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Union européenne: un plan de relance signant le recul de la France, de l’Espagne et de l’Italie

Historiquement, l’Union européenne est une unité économico-politique ouest-européenne sous supervision américaine, avec le moteur franco-allemand entraînant les autres pays. La tutelle américaine est partie, mais la France décroche et se fait toujours plus secondaire face à l’Allemagne. C’est là qu’était tout l’enjeu des près de 100 heures de négociations du sommet européen qui s’est terminé à 05h31 du matin mardi 21 juillet 2020.

Emmanuel Macron a prétendu avoir décroché un accord historique avec le plan de relance de 750 milliards d’euros de l’Union européenne. En réalité, il n’a fait que négocier le recul de la France face à l’Allemagne et à ses principaux alliés voire satellites que sont les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède.

Les négociations furent en effet un long chemin de croix pour le président français qui devait faire face à des assauts répétés par ce qui a été appelé les pays « frugaux ». Il a même été parlé par certains médias, de manière honteusement chauvine, des pays « radins ». Ces termes ne recouvrent pourtant pas une sorte de différence de mœurs entre les pays, mais directement un rapport de force entre différentes puissances.

Ce qui se passe est simple à comprendre : avec la pandémie de Covid-19, les capitalismes de la France, de l’Espagne et de l’Italie se retrouvent fortement fragilisés, de par leur niveau déjà problématique initialement. Surtout pour l’Italie, il y a même le risque d’une faillite de l’État en raison d’une dette abyssale et de difficultés à emprunter sur les marchés financiers.

De l’autre côté, il y a le capitalisme de l’Allemagne, stable et puissant, entraînant avec lui surtout ceux des Pays-Bas, de l’Autriche, du Danemark et de la Suède, tout aussi stables. Tous ces pays – surtout l’Allemagne, très ambitieuse à l’international – n’ont aucun intérêt à l’effondrement de l’Italie et au recul drastique des économies françaises et espagnoles, alors il fallait un plan. Cela d’autant plus que tous ces pays, à part la Suède, ont la même monnaie, l’euro.

Plan il devait y avoir, plan il y a donc eu. Ce qui compte par contre, c’est la nature de ce plan. Et là, les choses sont très claires, se résumant à deux aspects, qui n’en forment finalement qu’un seul :

– l’Italie, l’Espagne et la France seront les principaux bénéficiaires des subventions et des prêts permis par le plan de l’Union européenne ;

– les subventions accordées par le plan européen seront soumises à un droit de regard particulièrement strict de l’ensemble des pays européens, et donc surtout de l’Allemagne et de ses satellites.

Autrement dit, on a là un processus très clair de vassalisation de l’Italie, de l’Espagne et de la France vis-à-vis de l’Union européenne, et donc de la puissance allemande.

Au passage, en raison de leur rapport de force particulièrement favorable, les pays dit « frugaux » se sont vu accorder une baisse de leur contribution au budget européen. Il y a également tout un tas de reculs, en ce qui concerne la recherche, le budget « Erasmus » (échanges universitaires), qui est amputé d’un tiers, le budget agricole (dont la France bénéficie beaucoup), ou encore le fonds pour la santé qui passe de 7 à… 1 milliard. C’est la même chose pour le projet porté par Emmanuel Macron d’une politique militaire européenne : cela passe dorénavant à la trappe.

Au lieu de tout cela, on va avoir des subventions, estimées à 40 milliards pour la France, 60 milliards pour l’Espagne et 80 milliards pour l’Italie. Ce sont les trois principaux bénéficiaire du plan, avec 180 milliards sur les 390 de prévus, soit pas loin de la moitié de la somme destinée aux 27 pays membres.

Cet argent doit être emprunté par la Commission européenne sur les marchés financiers, ce qui est une première historique pour de telles sommes (alors qu’il y a également 360 milliards à emprunter, en tant qu’intermédiaire pour des prêts). Cet argent doit ensuite être remboursé sur des fonds propres… qui n’existent pas encore. L’idée est de mettre en place différentes taxes européennes (taxes carbone, taxe « Gafa », taxe plastique, etc.) pour rembourser cet argent, d’ici à 2058 au plus tard.

Notons au passage que ces emprunts (en fait des obligations) ne seront émis que l’année prochaine, alors que les pays, et donc surtout la France, l’Espagne et l’Italie, vont rapidement commencer à dépenser l’argent en question.

Le ministre de l’économie Bruno Le Maire a déjà sauté de joie en expliquant que l’Union européenne allait payer presque la moitié du plan de 100 milliards prévu pour « relancer » l’économie. Il a même expliqué ouvertement que cet argent allait être dépensé dès 2020 et que « dès 2021, l’Europe remboursera ».

Dans le même registre, Emmanuel Macron se fait magicien en faisant croire que l’argent tombe du ciel par enchantement :

« cet argent viendra de l’Europe sur notre budget sans que nous ayons besoin de le financer, ni par notre propre endettement ni par nos impôts »

« ce n’est pas le contribuable français [qui] paiera »

En réalité, il n’y a pas d’argent magique, qu’il vienne de l’Union européenne ou d’ailleurs. Il faudra bien que quelqu’un paye et la bourgeoisie fera tout pour que ce soit les travailleurs qui paient. Cependant, dans le contexte de concurrence exacerbée entre les puissances européennes, les antagonismes seront de plus en plus forts et les nationalismes se feront de plus en plus puissants. En France, puissance en décrochage, la tentation du nationalisme sera d’autant plus forte, d’autant plus agressive, comme moyen d’éviter la lutter des classes et de détourner l’attention de la bourgeoisie.

> Lire également : La faillite de l’idéalisme européen face au Covid-19

Il va de soi ici que vont émerger beaucoup de tendances nationalistes anti-allemandes (Jean-Luc Mélenchon avait déjà commencé il y a quelques années de manière très brutale d’ailleurs). Et surtout, on a un capitalisme qui se fait crédit à lui-même pour tenter de survivre. C’est intenable.

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Crise du secteur automobile: Emmanuel Macron annonce 8 milliards d’euros pour le maintenir sous perfusion

En visite dans l’usine de sous-traitance automobile Valeo à Étaples près du Touquet dans le Pas-de-Calais, le président Emmanuel Macron a présenté un gigantesque plan d’aide pour la filière automobile. Ce sont 8 milliards d’euros qui ont été annoncés pour tenter d’empêcher l’effondrement de tout un secteur face à la crise économique. Le capitalisme vacille et l’État s’imagine pouvoir faire face en dépensant de l’argent qu’il n’a pas.

C’est la panique au plus haut sommet de l’État face aux chiffres catastrophiques du secteur de l’automobile. Les ventes se sont effondrées avec le confinement, de près de 90 % en avril par rapport à l’année dernière et le Président a expliqué dans son intervention que cela représentera pas moins de 500 000 véhicules invendus d’ici fin juin, par rapport à l’an passé. C’est gigantesque.

Les usines, représentants 400 000 emplois et plus du double en comptant toute la chaîne de service que la production automobile induit en aval, tournent au ralenti, alors que les ventes ne se relancent pas. Pour endiguer l’hémorragie, l’État français envisage la méthode habituelle : sortir le carnet de chèques et subventionner à tour de bras.

Ce sont en tout huit milliards d’aides apportées par l’État qui sont annoncées, réparties en centaines de millions par ci et centaines de millions par là. Ce n’est pas moins qu’un renouvellement complet du « parc automobile » qui est envisagé, avec le véhicule électrique comme fer de lance pour espérer relancer le marché grâce au label de l’écologie (ou en tous cas de la prétendue écologie).

Les annonces sonnent fort, avec par exemple l’annonce d’une prime de 7000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique. En fait, cette prime existe déjà, et elle est de 6000 euros. Mais ce qui compte pour Emmanuel Macron, c’est l’effet d’annonce, afin d’espérer relancer tout un secteur en le maintenant sous perfusion par des primes, à la production et à l’achat.

Avec son lyrisme habituel, en s’imaginant peut-être avoir la capacité de créer un choc de consommation, le Président s’est emballé sur la question. Il a expliqué que :

« C’est en France que le véhicule propre qui équipera l’Europe et le monde dans les années à venir s’inventera et se produira. »

Cela est particulièrement risible alors que de nombreuses entreprises dans le monde n’ont pas attendu la France pour produire des voitures électriques ou des moteurs thermiques à faible émission. L’Allemagne s’apprête d’ailleurs à accueillir une «  gigafactory Tesla » près de Berlin, c’est-à-dire une immense usine produisant des voitures électriques sur un site plus grand que celui de PSA à Sochaux… Tesla possède déjà deux grandes usines aux États-Unis et une en Chine.

Avec beaucoup de retard, mais par contre avec plein de bons sentiments, la France s’imagine donc pouvoir éviter la crise aussi facilement ? Rien n’est moins sûr. Dans son intervention, Emmanuel Macron a beaucoup insisté sur la modernisation des chaînes de production, la robotisation, la numérisation, l’innovation écologique. Le problème est que cela existe déjà, que les usines sont déjà ultra-modernes et automatisées, alors que sur le plan écologique, l’industrie a déjà connu un bon gigantesque ces dernières années quant à la consommation des moteurs thermiques et à leurs émissions de polluants.

Il y a toujours possibilité de faire mieux évidemment, mais il ne faudrait pas s’imaginer ici que l’industrie à des possibilités d’innovation énormes pour se relancer. En réalité, le secteur était déjà à bout de souffle depuis de nombreuses années, faisant face à un ralentissement structurel de son activité, liée au mode de vie de la seconde moitié du 20e siècle.

Le problème du capitalisme, c’est qu’il est, par définition, incapable d’organiser l’économie et de produire ce qui est utile, de la meilleure manière possible. Il n’y a alors comme seule option pour les dirigeants acceptant le capitalisme que de tenter de « relancer » sans cesse la machine, dans une course folle à la production pour la production.

Même le syndicalisme, qui refuse la Gauche et donc le Socialisme, ne dit pas autre chose. Pour Philippe Martinez de la CGT, le problème de ce plan serait surtout qu’il n’y a pas de critique de la stratégie de Renault, sous-entendant que son syndicat aurait mieux géré cette entreprise capitaliste que les capitalistes eux-mêmes. Pour le reste, Philippe Martinez critique tout en expliquant que la CGT dit déjà le même chose depuis longtemps, à propos de « renouveler le parc automobile » et « fabriquer des véhicules plus propres en France ».

Pour la CFTC, le plan gouvernemental « c’est du plus, on va le prendre », alors que pour la CFDT les primes sont « une bonne nouvelle », mais de toutes façons elle « n’en attendait pas moins de l’État ». La CFE-CGC de la métallurgie quant à elle « approuve les grandes lignes du plan » du gouvernement.

Tout cela apparaît donc bien décalé, alors que la France s’apprête à s’enfoncer dans une crise économique majeure, et que la crise écologique se fait chaque jour plus grande, avec des enjeux immenses. Le monde va changer, rapidement, drastiquement, et tous ceux qui auront cru aux mensonges du capitalisme et ses capacités de relance éternelle vont se retrouver fort dépourvus. À la Gauche d’être en mesure de proposer une autre voie, sur la base de ses traditions ouvrières historiques, c’est-à-dire la lutte des classes pour faire plier la bourgeoisie et ériger à sa place un nouveau monde, socialiste.

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Une économie française déboussolée à l’heure du déconfinement

La France est un pays qui, économiquement, se ratatine depuis plusieurs années. En train d’être encore plus déclassée avec la crise sanitaire, son capitalisme voudra avancer à marche forcée. L’instabilité est à l’ordre du jour.

Pour accompagner le choc du confinement, l’État a mis en place un chômage partiel. 12,4 millions de salariés d’un million d’entreprises ont reçu environ 84% du net, payé par l’État (et 100 % lorsque le salaire est au SMIC). Ce dernier a été très généreux avec les couches sociales supérieures puisqu’il a accepté de suivre cette compensation jusqu’à 4,5 SMIC.

Or, tout cela a un coût : 26 milliards d’euros. Il va falloir les trouver. À cela s’ajoute un plan pour aider l’économie (capitaliste) : 52 milliards. Il va falloir les trouver aussi. D’autant plus qu’il y a déjà 599 milliards à payer en 2023, en raison des dettes de l’État.

Tout cela est bien compliqué et il n’y a que trois moyens : la guerre, les impôts, les emprunts. La guerre n’est pas à l’ordre du jour encore, les impôts ce n’est pas faisable car la pression des capitalistes est énorme surtout que les exigences sont déjà hautes. Reste l’emprunt : l’État va devoir emprunter au moins 300 milliards d’euros. Cela représente 15 % du PIB français.

Notons d’ailleurs ici une chose au niveau du PIB, en prenant celui par habitant. Il est au niveau du Japon, clairement derrière l’Allemagne (ainsi que son satellite autrichien) et les États-Unis, ainsi que le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada, la Finlande, les Pays-Bas, la Suède, l’Australie.

