encore, cela a été demandé aux riches, ou à la bourgeoisie, bon… mais non, c’est à l’État que cela est demandé. Et avec un discours misérabiliste servant à masquer qu’on vit en France dans l’un des pays les plus riches du monde. À un moment donné, tout cela devient ignoble. Encore une semaine comme cela et la grève va dans le mur.

La palme de tout cette médiocrité petit-bourgeoise va en tout cas indubitablement à la CGT Ingés Cadres Techs – UGICT, avec des affiches réussies sur la forme, mais d’un contenu même pas navrant, mais pathétique. Étudier, c’est travailler ? Ben non, travailler c’est travailler. Cette prétention de la petite-bourgeoisie diplômée est affolante : c’est à peine s’ils ne disent pas ouvertement que les ouvriers doivent leur payer leurs études. Car ils ne vont pas demander cela aux bourgeois : ils veulent le devenir !

Tout cela est lamentable et on sait à qui on le doit. À l’hégémonie des cadres, d’entreprises comme syndicaux, à une mentalité de beauf, à une fainéantise complète des travailleurs français qui préfèrent voter Le Pen en masse plutôt que d’assumer la transformation de la société.

Que cela soit la faute historique de la Gauche, c’est indéniable. Il n’en reste pas moins que cette médiocrité dominante est une obscénité historique. Il faut les ouvriers pour faire sauter les verrous du conformisme corporatiste !

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Grève du 5 décembre 2019: une mobilisation massive mais loin d’être inédite

Le premier jour de la grève de ce mois de décembre commence fort, mais pas du tout avec l’ampleur escomptée. De fait, on est dans la norme pour une grande mobilisation, tant pour les chiffres que pour la part des secteurs économiques impliqués.

Lors du mouvement contre la réforme des retraites en France en 2010, il y a eu quatorze journées de manifestations. La première fois, le 23 mars, la CGT a revendiqué 800 000 personnes présentes, puis notamment un million le 27 mai, 2,7 million le 7 septembre, 3 millions le 23 septembre et autant le 16 octobre, 3,5 millions le 19 octobre.

Pour le 5 décembre 2019, la CGT parle de 1,5 million de manifestants. On ne comprend donc pas vraiment pourquoi le communiqué de la CGT dit que :

« Ce haut niveau de mobilisation est historique, tant au regard du taux de mobilisation dans chaque grande ville que du niveau de grève dans les entreprises. Il démontre le refus d’une grande majorité des travailleurs, des retraités et des jeunes, de voir notre système de protection sociale sacrifié sur l’autel du libéralisme économique. »

Ce n’est tout simplement pas vrai. On a juste un peu plus de monde que pour les manifestation de mars et juin 2016 pour la loi travail. Il est vrai que le communiqué explique le pourquoi de tout cela, un peu plus loin :

« Si le président de la République refuse d’entendre les aspirations sociales, il démontrera de nouveau son dogmatisme et sa recherche de confrontation sociale. Il exposera le pays à un conflit social majeur et en portera l’unique responsabilité. »

Il y a surtout la grande trouille que tout cela se transforme en luttes de classes, ce qui amènerait la CGT à être débordée et surtout dépassée. Il s’agit donc de prétendre être arrivé déjà à quelque chose, pour conserver l’image de combatif et raisonnable, etc.

Après, il y a l’aspect principal : la grève. Là encore, la mobilisation n’a rien d’inédite. Pour l’éducation nationale, on a eu 51,15 % d’enseignants grévistes dans le primaire et 42,32 % dans le secondaire (collèges et lycées).

Du côté de la SNCF, 55,6% à la SNCF de grévistes, dont 85,7% chez les conducteurs et 73,3% chez les contrôleurs. Pour EDF, 43,9 %, chez Renault, 5 %.

Dans la fonction publique hospitalière, le chiffre est de 15,9 % de grévistes, pour la fonction publique territoriale de 10 %.

Bien entendu ces chiffres officiels sont minorés par les directions des entreprises concernées. Ce sont des chiffres importants, mais rien d’exceptionnels pour la France.

La seule chose vraiment nouvelle, ce sont sept des huit raffineries françaises en grève. Voilà qui est intéressant, tout comme ce dont on ne sait pas à moins d’y être impliqué. Car il y a eu de nombreux débrayages dans les usines. Pas forcément aussi important que chez Williams Saurin à Pouilly-sur-Serre en Picardie, Ysco à Argentan en Normandie, etc. Mais il y a eu du mouvement.

Or, c’est le blackout. Les syndicats n’en parlent pas à part localement et encore, à cela s’ajoute le problème bien entendu de ne pas placer les grévistes dans la situation inconfortables de devenir des cibles des ennemis (y compris intérieurs) du monde du travail.

C’est là que tout se joue. Si la classe ouvrière parvient à s’élancer, alors tout changera radicalement. Sans cela, on a un mouvement social tout ce qu’il y a de traditionnel dans notre pays et ce ne sont pas les quelques heurts avec la police menés par des franges anarchistes, surtout à Paris, qui modifient quoi que soit.

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Grève lancée le 5 décembre 2019: la Gauche politique est le seul repère

Le climat est délétère et il y a envie d’en découdre. Le souci est que tout le monde a envie d’en découdre, c’est vrai autant à Gauche qu’à Droite. Sauf que la Gauche est déstructurée, alors que la Droite est en reconstitution, avec une extrême-Droite formant un véritable pôle. Toute réduction à du syndicalisme, tout suivisme de la part de la Gauche politique serait un suicide. Cela va être malheureusement difficile de par les tendances à l’auto-intoxication promues par l’ultra-gauche, les syndicats et les populistes de La France Insoumise.

Le grand risque du mouvement de grève qui s’ouvre ce 5 décembre 2019, c’est l’auto-intoxication. On peut critiquer les cadres historiques du Parti socialiste, comme Jean-Christophe Cambadélis et Julien Dray, pour leur froid pragmatisme et leur sens, disons, de faire prendre aux choses une tournure relevant du calcul. Mais au moins avec eux les choses sont présentés comme elles sont.

