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Tribune : « L’antisémitisme et le racisme sont un poison ! » par Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie

L’antisémitisme et le racisme sont un poison !

Voilà plusieurs jours que les médias et différents hommes et femmes politiques alertent sur la montée dangereuse de l’antisémitisme.
Il y a 30 ans, lors de la profanation du cimetière juif de Carpentras, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes dont le président de la République Mitterrand qui défilent dans les rues pour dire « non au racisme et à l’antisémitisme ». Que reste t-il aujourd’hui de ce « non » ?

Malgré les sursauts populaires lors de l’assassinat du jeune Ilan Halimi en février 2006, malgré l’énorme rassemblement républicain de la France «Je suis Charlie » en janvier 2015, les digues contre la haine raciale semblent toujours plus se fissurer.

L’antisémitisme n’est pas un racisme « comme les autres », il a cette particularité que n’ont pas les autres racismes : il est toujours complotiste. On ne hait pas un juif parce que juif, mais parce qu’il détient quelque chose ou influe sur quelque chose. De George Valois à Hitler, en passant par Georges Sorel, le journal Gringoire, l’islamisme fondamentaliste et Charles Maurras… Tous ont en commun la haine des juifs car selon eux ils seraient le vecteur d’une grande machination à l’échelle mondiale. Il n’y aurait plus de juifs que les fascistes voudraient tout de même leur mort.

Quiconque a appris les leçons du passé sait bien que les moments de crise sociale et de difficultés économiques sont le prélude au déferlement antisémite. Lors de ces moments de turbulences l’étranger à côté de chez soi devient toujours le bouc-émissaire et le juif le pseudo-organisateur de la misère. Dans la France de la fin du XIXè siècle, à l’antisémitisme de l’affaire Dreyfus correspond la haine anti-italienne illustré par le massacre des Aigues-Mortes. Dans la France des années 1930, au violent racisme anti-polonais du Nord répondait le terrible antisémitisme des ligues factieuses. La vague antisémite n’est qu’un reflet de la banalisation raciste car l’antisémitisme ne peut pas exister sans le racisme, et le racisme ne peut exister sans l’antisémitisme.

A l’époque où nous vivons, la division anti-démocratique est un véritable poison. Nous l’avons bien vu ces dernières années. Au regard de la dernière hausse des actes antisémites, qui ne peut pas s’inquiéter de manifestations où l’on a pu voir des antisémites défiler sous le vieux mot d’ordre démagogique « A bas les voleurs ! ». Ce mot d’ordre est d’ailleurs directement issu du 6 février 1934. Mais depuis les années 1930 les douloureuses expériences de l’Histoire ont permis d’amener ensuite les lois dites antiracistes. En effet la Loi Pléven (1971) et la Loi Gayssot (1990) font partie d’un patrimoine populaire de la lutte contre la haine raciste. Mais ces lois ne sont pas ou suffisamment peu appliquées et c’est pour cela qu’il faut un sursaut et une fermeté populaire.

On entend souvent des personnes défendre l’antisémitisme au nom d’une prétendue liberté d’expression. La liberté d’expression n’est pas un prétexte à la haine. Ce n’est pas normal que des personnes puissent déverser leur haine raciste et antisémite impunément en public. Les paroles et gestuelles haineuses entraînent les actes haineux qui entraînent la violence.

Nous devons nous unir face au racisme et à l’antisémitisme et ce rapidement, si l’on ne veut pas se retrouver coincés comme dans les années 1930. Il est plus qu’urgent que le peuple trouve la voie de son unité contre la haine, la barbarie et les semeurs d’illusions.

En tant que jeunes qui combattons l’antisémitisme nous subissons l’isolement.
Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie
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L’inévitable prochaine montée de l’antisémitisme

L’antisémitisme, cette infamie, est profondément enraciné dans la société française. Après les gilets jaunes, il connaîtra une inévitable progression, tant quantitative que qualitative. Et autant par la droite que par une « gauche » coupée de la Gauche historique.

Manifestation pro palestinienne à Sarcelles, juillet 2014

L’antisémitisme ne s’est pas exprimé, à part de manière extrêmement marginale, lors des gilets jaunes. C’est logique : l’antisémitisme sert historiquement de paratonnerre, de fiction anticapitaliste. Quand la crise l’emporte malgré tout, cette fiction perd son sens. La dimension sociale réelle l’emporte. Mais comme rien ne sortira des gilets jaunes, l’antisémitisme reprendra forcément sa fonction. Et avec la crise sociale approfondie, il réapparaîtra de manière bien plus renforcée.

Il y a ici quelque chose de fondamentalement mécanique. L’antisémitisme est consubstantiel aux pays marqués par une idéologie religieuse chrétienne où le moyen âge a fait de certains Juifs des banquiers, le prêt à intérêt étant interdit entre coreligionnaires. L’antisémitisme médiéval s’est maintenu par la suite, notamment dans tout le milieu monarchiste, avec son anticapitalisme romantique idéalisant le moyen âge. Et il s’est modernisé, devenant le leitmotiv de tous les communautarismes, religieux comme nationaliste ou « anticapitaliste ».

La situation en France va donc être mauvaise, elle aurait pu pourtant être bonne si la loi Gayssot avait été appliquée. Mais l’État a laissé faire tous les foyers d’antisémitisme, avec leur propagande, leurs innombrables publications, leurs activités culturelles et politiques. Que Dieudonné ne soit pas en prison est une absurdité historique, et il en va de même pour Alain Soral. Cela montre bien que l’État est dans les mains de gens non pas incapables, mais totalement vendus aux couches dominantes, qui se désintéressent de tout ce qui n’est pas eux.

Ce qui est malheureux, avec cet antisémitisme, c’est que les Juifs réagissent, là aussi c’est mécanique, en se repliant sur eux-mêmes. Le sionisme ne prend pas : au-delà d’une sympathie certaine pour Israël, il n’y a aucune vague de départ réelle et les Juifs se sentent dans notre pays français avant tout. Même ceux qui partent sont considérés par les Israéliens irrémédiablement français dans leur style, leur culture, leur attitude.

Cependant, il y a un repli communautaire avec la religion servant de romantisme. Les prénoms donnés ne sont souvent plus des prénoms juifs, même pas des prénoms israéliens ; ce sont des prénoms bibliques jamais employés jusqu’à présent. Cela alors qu’auparavant, c’était des prénoms français qui étaient choisis de manière quasi systématique !

Ce repli, regrettable, critiquable, est évidemment secondaire et sans importance par rapport à l’antisémitisme, ce véritable danger, cette barbarie arrachant aux esprits tout ce qu’il peut y avoir de dignité, de rationalité, d’humanité. Et ce qui est terrifiant, c’est vraiment le terme, c’est que l’antisémitisme profite de larges appuis dans une « gauche » qui n’est plus la Gauche historique. Les populistes et les « ultras », ayant rejeté les principes et traditions de la Gauche, vivent en cercle fermé intellectuellement parlant, dans un romantisme forcené, avec un antisémitisme rampant à l’arrière-plan.

Il y a ici une convergence avec l’utilisation d’un argumentaire « social » dans le camp nationaliste. Comme dans les années 1920 en Italie et dans les années 1930 en Allemagne, on a le refus de la Gauche historique, au profit d’une sorte de spontanéisme populiste, sans principes autre que le succès pragmatique, avec des raisonnements à court terme.

La clef de tout cela, c’est bien entendu la destruction de la culture, qui se généralise. La destruction de la culture musicale, de la culture historique, de la culture littéraire, de la culture cinématographique, de la culture des idées. L’antisémitisme apparaît ici comme une anti-culture, comme une idéologie ayant l’apparence d’une culture, comme un véritable prêt à porter intellectuel. C’est là où réside son terrible danger.

On n’en pas a fini avec cet horrible défi que représente l’antisémitisme, tant sur le plan de son ancrage que de sa diffusion. On peut même dire qu’on ne fait que commencer avec ce problème, tellement rien n’a été fait de manière solide, durable, malgré l’épisode positivement marquant de « Je suis Charlie », qui a fragilisé et freiné la vague antisémite d’alors.

Il appartient à la Gauche de ne pas se contenter de postures ou de positions, mais bien de mener un travail de fond pour analyser et extirper les racines de l’antisémitisme. Les morts de la destruction des Juifs d’Europe nous avertissent du danger !

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Décadence ou inversion des valeurs ?

A moins de penser que tout va pour le mieux ou d’être nihiliste, il y a deux manières de considérer les choses. Soit on assume le point de vue de la Gauche qui avait bien compris dans les années 1920 qu’il y avait une décadence des valeurs, car les riches ne pensent qu’à se goinfrer et ont jeté la culture par-dessus bord. Soit on adopte le point de vue de l’extrême-droite comme quoi les valeurs auraient été inversées.

Illustrataion Phèdre (Jean Racine), Acte V

Le grand discours de la « fachosphère » depuis une décennie est qu’il y aurait une inversion des valeurs. Les criminels seraient mieux traités que les victimes, les femmes adopteraient un patriarcat inversé, les élèves compteraient davantage que les professeurs, etc. La France aurait été prise d’assaut et il y aurait eu un retournement de la hiérarchie de ce qui compte vraiment. Il faudrait donc un retour aux sources.

Certains prônent donc un retour à la France des années 1960, avec un racisme marqué, mais d’autres ont une autre approche. La grande idée d’Alain Soral et de Dieudonné est ainsi de s’appuyer sur une partie des gens issus de l’immigration pour prôner ce « retour aux valeurs », en s’appuyant sur leurs préjugés religieux, leurs valeurs patriarcales, leur romantisme anticapitaliste. Cela a donné une forme « populaire » à ce discours de la « fachosphère ». Alain Soral a eu de très grands succès de ventes avec ses écrits complotistes.

Et il est impossible de ne pas remarquer que les gilets jaunes sont ici en partie les successeurs des tenants de la quenelle de Dieudonné. Il y a le même populisme, le même rejet des « élites », la considération selon laquelle les politiques sont « tous pourris », une obsession petite-bourgeoisie pour l’État, etc. Avec la « quenelle », Dieudonné a popularisé avec un très grand succès un certain style rentre-dedans, revendicatif, sur la base de valeurs anticapitalistes romantiques.

L’antisémitisme virulent, le complotisme délirant, les fascinations pour les élites manipulatrices, etc., tout cela correspond à la mentalité comme quoi les choses auraient été déréglées, que des forces « obscures » auraient procédé à une inversion des valeurs. Comme ce qui devrait compter ne compte pas, on s’imagine qu’elles ne comptent plus, car n’est-il pas logique qu’elles aient compté par le passé, puisqu’elles doivent compter ?

On retrouve ici la logique de nombreux gilets jaunes, qui s’aperçoivent qu’ils sont exploités et pauvres, mais qui ne conçoivent pas que cela soit possible. Ils imaginent donc qu’avant ils n’étaient ni exploités, ni pauvres, alors qu’ils l’étaient également, mais qu’il y avait un peu plus de marge, et que donc ils ne le saisissaient pas… Ils idéalisent alors le passé, au lieu de s’assumer comme pauvres. C’est très étrange que cela : on a des pauvres ne voulant pas être pauvres, mais refusant le fait de s’assumer pauvres. Comme si c’était une honte et qu’il fallait, plutôt que de s’assumer prolétaire, toujours en revenir à la classe moyenne, cette forme sociale idyllique, au-delà du bien et du mal (c’est-à-dire des bourgeois et des ouvriers).

Ce qui saute aux yeux bien sûr, c’est que chez les tenants de l’inversion des valeurs comme processus « sabotant » la France, la culture est un thème qui n’existe pas. On est dans un style violemment beauf, avec une négation brutale de toute réflexion fondée sur la culture. Il n’y aucune référence en termes de romans, films, sculptures, monuments, peintures, pièces de théâtre, etc. On est dans un mouvement « élémentaire », brut de décoffrage, et qui s’assume comme tel. D’où tous les raccourcis, la paranoïa, le complotisme, la rage éparpillée, etc.

Il est important de voir cela, parce que cela montre que la fachosphère ne prône justement pas de réelles valeurs. La question de l’art contemporain est ici un très bon exemple. La fachosphère explique qu’il est scandaleux que l’art contemporain s’impose autant. Cependant, elle ne propose rien en remplacement. Le discours de la fachosphère consiste uniquement à parler d’une inversion des valeurs, pour mettre en avant des valeurs réactionnaires, mais de manière floue. Il ne faut pas croire que la fachosphère mette en avant Raphaël, Donatello, Michel-Angelo ou Leonardo de Vinci.

La fachosphère ne consiste pas à dire que Racine c’est autre chose maître Gims ou Molière autre chose que Booba ; la fachosphère n’est que du ressentiment. La culture n’y existe pas et pour cause : l’extrême-droite n’est que le produit de la décadence de la société française. Une décadence qui a une source simple : les couches sociales dominantes se goinfrent, de manière barbare, ayant abandonné ou abandonnant toujours plus la moindre valeur culturelle. L’ultra-consommation sur un mode nouveau riche devient la règle. On se moque beaucoup des oligarques russes et des millionnaires chinois consommant de manière ostensible et sans réel goût, mais croit-on vraiment que les riches français soient différents ?

La France va mal, elle est en crise, mais ce n’est pas qu’une crise sociale : c’est une crise morale, culturelle, idéologique. C’en est fini de la bourgeoisie hyper éduquée, extrêmement posée, techniquement efficace des années 1960. La bourgeoisie nouvelle est libérale, seulement libérale, et ne peut plus assumer son rôle de dirigeante de la société. D’où la décadence.

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Sur le meurtre antisémite barbare du jeune Ilan Halimi

Il y a 13 ans, le 20 janvier 2006, Ilan Halimi, 23 ans, était enlevé, torturé durant 24 jours et tué parce que juif.

Le jeune et beau Ilan était vendeur de téléphones portables dans un magasin boulevard Voltaire à Paris. Dans la semaine précédent son enlèvement, il s’est fait « dragué » par Sorour Arbabzadeh, mais appelé « Emma » et « Yalda ». Ilan l’appelle pour lui proposer de passer la soirée ensemble. Elle accepte ; mais elle n’a en réalité pas du tout l’intention de passer la soirée avec lui, elle servait d’appât à la solde du Gang des barbares, mené par Youssouf Fofana, qui cherchait à enlever un juif depuis quelques temps, afin de soutirer de l’argent.

Commencera pour Ilan l’horreur véritable. C’est sa copine, Monny, qui alertera en premier la police, car Ilan n’est pas rentré à son domicile la veille. Assez rapidement, Fofana rentre en contact avec la famille Halimi pour leur demander une somme exorbitante, car il est convaincu d’un préjugé antisémite féodal : « les Juifs ont de l’argent et ils sont solidaires ».

Sa demande varie entre 450 000 euros et 500 000 euros. Lorsque Fofana comprend que la famille d’Ilan n’a pas les moyens, sa mère est secrétaire et lui ne touchait que 1 200€ par mois, il appelle un rabbin choisi au hasard dans l’annuaire et le charge de « récolter l’argent dans sa communauté ».

Ilan est torturé, séquestré dans un appartement d’un HLM à Bagneux puis dans la cave de l’immeuble. Le jeune homme n’est que très peu nourri, il est humilié ; plusieurs de ses geôliers jouent de lui, il a les yeux bandés en permanence, ils lui écrasent des cigarettes et des joints sur tout le corps. Ils ne le douchent que très peu aussi. Et après 24 jours d’un cauchemar inimaginable, Ilan est découvert agonisant le 13 février le long des voies ferrées du RER C à Sainte-Geneviève-des-Bois.

