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Écologie

Corse: il y a 60 ans s’affirmait la bataille démocratique et populaire contre la base nucléaire de l’Argentella

Il y a 60 ans, le 2 mai 1960, un grand rassemblement populaire avait lieu à Ponte-Novo pour s’opposer au projet de base nucléaire de l’Argentella, entre Calvi et Galeria. La vigueur du mouvement démocratique Corse fit alors rapidement plier l’État français, confronté à une vague massive, marquant profondément l’île sur le plan politique et culturel. Cela contribua directement à l’affirmation de la conscience nationale dans les années suivantes et à une sensibilité écologiste marquée.

La bataille contre la base nucléaire de l’Argentella avait commencée dès le 20 avril 1960 avec des comités de défense contre le projet se lançant à Ajaccio, Bastia, Corte, Marseille et Paris. Les appels à la mobilisation se multiplièrent alors, moins d’une semaine après la visite à Ajaccio du ministre délégué Pierre Guillaumat et du haut-commissaire à l’énergie atomique annonçant une base d’expérimentations nucléaires souterraines.

Il s’agissait de pratiquer des explosions chimiques et nucléaires en bénéficiant des qualités de résistance de la roche locale censée absorber les effets. Les masses corses vécurent cela comme une véritable agression de type coloniale, menaçant directement leur environnement. Une bombe expérimentale (quatre fois la puissance de celle d’Hiroshima), venait d’ailleurs d’être larguée le 13 février 1960 dans le Sahara.

Face à la pression, le premier ministre Michel Debré dût se justifier dès le 23 avril en prétendant que les expérimentations n’étaient pas dangereuses, ce qui ne fit qu’attiser la colère de la population nullement dupe et profondément méfiantes face à l’horreur nucléaire.

De nombreux rassemblements très vigoureux eurent lieu dans la foulée, jusqu’à ce grand rassemblement populaire du 2 mai 1960. Le jour même, en raison du succès de la manifestation, le Préfet fut contraint d’annoncer un premier recul en disant que le projet n’était toujours pas acté officiellement.

La mobilisation franchit alors un nouveau cap, avec des mots d’ordre de grève lancés dans toute la Corse. Même les gaullistes corses s’opposèrent au projet, tellement le refus populaire était massif et incontournable. Le gouvernement annonça alors son recul, face à une contestation d’une grande ampleure et d’une grande détermination prévue pour le 14 juin sur le site même de l’Argentella.

En quelques semaines, le peuple de Corse fit donc littéralement plier le régime antidémocratique de la Ve République du Général de Gaulle. La capitulation de l’État français ne conduisit toutefois pas à un véritable recul, mais simplement à un détournement… La base fut reportée à l’autre bout du monde, sur l’atoll de Mururoa et la France se couvrit d’une honte immense quelques années plus tard en pratiquant ses essais nucléaires, aux conséquences immenses sur la population locale et bien entendu la nature pendant des années.

En Corse par contre, la victoire démocratique et populaire conte la base nucléaire de l’Argentella eu un retentissement immense. La conscience nationale, avec une grande dimension populaire, put s’affirmer à grande échelle. Cela marqua la conscience écologiste du mouvement démocratique corse avec de nombreuses combats écologistes, depuis l’affaire des boues rouges (conduisant à une grève générale, des attaques contre la préfecture, etc.) dans les années 1970, jusqu’à l’explosion plus récente de la villa de Pierre Ferracci, construite en toute illégalité dans une baie naturelle protégée.

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Guerre

Nucléaire: «La France affaiblit le Traité de non-prolifération (TNP)»

Voici le communiqué d’ICAN France, le relais national de la Campagne Internationale pour Abolir les Armes Nucléaires (ICAN) sur le renoncement de la France à sortir de l’arme atomique :

« La France affaiblit le Traité de non-prolifération (TNP)

Ce 5 mars 2020, marque le 50e anniversaire de l’entrée en vigueur du Traité de non-prolifération nucléaire. La conférence d’examen quinquennale du Traité de non-prolifération (TNP) commencera dans moins de deux mois (27 avril-22 mai) et tout montre que la France, comme les autres États nucléaires, renonce à prendre des mesures pour mettre en œuvre le désarmement nucléaire et rend ainsi plus vulnérable la sécurité collective mondiale.