Au contraire, prenons ce que dit le média Révolution Permanente, expression d’un courant du Nouveau Parti Anticapitaliste, dans l’article Vers une grève générale politique contre Macron ?. La première phrase est la suivante :

« Tout indique que la grève générale du 5 décembre sera d’une ampleur absolument inédite, sans doute la plus grosse mobilisation depuis celles de 1995, 2006 et 2010. »

Ce serait donc une ampleur « absolument inédite », mais on l’aurait déjà vu pas moins de trois fois ! Comment peut-on raconter une chose pareille ? Et c’est typique, c’est malheureusement un excellent exemple de ce qu’on voit régulièrement dans les expressions de soutien à la vague de grève qui se lance.

Pour les uns, on est à deux doigts de la démission d’Emmanuel Macron, de la fin du gouvernement, voire du capitalisme. Pour d’autres, il y a phénomène de convergence de tous les mouvements possibles qui est en train de se jouer.

Les gilets jaunes – un mouvement réactionnaire culturellement qui a toujours concerné une minorité du pays – aurait révolutionné les luttes et les syndicats se mettant en branle, tout va changer du tout au tout !

Ce n’est pas réaliste. Si le mouvement prend vraiment de l’ampleur, alors cela sera :

– une bataille ardue faisant une expérience formidable ;

– mais une bataille avec des larmes et du sang, au sens propre ;

– produisant inévitablement une puissante vague de Droite en réaction,

– provoquant un électrochoc à Gauche avec une compréhension que tout va se jouer à pas grand-chose, vu le peu de temps qu’il reste avant l’instauration d’un régime au minimum autoritaire et nationaliste.

Il faut arrêter de vendre du rêve, de prétendre qu’Emmanuel Macron c’est le fascisme, que la police frappe tout le monde et démantèle les manifestations. Parce que c’est ce qu’on lit, dans une surenchère folle.

Il faut les faits, politiquement. Et la Gauche est inexistante politiquement, alors que l’extrême-Droite a une véritable proposition stratégique. Que le programme de Marine Le Pen ne tienne pas debout n’est pas la question : pour l’instant, au moins la moitié des ouvriers sont attirés par cela. Il faut ajouter qui plus est à ce panorama la vague de type « conservatrice révolutionnaires » portée par Marion Maréchal, Éric Zemmour, Valeurs Actuelles, etc.

Soit le mouvement se lançant le 5 décembre devient politique et culturel, parce qu’il porte la lutte des classes. Soit il se réduit à une protestation économico-contestataire sans envergure et c’est l’échec assuré.

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CGT: «Réforme des retraites : les syndicats appellent à la grève interprofessionnelle»

Communiqué de la CGT :

« Réforme des retraites : les syndicats appellent à la grève interprofessionnelle

La journée de mobilisation du 5 décembre promet d’être puissante, avec des grèves pas uniquement à la SNCF et à la RATP… La CGT, FO, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNL, Unef… appellent à une première journée de grève interprofessionnelle.

Selon l’enquête Elabe du 7 novembre, 64 % des Français approuve la mobilisation du 5 décembre, contre la réforme des retraites. Un signe qui déjoue la manœuvre de l’exécutif qui souhaitait enfermer la contestation dans le seul périmètre des régimes spéciaux.

Certes, dans un climat social de plus en plus pesant, le mouvement s’annonce massif à la SNCF et à la RATP et dans toutes les entreprises des services publics, mais les appels se multiplient dans les entreprises des industries chimiques de la métallurgie, du commerce, etc. Sans oublier les étudiants, dont les organisations s’engagent à construire « un plan d’action contre le projet de réforme de retraites par points et pour gagner un renforcement, une amélioration du système actuel de retraites solidaire et intergénérationnel ».

Dans les unions départementales de la CGT, une vraie construction intersyndicale avec la FSU, Solidaire, FO et les organisations de jeunesse étudiante se met en place. Des syndicats Unsa et CFDT, rares organisations à se montrer favorable au principe d’un système de retraite universel à point, se joignent aux mouvements dans quelques départements.

L’heure est au déploiement général pour aller à la rencontre des salariés dans les entreprises où il n’y a pas d’organisation syndicale. Les sollicitations de leur part se multiplient.

Les questions sont simples : « Comment faire grève ? » Pour y répondre, la CGT a édité un kit spécial.

Une chose est sûre, la mobilisation se structure et s’étend… L’idée qu’améliorer le système des retraites en élevant le niveau des droits passe par une meilleure répartition des richesses gagne du terrain dans les têtes, en même temps que grandit celle que la politique menée par le gouvernement aggrave la situation du plus grand nombre.

Selon le « Portrait social de la France » publié le 19 novembre par l’Insee, les plus aisés ont été les principaux bénéficiaires des mesures fiscales mises en œuvre en 2018.

En attendant, l’exécutif, sous pression, montre des signes de fébrilité… Il multiplie les manœuvres pour tenter de diviser tout en tentant de montrer sa volonté de dialogue. Une simple opération médiatique de plus…