Il décédera lors de son transfert à l’hôpital. L’ordure antisémite qu’est Fofana fuit en Côte d’Ivoire. La justice française ira le chercher et le ramènera en France. Lui ainsi que les 26 autres accusés sont condamnés à des peines ridicules pour leurs actes émanant de la pire barbarie antisémite.

Fofana est le seul condamné à perpétuité, avec 22 ans de sûreté. Sorour Arbabzadeh est condamnée quant à elle à seulement 9 ans de prison, et ce malgré son rôle décisif.

Justice n’a donc pas été rendu pour le jeune Ilan. Il n’a pas été la seule victime morte de l’antisémitisme ces dernières années : le 19 mars 2012, Mohammed Merah abat de sang froid Gabriel Sandler, 4 ans, Arié Sandler, 5 ans, Myriam Monsonego, 7 ans et Jonahtan Sandler, 30 ans ; le 4 avril 2017, Sarah Halimi, 65 ans est assassiné chez elle ; le 23 mars 2018, Mireille Knoll, survivante de la Shoah est poignardée chez elle.

En novembre 2018, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé que les actes antisémites en France étaient en très forte hausse (+ 69 %). Après un pic « record » en 2015, les actes antisémites officiellement recensés avaient reculé en 2016 puis en 2017, avec 311 actes répertoriés. Ils sont repartis à la hausse.

Ces chiffres ne montrent cependant pas deux choses : ces actes sont de plus en plus violents tandis que les personnes juives, désabusées et en perte de confiance vis-à-vis des institutions, portent de moins en moins plainte pour les actes les moins violents.

Il est nécessaire que la Gauche comprenne que l’antisémitisme n’est pas un racisme comme les autres, mais que c’est bien le « socialisme des imbéciles », qu’il est donc toujours complotiste. La tuerie de Toulouse et les assassinats d’Ilan, de Sarah et de Mireille ne doivent pas être oubliés. Pas plus que chacune des victimes quotidiennes de l’antisémitisme.

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Il y a 80 ans, la Nuit de Cristal

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 se déroule la progromnacht, connue en France sous le nom de nuit de cristal. Il s’agit d’un véritable pogrom à l’échelle du 3e Reich entier.

Synagogue de Karlsruhe, après la nuit de cristal

Ce progrom a été présenté comme réaction spontanée à la mort du diplomate nazi Ernst von Rahm tué courageusement par un jeune juif allemand d’origines polonaises de 17 ans à Paris. En effet Herschel Grynszpan, tua un des secrétaires de l’ambassade nazi à Paris en s’écriant : « vous êtes un sale boche et au nom de douze mille Juifs persécutés, voici le document. ». Les nazis ont joué de cela pour lancer leur campagne antisémite de la Nuit de Cristal.

Ce sont pas moins de 200 synagogues détruites, plusieurs milliers de commerces saccagés pour la seule raison qu’ils étaient exploités par des personnes juives. Plusieurs centaines de Juifs sont tués par les barbaries nazies, d’autres se suicident ou décèdent des suites de leurs blessures.

Les nazis cherchaient un prétexte depuis quelque temps pour lancer leur projet antisémite et ont maquillé leur projet en une révolte populaire, comme le présentera Goebbels le 10 novembre :

« Je présente les faits au Führer. Il décide : laisser les manifestations se poursuivre. Retirer la police. Les Juifs doivent sentir pour une fois la colère du peuple. C’est justice. Je donne aussitôt les consignes correspondantes à la police et au Parti. Puis je fais un bref discours en conséquence devant les dirigeants du Parti. Tempêtes d’applaudissements. Tout le monde se précipite immédiatement sur les téléphones. Maintenant, c’est le peuple qui va agir. »

Les nazis ont organisé cette nuit là

Il y aura à la suite de la Nuit de Cristal plus de 20 000 déportations. Rappelons cependant, que la Nuit de Cristal n’est pas non plus spontanée chez les dignitaires nazis, et elle s’inscrit dans un véritable projet :

  • Le programme de 1920 du NSDAP stipule déjà que les Juifs ne sont pas des citoyens, car n’étant pas des « camarades de race ».
  • Dans Mein Kampf, Adolf Hitler parle à plusieurs reprises d’une « Allemagne sans Juifs », « libérée des Juifs ».
  • Il y a un lynchage ainsi qu’un boycott des Juifs avant même que le NSDAP n’arrive au pouvoir.
  • En 1933, des premières lois antisémites sont mises en places, jusqu’en 1935 où sont mises en places les dites « lois de Nuremberg ».
  • En 1937 est diffusé « der Ewige Jude » dans les cinémas allemands, l’année d’après les passeports des Juifs sont confisqués, leurs prénoms réglementés, etc.

Le déroulement de la progromnacht

Goebbels finit son discours à Munich en début de soirée puis les membres de la Stosstrupp Adolf Hitler se déchaînent contre une synagogue à Munich. Dans les heures suivantes, la plupart des villes et villages allemands sont atteints par le pogrom.

Dans certaines petites villes des SS se font passer pour des civils et assassinent des Juifs supposés influents. Dans certaines villes la population assiste à des autodafés. Les Juifs sont humiliés publiquement, on les force à baiser le sol en étant frappés, à danser, à chanter, etc.

Cette nuit fut d’une cruauté…

La grande partie des masses populaires allemandes eut un comportement passif.

Cela ne doit plus jamais se reproduire. Alors que l’antisémitisme se fait de plus en plus virulent à notre époque, il faut connaître et reconnaître ce qui s’est déroulé en cette tristement célèbre nuit du 9 au 10 novembre 1938.

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« Egalité & Réconciliation » et le capitalisme des « nomades »

Égalité & Réconciliation est le nom du mouvement fondé en 2007 par Alain Soral, dans l’élan de son soutien à la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen et du Front National, auprès duquel il a tenté de pousser une ligne néo-gaulliste maquillée formellement derrière un populisme gauchisant.

Egalité et réconciliation

Un autre point notable est qu’E&R se fait le défenseur d’un nationalisme non ethnique sur le plan formel. Ce refus de l’ethnicité pousse aussi à développer quelques tentatives pour modérer un antisémitisme assumé, en refusant théoriquement l’antisémitisme racial et exterminateur, en distinguant rhétoriquement « oligarchie » et « juifs du quotidien » ou en distinguant « juifs » et « sionistes ».

Soudée presque immédiatement à son soutien en faveur de Dieudonné en particulier, Égalité et Réconciliation (E&R), bien qu’aujourd’hui en déclin, a entre-temps connu un succès important, parvenant aujourd’hui à revendiquer plusieurs milliers de membres, sans compter ses sympathisants sur les plateformes vidéo comme YouTube. Dans la pratique, la notoriété d’Alain Soral a été construite par une activité régulière, se présentant sous la forme de longs monologues commentant ses lectures et ses humeurs sur un canapé rouge devant une sorte de peinture, qu’il a d’ailleurs déclinée en produit commercial.

L’habitude a aussi été prise de veiller à son physique et son ton, pour le faire passer pour un « dur », un « écorché », un « mâle viril » et aussi son look, en particulier ses T-shirts, occasion de manifester ses lubies du moment sur le ton généralement de la dérision et de la provocation, et volontiers avec une grande vulgarité à peine dissimulée.

E&R est donc d’abord une plateforme internet, un site particulièrement fréquenté, relayant les vidéos et les « informations » de sites du milieu nationaliste dans lequel gravite E&R, allant des catholiques nationalistes virulents, à Alain de Benoist, des royalistes de l’Action française, aux nationalistes-révolutionnaires comme Serge Ayoub.

Ce que E&R désigne ainsi par la « gauche du travail », c’est l’anti-capitalisme romantique le plus convenu et le plus cacophonique, structuré néanmoins autour de son anti-matérialisme. La « droite des valeurs » se résume à un soutien de plus en plus ouvert aux milieux catholiques violemment intégristes et en particulier Civitas. E&R entend aussi être une plateforme de synthèse entre des militants de « gauche » rejetant tant la gauche institutionnelle que « marxiste » (considérée en l’espèce surtout par les mouvements et les partis issus de la tradition trotskiste), avec une stratégie volontariste d’attirer la « gauche nationale » à la Chevènement, et plus encore celle à la sauce France Insoumise (ou « FI »), pour la faire basculer dans le nationalisme. Voilà pour la trame de fond.

Au plan des valeurs et des idées développées, E&R affiche un anti-capitalisme, mais sans s’opposer ni à l’économie de marché, ni à la bourgeoisie, ce qui en dit long sur la valeur réelle d’une telle dénonciation du capitalisme.

Refusant le matérialisme historique, Alain Soral et ses soutiens tentent d’amalgamer tout ce qui peut construire une vision historique « alternative ». La préférence d’Alain Soral va clairement à une sorte de développement des thèses de Dumézil sur la prétendue tripartition traditionnelle chez les indo-européens, mixée avec des thèses « impériales » que l’on retrouve aussi chez Gabriel Martinez-Gros, ou Bernard Lugan.

Egalité et réconciliation

Ces auteurs structurent l’histoire autour d’un vaste et « éternel » conflit entre sédentaires constituant des civilisations, des « empires », et nomades les pillant, tout en leur assurant le développement commercial et la fourniture de guerriers ou d’esclaves.

Soral ajoute en quelque sorte à ce « nomadisme » le « capitalisme bancaire » dont il a présenté sa vision dans Comprendre l’Empire, qui en serait une sophistication moderne et européenne, dans la mesure où précisément, l’Europe à partir de la féodalité, échapperait à ce schéma sédentaire/nomade. Mais Soral le « restaure » en faisant de l’essor des villes et de la bourgeoisie, un « nomadisme » parasitaire dont le « juif » serait l’incarnation la plus aboutie.

Toute l’ambition politique de E&R vise donc à « geler » l’essor du capitalisme, vu non comme un développement interne de ses propres forces, développant parallèlement ses propres contractions, mais comme un « ordre » naturel, presque immobile, idéal, divin pour ainsi dire, ou du moins « naturel », qu’il faudrait retrouver, en éliminant le « parasite », donc la « banque », le « nomadisme », c’est-à-dire le « Juif », avec la force collective de la « nation », cadre politique « naturel » du développement harmonieux des sociétés humaines et de leur aspiration au « socialisme ».

C’est là, on le reconnaît aisément, une perspective d’extrême-droite, visant à dévier vers le nationalisme les mobilisations issues des luttes de classes, avec l’antisémitisme comme « socialisme des imbéciles ».

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Jeremy Corbyn et le Labour face à la question antisémite

Le Labour (parti travailliste) au Royaume-Uni – l’équivalent du parti socialiste – a un très gros problème, que l’on connaît bien en France, mais plutôt du côté du PCF et de la France insoumise. En effet, après un tournant pro-gouvernemental sous une forme libérale de gauche (très proche d’ailleurs d’Emmanuel Macron) avec Tony Blair, le Labour cherche depuis plusieurs années à revenir à gauche et à gagner de nouveau aux élections sur cette base.

Jeremy Corbyn

Mais il ne le fait pas en se tournant vers les socialisme, l’histoire du mouvement ouvrier. Il le fait sur un mode populiste de gauche, avec évidemment une très large ouverture à l’antisémitisme, ce socialisme des imbéciles.

Au lieu de parler de la classe ouvrière, le mot Palestine a acquis dans le Labour une dimension pratiquement magique pour avoir l’air de gauche, tout au moins de cette gauche « moderne », post-industriel, post-moderne, post-colonial, post-tout ce qu’on voudra.

Cela a pris des proportions toujours plus extrêmes, avec des attitudes et positionnements que l’on connaît bien de ce côté-ci de la Manche, pas du tout chez les socialistes mais vraiment beaucoup chez la France Insoumise et énormément au PCF.

Seulement, à un moment donné il faut être sérieux et passer soit dans l’antisémitisme ouvert, soit finalement dans son refus. Le dirigeant du Labour, Jeremy Corbyn a ainsi été obligé vendredi dernier de chercher à se sortir de ce pétrin, en publiant dans le Guardian une lettre où il affirme vouloir déraciner les antisémites de son parti.

Cela suit la publication conjointe de la part de journaux de la communauté religieuse juive le présentant comme une « menace existentielle », une rhétorique bien entendu absurde, d’ailleurs très largement poussé par les rabbins britanniques, mais qui montre le problème de fond.

Car les nombreuses initiatives antisémites dans le Labour, allant du complotisme sur le 11 septembre jusqu’à l’éloge de Hitler ou la dénonciation des « banquiers juifs », se sont engouffrées dans une critique (elle non antisémite) de l’État israélien. En fait, on peut très bien voir que sans assumer le socialisme, la critique du sionisme devient un outil pour les enragés ne voulant pas le socialisme, mais une sorte de troisième voie.

I will root antisemites out of Labour – they do not speak for me (Jeremy Corbyn)

On connaît bien cela en France avec par exemple les Indigènes de la République, mais le PCF et la France insoumise ne sont guère différents dans le fond ; eux non plus ne veulent pas du socialisme, de l’histoire du mouvement ouvrier. La Palestine est surtout pour eux un argument masquant leur défense de la « politique arabe de la France ».

Jeremy Corbyn devait donc choisir entre faire comme si de rien n’était ou bien réfuter l’antisémitisme. Il devait adopter une critique non-antisémite de l’État israélien ou bien maintenir son populisme.Il a choisi de couper la poire en deux, ce qui n’est pas possible, car hostile à l’universalité du socialisme qui rejette toute religion et exige la fusion de toute l’humanité.

Il se positionne ainsi :

« J’ai mené campagne toute ma vie pour la reconnaissance de la force d’une société multiculturelle. La Grande-Bretagne ne serait pas ce qu’elle est sans nos communautés juives (…).

Dans les années 1970, certains à gauche ont expliqué de manière erronée que « le sionisme est du racisme ». C’était faux, mais l’assertion que « l’anti-sionisme est du racisme » est également fausse. »

Cela n’a pas de sens. Soit on est pour une culture universelle et on refuse le communautarisme, auquel cas on ne peut pas accepter de particularisme religieux, national, ethnique, etc., soit on est pour le multi-particularisme mais en ce cas on ne peut plus critiquer le sionisme, ni aucun nationalisme ou tribalisme d’ailleurs.

Et cela montre que Jeremy Corbyn n’est pas sérieux dans son engagement à gauche, que la question antisémite est un vrai problème chez lui aussi, lui qui en 2010 participait le jour de l’anniversaire de la Shoah à une conférence intitulée « Plus pour personne – d’Auschwitz à Gaza » assimilant les activités de l’État israélien aux crimes illimitées du nazisme.

C’est pourquoi Jeremy Corbyn est également coincé face à la député du Labour Margaret Hoge, qui est juive et membre du Labour depuis cinquante ans, qui lui a lancé en plein parlement : « Tu es antisémite et raciste ».

Ce qu’elle lui reproche, c’est de ne pas faire en sorte que le Labour accepte la définition de l’antisémitisme formulé par l’International Holocaust Remembrance Alliance, en raison de trois points.

Le premier est la question de l’assimilation de l’État israélien à l’Allemagne nazie, que désormais Jeremy Corbyn rejette également, du moins en apparence. Le second est la question de la dénonciation de personne juives comme plus fidèle à l’État israélien qu’à leur propre pays, le troisième est la question de la considération comme quoi le sionisme a une base ethnique, donc raciste.

Jeremy Corbyn

Cette dernière question n’a pas toujours été en débat à gauche. A l’origine, la gauche soutenait le sionisme et inversement ; l’URSS a été le premier pays, sous Joseph Staline, à reconnaître l’État israélien.

