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Politique

La « nationalisation » d’EDF pour « l’indépendance » de la France

C’est un Brexit à la Française.

Le Royaume-Uni a eu son Brexit et la France emprunte le même chemin. Non pas que le « Frexit » soit d’actualité, il n’est pas question pour la France de quitter l’Union européenne, dont elle est encore le moteur avec l’Allemagne. Il y a par contre la même tendance qu’au Royaume-Uni au repli nationaliste.

Ce repli est une réaction face au ratatinement du capitalisme dans le cadre de la crise. Si en période d’expansion, le capitalisme prône l’ouverture sur le monde par le marché, en période de crise il y a au contraire une tendance à vouloir faire face au monde.

La « nationalisation » d’EDF votée par l’Assemblée nationale le mardi 26 juillet est précisément l’expression de cela. L’État va reprendre le contrôle total de l’entreprise énergétique avec comme objectif de renforcer « l’indépendance énergétique de la France ».

L’enjeu, expliqué par Bruno Le Maire, le ministre en charge des questions économiques est très facile à comprendre :

« Nationaliser EDF, c’est nous donner toutes les chances d’être indépendants. »

Concrètement, il s’agit pour l’État français d’avoir les mains entièrement libres pour renforcer à vitesse grand V le parc nucléaire français, pour minimiser sa « dépendance » commerciale sur les questions énergétiques.

Il faut s’attendre à ce que la France mette en parallèle la pression contre l’Union européenne et l’indexation (harmonisation) des prix de l’énergie, afin qu’EDF (donc la France) puisse définir seule les prix. C’est donc une contre-tendance à la tendance capitaliste voulant l’ouverture par le marché. C’est typique de notre époque de crise et de guerre, où les monopoles nationaux prennent un rôle toujours plus importants nationalement.

Il y a en arrière-plan bien sûr la guerre en Ukraine et l’embargo économique contre le gaz et le pétrole russe, qui chamboulent totalement le marché mondial. La France s’imagine – en pillant par contre les mines d’uranium sur le continent africain – garantir son « indépendance » avec le nucléaire et ainsi faire face dans la grande bataille pour le repartage du monde. En pratique toutefois, cela ressemble plus à une tentative en catastrophe de sauver les meubles.

Actuellement, plus de la moitié des 56 réacteurs nucléaires sont à l’arrêt, pour maintenance ou des problèmes de corrosion. Le parc nucléaire est vieillissant, avec en plus de cela une dette de 60 milliards d’euros pour EDF. La France est en faillite comme le montre sa dette, mais comme elle a encore beaucoup de moyens financiers, il est donc prétendu pouvoir aller de l’avant sur le plan énergétique en mettant le paquet sur le nucléaire.

La prétention à aller de l’avant est un mensonge évidemment, et quiconque s’imaginerait un instant que la « nationalisation » d’EDF ait un accent social, ne serait-ce que comme aspect secondaire, se met le doigt dans l’œil et court à la désillusion.

La nationalisation d’EDF, cela va être un sauvetage à marche forcé, avec aucun véritable élan et en vérité très peu de moyens. Cela signifie donc une pressurisation des travailleurs, ainsi que le moins-disant sur le plan de la sécurité et de l’écologie. D’ailleurs, l’écologie passe totalement à la trappe et le nucléaire ne souffre plus d’aucune contestation. Le consensus est total pour sauver le capitalisme : le nucléaire doit être là pour ça.

On notera également qu’il faut ici parler de « nationalisation » ou de « renationalisation » simplement avec des guillemets, car il ne s’agit pas de cela. EDF est déjà une entreprise publique puisque l’État possède (et a toujours possédé depuis sa création) plus de la moitié de son capital. En l’occurrence l’État possède près de 85% du capital d’EDF. La nouveauté est simplement que le projet de budget rectificatif pour 2022 prévoit le rachat des 15% manquants (pour près de 10 milliards d’euros).

On est là dans une tambouille assez technique, mais certainement pas dans la « nationalisation » d’une entreprise en fait déjà publique. Mais plus personne ne connaît rien à rien et tout le monde raconte systématiquement n’importe quoi, de manière racoleuse. Le gouvernement parle de « nationalisation » pour chercher un élan dans l’opinion publique, et il n’y a personne pour le contredire.

