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Contre l’américanisation de la société française

Toute initiative politique a des fondements qui s’inscrivent comme partie du problème ou partie de la solution. Les rassemblements à l’appel du collectif « la vérité pour Adama » à Paris, Marseille, Lille, Lyon… s’inscrivent dans une tentative d’américanisation de la vie politique française et même de la société. Selon cette idée, la Gauche devrait disparaître et a fortiori ses idées, ses traditions, au profit d’agrégations semi-anarchistes d’esprit identitaire.

 

« Mort d’Adama Traoré : vivez en direct le rassemblement interdit devant le palais de justice de Paris » : Le Figaro n’a pas manqué d’envoyer un journaliste filmer le rassemblement parisien, avec la possibilité de commenter, ce qui a donné lieu bien sûr à un défouloir raciste et réactionnaire.

L’occasion était trop belle. Un rassemblement « interdit » mais qui a lieu quand même, avec une initiative venant des milieux postmodernes, dans le cadre d’une tentative de se raccrocher à ce qui ébranle les États-Unis : on a tous les ingrédients pour renforcer la Droite.

L’idée n’est même pas de dénoncer les réponses de la Gauche, mais de la nier, en disant qu’elle n’existe que sous la forme, hors-sol, de protestations parcellaires, forcées, agitatrices. Donald Trump a cherché à faire la même chose aux États-Unis en dénonçant les « antifas » qui seraient à l’origine des émeutes un peut partout dans le pays.

C’est-à-dire qu’en agissant ainsi, les commentateurs du Figaro font comme leurs inverses postmodernes ayant manifesté : ils poussent à l’américanisation de la vie politique et de la société.

Le principe est simple : les idées sont dans la société comme si celle-ci était une bourse et il faut pousser pour conquérir des parts de marché. C’est une vision libérale du monde, où les individus sont des consommateurs qu’il faut satisfaire afin qu’ils s’orientent vers les produit.

Eric Zemmour est un très bon exemple de produit puisqu’il dit ce que son public veut entendre, lui-même étant totalement creux, il suffit d’essayer de lire ses livres odieusement mal écrit (eu égard à ses prétentions) pour le constater. On en connaît d’autres : Dieudonné, Emmanuel Macron, Nicolas Hulot…

Le contraste est complet avec les années 1980. François Mitterrand, Georges Marchais, Valéry Giscard d’Estaing… avaient un haut niveau d’éducation et une vraie vision du monde. Ils étaient opportunistes, parfois jusqu’au paroxysme comme Jacques Chirac, mais ils avaient une base réelle. Aujourd’hui, il n’y a plus que des marionnettes.

Les Français ont beaucoup ri quand Ronald Reagan, un acteur de qualité relativement faible, a été élu président des États-Unis. Mais les Français ne valent presque pas mieux désormais. Tout est dans le « presque » cependant. Car la tentative d’américanisation de la société ne réussira pas. La classe ouvrière a trop de traditions et ainsi elle ne s’intéresse pas plus au collectif « la vérité pour Adama » qu’aux gilets jaunes. Elle vit sa vie, irréductible, passive, mais incorruptible.

Et quand elle commencera à bouger, cela ne sera certainement pas pour expliquer que les trans sont la figure révolutionnaire de notre époque, que les blancs sont des « souchiens », que la France des années 1960 était un paradis, que le drapeau national est la solution, que distribuer des gâteaux est de la subversion, que l’armée est la solution, que le hooligan au look neutre mais branché est la forme la plus aboutie de la rébellion, etc. etc.

Toute cette agitation forcenée de la Droite et des milieux postmodernes est en total décalage avec la réalité. Avec la réalité du Covid-19, car de tels rassemblements sont incohérents sur le plan de la protection sanitaire. Avec la réalité de la crise économique sur laquelle la France capitaliste va se fracasser. Avec la réalité de la classe ouvrière qui est là pour instaurer le Socialisme.

Mais il est vrai que ni la Droite, ni les milieux postmodernes ne veulent le Socialisme. Cela tombe bien : le Socialisme ne veut pas d’eux non plus.

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Le 11 mai va ouvrir la crise de l’indolence française

Les Français sont indolents, c’est-à-dire des partisans du moindre effort. Dès qu’il y a un problème, ils quémandent à l’État, y compris lorsqu’ils sont des tenants du libéralisme économique. Même en religion ils ont besoin d’un clergé. Quant à la politique, ils n’y participent jamais, déléguant de loin à des partis politiques numériquement très faibles. Le 11 mai ouvre la crise de cette indolence.

Les Français ont inventé le protestantisme. Mais ils n’ont pas assumé et aujourd’hui, seule une minorité de gens savent que Calvin est Français, de Picardie, comme La Fontaine et Racine. Comment pourrait-il être français, alors qu’il représente un puritanisme qui serait forcément anglo-saxon ? Le Français n’est-il pas hâbleur et batailleur, un vrai Gaulois ?

Ce qui va s’ouvrir le 11 mai, c’est une remise en cause fondamentale de cette illusion relevant du confort bourgeois d’une France correspondant au village d’Astérix et Obélix. Les Français se sont en effet mentis à eux-mêmes pendant des décennies, refusant de se considérer aussi libéraux que les Américains, imaginant que leur fromage vient de petite ferme, que les vaches gambadent dans les prés et que la France est, par définition, le pays le plus agréable du monde.

Le 11 mai, le déconfinement va montrer toutes les faiblesses, les étroitesses d’esprit, les manques matériels, les incapacités à organiser, le dédain, le mépris, l’hypocrisie, l’égoïsme. Cela va être un vaste catalogue de la catastrophe française, l’équivalent culturel de la débâcle de 1940. Et même si les gens font encore semblant que tout irait finalement pas si mal, la Droite est derrière pour cogner et pour faire tomber le tout.

Car personne ne semble avoir encore compris, à part certains secteurs de la Droite et de l’extrême-Droite, que l’économie a fait un bond en arrière de plus de dix ans, que tout l’existence artificielle de couches petites-bourgeoises va être profondément remise en cause. Les remous vont être énormes, l’instabilité économique va se prolonger en instabilité politique, avec des appels toujours plus forts à l’émergence de l’homme providentiel, sans doute une haute figure militaire.

Il n’y a simplement plus de place pour l’indolence, et si les gens ne veulent pas assumer d’en sortir, alors la sortie autoritaire, militariste, fasciste à la crise les y obligera de toutes façons. La polarisation va être complète et il n’y a, au fond, que deux forces en compétition pour les choix de la société : le mouvement ouvrier d’un côté, les forces les plus agressives du capitalisme de l’autre.

Le problème, évidemment, c’est que le mouvement ouvrier est au point mort. Les valeurs universitaires postmodernes ont anéanti de nombreux fondements culturels et politiques, alors que la démarche folklorique syndicaliste révolutionnaire est présente en force. C’est un ignoble mélange d’une gauche américaine avec une gauche d’avant le début du XXe siècle, avant la formation du Parti socialiste SFIO.

C’est en décalage complet avec ce qui est exigé et c’est pour cela que tout va aller très vite. La Gauche va se recomposer, sur sa base historique, mais de manière très rapide. Cela va être la course. Comme en Espagne dans les années 1930, il va y avoir une Droite au sens le plus large unifiée et voulant une sortie autoritaire, une toute petite extrême-Droite puissamment agitatrice, une agitation anarchiste et syndicaliste sans intérêt, et enfin une Gauche s’approfondissant, se systématisant, se structurant puissamment.

Le 11 mai marque le début de la grande course au pouvoir entre la Gauche et la Droite. Le vieux monde est dépassé.

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Décès de Patrick Devedjian, figure de la Droite libérale française

Patrick Devedjian est mort à 75 ans ce week-end, après avoir contracté le Covid-19. Il était une figure de la Droite française, profondément libéral et totalement opposé au Socialisme.

Patrick Devedjian est l’exemple même d’une intégration ratée, ou réussie, selon comment on voit les choses. D’origine arménienne, il a assumé un esprit démocratique en étant au début des années 1980 l’avocat de membres de l’ASALA. Cette organisation arménienne clandestine avait mené des actions armées contre des intérêts turcs et il a été très lyrique en leur défense, alors que la veuve de Missak Manouchian était elle-même venue les soutenir au procès.

Mais Patrick Devedjian avait d’autres préoccupations que les causes démocratiques et le romantisme politique, fut-il parfaitement juste. Comme nombre d’immigrés, il préféré être un Rastignac. Avoir comme clients l’ASALA, cela ne vaut pas d’avoir pour ceux-ci Jacques Chirac et Charles Pasqua.

Pour arriver à cela, Patrick Devedjian commença par vouloir être plus français que les Français, en participant dans les années 1960 au mouvement d’extrême-Droite « Occident ». Puis il fit ses classes dans la Droite, ayant notamment été porte-parole du RPR puis présidant l’UMP (les structures ayant précédé LR). Il incarnait le libéralisme le plus strict sur le plan économique et le conservatisme mou.

Avec succès : au moment de son décès, Patrick Devedjian présidait le département des Hauts-de-Seine, aboutissement d’une carrière où il a été ministre à plusieurs reprises, ainsi que maire et député. Il avait l’impression d’être une sorte de petit monarque, comme on le voit dans l’interview extravagante pour la revue bobo Technikart en novembre 2019, interview d’ailleurs menée par Bertrand Burgalat, figure bobo lui-même une ancienne figure de l’extrême-Droite.

C’est Patrick Devedjian qui a par exemple dirigé la privatisation de France Télécoms ; il fut aussi choisi par François Fillon comme ministre chargé du plan de relance suite à la crise financière de 2008. Dans la même veine libérale, c’est lui qui a piloté les très importantes lois de « l’acte II de la décentralisation », consistant en un affaiblissement de la puissance publique d’État.

Ce libéralisme était profondément incarné par Patrick Devedjian, pour qui Raymond Aron, un intellectuel anticommuniste de renom et incontournable à Droite, était une figure d’importance et pour qui il collabora à la revue libérale Contrepoints. Il expliquait par exemple dans un livre que Raymond Aron a fait de lui « un démocrate jusqu’à la dernière de mes molécules » et qu’il a « transmuté le plomb de l’extrême droite en or de la démocratie ».

Les mots de Nicolas Sarkozy, avec qui il eu pourtant de nombreux conflits et divergences, illustrent très bien en quoi c’était une figure pour la Droite :

«Patrick Devedjian était un homme passionné, entier, sincère, engagé. Il incarnait la politique comme je l’aime, avec des sentiments, des convictions, du panache. Je suis fier de l’avoir eu à mes côtés. Je veux dire à ses proches ma vive émotion et ma tristesse infinie»

C’est-à-dire qu’on avait avec Patrick Devedjian un bourgeois français tout ce qu’il y a de plus caractéristique, avec du « panache » dans les propos, mais finalement toujours beaucoup de mesure dans leur application, reconnaissant la civilisation (il était collectionneur d’art ancien, administrateur du musée du Louvre, etc.), mais assumant en même temps de tout renverser par le libéralisme économique.

On se demandera alors bien pourquoi des gens comme Benoît Hamon ou Ian Brossat, censés être pour leur part des figures de la Gauche, ont pu se dire que c’était une bonne idée de saluer sa mémoire. Quelle drôle de conceptions des convictions politiques, surtout quand il est bien connu que Patrick Devedjian n’hésitait pas devant les coups fourrés, en caricature de l’homme politique de Droite.

 

Un homme sincèrement et authentiquement libéral de Droite comme Patrick Devedjian n’aurait jamais commis une telle faute politique dans le cas inverse, puisque lui assumait de vouloir que la Gauche disparaisse. En ce sens, Patrick Devedjian a été cohérent : en abandonnant la Cause démocratique arménienne, il s’est précipité dans le cynisme de la Droite, dans le carriérisme confortable. Rien de plaisant, donc.

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Le professeur Didier Raoult, la Droite et la trottinette

Le professeur Didier Raoult, directeur de l’IHU Méditerranée Infection, fait parler de lui en prétendant faire mieux que tout le monde et soigner le Covid-19 avec de l’hydroxychloroquine en dehors des procédures médicales institutionnelles. Son attitude est typique de la Droite, glorifiant les attitudes individualistes aventuristes et désinvoltes… et dont Didier Raoult fait objectivement partie.

