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Société

Les réactions anti-couvre-feu de la «gauche» libérale-libertaire

Tout sauf les décisions à portée collective ! Tel est le credo d’une partie de la Gauche passée dans le camp d’un mélange de populisme, d’anarchisme, de vision plébéienne de l’Histoire.

En temps de crise, on ne peut plus faire semblant, car chaque point de vue compte, chaque opinion sur chaque sujet a forcément une grande importance et de grandes implications. On dévoile forcément sa vraie nature et les organisations et individus politiques expriment forcément leur nature.

La question du couvre-feu est ainsi très révélatrice, avec les petits-bourgeois hystériques et les bourgeois relativistes qui ne veulent pas en entendre parler. Les premiers sont en général « de gauche », les seconds étant de droite et l’assumant, en tous cas culturellement. Au contraire, la dynamique populaire est de penser que le couvre-feu est bien la moindre des choses, avec cette particularité propre aux grandes villes qu’une partie significative des gens ne se soucie absolument pas du virus et s’amasse dans les bars et soirées.

Il ne faut pas se leurrer, si Emmanuel Macron décrète un couvre-feu dans la plupart des grandes villes, c’est qu’il y a à la base une grande pression populaire en faveur de mesures sanitaires. Cela sous-entend non pas qu’il en fasse trop, mais bien au contraire qu’il n’en fasse pas assez. Le peuple veut un État ayant son ampleur, capable d’envergure.

La France de 2020 n’est plus la France arriérée du 20e siècle et il est hors de question pour la population de laisser filer un virus dévastateur, ni de laisser les services de santé se faire déborder à nouveau. L’État doit être à la hauteur du peuple, de la vie du peuple.

Les petits-bourgeois « de gauche » n’en ont rien à faire de cela et ils s’imaginent que le gouvernement agirait par « totalitarisme ». L’auteur de prédilection pour ces gens est George Orwell et nombreux sont ceux à avoir cité son roman 1984, à l’instar d’Olivier Besancenot :

Cependant, le meilleur représentant de cette France petite-bourgeoise, s’imaginant de gauche et très radicale, est Jean-Luc Mélenchon, qui associe le couvre-feu à un fait du Prince, en dehors de toute rationalité sur la crise sanitaire elle-même :

« 60 % des contaminations ont lieu au travail ou à l’école ou à l’université entre 8h et 19h. Mais Macron interdit les sorties au bar et au restau entre 20h et 6h. Bienvenue en Absurdie. »

Jean-Luc Mélenchon confond ainsi clusters connus et contamination, mais là n’est pas la question : rien que le ton le disqualifie. On est dans le populisme, dans l’appel à la révolte plébéienne contre les puissants qui mentiraient de manière totale, qui viseraient à la manipulation des consciences, à anéantir les libertés individuelles, etc.

On a évidemment la même rengaine du côté d’EELV, sur le mode de la critique du « totalitarisme » avec David Cormand, qui reprend tous les arguments de la Droite sans même le remarquer :

« Le « couvre-feux » a-t-il vocation à confiner aussi notre Démocratie? La légèreté avec laquelle le Gouvernement se joue des piliers sur lesquelles reposent un État de Droit: libertés individuelles, droits fondamentaux, élections,… est sidérante et effrayante. »

Notons cependant qu’EELV sait garder les pieds sur terre, de part sa quête électoraliste, et exprime dans un communiqué son soutien au couvre-feu, bien que de manière timorée.

François Ruffin s’est également parfaitement illustré dans l’hystérie anti-« Macron », qui serait maintenant un « maton » … :

« Le couvre-feu pour couvrir leur nullité. Plutôt que de prévoir et d’agir depuis le printemps, Macron, en maton, nous enferme. Combien de temps serons-nous victimes de leur incompétence ? »

On notera également le ton volontairement beauf et franchement irrationnel qu’il a utilisé à l’Assemblée nationale :

« Vous êtes capable de nous interdire d’aller pisser à plus d’un kilomètre de chez nous pendant le confinement, de nous interdire de mettre un pied dehors après 21h aujourd’hui. Face aux citoyens, vous êtes des lions. Mais face à Amazon et Bridgestone, vous êtes des paillassons. »

On est là dans la démagogie la plus complète, visant à opposer le « petit homme » aux puissants, comme le faisaient les démagogues d’extrême-Droite dans les années 1930.

On retrouve forcément le même discours et le même ton du côté de Médiapart, qui présente ainsi son article contre le couvre-feu :

« Macron préfère fliquer la population, la mettre en fiches, assassiner des secteurs entiers de notre économie (culture, restauration, etc.), plutôt que de rouvrir des lits d’hôpitaux et d’engager du personnel soignant. On interdit les sorties le soir au théâtre, au restau, chez des potes, mais on s’entasse dans le métro aux heures de pointe. Ferons-nous le deuil de tout ce qui nous fait vivre ? »

Cnews dit exactement la même chose. En fait, les remarques de ce genre sont légions dans la petite-bourgeoisie, avec souvent le prétexte d’autre chose qui est pris pour refuser le couvre-feu, par exemple avec Marguerite Stern :

« Imposer un #couvrefeu à tout le monde pour contrer le covid bof. Par contre imposer un couvre feu aux hommes et limiter leurs déplacements pour que les femmes puissent marcher dans la rue sans subir leurs agressions je dis oui. Mettons fin à la pandémie patriarcale. »

N’importe quoi ! Ou encore avec Nathalie Arthaud, pour un véritable cliché :

« Macron lance un nouveau contre-feu pour masquer la destruction de l’hôpital public. La seule liberté à laquelle Macron ne veut pas s’attaquer c’est le droit des patrons à exploiter les travailleurs. Pour les travailleurs tout sera interdit sauf le droit d’aller bosser ».

On remarquera d’ailleurs le caractère incohérent de l’argument. S’il est juste de vouloir plus de moyens pour l’hôpital public, cela n’est pas une raison pour ne rien faire et laisser des vagues importantes de malades être hospitalisées ; les séjours en réanimation ne sont pas une cure de jouvence et on sait très bien que le covid-19 touche durement y compris de nombreuses personnes n’ayant pas forcément besoin d’aller à l’hôpital.

On a la même chose du côté de Laurent Brun de la CGT cheminot, très proche politiquement de la ligne du PRCF, qui avec une blague potache appelant à manifester à l’heure du couvre-feu parle « d’enfumage » pour sous-entendre que le couvre-feu ne sert à rien :

« Bon ben prochaine manif à 21h ! Y’en a marre de ces conneries ! On veut une vraie stratégie de prévention sanitaire avec des tests efficaces, des moyens pour l’hôpital, des mesures pour l’école et les travailleurs. Pas de l’enfumage ! »

Tout cela est de l’hystérie petite-bourgeoise et ces personnes peuvent immédiatement arrêter de faire de la politique : jamais les gens ne leur confieront les clefs de l’État. Mais il est vrai que ces personnes ne veulent pas les clefs de l’État, ils veulent seulement protester, s’agiter.

Alors, à rebours de ces pérégrinations petites-bourgeoises, on a des figures politiques qui savent très bien où elles mettent les pieds. Ainsi, on a une Martine Aubry, qui n’est pas née de la dernière pluie et sait très bien que ce serait anti-populaire de critiquer le couvre-feu, alors elle assume franchement :

« Face à l’augmentation de la circulation du COVID 19 en France et à Lille, nous devons appliquer les mesures annoncées par le Président de la République, même si nous aurions préféré un couvre-feu plus tard le soir. Nous devons tous respecter ces règles. »

Eh oui, tout le monde aurait préféré autre chose, mais il faut ce qu’il faut. Cela ne plaît pas aux beaufs, cela ne plaît pas à ceux dont l’horizon politique est le libéralisme-libertaire, mais c’est ainsi !

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Société

Covid-19: un hiver long et douloureux en perspective

Si certaines personnes en doutaient encore, maintenant c’est entendu : nous n’en avons pas fini avec la pandémie de Covid-19 et les mesures sanitaires vont s’amplifier. Le couvre-feu annoncé par Emmanuel Macron dans la capitale et huit métropoles n’est qu’un prélude ; la France entame une nouvelle phase de la crise sanitaire.

Emmanuel Macron a décrété à nouveau l’état d’urgence sanitaire, qui entrera en vigueur samedi 17 octobre 2020. La principale mesure pour l’instant est la mise en place d’un couvre-feu en région parisienne et dans huit métropoles : Lille, Rouen, Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Aix-Marseille, Montpellier et Toulouse. Les sorties, sauf motifs légitimes, y seront interdites entre 21h et 6h du matin avec l’idée évidente d’empêcher au maximum les interactions sociales, notamment dans la jeunesse.

Pour les 47 millions de Français qui ne sont pas encore concernés par le couvre-feu, il est également fait appel à la responsabilité collective. Il s’agit de faire des « bulles sociales », en se limitant systématiquement à des groupes de 6 personnes, dans la rue, à table, etc., pour limiter les contacts.

On pourra dire ce qu’on veut, en critiquer la forme ou les détails, tout cela est en tous cas nécessaire au regard de l’accélération de l’épidémie en France, qui relève clairement d’une seconde vague. Près de 23 000 nouveaux cas et 104 décès ont été recensés pour la journée du 14 octobre et les services hospitaliers sont à nouveau très chargés (1673 réanimations pour 9194 personnes hospitalisées en tout). Partout dans le pays, et pas seulement dans les villes en alerte maximum, les services hospitaliers déprogramment des opérations pour faire de la place à la vague de nouveaux malades attendus.

Pas question de toucher à l’économie cependant, alors Emmanuel Macron a bien précisé qu’aucun confinement ni télétravail imposé n’était à l’ordre du jour. Il va donc falloir continuer à faire tourner la machine capitaliste à plein régime, mais plus question de s’amuser, de voir de la famille, des amis, de sortir, etc. Cela va être très lourd psychologiquement, car cela signifie que la crise sanitaire s’installe durablement et profondément dans la vie quotidienne et que celle-ci va être à nouveau complètement bouleversée, pour longtemps.

La première vague et le confinement n’avaient été considérés par la plupart des gens que comme un épisode passager et d’ailleurs le relâchement avait été terrible dès le printemps, puis pendant l’été. On paye actuellement le comportement de toute une partie du pays, notamment dans la jeunesse, qui n’a pas suffisamment joué le jeu, voire pas du tout pour certains.

On paye également l’incapacité de l’État à organiser le dépistage, avec des délais pour les tests et de campagnes de suivis des cas contacts qui sont désastreux, particulièrement en région parisienne.

Toujours est-il que les faits sont là et face à des chiffres indiscutables, le gouvernement est maintenant obligé de frapper fort, ou en tous cas relativement fort, pour tenter de limiter les dégâts. Emmanuel Macron espère pouvoir empêcher un nouveau confinement, qui mettrait définitivement par terre le capitalisme alors que la crise économique, si elle ne semble pas encore très visible, est déjà au cœur des préoccupations des personnes ayant un regard sérieux sur les choses.

Il est difficile de savoir comment les nouvelles mesures seront respectées, organisées, surveillées. Ce qui est certain par contre, c’est que cela va profondément chambouler la vie du pays et particulièrement la vie culturelle, qui est déjà affectée de manière dramatique depuis mars derniers. Après un printemps étrange et un été vécu qu’à moitié, la France se dirige maintenant vers un hiver long et douloureux. C’est une étape de plus dans un changement complet d’époque.

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Guerre

Liban: Emmanuel Macron s’imagine au temps du mandat français au Proche-Orient

L’État français est en perdition dans son propre pays, il ne pèse plus vraiment dans le monde et sa dette publique abyssale le rend très vulnérable sur le plan économique. Mais cela n’empêche pas la France de donner des leçons au monde entier, comme Emmanuel Macron à propos du Liban. En vérité, le Liban court à sa perte et la France l’aide à s’y précipiter.

Après la terrible catastrophe du port de Beyrouth, le président français Emmanuel Macron s’est sentie investi d’une mission : relancer l’État libanais. Cela avait l’apparence d’une carte facile à jouer pour la France, une puissance devenue moyenne qui s’imagine encore grande. La catastrophe de Beyrouth a ému le monde entier, alors Emmanuel Macron s’est dit qu’il pouvait apparaître comme un grand chef d’État en intervenant au Liban.