La France a décroché. Et on sait qu’un endettement implique une dépendance, à moins de disposer d’une base productive forte. Et la France se ratatine. En 2018, les exportations agroalimentaires avaient une valeur de 44 milliards d’euros en France, 72 milliards en Allemagne, 94 milliards aux Pays-Bas. Rien que ces chiffres, dans un secteur où la France est historiquement puissante, en dit très long. Le plan économique de relance en Allemagne est d’ailleurs trois fois plus grand qu’en France, culminant à 160 milliards.

Peut-on penser que le secteur du luxe, avec 76 milliards d’euros à l’exportation peut relancer à lui seul le capitalisme français ? Naturellement pas. Il est d’ailleurs plombé par l’absence des touristes, notamment étrangers, ceux-ci formant 40 % des touristes en général.

Il n’y a donc que deux options. Soit la France accepte une situation italo-espagnole, tendant à celle de la Grèce. C’est celle d’une satellisation relative dans le capitalisme, d’une mise en orbite de l’Allemagne. La France ne serait pas une colonie bien entendu, cependant ses couches dominantes devraient se mettre sous la coupe de l’Allemagne.

Soit la France tente de se réaffirmer en s’appuyant sur son vaste appareil militaire, soit en forçant l’Allemagne à être encore plus agressive dans un tandem, soit en y allant seule. Cette tendance va évidemment recevoir dans les mois prochains un appui gigantesque de la part de très nombreux secteurs. Cela est d’autant plus vrai que Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen… instillent cette vision du monde depuis longtemps déjà.

Dans tous les cas, c’est une instabilité complète qui est à l’ordre du jour et seule la Gauche historique peut y faire face. Elle seule peut refuser avec force le militarisme, elle seule peut mettre en échec le plan menant à la satellisation.

On se doute qu’entre les tenants d’une Union Européenne sous domination allemande et ceux du nationalisme, la situation de la Gauche historique sera très difficile. Elle est coincée entre le marteau et l’enclume. Tout est d’ailleurs très mal partie, puisque la Gauche historique est d’une faiblesse inouïe. Mais il n’y a simplement pas le choix !

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Jean-Luc Mélenchon: une solution à la crise en mode casino

Dans une interview à la Tribune de Genève, Jean-Luc Mélenchon montre qu’il connaît tous les fondamentaux de la Gauche. Mais il refuse de les assumer pour la réponse à la crise actuelle. Il préfère « inventer ».

Jean-Luc Mélenchon a rompu avec la Gauche depuis longtemps ; La France Insoumise assume d’être un mouvement populiste représentant le « bas » contre le « haut ». Cela amène à des jugements dénués de valeurs culturelles, comme cet éloge du premier ministre, qui pourtant devrait être honni :

« Édouard Philippe est de droite et n’a jamais prétendu autre chose. C’est un homme élégant, d’un côtoiement agréable, un libéral assumé et qui le dit clairement. »

En disant cela, Jean-Luc Mélenchon assume de ne pas vouloir supprimer la Droite, simplement la concurrencer. Mais c’est anecdotique en comparaison avec son interprétation de la crise. Dans une interview du 5 mai à la Tribune de de Genève, il présente de la manière suivante la solution à la crise :

« La dette sera colossale à la suite de cette crise, et vous proposez le gel des dettes d’État. Comment?

J’ai le goût de l’histoire, et je sais que dans le passé jamais une dette d’un niveau pareil n’a été payée. Celle-là, personne ne pourra la rembourser non plus. Alors il y a quatre voies traditionnelles de sortie. L’hyperinflation: personne n’en veut. La coupe dans les dépenses: on vient de voir les conséquences sur les systèmes de santé publique. La banqueroute: c’est également une mauvaise idée, compte tenu des dégâts que ça provoque. Et enfin la guerre: cette page-là, nous l’avons tournée en Europe.

Donc votre proposition?

C’est la suivante. Toutes les dettes d’État que la Banque centrale européenne détient parce qu’elle les a déjà rachetées doivent être congelées. On les transforme en dettes perpétuelles sans intérêts. »

Ce que dit ici Jean-Luc Mélenchon est dramatique. Il a en effet tout à fait raison pur les quatre portes de sortie, mais il les interprète très mal.

* L’hyperinflation correspond à faire payer la crise par le peuple, en dévaluant son argent. Les couches supérieures de la société y échappent de par leurs grandes possessions de propriété et d’appareil productifs. Mais l’hyperinflation ne se décide pas, elle est provoquée par les faits. On peut la laisser courir, toutefois il n’y pas de bouton « hyperinflation ». Et ce n’est pas tant une sortie de crise qu’une expression de la crise.

* La coupe dans les dépenses vise à démanteler l’État qui coûte trop cher. Mais l’État est là surtout pour épauler les entreprises : croire que le pléthorique secteur public en France a une dimension socialiste, c’est croire aux élucubrations de la Droite ! Par conséquent pourquoi le capitalisme supprimerait-il ce qui l’épaule avec succès en France ?

* La banqueroute serait une « mauvaise idée ». Mais la banqueroute n’est pas une idée ! C’est une réalité objective, là aussi. Les faillites d’entreprises sont une conséquence d’un enrayement de la machinerie capitaliste. C’est un phénomène auquel on échappe pas dans une crise.

* Il y a enfin la guerre. Jean-Luc Mélenchon dit que cette page a été tournée en Europe. Il ferait bien d’aller voyager, quand ce sera possible, en Ukraine et dans les pays de l’ex-Yougoslavie. Il ferait bien également d’étudier les dépenses militaires françaises et grecques, tout comme de voir les cartes de la grande Hongrie largement diffusée indirectement par le gouvernement de Budapest. Et de toutes façons, la guerre, pareillement, ne se décide pas : elle se fait. C’est aussi un produit de la crise. Elle est inévitable à moins de renverser la direction de la société aux mains du capitalisme.

Alors, Jean-Luc Mélenchon trouve un joker : on gèle les dettes.

Est-il possible cependant de geler des dettes ? Ce dont rêve Jean-Luc Mélenchon, c’est de pouvoir aller au casino et de dire : vous allez me passer de l’argent jusqu’à ce que je gagne. Et on verra si je vous rembourse, on verra plus tard !

C’est évidemment absurde. Car le capitalisme veut plus, toujours plus. Là où il n’y a pas d’intérêt – et l’exploitation des ouvriers est un intérêt, sur leur travail – il n’y a pas de capitalisme. Encore est-il que dit comme cela c’est incorrect, car le capitalisme n’est pas un « commerce », mais une réalité productive. Il ne s’agit pas de « gratter » de l’argent en sous-payant les gens ou en escroquant à la vente. Il s’agit de classes sociales exploitées à grande échelle, dans un véritable système organisé.

Et Jean-Luc Mélenchon pense que ce système flotte dans le ciel, qu’il n’est pas réel et que, donc, on peut indéfiniment remettre une pièce dans la machine comme on met de l’essence dans une voiture. Pourquoi pense-t-il cela ? Parce que, comme François Hollande, il pense que la finance est quelque chose de virtuel. Il pense que la finance vit dans un monde parallèle, qu’elle ne représente pas quelque chose de réel, qu’elle est une sorte de fantôme parasitaire.

Il reprend ainsi les thèses du PCF des années 1970-1980 comme quoi cet argent en trop, flottant, doit être congelé pour être utilisé pour le système productif qui, lui, serait réel. Il y aurait un bon et un mauvais capitalisme, un capitalisme réel et un capitalisme virtuel. C’est pour cela que Jean-Luc Mélenchon raisonne en termes d’oligarchie, et pas de bourgeoisie. Pour lui les financiers sont une caste parasitaire. Ils doivent payer la crise et on va congeler une partie de leurs avoirs.

Seulement voilà, le capitalisme ce sont des classes, pas des castes. L’idéologie postmoderne raisonne en termes de castes : il y aurait la caste des Français de souche, des hétérosexuels, des personnes valides, des financiers, etc. Cela ne repose sur rien. Le capitalisme est un système unifié, avec des classes, il n’est pas un kaléidoscope avec des castes. Le capitalisme, ce n’est pas l’Inde britannique et post-britannique avec son bric-à-brac de castes et de découpages communautaires.

Le capitalisme, c’est deux classes, et des couches sociales penchant vers l’une ou l’autre. Les prostituées penchent vers la bourgeoisie, vivant en parasites sociaux, comme Rosa Luxembourg l’a bien souligné, les petits employés penchent vers les ouvriers, de par leur nature de travailleurs.

C’est pour cela que Jean-Luc Mélenchon a tort. Il pense qu’on peut réguler le capitalisme, l’organiser, l’encadrer. Ce n’est pas possible. Il est un tout et il est surtout un château de cartes en train de s’effondrer.

 

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La crise économique est déjà majeure aux États-Unis, annonçant une crise mondiale et gigantesque

Alors que le gouvernement français tient encore à faire croire que les activités reprendront progressivement leur cours à partir du 11 mai, la crise économique, elle, s’installe durablement. La situation américaine est probablement un avant-goût de ce qui attend la France et elle aura de toutes manière des répercussions partout dans le monde.

De par la nature de son fonctionnement, le capitalisme américain vit en accéléré ce que d’autres pays vivront bientôt. Les millions de chômeurs américains sont ainsi l’équivalent des millions de chômeurs partiels français, mais en plus brutal, en plus rapide.

Et encore, les effets de la crise y sont aussi en partie temporairement endigués, reportés. La législation a été réformée à la hâte fin mars pour allonger les possibilités de retards de paiement, que ce soit d’hypothèques ou de diverses échéances. Les saisies de propriétés sont suspendues pour plusieurs semaines, repoussant à plus tard tout un tas de problèmes de ce type. Il est estimé que le semaine dernière, il y a déjà eu une augmentation de 1200 % par rapport à la normale des demandes de délais pour des dettes ou factures.

Les États-Unis, donc, la première puissance économique mondiale, dont la monnaie structure directement ou indirectement quasiment tous les échanges économiques internationaux, s’enfonce d’ores et déjà dans une crise de grande ampleur. Le choc est considéré comme étant d’une violence inégalée depuis la Grande Dépression après le crack boursier de 1929.

Ce sont 22 millions d’emplois qui ont déjà disparus, pour certain du jour au lendemain, en seulement quatre semaines. C’est équivalent au total des création d’emplois dans le pays… depuis onze ans, c’est-à-dire depuis la crise de 2008-2009. Le taux de chômage prévu pour avril est de 20 %.

Autre comparaison : les ventes au détail se sont effondrées en un mois de presque autant qu’en seize semaine au cours de la crise des subprimes de 2008-2009. Cela alors que les ventes en ligne explosent dans le même temps, les géants Walmart et Amazon cherchant actuellement à embaucher… 500 000 nouvelles personnes. La consommation actuelle d’essence est revenue à ce qu’elle était en 1968. L’économie du Texas, producteur majeur de pétrole, est pour cette raison déjà sinistrée.

Comme presque partout dans le monde, des secteurs entiers de l’économie sont à l’arrêt, de nombreuses usines comme celles de Boeing ou de l’industrie automobile sont fermées et ne produisent plus aucune valeur. L’américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, estime ainsi que la vague va être terrible pour de nombreux américains, avec des pertes de revenus considérées comme dévastatrices.

Certains prévisionnistes imaginent une reprise massive et drastique des activités bientôt, avec une croissance faisant un bond pour rattraper le retard. Donald Trump pousse en ce sens en annonçant des déconfinements hâtifs dès le mois de mai… Sauf que la situation sanitaire, comme en France, n’est absolument pas sous contrôle et les gouverneurs de nombreux États ne sont aucunement en mesure de desserrer les confinements avant un moment. Rien que l’État de New York, dont la population est de 20 millions d’habitants, a déjà près de 13 000 morts du Covid-19.

Le capitalisme, pour se relancer, a besoin que soient produites massivement des marchandises, et donc qu’elles soient achetées. Sauf que dans un telle situations de crise, d’incertitude, la population a tendance à freiner ses dépenses, soit par manque d’argent tout simplement, soit par volonté de se prémunir. Cela précipite d’autant plus l’effet de crise. Ce problème redouté aux États-Unis l’est également en France, le ministre des finance s’en étant d’ailleurs publiquement inquiété, constatant une hausse massive de l’épargne ces derniers jours.

La situation catastrophique de l’économie américaine engendrera forcément une pressions accrue sur les pays pauvres, sur les travailleurs eux-mêmes. La France, en tant que puissance secondaire, sera aussi directement impactée par ce vacillement, alors qu’elle voit déjà son économie mise sous tension.

EDF a annoncé que des réacteur nucléaires vont être mis à l’arrêt, la baisse de la production d’électricité d’origine nucléaire étant actuellement de 20 % par rapport à ce qui était prévue sur la période, correspondant à une baisse de la consommation énergétique de 20 % également. C’est absolument gigantesque, marquant un ralentissement profond de l’activité industrielle du pays. La perte de chiffre d’affaire pour EDF contribue également à alimenter la dynamique de la crise.