La science est une activité qui se fonde sur la vérité et qui vise la vérité. Encore faut-il se mettre d’accord sur la vérité et là est bien le problème. Ainsi, le professeur Didier Raoult s’est illustré en 2013 dans la revue ultra-conservatrice Le Point par sa négation du réchauffement climatique (« La planète ne se réchauffe plus depuis 1998 »).

On reconnaît là l’esprit sceptique, une tradition imprégnant les scientifiques actuels tendant toujours à tout relativiser. Le Covid-19 a valu chez lui la même réaction. Voici ce qu’il disait en effet dans la presse le 28 janvier dernier :

« Concrètement, si vous ramenez les morts chinois infectés par le coronavirus à la taille de la population de 1,6 milliard, il y a probablement plus de gens qui sont tués en trottinette en Chine que par le virus. »

C’est là tout le fond du problème. Véritable chercheur, Didier Raoult veut trouver et il déteste les prévisions statistiques et tout ce genre de choses, encore moins qu’on en parle à tort et à travers. Soit. C’est un chercheur, un chercheur émérite sur les virus, une sommité mondiale. Très bien ! Mais alors qu’il se taise quand il n’a pas trouvé. Car nier que le covid-19 est un virus mutant qui peut très bien provoquer des ravages, c’est de l’inconscience.

Une inconscience relativiste ; Didier Raoult avait déjà fait le coup en 2015 dans Le Point (« Le vélo tue plus… que tout ce qui vous fait peur »), opposant les tués à vélo à ceux de « la crise de la vache folle, la grippe aviaire, Ebola, le bioterrorisme, le Chikungunya, le SRAS et le coronavirus du Moyen-Orient ».

Sauf que le vélo, lui, ne mute pas, n’est pas le produit d’une mutation causée par les déséquilibres de l’Homme dans la nature… Et qu’à moins de prendre tous les États de la planète pour des entités paranoïaques ne visant que le contrôle…

Mais Didier Raoult préfère jouer les scientifiques médiatiques et se targuer de relativiser, d’être un sceptique. Ses propos explicatifs à sa thèse de la « trottinette » de janvier le montrent bien :

« Il y a 36 000 raisons de mourir. Il y a 60 millions de gens qui meurent dans le monde chaque année. En comparaison, qu’il y en ait 80 qui meurent d’une pneumonie identifiée ou non, cela ne change rien. Ce n’est pas visible.

Et donc on est en train de parler d’une population de 60 millions d’habitants qui a été mise en quarantaine pour 50 ou 80 morts. Tout cela est disproportionné.

Globalement, et pour les semaines à venir, je peux vous dire, parce que l’on mesure le nombre de morts qui sont dus à la grippe ou autres coronavirus, qu’il y a plus de chances de mourir de virus qui sont là depuis longtemps que de mourir du coronavirus chinois. »

Ces propos sont sidérants ! Mais il y a un mouvement aux aguets, cherchant à se distinguer lors de cette crise, en tapant sur le gouvernement mais sans vouloir passer pour des saboteurs. C’est la Droite. Et, cela tombe bien, depuis longtemps Didier Raoult converge avec la Droite. Ce n’est pas pour rien que Didier Raoult publie déjà ce 26 mars 2020 Épidémies, vrais dangers et fausses alertes en annonçant cela dans Le Point, lui qui a écrit pour Le Figaro, ainsi que pour Les Échos.

Un article payant, qui vise donc un public bien particulier, tout comme les tribunes qu’on trouve comme article payant dans Le Monde. On vise un public bien délimité.

Comment cette convergence Droite – Didier Raoult se réalise-t-elle ? Didier Raoult est infectiologue et professeur de microbiologie et avec cette aura il s’est montré populaires en faisant que l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée infection de Marseille mène des tests de dépistage ouverts au public.

L’IHU ? Pour comprendre ce que c’est, regardons d’abord ce que dit Didier Raoult au sujet de la chloroquine. Précisons tout de suite : il n’a pas « découvert » que la chloroquine pouvait éventuellement fonctionner comme anti-viral contre le SARS-CoV-2, qui entraîne la maladie Covid-19. Il n’a fait que lire des publications chinoises qui testent cela depuis février, cela et l’hydroxychloroquine, une molécule proche.

Ils le font cependant avec de nombreuses précautions, sans triomphalisme et en prenant soin d’étudier cliniquement les effets, car le médicament est très dangereux et peut facilement être létal. Ce sont des médecins faisant leur travail, avec probablement leurs limites, mais en tous cas avec de la méthode. Il y a de nombreux médecins et professeurs en France suivant leurs travaux et les poursuivant, sans s’en vanter particulièrement.

La particularité du Professeur Didier Raoult, c’est de se séparer des procédures institutionnelles médicales et d’utiliser directement et massivement la molécule. Et surtout de le faire savoir. C’est sa marque de fabrique, il se présente régulièrement comme étant « à contre courant », envoyant balader le système au nom du pragmatisme et assumant la désinvolture, etc.

Il est pour cela apprécié par exemple par Christian Estrosi le maire de Nice, personnalité typique de ces gens de Droite valorisant l’accomplissement individuel, l’esprit d’entreprise au-delà de tout « collectivisme », etc.

Il y a aussi Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé de droite, qui dit de lui que « c’est un très grand médecin » et a « beaucoup de respect tant pour l’homme, que le chercheur. » C’est le même discours du côté du président de la région PACA Renaud Muselier, lui-même médecin et proche de lui, qui explique au Figaro qu’il lui verrait bien décerné le Prix Nobel, ou encore Jean-Luc Harousseau, ancien directeur de la Haute Autorité de Santé, de droite également, qui va dans son sens.

De la même manière, Arnold Munnich, le fondateur de l’IHU Imagine (la structure parisienne équivalente à son IHU marseillais), en fait l’éloge, le considérant comme « homme extraordinaire, engagé, militant de la science. » Arnold Munnich est lui aussi de droite : c’est l’ancien conseiller santé de Nicolas Sarkozy et c’est justement ensemble qu’ils ont mis au point ces fameux IHU, instituts hospitalo-universitaires.

À tel point que le Figaro expliquait hier :

« Quand Nicolas Sarkozy a créé les IHU, Didier Raoult lui a été extrêmement reconnaissant d’avoir tout fait pour que le mérite soit récompensé. Pour que ceux qui travaillent plus soient récompensés. Comme s’il y avait quelque chose de l’ordre d’une réparation. »

On a affaire ici à des libéraux classiques, détestant tout ce qui relève d’un État fort, structuré, organisé, procédurier (sauf en ce qui concerne la répression ou l’Armée, évidemment). Les IHU ont été créés précisément dans ce cadre, afin de contourner les institutions publiques médicales françaises, et pouvoir faire les choses dans son coin, avec une grande liberté de recrutement, de communication et d’exercice en général, tout cela au service du partenariat public-privé.

Pour résumer, les IHU sont des pôles d’excellence au service du capitalisme ; on lit en 2016 dans Le modèle économique des instituts hospitalo-universitaires :

« Les politiques de partenariat industriel et de valorisation conduites par les IHU donnent par ailleurs lieu à des perspectives porteuses, mais dont il ne fautpas surestimer la contribution possible à une éventuelle autonomie financière.

Ces politiques s’inscrivent dans un contexte économique mouvant, marqué par la remise en cause des lignes de partage entre recherche de base et recherche appliquée, mais aussi par des difficultés rémanentes à engager des partenariats à grande échelle pour des recherches très «en amont».

Les partenariats durables des IHU se développent ainsi davantage avec les fabricants de matériels chirurgicaux, d’imagerie ou de diagnostic, voire de dispositifs médicaux, qu’avec les grands groupes du secteur pharmaceutique. Ils sont aussi relativement fréquents avec des entreprises des biotechnologies ou de la pharmacie de taille moyenne, spécialisées sur des segments très spécifiques du marché. »

Didier Raoult n’est donc pas sorti de nulle part et n’est certainement pas un grand ennemi des laboratoires pharmaceutiques, comme le prétend toute une petite-bourgeoisie paranoïaque tout à fait l’esprit des gilets jaunes.

Didier Raoult n’en a que faire et fonctionne dans son coin, à la manière de l’hôpital privé… tout en bénéficiant de grandes subventions publiques. Et cela avec l’appui de la Droite, qui pousse en son sens, ayant trouvé une brèche politique dans cette situation de crise ; Ouest France le constate sans ambages (Coronavirus. Usage de la chloroquine : la droite pousse, le gouvernement tente de calmer le jeu).

Tout cela est anti-rationnel, anti-populaire, c’est une véritable foire libérale. Cela déboussole encore plus les gens, alors qu’il faut se préparer à une terrible vague de maladies et de morts. C’est, très exactement, anti-démocratique.

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Affaire Pilarski: Valeurs Actuelles, en service commandé pour défendre la chasse à courre

La chasse à courre est suspectée dans l’affaire Élisa Pilarski, mais on ne touche pas à ce monument sacré du dispositif réactionnaire français. Le journal de la Droite réactionnaire Valeurs Actuelles est donc en service commandé pour la défendre coûte que coûte… quitte à raconter n’importe quoi.

Quoi qu’il se soit passé dans la forêt de Retz en novembre dernier, il y a un flou immense entourant cette affaire, un flou pour le moins suspect. Il y a eu cette histoire rocambolesque des tests ADN qui n’avaient jamais été commandés, malgré ce qui avait été dit, il y a eu le responsable de la Gendarmerie de l’Aisne, présent avec sa famille derrière la chasse à courre ce jour-là, qui a été mis au placard suite à l’affaire. Et finalement, on ne sait pas grand-chose dans cette histoire, alors que beaucoup d’informations fausses sont diffusées dans tous les sens, pour brouiller les pistes.

Valeurs Actuelles participe ici directement à cette opération d’enfumage en écrivant un article à charge contre Élisa Pilarski, sa famille et son chien. Le but de l’opération est simple : diffuser une « vérité » qui mette hors de cause la chasse à courre.

On se dit en lisant l’article que le journal sait beaucoup de choses, comme s’il avait accès au dossier et révélait des informations par encore connues. Il y a cependant certaines choses qui sont connues et avérées, et c’est là qu’on se rend compte qu’il raconte n’importe quoi.

Il est parlé d’un « Bellinois » pour un chien croisé plus tôt par Élisa Pilarski, alors que cela n’existe pas comme chien. C’était un malinois. Il est utilisé l’argument, mainte fois répété, que les chiens de chasse à courre sont des chiens d’arrêt, qui ne sont pas entraînés à dévorer leur proie d’eux-mêmes. Ce n’était pas le cas des chiens présents en forêt ce jour-là, qui étaient des chiens de chasse au chevreuil, donc des chiens d’attaque, entraînés à déchiqueter leur proie.

En ce qui concerne Curtis, le chien d’Élisa Pilarski, Valeurs Actuelles prétend savoir des choses que personne ne sait en disant qu’ « aucune trace de morsure ou de blessure n’a été identifiée » sur lui. Le problème, et c’est un véritable problème démocratique, c’est que le procureur ne communique pas sur cette question essentielle depuis le début de l’affaire, et donc personne ne sait rien.

Au passage, Valeurs Actuelle participe, sans aucune preuve, à la petite campagne de diffamation consistant à dire, « selon un proche de l’enquête », qu’« Élisa aurait été victime de morsures de son chien à l’été 2019 ». Cela n’est aucunement avéré et d’ailleurs la famille a même dû ressortir des documents de l’hôpital pour prouver qu’elle avait été mordue par un chat errant qu’elle nourrissait.

Il est également parlé du détournement de l’argent d’une caisse de soutien… alors que tout le monde sait que ce n’est pas la famille qui est en cause et que l’argent a été rendu. On a le droit également à une analyse fumeuse sur la durée de l’appel au secours d’Élisa Pilarski à son compagnon, ou alors l’itinéraire de ce dernier pour se rendre en forêt, tout cela pour faire croire que la chasse à courre a été désignée comme coupable afin de cacher quelque-chose.

Quant au déroulé des faits, Valeurs Actuelles invente totalement, en affirmant une chronologie qui l’arrange (« il faudra attendre encore une demi-heure avant que les chiens passent dans la zone »), sans que cela ne soit étayé nulle part.