Le TNP repose sur trois piliers (désarmement nucléaire, non-prolifération nucléaire et utilisation pacifique de l’énergie nucléaire) dont l’équilibre est aujourd’hui largement menacé par l’absence de respect des obligations de désarmement contenues dans le traité, comme les mesures adoptées dans les plans d’action des conférences d’examen de 1995, 2000 (12 étapes) et de 2010 (22 mesures)

Ce « rempart irremplaçable », comme le qualifie la diplomatie française (M. Nicolas de Rivière, Conseil de sécurité, 26 février 2020), est fragilisé par ceux là même qui prétendent le protéger…

En effet, alors que 2020 marque aussi le 25e anniversaire de la prolongation illimitée du TNP, Patrice Bouveret observe que « les puissances qui détiennent des armes nucléaires modernisent toutes et conservent une politique de dissuasion comme pilier central de leur politique de défense ». La France ne cesse ainsi d’augmenter son budget annuel consacré à ses forces de dissuasion (4,45 Mds € en 2020 pour parvenir à 6 Mds en 2023) pour renouveler les deux composantes nucléaires.

Outre le non respect des obligations de l’article 6 du TNP, le discours sur la dissuasion du Président Macron (7 février) est pour Jean-Marie Collin un « appel très clair à rompre avec l’esprit de ce texte comme à alimenter la course aux armements ». En effet en proposant aux « partenaires européens » de s’associer aux exercices français de simulation de frappe nucléaire, la France engage des États à accepter de préparer une catastrophe humanitaire et ne peut créer chez d’autres acteurs internationaux que de la défiance.

La Campagne ICAN France regrette cette remise en cause directe du principal régime de non-prolifération nucléaire, dont l’affaiblissement ne peut que provoquer une plus grande instabilité mondiale. Une action poursuivie également par la France en ne cessant de dénoncer le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) adopté à l’ONU par 122 États le 7 juillet 2017, véritable instrument juridique de la mise en œuvre du pilier sur le désarmement du TNP…

Il ne tient qu’a la France de corriger son positionnement en cette année du 75e anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki et de rendre ainsi véritablement hommage à toutes les victimes des armes nucléaires. »

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Guerre

Forum international de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires vendredi et samedi à Paris

La Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) organise ces vendredi 14 et samedi 15 février 2020 à Paris son forum international. Les inscriptions officielles sont closes, mais il reste possiblement des disponibilités, sur demande via ce formulaire de contact.

Le site internet de l’événement est entièrement en anglais, ce qui est regrettable pour un événement se déroulant à Paris. La branche française de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires propose toutefois une présentation de l’événement en français, que nous reproduisons ci-dessous.

Le ton de l’événement est très incisif, « contre la pensée unique », « changer le monde », avec un volontarisme optimiste qui peut surprendre, mais qui est forcément intéressant, tant l’enjeu de la cause défendue est immense.

À noter par ailleurs pour les Parisiens que Setsuko Thurlow, survivante d’Hiroshima et principale figure de l’ICAN, dont nous reproduisions lundi la lettre ouverte en réponse à Emmanuel Macron, sera à la Sorbonne à 19h30 ce soir mercredi 12 février 2020 (organisé par l’Association des Droits de l’Homme de la Sorbonne).

Une projection du film « Sécurité nucléaire le grand mensonge » (film visible ici) est également organisée ce jeudi 13 février à 18h à l’université parisienne Assas (organisé par Initiatives pour le Désarmement Nucléaire).