Cela est d’autant plus vrai que, comme l’a expliqué dans la presse un économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, Mathieu Plane, rien ne dit que les restaurants, hôtels, cinémas ou centres commerciaux seront de nouveau ouverts en juillet et août. De nombreux secteurs vont être durablement et profondément impactés, affaiblissant toute la chaîne économique.

La crise va être de grande ampleur… Elle l’est déjà. Le capitalisme est dans une situation de grande faiblesse et précipitera forcément de nombreuses personnes dans sa chute. En plus de la pression accrue sur les travailleurs, les tensions vont être exacerbée entre les pays, contre la planète elle-même.

Les jours à venir n’ont rien d’« heureux », il faut s’attendre à des bouleversements gigantesques. Conduire ces bouleversements pour passer un cap est le rôle de la Gauche.

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Le Medef veut forcer le déconfinement et provoque la colère des pro-Macron

Le président du Medef a appelé à forcer les choses et à faire payer la crise aux travailleurs. Cela rend fou furieux les grands capitalistes représentés par Emmanuel Macron qui sont illico intervenus pour protéger leur représentant.

C’est une tempête dans un verre d’eau capitaliste. Il n’est évidemment pas facile de se retrouver dans ce verre d’eau plutôt invisible avec des petits capitalistes et des gros, différents clans, différentes factions aux intérêts divers et variés. Mais la crise étant présente, il faut abattre les cartes. Il faut en effet des options à mettre sur la table, et il n’y en a pas tant que cela, il n’y en a que trois :

a) on continue comme avant ;

b) on galvanise socialement on ne sait pas trop comment mais on y va prudemment ;

c) on rentre dans le tas en exigeant une unité nationale vigoureuse et militarisée.

La dernière option est bien entendu représentée par Marion Maréchal, ainsi que Marine Le Pen. Elles ne cessent de dérouleur leurs discours et on peut être certain que leur travail de sape est efficace. Ce sont cependant les deux autres factions qui sont concernées ici.

La première, c’est celle de la bourgeoisie prise en grand, avec de multiples ramifications, avec plus ou moins d’unité, etc. Le Figaro en est le vecteur idéologique. Et dans ce journal, à l’occasion d’une interview, le dirigeant du Medef, le syndicat patronal, est allé droit au but. Geoffroy Roux de Bézieux a dit qu’il fallait reprendre le travail le plus vite possible, qu’il fallait retrouver la normalité à marche forcée :

« L’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020. »

Naturellement, il faut que quelqu’un paie tout cela. Ce sera les travailleurs :

« Il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire. »

On aurait tort cependant de penser que c’est là l’expression de la bourgeoisie en général. Ainsi, la revue Challenges, un très important porte-parole du milieu économique, a littéralement dézingué le président du Medef. Pour que les choses soient bien comprises, il s’agit d’un éditorial. Le titre a été choisi comme une savante provocation : « Quand le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux se caricature tout seul ».

Cette réponse du dimanche à 12 avril à l’interview du Figaro du 11 n’y va pas par quatre chemins. Il faut un « Grenelle social », une unité nationale. On se moque du Figaro, « quotidien de la droite bourgeoise et du monde des affaires » et du « prêt-à-penser libéral » du patronat.

La raison de tout cela, c’est que la France est socialement à deux doigts d’exploser :

« Depuis le choc du coronavirus, une fracture s’est encore creusée.

D’un côté, des travailleurs anonymes, dont une partie fut gilets jaunes, qui assurent les activités indispensables à la collectivité et prennent ainsi des risques; de l’autre, en seconde ligne pourrait-on arguer, les « confinés », souvent des cadres qui contribuent eux aussi, depuis leur domicile et en télétravail, à ce que l’économie ne sombre pas tout à fait.

Mais ceux-là, admettons-le, sont plus « conforts », sinon plus tranquilles.

A l’abri, contrairement à tous les exposés précités, sans oublier les démunis, reclus, eux, dans des conditions souvent éprouvantes. Deux France, voire trois, qu’on ne peut traiter comme si rien ne s’était passé. »

Par conséquent, le patronat doit céder et l’éditorial se conclut par un appel à une remise au pas :

« Il faudra bien que ce fameux « capital » en passe par une baisse de ses rémunérations au profit du travail. Autrement dit, si Emmanuel Macron entend que « ça reparte vraiment », et pourquoi répétons-le ne le voudrait-il pas, il lui faudra à l’exemple du général De Gaulle, faire plier le patronat. L’archéo-patronat… »

Il faut être ici très intelligent, très subtil. En effet, il ne s’agit pas d’un éditorial appelant à un coup de force militariste : l’extrême-Droite y est ouvertement dénoncé. Et s’il y a des revendications sociales prononcées, on est dans Challenges, et il y a un appel à Emmanuel Macron qui doit être le grand dirigeant mettant le patronat au pas !

On l’aura compris : cet éditorial représente les intérêts de grosses fortunes, évidemment celles qui ont permis à Emmanuel Macron d’être élu président de la République en montant un mouvement du jour au lendemain. Ce sont des grands capitalistes et à ce titre, extérieurs au capitalisme traditionnel.

Ils peuvent donc exiger que celui-ci paie la crise. Mieux vaut cela que l’instabilité en pressurisant les travailleurs encore plus ! Ce refus d’aller dans le sens de l’extrême-droite tient à la base économique de ces grands capitalistes. Ils ne sont pas dans la tradition des monopoles français, ni économiquement, ni culturellement ; ils relèvent du business international. Ils ne peuvent donc pas appeler à une unité nationale, au nationalisme, au militarisme.

Mais leur sort est scellé, comme dans les années 1930. Le capitalisme tend à la guerre et le business international, flottant au-dessus des nations allant au militarisme, se fait violemment mettre au pas. Il n’y a pas de sortie libérale internationale, seulement la destruction avec le fascisme ou l’avenir avec le socialisme.

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La folie de la dette publique fait courir un risque de crise majeure

La pandémie de Covid-19 a engendré un retour massif de la puissance publique et de l’intervention des États. Sur le plan économique, cela consiste en le fait d’assumer un endettement public massif, à différents niveaux. On peut penser que c’est inévitable face à la situation, mais certainement pas que c’est une bonne chose marquant l’avènement d’un capitalisme plus « juste » et moins libéral. C’est au contraire un facteur de grande instabilité, qui pourrait mener au précipice de nombreux pays, voire l’économie mondiale. Il n’y a pas d’argent magique pouvant être dépensé sans compter, alors que l’économie est en récession.

L’impact du Covid-19 sur l’économie mondiale et celle des différents pays est immense, personne n’est encore en mesure d’en estimer l’ampleur. En France, si le gouvernement tablait initialement sur une récession de 1 % du PIB dans son budget rectificatif à la mi-mars, il est maintenant assumé que ce sera pire, mais sans pouvoir donner de chiffre pour l’instant.

Du côté de la Banque centrale européenne, une estimation a été faite récemment pour la zone euro en 2020, évoquant une récession de 5 % du PIB. La Banque Goldman Sachs parle pour sa part d’une prévision de récession de 9 % du PIB pour la zone euro.

Autre exemple, concernant la Chine, premier pays touché, mais où la production commence déjà à repartir avec la plupart des usines actives et 74 % des travailleurs en poste fin mars. La Banque mondiale, une institution spécialisée de l’ONU, mise dans son rapport sur la région Asie-Pacifique publié ce mardi 31 mars 2020 sur une croissance chinoise limitée à 2,3 % en 2020, tout en incluant la possibilité d’un scénario plus pessimiste avec une croissance quasi nulle, de 0,1 %. En 2019, la croissance chinoise était de 6,1 % ; cela sera donc dans tous les cas en 2020 un recul drastique, avec dans le meilleur des cas une croissance étant la plus faible depuis plus de 40 ans.

Dans ce même rapport, des scénarios noirs sont déjà envisagés pour la Malaisie et la Thaïlande, alors qu’il est prévu pour l’Indonésie (puissance économique d’importance en Asie) un recul de 3,5 points de la croissance.

En ce qui concerne la France, on sait déjà que 2,2 millions de salariés (dans 220 000 entreprises) sont concernés par les mesures de chômage partiel, avec de nombreux secteur industriels à l’arrêt tandis que d’autres fonctionnent au ralenti par manque de clients ou de matières premières. Dans le commerce, l’activité est réduite ou quasiment à l’arrêt pour de nombreux secteurs (habillement, ameublement, décoration, etc.), elle est fortement réduite dans le secteur du BTP. En ce qui concerne l’économie des services ou l’administration (publique ou d’entreprise), le télétravail quand il est possible ne permet qu’un maintien partiel des activités.

En arrière plan de cela, il y a toute une économie du loisir et de la culture (parcs, sport, concerts, festivals, voyage) qui a été stoppée nette et qui forcément ne repartira pas du jour au lendemain après le confinement.

Pour se donner une idée de l’ampleur de ce ralentissement général, il y a l’indice « PMI » du cabinet Markit qui mesure l’activité du secteur privé en France. Cet indice enregistre déjà pour le mois de mars la plus forte chute de son existence avec une baisse de plus de 20 %, alors que le confinement n’a commencé que le 17 mars. Un autre critère reflétant l’activité économique est la consommation d’électricité : celle-ci a reculé de 20 % depuis le début du confinement, alors même que beaucoup de gens consomment énormément d’électricité chez-eux du fait de ce confinement.

Pour faire face, ou plutôt en s’imaginant pouvoir faire face aux menaces de faillites en série, les différents gouvernements et institutions gouvernementales ont déjà pris des mesures d’une ampleur jamais égalée, alors que ni les confinements, ni la crise sanitaire elle-même n’ont pris fin. À la fin du mois de mars 2020, ce sont en tout déjà 7 000 milliards de dollars de dépenses budgétaires, de prêts et de garanties des États et des banques centrales qui ont été annoncés partout dans le monde.

En France, rien que pour les mesures de chômage partiel, il y a 8,5 milliards d’euros qui ont été provisionnés par le gouvernement, qui sait déjà que ce ne sera pas suffisant. D’après l’Observatoire français des conjonctures économiques, la mesure de chômage partiel pourrait concerner plus du double du nombre de personnes déjà recensées, avec 4,5 millions de salariés en tout.

Ce sont également quatre milliards d’euro pour la santé qui ont été annoncés hier par le Président (en plus de deux milliards déjà budgétés) et le gouvernement sait déjà que les 1,2 milliards prévus pour le fonds de solidarité pour les petites entreprises et les indépendants ne seront pas suffisants. Il faudra certainement compter aussi sur plusieurs milliards d’euros pour recapitaliser ou nationaliser telle ou telle entreprise importante n’ayant pas surmonté la crise, ce qui pourrait être le cas pour Air France par exemple.

À ces dépenses s’ajoute également une baisse drastique des recettes pour l’État.

Il y a les pertes nettes du fait de la récession (moins de taxes et d’impôts), évaluées dans un premier temps à 10,7 milliards (ce sera plus), mais aussi les reports de revenu. Selon le gouvernement, le report du paiement des charges sociales et fiscales pour les entreprises en difficulté représente déjà 32 milliards d’euros pour le mois de mars, mais personne bien entendu ne peut garantir que toutes les entreprises seront en mesure d’honorer ces dettes dans les mois à venir.

En plus de cela, l’État a annoncé qu’il garantira jusqu’à 300 milliards d’euros de prêts accordés à des entreprises, le procédé ayant déjà été activé pour 3,8 milliards d’euros.

Tout cela a donc pour conséquence de faire exploser la dette publique, dans un contexte où les entreprises elles-mêmes vont être endettées, alors que l’État est déjà très endetté à la base. La France n’est pas la seule concernée, évidemment.

On a, pour le dire autrement, des milliards d’euros qui sont dépensés à tout-va… par des États ne disposant pas de cet argent. C’est le principe du crédit, ou de la dette, qui est devenu un mode de fonctionnement structurel pour le capitalisme, tant en ce qui concerne les États que les grandes entreprises.

Seulement voilà, la dette ne crée aucune richesse, ni même la monnaie (on parle de liquidité, et c’est de cela qu’il s’agit avec les 750 milliards d’euros annoncés par la Banque centrale européenne pour racheter des dettes d’État et d’entreprise indéfiniment). Il faut bien que quelqu’un paye au bout du compte, car l’argent doit correspondre à une certaine valeur pour être valable, sinon la monnaie s’effondre comme en Allemagne dans les années 1920.