Puis, rapidement, le sionisme ayant choisi de se placer sous le parapluie américain, la gauche a rejeté le sionisme, dès le début des années 1950 et en particulier à parti de 1967, période d’émergence de la gauche palestinienne.

L’État israélien se refermant toujours plus sur lui-même, s’ouvrant à la religion contrairement à auparavant, ce rejet s’est amplifié, malgré la désormais non-existence à peu de choses près de la gauche palestinienne

Il va de soi aussi que la modification toute récente de la constitution israélienne, où les Israéliens arabes deviennent des citoyens de seconde zone, ou encore le blocus maritime de Gaza par une sorte de grand mur, ne vont pas amener les choses à changer de ce point de vue.

Le Labour a alors proposé à Margaret Hoge qu’elle s’excuse, afin de ne pas avoir à faire de mesure disciplinaire à son encontre. Naturellement, elle n’a pas voulu, polarisant cette situation terrible pour la gauche britannique. Le Labour a finalement décidé de ne prendre aucune sanction à son encontre.

Cela a, au moins, le mérite de poser une question importante, à l’opposé d’en France où il n’y a eu strictement aucune autocritique de la Gauche par rapport à l’antisémitisme diffusé sous prétexte d’antisionisme. Il a fallu le mouvement Je suis Charlie pour que l’antisémitisme connaisse un coup d’arrêt, la base de la Gauche s’exprimant enfin.

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La réponse de Dieudonné face à « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie »

Il y a quelques mois, le 14 avril 2018, l’humoriste antisémite Dieudonné prévoyait de jouer à Annecy (Haute-Savoie).

Dieudonné

Un groupe de jeunes progressistes nommé « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » a prit la décision de lancer une véritable offensive face à Dieudonné. N’étant que très peu nombreux, et avec des moyens limités, ces derniers ont dû mener une bataille pour empêcher sa venue. Ce ne fut pas chose aisée, face au libéralisme ainsi qu’à l’antisémitisme ayant gangrené la gauche.

Ces jeunes progressistes ont donc tracté dans les rues d’Annecy, essayant d’alerter la population locale face à cette menace, et ont également lancé une pétition…

Ce n’est qu’après une campagne médiatique qu’un certain écho est revenu : un peu plus de 200 personnes avaient signé la pétition le 14 avril 2018 et plusieurs élus locaux avaient également apporté leur soutien, ce qui avait permis d’annuler la réservation de la salle où Dieudonné devait initialement se produire.

Il a alors rusé, pour finalement se produire dans un champ.

>> La page Facebook Jeunesse-contre-la-haine-Haute-Savoie

Les idées progressistes de « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » ayant réussi à contrer l’installation de Dieudonné dans un cadre « officiel » , mais n’ayant pas réussi à mobiliser la population locale montrent deux choses très importantes :

  • premièrement, que la gauche est en totale décomposition, incapable de s’en tenir à ses idées fondamentales, tel le progressisme ;
  • deuxièmement, que sans un appui dans les masses populaires, on ne peut que freiner les idées réactionnaires, et non les stopper.

Vincent Lapierre, « journaliste » pour Égalité et Réconciliation TV, le média d’Alain Soral, a réalisé une vidéo gratuite de plus de 23 minutes en compagnie de Dieudonné, et une version payante plus longue, qui n’a comme seul but que de faire passer Dieudonné pour une victime du système et « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » comme une « obscure association », qui ne « représente qu’elle-même ». Elle se représente visiblement si bien « elle-même », qu’elle a réussi, même avec une large supériorité numérique des fans de Dieudonné dans la région, à empêcher sa venue dans une salle.

Dans cette vidéo, on y voit d’abord Vincent Lapierre poser des questions aux spectateurs.

Ces questions font référence au texte de la pétition proposée par « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » posant la question : «  Trouvez-vous que Dieudonné est antisémite ? »

Les personnes interrogées répondent qu’ « il faut sans cesse se remettre en question » et ajoutent que Dieudonné n’est pas antisémite.

Tout le reportage est filmé de manière à faire croire que « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » est derrière tout ça, menant un véritable délire complotiste. À partir de la troisième minute de la vidéo, on apprend que la salle à Annecy sera annulée pour Dieudonné, et nous avons une véritable impression de surprise et d’émotion : le caméraman a choisi de faire un plan rapproché sur Hervé, la personne s’occupant de la réservation des salles pour Dieudonné, au moment où ce dernier semble inquiet.

S’ensuivent plusieurs minutes de dialogue entre Hervé et Vincent à propos d’Annecy.

On y voit Hervé inquiété par la victoire des idées progressistes.

Par la suite, Vincent interroge Dieudonné sur la manière dont il vit cela. Ce dernier répond en osant se comparer à l’un des plus grands écrivains et dramaturges français :

«  Molière en d’autres temps, qui était chassé par le roi à un moment donné parce qu’il a pas dû faire rire et donc il se retrouve sur les routes avec sa roulotte, bah c’est un peu ça ».

Ce passage montre une nouvelle fois le caractère complotiste de Dieudonné, le roi étant ici « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie ».

Nous voyons bien là qu’il cherche à discréditer le groupe de jeunes progressistes, en se basant uniquement sur le nombre de mentions « j’aime » sur leur page Facebook.
C’est pathétique.

Il ne s’attaque même plus à un contenu, mais à la forme… De même, il ajoutera à propos de l’interdiction de son spectacle : « est-ce que c’est vraiment la police[qui a fait pression sur le propriétaire de la salle], ou pas ? » rajoutant, en moins de deux minutes, une nouvelle théorie délirante. Durant les 16 minutes suivantes, on y suit Dieudonné cherchant un lieu pour sa représentation, qui finalement sera un champ à 12 km d’Annecy.

Dieudonné et Alain Soral au tribunal
Dieudonné et Alain Soral au tribunal

Dieudonné a eu besoin d’une vidéo de 23 minutes et d’un article sur « Égalité et Réconciliation TV » pour dire que ces attaques ne l’atteignaient pas, alors qu’on sait que ce dernier n’en menait pas large quant au devenir de sa représentation à Annecy.

Cela sera finalement une demi-victoire pour « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie », qui a réussi à tenir sa ligne, à freiner Dieudonné dans son élan, ainsi qu’à bien l’importuner pendant quelque temps.

Notons que ce dernier prévoit à nouveau de jouer à Annecy, le 14 mars 2019. Cette fois, il n’aboutira à rien et ne fera même pas de « spectacle » dans un champ !

> À lire ailleurs : une présentation de « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » par le site annecygauche.noblogs.org

 

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Faut-il une « désintox » pour l’affiche d’Emmanuel Macron en SS?

Qu’est-ce que la vérité, comment la comprendre ? Est-ce une chose en mouvement, ou une chose statique ? En voici un exemple bien parlant…

Car il existe une mode depuis quelques années dans les milieux journalistiques, visant à prôner un stop à « l’intox », à se lancer dans une dénonciation du complotisme. S’il peut s’agir parfois d’un vrai souci de rationalisme, bien souvent c’est un mépris des gens, du peuple en général, considéré comme trop idiot, trop inculte.

Les gens auraient besoin d’une enquête journalistique, faite par quelqu’un de diplômé, qui maîtriserait ses émotions par rapport au bon populo… Seul le journaliste sait ! Seul le journaliste comprend ! Le monde est statique, les bas peuple versatile !

Affiche Emmanuel Macron SSL’affaire de l’affiche représentant Emmanuel Macron en SS lors de la marée humaine de samedi dernier a justement été un thème de cette campagne de « désintoxication » ces derniers jours ; elle en révèle parfaitement les limites que l’on doit qualifier, sans aucun doute, de petites-bourgeoises intellectuelles.

En effet, à force de à prétendre une neutralité qui n’existe pas, en prétendant à une objectivité froide qui n’a jamais existé, on finit forcément par se prendre les pieds dans le tapis.

En l’occurrence, il est expliqué que l’insigne sur le bras d’Emmanuel Macron ne serait pas un drapeau israélien, mais bien l’insigne de destruction de blindés présent sur l’original.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleComme sur la photo originale, le logo est le même, qu’il n’a pas été changé, il y a une « désintox » de faite, par exemple par Conspiracy Watch – Observatoire du conspirationnisme, Jean-Paul Lilienfeld, etc.

Quelle naïveté ! Quelle pseudo objectivité !

Car, quand on étudie une chose, on doit la regarder dans son mouvement, dans sa réalité, en tant que processus. On ne peut pas voir les choses statiquement.

Il faut voir comment l’image a été transformée, dans quel but. Il faut regarder quelles sont les valeurs de la personne qui l’a transformée. Il faut délimiter dans quelle mesure cette personne a conscience de ses propres valeurs.

Il faut regarder les valeurs de la société à un moment donné, en saisir les codes.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleFaisons ainsi les choses sérieusement, en s’aidant d’une image présentant les images côte à côte, en faisant attention parce que l’image connaît une autre variante.

Déjà un travail sérieux aurait en effet été de trouver la source directe de ces images. Il s’agit d’une entreprise proposant des tenues de western, de Batman, de nazis, etc. Ce n’est nullement une photographie historique.

Donc, le logo SS a été changé par celui d’en marche, la tête de mort par « EM » (pour Emmanuel Macron ou En marche). L’aigle avec la croix gammée a été remplacée par « $$ », pour SS avec une allusion aux dollars (même pas à l’euro donc).

Une des épaulettes a été modifiée avec le symbole de l’entreprise Vinci. Sur l’avant-bas gauche, l’inscription « Götz von Berlichingen » a été remplacé par MEDEF. Götz von Berlichingen est un chevalier allemand ayant pris le parti des paysans révoltés à l’époque de Martin Luther, avant de finalement les trahir. Son nom a été employé pour nommer une division d’infanterie mécanisée de la Waffen-SS, la 17e Panzergrenadier Division SS.

La croix de fer (ici nazie), très connu en France, a été enlevé, pas les trois autres insignes nazis.

Affiche Emmanuel Macron SS et image originale

Affiche Emmanuel Macron SS, détail tankEt il y a donc, sur le côté gauche, sur le bras droit près de l’épaule, l’insigne de destruction des blindés, mis en place par Adolf Hitler en 1942.

Sur la photo ayant servi au montage, la couleur de cet insigne est déjà bleu, ce qui est une erreur historique de la part de ceux qui ont refait le costume.

Mais la question n’est pas là. La question est : est-ce que la personne qui a fait le montage a sciemment laissé cet insigne bleu comme une allusion au drapeau israélien, ou bien n’a pas touché en général les insignes secondaires?

Voilà la véritable question, parce que l’image a été retouchée de manière professionnelle ; il est évident que chaque aspect de ce qui a été touché ou pas a été pensé.

Et cette question demande une réponse politique, pas une réponse de journaliste. Il n’y a pas de pseudo objectivité qui tienne ici.

D’ailleurs, il ne faut pas être idiot. Le fait de déguiser Emmanuel Macron en nazi montre bien que la personne qui a fait le photomontage ne connaît rien à la Shoah et dispose d’une mentalité particulièrement malsaine.

N’importe qui voyant l’assimilation d’Emmanuel Macron non seulement au grand capital (ce qui est vrai en partie) mais également aux dollars devine aussi très bien la mentalité du photomontage : on a ici affaire à un anticapitalisme “antiimpérialiste” qui s’est largement développé ces dernières années, avec Jean-Luc Mélenchon, Alain Soral, l’ultra-gauche, le GUD, etc.

On n’a pas ici affaire à la Gauche historique. Partant de là, il est évident que l’insigne sur le côté est une allusion au drapeau israélien. Il est inévitable que le fait de l’avoir laissé sur le côté, avec sa forme et sa couleur bleue, ferait penser au drapeau israélien.

Il y a tellement ce genre d’allusions ces derniers temps qu’il n’y a pas de hasard. Pas de hasard… si l’on prend un point de vue politique.

Et le point de vue politique se moque de savoir si le choix est objectif ou subjectif. Historiquement, tout le monde a saisi cela comme une allusion. Politiquement, il y a donc responsabilité.

Ce que les partisans de la « désintox » ne prennent pas, en raison de leur « objectivité » froide, apolitique… les amenant à capituler devant cette affiche.

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L’analyse erronée de l’antisémitisme par Emmanuel Macron

Il est courant à l’ultra-gauche de faire des cités le bastion du peuple : c’est totalement erroné, et cela au moins depuis les émeutes des banlieues de 2005. L’échec de la jonction populaire dans une révolte commune a marqué une rupture ayant comme conséquence le renforcement dans les banlieues de l’esprit lumpen-prolétaire et des trafics de drogues, de l’islamisme, d’un rejet total des valeurs de Gauche, d’une diffusion massive de l’antisémitisme.

L’échec de 2005 a abouti à un processus de ghettoïsation assumé de l’intérieur des banlieues elles-mêmes, alors qu’auparavant la pression était quasi uniquement extérieure. Le Front National et les « identitaires » en ont largement profité pour diffuser l’idée d’un conflit « racial » en France, tandis qu’Alain Soral a tenté, par tous les moyens et avec un succès certain, avec Dieudonné, à développer le thème d’une lutte anticapitaliste romantique ayant comme prisme l’antisémitisme.

Emmanuel Macron ne peut pas faire face à cela. Il ne peut pas assumer que l’immigration est une démolition de personnes arrachées à leur pays pour travailler comme main d’œuvre mal payée et dévalorisée. Il est obligé de la maintenir comme processus « naturel », comme déplacement individuel.

Par conséquent, il ne peut pas assumer les conséquences du déplacement d’une population pétrie de valeurs féodales dans un pays capitaliste développé et de la formation de ghettos. Il ne peut pas reconnaître la souffrance du travailleur arraché à ce qu’il a connu et isolé socialement, tout comme il ne peut pas saisir l’émergence de révoltes dévoyées, d’une fuite dans les superstitions, la paranoïa.

Aussi, lorsqu’il a abordé le sujet de l’antisémitisme en France lors d’un échange avec des étudiants américains de l’université George Washington, le 25 avril, Emmanuel Macron a développé une rhétorique ridiculement absurde :

« Il y a deux racines de ce nouvel antisémitisme. La première est liée à l’importation du conflit entre Israël et la Palestine.

Certaines personnes en France souhaitent reproduire ce conflit international au sein même de la société française.

La deuxième racine est une sorte d’ancien antisémitisme français, qui existait au début du siècle et qui reprend de l’ampleur. C’est une forte préoccupation pour moi. Nous devons le reconnaître ».

Finalement, Emmanuel Macron a la même lecture de l’antisémitisme que l’ultra-gauche ! Car on le sait, l’ultra-gauche, n’ayant plus rien à dire depuis 1989, a fait grosso modo de même, avec une esthétisation forcenée de la question palestinienne.

Cela alors, que dans les faits réels là-bas, bien loin de cette esthétisation, le pauvre peuple palestinien se prend davantage de coups chaque jour, sombrant sur le plan des idées dans l’ignoble corruption de l’OLP ou l’esprit moyen-âgeux sordide du Hamas, pendant que l’État israélien renforce sa main-mise totale sur tous les aspects de la vie (l’économie, les infrastructures, les emplois, etc.).

Et quand l’antisémitisme malheureusement populaire affleure trop, l’ultra-gauche prétend que ce n’est qu’un antisionisme qui ne se connaît pas, un anti-impérialisme qui ne se connaît pas, un anticapitalisme qui ne se connaît pas.

Les personnes juives sont assimilées à l’État israélien, à la question des conflits mondiaux, bref à une question « mondiale ». C’est là un discours national-révolutionnaire, ni plus ni moins.