Voici la présentation du forum international de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires :

« CAN PARIS FORUM – Comment interdire les armes nucléaires et créer une mobilisation citoyenne  ?

Nous vivons aujourd’hui une vague d’activisme, de manifestations et de campagnes politiques à travers le monde : La Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires qui a remporté le prix Nobel de la paix en 2017 en raison de son action pour l’interdiction des armes nucléaires, la mobilisation de millions de personnes en faveur du changement climatique, de l’égalité des genres et de la justice en sont des témoignages. Cette période pourrait ainsi se révéler être une fenêtre d’opportunité unique pour se mobiliser et mener à bien une campagne en faveur de mutations politiques concrètes.

Dans cette vague d’activisme, une nouvelle génération de militants cherche à infléchir la trame politique. Mais, comment des marches et des manifestations peuvent-elles se transformer en mouvement capable d’impacter les orientations politiques, les lois et les politiques publiques ?

Les succès passés dans les domaines du désarmement, des droits de l’homme et des droits civils démontrent qu’une société civile engagée et unie, derrière une cause claire et un programme d’action réalisable, peut modifier l’action gouvernementale.

Les 14 et 15 février 2020, la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) et ICAN France invitent militants, étudiants et toute autre personne voulant changer le monde à se réunir à Paris pour s’informer et échanger à propos de comment construire un mouvement, faire changer les politiques et devenir militant.

Durant deux journées intensives, mais pleines de passion, nous discuterons de ces grands sujets avec les voix militantes les plus emblématiques et les plus inspirantes. Nous écouterons le témoignage de personnes qui ont fait preuve de courage en se dressant contre la pensée unique. Ensemble, nous développerons nos campagnes et compétences de plaidoyer et rencontrerons cette prochaine génération qui peut changer le monde.

Ces deux jours seront composés de sessions plénières, de discus- sions modérées et de présentation éclairs. En marge de la conférence, des activités interactives mettront en vedette des artistes, des scientifiques, des activistes et des étudiants. Les participants approfondiront leurs connaissances sur l’activisme stratégique, les liens entre la culture et le changement politique, et étudieront comment aborder les grands défis d’aujourd’hui et comment travailler avec différentes coalitions. Nous tirerons les leçons de nos propres actions pour l’interdiction des armes nucléaires, et nous bénéficierons également de la contribution d’acteurs provenant d’autres mouvements. Ceci permettra aux étudiants et aux militants de tout âge, de comprendre plus globalement les enjeux et les ressorts de l’activisme.

Inscription : https://paris.icanw.org

Pour toute question ou demande d’information, veuillez contacter: paris@icanw.org »

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Guerre

Setsuko Thurlow, survivante d’Hiroshima, répond à Emmanuel Macron sur l’arme nucléaire

Setsuko Thurlow est une survivante du bombardement atomique d’Hiroshima au Japon le 6 août 1945. Figure de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (Ican), elle répond dans une lettre ouverte (initialement publiée dans Libération) à Emmanuel Macron et son discours de vendredi dernier assumant l’arme atomique.

« Le président Emmanuel Macron a prononcé aujourd’hui un discours sur les centaines d’armes nucléaires de la France, refusant le désarmement nucléaire et invoquant le manque de réalisme des efforts en vue de les abolir au niveau mondial. Mais il n’a jamais fait l’expérience de l’inhumanité absolue de ces armes. Moi, oui. Et j’ai passé ma vie entière à avertir le monde de la menace réelle que ces armes posent, et à faire comprendre l’illégalité et le mal ultime qu’elles représentent.

Le président Macron n’a pas répondu à ma demande de le rencontrer à Paris la semaine prochaine afin de partager avec lui les réalités de ce que sont les armes nucléaires et de ce qu’elles font aux personnes et à l’environnement. Mais les Français, et notamment les jeunes, méritent de connaître l’entière vérité sur les armes nucléaires.