Près de deux mois après la catastrophe du 4 août 2020, c’est un échec diplomatique cuisant. Le président du Liban Michel Aoun, qui n’est président de pas grand-chose, a même expliqué ce dimanche 27 septembre à propos de l’impossibilité de former un gouvernement : « Nous allons en enfer. »

En effet, le pays s’enfonce, comme le reste du Proche-Orient. La destruction de quartiers entiers de la capitale fut une catastrophe de trop pour le Liban, rongé par la corruption et les divisions communautaires/religieuses. Et comme dans le même temps l’instabilité est mondiale, avec notamment la crise sanitaire du covid-19 qui accompagne et s’accompagne d’une crise économique, un petit pays comme le Liban ne tient plus.

Le président français apparaît alors complètement décalé dans son discours condescendant du 27 septembre 2020, expliquant avoir « pris acte de la trahison collective » (des dirigeants du pays). Emmanuel Macron pointe « l’entière responsabilité » des partis politiques libanais, qui ne parviennent pas (ou ne souhaitent pas) à se mettre d’accord sur un cabinet gouvernemental et une feuille de route gouvernementale.

Il a même menacé, sans que l’on sache d’où il tenait son mandat, de façonner lui-même un gouvernement pour le Liban :

« S’il n’y a aucune avancée sur le plan interne, alors nous serons obligés d’envisager une nouvelle phase de manière très claire et de poser la question de confiance: est ce qu’un gouvernement de mission sur la base de la feuille de route est encore possible ? Ou est-ce qu’il faut à ce moment-là changer la donne et aller peut-être dans une voie plus systémique de recomposition politique au Liban? »

Tout cela est extrêmement ridicule, car c’est de la fiction, du cinéma, un très mauvais cinéma. Emmanuel Macron s’imagine peut-être à l’époque du mandat français au Proche-Orient après la Première guerre mondiale, lorsque la France était une grande puissance coloniale s’arrogeant le contrôle de la Syrie (ou en tous cas ce qui fut appelé la Syrie). Mais la France ne pèse plus grand chose et cela fait déjà très longtemps qu’elle n’a plus la main au Liban, qui a même dégagé la langue française de sa constitution. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’Emmanuel Macron ne parvienne à rien pour forcer à la formation d’un gouvernement au Liban.

Le Liban, comme toute la région du Proche-Orient, et finalement comme presque partout dans le monde, réuni en fait tous les ingrédients pour une situation de guerre. Et pas seulement de guerre civile comme ce fut le cas entre 1975 et 1990. Le monde a déjà beaucoup changé depuis le 20e siècle et les grandes recompositions qui ont lieu actuellement ne sont que le reflet de tensions en profondeurs entre différents pays, différentes puissances, grandes, petites, moyennes, ne voulant pas sombrer, voulant s’étendre, etc. Les divisions au Liban ne sont que le reflet de ces divisions à plus grande échelle, par exemple entre la France (via des dirigeants politiques chrétiens maronites) et l’Iran (via les dirigeants politique musulmans chiites du Hezbollah), avec en arrière plan le jeu de la superpuissance américaine dans son affrontement avec la Chine dans ses efforts pour devenir une superpuissance.

La situation est terrible pour la population du Liban, mais la France ne l’aide en rien : elle ne fait que jouer sa carte dans le grand échiquier mondiale, dans une situation de crise généralisée qui mène toujours plus ouvertement à la guerre. Tel est le triste panorama où le peuple est toujours perdant.

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Écologie

La Préfète de l’Oise exige contre AVA l’emploi de la force, y compris la force armée

La Préfète de l’Oise a décidé qu’il fallait supprimer AVA dans l’Oise. La gendarmerie et les forces de police doivent dissiper tout « attroupement », quitte à employer… les armes. Oui, les armes, pas moins, la Préfète de l’Oise a légitimé l’emploi des armes !

Que dire devant une telle décision ? À part, bien entendu, qu’elle n’a pas été prise par la Préfète en tant que tel, celle-ci n’a forcément fait que relayer une décision au plus haut lieu, au niveau du président lui-même d’ailleurs. Emmanuel Macron n’a en effet cessé d’appuyer les chasseurs, tant avant les élections présidentielles que, bien entendu, après celles-ci.

L’alliance entre Emmanuel Macron et les chasseurs est en fait une convergence, car au fond les intérêts sont les mêmes : la stabilité de la vie quotidienne des Français sur un mode beauf. Il faudrait accepter les traditions portées par les notables, les people ou directement par le marché ; il faudrait se tenir à l’écart de toute critique de la condition animale, de tout engagement démocratique en général impliquant tout son être.

Parce qu’au fond, c’est de cela qu’il s’agit. Soit on est indifférent aux salauds qui empoisonnent les chats, qui traquent les cerfs, qui tirent sur les oiseaux, qui capturent et tuent les pigeons… ou bien on refuse l’indifférence et on décide d’être réellement humain, c’est-à-dire sensible et intelligent.

Il y a deux mondes et chaque jour qui passe, les deux mondes se séparent. La décision de la Préfète de l’Oise relève de l’ancien monde ; aux personnes ayant compris qu’un nouveau monde se lève de se soulever et de faire disparaître l’ancien : il y en a assez des chasseurs, il y en assez de l’écocide, il y en a assez de la Droite et de tous ceux qui convergent avec.

Voici l’arrêté préfectoral :

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Guerre

La guerre entre la Turquie et la France (soutenant la Grèce) se fait chaque jour plus menaçante

Le régime turc est dans une perspective guerrière ultra-agressive. En face, la France soutient la Grèce et pousse elle-même à la guerre en s’érigeant comme le gendarme de la Méditerranée.

Lors des célébrations du Jour de la victoire dimanche 30 août 2020, une fête nationale turque marquant une victoire militaire contre la Grèce en 1922, Recep Tayyip Erdoğan a tenu des propos particulièrement agressifs. Il assumait ouvertement la possibilité de faire la guerre en raison du litige concernant les eaux territoriales en Méditerranée orientale :

« Lorsqu’il s’agit de combattre, nous n’hésitons pas à donner des martyrs […] La question est la suivante : ceux qui s’érigent contre nous en Méditerranée et (au Proche-Orient) sont-ils prêts aux mêmes sacrifices ? »

On n’est plus dans la provocation comme il y a encore quelques jours, mais directement dans un discours guerrier assumant l’affrontement contre la Grèce et la France, avec la menace du sang versé :

« Le peuple grec accepte-t-il ce qui risque de lui arriver à cause de ses dirigeants cupides et incompétents ?

Le peuple français sait-il le prix qu’il devra payer à cause de ses dirigeants cupides et incompétents ? »

Parallèlement à cela, le président turc déroulait son habituelle rengaine ultra-nationaliste, s’adressant directement à « Atatürk », c’est-à-dire Mustafa Kemal surnommé le père des Turcs, pour justifier sa logique guerrière actuelle. Ce message écrit dans un « livre d’or » du mausolée de Mustafa Kemal et largement relayé dans la presse est un modèle du genre, typique du régime :

« Cher Ataturk, au 98e anniversaire de la Grande Victoire, nous saluons une nouvelle fois votre mémoire et celle de nos martyrs. Nous œuvrons pour glorifier et renforcer la République de Turquie que vous nous avez confiée. Nous sommes déterminés à devenir en 2023, au centenaire de notre République, un pays encore plus puissant, plus indépendant et plus prospère du point de vue économique, militaire, politique et diplomatique.

Les réussites importantes que nous avons notées sur divers terrains allant de la Syrie à la Libye, de la mer Noire à la Méditerranée orientale, sont les preuves les plus claires de notre volonté à protéger les droits et intérêts de notre pays.

La Turquie ne cédera pas aux menaces, intimidations et chantages, spécialement en Méditerranée orientale, et continuera de défendre ses droits découlant du droit international et des accords bilatéraux. Paix à votre âme ».

Tous les hauts personnages de l’État s’y sont mis, à l’instar du ministre de la Défense qui a expliqué :

« Cette grande victoire [en 1922 contre la Grèce] est la proclamation au monde entier que notre nation protégera à tout prix sa patrie qui l’importe plus que sa vie, et que l’Anatolie restera indéfiniment une terre turque ».

Le même jour, la ministre française des Armées, Florence Parly faisait comprendre dans une émission de radio que la France ne comptait certainement pas faire baisser la tension, insistant surtout sur le « comportement escalatoire [sic] » turc.

En arrière-plan, il y a la prétention de la France à être une grande puissance, au moyen de son armée qui agirait comme un gendarme en Méditerranée :

« Il y a un droit de navigation dans les eaux de la Méditerranée. Il n’y a pas de droit d’accaparement de ressources énergétiques et gazières, surtout lorsque celle-ci ont été reconnues conformément aux traités internationaux.

La démarche de la France n’est nullement escalatoire [sic]. Ce que nous avons fait, c’est ce que nous faisons régulièrement, c’est-à-dire que nous naviguons régulièrement en mer Méditerranée. C’est tout de même un espace naturel pour notre pays ».

Parler « d’espace naturel » pour qualifier une zone maritime à plusieurs milliers de kilomètres des côtes françaises, surtout quand on est ministre des Armées, c’est clairement agir dans le sens de la guerre. C’est s’arroger la responsabilité du « droit international » par les armes, de surcroît en ce qui ne concerne pas ses propres frontières.

C’est tout à fait conforme aux prétentions d’Emmanuel Macron qui, à l’occasion d’un « Forum Moyen-Orient Méditerranée » mercredi 29 août, a tenu un discours que l’on croirait sortie du XXe siècle et de l’époque du « mandat » français au Proche-Orient.

Cela donne des ailes au régime turc, qui dénonce ainsi facilement la France comme l’a fait le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères le lundi 31 août. Avec un discours particulièrement bien ficelé, il a rétorqué à Emmanuel Macron :

« Ceux qui croient tracer des lignes rouges contre la juste cause de la Turquie, ne feront que constater la position déterminée de notre pays.

S’il y a une ligne rouge dans la région, il ne peut s’agir que des droits découlant du droit international de la Turquie et des Turcs de Chypre.

Il est temps, pour ceux qui se voient dans un miroir grossissant, d’accepter la réalité : l’époque où les impérialistes traçaient les lignes sur les mappemondes est révolue. »

La veille, il prévenait dans un communiqué que « la Turquie est capable de dissuader, tous ceux qui tentent d’usurper par la force, ses intérêts et droits légitimes, en envoyant des armadas », dénonçant des « provocations d’acteurs externes à la région ».

On le comprend, et c’est chaque jour de plus en plus flagrant, on a là tous les ingrédients d’un cocktail explosif, menaçant de s’embraser à chaque instant.

L’épisode le plus récent est la publication de photos, par l’Agence France presse (liée en grande partie à l’État français), montrant des militaires grecs armés sur l’île de Kastellorizo, à quelques kilomètres des côtes de la Turquie.

> Lire également : Vers la guerre: l’Armée française se déploie avec la Grèce face à la Turquie

Le régime turc a immédiatement réagi, parlant d’acte de « piraterie » (l’île est censée être démilitarisées depuis un traité de 1947), faignant de découvrir la présence de ces militaires, qui n’a rien de nouvelle. La Grèce de son côté assume totalement la présence de ses militaires, assumant là encore le parti de la guerre.

Désormais, ce sont la crise ainsi que la tendance à la guerre qui forment l’actualité…

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Écologie

Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti en duo avec le chef des chasseurs Willy Schraen

La nomination de l’avocat Eric Dupond-Moretti avait surpris, mais en dénonçant agressivement les anti-chasse, on a compris le sens du coup tactique par Emmanuel Macron.

Le Journal du Dimanche a depuis longtemps une orientation pro-Macron, comme quoi le groupe Lagardère l’apprécie particulièrement. Ce dimanche, le « JDD » a lancé une double offensive :

– une interview de Willy Schraen, le président des chasseurs, où celui-ci souligne sa proximité avec le régime ;

– la « révélation » que le ministre de la justice a écrit la préface d’un ouvrage de Willy Schraen prochainement publié, en prenant entièrement partie pour les chasseurs.

Le « JDD » n’a pas oublié deux choses, signe qu’il agit de manière commandée. Tout d’abord, il parle de l’affaire Elisa Pilarski, tuée en novembre 2019, en disant que les résultat des tests ADN sur les chiens seront disponibles fin août, en insistant bien que la famille d’Elisa Pilarski ne veut pas qu’on incrimine la chasse à courre en général.