Pas vraiment de quoi dégonfler l’effervescence actuelle autour du 5 décembre…

Le secrétaire de la confédération Belges FGTB apporte le soutien à la CGT

Quelques appels dans les entreprises privées: Cléon (76), Le Mans (72), Lardy (91), Flins (78), Technocentre (78), Douai (59), Arcelor-Mittal, Effia Stationnement, Legrand – Limoge, SMW Automotive Venette, Safran, ADS, TAS, Peugeot, Mecahers, Plastic Omnium Vernon, Trelleborg, ARKEMA MONT, UNILEVER France HPCI, GRL ARKEMA, LACQ/MOUREX ARKEMA, MICHELIN Vannes, MICHELIN Blanzy, BRIDGESTONE Béthune, WEST PHARMA, APTAR STELMI Granville, APTAR STELMI Brecey, JOINT Français, JOINT, Français, CAOUTCHOUC, MICHELIN Joué les Tours, PAULSTRA Ségré, HUTCHINSON, DUNLOP, CAOUTCHOUC, HUTCHINSON, CONTINENTAL, PAULSTRA Vierzon, MICHELIN, SOUGE, HUTCHINSON, COLOPLAST, Plastic Omnium Ruitz, SERQUIGNY ARKEMA, ARKEMA LA CHAMBRE, FEUCHY ARKEMA, HONFLEUR ARKEMA, MARSEILLE ARKEMA, Lesgors/ Rion des landes MLPC, COUBERT BOSTIK, SIEGE SOCIAL BOSTIK, AVELIN BOSTIK, PIERRE BENITE ARKEMA, PRIVAS BOSTIK, CARLING ARKEMA, SAINT AUBAN ARKEMA, SANOFI, PLASTIC OMNIUM, BOREALIS, GERFLOR PROVENCE ST PAUL TROIS CHATEAUX, RPC BRAMLAGE – SYNDICAT CGT, BAUSH ET LOMB, SITE CHIMIQUE DE PONT DE CLAIX, MICHELIN ROANNE, AIR LIQUIDE FEYZIN, CARBONE SAVOIE VENISSIEUX, ELF TOTAL FRANCE, GAMBRO INDUSTRIES, KEM ONE ST FONS, RHODIA P I BELLE ETOILE, RHODIA RECHERCHES, ALCAN ARC EX PEM LA BATHIE, ALCAN UCAR SNC CGT, FERROPEM EX PEM INVENSIL MONTRICHER, FERROPEM EX PEM CHATEAU FEUILLET, TRIMET ST JEAN DE, MAURIENNE, PIERRE FABRE SOUAL, PIERRE FABRE AVENE, PIERRE FABRE MURET, PIERRE FABRE CHARTREUSE, PIERRE FABRE PERAUDEL, ARKEMA MONT, TORAY CFE, ARKEMA, LACQ MOURENX, SOBEGI, AIR LIQUIDE PARDIES, DAVID OYONNAX SYNDICAT CGT, SCHOELLER ARCA SYSTEMS, TREDI, ZANINI FRANCE, CEVEN LABO, ARKEMA, ARKEMA, TOTAL, AIR LIQUIDE, BLUESTAR SILICONES EX RHODIA, CHARLES RIVER CENTRE DE, RECHERCHE DES ONCINS, CIDECOS CONSEIL, CONDATS LUBRIFIANTS, FAMAR LYON ( EX AVENTIS PROPHARM), FAMAR LYON RETRAITES, FINORGA, GENZYME LYON GERLAND, IFPEN LYON, RHODIA OPERATION, RHODIA ORGANIQUE RETRAITES, SANOFI PASTEUR, SANOFI PASTEUR NEUVILLE, SASCA CGT AVITAILLEURS, SBTN, SULO, TARAFLEX, LANXESS EX-THERMPHOS FRANCE EPIERRE, TRIMET (ALUMINIUM PECHINEY ST JEAN DE MAURIENNE CGT), Arlanxéo Elastomères France, LAM, ADISSEO FRANCE SAS PSR, AIR LIQUIDE DIV TECHN AVANCEES SASSENAGE, ARKEMA JARRIE, FERROPEM, TREDI, AGRI, POLYANE ST CHAMOND, SNF SAS, ALLIANCE HEALTHCARE, ARCHEMIS RHONE POULENC, BAYER CROSPCIENCE LA DARGOIRE, BAYER CROPSCIENCE FRANCE, BIOMERIEUX »

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Le sens historique de la réforme des retraites de décembre 2019

Le mouvement du 5 décembre a comme substance de s’opposer à la réforme des retraites du gouvernement qui va être proposé par Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, quelques jours après. Or, le capitalisme étant particulièrement en mouvement désormais, les individus sont atomisés et la réforme des retraites est une reconnaissance de cet état de fait. Peut-on gagner une lutte contre quelque chose dont les soubassement sont déjà là ? Oui, mais pas en défendant une version passée des retraites, avec ses bastions corporatistes.

Le principe des retraites devrait être simple, mais il ne l’est pas et paradoxalement, Emmanuel Macron veut le transformer vers plus de lisibilité, en torpillant un certain nombre d’acquis corporatistes faisant sa complexité. Et pourquoi veut-il le rendre simple ? Pour qu’un salarié soit toujours un salarié, uniquement un salarié, et non plus un plombier, un ouvrier, un fonctionnaire, un policier, etc.

C’est l’universalisation de la condition de salariée qui est visée, ainsi, à terme que la mise de côté de l’État dans la gestion de tout cela, au profit de mutuelles avec une capitalisation.

Emmanuel Macron veut donc un calcul des retraites qui soit universellement similaire – pour que chaque personne puisse avoir son parcours radicalement individuel.

Son idée est d’adapter les retraites au système libéral ; en 2017 en tant que candidat à la présidentielle, il proposait ainsi :

« un système universel des retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé »

Pour réaliser un tel projet, il faut se confronter à la réalité et celle-ci est la suivante : les retraites en France ne consistent pas en une grande tirelire où l’on « capitalise » ce qu’on a cotisé en travaillant. Elles procèdent par répartition : ce sont les gens qui travaillent qui payent pour ceux à la retraite, et ainsi de suite pour les générations d’après.

Cela signifie que pour universaliser les retraites – et donc permettre le triomphe absolu de l’individualisme – le gouvernement doit d’abord abandonner le découpage des retraites existant. Quand il aura fait cela, il pourra passer à la capitalisation au lieu de la répartition par génération.

Comment une retraite se présente-t-elle aujourd’hui concrètement ? Pour connaître sa retraite, il faut voir sa propre durée d’activité (calculée par trimestre), ainsi que le niveau de revenu durant cette activité. Seulement, selon le type d’activité, la chose peut changer. Il y ainsi en France 42 caisses de retraites.

La plupart des gens ne sont pas concernés, car 80 % dépendent simplement du régime général des salariés du privé, avec en plus d’ailleurs une complémentaire obligatoire, unifiée désormais, de l’Agirc-Arrco. On a ensuite la fonction publique, la Mutualité sociale agricole, le régime des indépendants, les régimes spéciaux propres à certains métiers comme avocat, cheminot, travailleur de la RATP, etc.

Comme il n’y a pas de pot commun qui plus est, certains régimes sont déficitaires : 261 000 personnes touchaient ainsi des retraites liées à la SNCF en 2017, mais il y avait seulement 143 000 travailleurs actifs à la SNCF.