Voilà pourquoi les personnes juives fuient une « gauche de la gauche » de moins en moins de gauche, ainsi que des départements comme le 93, et que des enfants juifs dans les écoles publiques est quelque chose d’extrêmement problématique en cas de situation de minorité.

Cette réalité ne peut pas être niée et ce n’est nullement un secret que l’Islam, pour se parer d’attributs sociaux malgré son conservatisme forcené, utilise la question juive comme anticapitalisme à destination de gens totalement coupés des traditions du mouvement ouvrier.

Et cette religion profite de la question de l’immigration, dont la nature, la forme, le fond, est un formidable non-dit depuis les années 1960.

En pratique, l’immigration est une déportation de population travailleuse, un drainage des forces vives. C’est un véritable pompage d’une main d’œuvre largement corvéable, car issue de la paysannerie et partant de là très peu éduquée, encadrée par des superstitions religieuses, des habitudes patriarcales.

Cela est vrai pour les Philippines venant servir de femmes de ménage à Neuilly – Auteuil – Passy depuis plusieurs années, comme des Arabes envoyés dans les usines des années 1960. Si l’on va à la fête annuelle des associations philippines à Paris, que voit-on ? Des regroupements religieux, des structures pour investir au pays.

Il n’y a jamais eu et il ne peut pas y avoir une équation : immigration = de gauche, bien au contraire. S’il y a une bataille tout à fait juste pour les droits, il en ressortira toujours sur le plan individuel une volonté d’affirmation sociale au sein de l’idéologie dominante, et cela d’autant plus qu’il y a des superstitions, des préjugés, des restes rétrogrades ramenés de pays arriérés.

Mais il y a pire. La gauche qui ne s’assume pas a accompagné cette immigration appuyant la pression sur les salaires et l’exploitation forcenée des personnes immigrées. C’est cela qui a poussé une large partie des couches populaires françaises dans les bras de l’extrême-droite profitant des préjugés racistes.

Même lorsqu’il y a eu des tentatives de révolte en faveur des travailleurs immigrés, cela a toujours basculé dans une lecture chrétienne de la « solidarité », l’Église catholique menant sur ce plan un travail forcené.

Le résultat en est une contribution à la ghettoïsation et l’un des aspects de la ghettoïsation de l’immigration… avec comme aspect incontournable, l’antisémitisme. L’antisémitisme, aujourd’hui, n’est porté que de manière résiduelle par les personnes françaises depuis plusieurs générations : si des préjugés restent, il est considéré toutefois comme inacceptable comme expression culturelle.

Par contre, dans l’immigration, ce n’est pas un secret, c’est un fait culturel solidement enraciné, principalement les jeunes, les religieux, les hommes. C’est un antisémitisme patriarcal, servant une prétention anticapitaliste romantique ; c’est un socialisme des imbéciles mêlé à un esprit de carrière petit-bourgeois.

Et seul un véritable socialisme peut le balayer. Emmanuel Macron, ne voulant pas de socialisme du tout, est alors obligé de le nier…

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Le manifeste contre l’antisémitisme de Phillipe Val

L’antisémitisme est le socialisme des imbéciles ; au-delà du préjugé raciste, il y a une sorte de vision du monde, complotiste par incapacité à comprendre et donc dénoncer le capitalisme.

Que ce socialisme des imbéciles ait très largement contaminé la « gauche de la gauche » ces dernières années est une simple évidence. A défaut de contenu, il y a l’agitation vaine et stérile, qui a d’autant besoin de symbolisme, de raccourci, de populisme.

Que lors de l’occupation de Sciences Po ces jours derniers quelqu’un pavoisait au-dessus de l’entrée avec un drapeau palestinien, à côté du drapeau de Sciences Po barré d’un « A » cerclé, en dit long sur la vacuité des idées, les mensonges intellectuels, avec les allusions antisémites permanentes à différents degrés.

Là où il n’y a pas d’idées, de principes, de normes à Gauche, il y a l’antisémitisme, plus ou moins masqué, mais inévitable pour sa dimension de critique de « l’argent » : c’est la critique du capitalisme qui refuse d’aller jusqu’au bout et voit en quelque sorte un bon et un mauvais capitalisme.

On peut donc regretter de nombreux points dans le « manifeste de l’antisémitisme » écrit par Philippe Val et signé par 300 personnalités. Cependant, c’est le prix à payer pour la Gauche pour avoir laissé se développer une extrême-gauche universitaire populiste, opposé aux traditions de la Gauche, arc-bouté sur des raccourcis intellectuels et sur l’ethno-différentialisme, la théorie du genre et autres « modernités » américaines issues des lubies délirantes de philosophes français comme Gilles Deleuze ou Michel Foucault.

De plus, Phillipe Val –  à Charlie Hebdo comme rédacteur en chef (1992-2004), directeur de publication (2004-2009), puis responsable de  France Inter (2009-2014) – tape justement là où cela fait mal : le populisme outrancier d’une partie historique de la Gauche face aux préjugés des immigrés.

Ceux-ci venaient pourtant de pays arriérés dans le développement de la civilisation, ils étaient imbibés des valeurs patriarcales, moyen-âgeuses, religieuses – superstitieuses. Il fallait se battre naturellement pour leurs droits, pas en faire une figure révolutionnaire – pour la Gauche, ce sont les ouvriers qui sont la figure révolutionnaire, pas les marginaux, les immigrés, les banlieues, les gays et les lesbiennes, etc. etc.

On voit ici comment une extrême-gauche étudiante, « gauchiste », a cherché à manipuler des forces sociales pour briser la Gauche historique… Avec succès. Et avec comme résultat également ce fait qu’il faut bien constater : il existe « une épuration ethnique à bas bruit », conséquence d’un antisémitisme populaire fortement ancré, par l’intermédiaire de la religion musulmane.

Car les religions divisent et sont des superstitions : il faut s’en débarrasser. Le manifeste n’est pas de Gauche : il appelle la religion musulmane à se réformer. C’est une absurdité. Et une incompréhension de l’antisémitisme comme socialisme des imbéciles.

Et un refus d’unifier totalement le peuple, ce qui est le rôle de la Gauche.

L’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs, c’est l’affaire de tous. Les Français, dont on a mesuré la maturité démocratique après chaque attentat islamiste, vivent un paradoxe tragique. Leur pays est devenu le théâtre d’un antisémitisme meurtrier. Cette terreur se répand, provoquant à la fois la condamnation populaire et un silence médiatique que la récente marche blanche a contribué à rompre.

Lorsqu’un Premier ministre à la tribune de l’Assemblée nationale déclare, sous les applaudissements de tout le pays, que la France sans les Juifs, ce n’est plus la France, il ne s’agit pas d’une belle phrase consolatrice mais d’un avertissement solennel : notre histoire européenne, et singulièrement française, pour des raisons géographiques, religieuses, philosophiques, juridiques, est profondément liée à des cultures diverses parmi lesquelles la pensée juive est déterminante.

Dans notre histoire récente, onze Juifs viennent d’être assassinés – et certains torturés – parce que Juifs, par des islamistes radicaux.

Pourtant, la dénonciation de l’islamophobie – qui n’est pas le racisme anti-Arabe à combattre – dissimule les chiffres du ministère de l’Intérieur : les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans.

10 % des citoyens juifs d’Ile-de-France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République.

Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau.

Pourquoi ce silence ?

Parce que la radicalisation islamiste – et l’antisémitisme qu’il véhicule – est considérée exclusivement par une partie des élites françaises comme l’expression d’une révolte sociale, alors que le même phénomène s’observe dans des sociétés aussi différentes que le Danemark, l’Afghanistan, le Mali ou l’Allemagne…

Parce qu’au vieil antisémitisme de l’extrême droite, s’ajoute l’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des Juifs en victimes de la société. Parce que la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif.

Or à la marche blanche pour Mireille Knoll, il y avait des imams conscients que l’antisémitisme musulman est la plus grande menace qui pèse sur l’islam du XXIème siècle et sur le monde de paix et de liberté dans lequel ils ont choisi de vivre. Ils sont, pour la plupart, sous protection policière, ce qui en dit long sur la terreur que font régner les islamistes sur les musulmans de France.

En conséquence, nous demandons que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémite catholique aboli par Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime.

Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie. Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard. Avant que la France ne soit plus la France. »

La liste des signataires

Charles Aznavour ; Françoise Hardy ; Pierre Arditi ; Elisabeth Badinter ; Michel Drucker ; Sibyle Veil ; François Pinault ; Eric-Emmanuel Schmitt ; Marceline Loridan-Ivens ; Radu Mihaileanu ; Elisabeth de Fontenay ; Nicolas Sarkozy ; Pascal Bruckner ; Laure Adler ; Bertrand Delanoë ; Manuel Valls ; Michel Jonasz ; Xavier Niel ; Jean-Pierre Raffarin ; Gérard Depardieu ; Renaud ; Pierre Lescure ; Francis Esménard ; Mgr Joseph Doré ; Grand Rabbin Haïm Korsia ; Imam Hassen Chalghoumi ; Carla Bruni ; Boualem Sansal ; Imam Aliou Gassama ; Annette Wieviorka ; Gérard Darmon ; Antoine Compagnon ; Mofti Mohamed ali Kacim ; Bernard Cazeneuve ; Bernard-Henri Lévy ; Philippe Val ; Zabou Breitman ; Waleed al-Husseini ; Yann Moix ; Xavier De Gaulle ; Joann Sfar ; Julia Kristeva ; François Berléand ; Olivier Guez ; Jeannette Bougrab ; Marc-Olivier Fogiel ; Luc Ferry ; Laurent Wauquiez ; Dominique Schnapper ; Daniel Mesguich ; Laurent Bouvet ; Pierre-André Taguieff ; Jacques Vendroux ; Georges Bensoussan ; Christian Estrosi ; Brice Couturier ; Imam Bouna Diakhaby ; Eric Ciotti ; Jean Glavany ; Maurice Lévy ; Jean-Claude Casanova ; Jean-Robert Pitte ; Jean-Luc Hees ; Alain Finkielkraut ; Père Patrick Desbois ; Aurore Bergé ; François Heilbronn ; Eliette Abécassis ; Bernard de la Villardière ; Richard Ducousset ; Juliette Méadel ; Daniel Leconte ; Jean Birenbaum ; Richard Malka ; Aldo Naouri ; Guillaume Dervieux ; Maurice Bartelemy ; Ilana Cicurel ; Yoann Lemaire ; Michel Gad Wolkowicz ; Olivier Rolin ; Dominique Perben ; Christine Jordis ; David Khayat ; Alexandre Devecchio ; Gilles Clavreul ; Jean-Paul Scarpitta ; Monette Vacquin ; Christine Orban ; Habib Meyer ; Chantal Delsol ; Vadim Sher ; Françoise Bernard ; Frédéric Encel ; Christiane Rancé ; Noémie Halioua ; Jean-Pierre Winter ; Jean-Paul Brighelli ; Marc-Alain Ouaknin ; Stephane Barsacq ; Pascal Fioretto ; Olivier Orban ; Stéphane Simon ; Laurent Munnich ; Ivan Rioufol ; Fabrice d’Almeida ; Dany Jucaud ; Olivia Grégoire ; Elise Fagjeles ; Brigitte-Fanny Cohen ; Yaël Mellul ; Lise Bouvet ; Frédéric Dumoulin ; Muriel Beyer ; André Bercoff ; Aliza Jabes ; Jean-Claude Zylberstein ; Natacha Vitrat ; Paul Aidana ; Imam Karim ; Alexandra Laignel-Lavastine ; Lydia Guirous ; Rivon Krygier ; Muriel Attal ; Serge Hefez ; Céline Pina ; Alain Kleinmann ; Marie Ibn Arabi-Blondel ; Michael Prazan ; Jean-François Rabain ; Ruth Aboulkheir ; Daniel Brun ; Paul Aidane ; Marielle David ; Catherine Kintzler ; Michèle Anahory ; Lionel Naccache ; François Ardeven ; Thibault Moreau ; Marianne Rabain-Lebovici ; Nadège Puljak ; Régine Waintrater ; Michèle Anahory ; Aude Weill-Raynal ; André Aboulkheir ; Elsa Chaudun ; Patrick Bantman ; Ruben Rabinovicth ; Claire Brière-Blanchet ; Ghislaine Guerry ; Jean-Jacques Moscovitz ; André Zagury ; François Ardeven ; Estelle Kulich ; Annette Becker ; Lilianne Lamantowicz ; Ruth Aboulkheir ; Christine Loterman ; Adrien Barrot ; Talila Guteville ; Florence Ben Sadoun ; Michèle Anahory ; Paul Zawadzki ; Serge Perrot ; Patrick Guyomard ; Marc Nacht ; André Aboulkheir ; Laurence Bantman ; Josiane Sberro ; Anne-Sophie Nogaret ; Lucile Gellman ; Alain Bentolila ; Janine Atlounian ; Claude Birman ; Danielle Cohen-Levinas ; Laurence Picard ; Sabrina Volcot-Freeman ; Gérard Bensussan ; Françoise-Anne Menager ; Yann Padova ; Evelyne Chauvet ; Yves Mamou ; Naem Bestandji ; Marc Knobel ; Nidra Poller ; Brigitte-Fanny Cohen ; Joelle Blumberg ; Catherine Rozenberg ; André Aboulkheir ; Caroline Bray-Goyon ; Michel Tauber ; André Zagury ; Laura Bruhl ; Eliane Dagane ; Paul Zawadzki ; Michel Bouleau ; Marc Zerbib ; Catherine Chalier ; Jasmine Getz ; Marie-Laure Dimon ; Marion Blumen ; Simone Wiener ; François Cahen ; Richard Metz ; Daniel Draï ; Jacqueline Costa-Lascoux ; Stéphane Lévy ; Arthur Joffe ; Antoine Molleron ; Liliane Kandel ; Stéphane Dugowson ; David Duquesne ; Marc Cohen ; Michèle Lévy-Soussan ; Frédéric Haziza ; Martine Dugowson ; Jonathan Cohen ; Damien Le Guay ; Patrick Loterman ; Mohamed Guerroumi ; Wladi Mamane ; William de Carvalho ; Brigitte Paszt ; Séverine Camus ; Solange Repleski ; André Perrin ; Sylvie Mehaudel ; Jean-Pierre Obin ; Yael Mellul ; Sophie Nizard ; Richard Prasquier ; Patricia Sitruk ; Renée Fregosi ; Jean-Jacques Rassial ; Karina Obadia ; Jean-Louis Repelski ; Edith Ochs ; Jacob Rogozinski ; Roger Fajnzylberg ; Marie-Helène Routisseau ; Philippe Ruszniewski ; André Senik ; Jean-François Solal ; Paule Steiner ; Jean-Benjamin Stora ; Anne Szulmajster ; Maud Tabachnik ; Daniel Tchenio ; Julien Trokiner ; Fatiha Boyer ; Cosimo Trono ; Henri Vacquin ; Caroline Valentin ; Alain Zaksas ; Slim Moussa ; Jacques Wrobel ; Roland Gori ; Nader Alami ; Céline Zins ; Richard Dell’Agnola ; Patrick Beaudouin ; Barbara Lefebvre ; Jacques Tarnéro ; Georges-Elia Sarfat ; Lise Boëll ; Jacques Wrobel ; Bernard Golse ; Céline Boulay-Esperonnier ; Anne Brandy ; Imam Karim ; Sammy Ghozlan.