Ensuite, il donne la parole aux organisateurs du « référendum pour les animaux » pour une petite tribune appelant à ne pas voir la démocratie se voir confisquée. C’est que la récolte des signatures pour la possibilité de ce référendum patine grave, la tribune constatant avec amertume qu’en fait le personnel politique est structurée à l’arrière-plan sans qu’on le sache :

« Nous nous étonnons que le président du Sénat assure, dans une lettre au président de la Fédération des associations de chasseurs aux chiens courants, que nous nous sommes procurée, son « attention quant à l’avenir que pourrait connaître » ce référendum. »

La naïveté des milliardaires ayant lancé cette idée de référendum – Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (Meetic) et Jacques-Antoine Granjon (Veepee, ex-Vente-privee.com) – est ici assez surprenante. Elle tient sans doute à ce qu’il s’agisse de nouveaux bourgeois, né sur le terrain de la modernité technologique et coupé de la bourgeoisie traditionnelle.

Surtout que l’on sait désormais que le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, est ouvertement pro-chasse, lui-même pratiquant la « fauconnerie ». Dans sa préface à l’ouvrage de Willy Schraen, il y va fort, comme on l’apprend par le Journal du Dimanche : les tenants de défense des animaux seraient des « illuminés », des « intégristes », il s’agit d’un « extrémisme », les chasseurs doivent « relever la tête ».

En allusion aux autodafés nazisme et au barbecue de viande en même temps, Eric Dupond-Moretti dit même avec provocation que :

« Ce livre, les ayatollahs de l’écologie s’en serviront pour allumer le barbecue où ils cuiront leurs steaks de soja. »

Le « JDD » nous dit que ces propos datent d’avant sa nomination. Cependant, il aurait alors fallu bloquer la préface après que la nomination ait eu lieu. En réalité, il s’agit d’une annonce politique : les chasseurs peuvent y aller, les partisans de la défense des animaux vont se faire isoler et punir. On comprend qu’Eric Dupond-Moretti soit pour briser tout le système juridique : ce qu’il veut, c’est d’une « justice » aux ordres du régime, qui annonce où cogner.

Quant à Willy Schraen, qui publie donc « Un chasseur en campagne », ses propos dans l’interview au « JDD » sont assez typiques, c’est-à-dire subtilement politique, très doué tactiquement, et totalement réactionnaire, avec une propension à l’outrance et à la volonté de détruire. Bref, c’est du Willy Schraen.

La maîtrise est complète et le populisme total. Il dit ainsi plusieurs fois « nous les ruraux ». Le reste est à l’avenant : « la France rurale a l’impression d’être fortement humiliée », « on va maintenir la chasse à la glu » (quel que soit l’avis du gouvernement), « il ne faut pas donner [le ministère de] l’écologie aux écologistes », « Hulot a failli mettre le pays à feu et à sang », le référendum pour les animaux est un « totalitarisme de la rue », etc.

Son lyrisme est parfaitement rodé et soit l’interview a été retravaillée à de nombreuses reprises, soit c’est un fin orateur, d’esprit assez baroque il faut le dire :

« On est en train de créer un nouvel ordre moral, une sorte de tribunal populaire écologiste animaliste. Cette écologie ressemble à l’Inquisition. On veut nous crucifier.

Ces gens nous expliquent que l’animal et l’homme ne font qu’un. Je suis désolé mais le poisson rouge dans le bocal de mon fils, ce n’est pas mon frère. Dire qu’il faut un ministère de la Condition animale, c’est de la folie furieuse. »

Dénoncer l’Inquisition tout en faisant une allusion à la crucifixion du Christ juste après, cela demande un certain style. Et, donc, tout en niant un quelconque « pacte », Willy Schraen avoue avoir soutenu Emmanuel Macron aux élections européennes et avoir cherché à contrer les gilets jaunes.

Emmanuel Macron qui a nommé ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, Eric Dupond-Moretti qui a écrit la préface de l’ouvrage de Willy Schraen avant d’être nommé. Willy Schraen qui connaît bien Emmanuel Macron. Tel est le nom de la nouvelle trinité : le Père Emmanuel Macron, le Fils Eric Dupond-Moretti et celui qui se veut Saint-Esprit : Willy Schraen.

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Politique

Union européenne: un plan de relance signant le recul de la France, de l’Espagne et de l’Italie

Historiquement, l’Union européenne est une unité économico-politique ouest-européenne sous supervision américaine, avec le moteur franco-allemand entraînant les autres pays. La tutelle américaine est partie, mais la France décroche et se fait toujours plus secondaire face à l’Allemagne. C’est là qu’était tout l’enjeu des près de 100 heures de négociations du sommet européen qui s’est terminé à 05h31 du matin mardi 21 juillet 2020.

Emmanuel Macron a prétendu avoir décroché un accord historique avec le plan de relance de 750 milliards d’euros de l’Union européenne. En réalité, il n’a fait que négocier le recul de la France face à l’Allemagne et à ses principaux alliés voire satellites que sont les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède.

Les négociations furent en effet un long chemin de croix pour le président français qui devait faire face à des assauts répétés par ce qui a été appelé les pays « frugaux ». Il a même été parlé par certains médias, de manière honteusement chauvine, des pays « radins ». Ces termes ne recouvrent pourtant pas une sorte de différence de mœurs entre les pays, mais directement un rapport de force entre différentes puissances.

Ce qui se passe est simple à comprendre : avec la pandémie de Covid-19, les capitalismes de la France, de l’Espagne et de l’Italie se retrouvent fortement fragilisés, de par leur niveau déjà problématique initialement. Surtout pour l’Italie, il y a même le risque d’une faillite de l’État en raison d’une dette abyssale et de difficultés à emprunter sur les marchés financiers.

De l’autre côté, il y a le capitalisme de l’Allemagne, stable et puissant, entraînant avec lui surtout ceux des Pays-Bas, de l’Autriche, du Danemark et de la Suède, tout aussi stables. Tous ces pays – surtout l’Allemagne, très ambitieuse à l’international – n’ont aucun intérêt à l’effondrement de l’Italie et au recul drastique des économies françaises et espagnoles, alors il fallait un plan. Cela d’autant plus que tous ces pays, à part la Suède, ont la même monnaie, l’euro.

Plan il devait y avoir, plan il y a donc eu. Ce qui compte par contre, c’est la nature de ce plan. Et là, les choses sont très claires, se résumant à deux aspects, qui n’en forment finalement qu’un seul :

– l’Italie, l’Espagne et la France seront les principaux bénéficiaires des subventions et des prêts permis par le plan de l’Union européenne ;

– les subventions accordées par le plan européen seront soumises à un droit de regard particulièrement strict de l’ensemble des pays européens, et donc surtout de l’Allemagne et de ses satellites.

Autrement dit, on a là un processus très clair de vassalisation de l’Italie, de l’Espagne et de la France vis-à-vis de l’Union européenne, et donc de la puissance allemande.

Au passage, en raison de leur rapport de force particulièrement favorable, les pays dit « frugaux » se sont vu accorder une baisse de leur contribution au budget européen. Il y a également tout un tas de reculs, en ce qui concerne la recherche, le budget « Erasmus » (échanges universitaires), qui est amputé d’un tiers, le budget agricole (dont la France bénéficie beaucoup), ou encore le fonds pour la santé qui passe de 7 à… 1 milliard. C’est la même chose pour le projet porté par Emmanuel Macron d’une politique militaire européenne : cela passe dorénavant à la trappe.

Au lieu de tout cela, on va avoir des subventions, estimées à 40 milliards pour la France, 60 milliards pour l’Espagne et 80 milliards pour l’Italie. Ce sont les trois principaux bénéficiaire du plan, avec 180 milliards sur les 390 de prévus, soit pas loin de la moitié de la somme destinée aux 27 pays membres.

Cet argent doit être emprunté par la Commission européenne sur les marchés financiers, ce qui est une première historique pour de telles sommes (alors qu’il y a également 360 milliards à emprunter, en tant qu’intermédiaire pour des prêts). Cet argent doit ensuite être remboursé sur des fonds propres… qui n’existent pas encore. L’idée est de mettre en place différentes taxes européennes (taxes carbone, taxe « Gafa », taxe plastique, etc.) pour rembourser cet argent, d’ici à 2058 au plus tard.

Notons au passage que ces emprunts (en fait des obligations) ne seront émis que l’année prochaine, alors que les pays, et donc surtout la France, l’Espagne et l’Italie, vont rapidement commencer à dépenser l’argent en question.

Le ministre de l’économie Bruno Le Maire a déjà sauté de joie en expliquant que l’Union européenne allait payer presque la moitié du plan de 100 milliards prévu pour « relancer » l’économie. Il a même expliqué ouvertement que cet argent allait être dépensé dès 2020 et que « dès 2021, l’Europe remboursera ».

Dans le même registre, Emmanuel Macron se fait magicien en faisant croire que l’argent tombe du ciel par enchantement :

« cet argent viendra de l’Europe sur notre budget sans que nous ayons besoin de le financer, ni par notre propre endettement ni par nos impôts »

« ce n’est pas le contribuable français [qui] paiera »

En réalité, il n’y a pas d’argent magique, qu’il vienne de l’Union européenne ou d’ailleurs. Il faudra bien que quelqu’un paye et la bourgeoisie fera tout pour que ce soit les travailleurs qui paient. Cependant, dans le contexte de concurrence exacerbée entre les puissances européennes, les antagonismes seront de plus en plus forts et les nationalismes se feront de plus en plus puissants. En France, puissance en décrochage, la tentation du nationalisme sera d’autant plus forte, d’autant plus agressive, comme moyen d’éviter la lutter des classes et de détourner l’attention de la bourgeoisie.

> Lire également : La faillite de l’idéalisme européen face au Covid-19

Il va de soi ici que vont émerger beaucoup de tendances nationalistes anti-allemandes (Jean-Luc Mélenchon avait déjà commencé il y a quelques années de manière très brutale d’ailleurs). Et surtout, on a un capitalisme qui se fait crédit à lui-même pour tenter de survivre. C’est intenable.

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Remaniement: un gouvernement Jean Castex prêt pour la guerre sociale

Emmanuel Macron avait expliqué juste avant le remaniement ministériel que la rentrée sera difficile et qu’il fallait s’y préparer, précisant que l’économie du pays allait connaître des faillites et des plans sociaux multiples. Dès le lendemain Le Figaro, le quotidien faisant référence chez les éléments les plus sérieux de la bourgeoisie, a publié et mis en avant une analyse précisant le dessin de cette rentrée :

« Pronostiquer qu’elle sera «difficile» est au mieux un euphémisme, au pire une lapalissade. La rentrée de septembre, de l’avis de tous les experts, va être bien pire, c’est-à-dire apocalyptique ».

Les considérations de la bourgeoisie à propos de la crise à venir ne présentent en effet aucune ambiguïté. La facture va être salée, mais il est hors de question pour elle de payer alors il va falloir cogner fort pour que ce soit chaque travailleur et chaque chômeur qui en assume les conséquences. Il faut donc s’attendre à des licenciements bien sûr, mais aussi des chantages à l’emploi menant à des appels à se « serrer la ceinture », à travailler plus, plus longtemps, à renoncer à de soi-disant « avantage », à des acquis disparaissant, etc.

Emmanuel Macron imagine pouvoir tirer son épingle du jeu dans cette situation, en prenant lui-même la barre du navire. Il a donc besoin pour cela d’un gouvernement aux ordres, qui ne reculera pas devenant une telle tâche, tout en lui laissant suffisamment de latitude pour arrondir les angles, en tous cas en surface.

Jean Castex est de ce point de vue l’homme de la situation comme premier ministre. Technicien dévoué de l’appareil d’État, appartenant formellement à la Droite donc n’ayant pas peur d’assumer la guerre sociale, il saura cogner fort, sans craindre pour sa propre image. Emmanuel Macron se réserve quant à lui les grandes déclarations et autre subtilités politiques. D’ailleurs, Jean Castex devra attendre longtemps pour faire son discours de politique générale, qui ne pourra avoir lieu qu’après le discours du 14 juillet du président. Ce sera quasiment dix jours après la nomination de son gouvernement, ce qui symboliquement est lourd de sens.

Ce que cela signifie de manière très claire, c’est qu’on a un gouvernement qui se doit d’être aux ordres, qui est là pour servir directement et rapidement en vue de la crise qui s’annonce à la rentrée. Nulle question pour les ministres de « s’installer » dans leur fauteuil et de s’imaginer travailler leurs dossiers, leur ligne politique, leur image, etc. Le gouvernement passe, au sens strict, au second plan, dans ce qui une application stricto sensu de la logique la 5e République mise en place par le coup d’État du Général de Gaulle.

Le régime se démasque entièrement.