Cela est d’autant plus problématique qu’il y a une ambiguïté entre le début effectif de la chasse, qui pourrait ne pas correspondre avec l’heure de l’attaque d’Élisa Pilarski, et l’heure de la présence réelle des chiens en forêt, après la messe s’étant déroulé le matin.

De toutes façons, si le médecin légiste parle d’un décès « aux environs de 13h30 », comme le rappel Valeurs Actuelles, ce médecin a également précisé qu’il y a une période d’incertitude de 2h par rapport à l’heure annoncée. Cela, bien sûr, Valeurs Actuelles ne le précise pas, puisque cela ne va pas dans le sens de la « vérité » qui est déroulée pour défendre la chasse à courre.

La même méthode est employée à propos des morsures, où là encore les citations sont tronquées. Nulle mention de cette précision du procureur de la République de Soisson parlant des morsures : « probablement de plusieurs chiens au regard de la répartition des plaies ».

Quant aux chiens de la chasse à courre, on devrait se contenter de croire, malgré la scandaleuse absence de test ADN, malgré aucune version officielle, qu’il n’y avait sur ces chiens « aucune trace de morsure ou de blessure »… simplement parce que le vétérinaire des veneurs le dit.

Mais comme cela vient de la chasse à courre, Valeurs Actuelles prétend que c’est vrai, puisque son but est uniquement de défendre la chasse à courre. Cette accumulation d’approximations, de mensonges et d’inventions va même très loin puisqu’il est insinué en arrière plan que Curtis aurait dévoré sa maîtresse… par jalousie pour l’enfant qu’elle portait.

Ce sous-entendu, telle une affirmation sans aucune preuve évidemment, est inacceptable et en dit très long sur l’état d’esprit des gens défendant la chasse à courre. On a là une mentalité arriérée, de la part de gens défendant la barbarie dans les forêts, au nom d’un prétendu patrimoine culturel.

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Mort d’Élisa Pilarski et de son bébé: toujours pas de résultat des tests ADN, d’ailleurs non réalisés

C’est terrible : alors qu’on attend les résultats des analyses des tests ADN, on apprend désormais qu’ils n’ont en fait pas été réalisés ! Le laboratoire coûterait trop cher, il faudrait voir si un autre n’a pas moins cher à proposer… En réalité, il s’agit de gagner du temps, tout simplement. Pour faire oublier l’affaire par l’opinion publique.

forêt

On a vu se faire débarquer le responsable de la gendarmerie présent à la chasse à courre le jour de la mort d’Élisa Pilarski. Discrètement, mais sûrement. Et maintenant on a cette affaire rocambolesque de tests ADN coûtant trop cher pour les mener. Et on apprend cela trois mois après.

Cela ne tient pas debout une seule seconde. Aucun État riche et puissant comme on l’a en France ne peut prétendre ne pas avoir les moyens de réaliser des tests ADN, alors qu’il y a une question d’ordre public à l’arrière-plan. Il est évident qu’ici, en fin de compte, c’est la chasse à courre qui est protégée.

Une source proche de l’enquête a d’ailleurs diffusé hier en fin de soirée l’information que les tests auraient bien lieu, qu’il s’agit de 200 000 euros pour plus de 350 analyses, que c’est l’argent du contribuable, etc. Les médias se sont empressés de reprendre cette affirmation.

En réalité, pour qui n’est pas naïf, l’annonce de non-réalisation des tests ADN était un ballon d’essai. En plus de repousser encore et toujours les résultats, il est évident que les réactions à l’absence de réalisation des tests ont été évaluées, soupesées, étudiées. La sortie de la « source proche de l’enquête » rassure donc : la pression est bien là et l’État a été obligé de prétendre agir.

En même temps, il est à peu près évident que la vérité aura bien du mal à ressortir. Au lieu d’agir vite pour savoir, l’État cherche à temporiser, à maintenir le flou, le trouble quant à de nombreux aspects de l’affaire, comme le fait qu’une seconde meute de chiens de chasse à courre censée être présente le même jour a littéralement disparu des radars.

Il y a également une vaste campagne de criminalisation de Curtis, le chien d’Élisa Pilarski, un croisé lévrier Whippet et Patterdale terrier âgé de deux ans, soit un chien adolescent, qui a pu être terrorisé par la meute de chiens de chasse, une hypothèse tout à fait sérieuse que les médias, par contre, ne mentionnent pas. Curtis a d’ailleurs été mordu : il n’a pas pu le faire tout seul, pourquoi cela aussi est-il passé à la trappe ?

On l’aura compris, tout cela est trop flou, trop lent, pour ne pas qu’on devine un problème de fond. L’affaire dérange, et si elle dérange c’est qu’elle dérange les classes dominantes, le milieu de la chasse à courre, la chasse à courre elle-même. Cette dernière est un puissant levier de contrôle social de la « France profonde », c’est un véritable dispositif de la Droite pour rendre les masses soumises.

C’est donc quelque chose d’intouchable. La ligne populaire d’Abolissons la Vènerie Aujourd’hui a ébranlé l’édifice et on imagine très bien les forces réactionnaires s’arc-bouter pour protéger à tout prix la chasse à courre. Cette affaire prend, en tout cas, une dimension historique. Sa dimension est tellement grande, son opacité si forte, l’incohérence de l’enquête si profonde, qu’il est évident qu’on est là à un endroit nœud de terribles contradictions.

La pression démocratique doit se maintenir, l’opinion publique ne pas détourner son attention, les gens conscients doivent maintenir une capacité d’informer, se tenir aux aguets pour réfléchir à la manière dont l’État cherche à faire passer cette histoire sous le tapis.

À voir tout cela, on a du mal à croire qu’on est au début du 21e siècle. Et pourtant !

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Marion Maréchal s’aligne sur l’Action française

Si les « identitaires » ont été un véritable succès d’exportation, l’extrême-Droite française s’est méfiée de ce néo-existentialisme qui, finalement, est plus apprécié par les postmodernes qu’autre chose. Avec son « alliance latine », Marion Maréchal prône donc un alignement sur l’idéologie de l’Action française.

Identitaire ou conservateur révolutionnaire ? Il y a une différence majeure entre ces courants, ainsi qu’avec le fascisme. Le fond est bien entendu assimilable, car il s’agit de mouvements s’opposant à la Gauche, à la classe ouvrière. Mais les axes ne sont pas du tout les mêmes.

Marion Maréchal a ainsi participé le 4 février à une conférence à Rome intitulée « National Conservatism Conference ». Le titre est en anglais, la conférence précédente était à Washington, les organisateurs sont américains. Il s’agit de la Fondation Edmond Burke, un « think tank » surfant sur la vague Donald Trump.

Son dirigeant est l’Israélien et religieux juif orthodoxe Yoram Hazony, qui reflète ici le sionisme religieux apparu ces trente dernières années, avec toute sa pesanteur conservatrice associée à une religiosité bornée.

On n’est pas du tout ici dans une mise en perspective identitaire, racialiste, ou bien idéaliste, fasciste. D’ailleurs, affiché en grand derrière les orateurs, on pouvait lire écrit en anglais :

« Dieu, honneur, pays : le président Ronald Reagan, le pape Jean-Paul II et la liberté des nations »

Si l’on voit cela, et qu’on note le fait que Marion Maréchal a prôné une « alliance latine » comme Charles Maurras, alors on comprend qu’il y a un alignement sur l’Action française. Cette image mise en avant par l’Action française établit très bien la différence entre le « conservatisme révolutionnaire » et le populisme fasciste, à prétention contestataire.

Marion Maréchal a d’ailleurs directement fait allusion à la ligne de l’Action Française en parlant de « légitimisme » et de catholicisme social :

« [en France] il n’y a plus de mouvement conservateur depuis la Troisième République, mais il y a eu des moments conservateurs depuis la Révolution [comme] le légitimisme, le catholicisme social ou le gaullisme »

Parallèlement à cela, la question de l’héritage catholique a été plus directement au cœur de son discours, qu’elle a d’ailleurs terminé de manière lyrique à propos de Notre-Dame de Paris :

« Devant ces flammes, les Français ont ressenti ce besoin intense de préserver. Certains ont vu cet événement comme un symbole : celui de notre société mourante. D’autres, un signal d’alarme pour la vulnérabilité du patrimoine. Je préfère y voir une promesse d’espoir : celle des fondements encore debout de notre civilisation malgré les périls de l’époque ».

L’Action française ne dit pas autre chose. Elle a également dit :

« La France a été considérée pendant des siècles comme la « Fille aînée de l’Eglise ». Que reste-t-il de cela, quand mon pays est devenu l’arrière-cour du salafisme ; à l’heure où 150 quartiers français sont aux mains des islamistes ? »

C’est très précisément la thématique de l’Action française, là encore.

Elle a également repris le thème des gilets jaunes, qu’elle avait déjà abordé l’année dernière, en se félicitant qu’il s’agisse d’un équivalent français des « brexiters » britanniques (ce en quoi elle a tout à fait raison), qui a été selon elle été « moralement blâmé et réprimé physiquement ».

Elle voit en eux la preuve que :

« Les Français ont le sentiment qu’une approche conservatrice est devenue une nécessité vitale pour protéger leur patrimoine matériel et culturel ».

Ici encore, on a la même position que l’Action française, avec l’opposition entre une élite corrompue, pourrie, et un peuple révolté attendant des chefs qui « méritent » d’être chefs.

> Lire également : Marion Maréchal prône une «alliance latine» à Rome

On a donc un alignement. Marion Maréchal vise la même chose que l’Action française : la formation d’une élite conservatrice, propre sur elle, sans regard sur l’origine ethnique, avec comme horizon romantique le passé, comme idéologie l’enracinement, le repli sur un minimalisme ayant comme garant une figure patriarche, un « roi », ou un président de la Ve République venant de l’armée.

Elle se distingue ici très clairement de l’approche social-nationaliste de Marine Le Pen, qui elle est plus directement concurrencée par les tenants du « Frexit ».

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Culture

Astérix le Gaulois: une flatterie réactionnaire

Le dernier album des aventures d’Astérix est un succès qui s’inscrit dans une offensive commerciale de grande ampleur. Ce succès et ce soutien public reflètent un cadre bien précis que toute personne de gauche ne peut pas manquer de voir : celui d’un renforcement sur le plan de la culture de la tendance au populisme voire même au néogaullisme sous une forme qui se voudrait ici populaire, anodine et consensuelle.

Le 38e album des aventures d’Astérix le Gaulois sorti le 24 octobre 2019 a donc été  un réussite commerciale. Le tirage initial a été de 2 millions d’albums en français (presque autant en allemand). En 4 jours il s’en est vendu plus de 550 000. Une réédition est d’ors et déjà amorcée. Une édition de luxe, dédicacée par les auteurs, à plus de 150 euros l’unité a aussi été diffusée.

Les derniers albums en regard de cela n’avaient pas connu un franc succès de par le caractère confus des intrigues, donnant souvent à juste titre l’impression d’un travail bâclé, sans esprit, sans lien même avec le style fondateur mis en place par le dessinateur Uderzo et le scénariste Goscinny. Cela cherchait simplement à surfer sur une franchise qu’il fallait entretenir coûte que coûte. Ce n’est pas, ou plus, le cas avec cet opus.

L’album vise à assumer de manière très affirmée ce que représente Astérix dans le dispositif « culturel » de la France d’aujourd’hui. On est bien obligé de mettre des guillemets en parlant ici de « culture », puisque, en fait il s’agit essentiellement d’une caricature de la culture française, d’une caricature de l’histoire française et d’une caricature de la société française.

Cela ne serait pas encore trop grave en soi si cela ne relevait pas d’un cadre politique bien précis. Car Astérix en général et cet album en particulier a une incontestable dimension politique : celle du bon mot, du bon sens, du « ni droite ni gauche », celle pour tout dire de l’esprit beauf pseudo-populaire alliant vulgarité et mélancolie comme un trait distinctif de la psychologie voire de l’identité du « Français ».

Les personnages d’Astérix ont ainsi une apparence populaire, ronde, colorée et lumineuse, franche, avec des caractères affirmés qui semblent authentiques. Ils évoluent dans un cadre rassurant, celui d’un petit village où les gens viennent d’un peu partout au fond, se chamaillent souvent mais qui sont tous néanmoins « d’ici ».