Le gouvernement arrive alors et dit donc, c’est ingérable, certaines retraites sont en faillite, on met un terme à tout cela et on universalise. Comme universaliser dit mettre à plat, cela veut dire niveler… et certains vont être perdants : ceux qui étaient dans les secteurs protégés. Ainsi, les fonctionnaires, ceux profitant des régimes spéciaux comme à la SNCF, à la RATP, etc. C’est pour cela que certains syndicats en particulier – la CGT et FO – ruent dans les brancards.

D’autres vont être gagnants : ceux qui font des petits boulots, qui ne rentrent pas dans les cases d’un système de retraites n’assumant pas encore la dimension atomisée existant socialement. C’est pour cette raison que la CFDT critique le système actuel qui « pénalise les femmes, les précaires, les bas revenus ».

Il y a alors deux tendances qui se dégagent. La première est assumée à mots voilés par le gouvernement : il y aura un allongement de l’âge légal de départ à la retraite, qui passera de 62 à 65 ans en 2025. Ceci afin de remplir les caisses pour que toute personne ayant travaillé toute sa vie dispose de 85 % du SMIC net comme retraite.

La seconde, personne n’en parle encore alors que c’est pourtant le but évident : le système des retraites s’effacera devant les mutuelles privées, avec donc la capitalisation. Car une fois qu’il y a universalisation des salariés, alors il n’y a aucune raison de décider pour eux individuellement…

La réforme des retraites a donc la même base idéologique – ou réelle, avec le capitalisme – que la légalisation de la PMA pour toutes et même de la GPA de manière indirecte avec la retranscription de l’état-civil, la future légalisation du cannabis, etc.

C’est une dérégulation générale qui est en cours – et comme la « Gauche » postmoderne y est favorable culturellement, elle a déjà perdu. Même les syndicats sont d’accord culturellement – comment feront-ils alors pour s’opposer à une tendance de fond, la réforme ne concernant qui plus est qu’une minorité du pays ?

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«Le PS appelle ses militants et sympathisants à se joindre aux manifestations du 5 décembre prochain»

Voici le communiqué du Parti socialiste pour les manifestations du 5 décembre 2019.


Lire également
: Est-ce le « soviet » qui manque à la Gauche française ?

« Le PS appelle ses militants et sympathisants à se joindre aux manifestations du 5 décembre prochain

À l’appel de plusieurs fédérations et confédérations syndicales, un préavis de grève reconductible a été déposé pour le 5 décembre prochain et un appel à manifester a été lancé afin de protester contre la réforme des retraites inscrite à l’agenda politique par le président de la République.
En entretenant volontairement le flou sur une réforme qui semble conçue uniquement dans une logique comptable au détriment du niveau des pensions et de la solidarité collective, le président de la République et le gouvernement méprisent les craintes légitimes de nos concitoyens.
Nous réaffirmons notre attachement à un système de retraite qui place en son cœur la solidarité par la répartition, qui prend pleinement en compte la pénibilité du travail, qui reconnaît les carrières longues et le droit à une retraite progressive, et qui assure à tous les retraités un revenu juste et décent.
Mais la mobilisation du 5 décembre est devenue plus qu’un rassemblement pour la défense des retraites. Chaque jour, nous mesurons la volonté d’un nombre croissant de citoyens de poser un acte de combat face aux inégalités qui déchirent le pacte social, face aux politiques du gouvernement qui précarisent les plus fragiles et renforcent les plus privilégiés au détriment des classes moyennes et populaires.
Réforme des retraites, de l’assurance-chômage, dégradation des services publics – l’état de l’hôpital public est l’exemple le plus criant – précarisation croissante du travail illustrée par la situation des travailleurs des plateformes numériques, ou encore colère croissante de la jeunesse face à ses conditions dégradées de vie, d’études, ou d’entrée dans la vie active. Voilà autant de raisons supplémentaires de se mobiliser le 5 décembre pour dire STOP à une politique néolibérale qui fait système et sape les fondements de notre pacte social par la destruction de l’État social, l’accroissement des inégalités dans les territoires, l’individualisation des mécanismes de solidarité et l’escamotage permanent du dialogue social.
Ainsi, le Parti socialiste apporte son soutien à la manifestation du 5 décembre et appelle ses militants et sympathisants à se joindre aux cortèges pour dénoncer une vision de la société qui se résume à la loi du premier de cordée. Ensemble, défendons notre modèle social et les services publics qui sont nos biens communs ; ensemble, appelons au retour de réformes solidaires et de progrès social ; nous voulons une vie digne pour toutes et tous, un salaire juste, une action publique au service de l’émancipation et de la solidarité collective. »
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Est-ce le «soviet» qui manque à la Gauche française?

La soumission de la Gauche politique aux syndicats lors des luttes sociales est une tradition en France. Cela va pourtant à l’encontre de l’expérience en Europe, où ce sont les syndicats qui reflètent normalement sur le plan économique les perspectives tracées de manière politique. Le Parti socialiste se place ici dans cette expérience européenne en appelant à la grève du 5 décembre 2019 sans se placer dans la perspective syndicale.

Y a-t-il un problème d’organisation démocratique des travailleurs en France ? À la fin de la Première Guerre mondiale, la forme du « soviet », du conseil des travailleurs, a été assimilée dans une large partie de l’Europe, mais justement pas en France. C’est pourtant une forme qui permet la politique, alors que le syndicalisme à la française l’interdit.

Toute la Gauche a soutenu le principe des « soviets » lorsqu’il est apparu. Seule une partie de la Gauche – Lénine et les bolcheviks – considéraient que c’était la forme du « nouveau pouvoir » propre au socialisme. L’autre partie considérait que c’était la République, avec une représentation nationale « à l’ancienne ».

Mais tout le monde considérait que dans une période de troubles, la formation de « conseils » de travailleurs dans les entreprises était une chose cohérente, une mobilisation tout à fait dans l’ordre des choses. Les élections au sein des soviets en Russie montraient que l’ensemble de la Gauche y participaient (anarchistes, bolcheviks, menchéviks, socialistes révolutionnaires, etc.)

Et la crise ouverte en 1917 a provoqué la naissance de soviets dans de nombreux pays, souvent de manière massive, comme en Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Finlande, bien sûr en Russie, etc.