En août prochain, cela fera 75 ans que les Etats-Unis ont complètement anéanti ma ville natale, Hiroshima. J’avais 13 ans. À 8h15, j’ai vu par la fenêtre un éclair aveuglant, blanc bleuté. Je me souviens d’avoir eu la sensation de flotter dans l’air.

Alors que je reprenais conscience dans un silence total et une profonde obscurité, je me suis retrouvée prise au piège du bâtiment qui s’était effondré sur moi. J’ai commencé à entendre les cris faibles de mes camarades de classe : «Maman, aide-moi. Dieu, aide-moi.» Alors que je sortais en rampant, les ruines étaient en feu. La plupart de mes camarades de classe ont été brûlés vifs. J’ai vu tout autour de moi une dévastation totale, inimaginable.

Des processions de figures fantomatiques se sont mises à défiler. Des personnes grotesquement blessées saignaient, brûlées, noires et enflées. Des parties de leurs corps avaient disparu. Leur chair et leur peau pendaient, laissant leurs os à. vif. Certains tenaient leurs yeux dans leurs mains. D’autres, le ventre ouvert, les intestins pendants. La puanteur nauséabonde de la chair humaine brûlée remplissait l’air.

Chaque fois que je me souviens d’Hiroshima, la première image qui me vient à l’esprit est celle d’Eiji, mon neveu de 4 ans. Son petit corps a été transformé en un morceau de chair fondue méconnaissable. Il n’a cessé de mendier de l’eau, d’une voix faible, jusqu’à ce que la mort le libère de son agonie.

Ainsi, avec une bombe atomique, ma ville bien-aimée a été anéantie. La plupart de ses habitants étaient des civils – parmi eux, des membres de ma propre famille et 351 de mes camarades de classe – qui ont été incinérés, vaporisés, carbonisés. Dans les semaines, les mois et les années qui ont suivi, des milliers d’autres personnes sont mortes, souvent de façon aléatoire et mystérieuse, des effets à retardement des radiations. Aujourd’hui encore, les radiations tuent des survivants.

Monsieur le président Macron, vous voulez maintenir et moderniser des centaines de ces armes inhumaines, instruments de génocide, qui menacent d’indicibles souffrances tous les êtres vivants ? Il est profondément naïf de croire que le monde peut conserver indéfiniment des armes nucléaires sans qu’elles ne soient à nouveau utilisées. Toute utilisation d’arme nucléaire serait contraire aux règles et aux principes du droit international humanitaire. En perpétuant le mythe de la dissuasion, en en faisant un élément central de la politique de défense de la France, en investissant massivement dans ces armes (à hauteur de 37 milliards pour les cinq prochaines années), vous mettez en péril la sécurité européenne ; vous mettez en péril la sécurité mondiale. Soyez réaliste.

Chère France, vous pouvez faire un autre choix.

En 2017, j’ai accepté le prix Nobel de la paix au nom de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires – distinction obtenue pour le travail que nous avons accompli avec l’adoption de la première interdiction juridique internationale des armes nucléaires, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. A ce jour, 35 Etats ont ratifié ce traité et 81 l’ont signé.

Près de 20 villes françaises, dont Paris et Grenoble, ainsi que des dizaines d’élus français appellent la France à adhérer à ce traité et à s’engager sur la voie d’un monde sans armes nucléaires. La jeunesse française, cette nouvelle génération, a compris la menace inacceptable que représentent les armes nucléaires pour l’humanité. Selon un sondage publié en janvier par le Comité international de la Croix-Rouge, 81% des «milléniaux» pensent que l’utilisation des armes nucléaires n’est jamais acceptable. Et la semaine prochaine, des centaines d’étudiants et des militants se réuniront à Paris pour une conférence sur l’abolition des armes nucléaires.