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Georges Bernanos et les héros du ghetto de Varsovie

Georges Bernanos a écrit un texte intitulé « L’honneur est ce qui nous rassemble », qui devait servir de préface à un ouvrage collectif sur le ghetto de Varsovie. Cet ouvrage n’est jamais paru et le texte a été retrouvé dans les archives de Georges Bernanos.

C’est un texte exemplaire, car Georges Bernanos vient de l’Action française et du catholicisme ultra ; il dénonçait Adolf Hitler comme quelqu’un incapable d’un vrai antisémitisme et qui se plierait bientôt aux ordres de la « banque juive ».

La seconde guerre mondiale ébranla profondément – autant que qu’un catholique voyant en la banque la source du mal dans une société devant être spirituelle – Georges Bernanos, qui ne pouvait cautionner quelque chose sortant entièrement du cadre de son romantisme spiritualiste.

Il est, en ce sens, profondément représentatif d’une attitude très française par rapport à l’antisémitisme, qui consiste en une méfiance et en un mépris dédaigneux n’hésitant pas au rejet dégoûté, mais considérant comme indigne de basculer dans la brutalité ou le populisme.

L’HONNEUR EST CE QUI NOUS RASSEMBLE

J’écris ces pages en mémoire de Georges Torres, ami de mon fils Michel, parti du Brésil avec lui pour rejoindre les armées de la France Libre et qui, dans l’enthousiasme et la naïveté de ses vingt ans, croyait devoir quelque chose à mes livres et à moi-même, alors qu’il était déjà écrit que je devrais rester au contraire pour toujours débiteur envers lui de sa pure et noble mort.

Georges Torrès était juif, juif comme un certain nombre d’amis de mes livres dont l’affection paraîtra peu croyable à certains esprits malheureux dont la besogne n’est que de classer ce qui échappe à tout classement comme un fou qui prétendrait puiser de l’eau dans un filet à papillons.

Il est vrai que la Religion, la Race, la Nation permettent de «situer» les hommes ainsi qu’un objet dans les trois dimensions de l’espace.

Mais, précisément, l’analyse mathématique démontre l’existence d’une quatrième dimension où se rencontrent les parallèles, où l’hyperbole finit par retourner à son point de départ comme un grand oiseau migrateur à son nid d’un autre printemps.

L’honneur n’est pas toujours ce qui nous unit, mais il est toujours ce qui nous rassemble.

En présentant ce livre au public français, je voudrais m’acquitter envers les morts, mais aussi envers les vivants. Je crois avoir quelque chose à dire sur les morts juifs, sur les innombrables morts juifs, sur les immenses charniers juifs de cette guerre, et je le dirai aussi clairement que je le pourrai.

Ayant écrit La Grande peur des bien-pensants, je passe pour antisémite et je ne saurai m’en indigner sans hypocrisie puisque le livre dont je viens de parler est consacré à mon vieux maître Edouard Drumont.

Le mot d’antisémite est mal né, un mot qui devait tôt ou tard, comme le disent les bonnes gens « mal tourner », à l’exemple de tous ceux qu’on a formés sans grande dépense de jugement ni d’imagination, grâce à la particule prépositive anti. Hélas ! il n’est pas de mot venu du vocabulaire qui ne soit capable de diviser les hommes au point de les faire se haïr, mais il n’est d’honorable que ceux-là qui, le jour venu, sont capables de les réconcilier.

Le mot d’antisémite n’a évidemment pas en lui cette vertu. Mais Drumont ne l’a pas inventé, ni délibérément choisi.

Drumont était par naissance et par goût un homme de bibliothèque, une homme d’étude, un historien, et comme tel sans défense contre la foule. La foule s’est emparée de lui, l’a roulé dans son tumulte comme une pierre, puis est allée porter ailleurs ses applaudissements et des huées. Le mot d’antisémite n’est pas un mot d’historien, c’est un mot de foule, un mot de masse, et le destin de pareils mots est de ruisseler, tôt ou tard, de sang innocent.

Je comprends bien qu’en tête de ces pages le nom de Drumont fasse scandale. Le mien ne fera pas moins scandale à la fin, qu’importe ?

Ce double scandale n’est pas inutile, je le crois. Il donne son vrai sens au témoignage que je vais porter.

Ayant décidé de rendre, selon mes forces, justice à des mémoires héroïques, je ne vais pas à elles sous un déguisement quelconque, je vais à elles tel que je suis, sans rien renier de moi-même, de mes amis, des mes maîtres, de mon passé, tel que beaucoup de juifs me connurent et, me connaissant, m’accordèrent librement leur confiance et leur amitié.

Il est certain que ce livre aura un très grand nombre de lecteurs juifs dont la susceptibilité légendaire se trouve encore exaspérée aujourd’hui par d’affreuses, d’inénarrables preuves, mais je ne crois tout de même pas que ce soit d’abord pour eux que ce livre est écrit, que mon modeste témoignage est rendu. Je ne crois pas, personne n’est capable de croire, que les héros du ghetto de Varsovie se soient sacrifiés dans le seul but de rendre l’orgueil de leur de leur race à ceux qui ne l’ont d’ailleurs jamais perdu.

Il est permis de penser, au contraire, que leur silencieux message s’adresse précisément à ceux du dehors, à ceux qui, jugeant Israël non pas sur ses qualités ou ses défauts que sur son extraordinaire, son unique aventure à travers l’Histoire, refusent de nier lâchement un problème dont l’importance se mesure aux effroyables sacrifices humains qu’il a coûtés ; bref, il s’adresse à ceux qui – pour tout résumer en peu de mots – se sentent incapables de soutenir, contre l’évidence, aux applaudissements des imbéciles confirmés ainsi ; dans leur sécurité d’imbéciles, que le peuple juif est un peuple absolument pareil aux autres, un peuple moyen formé d’hommes moyens, tenant dans le passé une place moyenne.

Au temps de ma jeunesse, il était de bon ton, en effet, de nier qu’il y eût un problème juif, mais ces pudeurs académiques n’ont pas empêché Hitler de poser le problèmes à sa manière, avec l’immense majorité de peuple allemand pour complice.

Qui eût osé prédire, en ces années déjà lointaines, qu’un demi-siècle plus tard, une jeunesse juive enthousiaste, sur la terre même de ses aïeux et sous son propre étendard, défierait l’immense monde arabe, et ferait plier, à deux reprises, la volonté de l’Angleterre ?

Qu’en ces derniers temps, Israël ait été une fois de plus broyé comme le grain sous la meule, comme le raisin dans le pressoir, le fait n’a rien qui puisse surprendre.

Depuis deux mille ans, c’est bien ainsi que par une espèce de substitution formidable, il nous apparaît sous les traits de celui qu’il vit lui-même un jour, au seuil du prétoire de Pilate, le visage défiguré par les coups, sa robe blanche trempée du sang de la flagellation : Ecce Homo…

Mais il semble bien que cette dernière expérience ne sera pas renouvelée, que la preuve est faite désormais qu’aucune persécution n’est capable d’en finir avec un peuple dont le génie est précisément de lasser la patience et d’épuiser l’imagination des bourreaux.

Les charniers refroidissent lentement, la dépouille des martyrs retourne à la terres, l’herbe avare et les ronces recouvrent le sol impur où tant de moribonds ont sué leur dernière sueur, les fours crématoires eux-mêmes s’ouvrent béants et vides sur les matins et sur les soirs, mais c’est bien loin maintenant de l’Allemagne, c’est aux rives du Jourdain que lève la semence des héros du ghetto de Varsovie.

Ce qui a au cours des siècles opposé le monde chrétien au monde juif n’est sans doute qu’un malentendu, mais c’est un malentendu fonda-mental, et qui en pénétrerait le sens connaîtrait du même coup, peut-être, la signification totale de l’Histoire.

Autre chose est de haïr, autre chose est de méconnaître, et si nous avions le courage d’aller au-delà des apparences, nous devrions sans doute convenir que le plus grand malheur d’Israël n’est pas d’avoir été si constamment haï, c’est d’avoir été non moins constamment méconnu et de n’avoir été méconnu que pour s’être méconnu lui-même.

Dans l’extraordinaire récit qu’on va lire, on remarquera qu’une grande partie de la population du ghetto s’est presque jusqu’au bout refusée à organiser la lutte.

Oh, certes on peut dire que ce fut par crainte, ou même par simple bon sens, car il était clair qu’une poignée de héros n’avait aucune chance d’affronter la Wehrmacht avec quelque espoir de succès.

Mais je crois aussi que, le sachant ou sans le savoir, les opposants à l’insurrection obéissaient à une vieille conception juive de l’honneur, très étrangère à notre sensibilité, conformant ainsi leur attitude à l’attitude immémoriale dé leurs pères, depuis la dispersion.

L’honneur juif en effet, depuis deux mille ans, n’est pas de résister par la force, mais par la Patience, par tous les moyens de la patience, car le but que se propose, que s’est toujours proposé ce peuple impérissable n’est pas de vaincre, mais de durer ; c’est de la durée qu’il attend le salut. Qu’Israël dure, et le Très-Haut vaincra pour lui.

En attendant, l’honneur, c’est de rester juif et de faire des enfants juifs, d’en faire assez pour que tous les pogroms ne puissent anéantir ce que Dieu a ordonné de conserver.

L’honneur n’est pas de venger les morts, c’est-à-dire d’en grossir autant le nombre, car Israël veut vivre et non pas mourir. Israël aime la vie d’un amour farouche tout en la blasphémant sans cesse, son Dieu est celui des vivants, non des morts.

Après tout, on oublie trop qu’au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ, un grand nombre de Juifs fidèles, parmi les plus instruits, ne croyaient pas à l’immortalité de l’âme.

Voilà ce que la Chrétienté médiévale n’a pas compris. La chrétienté médiévale attachait à sa propre conception de l’honneur une importance capitale.

La lecture de Plutarque ne lui avait même pas révélé qu’il y en eût une autre que la sienne, elle lisait Plutarque avec des yeux chrétiens, c’est ce qui apparaît si clairement chez Amyot. Eût-elle vu plus clair, qu’elle eût d’ailleurs refusé de se poser le problème.

Elle faisait au juif l’injure de le dispenser de l’honneur, et nommément de l’honneur militaire, elle fermait obstinément les yeux sur les causes réelles de la survivance du peuple juif à travers l’Histoire, sur la fidélité à lui-même, à sa loi, à ses ancêtres, fidélité qui avait pourtant de quoi émouvoir son âme.

Parce que cette fidélité n’était pas une fidélité militaire, de tradition et d’esprit militaire, elle maintenait le juif hors d’une fraternité militaire dont n’était même pas exclu l’Infidèle. Et le juif devait nécessairement s’accommoder d’une telle exclusion, s’y installer, en tirer profit. Ainsi le malentendu n’a cessé de s’aggraver au cours des âges.

Certains peuples conquis par les armes, puis assimilés au point de disparaître comme peuples, laissaient une mémoire glorieuse simplement parce qu’ils n’avaient capitulé qu’après s’être battus, qu’ils avaient fait une capitulation militaire.

Au lieu que le peuple juif battu sans combat, mais jamais assimilé, n’obtenait’ rien de plus (qu’une espèce de curiosité indifférente. Il est vrai qu’il ne demandait rien de plus, puisqu’il lui suffisait de survivre, fût-ce dans l’injustice et le mépris, jus-qu’à ce que l’ombre du Très-Haut couvrît la terre — Dispersit superbos.

Oui, voilà ce que nous n’avons pas nous-mêmes toujours compris. Si l’honneur pour un peuple n’est pas de vaincre mais de subsister coûte que coûte jusqu’au jour certain, inéluctable, où Dieu doit triompher à sa place, il n’est pas équitable de le juger selon les règles de l’honneur chevaleresque…

Je me souviens du soir où l’enfant magnifique auquel j’ai dédié ces pages me parlait coeur à coeur, m’ouvrait son coeur, tandis que l’encens d’une soirée tropicale entrait à flots par la fenêtre ouverte. Il me parlait de sa famille, de ses amis, de certaines expériences qui avaient blessé profondément une sensibilité précocement douloureuse.

Son départ pour Londres lui apparaissait comme la voie du salut, son destin passait par Londres… «Je leur montrerai, me dit-il tout à coup, comment un luit peut se battre.» Et ce «leur» mystérieux prenait dans sa bouche un accent de sérieux enfantin qui me frappa le coeur d’un pressentiment funèbre.

Oh! sans doute, l’enfant que j’avais là devant moi ressemblait comme un frère à n’importe quel jeune garçon de bonne race que tentent le risque. et l’honneur, mais son enthousiasme trop réfléchi, volontaire, avait aussi je ne sais quoi de blessé, comme certains rires une imperceptible fêlure.

Le regard qui me fixait posait une question à laquelle je n’osais pas répondre. Mais les héros de Varsovie et lui-même ont depuis répondu pour moi.

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Curzio Malaparte dans le ghetto de Varsovie

Dans l’immense Kaputt, Curzio Malaparte retrace son expérience terriblement douloureuse pour son esprit, sans sensibilité, de la cruauté nazie, de la barbarie raffinée et sans bornes. Lui qui avait rejoint, par idéalisme, la cause fasciste qu’il espérait à la fois social et élevant le niveau de la civilisation, est confronté à l’échec dans l’ignominie la plus complète.

« Il y a une sorte d’avilissement voulu dans l’arrogance et la brutalité de l’Allemand, un profond besoin d’auto-dénigrement dans son impitoyable cruauté, une fureur d’abjection dans sa « peur » mystérieuse.

J’écoutais les paroles des commensaux avec une pitié et une horreur que je m’efforçais en vain de cacher, quand [le gouverneur nazi de Pologne] Frank, s’apercevant de ma gêne, et peut-être aussi pour me faire participer à son impression d’humiliation morbide, se tourna vers moi avec un sourire ironique et me demanda « Êtes-vous allé voir le ghetto, mein lieber Malaparte? »

J’étais allé, quelques jours plus tôt, dans le ghetto de Varsovie.

J’avais franchi le seuil de la « ville interdite » ceinte de cette haute muraille de briques rouges, que les Allemands ont construite pour enfermer dans le ghetto, comme dans une cage, de misérables fauves désarmés.

A la porte gardée par un peloton de SS armés de mitrailleuses, était collée l’affiche, signée du gouverneur Fischer, menaçant de la peine de mort tout Juif qui se fût risqué à sortir du ghetto.

Dès les premiers pas, tout comme dans les « villes interdites » de Cracovie, de Lublin, de Czenftochowa, j’avais été atterré par le silence de glace qui régnait dans les rues, bondées d’une lugubre population apeurée et déguenillée.

J’avais essayé de parcourir le ghetto tout seul, et de me passer de l’escorte de l’agent de la Gestapo qui me suivait partout comme une ombre ; mais les ordres du gouverneur Fischer étaient sévères, et cette fois-là encore il avait fallu me résigner à la compagnie du Garde Noir, un grand jeune homme blond au visage maigre, au regard clair et froid.

Il avait une figure très belle, avec un front haut et pur que son casque d’acier obscurcissait d’une ombre secrète. Il marchait au milieu des Juifs, comme un Ange du Dieu d’Israël.

Le silence était léger, transparent on eût dit qu’il flottait dans l’air.

Au-dessous de ce silence, on entendait le léger craquement de mille pas sur la neige, semblable à un rince-ment de dents. Intrigués par mon uniforme d’officier italien, les hommes levaient des visages barbus, et me fixaient avec des yeux mis-clos, rougis par le froid, la fièvre et la faim : des larmes brillaient dans les cils et coulaient dans les barbes sales.