C’est donc une véritable catastrophe. Les Français qui ont été prompts à moquer, voire vilipender les Britanniques pour le Brexit, ne voient pas qu’il se déroule aujourd’hui exactement le même processus de repli en France.

La différence, c’est qu’au moins au Royaume-Uni il y avait débat (bien que de manière faible), et pas loin de la moitié de la population était contre. En France, le consensus pour un Brexit à la française est presque total, tellement c’est l’apathie démocratique et partout la fête du capitalisme, ainsi qu’aux rêves impériaux aux dépens d’une Russie présentée comme un démon à exorciser par la guerre.

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Restructurations économiques

Investissement dans les semi-conducteurs en France, un pas de plus vers le Brexit à la française

La restructuration du capitalisme suit son cours.

La crise économique issue de la pandémie de covid-19 a permis de battre en brèche un mythe relativement diffusé dans certaines sphères de la critique du capitalisme, celle d’un capitalisme fondé dorénavant sur le travail immatériel.

La pénurie de semi-conducteurs qui a commencé à l’automne 2020 a rappelé que le capitalisme d’aujourd’hui restait fondé sur le même principe que celui d’hier : l’existence d’une base productive bien matérielle. Car il n’y a ni téléphones portables ni ordinateur, ni même rien d’électronique sans les puces électroniques et donc les semi-conducteurs, ces petites plaquettes de silicium sur lesquelles sont gravées des circuits intégrés.

Mais voilà, cette base productive est massivement détenue par des pays asiatiques, et notamment des industries géantes telles que Samsung en Corée du Sud et TSMC à Taïwan.

Et si cela ne posait pas de réels problèmes jusqu’à la pandémie de Covid-19, la désorganisation en chaîne a provoqué des pénuries telles qu’elles menacent la relance de l’industrie automobile et plus généralement celle de toute l’économie.

Car la production de semi-conducteurs, ce n’est pas simplement la fabrication d’objets connectés, c’est aussi la condition pour des tas de branches industrielles de pouvoir bien fonctionner.

C’est pourquoi le plan France relance 2030 a placé au centre des investissements publics ce secteur clef, en visant une base productive existante qu’est le bassin de Grenoble où se concentrent des industriels du secteur, dont le fabricant franco-italien ST Microelectronics installée depuis 1992.

Ce mardi 12 juillet, Emmanuel Macron était ainsi à Crolles pour annoncer l’investissement de 5,7 milliards d’euros d’argent public pour la construction d’une nouvelle unité productive de semi-conducteurs de 12 nanomètres sur la base d’un partenariat entre Global Foundries, le numéro 2 de la fonderie de gaufrettes de silicium, et ST Microelectronics. Elle devient l’une des plus importantes pour cette production en France.

C’est là clairement une manière d’assurer le positionnement de la bourgeoisie française sur le marché, à la fois pour donner un signal clair dans la capacité d’accumulation en France au vu du contexte explosif de la dette publique française, et à la fois pour assurer la « souveraineté industrielle » de la France.

A ce titre, on voit combien la CGT est toujours plus intégrée à la restructuration du capitalisme français, puisque les syndicats CGT de ST Microelectronics et de Soitec (un autre leader du secteur dans le bassin grenoblois) appelaient en octobre 2021 à la naissance d’un « TSMC européen »….

Et cela entre parfaitement en adéquation avec Emmanuel Macron qui est un tenant de la ligne libérale-européenne, et c’est pourquoi il a pu compter sur la présence du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, qui a rappelé l’inscription de cet d’investissement dans un plan européen plus large , le « Chips Act » ou paquet législatif sur les semi-conducteurs.

Thierry Breton a parlé d’ailleurs de « reconquête stratégique », ce qui en dit long sur la nature de l’Union européenne, qui n’est rien d’autre qu’un organisme au service des grandes entreprises principalement françaises, allemandes et italiennes.

De fait, c’est une fois de plus une marche en avant vers le Brexit à la française, car on notera la place fondamentale des semi-conducteurs dans toute la chaîne de production industrielle, mais aussi évidemment pour les équipements militaires.