Comme l’a déclaré le pape François à Nagasaki en novembre dernier, l’histoire jugera sévèrement les dirigeants qui rejettent le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et qui, au contraire, prononcent des discours à la gloire de leurs armes atomiques conçues avec l’intention de commettre une tuerie de masse. Les théories abstraites ne doivent plus masquer la réalité génocidaire de ces pratiques. Ne considérons la «dissuasion» comme rien d’autre que ce qu’elle n’est : la mise en péril certaine des peuples. N’acceptons plus d’avoir cette épée de Damoclès nucléaire au-dessus de nos têtes.

Monsieur le président Emmanuel Macron, vos stratèges de la défense ont peut-être étudié la théorie nucléaire, mais j’ai moi-même fait l’expérience bien réelle de l’enfer atomique. Vous devez choisir un avenir meilleur pour la France et pour l’Europe. Adhérez au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, et éradiquez à jamais la menace de l’anéantissement nucléaire. »

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Guerre

Vers la guerre: Emmanuel Macron à l’École de guerre

Pour la première fois depuis 1959, un président français s’est rendu devant les stagiaires d’une promotion de l’École de guerre, l’institution formant les officiers supérieurs. Emmanuel Macron y a exposé les visées « géopolitiques » françaises.

Lorsque Charles de Gaulle alla rendre visite à l’École de guerre en 1959, peu après le coup d’État de 1958, c’était pour annoncer la mise en place de la « force de frappe ». Emmanuel Macron considère que le contexte a totalement changé et il se met dans les pas de de Gaulle, pour proposer une nouvelle mise en perspective. Emmanuel Macron parle même de « rupture d’ordre stratégique » dans la situation mondiale.

Mais attention ! Il n’y aura pas d’abandon des armes nucléaires. Emmanuel Macron le refuse catégoriquement. La France n’est pas favorable à une interdiction des armes nucléaires. Partant de là, tout est dit. On est dans une visée impérialiste, car qui d’autres qu’un impérialisme peut être prêt à lancer des missiles nucléaires, ces terribles armes de mort ? Seul un régime totalement cynique peut le faire.

Emmanuel Macron a beau dire que l’arsenal français est moindre que celui des États-Unis et de la Russie, la monstruosité de son approche est patente. Et cela n’est pas modifié par son numéro d’équilibriste… Car d’un côté il faut prétendre que la France veut la paix pour faire bien, de l’autre il faut que le message soit clair pour l’armée. Cela donne des contrastes sévères, tel celui-ci :

« La France ne menace personne. Elle veut la paix, une paix solide, une paix durable. Elle n’a nulle part de visée expansionniste (…).

La France oui, est insérée dans un réseau de relations résultant de l’histoire et de la géographie. Dans ce cadre, elle continuera à développer et à approfondir des partenariats stratégiques sur tous les continents. Elle prend d’ailleurs aujourd’hui sa part dans toutes les grandes coalitions au Levant comme en Afrique. »

Reflétant donc que la France est une des principales puissances du monde, Emmanuel Macron a souligné la très haute importance de terrains bien particuliers : « la haute mer, les espaces aériens et exo-atmosphériques [= la guerre par satellites], le numérique ».

Il faut ainsi que la France élève à tout prix son niveau technologique et soit toujours prête à taper fort. C’est le seul moyen pour elle de maintenir son rang, alors que le multilatéralisme s’effondre, que les États-Unis et la Chine orientent de manière stratégique la situation mondiale par leur affrontement, et que « les équilibres dissuasifs entre puissances sont ainsi devenus plus instables ».

Deux possibilités s’ouvrent selon Emmanuel Macron, et il choisi la première :

« Le choix qui se pose à nous est en effet celui d’une reprise en main de notre destin ou celui, renonçant à toute stratégie propre, d’un alignement sur quelque puissance que ce soit.
C’est pourquoi un sursaut est nécessaire. »

Tout seul, ce n’est pas possible, pour Emmanuel Macron, qui se distingue ici de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, qui représentent tous deux la ligne du « cavalier seul ». Emmanuel Macron prône donc une alliance européenne, une temporisation générale en faveur de la paix, un retour au multilatéralisme.