Quand un État émet de la dette (on parle d’obligations, qui sont des titres de créance), il y en face un investisseur qui prête son argent, de l’argent qui n’a rien de fictif, et qui doit être remboursé à un moment (en plus de recevoir éventuellement une rémunération pendant la durée de ce prêt). Les fonds sont en général gérés par des structures spécialisées, mais proviennent en grande majorité de l’épargne dite des ménages. Ce sont les réserves d’argent de la bourgeoisie et de la petit-bourgeoisie.

Tout cet argent n’est pas extensible, ou en tous cas la quantité de valeur qu’il représente ne l’est pas, d’autant moins que l’économie est en récession. Si beaucoup de dette est émise, il faut en face suffisamment d’investisseurs pour prêter l’argent.

Le problème qui va se poser à l’économie est très simple et facilement compréhensible : personne ne peut garantir qu’il y a suffisamment de valeur en circulation pour valoriser la dette des États.

Il faut bien comprendre une chose ici : actuellement sur les marchés financiers, les placements sont beaucoup moins faits dans le but de s’enrichir (par la spéculation ou l’investissement productif, ce qui induit un risque dans les deux cas), que dans le but de garantir une épargne. Ce qui compte n’est pas tant les bénéfices ou dividendes éventuellement perçus que la solidité d’une dette, car posséder une dette « solide » a en soi beaucoup de valeur.

Dire « l’État italien me doit tant d’argent qu’il me remboursera dans 10 ans », cela a de la valeur pour les épargnants voulant garantir leur épargne. Il existe même un marché très important où ce genre dette est échangée.

Seulement, cela n’a de la valeur que tant que les investisseurs ont confiance dans la capacité de l’État à honorer sa dette, c’est-à-dire à garantir une certaine valeur à cette dette. L’Italie, pour rester sur cet exemple, est déjà dans une situation très compliquée avec une dette publique en 2019 de 2373 milliards d’euros, ce qui correspond à près de 140 % de son PIB. Cela tient encore, car il est considéré que l’Italie « vaut » plus que ce qu’elle produit, ne serait-ce que par son patrimoine public, avec des « villes » comme Venise, Florence, Pise et en partie Rome qui sont devenues de véritables usines à tourisme.

Cela n’est bien sûr pas extensible à l’infini, surtout en période de crise. L’agence de notation Standard & Poor’s (dont le métier consiste justement à évaluer la capacité d’un créancier, y compris d’un pays, à rembourser ses dettes) a par exemple évalué que la croissance italienne va chuter de 2,6% à cause de la pandémie de Covid-19.

Cela fait peser un risque énorme sur la valeur de la dette italienne. Et comme dans le même temps d’autres pays (ainsi que beaucoup d’entreprises) vont contracter encore plus de dette (et le font déjà), les investisseurs vont être tentés de se tourner ailleurs, craignant pour leur épargne. L’État italien, faute de prêteurs, peut alors faire faillite.

Face à ce risque tout à fait concret, l’Italie, mais aussi l’Espagne et d’autres pays, souhaitent des « coronabounds » européens, c’est-à-dire des obligations (de la dette publique) émises au nom de toute l’Union européenne, avec comme motif la crise sanitaire.

Ce serait un moyen pour un État en difficulté comme l’Italie de garantir sa capacité à emprunter sur les marché financier, donc à continuer à s’endetter dans le cadre de la crise. D’autres pays, notamment l’Allemagne, ne veulent absolument pas en entendre parler. Du point de vue de l’Allemagne, cela reviendrait à mutualiser une dette qui n’est pas la sienne, affaiblissant ses propres capacités d’emprunt sur les marchés.

Or, l’Allemagne aussi a besoin de s’endetter, parce que 123 milliards d’euros de dépenses liées à la crise ont déjà été annoncés ( en plus de 822 milliards de garanties accordés aux dettes contractées par les entreprises nationales), dans le cadre d’une récession s’annonçant importante pour le pays en 2020 (entre 2,8 % et 5,4 % du PIB). L’Allemagne, qui n’a normalement aucun déficit, a déjà annoncé prévoir 156 milliards d’euros de déficit, soit une dette d’environ 5 % de son PIB (alors que selon la règle budgétaire européenne défendue bec et ongle par l’Allemagne ces dernières années, celui-ci ne doit être supérieur à 3 %).

On a donc une situation très tendue, qui s’inscrit elle-même dans le cadre d’une situation à l’origine très fragile en ce qui concerne la dette. En novembre 2019, la Banque centrale européenne alertait dans sa revue semestrielle de stabilité financière sur les risques en cours. Pour résumer, du fait de la politique monétaire européenne, l’endettement (public et privé) est fortement encouragé et pratiqué.

Le revers de la médaille constaté par la BCE est que beaucoup de risques sont pris par certains investisseurs en raison de taux d’intérêt faibles. Il était constaté que 45 % des obligations d’entreprises étaient notées « BBB », c’est-à-dire la note la plus faible possible, évoquant ainsi un grand risque pour la stabilité financière.

Tout cela est très technique et peut sembler lointain, mais c’est en fait très simple et concret. L’économie est littéralement pourrie par tout un enchevêtrement de mécanismes de dette, et cela s’accentue de manière radicale tout d’un coup en raison de la crise sanitaire.

Autrement dit, il y a un décalage de plus en plus important entre la masse réelle de la valeur existante et les capacités du système à répartir cette valeur, par le biais des monnaies et des mécanismes financiers. On a d’un côté une économie qui ralentit, de l’autre des États qui ont besoin de s’accaparer d’un coup une masse énorme de valeur (sous forme d’argent) par de la dette.

En vérité, seule la production de marchandises a de la valeur (soit par les marchandises elles-mêmes, soit par l’appareil productif), et donc seul le travail compte réellement. Les États s’imaginent pouvoir contourner le problème par le biais de la dette, mais c’est une véritable folie, relevant d’une fuite en avant inconsidérée.

La situation actuelle est tout simplement insoutenable, menant tout droit à une crise majeure. Nul ne peut savoir quelle forme cela prendra, si ce ne seront que quelques États qui s’effondreront, comme le risque l’Italie, ou bien si ce sont des régions entières qui seront entraînées dans une spirale négative, avec des licenciements à la chaîne, une inflation incontrôlable ou au contraire des dévaluations monétaires massives, etc.

Ce que l’on voit déjà par contre, c’est un resserrement drastique des différents États nationaux, qui vont se retrouver en concurrence exacerbée et tendront de plus en plus à la guerre. Cela est déjà visible concrètement aujourd’hui rien qu’au sein de l’Union européenne, cela l’est d’autant plus à l’échelle mondiale, avec comme fil conducteur l’affrontement entre les deux superpuissances que sont la Chine et les États-Unis.

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Covid-19: la terrible crise économique qui se profile en arrière-plan

Après la crise sanitaire, la crise économique ? Malgré les mesures d’ampleur annoncées par les gouvernements et l’Union européenne, il faut s’attendre à ce scénario catastrophe. Le ralentissement de la production porte un coup majeur à l’économie et l’endettement massif des États, plutôt que d’y remédier, risque fort d’aggraver la situation.

Depuis le début de l’année, d’abord en Asie puis maintenant en Europe et de plus en plus dans le reste du monde, de nombreux secteurs économiques sont à l’arrêt, ou bien tournent au ralenti.

Il y a bien sûr toute l’économie du tourisme et du transport qui est déjà gravement affectée comme chacun le sait. Le groupe Aéroports de Paris (ADP) vient par exemple d’annoncer la mise au chômage partiel de 80% de ses 6295 salariés, avec une demande d’autorisation pour… six mois.

Il y a tout un arrière-plan à cela, avec en particulier la production aéronautique qui sera impactée dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Cela d’autant plus que le secteur est déjà en crise avec l’affaire du Boeing 737-Max et les prévisions de ralentissement de la croissance du trafic aérien préalables à la crise sanitaire en cours.

Il en est de même pour la production automobile, qui est déjà affectée par des prévisions de baisse de production à moyen et long terme pour des raisons environnementales. Depuis le début de la semaine, la production automobile (directe et sous-traitante) est à l’arrêt en France. Les constructeurs s’attendent par ailleurs pour les six semaines à venir, en raison du contexte, à une baisse de commandes de l’ordre de 75 %.

Donc, pas de production d’un côté (ce qui signifie pas de valeur créée) et pas de vente de l’autre (ce qui signifie pas liquidités pour valoriser la production réalisée) : cela mène tout droit à une crise majeure pour le secteur. Dans la presse économique, il est déjà parlé pour les mois à venir d’entrées d’argent amputées de 5 à 6 milliards d’euros par rapports à ce qui était prévu. C’est évidemment gigantesque.

Si les grands groupes seront éventuellement en mesure de surmonter cela, ce ne sera probablement pas le cas de nombreuses PME et TPE liées à cette production. Sans parler des nombreux ouvriers intérimaires du secteur, qui seront directement sans emplois pour une longue période.

Le schéma est le même pour tout un tas de secteurs industriels, sans compter l’économie des services, comme la restauration, qui de toutes manières est liée en amont à une production industrielle pour ses infrastructures et ses matières premières.

En une semaine, il est déjà observé qu’un nombre très important d’entreprises a mis de côté tous les projets de recrutement. Et plus les perspectives économiques vont s’avérer moroses suite à telles et telles annonces, plus la méfiance sera de mise, et donc le ralentissement de l’activité, et donc l’emballement dans une spirale négative.

C’est un mouvement de crise tout à fait classique et bien connu par le capitalisme, qui en connaît de manière récurrente, plus ou moins grave. Il faut néanmoins redouter que cette fois, les conséquences générales soient terribles.

Les gouvernements en ont conscience et, face à des cas concrets et immédiats (paiement des salaires, paiement des cotisations des entreprises), ils annoncent déjà des mesures de grande ampleur, voir d’une ampleur exceptionnelle, alors que la crise sanitaire ne fait que commencer.

Un plan de 200 milliards d’euros (16 % du PIB) a été annoncé en Espagne, 9,2 milliards d’euros (4,3 % du PIB) au Portugal, 47 milliards d’euros en Pologne, etc.

En France, l’Assemblée nationale a voté hier, à l’unanimité, le projet de loi de finances rectificative, permettant les mesures d’urgence. Anticipant que l’impact du Covid-19 sera très lourd, provoquant une récession (1 % du PIB), le texte assume un déficit public de 3,9% du PIB en 2020.

Autrement dit, l’État assume de s’endetter encore plus qu’il ne l’est pour supporter lui-même les défaillances de l’économie. Concrètement, cela signifie que l’État doit prendre en charge le paiement du chômage partiel des entreprises n’ayant plus d’argent et qu’il renonce, au moins temporairement, à des entrées d’argent dans les caisses.

En tout, 45 milliards d’euros d’aides ont déjà été annoncées par le gouvernement (essentiellement en report de charge), ainsi que 300 milliards d’euros de garanties publiques de prêts (cela signifie que l’État se portera garant à hauteur de 300 milliards en tout pour les entreprises qui emprunteront).

Ce mécanisme d’endettement, pour l’État et pour les entreprises par l’intermédiaire de l’État, est directement appuyé par l’Union européenne. La Banque centrale européenne (BCE) vient en effet d’annoncer 750 milliards d’euros qui seront déversés dans l’économie d’ici à la fin de l’année 2020. C’est gigantesque, cela représente 7,3 % du PIB de la zone euro.

Cette monnaie va servir ni plus ni moins qu’à racheter de la dette, notamment celle d’État en difficulté avant la crise sanitaire (comme l’Italie et l’Espagne) et qui vont l’être encore plus après celle-ci. On l’aura compris, la France sera aussi concernée.

Cela est très risqué, car la machine peut s’enrayer très vite, à cause d’une perte de confiance dans la monnaie notamment. Tout est, en effet, une question de confiance des investisseurs dans la capacité des États à rester solvable indéfiniment, et surtout dans la valeur de la monnaie.

Le problème, et on le comprend aisément si on raisonne de manière concrète et pas de manière abstraite, c’est que la valeur ne s’invente pas, elle ne se décrète pas. En injectant 750 milliards d’euros dans l’économie, la BCE prend un risque énorme, celui que ses 750 milliards d’euros ne correspondent à aucune valeur réelle, ou en tous cas pas suffisamment.

Comme l’économie est en grande partie à l’arrêt, cela peut provoquer une crise de la valeur. Autrement dit, une crise de la valeur de l’argent, exactement comme lors de la crise de 1929, puisqu’il est injecté de la valeur numéraire, sans que cela puisse correspondre suffisamment à de la valeur réelle, c’est-à-dire des marchandises produites.

Quand les gouvernements, et l’Union européenne qui est leur prolongement pour les pays membres, déclarent qu’ils vont dépenser tel ou tel milliard, ils ne vont en effet rien payer concrètement. Ils vont simplement contracter encore plus de dette.

C’est là littéralement jouer avec le feu et les marchés financiers, qui supportent cette dette, en s’enrichissant dessus, peuvent exploser du jour au lendemain, en renonçant de la financer. La panique était déjà très grande lors des crises de 2008 et de 2012, avec des mécanismes liés à la dette similaires ; elle le sera probablement d’autant plus que cette fois la production industrielle est grandement ralentie, et donc la production de valeur est réduite.