Un petit village animé par des activités de petits producteurs indépendants, sans présence significative d’échanges commerciaux, autogérés et suffisants, où tout le monde se connaît et où la vie politique est de fait inexistante, au point où le « chef » du village n’a en réalité aucun pouvoir ni même aucun relief particulier.

Bien sûr, le village est assiégé, par un ennemi militarisé et universel, qui occupe d’ailleurs la Gaule, vue comme une allégorie de la France. Mais si le petit village résiste, il ne fait pas non plus face toutefois à une agressivité particulièrement brutale des Romains, qui sont presque acceptés comme tels et qui sont de toute façon tenus à distance par la « potion magique » du druide du village.

Surtout, le village n’envisage à aucun moment d’élargir la lutte ou au moins une sorte de reconquête. Il accepte le monde, en le tenant simplement à distance de son sanctuaire, et le fréquente comme bon lui semble et selon les termes qui l’arrangent, de façon unilatérale et sur le mode de l’aventure. Chaque histoire se termine d’ailleurs traditionnellement par un banquet collectif, censé représenter les origines du «gueuleton à la française».

Inutile de dire à quel point ce tableau a une dimension réactionnaire. Mais c’est justement cela qui parle. Cet esprit néo-gaullien a l’ambition de proposer le reflet de ce que serait la France, son esprit et son peuple. C’est-à-dire la France de droite, il faut bien le dire.

Mais cette France de droite a un puissant dispositif culturel hérité du catholicisme : celui de la conciliation, de la concorde cocardière et franchouillarde. Cela n’est pas à négliger pour les personnes ayant une sensibilité de gauche. Et cet album joue typiquement de ce ressort.

Voyons rapidement l’histoire : un groupuscule de résistants nommé le FARC (Front Arverne de Résistance Checrète : les Arvernes étant dans l’univers d’Astérix des pseudo-auvergnats du début du XXe siècle, ils sont systématiquement caractérisés d’un accent chuintant) arrive au village avec l’intention de passer clandestinement à Londres pour y organiser leurs activités de résistance face aux Romains.

Ils sont poursuivis par des collaborateurs gaulois, dont le chef Adictosérix, (notons le nom qui sonne au passage comme un reproche anti-moderne), cherche à entraver leur projet et surtout à mettre la main sur leur signe de ralliement : un torque que Vercingétorix a confié à son héritier pour l’enjoindre à poursuivre la lutte. On apprend rapidement que l’héritier en question est une jeune fille : Adrénaline.

Le parallèle avec Jeanne d’Arc est évident, mais comme une jeune fille de notre époque, Adrénaline a toutes les caractéristiques d’une adolescente, ou pour le dire plus exactement de la caricature des adolescentes vues de la droite : d’abord « féministe », c’est-à-dire caractérielle et individualiste, au point finalement de renoncer à sa mission providentielle pour vivre une histoire d’amour sur une île exotique appelée Thulé.

Il est impossible que les auteurs ignorent ce que Thulé signifie dans la culture de la Droite réactionnaire. La société secrète Thulé est considéré comme une des sources du nazisme. Cette simple allusion au milieu d’un tel dispositif est au mieux un relativisme littéralement irresponsable, au pire une volonté de diffuser des thèmes d’extrême-droite au motif de la légèreté.

D’ailleurs, la Thulé en question s’avérera une sorte de paradis tropical métissé ou plutôt ethno-différencialiste où Adrénaline et son amoureux élèveront des enfants blancs, noirs et asiatiques dans une douce insouciance.

La lecture de cette soupe ne peut être qu’écoeurante pour une personne ayant une culture de gauche un tant soit peu développée. Les références sous-entendues, qui font précisément la marque de la série, croisent sans répit les allusions allant de l’extrême-gauche (les FARC par exemple) à l’extrême-droite (le mythe de Thulé), les clins d’oeil aux libéraux (Astérix et Obélix faisant quasiment figure de couple homoparental confronté à l’éducation d’une adolescente en pleine crise existentielle) et aux conservateurs (la mission providentielle de la jeune fille incarnant l’esprit national qu’Adrénaline avant de disparaître révèle qu’il s’incarne dans tout Gaulois résistant et notamment dans le village dans son ensemble).

Tout cela est littéralement du populisme. On sort de la lecture avec l’image d’un village et même d’une Gaule diverse mais unie au bout du compte derrière ses figures et par son esprit et sa certitude de ne pas être concerné par l’universalisme romain. Et si l’universalisme serait désirable, ce serait ce paradis exotique et individuel où Adrénaline se retranche. Le « monde réel » des Gaulois étant marqué par la concorde agitée du village tel qu’il est et tel qu’il reste face au reste du monde.

Un lecteur libéral pourra bien trouver quelques allusions trop « réac » tout comme un lecteur réactionnaire trouvera bien des références trop post-modernes à son goût. Mais les deux ne peuvent rater ici l’essentiel : au bout du compte, la concorde l’emporte et c’est le village qui encore une fois triomphe. C’est précisément en cela que la dimension culturelle de cet album en particulier, mais aussi de l’ensemble de la série Astérix en général, est politique.

À nier la lutte, à prêcher la concorde, le retranchement fataliste, le refus de l’universel, la mélancolie et le mysticisme, Astérix est une oeuvre incapacitante, une flatterie masquant l’individualisme le plus vil derrière un pseudo-panache identitaire. Il est littéralement et dans le mauvais sens du terme, une caricature de la France de sa culture et de son peuple.

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Politique

Néogaullisme: le général Pierre de Villiers appelle à remettre de l’ordre

L’invitation du général Pierre de Villiers sur RTL en dit long sur la tendance actuelle traversant la société française, celle du coup d’État. Quelle autre raison y aurait-il à inviter l’ancien responsable de l’armée française, qui plus est pour appeler à… « remettre de l’ordre », et cela en pleine mobilisation syndicale ?

« Il faut remettre de l’ordre, ce n’est pas aujourd’hui qu’on peut dire le contraire. On ne peut pas continuer comme ça » nous dit le général. Pas moins. Et la journaliste de RTL lui demande même s’il est prêt à prendre le pouvoir !

Le général a été invité le lundi 16 décembre 2019, la veille d’une nouvelle mobilisation dans les rues en soutien à la grève contre la réforme des retraites ayant commencé il y a douze jours. Il est donc sciemment employé comme contre-tendance au mouvement de grève alors que la période de Noël s’approche.

La première question posée est d’ailleurs :

« C’est la chienlit, mon général ? »

C’est une allusion aux propos de Charles De Gaulle en mai 1968, mais également au fait que la Ve République est née d’un coup d’État rétablissant « l’ordre ». Celui qui fut chef d’État-Major des armées de 2014 à 2017 a répondu de manière démagogique comme il se doit, regrettant que le pays ne soit pas capable de fêter Noël ensemble, ne manquant pas de présenter Noël comme une « tradition sur notre continent européen », ainsi qu’une « tradition française très ancrée ».

Particulièrement brillant dans son calcul, dès la troisième question sur ce que lui inspire la grève, il explique que la situation illustre ce qu’il a expliqué dans son ouvrage « Qu’est-ce qu’un chef ? » : il faut « retisser la confiance » dans le pays. D’ailleurs, le prétexte à son invitation est la sortie au format livre de poche de son ouvrage. Il existe une vaste campagne pour le médiatiser, le populariser, bref pour présenter le général comme un recours.

Le général a souligné que l’armée n’était pas un modèle « transposable », mais un bon laboratoire pour rétablir des corps intermédiaires dans le pays. Ce qui signifie, en clair : développer le corporatisme, caporaliser. Le général explique même que l’armée incarne la nation dans sa globalité et que donc, somme toute, c’est même là d’où il faudrait tirer les recettes pour réussir !

La perspective nationale-catholique est toute tracée, puisque le général reproche que dans notre pays il n’y ait pas assez de fermeté, et pas assez « d’humanité, d’amour ». Le général dit même :

« L’État est chargé d’organiser la vie de la cité. »

« Le rôle de l’État est d’ordonner la vie de la cité. »

Tel est le point de vue de la réaction, effectivement. La Gauche pense le contraire. Et la journaliste Alba Ventura de RTL est une fieffée servante de la réaction. Les dernières questions sont d’une servilité absolue, au point d’étonner le général :

« – Vous pensez qu’un général peut gouverner notre pays ?

– [Un temps.] Je pense qu’un général l’a déjà fait. Mais, si c’est…

– Je pense à vous, puisque vous écrivez des solutions pour notre société, pour notre nation. Est-ce que ça vous titille ?

– [Grand sourire.] J’ai déjà dit que je ne ferai pas de politique, je ne ferai pas de politique. »

Le général nous prend pour des idiots : tout le monde sait qu’un coup d’État se veut un « rétablissement » de l’ordre et non pas une action « politique ». En parlant ainsi, il se place comme « au-dessus » de la politique, et donc précisément comme l’homme du recours, du dernier recours…

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Politique

La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

La revue réactionnaire Valeurs Actuelles a publié un hors-série sur l’Algérie française au mois d’octobre. L’historien Benjamin Stora y subit un portrait assassin. Il vient de rétorquer en dénonçant l’article à son sujet et une campagne « antisémite ». Le souci, c’est que l’article ne dit que des vérités : Benjamin Stora est bien « l’historien officiel » de l’Algérie française, passant savamment sous silence tout ce qui déplaît tant aux institutions qu’à la « seconde gauche ».

 

Benjamin Stora a dû être profondément vexé par les premières lignes de l’article de Valeurs Actuelles. C’est un assassinat politique :

« On a beau se promettre « pas le physique ! », la comparaison est édifiante. Sur la photo prise à l’université de Nanterre en 1970, le jeune militant d’extrême-gauche Benjamin Stora, âgé de vingt ans, ressemble aux innombrables Che Guevara peuplant alors les facultés : visage émacié, regard déterminé allure féline.

Près d’un demi-siècle plus tard, c’est un tout autre Stora, affichant désormais des allures de gros chat, et n’aimant rien tant que de poser pour la postérité dans une époque faite pour lui, et pour cause : il est de ceux qui l’ont façonnée. »

Il est en effet difficile de mentionner toutes les institutions auxquelles participent Benjamin Stora, il faudrait des pages. Lui-même en a beaucoup écrit : 50 ouvrages (et une dizaine de films). Cet enseignant universitaire est Officier de l’ordre national du Mérite, Officier de l’ordre des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’honneur, membre du jury du Prix du livre d’Histoire décerné par le Sénat, membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, président du Conseil d’orientation de l’Établissement public du Palais de la Porte dorée qui inclut la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (il va en démissionner pour se focaliser sur ses recherches), etc. etc.

Tout cela est bien éloigné de son engagement révolutionnaire comme membre de l’Organisation Communiste Internationaliste, dont il fut l’un des hauts dirigeants. Pas étonnant que Valeurs Actuelles se focalise dessus pour utiliser la figure du style de la prétérition (amenant à parler de quelque chose après avoir dit qu’on allait pas le faire) :

« Depuis, l’homme n’a pas seulement fait du gras, il a enflé. Un poussah pontifiant. Gonflé, au risque d’exploser, de cette mauvaise graisse ayant prospéré à la proportion de vanité qui n’a cessé de croître en lui à mesure que s’élevait son statut social. »

Tout cela est agressif – c’est du Valeurs Actuelles, tout simplement. La revue est célèbre pour son ton voltairien de droite utilisant des informations bien trouvées, ce qui en fait somme toute un Canard enchaîné inversé (et tout aussi vaniteux).

Benjamin Stora s’est donc fendu d’un long message, intitulé « A propos d’un article paru dans le hors-série de « Valeurs actuelles », octobre 2019 ». Il accuse l’article d’antisémitisme, ce qui est absolument ridicule.

Mais il en avait besoin pour tenter de parer à la critique de Valeurs Actuelles. Cette revue sait très bien que Benjamin Stora est au cœur du dispositif idéologique de la « seconde gauche », née justement en soutien unilatéral à l’indépendance algérienne et totalement opposée au PCF comme à la Gauche historique en général.

Benjamin Stora, lui-même juif pied-noir, a été un haut cadre de l’OCI, courant trotskiste ayant fourni un appui significatif au Mouvement national algérien de Messali Hadj. Benjamin Stora a fait justement sa thèse sur celui-ci, avant de travailler en collaboration Mohammed Harbi, un historien algérien qui était un des hauts cadres du FLN et justement proche du trotskisme.