S’il m’arrivait, dans la foule, de heurter quelqu’un, je m’excusais, je disais : « prosze Pana «  et celui que j’avais heurté levait la tête et me fixait d’un air de stupeur et d’incrédulité.

Je souriais et je répétais : « prosze Pana », parce que je savais que ma politesse était pour eux quelque chose de merveilleux, qu’après deux années et demie d’angoisse et d’un rebutant esclavage, c’était la première fois qu’un officier ennemi (je n’étais pas un officier allemand, j’étais un officier italien, mais il ne suffisait pas que je ne fusse pas un officier allemand : non, cela ne devait pas suffire) — disait poliment « prosze Pana » à un pauvre Juif du ghetto de Varsovie.

De temps en temps, il me fallait enjamber un mort; je marchais au milieu de la foule sans voir ou je mettais les pieds et, parfois, je trébuchais contre un cadavre étendu sur le trottoir entre les candélabres rituels.

Les morts gisaient, abandonnés dans la neige dans l’attente que le char des « monatti » passât les emporter : mais la mortalité était élevée, les chars peu nombreux, on n’avait pas le temps de les emporter tous, et les cadavres restaient là des jours et des jours, étendus dans la neige entre les candélabres éteints.

Beaucoup gisaient à terre dans les vestibules des maisons, dans les corridors, sur les paliers d’escaliers ou sur des lits dans des chambres bondées d’êtres pâles et silencieux. Ils avaient la barbe souillée de neige et de boue.

Certains avaient les yeux ouverts et regardaient la foule passer, nous suivant longtemps de leur regard blanc. Ils étaient raides et durs : on eût dit des statues de bois.

Des morts juifs de Chagall.

Les barbes semblaient bleues dans les maigres visages rendus livides par le gel et par la mort. D’un bleu si pur qu’il rappelait le bleu de certaines algues marines. D’un bleu si mystérieux qu’il rappelait la mer, ce bleu mystérieux de la mer à certaines heures mystérieuses du jour.

Le silence des rues de la ville interdite ce silence glacial, parcouru, comme par un frisson, de ce léger grincement de dents, m’écrasait à tel point qu’à un certain moment, je commençai à parler tout seul, à haute voix.

Tout le monde se retourna pour me regarder, avec une expression de profond étonnement et un regard apeuré. Alors je me mis à observer les yeux des gens.

Presque tous les visages d’hommes étaient barbus. Les quelques figures glabres que j’apercevais étaient épouvantables tant la faim et le désespoir s’y montraient nus.

La face des adolescents était couverte d’un duvet frisé rougeâtre ou noirâtre sur une peau de cire. Le visage des femmes et des enfants semblait en papier mâché. Et sur toutes ces figures, il y avait déjà l’ombre bleue de la mort.

Dans ces visages couleur de papier gris ou d’une blancheur crayeuse, les yeux semblaient d’étranges insectes fouillant au fond des orbites avec des pattes poilues pour sucer le peu de lumière qui brillait au-dedans.

A mon approche, ces répugnants insectes se mettaient à remuer avec inquiétude et, quittant un instant leur proie, surgissaient du fond des orbites comme du fond d’une tanière, et me fixaient apeurés.

C’étaient des yeux d’une extraordinaire vivacité, les uns brûlés par la fièvre, les autres humides et mélancoliques. Certains luisaient de reflets verdâtres comme des scarabées. D’autres étaient rouges, ou noirs, ou blancs, certains éteints, opaques, et comme ternis par le voile mince de la cataracte.

Les yeux des femmes avaient une courageuse fermeté : elles soutenaient mon regard avec un mépris insolent, puis fixaient en pleine figure le Garde Noir qui m’accompagnait, et je voyais une expression de peur et d’horreur les assombrir tout à coup.

Mais les yeux des enfants étaient terribles, je ne pouvais les regarder.

Sur cette foule noire, vêtue de longs caftans noirs, le front couvert d’une calotte noire, stagnait un ciel d’ouate sale, de coton hydrophile.

Aux carrefours stationnaient des couples de gendarmes juifs, l’étoile de David imprimée en lettres rouges sur leur brassard jaune, immobiles et impassibles au milieu d’un trafic incessant de traîneaux tirés par des troïkas d’enfants, de petites voitures de bébé et de petits « pousse » chargés de meubles, de tas de chiffons, de ferraille, de toutes sortes de marchandises misérables.

Des groupes de gens se rassemblaient de temps en temps à un coin de rue, battant la semelle sur la neige gelée, se tapant les épaules de leurs mains grandes ouvertes, et se serraient, s’étreignaient les uns les autres par dizaines et par vingtaines pour se communiquer un peu de chaleur.

Les lugubres petits cafés de la rue Nalewski, de la rue Przyrynek, de la rue Zarkocaymska étaient bondés de vieillards barbus debout, silencieux, serrés les uns contre les autres, peut-être pour se réchauffer, peut-être pour se donner du courage, comme font les bêtes.

Quand nous nous montrions sur le seuil, ceux qui se trouvaient prêts de la porte se rejetaient en arrière, apeurés. On entendait quelques cris d’effroi, quelques gémissements, puis le silence revenait, coupé seulement par le halètement des poitrines, ce silence de bêtes résignées à mourir.

Toux fixaient le Garde Noir qui me suivait. Tous fixaient son visage df’Ange, ce visage que tous reconnaissaient, que tous avaient vu cent fois briller parmi les oliviers près des portes de Jéricho, de Sodome, de Jérusalem.

Ce visage d’Ange annonciateur de la colère de Dieu.

Alors je souriais, je disais « prosze Pana » à ceux que je heurtais involontairement en entrant ; et je vais que ces paroles un don merveilleux.

Je disais en souriant « prosze Pana » et je voyais autour de moi, sur ces visages de papier sale, naître un pauvre sourire de stupeur, de joie, de gratitude. Je disais « prosze Pana » et je souriais.

Des équipes de jeunes faisaient le tour des rues pour ramas-ser les morts. Ils entraient dans les vestibules, montaient les escaliers, pénétraient dans les pièces. Ces jeunes « monatti » étaient en grande partie des étudiants.

La plupart venaient de Berlin, de Munich, et de Vienne ; d’autres avaient été déportés de Belgique, de France, de Hollande ou de Roumanie. Beaucou, naguère, étaient riches et heureux, habitaient une belle maison, avaient grandi parmi des meubles de luxe, de tableaux anciens, des livres, des instrutnents de musique, de l’argenterie précieuse et de fragiles bibelots maintenant ils se traînaient péniblement dans la neige, les pieds entortillés dans des loques et les vêtements en Lambeaux.

Ils parlaient français, bohémien, roumain, ou le doux allemand de Vienne. C’étaient de jeunes intellectuels élevés dans les meilleures Universités d’Europe.

Ils étaient déguenillés, affamés, dévorés de parasites, encore tout endoloris des coups, des insultes, des souffrances endurés dans les camps de concentration et au cours de leur terrible odyssée de Vienne, de clin, de Munich, de Paris, de Prague ou Bucarest jusqu’au ghetto de Varsovie, mais une belle lumière éclairait leur visage : on lisait dans leurs yeux une volonté juvénile de s’entraider, de secourir l’immense misère de leur peuple, dans leurs yeux et dans leur regard un défi noble et résolu.

Je m’arrêtais et les regardais accomplir leur œuvre de pitié. Je leur disais à voix basse en français : « Un jour vous serez libres. Vous serez heureux un jour et libres ». Les jeunes « monatti » relevaient la tête et me considéraient en souriant.

Puis, lentement, ils tournaient les yeux sur le Garde Noir qui me suivait comme une ombre, fixaient leur regard sur l’Ange au beau visage cruel, l’Ange des Écritures, annonciateur de mort, et se penchaient sur les corps étendus le long du trottoir — approchant leur sourire heureux de la face bleue des morts.

Ils soulevaient ces morts avec délicatesse, comme s’ils eussent soulevé une statue de bois. Ils les déposaient sur des chars traînés par des équipes de jeunes gens hâves et déguenillés — et la neige gardait l’empreinte des cadavres, avec ces taches jaunâtres, effroyables et mystérieuses, que les morts laissent sur tout ce qu’ils touchent.

Des bandes de chiens osseux venaient renifler l’air derrière les funèbres convois, et des troupes d’enfants loqueteux, la figure marquée par la faim, l’insomnie et la peur, ramassaient dans la neige les guenilles, les morceaux de papier, les pots vides, les pelures de pommes de terre, toutes ces précieuses épaves que misère, la faim et la mort laissent toujours derrière elles.

De l’intérieur des maisons, j’entendais parfois s’élever un chant faible, une plainte monotone qui cessaient aussitôt que j’apparaissais sur le seuil.

Une odeur indéfinissable de saleté, de vêtements mouillés, de chair morte imprégnait l’air des pièces lugubres où des foules misérables de vieillards de femmes et d’enfants vivaient entassées comme des prisonniers : les uns assis par terre, les autres debout, adossés au mur, certains étendus sur des tas de paille et de papier Lee malades, les moribonds, les morts, gisaient sur les lits.

Tous se taisaient brusquement, me regardant et regardanr l’Ange qui me suivait. »

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L’antisémitisme selon Moishe Postone

L’intellectuel canadien Moishe Postone d’origine juive, professeur de l’université de Chicago, vient de décéder ; il a joué un rôle intellectuel important dans l’analyse du nazisme, depuis la parution en 1986 d’un texte intitulé « Antisémitisme et national-socialisme », dont voici un passage introductif, soulignant le caractère particulier de la destruction des Juifs d’Europe.

« Qu’est‑ce qui fait la spécificité de l’Holocauste et de l’antisémitisme moderne ? Ni le nombre des hommes qui furent assassinés ni l’étendue de leurs souffrances : ce n’est pas une question de quantité. Les exemples historiques de meurtres de masse et de génocides ne manquent pas. (Par exemple, les nazis assassinèrent bien plus de Russes que de juifs.)

En réalité, il s’agit d’une spécificité qualitative. Certains aspects de l’anéantissement du judaïsme européen restent inexplicables tant que l’on traite l’antisémitisme comme un exemple particulier d’une stratégie du bouc émissaire dont les victimes auraient fort bien pu être les membres de n’importe quel autre groupe.

L’Holocauste se caractérise par un sens de la mission idéologique, par une relative absence d’émotion et de haine directe (contrairement aux pogromes, par exemple) et, ce qui est encore plus important, par son manque évident de fonctionnalité.

L’extermination des juifs n’était pas le moyen d’une autre fin. Les juifs ne furent pas exterminés pour une raison militaire ni au cours d’un violent processus d’acquisition territoriale (comme ce fut le cas pour les Indiens d’Amérique ou les Tasmaniens).

Il ne s’agissait pas davantage d’éliminer les résistants potentiels parmi les juifs pour exploiter plus facilement les autres en tant qu’ilotes. (C’était là par ailleurs la politique des nazis à l’égard des Polonais et des Russes.) Il n’y avait pas non plus un quelconque autre but « extérieur ».

L’extermination des juifs ne devait pas seulement être totale, elle était une fin en soi : l’extermination pour l’extermination, une fin exigeant la priorité absolue.

Ni une explication fonctionnaliste du meurtre de masse ni une théorie de l’antisémitisme centrée sur la notion de bouc émissaire ne sauraient fournir d’explication satisfaisante au fait que, pendant les dernières années de la guerre, une importante partie des chemins de fer fut utilisée pour transporter les juifs vers les chambres à gaz et non pour soutenir la logistique de l’armée alors que la Wehrmacht était écrasée par l’Armée rouge.

Une fois reconnue la spécificité qualitative de l’anéantissement du judaïsme européen, il devient évident que toutes les tentatives d’explication qui s’appuient sur les notions de capitalisme, de racisme, de bureaucratie, de répression sexuelle ou de personnalité autoritaire demeurent beaucoup trop générales. »

Si ce caractère particulier de la Shoah est ou devrait être évident, Moishe Postone considère que l’antisémitisme est, de plus, une sorte de sous-produit naturel du capitalisme.

A l’opposé de la Gauche – on est ici dans la tradition de l’ultra-gauche – Moishe Postone considère ainsi que l’antisémitisme n’est ni un « socialisme des imbéciles », ni un romantisme anti-moderne, mais l’expression organique, propre au capitalisme, d’une tentative de destruction de « l’abstraction » à laquelle serait associé la population juive.

Il ne voit pas en le nazisme l’expression folle d’un capitalisme conquérant et militariste, mais comme l’aboutissement triomphant d’un antisémitisme qui serait une sorte de fuite en avant anticapitaliste indépendante des luttes des classes : à défaut de saisir la nature du capitalisme, les antisémites combattent une fantasmagorie, « l’abstraction ».

Moishe Postone fait ainsi de l’antisémitisme – à l’opposé de la vision qu’en a la Gauche – non pas un racisme y compris ayant une dimension « anticapitaliste » – mais une idéologie purement autonome, capable d’intervenir dans l’Histoire, qu’on ne peut combattre que par la raison intellectuelle.

Il dit pour cette raison dans « Antisémitisme et national-socialisme » :

« C’est Auschwitz — et non la prise de pouvoir en 1933 — qui fut la véritable « révolution allemande », la véritable tentative de « renversement » non seulement d’un ordre politique mais de la formation sociale existante.

Cet acte devait préserver le monde de la tyrannie de l’abstrait. Ce faisant, les nazis se sont « libérés » eux‑mêmes de l’humanité. »

Cette lecture d’un antisémitisme « autonome » a été reprise en tant que telle par le courant dit de la « théorie critique », se revendiquant du philosophe Theodor W. Adorno, et composant la très grande majorité de la gauche alternative allemande des années 1990-2000. La presse germanophone s’est donc faite écho du décès de Moishe Postone.

L’un des effets notables de l’influence de Moishe Postone a été la naissance à un mouvement « anti-deutsch », anti-allemand, qui a provoqué des polémiques importantes en appelant au soutien unilatéral d’Israël, voire des États-Unis, au nom de la lutte prioritaire contre l’antisémitisme comme idéologie autonome qui dominerait l’Allemagne.

Moishe Postone est également très apprécié chez les partisans d’une « critique de la valeur », courant d’ultra-gauche opposant Karl Marx à la Gauche historique, dont le site Palim-Psao.fr propose les documents (ainsi que de nombreux articles de ou sur Moishe Postone).

Voici quelques citations de Moishe Postone expliquant sa vision de l’antisémitisme comme idéologie « autonome » cherchant à combattre « l’abstraction ».

«  Le pouvoir attribué aux juifs par l’antisémitisme n’est pas seulement conçu comme plus grand mais aussi comme réel et non comme potentiel. Cette différence qualitative est exprimée par l’antisémitisme moderne en termes de mystérieuse présence insaisissable, abstraite et universelle.

Ce pouvoir n’apparaît pas en tant que tel mais cherche un support  concret — politique, social ou culturel — à travers lequel il puisse fonctionner. Étant donné que ce pouvoir n’est pas fixé concrètement, qu’il n’est pas  » enraciné « , il est ressenti comme immensément grand et difficilement contrôlable. Il est censé se tenir derrière les apparences sans leur être identique. Sa source est  donc cachée, conspiratrice. Les juifs sont synonymes d’une insaisissable conspiration internationale, démesurément puissante. »

[…]

« Quand on considère les caractéristiques spécifiques du pouvoir que l’antisémitisme moderne attribue aux juifs — abstraction, insaisissabilité, universalité et mobilité —, on remarque qu’il s’agit là des caractéristiques  d’une des dimensions des formes sociales que Marx a analysées : la valeur. De plus, cette dimension — tout  comme le pouvoir attribué aux juifs — n’apparaît pas en tant que telle mais prend la forme d’un support  matériel : la marchandise. »

[…]

« Désormais, la forme phénoménale du concret est plus organique. Le capital industriel peut donc apparaître en tant que descendant direct du travail artisanal « naturel », en tant qu’« organiquement enraciné », par opposition au capital financier  » parasite  » et  » sans racines « . L’organisation du capital industriel paraît alors s’apparenter à  celle de la corporation médiévale — l’ensemble social dans lequel il se trouve est saisi comme unité organique supérieure : comme communauté (Gemeinschaft), Volk, race.