Il n’y a d’ailleurs aucune raison que les marchés financiers ne « paniquent » pas puisque même la présidente de la BCE Christine Lagarde, qui a débloqué ces 750 milliards d’euros, parle dans le même temps d’une récession considérable à venir.

Si la dégringolade s’est stabilisée hier sur les marchés boursiers, probablement suites aux annonces de la BCE censée rassurer, il faut bien voir que la situation est catastrophique depuis plusieurs jours et que « l’embellie » n’est que relative.

Rien que pour la France, le CAC 40, c’est-à dire la cotation des 40 plus grandes entreprises françaises, ou autrement dit la valeur de ces entreprises estimée par les marchés financiers, avait chuté de près de 40 % en un mois. Sur les différentes places boursières, les mécanismes d’urgence pour stopper les emballements négatifs (baisse drastiques des cours) ont été actionnés de nombreuses fois ces derniers jours, ce qui n’a rien d’anodin.

Et il ne faudrait pas croire ici, comme aiment à le faire croire les populistes de gauche, que la « finance » serait une abstraction ne représentant rien du tout. Au contraire, elle représente la façon principale dont la valeur est répartie (et donc accaparée par la bourgeoisie) dans l’économie. Quand la finance tangue, ce n’est pas la cause, mais simplement le symptôme de la crise économique, tout à fait concrète et immédiate pour tout un chacun.

Le capitalisme, qui est instable par nature, voit se profiler en arrière plan de la crise sanitaire du Covid-19, une crise économique d’une ampleur redoutable.

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La crise du coronavirus COVID-19 précipite le capitalisme

Le capitalisme a des limites : celles de sa propre volonté de croissance exponentielle. La crise du coronavirus COVID-19 qu’il subit, et qu’il a lui-même provoqué, va lui porter un terrible coup. C’est le début d’un vaste effondrement et les Bourses l’ont compris, autant qu’elles sont en mesure de le comprendre.

La Bourse de Paris a chuté le 12 mars de 12,28 %, sa pire chute historique. Et la Bourse ce n’est plus une salle avec des gens qui crient et qui réagissent à l’emporte-pièce. Aujourd’hui, cela passe par des algorithmes, de larges prévisions, des décisions à haut niveau par des cadres financiers éprouvés, etc.

Pareillement, les autres bourses ont décroché : Londres de 9,81 %, Francfort de 12,81 %, Madrid de 14,06 %, Milan de 16,62 %, New York de 9,99 %. C’est donc une panique, mais une panique rationnelle, choisie. Car la raison de fond, c’est que l’accumulation du capital est bloquée. Or, le capitalisme ce n’est pas que la croissance des revenus du capital, c’est toujours plus de revenu du capital.

Les secteurs du tourisme et du voyage sont déjà très affectés, la production industrielle est ralentie dans de nombreux secteurs alors que dans le même temps une crise de surproduction de pétrole provoque un effondrement des cours.

Il est absurde de penser que le capitalisme est infini, qu’il ne connaîtrait aucune limite, qu’il pourrait toujours se régénérer, qu’il suffirait d’un peu de petite production et tout serait relancé, etc. Ce n’est pas le petit commerce de kebab qui peut sauver le capitalisme une fois qu’il a atteint une situation monopolistique. Seule la guerre le peut… et encore, à court terme, puisque de nouveau la limite sera atteinte.

Cette compréhension est celle de la Gauche historique et s’est largement perdue car, en raison de la longue croissance du capitalisme, il y a eu capitulation et la croyance que le capitalisme serait toujours stable. Cette idée s’est d’autant plus renforcée que tout un confort s’est installé – et beaucoup de gens de gauche dans ce confort.

Maintenant, tout cela est fini. D’où la suspension par Donald Trump de toutes les liaisons transatlantiques avec l’Europe. D’où d’ailleurs le repli national de chacun des principaux États, un phénomène qui date d’ailleurs de bien avant, comme on l’a vu avec le Brexit. C’est là tout simplement la tendance à la guerre, une répétition de ce qui a eu lieu pour les première et seconde guerres mondiales.

La crise qu’implique le coronavirus COVID-19 ne fait dont que renforcer une tendance déjà présente. C’est une crise dans la crise – et une crise d’ailleurs directement conséquence de la mondialisation, avec la destruction de la vie sauvage sur la planète. On connaît en fait une période d’accélération de la crise, qui s’affirme à tous les niveaux : militaire par les conflits, climatique en raison du CO2 produit, sanitaire en raison des conséquences des dérèglements produits, etc.

On comprend que la plupart des gens ne veulent pas voir tout cela. Qu’il y ait l’espoir que tout va se calmer, ou que tout va être loin. Cependant, la crise du coronavirus COVID-19 montre qu’il n’existe pas de frontières. Toute la planète est embarquée dans un processus de conflagration générale. Les tâches qui attendent ceux qui n’ont rien à perdre dans le capitalisme sont donc absolument immenses.

Et pour l’instant, on est très mal parti avec des ouvriers français qui préfèrent voter Marine Le Pen en espérant qu’un retour en arrière de type protectionniste – nationaliste va les sauver. La société française va connaître un désenchantement immense, un décrochage général. C’est le début de l’Histoire et de ses tourments.

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120 000 euros de capital pour chaque jeune de 25 ans: la proposition du bobo Thomas Piketty

Dans une vidéo Kombini, site plus connu pour raconter les dernières futilités concernant Drake ou Kim Kardashian que de contribuer à changer le monde, l’« économiste » Thomas Piketty présente sa dernière trouvaille, issue du dernier livre qu’il a à vendre : donner un « héritage » de 120 000 euros à chaque jeune à 25 ans. Voilà typiquement une idée de bobo n’ayant aucun sens des réalités.

Le capitalisme va mal ? Alors il faut le capitalisme pour tous ! Voilà la grandiose idée de Thomas Piketty, apprécié par les bobos du monde entier, à commencer par Barack Obama lui-même.

Le capitalisme serait donc tellement formidable qu’il faudrait que chacun puisse en profiter au début de sa carrière. C’est un peu comme au Monopoly : chacun la même mise de départ et c’est partie pour le grand jeu de la concurrence. Génial !

On a fait le calcul. D’après l’INSEE, les personnes ayant 25 ans durant l’année 2018 étaient 691 249. On multiplie par 120 000 et cela donne 82 949 880 000. Il faudrait donc 83 milliards d’euros par an.

Cela équivaut (d’après la loi de finance 2019) à l’addition de tout l’impôt sur le revenu (70,4 milliards nets) et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (13,1 milliards nets).

Pour se donner une idée également, avec 83 milliards d’euros on a (toujours d’après la loi de finance 2019) quasiment les budgets consacrés à l’éducation et à l’Écologie/développement durable en France (85 milliards d’euros).

Plutôt que de doubler les budgets consacrés à l’écologie et à l’éducation (le plus gros budget), Thomas Piketty suggère donc que cela serait mieux d’en donner un bout à chaque jeune, pour qu’il fasse de son côté son petit bout de chemin capitaliste.


Comme par magie, cela résorberait les inégalités et le capitalisme deviendrait vertueux. Il faut vraiment être totalement imprégné de la pensée bourgeoise pour penser une telle chose… Mais cela n’est pas étonnant de la part d’un ancien de « Normal Sup’ » et de la London School of Economics.

Pour l’anecdote, il faut savoir qu’à l’époque où Dominique de Villepin voulait imposer à la jeunesse l’immonde Contrat Première Embauche, il mandatait Thomas Piketty pour faire une London School of Economics à la française à Paris.

Et dire que Benoît Hamon avait fait de Thomas Piketty son conseiller économique pour sa campagne en 2017… Tout cela parce qu’il a écrit un succès d’édition, Le Capital au XXIe siècle, qui en 2013 lui a accordé beaucoup d’estime dans les couches intellectuelles cherchant des réformes sociales mais à tout prix sans luttes des classes.

Quelle catastrophe pour la Gauche. Si Jean Jaurès, Léon Blum ou Maurice Thorez voyaient ça, ils n’en reviendraient pas.

Thomas Piketty se moque littéralement du monde ici avec ses 83 milliards d’euros par an tombés du ciel, comme s’il suffisait de le décréter pour faire apparaître tout cet argent, comme si la crise économique n’était qu’une invention de la Droite.

Une telle somme existe cependant, il n’a pas tord de ce point de vue là. Il faudrait la prendre aux riches, ou au « capital » comme il le dit pour se donner un genre « Karl Marx » (bien qu’il déteste Karl Marx, qui selon lui se serait trompé sur tout et n’aurait aucun contenu).

En l’occurrence, les riches, le capital, la bourgeoisie, ne se laisserait pas faire. Seul un pouvoir de gauche très fort, porté par les classes populaires menant une lutte de classe très intense, avec en tête la classe ouvrière massivement organisée dans des assemblées générales puissantes, pourrait arracher une telle somme, dans une situation quasi insurrectionnelle par ailleurs.

Il serait alors hors de question de disséminer tout cet argent individuellement à chaque jeune de 25 ans pour entretenir l’illusion du capitalisme ! La Gauche portée par les classes populaires aurait de biens meilleures idées pour ces moyens, en planifiant de manière rationnelle les dépenses dans un sens collectif et responsable.

Il paraît d’ailleurs que cela s’appelle le Socialisme. Et cela n’a rien à voir avec le populisme light et prétendument « de gauche » du vaniteux Thomas Piketty.

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Prix Nobel d’économie 2019: des experts en business

Il y a des gens qui gagnent leur vie en faisant travailler les pauvres. D’autres en en parlant. Le prix Nobel d’économie 2019 a été gagné par des gens ayant monté un vrai business « scientifique » de discours sur la pauvreté.

Le prix Nobel d’économie a été remis cette année à la française Esther Duflo et son mari d’origine indienne Abhijit Banerjee, ainsi qu’à l’américain Michael Kremer, les deux premiers ayant pris cette nationalité également.

C’est qu’Esther Duflo est le prototype de l’intellectuelle bourgeoise faisant carrière aux États-Unis. Elle fait une prépa au Lycée Henri IV, rejoint l’École normale supérieure, puis un DEA à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), pour devenir agrégé d’économie.

Elle fait ensuite un doctorat au fameux MIT américain, dont elle devient ensuite professeur. C’est là-bas que se fonde le laboratoire Abdul Latif Jameel d’action contre la pauvreté, alors qu’Esther Duflo reçoit de nombreux prix, distinctions, publications dans des revues, etc.

L’idée de base est qu’il s’agit de procéder à des « évaluations d’impacts par assignation aléatoire (Randomized Control Trial) », en gros de mener des enquêtes pour voir les résultats de telle ou telle politique sociale, y compris si elle n’as pas été en fait réalisée.

On l’aura compris, c’est l’application de l’utilisation de données statistiques (même pas complètes, car il s’agit seulement d’échantillons) à la réalité sociale (définie par ailleurs subjectivement).

Ces « Randomized Control Trial » ou RCT sont totalement à la mode et il faut citer ici un article de Florent Bédécarrats, Isabelle Guérin et François Roubaud, qui avaient prévu en 2013 l’obtention du prix Nobel par Esther Duflo.

« Rares sont aujourd’hui les formations académiques prétendant « tutoyer l’excellence » qui ne proposent un cursus spécialisé dans ce domaine, comme à l’École d’économie de Paris, la London School of Economics, Harvard, Yale, etc.

Rares sont également les agences d’aides qui n’aient pas créé de département qui leur soit dédié, ou engagé ou financé leurs propres rct (…).

La figure d’Esther Duflo est l’exemple le plus illustratif de cette mouvance. Jeune chercheure franco-américaine, elle cumule les distinctions académiques, dont la célèbre médaille Bates, qui récompense le « meilleur économiste » de moins de 40 ans et qu’elle a reçue en 2010.

Elle a à son actif un nombre impressionnant de publications dans les revues d’économie les plus prestigieuses, mais elle vulgarise également ses travaux sous la forme d’ouvrages accessibles au grand public. Depuis 2008, elle figure sur la liste des 100 premiers intellectuels mondiaux du magazine américain Foreign Policy. En 2011, c’est le Time qui la compte parmi les 100 personnes les plus influentes au monde.

Fin 2012, elle a été nommée conseillère du Président Obama sur les questions de « développement global ». En France, elle a été la première titulaire de la toute nouvelle chaire « Savoir contre pauvreté » du Collège de France, créée et financée par l’Agence française de développement (AFD). Son nom est régulièrement cité comme candidate potentielle à un prochain prix Nobel d’économie.

Ces jeunes chercheurs de la mouvance rct se distinguent également dans le mode de gestion de leur activité. En montant des ong ou des bureaux d’étude spécialisés, ils créent les structures idoines pour recevoir des fonds de toutes origines : publique bien sûr, mais également de fondations, d’entreprises, de mécènes, etc., hors des circuits classiques de financement de la recherche publique.