Ce n’est pas pour rien si des embargos pèsent sur la Chine pour se procurer de semi-conducteurs d’une très petite taille auprès du fondeur taïwanais TSMC, tout comme la Russie est privée par les embargos occidentaux des semi-conducteurs du sud-coréen Samsung…

Derrière la souveraineté industrielle ne se cache ni plus ni moins qu’un objectif de fortification nationaliste, en vue d’assurer l’indépendance de la bourgeoisie dans sa relance de l’accumulation du capital.

Et cela ne présage évidemment rien de bon pour les ouvriers de cette industrie, dont le travail, déjà ennuyeux, très répétitif et soumis à une hiérarchie rigide, va être de plus en plus soumis à l’unité nationale avec le capitalisme.

Une perspective qui vise ni plus ni moins qu’à assurer la place de la France en tant que grande puissance dans le monde, un monde courant droit vers la guerre…

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Restructurations économiques

Brexit à la française : « Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique »

C’est un rapport de la commission des affaires économiques du Sénat.

Le 8 juillet 2022, le sénateur socialiste Franck Montaugé a été nommé par le président du Sénat au  Conseil Supérieur de l’Énergie, qui comme son nom l’indique est une interface entre l’Etat et le secteur de l’énergie. C’est tout à fait symbolique de comment le haut personnel institutionnel fonctionne toujours dans la convergence avec les orientations du capitalisme. En effet, Franck Montaugé avait deux jours auparavant rendu public un document de la commission des affaires économiques du Sénat dont il fait partie avec Amel Gacquerre et Sophie Primas.

Et ce document est littéralement un plan pour un Brexit à la française !

On ne doit pas s’étonner de la présence d’un sénateur socialiste, de sa participation à un tel projet. L’Etat est façonné par le capitalisme et il sert de grand accompagnateur aux tendances de fond. Comme le mouvement général est d’aller à la guerre, tout le monde suit.

D’ailleurs, si l’on prend ces trois principaux membres de la commission (la quarantaine d’autres sénateurs servant de support technique), on peut voir qu’en plus d’un socialiste, on a Sophie Primas qui relève de la Droite traditionnelle avec Les Républicains – elle est d’ailleurs élue dans les Yvelines, un bastion des cadres d’entreprise – et Amel Gacquerre, une centriste.

C’est l’union « Gauche » – Centre – Droite. Et le plus édifiant ici, c’est qu’Amel Gacquerre, qui relève des ultras-modernistes du capitalisme, est élue… dans le Pas-de-Calais. Le Pas-de-Calais, qui devrait être le bastion de la Gauche historique ! C’est dire le problème qu’on a avec des masses passives laissant de tels gens s’installer, se former, faire des propositions pour réimpulser le capitalisme…

On a là une faillite historique et on va le payer très cher.

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Restructurations économiques

La renationalisation d’EDF par Emmanuel Macron

C’est le début du Brexit à la française.

La crise commencée en 2020 a tout chamboulé. Hier, on voulait se passer des énergies fossiles, désormais l’Union européenne considère que l’énergie atomique et le gaz sont écologiques. Hier, on voulait privatiser à tour de bras afin de contribuer à la mondialisation, désormais on se replie sur le capitalisme national pour être au taquet dans la bataille du repartage du monde.

Le 6 juillet 2022, le Premier ministre Élisabeth Borne, qui rappelons le ne dispose pas d’une majorité pour appliquer ses mesures, a annoncé la renationalisation d’EDF, qui appartient à l’État à 84% mais dispose d’une structure très compliquée, à quoi s’ajoutent 96 milliards de dettes, 12 réacteurs nucléaires arrêtés pour corrosion sur 56, etc.

Comme c’est toutefois un mastodonte de la production électrique mondiale, le capitalisme français se précipite pour le revaloriser… C’est le début du Brexit à la française. C’est le début d’un mouvement de repli national du capitalisme français, afin de disposer d’une base la plus solide possible pour faire face aux chocs des affrontements mondiaux.