Il revendique également d’avoir mis en place un partenariat avancé avec l’Australie, l’Inde et le Japon, ce qui s’ajoute à celui avec des pays du golfe arabo-persique. Cela parce que :

« Nous sommes aussi une puissance Indo-Pacifique, avec des ressortissants, des bases, des intérêts. »

Cependant, il faut bien faire des choix. La France va-t-elle pencher plus du côté américain, ou du côté chinois ? Bien entendu, pour la Gauche elle doit pencher contre toutes les guerres, contre toutes les menées militaristes. Il ne s’agit pas de choisir les États-Unis ou la Chine, ni même la France elle-même, qui reste un pays dominateur, écrasant, une grande puissance contribuant au désordre du monde. Mais Emmanuel Macron a une fonction de stratège dans une perspective de renforcement capitaliste. Il lui faut se placer dans la marche à la guerre.

Emmanuel Macron fait ainsi le choix suivant. Il dit qu’il faut choisir les États-Unis, en cherchant à en profiter dans le cadre européen :

« La France, enfin, est convaincue que la sécurité à long terme de l’Europe passe par une alliance forte avec les États-Unis. Je l’ai redit lors du sommet de l’OTAN à Londres, et la France en fait chaque jour l’expérience dans ses opérations.
 
Mais notre sécurité passe aussi, inévitablement, par une plus grande capacité d’action autonome des Européens. »

Cela signifie qu’Emmanuel Macron dit : laissons passer l’orage américano-chinois, et comme Athènes et Sparte se sont épuisés, laissant la Macédoine l’emporter sur tout le monde, nous avec l’Europe aurons accumulé des forces et prendrons en fin de compte le dessus.

Inversement, cela veut dire que les Marine Le Pen, les Jean-Luc Mélenchon, ou encore les tenants du Frexit… revendiqueront l’urgence d’adopter la position du « cavalier seul », au nom du fait qu’il n’y aura pas de second tour et qu’il faut être tout de suite de la bataille.

Et comme le capitalisme, en France a toujours eu les yeux plus gros que le ventre, dans tous les cas il ira toujours plus dans le sens de l’engagement dans un repartage du monde par la violence…

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Colloque international sur la paix et le désarmement nucléaire le 26 septembre

Le PCF organise jeudi 26 septembre 2019 un colloque international sur la paix et le désarmement nucléaire à Paris.

Voici la présentation :

« COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LA PAIX ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

organisé à l’Assemblée nationale par Jean-Paul LECOQ, député PCF de Seine-Maritime, membre de la commission des Affaires étrangères, et Fabien ROUSSEL, député du Nord et secrétaire national du PCF, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires.

La journée s’articulera autour de 4 tables rondes permettant d’aborder la lutte pour la paix et le désarmement nucléaire – la course au surarmement, les enjeux écologiques comme la question des alliances stratégiques:

1. Désarmement nucléaire et éradication des armes de destruction massive: la perspective d’un monde sans arme est-elle crédible?

2. Lutte contre le surarmement et les ventes d’armes aux pays en conflit: le rôle du mouvement citoyen pour la paix.

3. L’impact écologique des conflits et droit humain à la paix : la déclaration de Santiago.

4. En finir avec l’OTAN et bâtir un cadre commun de coopération et de sécurité collective paneuropéen.

INSCRIPTION OBLIGATOIRE jusqu’au 18 septembre: formulaire en ligne https://framaforms.org/colloque-international-sur-la-paix-et-le-desarmement-nucleaire-jeudi-26-septembre-2019-1563356828 »

Le colloque aura lieu de de 9 heures à 18 heures au 101 Rue de l’Université, dans le 7e arrondissement de Paris.