D’où l’idéologie qui en ressort, croisement des idéologies des États français et algérien, avec comme accord tacite la main-mise de la « seconde gauche » sur le plan intellectuel quant à cette question :

  • la colonisation a été un processus meurtrier ;
  • il faut une repentance, mais également un esprit de réconciliation, dont les immigrés algériens en France sont une expression ;
  • on ne parle pas des massacres et des attentats réguliers contre les civils commis par le FLN ;
  • on ne parle surtout pas des questions démocratiques (femmes, place de la religion, forme gouvernementale) ayant avant l’indépendance algérienne fait que la Gauche historique n’a pas soutenu le FLN ;
  • au sujet des colons français on ne parle pas de la toute petite minorité de grands propriétaires terriens et on fait passer la grande masse, petite-bourgeoise et populaire, pour des arriérés finalement racistes.

Il ne faut pas s’étonner qu’avec tout ça, la Droite a un boulevard – et cela depuis 1962 d’ailleurs. C’est d’ailleurs clairement une année fatidique – car, à partir de cette année-là, la Gauche historique a pratiquement totalement perdu pied sous les coups de boutoir de la seconde gauche. Jamais la Gauche historique n’aurait vu en l’Algérie des colonels la « nouvelle Mecque de la révolution ».

> Lire également : Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Et depuis cette défaite de la Gauche historique, on a un activisme massif de l’ultra-gauche, avec un anticommunisme et un anti-socialisme virulents.

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Politique

Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Benjamin Stora dénonce un article à charge de la revue réactionnaire Valeurs Actuelles comme étant antisémite. C’est pathétique et il est dramatique que son communiqué ait été beaucoup relayé à Gauche.

Valeurs Actuelles est une revue incontournable quand on est de Gauche et qu’on veut faire de la politique, car c’est l’expression peut-être la plus avancée de l’ennemi. C’est une revue de haut niveau, exprimant la Droite voulant l’alliance avec l’extrême-Droite, dans un esprit néo-gaulliste toujours prompt à espérer en l’armée un recours efficace, etc.

Qualifier Valeurs Actuelles d’antisémite n’a donc aucun sens. D’ailleurs, vue son poids social et politique, si elle était antisémite, elle l’assumerait. On a ici des intellectuels, des grands bourgeois, des gens aux plus hauts postes de la société française et il ne leur viendrait pas à l’idée de ne pas assumer.

Benjamin Stora a donc tout faux. Quels sont ses arguments d’ailleurs ? Il dit la chose suivante :

« Cet article est antisémite, voici pourquoi.

C’est le portrait d’un homme avide d’ambition et d’honneurs qui est ici dressé, hantant les couloirs du pouvoir, à la recherche de récompenses. C’est une description s’inscrivant dans la tradition classique antisémite des « juifs de cour » que l’on pouvait lire dans la presse d’extrême-droite au moment de l’Affaire Dreyfus, par exemple à propos de Bernard Lazare.

C’est une attaque fondée sur une description de mon physique. Ma prise de poids, notion qui revient à trois reprises dans l’article, s’explique non par les épreuves traversées dans ma vie (la perte de mon fille victime d’un cancer, mes crises cardiaques, ou les violentes agressions venant du monde intégriste dans les années 1990), mais par ma progression dans les couloirs du pouvoir. Cette obsession sur mon poids suggère l’expression d’un enrichissement, qui peut également se lire dans la presse antisémite, appliquée par exemple à Adolphe Crémieux ou Léon Blum.

C’est une charge contre les intellectuels qui travaillent dans un cadre universitaire, donc qui fabriquent un « Système », et des histoires officielles. Là encore, la haine des intellectuels d’origine juive est une vieille recette, déjà appliquée à des hommes comme Jacques Attali (cité dans l’article). »

Ce type est historien ? On ne le croirait pas à le lire. La thèse antisémite des « Juifs de cour » n’a jamais existé en France, elle n’est propre qu’à là où il y a une cour… Il faut donc se tourner vers la Grande-Bretagne avec Benjamin Disraeli (le grand modèle du « juif de cour » d’ailleurs seulement d’origine juive) ou l’Autriche-Hongrie (avec l’importance de certaines banquiers juifs).

La thèse de la prise de poids associée à un enrichissement est tellement forcée qu’elle est pathétique. Valeurs Actuelles présente une thèse très simple dans son article, une thèse qu’elle affirme régulièrement : les anciens révolutionnaires font carrière et sont la caricature de leur jeunesse. C’est ce qui est fait là, tout simplement.

Le troisième argument est « la haine des intellectuels d’origine juive ». Benjamin Stora est ici ridicule. Il suffit de consulter les couvertures de la revue : on y voit régulièrement Eric Zemmour et bien souvent Alain Finkielkraut. La tendance de Valeurs Actuelles est d’ailleurs bien plus de pousser à faire basculer les Juifs à Droite toute en jouant sur la peur des Arabes.

> Lire également : La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

Benjamin Stora nuit donc puissamment à la lutte contre l’antisémitisme avec ses élucubrations. Quant aux 285 membres de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) qui ont « découvert avec consternation l’attaque nauséabonde de Valeurs Actuelles » contre Benjamin Stora, ils ne sont tout simplement pas sérieux. Espérons au moins qu’à l’époque ils se soient mobilisés contre Dieudonné. Mais on peut en douter.

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Politique

Candace Owens à la convention de la Droite: le miroir inversé du «progressisme»

La jeune conservatrice américaine Candace Owens a été une invitée très appréciée lors de la Convention de la Droite. Elle est venue y prôner sa haine farouche du Socialisme et le nationalisme agressif de Donald Trump. Son populisme n’est qu’une réaction mécanique au « progressisme », comme un miroir inversé.

Candace Owens a été accueilli à la convention de la Droite sous un tonnerre d’applaudissements, présentée comme une « star américaine ». Elle est en effet une figure montante chez les conservateurs américains, de plus en plus mise en avant par Donald Trump lui-même.

Elle est surtout connue pour ses prises de position au sujet des afro-américains, qu’elle a évoquées lors de sa prise de parole à Paris. Son credo est le « Blexit », un jeu de mot en référence au Brexit signifiant « Black exit », pour « Black exit from the Democrat party » (sortie des noirs du Parti démocrate). C’est en fait, et surtout, un appel au nationalisme pour les afro-américains.

Son explication est toute simple, tout à fait populiste :

1/ le « progressisme » est une « prison mentale » pour les personnes noires, qui a pour but de « faire abandonner les droits individuels en faveurs du gouvernement » ;

2/ les oppressions sont « imaginaires » et fabriquées de toutes pièces, alors que le capitalisme est formidable pour tous les Américains, du moment qu’ils se replient sur eux-mêmes plutôt que de s’ouvrir au monde.

On ne rappellera jamais assez ici les dégâts immenses qu’ont causé les postmodernes, notamment aux États-Unis, en torpillant les questions démocratiques et les mouvements démocratiques de l’intérieur, avec des catalogues d’oppressions à la carte, extensibles à l’infinie de manière toujours plus irrationnelle.

Cela est insupportable et a favorisé l’expression populiste des conservateurs, qui n’ont plus qu’à dire l’inverse du « progressisme », afin de prétendre aller à l’encontre du « système ».

Voici le genre de propos qu’a tenu Candace Owens à la réunion de la Droite et de l’extrême-Droite française :

« « xénophobe » est maintenant le terme utilisé pour décrire les citoyens qui veulent savoir pourquoi nous priorisons les besoins des peuples étrangers à ceux des innombrables citoyens qui souffrent dans notre propre pays. »

« Et bien sûr, « raciste », (aujourd’hui l’injure préférée des journalistes), utilisée pour ceux qui, à juste titre, sont en colère contre le concept de frontières ouvertes, un concept qui aggraverait encore davantage le sort de nos minorités, déjà en difficulté, tout en punissant le contribuable américain.

Un concept que l’on développe au détriment des différences culturelles, au profit d’une idée imaginaire, utopique, relevant de la bien-pensance, selon laquelle nous serions tous les mêmes et pourrions parvenir à un accord planétaire magique sur la manière dont nous devrions être gouvernés. »

Elle a dit la même chose à propos du « sexisme » et on peut imaginer qu’elle a le même raisonnement pour toutes les questions démocratiques et sociales, conformément à ses idées de droite.

Quand elle critique un « accord planétaire magique », elle exprime exactement la même chose qu’Eric Zemmour à la même tribune, c’est-à-dire le refus de l’universalisme. Il ne faut pas être étonné d’ailleurs de voir que la campagne des conservateurs américains alignés derrière Donald Trump pour 2020, focalise déjà sur le spectre du Socialisme. C’est un thème historique pour la Droite américaine, tétanisée depuis toujours par l’idée même du Socialisme, ce totalitarisme universaliste.

C’est en fait une véritable obsession, à laquelle n’échappe pas Candace Owens. Elle a par exemple expliqué au sujet de la procédure de destitution contre Donald Trump :

« ils tentent de contester notre processus démocratique parce qu’ils sont des élitistes pourris qui se croient aptes à gouverner l’Amérique comme une oligarchie. Le rêve américain avait été compromis. Les états-unis étaient vendus, pièce par pièce, en faveur d’une vaste initiative mondialiste ».

La figure Candace Owens n’a donc rien de nouveau. Cela ne date pas d’aujourd’hui qu’il y a des afro-américains conservateurs, faisant partie de la bourgeoisie américaine ou aspirant à en faire partie. La série Le Prince de Bel-Air avec Will Smith traitait avec humour dans les années 1990 de cette question des bourgeois noirs niant la situation des noirs appartenant aux classes populaires.

Ce qui a changé par rapport aux années 1990 par contre, c’est que le capitalisme exige maintenant un repris national fort, pour tirer son épingle du jeu dans un contexte de crise mondiale menant tout droit à la guerre. La jeune conservatrice américaine, tout comme Marion Maréchal, ne représente que la nouvelle génération de ces gens pour qui le repli nationaliste est une bonne chose et qui demain assumeront ouvertement la guerre.

Elle est venue à Paris pour « favoriser la synergie » entre le « Make america great again » de Donald Trump et son équivalent français, exactement de la même manière que Marion Maréchal l’avait fait l’an dernier à la conférence des conservateurs américains (dont on a compris que la Conférence de la Droite devait être un équivalent français).

Ces jeunes femmes se considèrent fortes et portées par l’avenir, car elles ont en face d’elles des « leaders faibles », comme Justin Trudeau ou Emmanuel Macron, qui sont des « mondialistes ». Elles ne sont fortes que parce qu’en face le « progressisme » n’est qu’une pâle caricature bourgeoise des questions démocratiques initialement portées par la Gauche, dont elles n’ont qu’à dire l’inverse pour avoir un discours.

Elles ne feront par contre jamais le poids face à une véritable Gauche, emmenée par les classes populaires arborant de drapeau rouge de l’universalisme socialiste.

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L’objectif de Marion Maréchal : une «révolution conservatrice» sur les décombres du «progressisme»

Marion Maréchal est une figure politique dans la lignée des Trump, Bolsonaro, Duterte, Poutine, Boris Johnson, Erdogan, etc. Elle sait que son heure viendra, car le repli du capitalisme sur sa base nationale est inéluctable pour la France également. La question est de savoir comment poser les éléments pour surgir de l’inévitable crise du « progressisme » d’Emmanuel Macron et de la Gauche post-moderne. C’est ce qu’elle a cherché à expliquer à la première convention de la Droite.

Si l’on regarde bien, Marion Maréchal a formulé trois axes fondamentaux pour la « révolution conservatrice » lors de la convention de la Droite. Il s’agit d’une véritable rupture avec le schéma traditionnellement conservateur-républicain, dont Jacques Chirac était par exemple un représentant.

Normalement, en effet, la Droite n’appelle pas à purger l’appareil d’État. Les seuls appelant à le faire est le PCF, qui appelle depuis les années 1960 à modifier le régime de l’intérieur. L’extrême-Droite authentique (donc pas vraiment Jean-Marie Le Pen) et les révolutionnaires de Gauche appellent directement à un changement de régime.