On a au gouvernement, dans l’ordre protocolaire :

le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, centriste issue de la Gauche, bien en place depuis 2017 et qui ne fera pas de vague.

la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, figure inoffensive de l’opportunisme politique à la Française, provenant d’EELV et ayant rallié Emmanuel Macron depuis le début. Elle saura ne pas s’immiscer dans la grande casse sociale qui s’annonce, tout en torpillant vaguement le terrain électoral pour EELV.

– le ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports Jean-Michel Blanquer, déjà suffisamment impopulaire pour ne pas causer spécialement de remous, tout en appliquant à la lettre la ligne de conduite.

– le ministre de l’économie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire, homme de droite appliquant depuis 2017 une politique de droite, figure bourgeoise, qui prépare déjà depuis plusieurs semaines la « relance économique ».

la ministre des Armées Florence Parly, elle aussi en place depuis le début, personnalité discrète mais parfaitement au cœur des préoccupations militaires françaises, que ce soit au Sahel, pour les essais de missile à capacité nucléaire ou plus récemment au sujet de la Libye avec les tensions grandissantes entre la France et la Turquie.

– le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, anciennement ministre du budget, promu à l’Intérieur pour assumer une posture rigide et directive alors que les tensions sont nombreuses au sein de la police. Il est une figure de droite, sachant ne pas se couper des préoccupations populaires avec des élucubrations « sociétales », comme l’avait trop fait Christophe Castaner. Son rôle sera ni plus ni moins que de savoir cogner si la situation l’exige et cela n’aura rien à voir avec les prétendues « violences policières » que l’on a vu jusqu’à présent.

– la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion Elisabeth Borne, qui était depuis l’an passé la ministre pour le moins discrète de la Transition écologique et solidaire. Alors que son ministère est censé être au cœur de l’actualité sociale, cette cadre d’État (Collège des ingénieurs, élève de Polytechnique, passée par la SNCF, Eiffage ou la RATP, ancienne préfète et directrice de cabinet) saura également appliquer comme il se doit la politique de guerre sociale.

On a ensuite, avec la même logique :

– le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu ;

la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault ;

– la ministre de la Culture Roselyne Bachelot ;

– le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran ;

le ministre de la Mer Annick Girardin ;

le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal ;

le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie ;

la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin.

et bien sûr le Garde des Sceaux, ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.

La nomination de ce dernier est un scandale de haute volée et l’annonce de la liquidation de l’appareil juridique, au nom du triomphe du libéralisme. Lire à ce sujet : Éric Dupond-Moretti ou le nihilisme juridique au ministère de la Justice

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Jean Castex nouveau premier ministre: la ligne de la confrontation

Maître d’œuvre du déconfinement, Jean Castex a été nommé pour son caractère symbolique. Le capitalisme sait qu’une marche forcée s’impose et c’est le signal de l’écrasement du peuple, qui doit être saigné à blanc pour la relance.

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, est décidément un grand liquidateur. À la suite des municipales, il a annoncé que le candidat de la Gauche aux présidentielles viendrait de l’écologie. Et à la nomination du nouveau premier ministre, il a fait un message sur Twitter disant :

« Avec la nomination de @JeanCASTEX le Président de la République confirme sans surprise son cap. Le jour d’après sera de droite comme le jour d’avant. Salutations républicaines à l’ancien et au nouveau Premier ministre. »

Qu’Olivier Faure n’ait pas compris qu’il n’y aura pas de « jour d’après » et que la crise ne fait que commencer, cela fait partie de sa vision du monde sociale-réformiste. On peut l’entendre. Mais s’imaginer forcé d’en rajouter dans les « salutations républicaines » à Jean Castex, c’est une faute politique ouverte.

En effet, à moins d’élargir le concept de République à tout et n’importe quoi, la nomination de Jean Castex est par définition même en opposition au principe de volonté du peuple et de chose publique. Marine Le Pen s’est d’ailleurs engouffrée dans la brèche en affirmant que personne ne sait ce que pense politiquement Jean Castex.

Car Jean Castex, c’est l’anti-politique. C’est un cadre étatique qui ne pense pas : il fait ce qu’on lui demande. S’il appartient à la Droite, il n’a ni corpus de pensée, ni engagement. Il est sorti du chapeau magique de l’appareil d’État. Personne ne le connaît, personne ne sait le définir politiquement. C’est le contournement du peuple par essence même.

Et qu’on ne dise pas que Jean Castex est maire de Prades, une commune de 6000 habitants, et que cela en fait un homme politique. C’est un petit à côté, c’est pour la forme. C’est un technicien de l’État ayant fait Sciences Po et l’ENA, passant par la Cour des comptes, la direction des affaires sanitaires et sociales du Var, le secrétariat général de la préfecture du Vaucluse, la présidence de la Chambre régionale des comptes d’Alsace, la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, la direction du ministère de la Santé, la direction du ministère du Travail.

Il fut finalement secrétaire général adjoint de l’Élysée de Nicolas Sarkozy (Emmanuel Macron sera l’un de ceux de François Hollande). Ensuite, il est délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris, délégué interministériel aux grands événements sportifs et depuis avril 2019 le président de la nouvelle Agence nationale du sport. Au début du mois d’avril 2020, c’est lui a coordonné le travail de « réflexion » gouvernementale sur le déconfinement.

Tout cela lui fait un salaire de 200 000 euros par an. C’est l’exemple même du cadre de l’appareil d’État. Et c’est pour cela qu’il a été nommé. Organisateur du déconfinement, sa nomination est un signe de l’État aux capitalistes : on assume le déconfinement, on va rétablir l’économie à marche forcée.

En réalité, il n’y aura aucun rétablissement de l’économie. Mais il y aura la marche forcée. Jean Castex a été nommé comme annonce de celle-ci. L’homme du déconfinement arrive. Le déconfinement s’impose, coûte que coûte. Il faut arriver au jour d’après. Cela tombe bien la CGT est d’accord, le PS est d’accord, une partie de la Gauche est d’accord ! La partie décadente de la Gauche.

Car la vraie Gauche sait qu’il n’y aura pas de jour d’après. Le covid-19, c’est l’ouverture de la crise écologique, c’est un ébranlement immense du capitalisme. On rentre dans une période extrêmement troublée. Avec Jean Castex, les capitalistes annoncent la couleur. Si on n’a pas rapidement une grève exemplaire comme marqueur pour le peuple, cela va être le rouleau compresseur.
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Allocution présidentielle du 14 juin 2020: la quête du consensus

Emmanuel Macron s’est fait démolir par l’opposition pour ses propos creux, son ton rassurant et sa démarche toute en continuité. Mais si c’est ridicule, c’est tout à fait français et Emmanuel Macron fait le pari que les Français resteront tels qu’ils sont.

Il y a un passage dans l’allocution qui décide de tout, celle sur le mode de vie français. Annonçant un retour à la « normale » en mode déconfinement généralisé, le président de la République a cherché à résumer la France ainsi :

« Nous allons donc pouvoir retrouver le plaisir d’être ensemble, de reprendre pleinement le travail mais aussi de nous divertir, de nous cultiver.

Nous allons retrouver pour partie notre art de vivre, notre goût de la liberté. En somme, nous allons retrouver pleinement la France. »

Si on traduit, cela donne : vous les Français vous avez une mentalité de petit-bourgeois, vous êtes des grosses gueules mais votre horizon ne dépasse votre sens de la satisfaction. Vous allez donc tout reprendre comme avant, en refusant comme il faut toute envergure, afin de profiter tranquillement de vos acquis dans l’un des pays les plus riches du monde, tout en prétendant représenter le progrès et la culture.

Emmanuel Macron a d’ailleurs ensuite souligné que la stratégie pour les dix prochaines années, c’était « vivre heureux et vivre mieux ». C’est tout à fait intelligent, tout à fait en phase avec les Français.

Reste que l’économie française va se faire démolir, comme d’ailleurs le capitalisme en général. Alors, que faire ? Emmanuel Macron, qui a utilisé plusieurs fois le terme de « reconstruction », a une solution très simple : la transformation de la France en satellite allemand. Il ne le dit bien entendu pas ainsi et il a souvent employé le terme d’indépendance.

Mais c’est ainsi qu’il faut comprendre tout ce passage :

« L’accord franco-allemand autour d’un endettement conjoint et d’un plan d’investissement pour redresser l’économie du continent est un tournant historique.

En empruntant pour la première fois ensemble, avec la chancelière d’Allemagne, nous proposons aux autres États européens de dire « nous » plutôt qu’une addition de « je ».

C’est le résultat d’un travail acharné, initié par la France, et que nous menons depuis trois ans.

Ce peut être là, une étape inédite de notre aventure européenne et la consolidation d’une Europe indépendante qui se donne les moyens d’affirmer son identité, sa culture, sa singularité face à la Chine, aux États-Unis et dans le désordre mondial que nous connaissons.

Une Europe plus forte, plus solidaire, plus souveraine. C’est le combat que je mènerai en votre nom dès le conseil européen de juillet et dans les deux années à venir. »

Emmanuel Macron dit : j’ai réussi à faire en sorte que l’Allemagne ne sorte pas du projet européen avec ses subordonnés (l’Autriche, la Suède, les Pays-Bas…) mais assume le moteur franco-allemand pour former un bloc en tant que tel face aux États-Unis et à la Chine. L’espoir est très clairement que ces deux derniers pays se donnent le compte suffisamment pour permettre au bloc européen de prendre le devant de la scène.

Tout cela, pourtant, est un raisonnement entièrement fondé sur le capitalisme et sa capacité à résorber toutes les mauvaises situations dans lesquelles il se retrouve. C’est là une utopie grotesque alors que les nuages noirs d’une crise approfondie planent au-dessus du capitalisme mondial.

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Crise du secteur automobile: Emmanuel Macron annonce 8 milliards d’euros pour le maintenir sous perfusion

En visite dans l’usine de sous-traitance automobile Valeo à Étaples près du Touquet dans le Pas-de-Calais, le président Emmanuel Macron a présenté un gigantesque plan d’aide pour la filière automobile. Ce sont 8 milliards d’euros qui ont été annoncés pour tenter d’empêcher l’effondrement de tout un secteur face à la crise économique. Le capitalisme vacille et l’État s’imagine pouvoir faire face en dépensant de l’argent qu’il n’a pas.

C’est la panique au plus haut sommet de l’État face aux chiffres catastrophiques du secteur de l’automobile. Les ventes se sont effondrées avec le confinement, de près de 90 % en avril par rapport à l’année dernière et le Président a expliqué dans son intervention que cela représentera pas moins de 500 000 véhicules invendus d’ici fin juin, par rapport à l’an passé. C’est gigantesque.

Les usines, représentants 400 000 emplois et plus du double en comptant toute la chaîne de service que la production automobile induit en aval, tournent au ralenti, alors que les ventes ne se relancent pas. Pour endiguer l’hémorragie, l’État français envisage la méthode habituelle : sortir le carnet de chèques et subventionner à tour de bras.

Ce sont en tout huit milliards d’aides apportées par l’État qui sont annoncées, réparties en centaines de millions par ci et centaines de millions par là. Ce n’est pas moins qu’un renouvellement complet du « parc automobile » qui est envisagé, avec le véhicule électrique comme fer de lance pour espérer relancer le marché grâce au label de l’écologie (ou en tous cas de la prétendue écologie).

Les annonces sonnent fort, avec par exemple l’annonce d’une prime de 7000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique. En fait, cette prime existe déjà, et elle est de 6000 euros. Mais ce qui compte pour Emmanuel Macron, c’est l’effet d’annonce, afin d’espérer relancer tout un secteur en le maintenant sous perfusion par des primes, à la production et à l’achat.

Avec son lyrisme habituel, en s’imaginant peut-être avoir la capacité de créer un choc de consommation, le Président s’est emballé sur la question. Il a expliqué que :

« C’est en France que le véhicule propre qui équipera l’Europe et le monde dans les années à venir s’inventera et se produira. »

Cela est particulièrement risible alors que de nombreuses entreprises dans le monde n’ont pas attendu la France pour produire des voitures électriques ou des moteurs thermiques à faible émission. L’Allemagne s’apprête d’ailleurs à accueillir une «  gigafactory Tesla » près de Berlin, c’est-à-dire une immense usine produisant des voitures électriques sur un site plus grand que celui de PSA à Sochaux… Tesla possède déjà deux grandes usines aux États-Unis et une en Chine.