Élisabeth Borne a d’ailleurs directement abordé cette question de la souveraineté :

« Nous devons assurer notre souveraineté face aux conséquences de la guerre et aux défis colossaux à venir. Nous devons prendre des décisions, que, sur ces bancs mêmes, d’autres ont pu prendre avant nous, dans une période de l’histoire où le pays devait aussi gagner la bataille de l’énergie et de la production. »

On voit déjà tous les nationalistes de gauche, PCF en tête, se précipiter pour saluer la mesure. Pas seulement eux d’ailleurs, car il s’agit de relancer le parc nucléaire français, ce qui va amener un engouement impérial à la française, une grande mobilisation pour un « renouveau » français. Le nationalisme est à l’ordre du jour, le nationalisme « impérial », à la BREXIT ou à l’opération spéciale russe, qui amène à revenir sur ses « fondamentaux » pour disposer de suffisamment de force de frappe dans la bataille pour le repartage du monde.

Vu comment également Europe Écologie Les Verts est désormais entièrement pro-OTAN, il n’y aura rien à attendre de ce côté là niveau anti-nucléaire. En fait, il n’y a même rien à attendre de personne : à moins que le prolétariat ne se ressaisisse, s’organise et assume la lutte de classes, toute les restructurations capitalistes vont passer comme une lettre à la poste.

La renationalisation annoncée d’EDF montre en tout cas bien qu’on a totalement changé d’époque. Emmanuel Macron le libéral qui renforce le rôle de l’État, et il aura l’appui de la CGT très clairement, cela en dit long sur la situation. Et cette tendance à « l’unité nationale » va se renforcer toujours plus. Comme au Royaume-Uni et en Russie, malheur à qui ne soutient pas les plans impériaux !

En ce sens, la renationalisation complète d’EDF est un pas vers la guerre. C’est l’annonce faite à la société qu’il va falloir être unifiée pour insérer le capitalisme français dans l’affrontement mondial. La France se lance elle aussi et il faut s’attendre à d’autres mesures de la même ampleur !

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Dépêche

La réactivation de l’option « nationale-sociale »

Et ces multiples courants, dont une part marquante vient des milieux populistes de « gauche », diffusent un anticapitalisme romantique qui commence à se structurer. C’est là le noyau idéologique du fascisme à venir. C’est cela la matrice qui va profiter des contradictions entre grandes puissances et s’aligner sur la haute bourgeoisie française cherchant à faire de la France une puissance majeure. On n’en est pas là, mais les choses peuvent aller très vite !

En ce sens, nous ne pouvons qu’encourager à étudier nos articles sur l’Ukraine, en rappelant que nous avons annoncé la guerre six mois avant. C’est là une arme intellectuelle majeure et une assurance de crédibilité. La Gauche en général s’est totalement trouée sinon sur cette question. Il faut pourtant bien avoir les outils pour faire face à la menace de ceux qui veulent une France « nationale » et « sociale »… et qui vont être toujours plus nombreux. « La France Insoumise » fait bien entendu partie de ces gens.

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Guerre

Eurosatory : le complexe militaro-industriel français sur le devant de la scène

L’Union européenne doit devenir un outil pour la guerre.

En tant que grande puissance, la France est connue et reconnue pour ses exportations de denrées agricoles, de produits de luxe, mais aussi pour sa production d’armes. Après les États-Unis et la Russie, la France est le troisième pays exportateur d’armes dans le monde.

Un commerce qui se porte bien, voire très bien puisqu’il a dépassé les 2 000 milliards de dollars dans le monde en 2021. De fait, depuis la pandémie de Covid-19, et plus encore avec la guerre en Ukraine, les budgets militaires des grandes puissances (mondiales et régionales) ont explosé, et la France compte bien conserver sa part du gâteau.

C’est dans cet état d’esprit qu’Emmanuel Macron s’est rendu au salon international de l’industrie de la défense et de la sécurité Eurosatory qui se tient du 13 au 17 juin au parc des expositions à Villepinte, salon qui se présente lui même comme « le mondial de la défense et de la sécurité ».

En temps normal, c’est le ministre des Armées qui se rend à ce salon lancé en 1967 au camp militaire de Satory par le Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT), ce monstre du militarisme en France.

Ce salon fut lancé d’ailleurs un an après l’annonce officielle par le général de Gaulle du retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, ce qui suffit à montrer à quel point Eurosatory est une illustration de comment la France tend à être une puissance belliqueuse à part entière.

Lors de son discours d’inauguration, Emmanuel Macron a annoncé la couleur d’entrée de jeu :

« Cette confiance [à l’égard des industriels] s’inscrit dans un contexte inédit, et je pense que nous devons tous à cette occasion et dans les temps qui viennent en tirer les conséquences, celle aussi d’une entrée dans une économie de guerre dans laquelle je crois nous allons durablement devoir nous organiser.