Or, Marion Maréchal appelle à la purge de l’appareil d’État :

« N’attendons pas que l’État nous sauve, actuellement il est phagocyté par une idéologie et des intérêts contraires à l’intérêt national. »

C’est l’équivalent de la ligne du PCF, mais inversé. Le PCF appelait à un Programme commun pour arracher l’appareil d’État aux monopoles, par l’unité populaire pour s’approprier par l’autogestion l’économie elle-même. Marion Maréchal appelle à une restructuration par en haut, par une Droite sur une ligne idéologique bien déterminée.

Le modèle n’est pas du tout le fascisme italien, ni le national-socialisme allemand, mais clairement la révolution conservatrice telle que théorisée en Allemagne, éventuellement l’austro-fascisme (mais il est trop directement sous dépendance cléricale), surtout le franquisme, historiquement une alliance des ultras-conservateurs avec une petite extrême-Droite mouvementiste et terroriste.

Le but de Marion Maréchal est ainsi de construire une Droite directement appuyée par tout un milieu, un véritable bastion implanté dans l’économie elle-même. Il ne s’agit pas de construire un mouvement populaire de l’extérieur des milieux capitalistes, puis de se vendre le plus tôt possible (et non pas, comme certains interprètent le fascisme italien ou le nationalisme-socialisme allemand, seulement à la fin).

Il s’agit de former un camp militant, offensif à tous les niveaux :

« Nous devons bâtir sur le roc, pas sur des coups médiatiques ! Par les idées, par les loyautés, les réseaux, des élus locaux, des soutiens financiers, culturels, intellectuels, par la confiance des entreprises. »

C’est extrêmement ambitieux, car seule une petite partie du capitalisme est favorable à une telle ligne dure. Seulement, les grandes entreprises sont ambitieuses à l’internationale et donc ouvertes à un tel projet. Et il suffit d’une crise approfondie se produisant pour que tout vacille et que le capitalisme se meuve vers une ligne dure.

> Lire également : «Convention de la Droite» le 28 septembre : l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

On l’aura compris : la clef, à l’arrière-plan, c’est l’armée. C’est elle qui traditionnellement impose les changements de régime. La Ve République est elle-même née d’un coup d’État militaire.

À la convention de la Droite, Marion Maréchal a souligné cette dimension essentielle de l’armée, combinée aux ambitions de la France :

« Il nous faut une armée de qualité, c’est la garantie de nos capacités diplomatiques. Nous sommes présents sur les cinq continents. »

Encore une fois, dans les conditions actuelles, tout cela semble bien vain. Le Monde et Libération sont contre, Le Figaro n’est pas pour, et le « progressisme » a le vent en poupe avec son libéralisme culturel se généralisant dans tous les domaines.

Mais ce qui est attendu, c’est le retour de bâton, qui ne peut être que virulent de la part d’une société qui va être écœurée d’elle-même. La victoire du « progressisme » sera son inéluctable défaite. Le miroir social sera tellement déformé que plus rien ne tiendra. En attendant ce moment, Marion Maréchal compte gagner en crédibilité et établir ses réseaux, pour agir très vite le cas échéant.

La Gauche sera-t-elle en mesure de faire face à un tel défi ?

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Convention de la Droite : identitaires et Gauche post-moderne contre l’universalisme

Eric Zemmour, le polémiste aussi précis à l’oral qu’extrêmement mauvais à l’écrit, a assumé la position identitaire lors de la convention de la Droite hier. L’ennemi, c’est l’universalisme : « l’universalisme marchand » et « l’universalisme islamique ».

Maintenant, si on est à Gauche et qu’on a de la culture, alors on comprend une chose très simple : « l’universalisme marchand » + « l’universalisme islamique » = le Socialisme. Car le Socialisme, c’est d’un côté une économie si riche qu’elle a universalisé les rapports entre les gens et de l’autre un régime politique hyper normé et réglé.

L’Islam n’est ainsi qu’une caricature communautaire et spiritualiste du Socialisme. Son succès n’est qu’une déviation temporaire, un accident historique de l’affirmation du seul universalisme possible : le Socialisme à l’échelle planétaire.

C’est de cela dont a peur Eric Zemmour, qui prône par conséquent les identités contre l’universalisme. La Gauche post-moderne fait de même, en prônant non pas les identités, mais les individus. Les deux discours se nourrissent l’un de l’autre, en cherchant à mettre le Socialisme sur la touche. Et ils y sont parvenus. Mais plus pour longtemps.

En effet, le capitalisme se mange lui-même et les tendances militaristes se renforcent comme jamais. Les gens vont être de plus en plus mécontents de toutes façons d’une société toujours plus dérégulée et aux salaires toujours plus bas pour la grande majorité. Il va donc y avoir un basculement.

Un tel basculement ne se fera jamais dans le camp du libéralisme, tant économique que culturel. Les gens ne comptent nullement « déconstruire » la civilisation, seule une infime minorité, avant-garde de l’ultra-capitalisme, est favorable à cela. Il se fera donc vers la Droite, d’où d’ailleurs la Convention de la Droite, qui vise à préparer les modalités de ce basculement.

> Lire également : «Convention de la Droite» le 28 septembre : l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

La Gauche, pour faire face à ce défi, doit écraser les variantes post-modernes, post-industrielles, post-nationales, pour qui le capitalisme n’existe pas et pour qui la conquête des « droits individuels » est l’alpha et l’oméga de l’intervention sociale. Tant qu’il y aura les bobos et des gens niant l’existence des hommes et des femmes pour pourrir la Gauche aux yeux du peuple, tout sera plombé.

Ce vaste ménage à faire n’est pas gagné du tout : le libéralisme culturel, depuis la promotion de l’art contemporain totalement méprisé par le peuple jusqu’à la PMA pour toutes, voire la GPA, a corrompu à un tel point qu’il est pratiquement entièrement hégémonique. Il faudrait les ouvriers pour balayer cela. Seulement voilà, les ouvriers, quand ils s’expriment, sont souvent happés par la démagogie nationaliste.

Tout cela demande donc du temps, sauf que le temps on ne l’a pas. Dans tous les pays, le curseur est à la bataille pour le repartage du monde et sur le ring on a déjà les Trump, Xi Ping, Bolsonaro, Duterte, Poutine, etc. Tout va donc se jouer dans les prochaines années, en comptant qui plus est qu’une fois les délires post-industriels écrasés, il faudra faire face à un ennemi historique d’une autre envergure : le nationalisme, le militarisme, le Fascisme, dont la convention de la Droite hier était une étape importante de la structuration en France.

C’est un sacré défi propre à paralyser les esprits lâches, les âmes endormies par leur confort matériel. Mais il a de quoi galvaniser ceux qui savent que l’Histoire a un sens.

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PMA pour toutes : la Gauche post-moderne en rêvait, la Droite l’a fait

La négation de la réalité matérielle est de rigueur pour une société de consommation pour qui tout doit relever d’un choix individuel. L’existence nécessaire d’un homme pour la reproduction se transforme donc en un choix de consommation épaulé par les nouvelles technologies. La Gauche post-moderne, post-industrielle est ravie de cet élargissement des droits individuels, montrant qu’elle n’a été que l’avant-garde de l’ultra-libéralisme.

La procréation médicalement assistée (PMA) accessible à toutes les femmes a désormais le soutien de l’Assemblée nationale, avec peu de présents : 55 députés ont voté pour, 17 contre et 3 se sont abstenus. C’est qu’il vaut mieux ne pas être forcément là pour une thématique littéralement explosive, dont la société française n’a pas encore compris les enjeux.

D’ailleurs, sa validation juridique définitive devrait avoir lieu juste avant l’été, histoire de faire passer la pilule à une société française censée découvrir au fur et à mesure les « vertus » de l’ultra-libéralisme.

La France ne fait d’ailleurs que rejoindre la tendance libérale générale, puisque la PMA pour toutes est déjà légale en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-uni, en Irlande, au Portugal, en Espagne, au Luxembourg, au Danemark, en Suède et en Finlande. De nombreux autres pays le permettent aux couples de femmes mais pas aux femmes seules, ou inversement.

Les deux prochaines étapes sont à ce titre évidentes. Il y aura d’abord la GPA (les « mères porteuses »), qui s’imposera d’elle-même une fois la digue de la PMA rompue. Cela sera considéré comme un droit de plus pour les couples d’hommes homosexuels, même si on l’a compris cela servira également à des femmes aisées.

Dans tous les cas, il y aura déjà – il y a déjà en partie – la reconnaissance des GPA effectuées à l’étranger. Une fois que la pratique sera bien établie, il y aura une reconnaissance générale.

Ensuite, il y aura la PMA pour les femmes devenues des « hommes » – dans le libéralisme généralisé il n’y a en effet plus de normes. Les députés LRM Raphaël Gérard et Laurence Vanceunebrock-Mialon ainsi que le député La France Insoumise Bastien Lachaud ont pour cette raison prôné la PMA non pas pour toutes les femmes, mais pour toutes les personnes ayant un « appareil reproducteur féminin ».

Mattel vient de sortir, conformément à cette idéologie, des Barbies « neutres sur le plan du genre ». L’ultra-libéralisme est la négation de l’universel : il n’y a plus ni humanité, ni classe, ni nation, ni rien de général. Il n’y a plus que des individus, tous irréductiblement différents. La réforme du Bac commençant cette année va en ce sens : chaque lycéen « choisit » ses matières, il passe son propre bac.

C’est, si l’on veut, une américanisation de la société, au sens d’une atomisation générale de la société. Et même en politique ! L’alliance future entre la Droite et l’extrême-Droite va ressembler à l’assemblage que sont les Républicains aux États-Unis, tandis qu’Emmanuel Macron et la Gauche post-moderne vont ressembler aux Démocrates.

Tant les Républicains que les Démocrates sont un rassemblement de multiples courants, tendances, factions, chacune cédant la prééminence à celle plus forte dans toute une série d’étapes. Emmanuel Macron se dit qu’à ce jeu, il sera forcément gagnant vu qu’il prend la Gauche en général en otage et que sur le plan des valeurs, il a la Gauche post-moderne avec lui.

Il procédera ainsi à une ouverture prononcée vers le cannabis, pour la même raison. Il y a un marché, il le soutient. Il appuie les chasseurs pour la même raison : il y a un marché, un lobby, il y a donc alliance. C’est tout à fait à l’américaine : on est plus dans la politique, mais dans la communauté d’intérêts.

Seule une Gauche éminemment politique peut contrecarrer cette tendance. Seule une Gauche s’assumant telle quelle, levant ouvertement son drapeau – rouge par définition, et uniquement rouge – peut mettre en branle les ouvriers, seule force vierge d’un degré de corruption gigantesque dans le domaine des mœurs.

On assiste très clairement à la fin de la civilisation – à la Gauche de faire en sorte que ce soit uniquement la civilisation capitaliste qui s’effondre et que les acquis de la civilisation soient préservés et amenés à un niveau de développement supérieur.

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Jacques Chirac : un horrible bonhomme

Jacques Chirac est décédé ce jeudi 26 septembre 2019. Il a été la grande figure de la Droite populaire : beauf et ultra-moderne dans son soutien au complexe militaro-industriel, hyper machiavélique dans son parcours politique et simpliste jusqu’à être affable. Ce Président de la République a été l’homme de la « bonne bouffe » à la vulgarité sexiste proverbiale au chevet d’une France nombriliste s’imaginant donner des leçons au monde, tout en pourrissant sur pied.

Il est des transmissions qui sont des mystères qui nous dépassent : Emmanuel Macron a été lyrique quant à la figure de Jacques Chirac, annonçant suite à son décès un jour de deuil national. Jacques Chirac aurait aimé les Français comme les Français l’auraient aimé, il aurait été une figure politique mondiale, un fin connaisseur des arts et des artistes, capable de parler aux hommes du peuple comme aux capitaines d’industrie.

Il aurait aimé la France plus que tout, fait une haute carrière politique sans jamais oublier ses « racines ». Même le Parti socialiste a salué l’homme du terroir qu’a été Chirac !

Une belle légende nationale autour d’un homme véritablement méprisé par la Gauche pendant des décennies, jusqu’à ce que les Guignols de l’info le caricaturent de manière sympathique et lui confère l’image apolitique d’un homme rond sur tous les plans, mais capable de coups de gueule à la française, voire même de panache.