Avec beaucoup de retard, mais par contre avec plein de bons sentiments, la France s’imagine donc pouvoir éviter la crise aussi facilement ? Rien n’est moins sûr. Dans son intervention, Emmanuel Macron a beaucoup insisté sur la modernisation des chaînes de production, la robotisation, la numérisation, l’innovation écologique. Le problème est que cela existe déjà, que les usines sont déjà ultra-modernes et automatisées, alors que sur le plan écologique, l’industrie a déjà connu un bon gigantesque ces dernières années quant à la consommation des moteurs thermiques et à leurs émissions de polluants.

Il y a toujours possibilité de faire mieux évidemment, mais il ne faudrait pas s’imaginer ici que l’industrie à des possibilités d’innovation énormes pour se relancer. En réalité, le secteur était déjà à bout de souffle depuis de nombreuses années, faisant face à un ralentissement structurel de son activité, liée au mode de vie de la seconde moitié du 20e siècle.

Le problème du capitalisme, c’est qu’il est, par définition, incapable d’organiser l’économie et de produire ce qui est utile, de la meilleure manière possible. Il n’y a alors comme seule option pour les dirigeants acceptant le capitalisme que de tenter de « relancer » sans cesse la machine, dans une course folle à la production pour la production.

Même le syndicalisme, qui refuse la Gauche et donc le Socialisme, ne dit pas autre chose. Pour Philippe Martinez de la CGT, le problème de ce plan serait surtout qu’il n’y a pas de critique de la stratégie de Renault, sous-entendant que son syndicat aurait mieux géré cette entreprise capitaliste que les capitalistes eux-mêmes. Pour le reste, Philippe Martinez critique tout en expliquant que la CGT dit déjà le même chose depuis longtemps, à propos de « renouveler le parc automobile » et « fabriquer des véhicules plus propres en France ».

Pour la CFTC, le plan gouvernemental « c’est du plus, on va le prendre », alors que pour la CFDT les primes sont « une bonne nouvelle », mais de toutes façons elle « n’en attendait pas moins de l’État ». La CFE-CGC de la métallurgie quant à elle « approuve les grandes lignes du plan » du gouvernement.

Tout cela apparaît donc bien décalé, alors que la France s’apprête à s’enfoncer dans une crise économique majeure, et que la crise écologique se fait chaque jour plus grande, avec des enjeux immenses. Le monde va changer, rapidement, drastiquement, et tous ceux qui auront cru aux mensonges du capitalisme et ses capacités de relance éternelle vont se retrouver fort dépourvus. À la Gauche d’être en mesure de proposer une autre voie, sur la base de ses traditions ouvrières historiques, c’est-à-dire la lutte des classes pour faire plier la bourgeoisie et ériger à sa place un nouveau monde, socialiste.

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L’État incapable de mettre en place les lois pour le déconfinement du 11 mai

Les couches dominantes de la société étant décadentes, plus rien ne va et malgré la préparation du déconfinement du 11 mai, les lois l’encadrant n’ont pas été mises en place à temps. C’est très révélateur de l’effondrement en cours.

Le déconfinement du 11 mai a comme principe fondateur l’impossibilité de se déplacer à plus de 100 km de son département. Sauf que, problème, il faut une loi pour cela et la validation du conseil constitutionnel. La loi ayant été votée le 9 mai, le conseil constitutionnel ne l’a validé que le 11 mai… rendant impossible toute vérification étatique au moyen des forces de l’ordre.

Il en va de même pour l’attestation obligatoire dans les transports en commun d’Île-de-France, qui relève de la même loi sur l’état d’urgence sanitaire. La vérification de ces attestation est d’ailleurs remise à… mercredi 13 mai.

On a ici un exemple de ratage total. D’ailleurs, le conseil constitutionnel a cassé deux autres mesures, montrant à quel point le libéralisme a tout vérolé. Il a dit : pas de quarantaine obligatoire pour les gens arrivant en France, sauf sous supervision d’un juge. Le conseil constitutionnel nie ainsi le principe d’état d’urgence, au nom des « droits de l’Homme » si chers à la petite-bourgeoisie anti-État.

Le conseil constitutionnel agit ici de manière purement idéologique, totalement libérale-démocrate :

« S’agissant du régime de l’état d’urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel a jugé que la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur d’en prévoir un. Il lui appartient, dans ce cadre, d’assurer la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.

Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée, qui découle de cet article 2, la liberté d’entreprendre qui découle de cet article 4, ainsi que le droit d’expression collective des idées et des opinions résultant de l’article 11 de cette déclaration. »

Vie privée, droit d’entreprendre, dire ce qu’on veut… la liberté est ici entièrement au service de l’initiative capitaliste. Le conseil constitutionnel est d’ailleurs très content que le gouvernement n’ait pas étendu l’interdiction de se réunir lors du confinement aux locaux à usage d’habitation. C’est la pure négation de la primauté du collectivisme.

D’ailleurs, le conseil constitutionnel se prononce… contre le traçage des malades. Selon lui, c’est une atteinte à la vie privée ! Ainsi, il a :

« relevé que les dispositions contestées autorisent le traitement et le partage, sans le consentement des intéressés, de données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par la maladie du covid-19 et des personnes en contact avec elles, dans le cadre d’un système d’information ad hoc ainsi que dans le cadre d’une adaptation des systèmes d’information relatifs aux données de santé déjà existants. Ce faisant, ces dispositions portent atteinte au droit au respect de la vie privée. »

L’individualisme avant tout ! D’ailleurs, dans un même ordre d’idée, Lille a ouvert son plus grand parc, celui de la Citadelle. La région est en zone rouge ? Pas grave, les « droits » individuels avant tout !

Le conseil constitutionnel a également retoqué le principe enlevant la responsabilité pénale des élus en cas de catastrophe sanitaire. En apparence, on dira : c’est normal, les élus doivent rendre des comptes. Sauf que cela signifie simplement que les élus serviront de fusibles et que les grandes décisions gouvernementales, étatiques, à la base des actions des élus, disparaissent du champ de la critique. On ne dira pas : l’État a mal agi, de par ses orientations, ses valeurs, ses fondements. On dira : un tel a mal agi et doit être condamné.

Entre le conseil constitutionnel garant de la main-mise complète du capitalisme et un gouvernement incapable de ficeler des lois malgré une grande préparation du déconfinement, on voit bien que l’État ne tient plus. D’aucuns diront qu’au contraire c’est la démocratie, c’est l’équilibre des pouvoirs, etc. Mais une telle conception des choses ne fait que refléter le libéralisme. En réalité, tout est instable, précaire. Le personnel politique bourgeois est de plus en plus nul, l’administration étatique toujours plus bureaucratique. C’est l’effondrement étatique reflétant la profonde crise du capitalisme dans notre pays.

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Emmanuel Macron et la tentation du chauvinisme agressif

En pleine crise sanitaire, alors qu’il admet lui-même ne pas savoir si on en est au début ou au milieu de la crise, Emmanuel Macron s’est offert le luxe de quelques digressions philosophiques au Financial Time. La « nature de la mondialisation » et la « structure du capitalisme international » seront bouleversés explique-t-il. En « espérant » que le traumatisme unira les pays contre la crise, car il s’agirait de donner la « priorité aux vies humaines plutôt qu’à la croissance économique ».

Ce serait même à l’en croire l’occasion de s’attaquer enfin au désastre environnemental et aux inégalités sociales…

Ce lyrisme du chef de l’État français n’intéresse et ne convainc personne évidemment, alors qu’il s’agit maintenant de faire face à la crise. Ce qui a été retenu et remarqué par contre, ce sont ses propos à l’encontre de la Chine :

« Ne soyons pas si naïfs pour dire que cela a été beaucoup mieux géré. Nous ne le savons pas. Il y a clairement des choses qui sont apparues que nous ignorons. »

Avec ce genre d’allusion, Emmanuel Macron imagine pouvoir échapper à ses responsabilités, en reportant la faute sur les autorités chinoises. Sauf que, quand le virus a commencé à circuler dans le monde, les choses étaient connues. Les scientifiques chinois ont partagé à ce moment-là les informations sur le coronavirus en question. Depuis, les autres pays n’ont pas appris grand-chose de plus, si ce n’est rien.

La France était au courant du confinement de tout une région de la Chine, mais elle n’a pas pour autant fermé ses frontières ni mis en place des mesures sanitaires de contrôle dans les aéroports. Elle ne s’est pas inquiétée de ses stocks de masques. Quand il a été avéré que le Covid-19 était massivement présent dans le nord de l’Italie, Emmanuel Macron et sont gouvernement n’ont pas fait interdire la venue de supporters turinois à Lyon, comme beaucoup de personnes le suggéraient.

Il faut donc un sacré culot pour s’imaginer légitime à tenir de tels propos à l’encontre de la Chine, alors que rien n’est encore réglé, que les masques sont toujours introuvables en France, que les hôpitaux ont été totalement débordés, que des milliers de personnes âgées meurent du coronavirus dans les Ehpad ou bien de manière solitaire chez elles…

Alors que la France est en train de couler, le chef de l’État s’essaye donc au chauvinisme anti-chinois. C’est une tentation guerrière évidente, irresponsable, très dangereuse. Il ne faut d’ailleurs pas s’y tromper et bien voir qu’il s’agit exactement de la même dynamique quand il est parlé des fameux « coronabonds ».

Emmanuel Macron en parle dans son entretien au Financial Time, faisant passer l’Allemagne et les Pays-Bas pour des pays riches et égoïstes à l’encontre des pays du sud de l’Europe. Ces pays refusent en effet de payer pour les dettes des pays à qui ils reprochent justement depuis des années de ne pas les endiguer. Mais Emmanuel Macron se pense légitime à prévenir  : ce sera à cause d’eux si les populistes gagnent en Italie, en Espagne et peut-être en France…

C’est une sorte de chantage au fascisme, ce qui reflète un président d’un pays à la dérive, complètement débordé par la crise sanitaire et pétrifié face à la crise économique à venir. Pétrifié au point de s’imaginer un destin, le long entretient se concluant ainsi de la part d’Emmanuel Macron :

« Je n’ai jamais rien imaginé car je m’en suis toujours remis entre les mains du destin. On doit être disponible pour son destin… C’est donc là que je me trouve, prêt à combattre et à promouvoir ce en quoi je crois tout en restant disponible pour essayer et comprendre ce qui semblait impensable. »

Emmanuel Macron est un homme pétrifié s’imaginant une statue de bronze.

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Emmanuel Macron le 13 avril 2020: toute la vanité d’une France pétrifiée

Le discours du 13 avril 2020 d’Emmanuel Macron au sujet de la crise sanitaire a été entièrement franco-français. Déni des faits, absence d’esprit autocritique, volontarisme forceur, spiritualisme vaniteux, chauvinisme outrancier… Rien n’aura été épargné alors que la France capitaliste va dans le mur.

Le 16 mars, Emmanuel Macron expliquait qu’on était en guerre ; le 13 avril, il a expliqué qu’on avait gagné. Le système aurait tenu, dit un président passant sous silence toutes les personnes âgées mortes seules chez elles ou dans les EHPAD. Il faut dire que le mensonge était inévitable de sa part, vu que tous ses fondamentaux sont par terre. L’Europe ? Elle est aux abonnés absents. L’individualisme relativiste ? Il ne saurait être à l’ordre du jour. Le libéralisme moderniste vaguement social ? Il est en-deça des exigences d’organisation nécessitant un État fort.

Emmanuel Macron a donc eu recours au mythe mobilisateur pour chercher une sortie par le haut. Le 11 mai rouvriront, « progressivement », les écoles et les crèches, les administrations et les entreprises. Quant aux personnes âgées ou malades, elles devront continuer seules le confinement, la société ne ralentira rien pour elles. On reconnaît ici le cynisme de la démarche, mais aussi son idéalisme. Pourquoi le 11 mai ? Pourquoi pas le 7 ou le 20 ? Personne n’en sait rien, mais à partir du 11 il y aura des masques pour tout le monde, des tests de dépistage pour beaucoup de monde. Bref, le 11 mai, il y aura tout… tout ce qu’il n’y a pas eu.

Pour convaincre, Emmanuel Macron a parlé pendant 27 minutes. Là où Angela Merkel se contente de quelques minutes, Emmanuel Macron a cherché à développer tout un lyrisme existentialiste : «  nous aurons des jours meilleurs et nous retrouverons les Jours Heureux », nous promet-il. Le peuple français se régénérerait même face à l’adversité : « On disait que nous étions un peuple épuisé, routinier, bien loin de l’élan des fondations »… « On disait que nous étions un peuple indiscipliné »…

Sauf que, oui, effectivement, les Français sont totalement routiniers. Qu’ils pensent que tout va changer après la crise ou pas, ils considèrent tous qu’il va être possible de s’en sortir au moyen d’un rationalisme mesuré, d’une philosophie cartésienne bien française. Et tous pensent que la crise va se terminer à court terme, voire même, sans le dire, que le confinement finira bien par s’effacer avant le 11 mai. Et Emmanuel Macron les a confortés en cela.