Le capital lui-même — ou plutôt ce qui est perçu comme l’aspect négatif du capitalisme— est identifié à la forme phénoménale de sa dimension abstraite, au capital financier et au capital porteur d’intérêts.

En ce sens, l’interprétation biologique qui oppose la dimension concrète (du capitalisme) en tant que  » naturelle  » et  » saine  » à l’aspect négatif de ce qui est pris pour le  » capitalisme  » ne se trouve pas en contradiction avec l’exaltation du capital industriel et de la technologie : toutes les deux se tiennent du côté  » matériel  » de l’antinomie. »

[…]

« Cette forme d’  » anticapitalisme  » repose donc sur une attaque unilatérale de l’abstrait. L’abstrait et le concret ne sont pas saisis dans leur unité, comme parties fondatrices d’une antinomie pour laquelle le dépassement effectif de l’abstrait — de la dimension de la valeur — suppose le dépassement pratique et historique de l’opposition elle-même, ainsi que celui de chacun de ses termes. »

[…]

« L’attaque  » anticapitaliste  » ne se limite pas à l’attaque contre l’abstraction. Au niveau du fétiche-capital, ce n’est pas seulement le côté concret de l’antinomie qui peut être naturalisé et biologisé, mais aussi le côté abstrait, lequel est biologisé — dans la figure du Juif.

Ainsi, l’opposition fétichisée du matériel concret et de l’abstrait, du  » naturel  » et de l’  » artificiel « , se mue en opposition raciale entre l’Aryen et le Juif, opposition qui a une signification historique mondiale.

L’antisémitisme moderne consiste en la biologisation du capitalisme saisi sous la forme de l’abstrait phénoménal, biologisation qui transforme le capitalisme en  » juiverie internationale « . »

[…]

« Les juifs n’étaient pas simplement considérés comme les représentants du capital (dans ce cas, en effet, les attaques antisémites auraient été spécifiées en termes de classe). Ils devinrent les personnifications de la domination internationale, insaisissable, destructrice et immensément puissante du capital.

Si certaines formes de mécontentement anticapitaliste se dirigeaient contre la dimension abstraite phénoménale du capital personnifiée dans la figure du Juif, ce n’est pas parce que les juifs étaient consciemment identifiés à la dimension abstraite de la valeur, mais parce que, dans l’opposition de ses dimensions abstraite et concrète, le capitalisme apparaît d’une manière telle qu’il engendre cette identification.

C’est pourquoi la révolte « anticapitaliste  » a pris la forme d’une révolte contre les juifs. La suppression du capitalisme et de ses effets négatifs fut identifiée à la suppression des juifs »

[…]

« À une époque où le concret était exalté contre l’abstrait, contre le  » capitalisme  » et contre l’État bourgeois, cette identification engendra une association fatale : les juifs étaient sans racines, cosmopolites et abstraits »

[…]

« Comprendre l’antisémitisme de cette façon permet de saisir un moment essentiel du nazisme en tant que mouvement anticapitaliste tronqué, caractérisé par une haine de l’abstrait, une propension à faire du concret existant une hypostase et une mission qui, quoique cruelle et bornée, n’est pas forcément animée par la haine : délivrer le monde de la source de tous les maux. »

[…]

« S’il est vrai qu’en 1934 les nazis ont renoncé à l’  » anticapitalisme  » trop concret et plébéien des SA, ils n’ont toutefois pas renoncé à l’idée fondamentale de l’antisémitisme : le  » savoir  » que la source de tous les maux est l’abstrait, le Juif. »

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La marche blanche en l’honneur de Mireille Knoll

Le meurtre d’une femme octogénaire qui avait échappé à la Rafle du Vél d’Hiv, Mireille Knoll, dans un crime crapuleux où elle a été lardée de coups de couteaux et vu son corps et son appartement incendié, avec un fond idéologique antisémite, a profondément ému le pays, alors que parallèlement un gendarme, Arnaud Beltrame, s’est sacrifié pour remplacer une personne otage d’un terroriste islamiste.

C’est encore l’émotion, face au terrorisme et à la barbarie. Avec le besoin de s’interposer, et toujours ce haut le cœur devant l’arbitraire, qui frappe jusqu’à une dame âgée. Avec qui plus est cet arrière-goût d’une amertume terrible consistant en cette impression de déjà vu.

L’antisémitisme, ce poison, existe en effet en France de manière désormais très particulière, et tout le monde le sait. Exclu très largement voire totalement des personnes ayant un certain niveau d’instruction, il est particulièrement présent comme fond diffus dans la population liée au travail manuel : ici la figure du « Juif » reste une sorte d’abstraction, un fantôme représentant l’intellectuel, la ville, l’argent.

Tel est le prix à payer pour l’absence d’une Gauche de la raison, de la connaissance : l’antisémitisme est le socialisme des imbéciles.

A cela s’ajoute un autre antisémitisme, d’une virulence très grande dans les milieux marqués par la religion musulmane, en raison des valeurs mises en avant dans les pays arabes qui utilisent l’antisionisme comme « anti-impérialisme » mobilisateur pour masquer leurs propres carences, mais aussi de la concurrence historique effrénée de l’Islam pour s’affirmer contre les monothéismes précédents.

C’est de là que vient toute une série de crimes, avec en arrière-plan l’attentat meurtrier de Toulouse, l’attaque contre Charlie Hebdo et l’hypercasher, l’assassinat sordide d’Ilan Halimi, celui de Sarah Halimi.

Dans ce dernier cas, comme pour Sébastien Sélam en 2003 et comme pour Mireille Knoll, voire l’ensemble des attentats et meurtres, la particularité est que les assassins relèvent de la pathologie mentale et de milieux qu’on peut définir comme « lumpen » ou « antisocial », avec la culture du trafic, de l’arnaque, de l’escroquerie, etc.

Comme on le voit, la question est donc éminemment sociale et l’Etat n’a souvent pas su quoi faire, relativisant l’antisémitisme sous prétexte que tout serait surtout un déséquilibre mental.

La marche blanche organisée hier à Paris par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) en l’honneur de Mireille Knoll est ainsi un moment très particulier.

Car elle amène avec elle la question suivante : que faire face à un antisémitisme tellement larvé qu’il s’exprime aussi ou surtout par la folie meurtrière?

Force est de constater déjà que la réaction étatique a été immédiate, avec une grande fermeté dans le symbolique. Cela correspond à la nature de la société française, qui est d’éprouver un haut-le-cœur face à l’antisémitisme, cette stupidité meurtrière, ce véritable cannibalisme social, il n’y a pas d’autre mot.

Le président de la République Emmanuel Macron a participé aux obsèques de Mireille Knoll, alors qu’étaient présents à la marche blanche le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, ainsi que celui de l’éducation, Jean-Michel Blanquer. Étaient également présents le président de l’assemblée nationale Francois de Rugy, Marlène Schiappa, Nicolas Hulot.

L’État a assumé, en bloc, mais cela reflète avant tout une exigence démocratique de la population. L’État ne fait que suivre un certain niveau de développement démocratique, portée par la gauche. Cela rappelle les émotions de Je suis Charlie ; cela rappelle la nécessité d’aller de l’avant dans le fait de vivre ensemble en élevant le niveau culturel.

Cependant, il ne faut pas se leurrer. Seulement entre 15 et 25 000 personnes étaient présentes dans cette marche partie de Nation, qui a pris le boulevard Voltaire, a rejoint, via la rue de Charonne, le domicile de Mireille Knoll au 26-32 avenue Philippe-Auguste.

Et une bonne partie d’entre elles étaient juives. La France ne veut pas de l’antisémitisme, mais ne sait pas quoi faire, comment se comporter, ce qui la paralyse et renforce le fait que la communauté juive se sente isolée.

Elle qui vit en région parisienne surtout voit bien comment ses enfants se sont faits chasser des collèges et des lycées publics populaires, en raison de l’antisémitisme rampant largement ancré par l’intermédiaire de la religion musulmane. Elle bascule d’autant plus dans un communautarisme religieux borné, superstitieux, isolationniste.

D’ailleurs, hier, la « Ligue de Défense Juive » a ouvertement soutenu la présence de Marine Le Pen, accompagnée notamment de Gilbert Collard, dans la marche blanche ; après avoir été chassée, elle est revenue en effet en queue de cortège, protégée également par la police.

C’est un épisode d’une signification très grave, le signe d’un retournement de fond. La communauté juive était, dans les années 1960, 1970 et 1980, traditionnellement de gauche. Pratiquement toutes les organisations d’extrême-gauche de mai 1968 avaient des dirigeants juifs, alors que des commandos juifs attaquaient l’extrême-droite et n’hésitaient pas à aller jusqu’à jeter de l’acide sur les membres des groupes néo-nazis.

Depuis les années 2000, le nationalisme sioniste et religieux a fondu sur la communauté juive, avec une main-mise très claire de la droite libérale économiquement et dure politiquement, et une tendance toujours plus prononcée à s’ouvrir à l’extrême-droite.

Cette logique communautariste, à la fois moyen de défense et une manipulation des dirigeants conservateurs de la communauté juive, s’aligne de plus parfaitement avec les tendances communautaristes musulmanes, le nationalisme « identitaire » de l’extrême-droite, le culte des « communautés » professé par la « gauche » universitaire, etc.

Cette situation du serpent qui se mord la queue où tout le monde se divise sur des bases ethniques, religieuses, communautaire, etc. traumatise notre pays qui se veut universaliste, et l’impossibilité de trouver une voie concrète produit des fantasmagories : le racialisme à l’extrême-gauche (avec la défense des « racisés »), le fanatisme antisémite complotiste (dont Dieudonné et Alain Soral sont des variantes culturelle et idéologique respectivement), l’antisionisme pratiquement mystique et existentialiste d’une gauche post-moderne en quête d’identité, l’activisme fasciste suprémaciste blanc, etc.

Combattre ces fantasmagories, tout comme la fuite en avant communautariste, ne peut passer que par un projet universel, collectif, ce qui signifie évidemment rejeter le libéralisme économique, mais également le libéralisme politique, le libéralisme culturel.

L’universalisme ne peut être qu’un collectivisme, qu’une fusion, et non pas simplement une « coexistence ». C’est cela, la vraie réponse à la problématique posée par la marche blanche.

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Loi sur la mémoire : l’honneur de la Pologne

L’amitié entre les peuples est un grande principe de la Gauche. Aucun peuple n’est supérieur à un autre et si jamais un peuple sombre dans la barbarie, c’est pour des raisons historiques, cela ne tient pas à la nature de ce peuple.

Nous formons une seule humanité, qui toute entière veut le bonheur et la paix. Ce principe est considéré comme naïf par ceux qui veulent diviser l’humanité, pour défendre des intérêts étroits. Mais il n’en est pas moins sacré pour la Gauche, car il faut savoir faire face aux diviseurs.

On sait malheureusement aussi comment le nationalisme est un poison qui naît dans les peuples victimes d’injustice. L’Allemagne affaiblie et humiliée en 1918 a connu ce terrible poison.

L’Ukraine le connaît actuellement : il y a quelques jours a été mise en place une milice pour épauler la police. Organisée à partir du régiment Azov, elle regroupe 600 de ces néo-nazis du fertile terreau d’un pays dévasté économiquement, humilié par l’occupation d’une partie de son territoire par des séparatistes pro-russes.

Tout l’est de l’Europe est d’ailleurs contaminé par une vague nationaliste de type néo-nazie, avec des thèmes abandonnés par la Gauche : la dignité, l’arrêt de l’effondrement du cadre juridique avec les mafias ayant l’hégémonie, le respect de la nature. Toutes les questions importantes sont déviées vers des réponses nazies, barbares.

Les réseaux sociaux connaissent une diffusion massive de jeunes blondes avec des symboles nazis ou des armes, symboles d’un « renouveau », et cela avec une base massive : en Pologne, 60 000 personnes manifestaient en novembre pour une « Pologne blanche ».

C’est en ce sens qu’il faut comprendre la loi polonaise qui punit d’une peine, allant jusqu’à trois années de prison, toute personne qui « accuse, publiquement et contre les faits, la nation polonaise, ou l’État polonais, d’être responsable ou complice des crimes nazis commis par le IIIe Reich allemand. »

La loi interdit également de parler de « camps polonais » au sujet des camps de la mort, étant donné que ceux-ci avaient été organisés par l’Allemagne nazie.

Cette loi est-elle erronée ? Non, elle est tout à fait juste. Il est tout à fait exact qu’il y a eu des exactions antisémites commis en Pologne, même après la défaite de l’Allemagne nazie.

Mais cela est indépendant de l’organisation industrielle de destruction de la population juive d’Europe par l’Allemagne nazie.

La Pologne ne faisait pas partie des États alliés à l’Allemagne nazie, directement ou indirectement, comme la Hongrie, l’Italie ou encore la Finlande et la très hypocrite Suède. La Pologne était une nation martyre, souffrant atrocement.

Elle a d’ailleurs ses héros, bien entendu, comme Jan et Antonina Żabiński, responsables du zoo de Varsovie ayant permis la fuite de centaines de Juifs. Le film de 2017 retraçant leur histoire, La Femme du gardien de zoo, s’il est mièvre, est très émouvant, mais n’est même pas sorti en salle.

Comment veut-on après connaître l’histoire des héros, l’histoire des événements réels, si on ne s’intéresse qu’à des mondes illusoires, ceux de Game of thrones ou Star Wars ?

Comment aller à l’amitié des peuples, si on célèbre des mondes imaginaires, tout en laissant justement à l’imaginaire le plus nauséabond l’image d’un pays comme la Pologne ?

Comment ne pas comprendre qu’en Pologne on en ait assez qu’il soit parlé des camps de la mort polonais, alors que Pologne était alors écrasée par l’Allemagne nazie, dirigée par le gouverneur Hans Frank ?

Hans Frank, le « bourreau de la Pologne », vivant dans une opulence baroque dans le château de Wawel, à Cracovie ; Malaparte, dans son roman Kaputt, revient à de nombreuses reprises sur cette figure sanglante et sordide, parlant d’un « singulier mélange d’intelligence cruelle, de finesse et de vulgarité, de cynisme brutal et de sensibilité raffinée ».

Il raconte en effet des soirées où la prétention à la plus haute culture côtoyait l’affirmation du cynisme destructeur le plus vil. Comme lorsqu’il décrit la scène suivante :

« C’étaient les premières notes d’un Prélude de Chopin. Dans la pièce voisine (je le voyais par la porte entrouverte), Frank était assis au piano de Madame Beck, le visage penché sur la poitrine.

Il avait le front pâle, moite de sueur. Une expression de profonde souffrance humiliait son visage orgueilleux. Il respirait péniblement, et mordait sa lèvre inférieure. Il avait les yeux fermés ; je voyais ses paupières trembler.

C’est un malade, pensai-je. Et, tout de suite, cette idée me contraria.

Tous, autour de moi, écoutaient en silence, en retenant leur souffle. Les notes du Prélude, si pures, si légères s’envolaient dans l’air tiède comme des petits tracts de propagande lancés par un avion.