C’est-à-dire dans une économie dans laquelle il faudra aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges, pour voir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos forces armées, pour nos alliés et pour celles et ceux que nous voulons aider.

Une économie au fond dans laquelle on ne peut plus envoyer au rythme et avec la grammaire d’il y a même un an. Tout a changé. »

Ce dont parle Emmanuel Macron ici est la capacité pour les armées des grandes puissances à assurer la logistique, les stocks et l’opérabilité des forces armées dans une guerre contre un autre État, ce que les experts appellent le taux d’attrition.

Si cela était quelque chose de bien en vue depuis plusieurs années dans les états-majors militaires, il est clair que les pertes et les masses de munitions et d’hommes engagées dans la guerre en Ukraine confirment cette tendance.

Par exemple, lors de la bataille de Kharkiv, les forces russes ont utilisé autant de munitions d’artillerie que l’ensemble du stock disponible pour l’armée française pour ses entraînements annuels. Par conséquent, l’enjeu pour les grandes puissances, c’est dorénavant de massifier leurs armées, en termes d’hommes, de stocks, de munitions, etc., mais aussi de les diversifier pour agir sur différentes zones d’intervention.

Cela signifie donc que l’industrie militaire devient un rouage central des économies des grandes puissances et puisque la France détient l’un des plus importants complexes militaro-industriels du monde, elle va être en première ligne de ce processus.

Et Emmanuel Macron en tant que représentant de la bourgeoisie pro-européenne se doit d’assurer la place du complexe militaro-industriel français dans le commerce des armes en Europe, alors que l’industrie américaine la concurrence, notamment par la vente de ses avions de chasse F-35 à bon nombre de pays européens.

C’est pourquoi lors de ce salon, Emmanuel Macron qui occupe depuis le 1er janvier, et ce jusqu’au 30 juin 2022, la présidence du Conseil de l’Union européenne, a appelé à la mise en œuvre d’une « préférence européenne » pour l’achat d’armes des pays membres.

Une perspective plus que concrète puisque depuis 2017, l’Union européenne a un budget commun en charge de l’innovation et de la recherche militaire commune alors même que l’article 41 du Traité de Lisbonne de 2007 interdisait l’utilisation du budget commun européen pour des projets militaires.

Depuis fin avril 2021, elle dispose d’un budget commun de 8 milliards d’euros (fonds européen de la défense) ce qui est en soi relativement peu, mais est énorme puisqu’avant 2017 il n’y avait rien, cela étant interdit par les règles institutionnelles.

Le tournant est tel que le Danemark est revenu par la voie du référendum le 1er juin 2022 sur son retrait historique des projets de défense européen.

Par son appel à une « préférence européenne en matière d’armements », Emmanuel Macron se place donc directement comme le porte-parole du complexe militaro-industriel français, car derrière l’industrie de défense européenne, il y a surtout quatre pays que sont la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

Et dans ce quatuor, la France capte près de 24 % des subventions européennes en matière de recherche et d’innovations militaires, les trois autres pays en recueillant environ 15 % chacun. Les industries françaises sont impliquées dans près de 80 % des projets subventionnés par l’Europe, Dassault étant au centre du projet de drone européen et Thalès (en partie détenu par l’État français) participant à plus de 40 % des projets.

De la même manière que le français Thierry Breton, chargé du très important portefeuille du marché intérieur, de la politique industrielle, du tourisme, du numérique, de l’audiovisuel, de la défense et de l’espace est également directeur général d’Atos international, une entreprise spécialisée dans le digital chargée de la modernisation de l’armée de terre française.

Voilà un parfait exemple de la tendance à la guerre qui s’empare de la base industrielle des pays. Un tel renforcement de l’industrie militaire française signifie que le complexe militaro-industriel va toujours plus devenir central dans le développement économique (et politique), alimentant la tendance au repartage militaire du monde.

Dans ce panorama, la France en tant que grande puissance apparaît comme un acteur central de la tendance à la guerre. Une donnée qui s’avère capitale pour quiconque veut lutter pour la cause pacifiste dans ce pays.