Il a pourtant dit que les lieux culturels et sportifs ne rouvriront pas avant mi-juillet… Ce qui est totalement incohérent avec la logique du déconfinement. Mais la France capitalistes est coincée : elle veut redémarrer le plus vite possible, quitte à basculer dans l’irrationnel. Et les Français veulent que tout recommence comme avant, le plus vite possible. Ils ne veulent surtout pas voir !

Voir que c’est fini, qu’un mode de vie est par terre, que c’est la fin d’une civilisation ou, plutôt son dépassement. Qu’on est en pleine crise, que c’est le début de la crise, qu’elle va se généraliser à tous les domaines. Rien que le conflit sino-américain devrait faire froid dans le dos.

Le 13 avril, Emmanuel Macron a menti et les Français se sont mentis à eux-mêmes. Ils sont ébranlés, doutent fortement, mais espèrent encore. Ils ne veulent pas encore être réalistes. C’est pourtant trop tard. La France capitaliste ne fait pas que vaciller : elle bascule.

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La lettre d’Olivier Faure du Parti socialiste à Emmanuel Macron

Dans une longue lettre adressée à Emmanuel Macron, le premier secrétaire du Parti socialiste critique les insuffisances de la politique gouvernementale face à la crise du Covid-19. Adoptant le point de vue d’homme d’État, il formule les propositions du Parti socialiste dans ce contexte et la façon dont celui-ci envisagerait de gérer la crise.

« Ivry-sur-Seine, le 22 mars 2020

Monsieur le Président de la République,

Je reprends vos mots. Nous sommes en « guerre ». Le combat contre le Covid-19 suppose que nous nous mobilisions tous ensemble autour du même but.

Dans ce combat, personne ne doit manquer. L’unité nationale est nécessaire. Nous y avons souscrit dès le premier jour. Nous avons relayé au plan national, comme dans l’ensemble des collectivités locales que nous dirigeons, les consignes gouvernementales. Nos maires innovent au-delà même de leurs compétences pour mettre en place des services à la population.

L’adhésion et la mobilisation de tous doivent être en permanence recherchés. À cette fin, la coercition ne peut totalement remplacer une vraie appropriation des consignes. De ce point de vue, la communication gouvernementale au compte-gouttes, relevant parfois de l’injonction paradoxale, rajoute à la défiance et au climat anxiogène. Les prises de parole intempestives abîment la parole de l’État. Les messages se succèdent au détriment de la cohérence et du sentiment de maîtrise. Faut-il rester chez soi ou faut-il participer à
l’ « effort national » en allant travailler ? Qu’est-ce qu’une « activité essentielle » ? Qui en décide ? C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, de renforcer les moyens d’une communication claire, stable et accessible pour l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens, par exemple au moyen d’un portail Internet qui concentre toutes les informations utiles et une application dédiée qui permettra de sensibiliser les plus jeunes et d’orienter les bonnes volontés, nombreuses, qui veulent servir leur pays.

L’exigence d’unité appelle en regard une totale transparence dans les choix opérés. La confiance suppose la vérité. Vérité sur les choix stratégiques. Vérité sur les moyens disponibles. Vérité sur l’articulation entre les moyens et les choix opérés. Tout le monde peut se tromper. Mais le danger vient lorsque le pouvoir n’accepte plus de se laisser contredire par les faits et quand il plie la doctrine à son propre récit de la crise.

Ainsi, s’agissant des masques et des tests, les ministres n’ont cessé de répéter sur toutes les antennes qu’il n’en manquait pas. Contre toute évidence. De tous les territoires nous remontent en effet les mêmes témoignages. Il manque des masques dans les EHPAD, dans les centres médico-sociaux, dans les prisons, dans les entreprises, dans la police, dans la gendarmerie, dans les services publics, et en premier lieu dans les hôpitaux et dans les cabinets médicaux. Quant aux tests, il n’en est pratiqué, au mieux, que 5 000 par jour.

Si nous sommes en « guerre », il faut une économie de guerre. Dans cette « guerre » contre le Covid-19, il y a des premiers de tranchée. Médecins, infirmiers, aides-soignants, policiers, gendarmes, éboueurs, caissières, livreurs… Ils font notre admiration unanime. Nous devons tout faire pour les soulager. Et d’abord les protéger. Nous ne pouvons plus compter sur la fabrication de 6 millions de masques par semaine (8 millions en avril) quand les besoins sont évalués par votre ministre à 25 millions par semaine pour les seuls
soignants et qu’il conviendrait d’équiper a minima la population au travail et les personnes présentant les symptômes du Covid-19. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, de réquisitionner toutes les industries qui peuvent fabriquer des masques, des tests de dépistage, des respirateurs, du gel hydro-alcoolique…

Compte tenu de la pénurie de tests et de masques, le confinement est, par défaut, l’unique solution pour endiguer la contagion. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, de le faire appliquer désormais plus strictement et de limiter l’activité aux fonctions vitales du pays pour freiner drastiquement la progression du virus. Ne perdons plus un temps précieux dont ont besoin nos soignants. En période de confinement, les autorisations de sortie sont une exception et ne doivent pas être prises comme l’espace du relâchement.

Par ailleurs, la question de l’accompagnement des soignants, comme des familles, qui seront confrontés aux décès doit être anticipée et abordée humainement. Concilier la dignité humaine, la nécessité du deuil et les obligations sanitaires doit être un impératif des semaines qui viennent.

Lorsque cette période de confinement s’achèvera, la population française ne sera pas immunisée et le risque d’un rebond existe. Il faut donc anticiper cette phase dès à présent. Le dépistage systématique prôné par l’Organisation mondiale de la santé est la voie à suivre. Nous avons noté positivement, enfin, que le ministre allait faire évoluer la doctrine du gouvernement en la matière. Cela ne fait que renforcer la nécessité
d’engager une production massive dès à présent.

Penser l’après-confinement implique de soutenir nos entreprises. Des mesures ont été prises. Pour l’essentiel, elles visent à soulager leur trésorerie en reportant leurs échéances de paiements fiscaux et sociaux. Mais il faudra aller au-delà et viser l’annulation pour les indépendants, les PME, les compagnies, qui ne seront pas en mesure de payer à partir d’un chiffre d’affaires qui n’a pas été réalisé. Tout doit être entrepris pour éviter les faillites et les licenciements, mais aussi éviter la spéculation et l’enrichissement
éhonté de certains. Il faut également anticiper une forte impulsion budgétaire pour relancer la machine économique. Aux États-Unis, certains élus évoquent la possibilité de soutenir directement la consommation, de manière simple et massive, à travers un chèque versé aux ménages. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, d’envisager un plan de relance massif.

Ne laissez pas la fracture sanitaire élargir la fracture sociale. Les personnes sans-abri, les travailleurs pauvres, les personnes isolées ne doivent pas être les grands oubliés de la crise sanitaire, et les associations de solidarité qui leur viennent en aide doivent être soutenues pour éviter un drame social. Quant aux héros actuels du quotidien, caissières, livreurs, logisticiens, agriculteurs, etc., ils ne méritent pas de voir demain leurs droits rognés sans discussion, bien au contraire. Puisque le « monde d’après » ne doit pas ressembler au « monde d’avant », le poids de la préservation et du redémarrage de notre économie ne peut reposer prioritairement sur les classes populaires et les classes moyennes.

La solidarité ne peut s’exercer à sens unique, de bas en haut. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, de reconnaître, à l’issue de la crise, la contribution de tous les personnels mobilisés aujourd’hui, de manière concrète. C’est-à-dire en termes de protection et de droits économiques et sociaux (retraite, pénibilité…).

S’agissant des droits des salariés (congés payés, RTT, durée légale du travail), il n’est pas admissible qu’à l’occasion de cette crise sanitaire soient remis en cause, même provisoirement, des droits sociaux sans la moindre négociation. Chacun de nous pressent qu’une fois vaincu le virus, il sera exigé de tous des efforts pour redresser notre économie. Mais ces efforts doivent être librement consentis et également répartis.

Il faut anticiper tous les sujets. Qu’en sera-t-il notamment des personnels de santé à l’issue de la crise ?
Pourront-ils se reposer ? Ou devront-ils enchaîner pour prendre en charge les patients dont les opérations ont été repoussées pour libérer des lits ? C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, la création d’un groupe parlementaire chargé de réfléchir à ces sujets stratégiques et de penser l’après-confinement en lien avec le gouvernement et les services de l’État.

Cette crise globale doit imposer l’Europe comme l’échelle de réponse la plus appropriée. Enfin, le totem des 3 % est tombé. Qu’il reste à terre. Même tardivement, la BCE permet aujourd’hui d’éviter la spéculation sur les dettes publiques. C’est heureux. Mais la crise actuelle révèle l’obsolescence d’un logiciel économique et d’un système de gouvernance de l’Union qui ne permettent pas d’anticiper les crises et génèrent des dépendances excessives vis-à-vis de l’extérieur sur des biens essentiels et n’encouragent pas une solidarité entre les États, pourtant vitale. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, de réunir un groupe de travail, composé d’experts et d’élus, d’entrepreneurs et de salariés, pour penser à la sortie de crise économique et à ses conséquences en matière de relance, de souveraineté économique et sanitaire, ou encore de modèle européen. Il s’agit dès à présent de penser cet « après-Covid-19 » et ne pas répéter une fois de plus le défaut d’anticipation qui a été trop souvent la règle jusqu’ici.

Nous devons regarder cette épidémie à l’aune de ce qu’elle est, à savoir une pandémie. La situation mondiale du Covid-19 est une bombe à retardement pour des milliers de femmes et d’hommes, en particulier en Afrique. Elle est une menace pour l’Europe et pour la France. Il n’y aura pas d’éradication de la maladie tant que des foyers d’infection subsisteront dans le monde. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, d’engager dès à présent la coopération internationale nécessaire pour que la France
et l’Europe contribuent à la lutte contre la pandémie, notamment en donnant les moyens à la recherche fondamentale de travailler dans la durée sur les épidémies.

Monsieur le Président, la gestion de la crise suscite chaque jour de plus en plus de questions légitimes qui dépassent désormais le seul cadre sanitaire.

L’unité nationale implique d’avoir des espaces continus de discussions et d’échanges. Le maintien de l’unité nationale ne peut reposer que sur un large consentement. Même en temps de guerre, Clemenceau ou Churchill étaient tous les jours devant le Parlement.

La seule façon de ne pas laisser s’installer la polémique, c’est de donner toute sa place à la politique en préservant l’échange démocratique. Jusqu’ici les trois réunions auxquelles les chefs de groupe parlementaire et chefs de parti ont été conviés se sont bornées à des réunions d’informations partielles, souvent sans rapport avec les annonces de l’exécutif qui ont suivi. Nous n’avons jamais, par exemple, eu connaissance des différents scenarii d’endiguement de la contagion ; pas plus que nous n’avons été consultés sur le maintien
du premier tour des élections municipales, contrairement à ce que vous avez pu affirmer à plusieurs reprises.

Vous ne pouvez exiger l’unité nationale sans, symétriquement, partager l’information et consulter avant la décision. L’unité nationale ne peut se confondre avec la décision unilatérale. Les droits du Parlement ne peuvent être réduits à l’approbation d’ordonnances aux périmètres larges, interdisant tout contrôle réel. Les
nouvelles technologies offrent des ressources qu’il est impératif de saisir. La crise n’implique pas moins de démocratie mais, au contraire, plus de démocratie. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, d’instaurer un conseil national de lutte contre le Covid-19 qui permette le dialogue et la consultation régulière des élus locaux et nationaux, de la majorité comme de l’opposition, voire des partenaires sociaux.

Nous sommes, à notre place, à la disposition du pays pour apporter notre part.

Signature

Olivier Faure

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.