Sur ce plan, ils sont en parfaite adéquation avec les nouvelles sources de financement de l’aide que constituent les fondations privées et les institutions philanthropiques, qui se montrent particulièrement enclines à leur confier des études.

En parvenant à créer leurs propres guichets de financement, principalement multilatéraux (l’initiative de la Banque mondiale pour l’évaluation d’impact du développement, l’initiative internationale pour l’évaluation d’impact, la Banque africaine de développement, le fonds stratégique pour le développement humain), mais aussi bilatéraux (la coopération espagnole et britannique) et des fondations (Rockefeller, Citi, Gates), les randomisateurs ont créé un oligopole sur le marché florissant de l’expérience aléatoire.

La nébuleuse organisée autour de j-pal, co-dirigée par Esther Duflo, constitue le modèle le plus emblématique et le plus abouti de ce nouveau scientific business model. Le laboratoire j-pal est l’un des centres de recherche du département d’économie du Massachusetts Institute of Technology.

Cet ancrage institutionnel, au sein d’une des plus prestigieuses universités américaines, ainsi que la notoriété de ses dirigeants, jouent le rôle de caution académique et de catalyseur.

Au côté de j-pal, Innovations for Poverty Action (ipa) joue un rôle névralgique. Organisation à but non lucratif, outre sa fonction de communication et de plaidoyer en faveur des rct, elle est chargée d’étendre et de répliquer les expériences aléatoires une fois testées par j-pal. »

Peut-on critiquer le capitalisme depuis le cœur des institutions ? Certainement pas. Les gagnants du prix Nobel 2019 ne critiquent d’ailleurs pas le capitalisme, ils prônent le développement social, ils sont donc « de gauche » selon la définition d’un Lionel Jospin ou d’un François Hollande.

Mais en réalité, ce sont des gens cherchant à impulser encore plus de capitalisme en faisant en sorte qu’il y a ait le plus d’accumulation de capital possible, y compris à petite échelle, pour encore plus relancer la machine terriblement grippée.

Le capitalisme est à bout de souffle et il racle le fond. Il a même besoin du micro-crédit, c’est dire ! Et il a une armée de chercheurs pour l’aider en ce sens, qui masquent leur sinistre activité derrière les termes de « développement », de « progrès social », etc. Tout en en vivant très bien eux-mêmes.

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Société

Le rachat du site Alltricks par Decathlon

Decathlon fait partie de ces immenses entreprises de la distribution qui tendent à monopoliser leur marché en réduisant toujours plus les coûts, menant ainsi une course folle à la productivité et à l’agressivité commerciale. Le groupe vient de racheter Alltricks, un site spécialisé dans la vente en ligne d’articles liés au cyclisme, augmentant ainsi sa main-mise sur la distribution des articles de sport, qu’elle a considérablement asséchée.

Il y a 1 560 magasins Decathlon dans le monde, dans 55 pays. En France, l’entreprise est devenue incontournable dans de nombreuses villes. Son modèle est simple : proposer une gamme réduite de produits, mais censés répondre à tous les usages, en tirant les prix vers le bas. La conséquence est un assèchement drastique du nombre d’article de sport disponibles pour le grand public et de la qualité du conseil qui en découle.

Le schéma est là encore très simple : les petites boutiques spécialisées ne peuvent pas faire face au mastodonte et concentrent leur activité sur des niches, quand elles ne disparaissent pas. Ces niches sont soit l’ultra-spécialisation dans un sport, pour un public très restreint et à prix très élevé, soit la focalisation sur une activité permettant une continuité commerciale, par exemple en se focalisant sur la réparation de vélo pour les personnes qui ont les moyens. Les autres clients se retrouvent donc chez Decathlon, mais avec une très faible offre. Par exemple, même dans les plus gros Decathlon, il n’y a presque aucun choix en pneu de vélo, alors que c’est un domaine connaissant de nombreux modèles correspondant à des spécificités très précises, même pour la pratique de loisir.

L’avènement de sites internet comme Alltricks a permis en partie de contourner ce problème ces dernières années. Les amateurs de cyclisme les plus aguerris ont pu retrouver un accès bien plus large et intéressant aux nombreux produits liés au cyclisme, alors que les boutiques, à cause notamment de Decathlon, ne distribuaient quasiment plus rien, ou alors à prix très élevé ou sur commande.

Le souci avec Alltricks et les autres sites du genre, c’est que c’est de la vente en ligne. D’une part, ce n’est pas pratique et il n’y a plus aucun conseil de vente, ni sélection de produit par des vendeurs connaissant leur sujet ; c’est de la consommation pure et dure. D’autre part, cela pose un certain nombre de problèmes, notamment en perturbant l’organisation générale de la distribution des marchandises dans le pays, ce qui génère un accroissement des transports et de la pollution.

Le modèle de ces sites internets est en fait très proche de celui de Decathlon, qui a en toute logique racheté l’un des plus gros du secteur, ce qui fera probablement encore évoluer le modèle selon la même tendance.

Prenons un autre exemple, le tennis. Il n’existe quasiment aucune boutique de tennis, à part quelques-unes très spécialisées dans quelques grandes villes, alors que ce sport historiquement très bourgeois est devenu populaire (la fédération est la 2e plus importante en France avec 1 million de licenciés contre un peu plus de 2 millions pour le football). Les grandes enseignes comme Decathlon ont littéralement asséché la possibilité d’avoir des boutiques spécialisées, mais accessibles, regroupant des personnes impliquées sur le long terme dans un sport et la distribution de produits inhérents à ce sport.

Au contraire, les magasins Decathlon regroupent un sport comme le tennis dans un rayon, voir une partie d’un rayon et le conseil éventuel d’un vendeur se fait à la volée, car il n’y a plus grand-chose à dire. Les produits eux-mêmes sont très standardisés et bien-sûr fabriqués en Chine, avec des prix très bas négociés du fait de la puissance permise par les volumes achetés. C’est une course folle au prix le plus bas, permis par une exploitation très forte des ouvriers dans les usines à l’autre bout du monde et un réseau de vendeurs peu qualifiés sur-place, ne restant en général pas très longtemps dans l’entreprise.

Il faut ajouter à cela le travail très difficile des opérateurs dans les immenses entrepôts logistiques du groupe tournant à plein régime. Les tâches sont aliénantes au possible, puisqu’il ne s’agit que de rapidement fournir les différents magasins produit par produit, à la chaîne dans des immenses couloirs remplis de cartons semblables, alors que les magasins commandent quasiment en temps réel leurs produits par un processus entièrement automatisé.

Ce modèle est absolument détestable est ne correspond en aucun cas à celui d’une société meilleure, comme peuvent le prétendre certaines personnes pensant que le Socialisme ne consisterait finalement qu’en une « socialisation » des grandes entreprises capitalistes monopolisant leur secteur. Ces gens sont en général des techniciens ou ingénieurs, confortablement assis dans leur bureau avec de bons salaires, s’imaginant de gauche mais ne connaissent rien ou plus rien au travail ouvrier et à la vie quotidienne des classes populaires.

Ce sont d’ailleurs ce genre de personnes qui sont à la pointe pour aider les grands groupes comme Decathlon à maximiser leurs profits, par exemple en les aidant à dématérialiser et automatiser les processus, afin de gagner du temps et économiser des emplois.

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Guerre

Nouvelles taxes commerciales américaines contre la Chine

Le 12e round de négociations commerciales sino-américaines a échoué au tout début du mois d’août. Immédiatement, le président américain Donald Trump a annoncé la mise en place, au 1er septembre 2019, de 10% de nouvelles taxes sur 300 milliards de biens importés de Chine. Cela frapperait notamment les smartphones et les ordinateurs portables.

La décision de Donald Trump se produit également le lendemain de la déclaration chinoise affirmant que les États-Unis étaient derrières les vastes troubles en ce moment à Hong Kong. Les citoyens de 47 villes ont aussi eu l’interdiction d’aller à Taïwan, l’État chinois voulant couper court à toute constitution d’un vaste front d’agitation.

Si la diplomatie chinoise déteste une chose, c’est bien le coup d’éclat à ses dépens. La réaction à la décision unilatérale de Donald Trump ne s’est pas faite attendre. Hua Chunying, porte-parole du ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi, a réagi de manière très claire :

« Les États-Unis en subiront toutes les conséquences. »

Rien que de plus logique, puisque la vague de mondialisation de ces 30 dernières années se contracte et qu’on va vers la guerre pour les années 2030, avec l’affrontement États-Unis – Chine comme axe principal. Car aucun des deux pays ne reculera dans la bataille pour l’hégémonie.

La nouvelle bagarre commerciale qui s’engage se produit alors qu’il y a une récession de l’industrie en juillet, pour le troisième mois consécutif, dans plusieurs pays (France, Chine, Allemagne, Corée du Sud, Brésil, Royaume-Uni, Italie, etc.). Avec un tel contexte économique plus que morose, beaucoup de responsables américains ne comprennent par conséquent pas la mesure de Donald Trump, celle-ci risquant fortement de frapper la consommation américaine, alors qu’il y a bientôt pourtant de nouvelles élections présidentielles où il espère être réélu.

Mais c’est là l’opposition frontale qui se dessine entre deux Amériques. D’ailleurs, le géant américain Apple est le premier touché par la future mise en place de ces 10 % de taxe. Les experts estiment déjà qu’avec celles-ci, entre 8 et 10 millions d’Iphone en moins seront vendus. à la bourse, à la suite de l’annonce de Donald Trump, l’entreprise a déjà perdu 50 milliards (l’entreprise en vaut 17 fois plus depuis un an). Apple avait déjà expliqué en juin ne pas être favorable aux taxes de Donald Trump.

Seulement voilà, Apple n’existe que par la mondialisation, visant clairement surtout les plus aisés dans le monde. C’est là reposer sur une économie qui n’est pas instable. Il en va de même pour Google ou Facebook. Par conséquent, ces entreprises sont de grandes importance, mais ce ne sont pas des « champions nationaux » au cœur de l’économie américaine.

Comment croit-on que Uber a réussi à s’installer en France ? Personne ne l’a analysé, mais c’est tout simplement par la mondialisation : les Américains aisés venant à Paris avaient déjà l’application, permettant ainsi un rendement immédiat une fois l’entreprise installée. Sans cela, la réalisation pratique aurait été bien plus ardue.

De telles entreprises ne vivent toutefois que dans les interstices de la mondialisation. Pour cette raison d’ailleurs, elles sont d’ardents soutiens aux démocrates américains, au libéralisme culturel, aux valeurs unifiées de consommation mondiale, etc. Elles ne sont pas ancrées dans la réalité économique américaine comme le gigantesque complexe militaro-industriel, l’industrie pétrolière, l’agro-industrie… ou encore les très grands industriels et les très grands banquiers, etc.

Donald Trump a d’ailleurs pris comme prétexte pour les nouvelles taxes le fait que la Chine n’ait pas acheté davantage de produits agricoles américains. C’est là très clairement indiquer quelles sont les priorités, quelles sont les branches privilégiées méritant une rupture ouverte avec la Chine. L’agro-industrie passe avant Apple.

Beaucoup d’entreprises américaines ont compris la situation et ont changé leur fusil d’épaule depuis un an, quittant la Chine pour produire à Taïwan, au Bangladesh, au Vietnam, en Corée du Sud. La tendance est marquée. Quand on sait que Donald Trump a même affirmé que les 10 % de taxes nouvelles pourraient devenir 25 %, on imagine comment toutes les entreprises américaines se cassent la tête sur le problème en ce moment.

Le problème a évidemment marqué les esprits des spéculateurs boursiers. L’annonce de nouvelles taxes n’a pas frappé qu’Apple. Nike a perdu 3,4 %, Mattel 5,9 %, Caterpillar 4,9 %, John Deere 4,4 %. Les représentants de l’industrie de l’habillement et de la chaussure ont immédiatement affirmé que les nouvelles taxes étaient « immensément dérangeantes ».

Car les entreprises peuvent bien entendu reporter le prix des taxes sur les consommateurs. Mais rien que les nouvelles taxes montrent l’ampleur du problème : cela impliquerait 56 dollars en moyenne en plus pour une console de jeu, 70 pour un smartphone, 120 pour un ordinateur portable. Appliquer une telle hausse serait un suicide commercial, les consommateurs fuyant vers la concurrence qui, si elle n’existe pas encore forcément, se précipiterait dans la brèche.

Donald Trump passe en fait à la seconde étape de l’offensive anti-chinoise. Après les taxes sur l’acier et l’aluminium, il vise les produits technologiques courants, mais également d’autres biens de consommation, comme les jouets ou l’habillement. Cela vise à déstabiliser l’économie chinoise, parallèlement à l’appui à toutes les forces centrifuges pouvant servir de marche-pied pour déstabiliser la vie publique chinoise elle-même.