Les pays les plus stables n’ont pas été touchés ; il n’y a donc pas eu de soviets en France, ni en Grande-Bretagne, deux pays où le syndicalisme était également puissant. Si cette question du syndicalisme est importante, c’est qu’on peut également voir que, par la suite, la forme « soviétique » n’est jamais apparue ni en France, ni en Grande-Bretagne.

Il y a bien sûr eu des assemblées générales de travailleurs dans une entreprise en lutte. Mais il n’y a jamais eu de prolongement de cette assemblée jusqu’à former une structure compacte prenant les décisions. Dans ces assemblées d’ailleurs, ce n’était pas les partis politiques de la Gauche qui formaient des tendances, mais seulement les syndicats.

Or, le problème est simple à comprendre : comment la Gauche peut-elle exister chez les travailleurs s’il n’existe aucun espace où ceux-ci peuvent se confronter à la politique de la Gauche ? La déclaration commune de novembre 2019 de la quasi totalité de la Gauche (hors PS) dit en définitive : nous serons la caisse de résonance politique des luttes syndicales.

Mais une telle chose ne peut pas exister. C’est pourquoi le Parti socialiste s’est montré bien plus intelligent, conséquent, logique, en ne signant pas la déclaration commune et en faisant son propre texte affirmant que la question n’était pas que syndicale, qu’elle touchait toute une vision du monde.

La déclaration commune dénonce évidemment le libéralisme économique également, mais en se plaçant dans l’orbite des syndicats. Le communiqué du Parti socialiste prend bien soin de terminer sur une note indéniablement politique. Il n’y a d’ailleurs pas le mot « syndicat », le flou étant savamment entretenu dans la première phrase, et dans la première phrase seulement :

« À l’appel de plusieurs fédérations et confédérations syndicales… »

Aucune référence aux syndicats n’est alors plus faite de tout le long communiqué ! On peut reprocher au Parti socialiste de faire de la mauvaise politique – mais en attendant, il en fait, contrairement aux signataires de la déclaration commune.

Tant que les travailleurs en France ne sauront pas en mesure de mettre en place une assemblée générale, de lui conférer un statut organisé, tant qu’ils maintiendront la fiction de la « lutte syndicale », on sera ainsi toujours à la traîne, dans une impasse avec d’un côté les réformistes électoralistes, de l’autre les syndicalistes « ultras ».

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[Tribune] Retraites : contre l’individualisme, nous choisissons la solidarité

Voici une tribune initiée par Ensemble ! et signée par Europe Ecologie-les Verts (EELV), Gauche démocratique et sociale (GDS), Génération·s, Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25), Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Nouvelle Donne (ND), Parti communiste français (PCF), Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), Parti de Gauche (PG),Pour une écologie populaire et sociale (PEPS), République et socialisme (RS) ainsi que François Ruffin de la France insoumise.

On y retrouve donc toute la Gauche électoraliste qui est hors du Parti socialiste :

« Retraites : contre l’individualisme, nous choisissons la solidarité

Les forces politiques et les personnes soussignées s’opposent totalement au projet de retraites d’Emmanuel Macron et soutiennent les mobilisations syndicales annoncées pour le mettre en échec le 5 décembre, ainsi que les appels à la grève reconductible.

E. Macron parle de droits «universels» ? Ils seraient en réalité «individualisés» et réduits.

C’est au Parlement de Versailles en juillet 2018 que E. Macron a proclamé son projet. Il veut «un Etat providence du XXIe siècle, émancipateur, universel…» et «protéger nos concitoyens non selon leur statut et leur secteur d’activité, mais de manière plus juste».

Plus «juste» ? Pour l’assurance-chômage, le Président avait déjà promis «l’universalité». Or avec sa «réforme», plus d’un million de personnes verront leurs droits amputés et paieront de leurs poches les 3,8 milliards d’économies imposées par l’Etat jupitérien. Très belle «émancipation» !

Dans le monde selon E. Macron, les statuts collectifs disparaissent. Il ne reste que l’individu face à son destin, évoluant sur le marché, traversant la rue pour obtenir un emploi, surveillant son compte de retraite à points pour arbitrer entre la prolongation de son travail et son niveau de pension. A condition bien sûr de ne pas être au chômage, en maladie, ou en invalidité, comme beaucoup de salarié·es après 60 ans.

E. Macron oublie que le projet du Conseil national de la résistance (CNR) visait une Sécurité sociale universelle, mais avec des droits en progrès. Il veut qu’on oublie que ces conquêtes résultent d’une mobilisation populaire obtenant qu’une part plus élevée de la richesse soit attribuée aux retraites et à la santé, donc au bien vivre. Il a fallu pour cela augmenter la part du PIB accordée aux retraites, de 4% jusqu’à 14% d’aujourd’hui, pour améliorer le taux de remplacement entre la pension versée et les meilleurs salaires. Ce taux atteignait 75%, avant les contre-réformes accumulées depuis 1993. Ainsi la retraite a représenté une prolongation de son revenu pour des activités nouvelles et libres. Cette répartition de la richesse a permis d’universaliser des droits pour des retraités plus nombreux et un progrès de l’espérance de vie.

Cependant, une forte injustice persiste en raison de la scandaleuse inégalité salariale entre femmes et hommes, réduisant en moyenne leurs pensions de 40% sur celles des hommes. Or l’application effective de l’égalité salariale permettrait un afflux de ressources : 6 milliards d’euros au moins. Il est donc tout à fait possible d’améliorer ce qui existe. Et aussi de réduire les inégalités inacceptables dues à la pénibilité du travail. Même Edouard Phillipe a reconnu qu’il n’y a pas vraiment de «déficit» et que le système actuel est «encore bon».

Alors pourquoi s’acharner à le démanteler ? Parce que ce gouvernement veut à tout prix obliger les travailleurs, femmes et hommes, y compris les indépendants, à s’adapter aux règles du libéralisme : les droits coûteraient trop chers parce qu’ils sont socialisés et incluent une solidarité collective (carrières incomplètes, années de chômage, enfants). Au lieu d’une retraite où la prestation est d’avance garantie, ce pouvoir cherche à imposer un système où seule la cotisation est définie. Chacun sait ce qu’il cotise pour acquérir des points, mais personne ne sait quelles prestations seront versées. La conversion des points en pension pourra évoluer en fonction de la marche générale de l’économie. Le gouvernement aura la haute main sur ce choix à chaque budget annuel de la Sécurité sociale. La «caisse des retraites» où siègeront les syndicats ne pourra donner qu’un avis.