Olivier FAURE
Premier secrétaire du Parti socialiste
Député de Seine-et-Marne »

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Politique

«Appel au Président de la République pour le confinement total de la population»

Voici le communiqué l’InterSyndicale Nationale des Internes dont le propos est clair,  précis et ferme, face à l’urgence de la situation. Tout le contraire du gouvernement qui tergiverse sans cesse, incapable d’interdire ne serait-ce que les footing, alors même que la plupart des sportifs professionnels ont eux-mêmes cessé tout entraînement extérieur depuis le début de la semaine. Il faut un confinement massif et total de la population, un point c’est tout…

« Appel au Président de la République pour le confinement total de la population

« Vous devez cesser les demi-mesures et les discours équivoques. »

Votre responsabilité est d’être clair, précis et ferme. C’est un confinement total et absolu de l’ensemble de la population dont nous avons besoin, à l’instar des mesures déployées en Chine : aucune sortie, aucun contact interpersonnel extérieur au foyer, arrêt strict de toutes les entreprises non vitales, des transports en commun, ravitaillement des familles au domicile par des personnels protégés intégralement et avec des masques FFP2.

« Moins le confinement sera strictement appliqué, plus les réanimations seront saturées, plus nous devrons faire des choix. »

La situation à l’hôpital ne doit pas être cachée à la population :

Depuis novembre 2019, les internes se sont ralliés à tous les corps professionnels hospitaliers pour alerter sur le manque de moyens, le manque de personnel, le management délétère qui se sont instaurés à l’hôpital public depuis des années.

Tous ces problèmes sont exacerbés par la crise sanitaire actuelle. Les cadres de santé refusent que les personnels paramédicaux soient testés en masse par crainte de manquer de bras dans les services, les soignants sont contraints de travailler alors qu’ils ou elles présentes tous les signes objectifs d’une infection à coronavirus.

Les internes de médecine sont sur-mobilisés et ont accepté de faire des sacrifices importants sur leur vie et leur formation pour se mettre en ordre de marche face à l’épidémie.

« La crise de l’hôpital public n’a pas disparu avec l’arrivée du coronavirus.

En novembre, nous redoutions l’épidémie de grippe qui pourtant arrive tous les ans, imaginez ce que l’on redoute maintenant ! »

Ne soyons pas dupes, le matériel manque dans tous les services. Les masques sont manquants ou rationnés conduisant les soignants à utiliser parfois des masques en tissu cousu main, des masques chirurgicaux non protecteurs, de ne les changer qu’au plus 2 ou 3 fois par jour ce qui est propice à l’auto-contamination. Le matériel de dépistage (écouvillon, machine de test) n’est pas disponible pour tester tous les cas et les personnels afin de pouvoir mener des stratégies correctes de prise en charge. Les personnels soignants sont déterminés à sauver la population, mais la colère est à son apogée contre les politiques qui ont dégradé depuis 10 ans, d’année en année, les capacités de notre système de santé et installé, aux fonctions hiérarchiques sanitaires des technocrates incompétents et assidus à l’application des restrictions budgétaires.

« Le message actuel des pouvoirs publics est : apprenez à gérer la pénurie… »

Nous tenons à alerter la population du fait qu’il n’y aura pas de places en réanimation pour tous les patients graves quel que soit leur âge : les médecins devront faire des choix humainement très difficiles. Les jeunes en bonne santé présentent des formes mortelles. A l’heure où nous écrivons, plus de 900 personnes COVID+ occupent des lits de réanimation alors qu’il n’y en a que 5000 dans tout le pays.

« Au rythme actuel de progression de l’épidémie en France, les réanimations seront saturées dans moins de 15 jours, voire plus rapidement dans certaines régions. »

Nous exhortons enfin le gouvernement à appliquer les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé et donc à investir dans des moyens pour mener un dépistage massif de toute la population !

Nous terminons cet appel par une requête adressée aux Françaises et Français. Nous apprécions vivement les démonstrations de soutien que vous manifestez par des applaudissements à vos fenêtres. Si vous souhaitez réellement protéger les soignants, nous vous invitons à respecter un confinement total, et ce même malgré l’ambiguïté des messages diffusés par le gouvernement.

« Restez chez vous : c’est le modeste prix à payer pour enrayer l’épidémie.

Nous vous sauvons, sauvez nous. »

Justin BREYSSE – Président de l’ISNI

Contact presse :

Léonard CORTI – Secrétaire général de l’ISNI

06.71.02.62.05 – sg@isni.fr »

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Politique

Emmanuel Macron déclare une guerre libérale au Covid-19

Comment préserver les mentalités françaises libérales-démocrates avec un défi exigeant un sens de l’organisation et de la discipline sans failles ? Le discours d’Emmanuel Macron du 16 mars 2020 laisse sur sa faim, la rhétorique guerrière restant sans esprit de décision et sans valeur populaire.

Emmanuel Macron a largement profité du caractère présidentiel du régime ; il en paie le prix avec deux erreurs magistrales. La première, c’est d’avoir maintenu le premier tour des municipales, ce qui a été considéré comme incompréhensible. Surtout que, maintenant, le second tour est repoussé, ce qui est anti-constitutionnel, puisqu’un second tour doit nécessairement se dérouler la semaine qui suit le premier.

La seconde erreur, c’est d’avoir considéré que la crise serait gérable comme un bon père de famille français. Le 7 mars, il appelait ainsi encore les gens à ne pas modifier leurs habitudes et à sortir comme si rien n’avait changé. Le 16 mars, il en est à parler de guerre.

Or, tout le monde le comprend tout de suite, la guerre c’est la guerre. Soit on y va, soit on y va pas. Une guerre est une mobilisation générale. Emmanuel Macron est un libéral, donc il a cherché à contourner la question au maximum.

Ainsi, si on ne se confine pas sauf exception, on risque une amende de… 38 euros. En Italie, c’est la prison, en Autriche des milliers d’euros d’amendes. Et depuis 48 heures, plusieurs médias distillent déjà l’annonce de confinement au moyen d’articles indirects, faisant passer le message de l’Élysée.

Les dénégations sont d’ailleurs assez ridicules. On a ainsi hier des colonnes de véhicules militaires de l’Armée de Terre qui sont arrivées à Paris, ainsi qu’un décret « relatif aux organismes susceptibles d’accueillir des militaires en affectation temporaire » émis dimanche par le gouvernement, après avoir été pris vendredi.

Malgré la mise en place du décret un dimanche, l’armée a démenti tout rapport avec la crise actuelle, ce décret étant selon elle prévu depuis 2019 :

« Ce décret n’a strictement rien à voir avec le Covid-19 et l’implication des forces armées. Il précise la situation administrative des militaires qui servent temporairement en dehors du ministère des Armées, pour les besoins du ministère des Armées. »

L’armée a toujours pris les gens pour des idiots. Cela tient d’autant moins qu’en plus, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un hôpital de campagne du service de santé des armées en Alsace, ainsi que l’emploi de l’armée pour transporter des malades vers d’autres hôpitaux.

Le choix est de toutes façons évident. Plus rien ne fonctionne réellement en France à part l’armée. Tout le reste est travaillé par le libéralisme économique et culturel. Notons que l’armée elle subit des coupes budgétaires massives en certains domaines, notamment la médecine. Mais niveau encadrement, elle est fonctionnelle.

En situation de crise, on a donc vite fait de passé de Bonaparte à Napoléon, du président au général, et inversement, tout se ressemblant tellement qu’on ne sait plus trop. Est-ce l’homme providentiel qui en appelle à l’armée ou l’inverse ?

Les Français, indisciplinés car pourris par le libéralisme, se soumettent historiquement aisément au patriarche et à l’armée. L’armée changeant le patriarche s’il le faut et ici Emmanuel Macron joue avec le feu. Contournant le pouvoir populaire – il est en effet pour le capitalisme – il est obligé de se soumettre à une logique d’État totalement en-dehors de son périmètre libéral.

L’armée va sortir renforcé de cette situation et un appel à une remise en ordre général va de plus en plus se faire entendre. Cela ne changera rien au libéralisme quotidien et cela ne dérangera pas les Français, qui ne font plus de politique depuis longtemps. Mais cela implique la mise en place d’un régime anti-démocratique, anti-populaire.

Toute personne de Gauche sait qu’Emmanuel Macron ne peut pas, en raison de son libéralisme, assumer des mesures collectives. La Gauche est faible, désorientée, incapable d’assumer quoi que ce soit. L’ombre de l’armée se profile alors…

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Politique

L’État français réagit à la crise du virus COVID-19

Évoquant la plus grande crise sanitaire en France depuis un siècle, Emmanuel Macron assumait hier soir la posture de l’homme d’État. Il a annoncé des mesures d’ampleur et prononcé un discours d’une grande portée adressée à la population pour « faire bloc » contre le virus COVID-19. La bourgeoisie, en tant que classe dominante, sait administrer un État et assumer la gestion d’une situation de crise, malgré ses faiblesses, malgré ses limites historiques.

La crise engendrée par le virus COVID-19 a déjà une portée historique tant les choses ont été bouleversées, notamment en Italie (827 morts) et en Chine (3172 morts). La France, avec déjà 61 morts, de nombreuses personnes en réanimation et 2876 cas confirmés, sait que l’épidémie est amenée à se développer dans le pays. Le personnel scientifique médical n’a aucun doute là-dessus.

Le président Emmanuel Macron a donc annoncé hier un saut dans la mobilisation contre la propagation de l’épidémie, avec des mesures d’une ampleur inédite :

  • les établissements scolaires et les crèches seront fermées dès lundi et ce jusqu’à nouvel ordre ;
  • un service minimum pour la garde des enfants des personnels soignants sera assuré ;
  • il est expressément demandé à la population d’éviter les transports en commun dans la mesure du possible ;
  • les personnes de plus de 70 ans et les plus fragiles sont incitées à rester confinées ;
  • les entreprises peuvent sans justification suspendre le paiement de leurs charges sociales du mois de mars ;
  • des mesures de prise en charge du chômage techniques sont annoncées ;
  • la trêve hivernale (pour le logement) est repoussée de deux mois.

Rappelons d’ailleurs ici les mesures sanitaires, essentielles, qui ont été redites hier, et qui ne sont encore pas suffisamment respectées, voir pas du tout :

  • ne pas se serrer la main ni se faire la bise ;
  • se tenir le plus possible à un mètre les uns des autres dans le cadre public ;
  • se laver soigneusement les mains plusieurs fois par jour.

Le discours du président de la république va cependant provoquer un électrochoc et, dès demain, un nouveau cap sera franchi dans la prise de conscience collective de la crise en cours. C’est que l’État, n’étant pas une entité abstraite, « totalitaire », mais un mode d’administration de la société, a un rôle réel et d’autant plus concret dans une telle situation de crise. Sa voix porte, ses décisions ont une portée.

Les préfectures assument déjà depuis plusieurs semaines dans certains départements des mesures d’exception, notamment en ce qui concerne le sport. La tenue à huis-clos du match de Ligue des champions du Paris Saint-Germain avant-hier a particulièrement marqué les esprits, mais il y a également tout un tas de compétition sportives amateurs annulées partout en France depuis plus de deux semaines.

Cela va continuer et les fédérations de basketball et de football ont d’ores et déjà annoncées hier que toutes les compétitions étaient suspendues, ainsi que les entraînements, ce qui a un impact énorme dans le quotidien de la jeunesse, notamment populaire, et des parents.

Emmanuel Macron, pourtant grand défenseur du libéralisme, a même évoqué hier la possibilité d’une fermeture des frontières, ce qui d’ailleurs aurait pu ou dû être assumé bien plus tôt. Parlant d’« union sacrée », il a également fait appel à « la discipline individuelle et collective », pourtant tant honnie en France, pays du je-m’en-foutisme érigé en art-de-vivre.

C’est que la crise est profonde et il faut pour cela une force sociale solide et profondément établie pour y remédier, ou en tous cas tenter de le faire. La Gauche doit assumer ce niveau d’exigence.

Une crise comme celle du virus COVID-19 montre bien à quel point tout est une question de direction, de capacité à gouverner, d’affirmation d’un appareil d’État dans un sens démocratique, populaire. Ce qui exige une Gauche de haut niveau, sur la base de ses acquis historiques, avec un peuple mobilisé, sur une base démocratique.

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Écologie

Le libéralisme d’Emmanuel Macron ne peut rien contre la pollution de la vallée de l’Arve au pied du Mont-Blanc

Emmanuel Macron est en visite autour du Mont-Blanc pour parler d’écologie et annoncer des mesures, alors que le « Conseil de défense écologique » s’est réuni pour la quatrième fois de son mandat hier. Cependant, concrètement, le président se montre incapable d’apporter une réponse immédiate et efficace à la terrible pollution de la vallée de l’Arve, au pied du Mont-Blanc. La raison ? Son libéralisme économique, mais aussi culturel.