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Vers la guerre : la Turquie veut la bombe atomique

Recep Tayyip Erdoğan, le président turc, a affirmé que son pays devait rentrer en possession de l’arme atomique. C’est une contribution de plus au bal dramatique des fous furieux allant à la guerre, de Donald Trump à Vladimir Poutine, de Rodrigo Duterte à Boris Johnson, de Jair Bolsonaro à Xi Jinping.

« On ne veut pas être prisonnier de 780 000m². »

Tels avaient été les propos du président turc Recep Tayyip Erdoğan il y a trois ans. Cela a le mérite d’être clair quant aux ambitions expansionnistes de ce dirigeant visant ni plus ni moins qu’à rétablir l’Empire ottoman. Il remet d’ailleurs ouvertement en cause les traités de paix issus de la Première Guerre mondiale.

Lors d’un forum économique à Sivas, il vient d’en rajouter dans la logique militariste, en expliquant la chose suivante :

« Il y a plusieurs pays qui ont des missiles avec des têtes nucléaires, pas seulement un ou deux. Mais ils nous disent, qu’on ne peut pas en avoir. Cela, je ne l’accepte pas. »

Comme en plus l’entreprise russe Rosatom construit, au sud-ouest de la ville de Mersin, la première centrale atomique turque, on comprend rapidement que ce ne sont pas des menaces en l’air, mais une véritable perspective, très concrète.

La Turquie s’est en effet rapprochée de la Russie ces derniers temps, au point que les États-Unis ont retiré la Turquie du programme d’emploi des avions de chasse F-35. La Turquie a en effet acheté à la Russie un système de défense anti-aérienne dénommé S-400, qui fournira aussi des informations techniques à la Russie.

À l’arrière-plan, il y a le dépeçage de la Syrie, que la Turquie et la Russie gèrent de manière pratiquement principale, de manière concurrente mais parallèle.

Il faut bien saisir également qu’une telle affirmation est parfaite pour satisfaire le nationalisme turc, qui est aisément panturc et dont l’esprit expansionniste est particulièrement ambitieux, voire totalement démesuré.

Rien de tel qu’une bonne guerre ! La Turquie le sait, elle qui dispose d’une forte puissance avec ses plus de 600 000 soldats, ses 358 généraux et amiraux ( il y a 200 000 soldats en France, avec 376 généraux), mais aussi ses 200 000 gendarmes et une capacité d’intégration de plusieurs de centaines de milliers de soldats dans ses troupes par la mobilisation générale.

Il faut bien ça pour effacer la question kurde, tout comme celle des multiples minorités nationales dans le pays, sans parler de la question arménienne, celle du rapport à l’Irak dont une partie est déjà vassalisée, etc.

La tendance de fond est irrépressible et pour la Turquie, c’est une fuite en avant du même type que pour la Russie. En plus de l’instabilité culturelle et politique, l’économie, dont la base est relativement faible et instable, ne peut s’appuyer que sur une dynamique extrêmement agressive à l’extérieur et brutale à l’intérieur. Il en va de même pour le Brésil évidemment, mais aussi pour la Chine, dont le développement si rapide a provoqué des inégalités de développement dans tous les domaines.

D’où le fanatisme nationalise et le militarisme intérieur forcené, tout comme le renforcement des projets d’expansion.

Des pays comme la France et les États-Unis auront beau jeu ainsi d’accuser de tels pays, alors qu’eux-mêmes sont intéressés par la guerre, pour renforcer leur situation hégémonique. En fait, tout le monde a intérêt à un repartage du monde, soit pour s’affirmer, soit pour renforcer son affirmation.

La guerre se nourrit elle-même, comme expression du besoin d’hégémonie, de conquête, de renforcement des capitalismes !

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Le film Le chant du loup et l’angoissante question de la bombe nucléaire

Le chant du loup est un film de guerre français à l’affiche depuis le 20 février 2019. À travers le prisme d’un opérateur sonar dans un sous-marin, il est question de la bombe nucléaire et du risque d’emballement guerrier.