La propagande du gouvernement sonne bien, mais elle est une tromperie.

«Un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous» ? Peut-être, mais appauvris. En effet le calcul des droits à pension s’effectuerait sur toute la carrière, alors qu’aujourd’hui il se fait sur les 25 meilleurs salaires dans le privé, et les derniers mois dans le public. Conséquence : la moyenne des salaires baissera en incluant les mauvaises années. La pension baissera en proportion. Le recul de l’âge de la retraite est aberrant alors qu’à 62 ans, 40% des seniors sont inscrits à Pôle Emploi.

Un «Etat providence du XXIe siècle» ? Appauvri encore ! La part des retraites dans la richesse nationale serait plafonnée (14% du PIB), alors que depuis 1945 elle a progressé. Les cotisations ont augmenté : les actifs et les retraités sont solidaires pour déterminer la part de valeur qui va au bien commun. Ce n’est pas aux propriétaires financiers et de dividendes de décider. Alors qu’ils s’approprient toujours plus de richesses sans aucun effet sur le chômage.

Des droits «dès le premier euro» ? On promet que les jeunes auraient des droits au premier euro cotisé. Mais si la part totale des retraites est gelée, toute avancée des uns sera prise sur les autres. On aura une division accrue au lieu de droits égaux ! Ainsi, les pensions de réversion vont diminuer, ce qui pénalisera encore les femmes. Macron veut en réalité rendre «naturelle» la précarité des temps partiels et des CDD au lieu de les combattre.

«Un système plus juste» ? Faux ! E. Macron veut rayer le mot «pénibilité du travail» du vocabulaire alors même que celle-ci participe largement à réduire l’espérance de vie en bonne santé. Que de retraites volées à celles et ceux qui en auraient le plus besoin !

La retraite par points ? Le secteur privé la connaît déjà, avec les «complémentaires» par points qui ne cessent de se dégrader. Les «complémentaires» sont le cheval de Troie introduit pour habituer à un système individualiste. Comme c’est le cas aussi en Suède souvent portée en exemple. En France, sous la pression du Medef, les pensions «complémentaires» ont été gelées de 2016 à 2018, et une baisse de 10% est prévue à partir de 2019. Ni Macron ni les patrons ne veulent plus parler de hausse de cotisations.

Etat «providence» ? Plutôt un tremplin vers la capitalisation pour les plus riches ! En effet, la baisse programmée du montant des retraites incitera ceux qui en ont les moyens à se tourner vers les fonds de pension. Les salaires au-dessus de 120 000 euros annuels ne cotiseraient plus au régime à points mais pourraient souscrire une épargne privée. Le ver serait dans le fruit.

Au total, la contre-réforme des retraites participe d’un plan de destruction des systèmes de solidarité : suppression des services publics, réforme punitive de l’assurance chômage, privatisations (ADP), attaques contre tous les statuts salariés.

Contre ce bouleversement de société, notre alternative repose sur un socle de droits universels : une retraite à 60 ans avec un taux de remplacement à 75% indexé sur les meilleurs salaires, garanti pour tous et toutes. Mais aussi un droit collectif à un départ anticipé en fonction de la pénibilité du travail, pour une retraite en bonne santé. Cela exige une augmentation des cotisations socialisées incluant les profits financiers. Et une baisse du chômage par la réduction du temps de travail apporterait aussi des ressources.

Les mobilisations syndicales unitaires seront décisives à partir du 5 décembre ! Nous appelons la population à leur apporter un soutien massif !

Signatures :

Europe Ecologie-les Verts (EELV) : Sandra Regol, porte-parole ; Alain Coulombel, secrétaire national adjoint

Ensemble ! : Clémentine Autain, députée de La France insoumise (FI), Myriam Martin, porte-parole, conseillère régionale LFI Occitanie; Jean-François Pellissier, porte-parole

Gauche démocratique et sociale (GDS) : Gérard Filoche, porte-parole ; Anne de Haro, GDS Ile de France

Génération·s : Guillaume Balas et Claire Monod, coordinateurs nationaux

Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25) : Emma Justum, coordination nationale

Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) : Olivier Besancenot, Christine Poupin, Philippe Poutou, porte-parole

Nouvelle Donne (ND) : Aline Mouquet, co-présidente, Gilles Pontlevoy : co-président

Parti communiste français (PCF) : Cathy Apourceau-Poly, membre de la direction du PCF, sénatrice du Pas-de-Calais ; Pierre Dharreville, membre de la direction du PCF, député des Bouches-du-Rhône

Parti communiste des ouvriers de France (PCOF) : Véronique Lamy et Christian Pierrel, coporte-parole

Parti de Gauche (PG) : Eric Coquerel, député FI, co-coordinateur du PG; Danielle Simonnet, conseillère de Paris, co-coordinatrice du PG

Pour une écologie populaire et sociale (PEPS) : Sergio Coronado, Jean Lafont, Elise Lowy, Bénédicte Monville

République et socialisme (RS) : Marinette Bache, conseillère de Paris ; Lucien Jallamion, secrétaire national ; Mariane Journiac, secrétaire nationale

François Ruffin, député La France insoumise de la Somme.

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Une déclaration commune sans âme, une soumission aux syndicats

Toute la Gauche liées aux élections d’une manière ou d’une autre mais hors du Parti socialiste, a signé une déclaration commune défendant la solidarité contre l’individualisme dans la grande bataille des retraites qui va se dérouler en décembre 2019. Cette déclaration commune est toutefois sans âme, avec une approche réductrice à quelques mesures économiques, assumant une soumission complète aux syndicats. Or, c’est précisément cette soumission du politique au syndicalisme qui est la cause de la faillite de la Gauche française.

On retrouve dans la déclaration la plupart des mouvements de l’ancien « Front de Gauche » (Parti de gauche, Parti communiste français, République et socialisme, Ensemble !, Parti communiste des ouvriers de France).