Cela vise aussi à assécher le terrain entre la Chine et les États-Unis, pour préparer la rupture totale, tout en s’alliant d’autres pays das le processus. Le Vietnam est désormais par exemple pratiquement une tête de pont américaine, au même titre que les Philippines. Ce sera d’ailleurs la question des eaux territoriales en Asie qui servira de détonateur à la nouvelle guerre froide, phase inéluctable avant des conflits toujours plus brutaux, toujours plus ouverts, à l’horizon des années 2030.

Il faut vraiment être pétrifié dans la vie quotidienne capitaliste pour ne pas voir la guerre qui se profile.

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Politique

L’Union européenne est-elle la cause de l’austérité ?

L’argument principal des chauvins (de type patriotique ou social) est que l’Union européenne serait la cause de l’austérité. En réalité c’est le contraire, elle est le reflet de l’austérité.

L’Union européenne impose des règles et les chauvins disent : ces règles amènent l’austérité. Tout serait de la faute de l’Allemagne qui, parce qu’elle est la seule à pouvoir intervenir de par sa solidité, exige une stabilité la plus grande possible, ce qui aboutit à l’austérité.

Pardon, pardon ! Raisonner avec cette idée que c’est l’Allemagne qui dirigerait l’Union européenne est d’une bien trop grande simplicité. Car cette dernière n’est, dans sa substance, rien d’autre que l’établissement d’un grand marché capitaliste. Il s’agit de dépasser les cadres nationaux pour faciliter les échanges et permettre au capital de mieux se réaliser.

L’idée de cette union – libérale-sociale appuyée par la social-démocratie – est que c’est d’autant plus d’un grand intérêt que cela va avec une croissance générale et par conséquent une stabilité sociale très forte. La fonction de la Commission européenne est ici de gommer les aspérités.

Cela a marché, pendant longtemps. Déjà, jusqu’en 1989, puis avec l’arrivée de la Chine comme usine du monde. Et maintenant que cela marche de moins en moins, cela serait la faute à l’Allemagne ? Ou aux banques, ou à tel secteur financier, ou à tel secteur technologique comme les GAFA ? C’est là nier la réalité économique en se focalisant sur des petits aspects importants certainement, mais pas décisifs.

Pourquoi ? Parce qu’il suffit de regarder les richesses pour voir qu’elles se sont accumulées de manière phénoménale depuis cinquante ans. La véritable question, c’est de savoir ce qu’on fait de ces richesses et pas simplement pour vivre mieux, mais pour se tourner vers ce qui est important : important pour l’humanité, pour la planète, pour l’océan, pour l’humanité de demain, pour la nature, pour les animaux, etc.

Et le problème est que toute orientation collective se heurte au fait que les richesses sont, par définition, individuelles, relevant de la propriété personnelle. On n’a donc pas le droit d’y toucher. Cela, ce n’est pas l’Allemagne qui le dit, ni même l’Union européenne. C’est tout simplement le Droit tel qu’il existe de nos jours.

Or, comme les riches deviennent par définition toujours plus riches, la richesse ayant beau s’accumuler toujours plus, les pauvres deviennent toujours plus pauvres. C’est une tendance irrépressible : sans riches pas de pauvres et inversement. Partant de là, c’est la question de la socialisation qui se pose.

Qu’est-ce que l’austérité dont on parle, alors ? Cela ne concerne qu’une petite partie des richesses, une petite part du gâteau. Mais pourquoi s’étriper sur un petite part, si on peut s’approprier de toutes façons tout le reste du gâteau ?

Pourquoi perdre son temps à négocier un 0,1 %, un 0,2 %, un 0,3 %, alors qu’il est possible de socialiser une très grande partie de l’économie, simplement en disant : vous les monopoles, vous êtes ce que vous êtes, donc désormais vous appartenez à la société toute entière ? Ce qui est à tout le monde est à tout le monde et ce qui est à tout le monde ne peut pas être possédé, au service simplement de quelques uns.

Rejeter ce culte des 0,1 %, 0,2 %, 0,3 %, est d’autant plus important que, qui plus est, l’extrême-droite instrumentalise une telle approche pour diffuser le nationalisme. Pour Jean-Luc Mélenchon, on ne sait plus trop où il en est, mais on peut dire que de toutes façons c’est au moins le nationalisme qui l’instrumentalise, lui et ses acolytes comme François Ruffin.

Car la grande question à l’arrière-plan, c’est celle, historique, de savoir s’il n’y a qu’une seule humanité, qui socialise son activité et agit de manière rationnelle ou bien si c’est la guerre de chacun contre chacun, de chaque entreprise contre chaque entreprise, de chaque pays contre chaque pays

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Société

Le cofondateur de Facebook appelle à démanteler l’entreprise

La petite entreprise, quand elle réussit, devient une grande entreprise, puis une très grande entreprise. Le monopole met alors fin à la concurrence, et donc à la libre-entreprise. Ce schéma raconté par Marx ou Lénine est une horreur pour le cofondateur de Facebook Chris Hughes. Il appelle donc à couper l’entreprise en morceaux et à superviser ceux-ci par les institutions.

Chris Hughes est, avec Mark Zuckerberg, l’un des fondateurs de Facebook. Il a quitté cette entreprise, vendant toutes ses parts en 2012. Il vient de publier un très long article dans le New York Times, appelant ni plus moins qu’à démanteler Facebook.

Ses motivations sont très simples à comprendre. Il constate, de manière fort juste, que Facebook est un monopole. Cependant, ce n’est pas un disciple de Lénine. Il ne pense pas que les monopoles soient l’antichambre du socialisme. Ou plutôt, il l’entrevoit et il est contre. C’est la raison pour laquelle il dit : il faut démonter Facebook en plusieurs fractions et superviser celles-ci.

Ses arguments concernent tous le capitalisme. Il raconte que Facebook n’est plus en situation concurrentielle, que l’entreprise achète ou copie ce qui lui fait de l’ombre. Or, seule la compétition peut à ses yeux amener des choses nouvelles. Facebook est donc un obstacle au capitalisme lui-même. Il faut donc le mettre en pièces.

Le ton de l’ensemble est ainsi profondément nostalgique quant au Facebook du début, Chris Hughes racontant avec émotion des anecdotes de cette époque pour lui bénie. Pour lui, Facebook a réussi parce que l’entreprise était en situation de très dure concurrence avec surtout Myspace, mais aussi Friendster, Twitter, Tumblr, LiveJournal, etc.

Il faut donc pour lui stopper Facebook le plus vite possible, pour deux raisons. La première, c’est son omniprésence et sa capacité à manipuler les opinions : ici, Chris Hughes présente Mark Zuckerberg comme très sympathique, sobre dans sa vie privée (soit disant), mais candide et manipulable par le monstre qu’est devenu Facebook, avec ses besoins de croissance. La seconde, c’est que Facebook assèche toute une partie du capitalisme. Voici ce qu’il constate, entre autres :

« Plus d’une décennie plus tard, Facebook a remporté le prix de la domination. Il vaut plus de 500 milliards de dollars et représente, selon mon estimation, plus de 80% des revenus mondiaux des réseaux sociaux. C’est un puissant monopole, éclipsant tous ses rivaux et effaçant la concurrence de sa catégorie. »

Chris Hughes n’exprime pas seulement sa panique libérale avec Facebook, qui possède WhatsApp et Instagram, deux monopoles dans leur genre. Il vise également Google pour la rechercher sur internet et Amazon pour le commerce en ligne. Il élargit même la question aux entreprises pharmaceutiques, aux compagnies aériennes… expliquant, horrifié, que 75 % de l’économie américaine est touchée par le phénomène de la concentration capitaliste.

Cela signifie selon lui le déclin de l’esprit d’entrepreneur, de la croissance de la productivité, moins de choix et des tarifs plus élevés pour les consommateurs. Sa grande référence est Adam Smith, qu’il présente comme la figure tutélaire des « pères fondateurs » des États-Unis. L’Amérique, c’est la libre-entreprise, et inversement.

On est libre de croire cette fable, si on est soi-même contaminé par l’idéologie de la libre-concurrence, si l’on est soi-même un capitaliste. Sinon, on ne peut que rire de ces lamentations d’ailleurs ridicules. S’il est vrai que les monopoles dans les nouvelles technologies sont récents, dans les autres domaines cela fait longtemps qu’ils existent. Le capitalisme américain dispose de géants monopolistes depuis longtemps, depuis l’aviation jusqu’à l’armement en passant par l’automobile, les banques, etc.

Chris Hughes raisonne ici comme tous les entrepreneurs de la Silicon Valley, qui croient en le capitalisme concurrentiel parce que pour eux il existe encore, ou plutôt il existait encore il y a peu. Une bonne idée, un peu de financement et tout se met en branle. C’est le principe de la start up. Cela existe encore, un peu. Mais les débuts sont terminés et l’émergence des monopoles est obligatoire.

Et que fait-on quand on a les monopoles ? On socialise, on met le tout au service de la population. Le capitalisme a été utile, maintenant on le dépasse !

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Société

L’Union Européenne refuse la fusion d’Alstom et de Siemens Mobility

En refusant la fusion de deux grandes entreprises du ferroviaire, l’Union Européenne s’oppose à la concentration économique, qui est en même temps une norme à l’échelle mondiale. Cela va donc provoquer des tensions immenses entre les nations et l’Union Européenne.

La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, a annoncé hier le refus par son institution de la fusion d’Alstom et Siemens Mobility pour former un géant de l’industrie ferroviaire et de la signalisation. C’est là un épisode très important de la vie économique dans l’Union Européenne.

Deux points de vue semblent s’opposer. Margrethe Vestager a affirmé dans une conférence de presse, avant même son refus, que :

« Notre écosystème est plus fort s’il ne dépend pas entièrement d’une ou de quelques entreprises géantes. »

C’est là en l’apparence la défense de la libre-entreprise contre les monopoles, dans une optique de défense de l’initiative capitaliste et des consommateurs. C’est le principe selon lequel un capitalisme n’est sain que s’il est concurrentiel, tandis que le capitalisme ayant atteint des formes monopolistiques dérègle le système.

L’autre point de vue se veut quant à lui pragmatique. Jeo Kaeser, le dirigeant de Siemens, a justifié la fusion de par l’existence d’une concurrence mondiale :

« La protection des intérêts des consommateurs ne doit pas empêcher l’Europe d’affronter sur un pied d’égalité la Chine et les États-Unis. »

On a donc en apparence une opposition entre des entreprises ayant un besoin de se renforcer au niveau mondial et une Union Européenne garante des droits des petites entreprises et des consommateurs. Margrethe Vestager a particulièrement insisté à ce sujet hier, disant par exemple que :

« En l’absence de mesures compensatoires suffisantes, cette concentration aurait entraîné une hausse des prix pour les systèmes de signalisation qui assurent la sécurité des passagers et pour les futures générations de trains à très grande vitesse. »

Tout cela n’est cependant qu’une apparence, car les choses sont bien plus compliquées que cela. Car, depuis 1989, la commission européenne à la à Concurrence a approuvé 6 000 fusions et n’en a bloqué qu’une trentaine. On ne peut donc pas vraiment dire que l’Union Européenne est un frein au capitalisme de type monopolistique. Elle est un frein à certaines formes capitalistes monopolistiques.

Lesquelles ? Cela dépend tout simplement des rapports de force. Là, si la fusion a été refusée, c’est tout simplement parce que cela formerait un monstre franco-allemand, qui deviendrait une entreprise monopolistique jouant un rôle-clef dans le moteur franco-allemand. Beaucoup de pays de l’Union Européenne ne veulent pas se soumettre à ce moteur franco-allemand : ils font donc un blocage de tout processus allant en ce sens.

Évidemment, les responsables français et allemand sont fous de rage. Ils annoncent déjà qu’ils feront en sorte de modifier le cadre légal de la commission européenne à la Concurrence, pour la soumettre aux États et aux gouvernements concernés. En clair, la France et l’Allemagne disent : nous sommes les plus forts, vous serez obligés de nous suivre.

Il y a ainsi une initiative commune immédiate du ministres français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire et de Peter Altmaier le ministre allemand de l’Économie. Voici ce que le Français a dit de son côté :

« Je propose qu’on retienne comme marché pertinent, celui où on analyse la concurrence, le monde entier et pas que l’Europe (…). Je propose en deuxième lieu que le Conseil européen c’est-à-dire les chefs d’État puisse s’exprimer sur la décision européenne en matière de concurrence. »

Voici ce qu’a dit entre autres l’Allemand :

« N’y a-t-il pas des domaines tels que l’aviation, les chemins de fer, les banques où vous devez prendre le marché mondial comme référence plutôt que l’européen? »

De telles affirmations sont une provocation directe pour les institutions de l’Union Européenne, qui se voient ici directement remises en cause. Les deux ministres de l’économie des deux plus puissants pays annoncent ouvertement qu’ils comptent remettre en cause les règles dérangeant leurs propres intérêts.