Sur chaque notre était imprimé en capitales rouges : VIVE LA POLOGNE !

A travers les vitres de la fenêtre, je regardais les flocons de neige tomber lentement sur l’immense Place de Saxe, déserte sous la lune, et sur chaque flocon était écrit en capitales rouges : VIVE LA POLOGNE ! »

Malaparte explique ressentir « un sentiment de honte et de révolte » alors que le bourreau de la Pologne osait jouer, dans le Palais de Brühl, à Varsovie, l’immense compositeur polonais Chopin.

C’est le même sentiment de honte et de révolte qui traverse la Pologne quand on l’accuse d’être l’auteure de ce dont l’Allemagne nazie est responsable.

Quant aux exactions antisémites, aux pogroms, faut-il en accuser la nation polonaise toute entière ? Certainement pas, pas plus d’ailleurs qu’il faut haïr l’Allemagne. Tous les peuples sont égaux et frères et c’est malheureusement l’histoire, dirigée par des criminels, des conquérants, des pillards, qui les divisent.

Il n’y aucune raison d’accuser la Pologne, cette nation martyre victime du bourreau nazi, et de dédouaner justement ce dernier du système général de destruction qu’il a alors mis en place.

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« Youpi j’ai compris ! » et l’existence d’Israël

Toute personne de gauche sait très bien que le peuple palestinien connaît une situation humainement extrêmement difficile, de par la raison de la politique de l’État israélien. Même la droite israélienne la plus cynique le reconnaît elle-même.

Le souci qu’il y a, c’est qu’avec l’histoire de l’antisémitisme, Israël est devenu un prétexte pour une sorte de folie furieuse, de véritable passion totalement déconnectée de la réalité.

Ainsi, lorsque Donald Trump a décidé de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem, tous les médias se sont empressés de dire que le président américain avait reconnu cette ville comme capitale israélienne. Le titre du Monde est ainsi « Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, une décision historique et unilatérale ».

La presse internationale a fait de même. Or, c’est entièrement faux, parce que cela fait bien longtemps que les États-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël.

Le congrès américain avait ainsi voté en 1995 un « Jerusalem Embassy Act » annonçant le transfert de l’ambassade américaine dans les quatre ans. Le vote avait été écrasant, tant au Sénat (93 voix contre 5) qu’à la Chambre des représentants (374 contre 37).

Barack Obama avait déjà affirmé que Jérusalem était la capitale d’Israël lors de sa candidature à la nomination comme candidat du parti démocrate, ainsi que lors de sa candidature aux présidentielles. C’était même déjà une promesse électorale de Bill Clinton en 1992.

On peut tout à fait critiquer cela, en disant que cela rentre en conflit avec le projet de partition de l’ONU fait en 1947.

La gauche a d’ailleurs historiquement soutenu cette partition et l’URSS sera le premier pays à reconnaître juridiquement l’État israélien.

Mais si critique il doit y avoir, alors il faut le faire de manière rationnelle, sans quoi, on est dans la mise en scène, pas dans une aide quelconque au peuple palestinien.

Ce qui se passe réellement n’intéresse pas des gens qui ont intérêt à se présenter comme faisant face à une ignominie immédiate, apparue de nulle part, eux-mêmes faisant office de justicier.

Les faits sont niés, pour apparaître comme « radical » – une démarche qui relève historiquement de l’extrême-droite, pas d’une gauche fondée sur les idées. Cela montre à quel point l’antisémitisme est si puissant qu’il se sert de la question israélo-palestinienne pour ses projections.

Un exemple significatif de cette course à l’échalote se trouve dans le dernier numéro du magazine pour enfant de 5-8 ans « Youpi j’ai compris ! », dont Bayard Presse – la grande maison d’édition catholique française, éditrice notamment de Babar, Pomme d’Api, Okapi, J’aime Lire, Phosphore, etc. – a annoncé hier le retrait devant des protestations.

La raison en est que l’existence de l’État israélien est niée, malgré sa reconnaissance par les Nations-Unies en 1948, dans la foulée de la réalisation du plan de partage de la Palestine du 29 novembre 1947.

Tout cela totalement absurde : on peut exiger un État nouveau sous la forme d’une fédération israélo-palestinienne, ou sous la forme d’une République laïque unifiée. Mais nier les faits en disant : cela n’existe pas, cela n’a pas de sens.

Les seuls qui ont adopté cette démarche, ce sont les partisans du panarabisme, du parti Baath comme en Syrie et en Irak, qui ont toujours parlé de « l’entité sioniste ». Avec les résultats que l’on sait : la manipulation démagogique des opinions publiques arabes, l’antisémitisme forcené.

Sans que rien ne change pour le peuple palestinien, qui perd chaque jour davantage du terrain depuis 1947, étant qui plus est dominés par les islamistes ou une OLP totalement corrompue.

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Jean-Luc Mélenchon dénonce la perfidie et les liens « familiaux », « communautaires » de Léa Salamé

Après le message twitter indéfendable de Gérard Filoche, c’est Jean-Luc Mélenchon dont « la langue a fourché ». Il a tenu des propos en effet très particuliers, dans son compte-rendu critique de son passage le 30 novembre à l’émission « L’Émission politique » sur France 2.

Dans son article Le lendemain de l’émission, publié le 4 décembre, Jean-Luc Mélenchon raconte qu’il a été piégé par la journaliste Léa Salamé et dresse le constat suivant :

 « Je ne me suis pas préoccupé de ses liens familiaux, politiques et communautaires. »

Il a modifié ce passage le lundi à 21h45. Le passage donne alors :

« Je ne me suis pas préoccupé de ses liens familiaux et communautaires politiques. »

Or, des liens « communautaires politiques », cela ne veut rien dire. Jean-Luc a juste déplacé le mot « politique », afin de laisser penser qu’il avait mal tourné sa phrase. Il est évident toutefois que cela n’est pas crédible.

Surtout que, dans les faits, cela ne change pas grand chose, puisque les liens « familiaux » sont censés rester un problème. C’est une allusion au fait que Léa Salamé, journaliste franco-libanaise, est marié à Raphaël Glucksmann.

Impossible de ne pas voir, en la réaction de Jean-Luc Mélenchon, une allusion de type antisémite, une dénonciation masquée des « journalistes juifs ».

Cela est d’autant plus vrai que Jean-Luc Mélenchon dénonce un complot, une manipulation, c’est-à-dire en français, la « perfidie »…

C’est là une véritable accumulation de clichés.

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Gérard Filoche est indéfendable

Être de gauche, c’est se mettre au service des gens, vouloir leur bonheur, et réfléchir avant d’agir. Une fois que l’on a dit cela, on sait que dans l’histoire il y a eu des grands combats d’idées, des différences, la plus connue étant celle ayant provoqué la scission suite au Congrès de Tours de 1920.

Dans la tradition socialiste comme dans la tradition communiste cependant, qui puisent à une même source, le mouvement ouvrier, on réfléchit avant d’agir. On choisit ce qu’on fait, de manière rationnelle, après avoir débattu.

C’est le principe du parti, du débat d’idées dans le parti, du fait d’assumer tous ensemble ce qui a été décidé de manière démocratique, de considérer que les idées mises en avant portent le progrès et de se poser comme locomotive de l’histoire.

On sait à quel point tout cela a été galvaudé et l’erreur fatale de Gérard Filoche sonne comme un avertissement. Quand on se coupe des traditions de la gauche historique, quand on n’est pas au niveau culturellement, on bascule du mauvais côté.

Gérard Filoche

C’est un avertissement parce que Gérard Filoche s’est posé justement comme le grand gardien des traditions historiques au sein du Parti Socialiste. Il avait même créé sa propre fraction, « Démocratie & Socialisme », qui prônait une sorte de retour aux sources.

Seulement le problème, c’est que Gérard Filoche est comme Jean-Luc Mélenchon : c’est un tribun. Tant lui que Jean-Luc Mélenchon balancent des idées, des propositions, mais ils ne réfléchissent pas, ils ne pensent pas, ils n’ont pas de socle bien déterminé.

Cela en fait des populistes de gauche, qui au pire apparaissent comme des Don Quichotte de la cause sociale, comme Georges Marchais en son temps, au mieux comme des sortes de nouveaux François Mitterrand.

Gérard Filoche a été d’une grande complaisance avec son propre populisme. Il faisait figure de trouble-fête, pas réellement pris au sérieux par la direction du Parti Socialiste, mais toujours utile pour donner une image de gauche à ce parti gouvernemental.

Acceptant ce rôle, prenant régulièrement la parole dans les médias ou sur son blog, Gérard Filoche a toujours cherché à apparaître comme spontané, emporté, émotif, voire aux bords des larmes même.

On pouvait alors la puce à l’oreille, tout de même, en se rappelant qu’il a une expérience politique énorme, étant l’un des principaux cadres de la Ligue Communiste Révolutionnaire dès les années 1960, appartenant pendant 25 ans à sa direction.

En ce sens, en tant que membre du Parti Socialiste qui plus est depuis 1994, il ne saurait y avoir de hasard dans son choix d’une image à caractère nazi. En publiant une telle image sur tweeter, Gérard Filoche savait pertinemment ce qu’il faisait.

A moins de le prendre pour un imbécile, ce qu’il n’est certainement pas, une autre explication est impossible.

Ayant échoué à rompre sur une base révolutionnaire avec le Parti Socialiste, il ne lui restait plus qu’une option : la fuite en avant de type ultra-populiste. Sa trajectoire est, en fait, une sorte de condensé de ce qu’a fait Jean-Luc Mélenchon sur plusieurs années.

Voir cela en se rappelant ce que raconte l’historien Sternhell sur les gens de gauche qui passent à droite fait très peur quand on voit la nature de l’image qu’a posté Gérard Filoche sur Tweetter, lui valant une exclusion quasi-immédiate du Parti Socialiste. Au grand dam de Gérard Filoche, qui prétend avoir agi vite et mal, mais être de bonne foi, dénonçant un « procès en sorcellerie », une « cabale » (cette expression étant historiquement issue de l’imaginaire antisémite, ce que quelqu’un de cultivé comme Gérard Filoche ne peut pas ne pas savoir).

Nul ne peut prétendre pourtant, comme Gérard Filoche le fait, que « l’image Macron + argent est totalement banale ». Encore moins dans une image associant l’argent, les États-Unis et Israël. On est là dans une argumentation typiquement nazie, tout comme en témoigne ce que Gérard Filoche a lui-même écrit :

« Un sale type, les Français vont le savoir tous ensemble bientôt »

Cette opposition entre « les Français » et les parasites extérieurs est un thème essentiel de l’antisémitisme. On est ici dans l’idéologie du « ni Washington ni Tel Aviv » historiquement porté en France par les courants « nationaux-révolutionnaires ».

Le message posté sur twitter par Gérard Filoche, reprenant une image de propagande antisémite

Par ailleurs, les personnes que l’on voit à côté d’Emmanuel Macron sont le PDG d’Altice Patrick Drahi, le banquier Jacob Rothschild et l’ancien conseiller de François Mitterrand Jacques Attali.

Le choix de leur présence vise à associer Emmanuel Macron à la figure nazie des « banquiers juifs » dont il serait la marionnette.

On a même des billets de banque en arrière-plan, et une planète, avec marqué « en marche vers le chaos mondial », ce qui correspond clairement à l’imaginaire fasciste. Qu’Emmanuel Macron ait un brassard nazi, où la croix gammée est remplacée par un dollar, est bien entendu ici une provocation servant de cerise sur le gâteau.

Que cette image ait été produite par « Égalité & Réconciliation », qui pour une fois a maille à partir avec la justice pour cela (Alain Soral est convoqué au tribunal en janvier pour cela), n’a rien d’étonnant et Gérard Filoche ne pouvait pas ne pas voir la dimension antisémite.

Il a joué avec le feu, il a agi sans réfléchir. Cela l’exclue par définition de la gauche, et encore plus quand cette actions sans réflexion converge avec l’extrême-droite.

Gérard Filoche est indéfendable et pourtant il y en a qui font semblant d’être naïfs, comme dans cette pétition de soutien, également mise en avant dans l’Humanité.

L’honneur d’un militant, Gérard Filoche

Oui, Gérard Filoche a retweeté un montage photo mettant en cause Emmanuel Macron dont, dans la précipitation, il n’a pas immédiatement perçu le caractère antisémite. Il s’est rapidement rendu compte de son erreur, a retiré le tweet, s’est excusé publiquement, a répondu aux journalistes. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais le tweet a été relayé sur la Toile pendant plusieurs jours, au point de devenir une affaire d’État.

Les condamnations, sans la moindre prise de recul, ont abondé. Le PS qui, ces temps-ci, peine tant à parler d’une seule voix, a retrouvé son unité pour exclure à bon compte une de ses dernières voix de gauche, sans autre forme de procès.

Voilà le plus inquiétant : les réseaux sociaux sont devenus le procureur le plus expéditif et le plus implacable, et, derrière eux, certains médias aussitôt aboient à l’unisson. Filoche est donc antisémite : la sentence de Facebook est tombée. Qu’il disparaisse sur-le-champ ! Nous ne pouvons accepter cette accusation scandaleuse, cette atteinte portée à l’honneur d’un militant qui a consacré sa vie entière à défendre les libertés syndicales et le Code du travail, à lutter contre le racisme et l’antisémitisme (il fait partie des fondateurs de SOS ­Racisme).

Cette polémique, comme celle qui oppose Charlie Hebdo et Mediapart, témoigne d’une extraordinaire dégradation du débat public. Journalistes et politiques rivalisent dans la surenchère et dans l’anathème. Il faudrait admettre une bonne fois que Twitter ne favorise pas l’intelligence dans le temps long, qui est celui de toute pensée politique digne de ce nom. Gérard Filoche a aujourd’hui l’occasion cuisante de s’en rendre compte, tandis que ses détracteurs continuent de tapoter furieusement sur les claviers de leurs smartphones.

Pendant ce temps, l’antisémitisme et le racisme répandent leur poison. Manuel Valls, si prompt à dénoncer l’antisémitisme, affirmait cette semaine encore que les musulmans « sont un problème ». Ce n’est pas la première fois, et il n’a jamais été inquiété pour ce type de propos. Ça suffit.

Pour signer ce texte : http://pour-lhonneur-de-gerard-filoche.org

Premiers signataires : Guy Bedos, artiste, Christine Blum, consultante, Jacques Bidet, philosophe, Patrick Brody, syndicaliste, Patrick Chamoiseau, écrivain, Annick Coupé, syndicaliste, Jean-Baptiste Del Amo, écrivain, Christine Delphy, sociologue, Christian de Montlibert, sociologue, Annie Ernaux, écrivaine, Karl Ghazi, syndicaliste, Jean-Marie Harribey, économiste, Anne Hessel, Danièle Kergoat, sociologue, Pierre Khalfa, économiste et syndicaliste, Jean-Marie Laclavetine, écrivain et éditeur, Philippe Marlière, politiste, Gus Massiah, économiste, Gérard Mauger, sociologue, Christiane Marty, altermondialiste, Jean-Pierre Mercier, syndicaliste, Gérard Mordillat, écrivain, Gérard Noiriel, historien, Willy Pelletier, sociologue, Michel Pialoux, sociologue, Michel Pinçon-Charlot, sociologue, Monique Pinçon-Charlot, sociologue, Louis Pinto, sociologue, Patrick Raynal, écrivain, François Ruffin, réalisateur.

Cela n’a pas de sens. Gérard Filoche a choisi une approche populiste, qui a été aveugle sur sa propre nature. Il est indéfendable.