On a également les anciennes structures de la gauche du Parti Socialiste : la Gauche démocratique et sociale et Génération-s.

À cela s’ajoute Europe Écologie-Les Verts, le Nouveau parti anticapitaliste, Nouvelle Donne, Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25), Pour une écologie populaire et sociale, ainsi que la France Insoumise.

La liste des signataires de la déclaration commune témoigne donc de l’unanimité générale, à part de Lutte Ouvrière, qui pose cependant la même problématique. Sa propre déclaration dit ainsi :

« Quoi que l’on pense des confédérations syndicales et de leurs calculs divers et variés, il faut y aller. Nous n’avons que trop attendu pour réagir et nous opposer aux reculs imposés par le gouvernement ou le grand patronat. Le 5 décembre nous offre la possibilité de dire « ça suffit ». Profitons-en ! »

Le début et la fin de la déclaration commune générale sont exprimés de la manière suivante :

« Les forces politiques et les personnes soussignées s’opposent totalement au projet de retraites d’Emmanuel Macron et soutiennent les mobilisations syndicales annoncées pour le mettre en échec le 5 décembre, ainsi que les appels à la grève reconductible (…).

Les mobilisations syndicales unitaires seront décisives à partir du 5 décembre ! Nous appelons la population à leur apporter un soutien massif ! »

Le souci n’est bien entendu pas d’appeler à se mobiliser. Le souci est de soumettre la Gauche politique aux syndicats, c’est-à-dire de niveler par le bas les nécessaires besoins théoriques, culturels, programmatiques de la Gauche.

De plus, c’est un piège, car le front syndical n’est pas du tout unifié. L’idéal serait d’ailleurs normalement pour la Gauche d’appeler à la mobilisation générale sous un seul drapeau, pas de former une « alliance ». Tout le monde sait très bien qu’une union de la CFDT – désormais le premier syndicat en France -, de la CGT et de la CGT-Force Ouvrière ne peut être que fragile, temporaire, vouée à l’échec à moyen terme.

Cependant, cette erreur de la Gauche liée aux élections est malheureusement très simple à comprendre. La réforme des retraites est présentée comme un « bouleversement de société ». Cela signifie qu’il est fait une séparation entre le libéralisme politique, culturel, et le libéralisme économique.

Or, le triomphe dans l’opinion publique du libéralisme politique, culturel, implique immanquablement le triomphe du libéralisme dans le domaine économique. La bataille des idées a déjà été perdu, car elle n’a pas été menée, en raison de la liquidation de la Gauche historique.

La déclaration commune a donc tout faux et cela va se lire de deux manières : soit parce que, fort heureusement, le mouvement populaire va avoir une telle charge relevant de la lutte des classes que cette déclaration paraîtra ridicule. Soit parce que, malheureusement, il n’y aura aucun débouché politique à Gauche et que l’extrême-Droite s’imposera au moyen de la démagogie anticapitaliste.

Les temps sont tourmentés, les défis immenses ; la déclaration commune contourne cela, c’est un suicide politique consistant à attendre que les syndicats réussissent. Mais réussir à quoi ? Jamais dans l’Histoire les syndicats n’ont amené une modification dans une société. On paie ici encore et toujours le prix de la soumission de la Gauche politique à la Charte d’Amiens de la CGT de 1906.

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Gilets jaunes: un «anniversaire» raté

Les gilets jaunes avaient promis de célébrer leur première année d’existence de manière volontaire et efficace. Cela a bien entendu été une déroute de plus, avec même une qualité supérieure dans la défaite.

La France frémit, cela commence à bouillir et pourtant il n’y a pas eu de mobilisation favorable aux gilets jaunes. La lutte de classe reprend ses droits et la parenthèse « jaune » se referme.

Quelques centaines à Toulouse, 500 à Saint-Étienne, autour d’un millier à Marseille, Nantes et Lyon, 1500 à Montpellier, 1800 à Bordeaux, quasiment 5000 à Paris, 28 000 en tout. C’est extrêmement peu, mais les gilets jaunes n’ont jamais été vraiment nombreux de toutes façons, malgré tout le bruit qui a été fait autour d’eux. Ils n’ont pas non plus eu une quelconque influence dans la société française.

Jamais les ouvriers ne se sont tournés vers eux. Ils n’ont pas donné naissance à un style de lutte, ils n’ont pas donné naissance à des grèves, ils n’ont pas donné naissance à des dirigeants politiques. Ils en sont restés au niveau d’une passion française, le psychodrame.

Eux-mêmes sont le premier à le reconnaître : rien n’a changé au bout d’un an. Ils ne se remettent pas en cause pour autant, ce qui va renforcer de manière significative le populisme et l’antisémitisme. Il faudra bien expliquer par un « complot » l’échec complet, puisque les luttes de classes sont refusées.

Quant à l’ultra-gauche, elle a réussi à organiser de la casse, mais cela fut encore quelque chose de totalement ritualisé. Il y a bien eu des tentatives de sortir de cela à Paris, en occupant la salle de concert désaffecté La Flèche d’or pour en faire une « maison » contestataire ou en manifestant par surprise à 200 au niveau de la galerie commercial des Halles. Cela n’a pas fonctionné, car la police française a une stratégie bien précise : pas d’intervention sauf dans le cas où c’est « constructif ».

C’est cela que n’ont toujours pas compris les casseurs de Nantes ou de place d’Italie à Paris, réussissant divers feux de poubelle, quelques barricades sur le tas, des bris de vitrines, des graffitis divers, etc. L’État a laissé couler, sachant que là où il n’y a pas de proposition politique, tout est vain.

Nous revoilà d’ailleurs dans la même situation grosso modo qu’avant la fusion des socialistes français en 1905. On a des syndicalistes braillards, des anarchistes casseurs, une gauche électoraliste et un peuple qui reste totalement à l’écart de tout cela.

La grande question est de savoir maintenant ce qui va se passer en décembre, dans quelle mesure le cœur populaire du pays va se mettre en branle ou pas. Il est en tout cas déjà clair que la proposition stratégique des gilets jaunes a été réfuté par le peuple. C’est déjà donc indirectement un pas en avant vers une forme politique, de gauche, s’ancrant dans les valeurs du socialisme.