Ils affirment également ouvertement que l’Europe n’est qu’un tremplin pour le monde, et pas une valeur en soi. Le projet européen se voit réduit à une fonction utilitaire pour les capitalismes nationaux.

À vrai dire, il n’a jamais été autre chose, malgré tel ou tel aspect concret obtenu dans une période de croissance où il y a l’illusion que le projet européen devenait autonome et concret, qu’il était un objectif atteignable, des États-Unis d’Europe.

La vraie conséquence de tout cela, surtout, cela va être que les forces nationalistes de France et d’Allemagne vont être d’autant plus renforcées, car elles vont dire que l’Union Européenne bloque l’affirmation de l’économie nationale et qu’elle n’est pas réformable, puisque même Angela Merkel et Emmanuel Macron ne parviennent pas à organiser les choses de manière adéquate.

Les propriétaires d’Alstom et de Siemens Mobility ne vont évidemment pas rester passifs, ils vont renforcer le nationalisme, la dimension « indépendante » des décisions allemandes par rapport à l’Union Européenne. Et cela sera pareil pour tous les industriels et financiers ayant « tiré la leçon » de cette histoire.

C’est là la contradiction essentielle d’un capitalisme qui s’appuie sur des entrepreneurs, mais qui aboutit à des monopoles, de manière inéluctable de par la concurrence. Et comme la concurrence est mondiale et que l’Union Européenne n’est pas une structure réelle mais « flotte » au-dessus des pays, la situation ne peut être marquée que par une explosion des instabilités, des troubles, des remises en cause, des affirmations unilatérales des égoïsmes nationaux.

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Guerre

L’effondrement des investissements chinois en Europe et aux États-Unis

La Chine monte en puissance sur le plan technologique et industriel, et les États-Unis ne comptent pas accepter d’abandonner leur position de force. On va vers un conflit armé pour le repartage du monde et l’effondrement des investissements chinois en Europe et aux États-Unis est un reflet de cette montée de tension à l’échelle mondiale.

Les journaux économiques mondiaux ont beaucoup parlé ces derniers jours des chiffres concernant les investissements chinois aux États-Unis et en Europe. On sait en effet que Donald Trump a lancé la guerre commerciale américaine contre la Chine ; tous les observateurs de « géopolitique » ont compris que les États-Unis ne comptaient pas attendre passivement que la Chine devienne une grande puissance militaire, ce qu’elle n’est pas encore.

La situation est donc de mauvaise augure et savoir si les investissements chinois se prolongent ou pas est un bon critère pour savoir quelle est la tendance de fond. Va-t-on vers la guerre ou bien les échanges continuent-ils comme avant, indiquant par conséquent qu’il y a au mieux des frictions ?

Il apparaît qu’on va au désastre : les investissements chinois aux États-Unis et en Europe se sont effondrés de 73 % par rapport à l’année dernière, passant de 111 à 30 milliards de dollars. La Chine ne se désengage pas : elle a des positions très fortes dans certains pays comme la Grèce. Sa présence continue également de croître en France, en Espagne, en Allemagne, ainsi qu’au Canada (de 80 % l’année dernière).

Mais elle sait qu’il n’est pas dans son intérêt de mettre l’accent de ses investissements dans ce qui risque de se retourner contre elle. La preuve de cela apparaît quand on sait que 66 % des investissements chinois vont en Asie, 12 % en Amérique latine, qu’il y a une présence chinoise massive en Afrique.

L’Europe et les États-Unis ne sont que des choix secondaires pour les investissements chinois et le repli chinois montre bien qu’on va vers un affrontement pour le repartage du monde.

Les États-Unis ne comptent évidemment pas attendre que la Chine se soit renforcée au point de parvenir à un éventuel équilibre militaire. D’où la guerre commerciale américaine contre la Chine, d’où l’arrestation d’une dirigeante de Huawei au Canada (et sa libération sous caution au bout d’un certain temps), d’où l’arrestation d’un cadre de Huawei en Pologne pour espionnage.

Huawei est en termes financiers la sixième plus grande entreprise de technologie, avec 170 000 employés ; les États-Unis ne comptent pas laisser cette entreprise continuer sa croissance. Il faut également penser à ZTE, qui fournit des entreprises de télécoms et des gouvernements dans 160 pays.

C’est parce qu’il représente la ligne de l’affrontement que Donald Trump a été élu, de même que Bolsonaro a été élu au Brésil, que le Brexit est devenu la ligne du Royaume-Uni, que des forces isolationnistes – protectionnistes – nationalistes sont au pouvoir ou au gouvernement en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Pologne, etc. Il faut bien entendu aussi prendre en compte la Russie, qui met de l’huile sur le feu. On aurait tort d’ailleurs de penser que la France ne relève pas de ce petit jeu, surtout avec sa présence massive en Afrique.

Dans un tel panorama, ne pas voir que la guerre est une tendance inexorable serait de la naïveté. Penser que la France, avec l’Union Européenne, pourrait éviter la guerre, serait également du cynisme, ou bien un espoir vain.

Il appartient à toutes les forces de Gauche de prendre conscience de ce à quoi amène la compétition mondiale sur le plan économique, et de prendre l’initiative pour faire face à la guerre qui vient. Il y a ici une responsabilité historique et ne pas l’assumer serait un crime !

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Écologie

Nicolas Hulot prétend défendre l’écologie pour servir Emmanuel Macron

Nicolas Hulot a expliqué dans un entretien au Journal du dimanche qu’il faudrait « une union sacrée sur le climat ». Le ministre de la Transition écologique et solidaire d’Emmanuel Macron se prétend à l’avant-garde de la défense de la planète mais sa démarche est erronée.

L’action du gouvernement auquel participe Nicolas Hulot consiste surtout à élargir et intensifier le prisme de l’économie marchande sur la société tout entière. Il est le Ministre d’État d’un Président et d’un chef du Gouvernement qui ne parlent pour ainsi dire jamais d’écologie.

Son rôle est donc de s’exprimer régulièrement sur le sujet, avec la posture de celui qui sait, qui alerte et tente d’emmener un mouvement ; dans le monde des entreprises on appelle cela du greenwashing.

Son entretien au Journal du dimanche allait pleinement dans ce sens. C’est un exercice grotesque dans lequel il prétend avoir des considérations écologiques, alors qu’il ne fait que de la communication au service de la modernité d’Emmanuel Macron.

Comment interpréter cela autrement quand on lit quelque chose d’aussi énorme que :

« Si on ne veut pas décourager ceux qui commencent à intégrer cette mouvance, reconnaissons les avancées plutôt que de prêcher entre convaincus. Il y a quelques mois, qui aurait pensé qu’EDF ou Total se mettraient à faire des énergies renouvelables, ou que la FNSEA chercherait des solutions alternatives au glyphosate ? »

C’est absurde ! Une recherche rapide sur les sites internet de Total et EDF permet bien sûr de constater que les premiers disent qu’ils sont « engagés depuis plus de 30 ans dans le développement des énergies renouvelables » et que les seconds affirment être le « 1er producteur d’énergies renouvelables en Europe ». Cela n’a donc rien de nouveau.

Une telle légèreté sur un point qui est au cœur de son discours en dit long sur la vanité de sa démarche.

Quant à la question du glyphosate, on se demande si ce n’est pas une provocation tellement, justement, c’est l’inverse qui est vrai. Nicolas Hulot avait subit un sacré revers sur ce sujet au mois de mai puisque les députés de la Majorité avaient sous l’impulsion du Ministre de l’agriculture refusé l’interdiction du glyphosate.

Cet exemple du glyphosate, qui rappelons-le est un puissant herbicide typique de l’agro-industrie, montre à quel point la question économique est primordiale. Nicolas Hulot prétend que les choses avancent alors qu’il y a eu ici une pression économique immense et une défaite nette sur une question très partielle.

Les changements nécessaires contre la pollution et contre les émissions de gaz à effet de serre sont pourtant incommensurablement supérieurs à un simple amendement de loi visant un produit.

L’humanité est très loin du compte et la tendance ne s’inverse pas.

En attendant, s’il y a de l’argent à faire, le Ministre de la transition écologique et solidaire est là pour aider, comme le lui confèrent ses missions officielles.

« Depuis mon entrée au gouvernement, nous avons renégocié les appels d’offres des six champs d’éoliennes offshore, pour en construire plus sans dépenser plus. J’ai donné un cap pour que l’industrie automobile propose, dans un délai très court, des véhicules électriques à tout le monde. »

L’écologie est en effet considérée par de nombreux entrepreneurs et décideurs comme un relais de croissance. La France, en tant que grande puissance économique, cherche à se placer afin d’être à la pointe technologiquement et industriellement sur ces secteurs économiques.

Mais cela ne représente rien concrètement, aujourd’hui. À tel point que finalement Nicolas Hulot est obligé de le reconnaître. Quand il lui est fait remarquer que la France ne respecte pas ses engagements et « laisse ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de 3 % par an », il répond :

« Sur certains sujets, je l’admets, la France n’est pas dans les clous. Tant que nous ne serons pas sur la bonne trajectoire, je ne m’en satisferai pas. Je l’ai souligné à l’occasion du bilan de la première année du plan climat. »

Son rôle est ici d’expliquer que ce n’est pas si grave, il ajoute ensuite :

« Pour moi, ce n’est pas un échec, c’est simplement que nous devons faire plus. Nous entrons maintenant dans la période des solutions, car elles sont là : ce sont les énergies renouvelables, la voiture électrique, l’agroécologie. Nous avons tout pour réussir, si nous n’hésitons plus. »

Qu’il existe, potentiellement, des solutions techniques, c’est une chose. Mais que celles-ci soient généralisées de manière conformes aux enjeux écologiques, c’en est une autre. À Gauche, du moins pour les personnes qui n’ont pas abandonné le cœur de la pensée de Gauche, nous n’avons aucune confiance en l’économie capitaliste pour cela.

Car, soit il y a la concurrence et le profit privé, comme le prône Emmanuel Macron que sert Nicolas Hulot, soit il y a une planification économique de manière démocratique et utile socialement.

Ce ne sont pas les besoins de la population, mais des quêtes d’enrichissement pour quelques-uns qui imposent le glyphosate, la multiplication de panneaux publicitaires ultra-lumineux, l’accumulation de marchandises de mauvaise qualité produites à l’autre bout du monde, le sur-emballage, la pêche intensive, la généralisation des transports polluants et le démantèlement du chemin de fer ou encore une mine d’or en pleine forêt Amazonienne, etc.

Nicolas Hulot, pour justifier sa propre inutilité, explique qu’il n’est responsable de rien, voire que ce serait la faute des autres :

« Nous avons collectivement une immense responsabilité. On le voit bien quand certains partis politiques rechignent encore à faire figurer le changement climatique et la biodiversité dans l’article premier de la Constitution, comme si c’était une préoccupation mineure. Même constat avec les états généraux de l’alimentation et la loi sur les hydrocarbures. Ils n’ont pas compris que ce sujet conditionne tous les autres.

Nous ne pouvons plus entretenir des divisions, réelles ou factices, alors que cet enjeu appelle une réponse universelle. La confrontation politique est nécessaire, mais sur ce point, faisons la paix. J’appelle à une union sacrée sur le climat. Ne tombons pas dans la querelle des anciens et des modernes. Le feu est à nos portes, au sens propre comme au sens figuré. »

Et :

« Je fixe un cap, je prends des mesures. Mais tout le monde doit comprendre qu’un homme, un ministre, un gouvernement seuls ne peuvent rien faire. »

À le lire cela, on croirait qu’il est un Ministre hyper actif, déployant des moyens énormes, promouvant une refondation radicale du mode de production et des institutions, et faisant face à une organisation politique structurée contre l’écologie.

Cela n’est pas vrai, c’est de la démagogie, de la poudre aux yeux. L’écologie en tant que telle n’existe pas. Elle n’est qu’à la marge, parfois comme faire-valoir, souvent comme seulement une démarche individuelle.

C’est le rôle de la Gauche de la faire exister, de lui donner corps dans un projet idéologique et culturel de grande envergure, propre à soulever les masses.

L’actualité est intense en termes d’événements liés au dérèglement du climat. Les records de chaleurs se succèdent de monstrueux incendies et autres catastrophes font rage à travers le monde. La question n’est plus de savoir si l’on va bouleverser les équilibres naturels de la planète ; c’est déjà fait, comme tout le monde le sait.

On se demande maintenant jusqu’où ira-t-on avant d’essayer, enfin, d’inverser la tendance.

Nicolas Hulot a un rôle néfaste en ce sens, puisqu’il est là pour prétendre que des choses sont faites, afin que surtout rien ne change, que le capitalisme ne soit pas remis en cause.