Souvent reviennent d’ailleurs les références au fait qu’il a refusé de soutenir le plan américain d’invasion de l’Irak sans l’ONU en 2003, ou lorsqu’il bouscule la sécurité israélienne lors d’un bain de foule à Jérusalem, les menaçant de reprendre l’avion s’ils continuaient à le coller de trop près. Cela plaît évidemment à ceux qui aiment les rodomontades et l’arrogance à la française, ainsi que le « jeu » impérialiste très particulier de la France à l’internationale.

Mais le fait est que la Gauche ne doit avoir qu’un seul regret : que la principale figure de la Droite n’ait pas terminé en prison. Non pas tant pour ses multiples affaires – il a même été condamné, c’est dire – que pour avoir été l’un des ennemis majeurs de la cause populaire, l’un des grands obstacles à l’affirmation du Socialisme.

Car Jacques Chirac, c’est avant tout la Droite populaire, c’est-à-dire une droite portée par la bourgeoisie traditionnelle mais capable de profiter d’un véritable soutien dans le peuple, jusqu’aux ouvriers. Jacques Chirac, c’est la tête de veau comme repas, c’est l’idéologie beauf avec une telle proportion, un tel élargissement, que même le prolo de base parvient à voter à Droite en trouvant cela très bien.

Il est d’ailleurs tout à fait évident que Jacques Chirac ne rentrera nullement dans l’Histoire, mais restera une figure insignifiante de la politique française du XXe siècle. On a déjà oublié Valéry Giscard d’Estaing, autrement plus brillant et moderniste, on en oubliera que d’autant plus un carriériste dont la principale qualité aura été de savoir serrer les mains et de faire le guignol au salon de l’agriculture.

Il est vrai que les Français aiment caresser dans leur esprit l’idée que les arrivistes au pouvoir sont tout de même brillants malgré leur dimension caricaturale, qu’ils portent le pays malgré tout à des horizons de succès illuminant le monde entier. Allons donc ! C’est toute la conception de la Ve République fondée sur le Président, ce « roi élu » pour sauver le peuple tous les sept et désormais cinq ans, qui se montre ici une fable, une fantasmagorie même.

Rien que pour son propos « À nos chevaux, à nos femmes, à ceux qui les montent », Jacques Chirac méritait le plus grand mépris. Il ne restera pas dans les mémoires et le respect, le vrai respect, se mérite bien autrement !

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«Convention de la Droite»: l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

Une partie de la Droite française se reconstitue autour d’un néogaullisme conquérant et farouchement opposé à la Gauche, en visant l’hégémonie dans son propre camp. C’est précisément dans ce cadre que s’inscrira la « Convention de la Droite », prévue le 28 septembre à Paris en présence de Marion Maréchal et d’Eric Zemmour, ainsi que d’un certain nombre de personnalités importantes de la Droite conservatrice et de l’extrême-Droite.

C’est le magazine L’incorrect qui organise cette convention avec les associations « Racines d’Avenir » (un mouvement issu des Républicains et destiné à la jeunesse) et « Cercle Audace » (un réseau issu du Front national et tourné vers l’union « des Droites »).

Doivent y participer tout autant des personnalités de LR comme Xavier Breton, député de l’Ain, que des personnalités du Rassemblement national comme Gilbert Collard, Robert et Emmanuel Ménard, ainsi que bien sûr que le prétendu électron libre Marion Maréchal. On y trouvera même un dirigeant de l’UDI / Nouveau Centre, Fabrice Haccoun, ainsi qu’un certain nombre de personnes liées au quotidien traditionnel de la Droite, Le Figaro.

Il y a depuis ces dernières années un grand bouillonnement au sein de la Droite française, qui voit converger avec la Droite traditionnelle des nationalistes liés d’une manière ou d’une autre à l’ancien FN et au mouvement identitaire. Cette « Convention de la Droite » doit être une étape importante dans la constitution de ce nouveau front néogaulliste, dont Marion Maréchal et son entourage immédiat apparaissent de plus en plus comme la force centrifuge.

Qui sont les organisateurs ?

Les trois organisateurs, Erik Tegnér, François de Voyer et Jacques de Guillebon, sont tous très proches de l’ancienne députée du Vaucluse et ont comme objectif commun le rassemblement de la Droite dans une perspective nationaliste.

Erik Tegnér, membre de LR, se présente comme « démineur d’une alliance populistes & conservateurs ». Il avait organisé l’année dernière lors de sa campagne pour la direction des Jeunes Républicains une réunion avec des figures très diverses allant de Romain Espino de Génération Identitaire à Nicolas Dupond-Aignan de Debout la France, en passant par le néogaulliste Paul-Marie Coûteaux, ancien proche et conseiller de Marine Le Pen, dont on disait qu’il serait le ministre de la Culture.

C’est la même rengaine pour François de Voyer, dirigeant du cercle Audace, qui a été candidat du RN aux dernières législatives et qui reçoit des figures aussi diverses que le très conservateur Jean-Frédéric Poisson ou le néogaulliste Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. François de Voyer avait accompagné Marion Maréchal aux États-Unis lors de son discours devant les conservateurs américains.

Jacques de Guillebon, un catholique traditionaliste, est lui aussi un fervent partisan d’une union allant de LR aux identitaires. Il est le président du conseil scientifique de l’ISSEP, l’École de Marion Maréchal, ainsi que le directeur de L’incorrect. Cette revue avait organisé l’an dernier un débat contre « mai 68 », dont la convention de cette fin septembre sera une sorte de prolongement.

> Lire également : Marion Maréchal contre « mai 68 »

Une grande ambition est ouvertement affichée puisqu’il est ni plus ni moins question de « victoire face à Emmanuel Macron en 2022 ». Alors que la Droite traditionnelle est éparpillée, sans chef de file, travaillée au corps par le centrisme et le libéralisme, les tenants d’une Droite conservatrice et farouchement antilibérale entendent s’affirmer et disposer de l’hégémonie en rassemblant jusqu’à l’extrême-Droite.

« L’alternative au progressisme »

Eric Zemmour, qui inaugurera les débats, est ici une figure de choix puisqu’il représente cette Droite que l’on dit décomplexée, assumant de s’en prendre ouvertement à la Gauche et de prôner un discours réactionnaire. « L’alternative au progressisme » sera d’ailleurs le thème principal de cette convention, au sens où bien entendu il s’agit de briser la Gauche en l’assimilant au « progressisme » d’Emmanuel Macron.

Il s’agit de réduire la Gauche à la prétendue Gauche devenue post-moderne, post-national, entièrement libérale culturellement, etc.

« L’heure est au réveil et à la reconquête » dit ainsi le texte de présentation qui parle directement de « stratégie conquérante ». Il s’agit pour ces gens de prendre le pouvoir, selon la considération que Marine Le Pen a échoué dans sa tentative, que la Droite traditionnelle est trop perméable au libéralisme et que rien ne vaut un grand élan nationaliste, pétri d’anticapitalisme version catholico-romantique, mais en même temps libéral économiquement, pour réussir.

La critique du libéralisme dans les mœurs, dans le prolongement des grandes mobilisations national-catholiques contre le mariage homosexuel (et aujourd’hui contre la PMA et la GPA) est le dénominateur commun de toute cette Droite, qui voit bien qu’elle a un boulevard de par la faiblesse extrême de la Gauche historique (celle qui n’est pas passée sur le terrain de ce libéralisme ultra-individualiste pour qui chacun doit consommer comme il veut). Il s’agit pour eux de s’appuyer sur ces questions pour mobiliser la société française afin de servir un néogaullisme dans le cadre de la tendance à un repartage du monde, jusqu’à la guerre.

C’est la version française des populismes mondiaux, en concurrence avec les autres options françaises du populisme que représentent principalement Marine Le Pen avec le Rassemblement national et Jean-Luc Mélenchon avec la France insoumise. C’est très proche de la stratégie du FPÖ autrichien, qui a pareillement les identitaires comme sas idéologique de formation et d’incubation des idées de « révolte » par la Droite.

Un populisme « gilets jaunes »

La question des gilets jaunes est donc ici très importante, afin de se présenter comme populaire, en fait populiste. La vidéo de présentation à la manière hollywoodienne de cette « Convention de la Droite » fait très fort dans ce « lyrisme » gilet jaune anti-Macron, affirmant que « le Peuple gronde » et que « la France se réveille ».

Marion Maréchal avait fait de même dans sa tribune publiée suite à l’annulation de son invitation à la réunion de rentrée du Medef, elle qui a soutenu les gilets jaunes depuis le début et jusqu’au bout. Elle y évoquait « le chef d’entreprise, l’artisan, le commerçant, les ménages usent leurs forces à financer le puits sans fond d’un chômage structurel, d’une immigration délirante et extrêmement coûteuse qui vient profiter des largesses de notre système social, ou de privilèges bien installés dont l’existence ne se justifie plus ».

Sa perspective est clairement un néogaullisme agressif ; elle cite d’ailleurs ouvertement De Gaulle dans sa tribune, ce qui est relativement nouveau de sa part :

« [De Gaulle] ne se soumettait pas à je ne sais quel diktat capitaliste, il n’était pas non plus obsédé par une vision comptable du remboursement de la dette : il agissait en patriote soucieux de l’indépendance française. »

Le ton est ouvertement nationaliste et va-t-en-guerre, pavant la voie à la militarisation totale :

« Notre pays ne peut malheureusement pas se contenter de vivre sur ses acquis en regardant désabusé la disparition progressive de la classe moyenne et la relégation croissante des classes populaires.

L’avenir appartient aux nations indépendantes qui déploient une véritable stratégie industrielle, qui refusent la colonisation économique de puissances étrangères dans des secteurs stratégiques comme l’industrie de défense ou l’agriculture, qui défendent leur souveraineté notamment numérique, qui favorisent les produits fabriqués sur leur territoire, qui protègent leurs ressources par une écologie concrète et non idéologue, qui orientent l’investissement vers l’innovation et l’éducation. »

Une convention très importante

La « Convention de la Droite » servira à discuter de cette orientation néogaulliste, afin de déterminer stratégiquement le chemin de la marche au pouvoir, qui passe inévitablement par l’union des forces de la Droite.

Il y a donc un moment très important dans l’actualité politique de notre pays, avec des forces réactionnaires synthétisant au moins deux décennies de divergences et de propositions issues de différents courants. L’heure est pour eux maintenant à l’unité, pour la conquête du pouvoir.

La Gauche doit considérer cela avec le plus grand sérieux et la plus grande attention, puisqu’il s’agit de la principale menace politique à moyen et long terme. Elle doit s’organiser dans cette perspective et mobiliser les classes populaires contre ce nationalisme et la tendance à la guerre dont il profite et à laquelle il participe de plein pied.

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Le Parti animaliste et Michel Sardou le romantique

« On n’a plus aucune liberté » : c’est la vieille rengaine des anarchistes de droite depuis les années 1960. Michel Sardou se situe sur cette ligne, même s’il porte une critique romantique de la société dans une veine nostalgique, l’amenant à Droite. Son soutien au parti animaliste dit bien des choses sur l’utilisation de la juste défense des animaux pour une posture apolitique, anti-politique.

Au début des années 1970, Michel Sardou racontait comment il entendait dénoncer les choses :

« Je ne suis pas foncièrement un homme de révolte. Je chante les choses de la vie, faites de violence, d’amour, de soucis. Nous vivons dans une période d’agressions. »

Il était alors le barde de la Droite, au point qu’il y avait des Comités Anti-Sardou. Cependant, il faut faire attention, car il porte une dénonciation réelle de la société, qu’il croit de droite, car malheureusement c’est le romantisme qui a pris en charge une dénonciation de la folie moderne.

Pour preuve, sa chanson « Les Villes de Grandes Solitudes », cherchant à dresser le portrait de quelqu’un brisé par l’anonymat propre au capitalisme de son époque. Il y a eu un gigantesque malentendu à l’époque, où des féministes n’ayant rien compris à sa dénonciation ont cru qu’il fallait prendre cela au premier degré.

C’est ici la preuve d’un échec complet de la Gauche dans la critique du capitalisme, qui a prolongé la domination du romantisme basculant dans la nostalgie réactionnaire.