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Les communiqués syndicaux appelant à la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites

La grève du 5 décembre prochain contre le projet de réforme du système des retraites s’annonce massive. Les syndicats et notamment la CGT prévoient dore et déjà une forte mobilisation, ainsi qu’un grand soutien de l’opinion publique.

Rappelons que les préavis déposés concernent tous les secteurs : ce sont l’ensemble des salariés qui sont appelés à se mobiliser. Si une paralysie complète des transports est envisagée, le succès de la grève dépendra évidemment de sa généralisation.

Voici le communiqué intersyndical. Rappelons que s’il est parlé d’une « première journée de grève » avec l’idée de mobiliser ensuite, les préavis déposés sont reconductibles et de nombreuses assemblées générales de grévistes sont déjà prévues.

« Les organisations syndicales et de jeunesse s’engagent à construire un plan d’action contre le projet de réforme de retraites par points et pour gagner un renforcement, une amélioration du système actuel de retraites solidaire et intergénérationnel.

L’émergence et la construction de luttes dans les différents secteurs professionnels, montrent la nécessité d’apporter des réponses aux salarié-es en termes d’emploi, de salaires, d’égalité entre les femmes et les hommes, de conditions de travail… Autant de sujets qui sont étroitement liés aux questions de la retraite et que l’actuel projet de réforme gouvernemental aggravera.

Les organisations vont initier et impulser des assemblées générales sur les lieux de travail et d’études, des débats publics sur tout le territoire, des interpellations des élu-es locaux et nationaux, des initiatives de sensibilisation de toute la population pour échanger sur la réforme et sur les modalités d’actions et de riposte collective.

Les organisations syndicales et de jeunesse (CGT, FO, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNL, UNEF) appellent l’ensemble des salarié-es du secteur privé comme du secteur public, des retraité-es, des privé-es d’emploi, des jeunes, a une 1ère journée de grève interprofessionnelle le jeudi 5 décembre 2019. »

Voici également l’appel du Comité confédéral national de la CGT :

« Retraites, Emplois, Salaires, Conditions de travail… En grève dès le 5 décembre, agissons pour le progrès social !

Partout en France, les luttes en cours contestent les choix politiques du gouvernement, des directions d’entreprises et du patronat. Augmentations salariales, amélioration des conditions de travail, diminution du temps de travail, maintien et développement de l’emploi, défense des services publics, égalité femmes/hommes, reconquête de l’industrie et de notre protection sociale constituent les principales revendications.

Le gouvernement mène une politique au service exclusif des riches et de la finance. Sa politique vise la remise en cause des conquis sociaux et des solidarités. Il met en opposition travailleurs/travailleuses et privé-e-s d’emploi, actifs/actives et retraitée-s, ouvriers/ouvrières ou employé-e-s et cadres, salarié-e-s du public et du privé, celles et ceux qui sont aujourd’hui dans le monde du travail et celles et ceux qui y seront demain…

Le gouvernement tente aussi de faire diversion en instrumentalisant la question de l’immigration, envisageant l’instauration d’une « immigration choisie » et de « quotas d’immigration »… Des thèmes qu’il empreinte sans retenue à l’extrême-droite en pleine polémique lancée sur la question du port du voile et de l’Islam.

Malgré un rapport du défenseur des droits qui révèle l’ampleur de la discrimination dans les entreprises et administrations, le pouvoir politique conjugue répression syndicale et atteinte au droit de manifester. Il rend possible, voir incite à des situations de discrimination et de répression syndicale dans les entreprises et les administrations. Il porte atteinte à la démocratie sociale et refuse de répondre aux aspirations exprimées par le monde du travail.

Le CCN de la CGT appelle l’ensemble des travailleurs/travailleuses, des privé-e-s d’emplois, des retraité-e-s et la jeunesse à se mobiliser partout en France, par la grève, la mobilisation et la participation aux manifestations, le 5 décembre prochain.

D’ici le 5 décembre, le CCN de la CGT appelle à poursuivre la construction de l’action par la tenue d’Assemblées Générales dans les entreprises, les services publics et les administrations, pour que les salarié-e-s et agent-e-s décident, sur la base de leurs revendications et dans l’unité, des modalités des actions, de la grève, de sa reconduction pour un mouvement qui s’inscrit dans la durée afin de gagner le progrès social.

Le 6 décembre, une intersyndicale nationale se tiendra, les syndicats sont invités à organiser des Assemblées Générales unitaires afin de décider collectivement des suites de la mobilisation.

Le 7 décembre, le CCN invite à participer massivement à la manifestation nationale contre le chômage, la précarité et pour une reconquête de la sécurité sociale protégeant des risques de la vie. Il invite aussi aux initiatives locales qui seront organisées sur le territoire.

La convergence des mobilisations sociales est une nécessité pour gagner sur les revendications. Elle doit se faire avec toutes les organisations syndicales qui portent cette même aspiration ainsi qu’avec l’ensemble des forces politiques de progrès, le monde associatif et les mouvements citoyens, à l’instar de l’appel à la convergence des Gilets Jaunes dans leur déclaration du 3 novembre dernier.

Les ingrédients sont réunis pour réussir un grand 5 décembre, ce qui donnera le ton des suites de la mobilisation.

Les mobilisations et grèves du 5 décembre porteront l’exigence du rejet « en bloc » du projet gouvernemental de réforme des retraites qui impactera fortement, durablement et négativement le niveau des pensions de toutes et tous, que l’on soit issu du secteur public ou du secteur privé.

La CGT se bat pour une autre réforme des retraites et porte un ensemble de revendications, notamment : un départ à taux plein à 60 ans, une prise en compte des pénibilités, des années d’études et de précarité, une augmentation générale des pensions…

Si la loi contraint le secteur public et les services publics à la pose de préavis de grèves et/ou de déclarations préalables, il n’en est rien pour les salarié-e-s du secteur privé qui peuvent librement cesser le travail, s’organiser et participer aux manifestations.

Ce combat est celui de toutes et tous, car ce projet de réforme est l’incarnation d’un choix de société où les solidarités laissent la place au « chacun pour soi », où l’insécurité sociale l’emporterait sur notre sécurité sociale.

Montreuil, les 5 et 6 novembre 2019 »