Les films de guerre sont en général un problème parce qu’ils sont un moyen de mettre en valeur les militaires. C’est largement le cas dans le cinéma américain depuis de nombreuses années, et ce film d’Antonin Baudry, diplomate de carrière, adopte tout à fait cette perspective, au point qu’on se demande s’il n’est pas en service commandé pour la Marine nationale. Le chant du loup présente d’une manière favorable l’Armée française, en évitant soigneusement la question politique de la guerre. Il n’y a aucun esprit critique quant à ce qu’est une grande puissance militaire comme la France dans le cadre du capitalisme.

D’un point de vue cinématographique, le rendu n’est pas désagréable, mais le tout est assez lisse, presque documentaire. Le principal reproche qui lui est fait est de singer les codes du film guerrier américain, sans en avoir la dynamique. On doit y reconnaître en fait une touche française, avec cette focalisation psychodramatique sur les personnages, et une certaine lenteur de la narration propre à la volonté de présenter le sujet en profondeur, ou plus plutôt, très techniquement. C’est ainsi que la critique française a apprécié ces longues intrusions dans le détail du pilotage ainsi que, c’est au cœur de l’intrigue, les missions de l’« oreille d’or ».

Ce surnom est celui donné aux opérateurs sonars très qualifiés dont la mission est d’identifier les données sonores, ce qui est une tâche fondamentale dans un sous-marin. Ce travail est présenté par le réalisateur comme relevant du génie, alors qu’il est surtout le fruit d’un apprentissage et d’une longue expérience, afin de reconnaître et de mémoriser tout un panel de sons et d’identités sonores.

On a là un idéalisme tout à fait bourgeois, où il n’y a pas de reconnaissance pour le travail mais seulement pour la réussite individuelle, les destins individuels. Le personnage principal est ainsi le médiateur de toutes les péripéties et se retrouve presque responsable de déclencher une guerre nucléaire.

Le synopsis du film est de ce point de vue tout à fait ridicule, presque enfantin dans le propos :

« Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique.

Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable. »

Cette question de la guerre nucléaire est cependant le véritable sujet du film, avec cette angoissante question de la bombe nucléaire. Dans l’imaginaire collectif, il y a surtout le « bouton » nucléaire, avec ce pouvoir quasi magique du Président de la République d’appuyer pour déclencher le lancement d’une bombe nucléaire.

Cette vision est en partie fausse, car il y a bien sûr toute une chaîne de commandement, avec des procédures très précises et complexes, que le film présente en partie. Cette vision est fausse aussi car elle dépolitise la question de la guerre, qui ne relève pas seulement du choix d’individus, mais de contextes politiques, de rapports de forces.

L’angoisse populaire vis-à-vis de la bombe nucléaire est cependant très juste, car elle révèle l’incrédulité face à la stabilité du capitalisme. L’expérience du XXe siècle fait qu’on sait l’emballement possible, menant à la catastrophe, à une nouvelle grande catastrophe.

Le chant du loup n’est pas un bon film car il ne saisit pas cela, mais attribue le risque de guerre à une sorte de combinaisons de hasards malheureux, fruits de manipulations isolées. C’est la négation de la politique, la banalisation du militarisme.

Il faudrait accepter la guerre comme une possibilité, comme une menace ; il faudrait céder au chantage des militaires, des militaristes. Il faudrait revendiquer le patriotisme, réfuter l’internationalisme et voir en chaque pays un concurrent potentiel, voire un ennemi.

La Gauche doit dénoncer l’arme atomique, elle l’a toujours fait quand elle a assumé ses valeurs historiques, et elle doit être capable de comprendre le sens de cette insidieuse propagande en faveur du militarisme, de la banalisation d’une arme dont l’emploi serait un crime mettant le pays l’utilisant au ban des nations.