Le choix fait par Emmanuel Macron de se rendre dans la région du Mont-Blanc pour parler d’écologie est tout à fait pertinent. Il y a condensé là-bas de nombreux effets de la catastrophe écologique en cours. Il a donné une longue interview dans la presse locale, en l’occurrence dans le Dauphiné, qui s’intéresse beaucoup à sa visite de la Mer de Glace, marqueur hautement symbolique du réchauffement climatique.

Forcément, une question concrète à propos de la pollution de la vallée de l’Arve était inévitable dans l’interview. Il faut rappeler que cette vallée, constituée de quelques communes très peuplées et industrielles au pied du Mont-Blanc, est l’un des endroits les plus pollués de France. Un dramatique pic de pollution persistant 36 jours avait marqué les esprits pendant l’hiver 2016/2017, et depuis rien n’a vraiment changé.

La question du Dauphiné à Emmanuel Macron est présentée comme étant celle d’un enfant et correspond tout à fait à la préoccupation des gens sur place :

« Que répondez-vous à Lilian, 6 ans, domicilié à Passy, qui vous demande : pourquoi je n’ai pas le droit de courir et pourquoi les camions ont le droit de rouler ? »

Voici la longue réponse que fait Emmanuel Macron, qui est très intéressante car tout à fait typique de sa façon d’aborder l’écologie :

« Je connais cette situation, je suis allé dans la vallée de l’Arve. C’est un sujet de santé publique, les enfants de Fourvière [à Lyon] vivent aussi cela. Il n’y a pas de solution miracle, il faut un changement profond. Les premiers résultats sont en train de payer, on est en train d’infléchir la courbe, ce qui n’a pas été fait depuis des années. Il a raison ce jeune garçon, sa question est pleine de bon sens et très forte.

Je ne peux pas interdire aux camions de passer, si je le fais, cela veut dire que je coupe la frontière, comme je ne peux pas couper le tunnel de Fourvière [à Lyon] le jour de retours de congés scolaires.

Il faut continuer la politique que nous avons commencé, le renouvellement du parc de camions et aussi la taxation des vieux camions qui polluent là où ils passent et en particulier dans la vallée.

La lutte contre les émissions par les transports, c’est une politique européenne pour laquelle je me bats. Si j’impose ce renouvellement seulement aux camions de la région, je les tue, car des camions viendront d’Espagne ou de Roumanie.

La question est comment on oblige tous les roulants en Europe à renouveler leur parc pour aller vers de nouvelles générations de camions beaucoup moins polluants.

Il faut aussi accélérer le renouvellement de tous les véhicules avec la prime à la conversion,  pour que les habitants du bassin de l’Arve puissent eux aussi en changer. Et enfin, cela passe aussi par le renouvellement des chaudières. C’est un ensemble et cela requiert une mobilisation de tous, de l’Etat et des collectivités territoriales.  Il faut continuer à agir en transparence avec les associations. »

Ce raisonnement d’Emmanuel Macron est celui du libéralisme, qui dit qu’il ne faut surtout pas perturber le capitalisme, seulement l’accompagner petit à petit. En l’occurrence, la circulation massive et rapide des marchandises, en flux tendu, est devenue indispensable pour les entreprises, y compris pour les PME. Emmanuel Macron explique donc à Lilian, 6 ans, que les camions sont intouchables et qu’ils doivent avoir le droit de rouler, tant pis si cela l’empêche de courir en raison de la pollution.

Il existe des solutions pourtant, comme le report par ferroutage (des camions sur des trains pour traverser la montagne). Cependant, cela est inacceptable pour le capitalisme, car cela requiert de la planification… ce dont il est incapable de part la nature de son fonctionnement : des entreprises séparées les unes des autres se faisant concurrence et devant en permanence chercher à réduire les coûts, notamment en faisant circuler les marchandises rapidement.

On a donc une contradiction énorme entre la population, incarnée ici par la question de Lilan, 6 ans, et l’économie capitaliste. La population demande tout simplement à ce que les camions ne roulent plus, pour ne pas polluer son air. Les personnes les plus averties sur le sujet connaissant même concrètement des solutions alternatives permettant aux marchandises d’éviter la vallée. Le capitalisme ne peut cependant pas accepter cela, comme l’explique Emmanuel Macron, en bon libéral.

Il faut noter également de manière très intéressante ici que le libéralisme économique va de pair avec le libéralisme culturel. C’est la même chose, la même idéologie, avec les mêmes conséquences pour la population.

En effet, il y a un autre aspect encore plus important que la circulation des camions en ce qui concerne la pollution de la vallée de l’Arve : c’est la pollution générée par le chauffage au bois. Les scientifiques connaissent très bien ce problème et expliquent que la part la plus importante de la pollution dans la vallée provient de la combustion de biomasse, surtout lors des pics de pollution.

Emmanuel Macron le sait très bien car c’est connu, et d’ailleurs il évoque le renouvellement des chaudières dans sa réponse. Seulement, il se garde bien d’en parler concrètement, alors que c’est au cœur du problème soulevé par la question qui lui est posée.

Le libéralisme culturel ici ne veut surtout pas s’affronter aux pratiques individuelles en prônant de réelles mesures contre les feux de cheminée.

On a donc des habitations sur les montagnes, dont beaucoup de chalets bourgeois occupés surtout pour les vacances d’hiver, qui polluent avec leurs cheminées, et des habitants de la vallée, dont beaucoup d’ouvriers, qui en subissent les conséquences dramatiques.

Un « plan » existe pour changer les équipements, mais c’est très faible, mal évalué… et pas forcément efficace puisque des systèmes de chauffage restant polluants font quand même partie du plan de renouvellement.

Il s’agirait pourtant d’interdire purement et simplement les feux de cheminée, et pas simplement en foyer ouvert, tellement l’effet des particules fines qu’ils émettent est dévastateur. Les particules fines des feux de cheminée sont bien plus nombreuses que celles des camions.

Si le chauffage au bois reste éventuellement incontournable dans un premier temps pour certains logements isolés, il ne peut être acceptable qu’avec les technologies les plus récentes permettant le meilleur rendement possible, comme des poêles à granule parfaitement réglés. La question qui se pose cependant est celle de la pertinence de l’habitat individuel et isolé.

Il est beaucoup plus facile et efficace de bien chauffer de l’habitat collectif. Il existe d’ailleurs dans la vallée de l’Arve un système performant via des canalisations d’eau chauffée. Cela est d’autant plus intéressant que dans la région, l’électricité alimentant la chaudière centralisée (chauffant plus de 3000 habitants) n’est pas le nucléaire, mais l’hydroélectricité.

Seul un puissant mouvement démocratique et populaire parviendra à prendre de telles mesures, pour lutter concrètement et immédiatement contre la pollution de la vallée de l’Arve, et de toute la planète. Ce mouvement devra faire face au libéralisme économique qui ne veut pas empêcher les camions de rouler, mais aussi au libéralisme culturel qui maintient le chauffage au bois.

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Setsuko Thurlow, survivante d’Hiroshima, répond à Emmanuel Macron sur l’arme nucléaire

Setsuko Thurlow est une survivante du bombardement atomique d’Hiroshima au Japon le 6 août 1945. Figure de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (Ican), elle répond dans une lettre ouverte (initialement publiée dans Libération) à Emmanuel Macron et son discours de vendredi dernier assumant l’arme atomique.

« Le président Emmanuel Macron a prononcé aujourd’hui un discours sur les centaines d’armes nucléaires de la France, refusant le désarmement nucléaire et invoquant le manque de réalisme des efforts en vue de les abolir au niveau mondial. Mais il n’a jamais fait l’expérience de l’inhumanité absolue de ces armes. Moi, oui. Et j’ai passé ma vie entière à avertir le monde de la menace réelle que ces armes posent, et à faire comprendre l’illégalité et le mal ultime qu’elles représentent.

Le président Macron n’a pas répondu à ma demande de le rencontrer à Paris la semaine prochaine afin de partager avec lui les réalités de ce que sont les armes nucléaires et de ce qu’elles font aux personnes et à l’environnement. Mais les Français, et notamment les jeunes, méritent de connaître l’entière vérité sur les armes nucléaires.

En août prochain, cela fera 75 ans que les Etats-Unis ont complètement anéanti ma ville natale, Hiroshima. J’avais 13 ans. À 8h15, j’ai vu par la fenêtre un éclair aveuglant, blanc bleuté. Je me souviens d’avoir eu la sensation de flotter dans l’air.

Alors que je reprenais conscience dans un silence total et une profonde obscurité, je me suis retrouvée prise au piège du bâtiment qui s’était effondré sur moi. J’ai commencé à entendre les cris faibles de mes camarades de classe : «Maman, aide-moi. Dieu, aide-moi.» Alors que je sortais en rampant, les ruines étaient en feu. La plupart de mes camarades de classe ont été brûlés vifs. J’ai vu tout autour de moi une dévastation totale, inimaginable.

Des processions de figures fantomatiques se sont mises à défiler. Des personnes grotesquement blessées saignaient, brûlées, noires et enflées. Des parties de leurs corps avaient disparu. Leur chair et leur peau pendaient, laissant leurs os à. vif. Certains tenaient leurs yeux dans leurs mains. D’autres, le ventre ouvert, les intestins pendants. La puanteur nauséabonde de la chair humaine brûlée remplissait l’air.

Chaque fois que je me souviens d’Hiroshima, la première image qui me vient à l’esprit est celle d’Eiji, mon neveu de 4 ans. Son petit corps a été transformé en un morceau de chair fondue méconnaissable. Il n’a cessé de mendier de l’eau, d’une voix faible, jusqu’à ce que la mort le libère de son agonie.

Ainsi, avec une bombe atomique, ma ville bien-aimée a été anéantie. La plupart de ses habitants étaient des civils – parmi eux, des membres de ma propre famille et 351 de mes camarades de classe – qui ont été incinérés, vaporisés, carbonisés. Dans les semaines, les mois et les années qui ont suivi, des milliers d’autres personnes sont mortes, souvent de façon aléatoire et mystérieuse, des effets à retardement des radiations. Aujourd’hui encore, les radiations tuent des survivants.

Monsieur le président Macron, vous voulez maintenir et moderniser des centaines de ces armes inhumaines, instruments de génocide, qui menacent d’indicibles souffrances tous les êtres vivants ? Il est profondément naïf de croire que le monde peut conserver indéfiniment des armes nucléaires sans qu’elles ne soient à nouveau utilisées. Toute utilisation d’arme nucléaire serait contraire aux règles et aux principes du droit international humanitaire. En perpétuant le mythe de la dissuasion, en en faisant un élément central de la politique de défense de la France, en investissant massivement dans ces armes (à hauteur de 37 milliards pour les cinq prochaines années), vous mettez en péril la sécurité européenne ; vous mettez en péril la sécurité mondiale. Soyez réaliste.

Chère France, vous pouvez faire un autre choix.

En 2017, j’ai accepté le prix Nobel de la paix au nom de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires – distinction obtenue pour le travail que nous avons accompli avec l’adoption de la première interdiction juridique internationale des armes nucléaires, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. A ce jour, 35 Etats ont ratifié ce traité et 81 l’ont signé.

Près de 20 villes françaises, dont Paris et Grenoble, ainsi que des dizaines d’élus français appellent la France à adhérer à ce traité et à s’engager sur la voie d’un monde sans armes nucléaires. La jeunesse française, cette nouvelle génération, a compris la menace inacceptable que représentent les armes nucléaires pour l’humanité. Selon un sondage publié en janvier par le Comité international de la Croix-Rouge, 81% des «milléniaux» pensent que l’utilisation des armes nucléaires n’est jamais acceptable. Et la semaine prochaine, des centaines d’étudiants et des militants se réuniront à Paris pour une conférence sur l’abolition des armes nucléaires.

Comme l’a déclaré le pape François à Nagasaki en novembre dernier, l’histoire jugera sévèrement les dirigeants qui rejettent le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et qui, au contraire, prononcent des discours à la gloire de leurs armes atomiques conçues avec l’intention de commettre une tuerie de masse. Les théories abstraites ne doivent plus masquer la réalité génocidaire de ces pratiques. Ne considérons la «dissuasion» comme rien d’autre que ce qu’elle n’est : la mise en péril certaine des peuples. N’acceptons plus d’avoir cette épée de Damoclès nucléaire au-dessus de nos têtes.

Monsieur le président Emmanuel Macron, vos stratèges de la défense ont peut-être étudié la théorie nucléaire, mais j’ai moi-même fait l’expérience bien réelle de l’enfer atomique. Vous devez choisir un avenir meilleur pour la France et pour l’Europe. Adhérez au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, et éradiquez à jamais la menace de l’anéantissement nucléaire. »