« Dans les villes de grande solitude
Moi le passant bien protégé
Par deux mille ans de servitude
Et quelques clous sur la chaussée

Dans les villes de grande solitude
De nouvel-an en nouveaux nés
Quand j’ai bu plus que d’habitude
Me vient la faim d’un carnassier

L’envie d’éclater une banque
De me crucifier le caissier
D’emporter tout l’or qui me manque
Et de disparaître en fumée

Mais dans les villes de grande solitude
Tous les héros se sont pollués
Aux cheminées du crépuscule
Et leurs torrents se sont calmés

Alors je fonce comme une bête
Sur le premier sens interdit
Aucun feu rouge ne m’arrête
Je me sens bien dans ma folie

J’ai envie de violer des femmes
De les forcer à m’admirer
Envie de boire toutes leurs larmes
Et de disparaître en fumée

Mais dans les villes de grande solitude
Quand l’alcool s’est évaporé
Je replonge dans la multitude
Qui défile au pas cadencé

J’ai peur d’avoir brisé des vitres
D’avoir réveillé les voisins
Mais je suis rassuré très vite
C’est vrai que je ne casse rien »

Quel gâchis pour la Gauche de ne pas avoir vu le besoin de changer la vie sous-jacent à de telles critiques. Cela a malheureusement formidablement aidé la formation d’une Droite populaire durant les années 1980.

Michel Sardou s’est bien entendu enferré dans sa démarche. Il idéalise donc la période qu’il dénonçait hier… Comme avec ses derniers propos sur RTL.

« On fumait, on faisait l’amour, on roulait vite, on pouvait boire, le théâtre marchait, les affaires marchaient… La vie est moins souple, moins détendue que dans les années 80. Le téléphone portable, je hais ça et les réseaux sociaux, n’en parlons pas. Et les gilets jaunes et les gilets rouges et les gilets bleus et les gilets verts… Et merde, ça va ! La seule politique que je pratique, c’est que je fais partie du Parti animaliste. Je défends les petites bêtes. »

Il rejoint donc la ligne, bien connue, de Brigitte Bardot. Et c’est une raison d’avoir critiqué ici le Parti animaliste pour son apolitisme. La défense des animaux, leur protection, même la révolution de leur condition… tout cela concerne la Gauche et doit être dans le programme de la Gauche.

> Lire également : Le parti animaliste aux élections européennes

Cela ne doit pas être prétexte à une posture pour voir tout en noir et se cantonner à caresser un chien ou un chat en disant : le monde est pourri ! C’est là une critique ayant sa part de valeur, mais conduisant dans un cul-de-sac, qui dessert la cause qu’on prétend servir.

Combien il reste de travail en France pour arracher la critique de la société aux postures romantiques-nostalgiques !

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G7 à Biarritz : Emmanuel Macron a fait le choix du style « second Empire »

Emmanuel Macron a choisi la ville de Biarritz pour accueillir le G7 du fait de son prestige aristocratique mondain. C’est le même état d’esprit qui le fait soutenir la chasse à courre : il y a là une alliance de la modernité avec le style ancien, du libéralisme « start up » avec l’aristocratisme grand-bourgeois, afin de maintenir la France dans le passé.

La ville de Biarritz est indéniablement associée à la personne de Louis Bonaparte, dit Napoléon III, au XIXe siècle. Il en avait fait un lieu de villégiature estival, alors que cela devenait en même temps une place mondaine.

Symbole de ce faste néo-aristocratique, l’Hôtel du Palais qui accueillera les chefs d’États ce week-end fut à l’origine érigé pour sa femme l’« impératrice » Eugénie, le bâtiment formant un « E ». On est là dans le luxe tout ce qu’il y a de plus moderne pour l’époque, mais qui se donnait un genre enraciné dans l’histoire, avec des gens se faisant appeler « majesté » et s’entourant des rois et princes d’Europe qui se ruaient volontiers à Biarritz.

Cependant, comme l’avait qualifié Karl Marx, le « règne » de Louis Bonaparte consistait en une parodie de restauration impériale, à une époque où la bourgeoisie, rongée par les divisions entre ses différentes factions, peinait à organiser son pouvoir de manière stable.

Emmanuel Macron rejoue quant à lui une parodie de la parodie, plus de 150 ans après, avec ce sommet à Biarritz. Les services de sécurité ont, d’après la presse, tenté à maintes reprises de le dissuader d’y organiser ce G7, tellement la tâche semblait compliquée. Mais il a obtenu gain de cause, ce qui en dit long sur l’importance symbolique de ce lieu pour sa démarche.

Comme avec son soutien forcené à la chasse, Emmanuel Macron tente de maintenir la France enfermée dans ses traditions réactionnaires, permettant la division de la société en classes. Le style « Biarritz » est alors parfait : il n’est pas ouvertement réactionnaire, mais il n’est certainement pas progressiste non plus. Depuis son expansion moderne au XIXe siècle, la ville représente parfaitement ce mélange des genres, permettant en quelque sorte de moderniser le maintien des traditions.

Le surf contribue largement à cette aura de modernité aujourd’hui, dans un style d’ailleurs complètement forcé : la grande plage de Biarritz est une horreur pour qui veut vraiment surfer, vu le monde et le peu d’espace qu’il y a. Mais l’essentiel est ailleurs puisqu’il s’agit surtout de se montrer, pour sembler faire partie du monde en ayant l’air riche, mais sympa en même temps, ou inversement, sympa mais riche.

C’est de la mondanité tout ce qu’il y a de plus détestable, comme d’ailleurs cet Hôtel du Palais luxueux ostentatoire surplombant la grande plage, qui est une insulte démocratique. Mais contrairement à ce qui peut exister sur la côté d’Azur, il n’y a pas non plus de grands yachts, de résidences bunkerisées complètement coupées du reste de la ville, etc. Il s’agit à Biarritz d’un faste mesuré, s’imaginant acceptable, lié au reste de la société.

Précisons cependant une chose très importante ici : le centre-ville de Biarritz est largement coupée de toutes traditions populaires basques et même de la vie locale d’aujourd’hui. C’est une ville moyenne, constituée pour près de la moitié de résidences secondaires, qui est comme posée au milieu de l’agglomération formée par Bayonne et ses environs.

C’est-à-dire que tout cela est faux de bout en bout, ce que n’est que de l’apparence, de la mondanité superficielle mêlée à du tourisme sans âme. C’est exactement ce dont à besoin le régime, qui ne s’appuie pas sur l’héritage historique et la tradition démocratique en France, mais sur des apparences.

En singeant le style « second Empire », Emmanuel Macron s’imagine justement rendre le régime acceptable pour la population, en jouant tout autant sur la tradition que l’apparente modernité. Il faut bien voir ici d’ailleurs que, si « Napoléon III » était pleinement ancré dans les préoccupations « modernes » et urbaines de son époque, il appuyait son pouvoir sur la paysannerie parcellaire, pas suffisamment consciente pour rejoindre le prolétariat des villes, mais pas suffisamment satisfaite pour rejoindre la bourgeoisie.

C’est exactement cet entre-deux qui intéresse Emmanuel Macron, qui appuie totalement l’hégémonie de la Droite, tout en étant parvenu par la Gauche, en l’ayant fait exploser de l’intérieur. Biarritz, ville de Droite, mais dirigée par le Modem, est donc un lieu de choix pour sa démarche passéiste et moderne à la fois.

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Paul-François Paoli : les renégats de la Gauche, ferments du «conservatisme révolutionnaire»

Toute une génération d’intellectuels passés par la Gauche, surtout celle du PCF, s’est retrouvée désorientée et est passée à Droite, au nom du « réalisme ». Il s’agirait de se plier à l’homme du commun, le type lambda, qui serait bien incapable de raisonner en termes d’idéologie et qui aurait bien raison. Le journaliste Paul-François Paoli en fait partie.

Lefigaro.fr, sur sa partie « vox », cherche à impulser une dynamique idéologique conservatrice révolutionnaire. Une récente interview est ainsi intitulé pas moins que « La gauche est devenue le camp du conformisme, le conservatisme celui de la transgression ».

De manière très intéressante, l’interview en question est celle de Paul-François Paoli, pour sa réception du prix de l’Institut de France pour son livre autobiographique Confession d’un enfant du demi-siècle.

Ce parcours est celui de beaucoup d’intellectuels ayant un certain succès en ce moment et surfant sur la vague « conservatrice révolutionnaire ». C’est donc une personne de Droite qui a rejoint le PCF… après mai 1968. Il n’a donc pas rejoint le grand foisonnement d’extrême-gauche alors, pourtant bien plus entreprenant et critique des fondements de la société.

Paul-François Paoli reconnaît lui-même d’ailleurs avoir fait partie d’un bouillon de culture, dont le PCF n’était qu’une figure massive à l’arrière-plan. Ses propos sont vraiment intéressants :

« J’ai adhéré aux jeunesses communistes à 15 ans à Aix-en-Provence, ville bourgeoise s’il en est. Nous étions dans les années 1975 et j’étais fasciné par la dramaturgie révolutionnaire. J’avais éprouvé enfant, en côtoyant des enfants d’ouvriers ou d’immigrés, la réalité indicible d’un mépris social qui confine parfois à une forme de racisme.

Et puis je me suis rendu compte que les communistes et les gauchistes étaient souvent habités par la haine et le ressentiment. Dans les années 1970 il était pratiquement impossible en France de ne pas être de gauche dans le milieu de la culture. En 1974 les congressistes de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) avaient accueilli Georges Marchais le poing levé en chantant l’internationale. C’est dire! »

L’ambiance était donc électrique historiquement, mais Paul-François Paoli faisait partie de la frange la plus conservatrice, la plus mesurée. Cela reflétait son caractère étranger au projet socialiste de la Gauche et voilà pourquoi il est sorti par la Droite, et non par la Gauche. Le fait qu’il ne distingue pas les membres du PCF des « gauchistes », qui culturellement étaient très éloignés, montre bien qu’il ne comprenait pas grand-chose, pour ne pas dire rien, de tout le fond idéologique de la Gauche alors.

Nul étonnement alors à ce que les références de Paul-François Paoli soient donc désormais Marcel Gauchet, René Girard et Jean Claude Michéa. On est étonné qu’il ne cite pas Alain Soral, car cela correspondrait parfaitement au tableau.

Ce tableau, c’est celui d’intellectuels liés d’une manière ou d’une autre au PCF, qu’il voyaient dans les années 1970 comme le seul horizon politique. Ils se voulaient plus à gauche que les socialistes (déjà énormément de gauche, bien plus que Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui). Cependant, ils n’avaient aucune connaissance des « gauchistes », qui pourtant disposaient de solides traditions et d’un certain bagage intellectuel.

Ils ont donc navigué dans le PCF, mais étant des intellectuels, ils avaient une approche radicalement coupée des traditions du mouvement ouvrier, que le PCF arrangeait et réarrangeait d’ailleurs à l’époque, en fonction de ses besoins électoraux, avec le Programme commun avec les socialistes en toile de fond.

Ces intellectuels allaient dans le sens du vent et lorsque le vent a cessé de souffler, ils n’ont gardé du PCF que sa pesanteur, associée à une dénonciation du libéralisme désormais de plus en plus ancrée à droite. Le PCF, lui, a fait le chemin inverse, supprimant toute pesanteur pour s’ouvrir de manière entière au courants intellectuels nouveaux, post-communistes, entièrement favorable au libéralisme culturel.

Plus le PCF s’écartait entièrement de la vie quotidienne des ouvriers, plus les intellectuels « conservateurs révolutionnaires » prétendaient en être les porte-paroles. Il suffit de lire Eric Zemmour ou Natacha Polony pour y retrouver de manière régulière une sorte d’éloge du passé, y compris de la base du PCF, considérée comme un monolithe hostile à toute transformation.

Difficile de ne pas voir ici que, au-delà de toute considération sur leur nature et leurs différences notables, les organisations « gauchistes » avaient raison de souligner le caractère bloqué de la base du PCF, enlisé dans un mode de vie intégré dans le capitalisme. Il suffit de voir les stands des marchands de canon, de TF1, etc. à la fête de l’Humanité des années 1980 pour le constater.

Toute cette histoire d’intellectuels renégats reste encore à écrire. Sur le plan des idées, ces gens ayant quitté le PCF par la Droite ont été un puissant ferment idéologique, jouant un rôle important, loin d’être fini, ne faisant peut-être même que commencer.