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Guerre

Joe Biden ou comment Wilmington entend prendre la tête du monde

Depuis sa résidence, basée dans la petite ville des principaux sièges sociaux des ogres du capitalisme américain, le président élu Joe Biden a indiqué que son pays était prêt à conduire le monde. C’est naturellement vers la guerre contre la Chine que les États-Unis se dirigent.

Les États-Unis sont une superpuissance qui disposent de l’hégémonie à l’échelle mondiale depuis 1989 et comme ils sont au premier plan dans le capitalisme mondial, ils sont terriblement frappés par la crise ouverte à la fin de l’année 2019. Cela n’a fait qu’accélérer la considération qu’il fallait démanteler la Chine avant que celle-ci ne parvienne à un équilibre stratégique.

Donald Trump a représenté l’avènement de cette ligne et il serait erroné de penser que Joe Biden, le président élu, changera d’orientation. Celle-ci découle de la situation. Que voit-on d’ailleurs le 24 novembre 2020, alors que Joe Biden a nommé ses prochains secrétaire d’État, secrétaire de la sécurité intérieure du pays, conseiller de la sécurité nationale et envoyé spécial présidentiel pour le climat ? Qu’a-t-il dit ?

America is back

Joe Biden a dit : les États-Unis sont de retour (« America is back »). Ces propos ont été formulés en présentant son équipe dans la petite ville de Wilmington où il réside. Voici la phrase entière :

« C’est une équipe qui reflète que les États-Unis sont de retour, prêts à mener le monde [=to lead the world], pas à s’en retirer, à s’asseoir encore une fois à la table, prêt à se confronter à ses adversaires et pas à rejeter ses alliés, prêts à se lever pour défendre ses valeurs. »

C’est là ouvertement agressif. Les commentateurs américains ont tous compris d’ailleurs que cela signifiait que Joe Biden allait constituer un front pour pratiquer le rentre-dedans. Il n’est de toutes façons qu’une marionnette pour le complexe militaro-industriel américain et un pur produit du capitalisme américain : il est élu sénateur en 1972 ! Et pas n’importe où, au Delaware…

Le Delaware et Wilmington comme capitale des sièges sociaux des grandes entreprises américaines

Regardons ce qu’est Wilmington, où Joe Biden habite depuis la fin des années 1960 et où il a tenu sa conférence de presse, puisqu’il ne sera président que le 20 janvier. C’est une petite ville, de 70 000 habitants, mais la plus grande du Delaware, État américain qui sert de paradis fiscal. Elle héberge ainsi de nombreux sièges sociaux… beaucoup de sièges sociaux !

On a ainsi ceux de deux géants de la chimie : DuPont et Hercules Inc ; on a Alphabet qui est en fait le conglomérat Google, The Home Depot qui est un géant également dans la distribution d’équipement de maison. On a Kimberly-Clark, le groupe financier Wells Fargo, le conglomérat United Technologies, le laboratoire pharmaceutique Gilead Sciences, etc.

Si l’on prend les 500 plus grandes entreprises américaines, 60 % d’entre elles ont leur siège social à Wilmington !

Joe Biden, c’est l’homme de Wilmington, directement façonné par Wilmington, alors que Donald Trump était un animateur télé qui a réussi à animer les foules en faveur de la frange la plus agressive. Le déséquilibre est désormais terminé, mais pas aux dépens de la frange la plus agressive, c’est au contraire l’ensemble du capitalisme américain qui dit désormais : d’accord, on va au conflit, mais en gérant tous ensemble et comme on l’a toujours fait, et en essayant si possible de limiter la casse.

La tendance à la guerre va s’accélérer

Ce que va faire Joe Biden, c’est constituer un front et commencer à faire en sorte que les États-Unis interviennent avec d’autres, pour rétablir l’équilibre en sa faveur. L’idée est de compenser les faiblesses en pratiquant des alliances, là où Donald Trump représentait la ligne du cavalier seul. Non seulement cela ne suffira pas, mais en plus cela va ajouter de l’huile sur le feu de la bataille pour le repartage du monde.

Cela va bien entendu changer beaucoup de choses en France également. La ligne de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon, consistant en un appel au cavalier seul, perd alors beaucoup de valeur, puisque désormais la France peut tout naturellement s’aligner sur l’initiative américaine, maintenant ouverte aux alliances. Sans le savoir, la France vient de connaître un tournant : c’est un alignement direct sur la superpuissance américaine qui se profile.

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Culture

Point Limite de Sidney Lumet et La Bombe de Peter Watkins

En 1962 a lieu la crise des missiles de Cuba, un des points d’orgue des tensions entre les deux blocs de la guerre froide. Cela a profondément marqué le monde, et en particulier la population des États-Unis, leur faisant pleinement prendre conscience du risque d’une nouvelle guerre mondiale, celle-ci devant prendre la forme d’une guerre thermonucléaire.

Ce n’est donc pas un hasard si deux ans plus tard sortent coup sur coup deux films qui s’emparent du sujet de l’arme nuclaire : Docteur Folamour (Dr. Strangelove) de Stanley Kubrick et Point Limite (Fail Safe), de Sidney Lumet. Le premier ayant d’ailleurs intenté un procès au second afin de pouvoir sortir son film en premier.

En 1964 Sidney Lumet a déjà quelques réalisations de long métrage à son actif, et de beaux succès avec des films comme Douze Hommes en colère (1957) ou L’homme à la peau de serpent (1960). 

Point Limite est une adaptation du roman Fail Safe écrit par Eugene Burdick et Harvey Wheeler. Le scénario adapté est signé Walter Bernstein, auteur engagé qui figura sur la liste noire du cinéma durant le Maccarthysme des années 50, époque où il fit sa première collaboration avec Sidney Lumet pour la télévision sur la série Danger (où il n’est donc pas crédité). C’est également lui qui sera à l’écriture quelques années plus tard de Traître sur commande, réalisé par Martin Ritt.

Si Douze Hommes en colère est encore aujourd’hui le film le plus connu de son réalisateur il partage un certain nombre de points communs avec Point Limite

Sans aller aussi loin dans le huis clos, après une présentation de quelques-uns des principaux protagonistes, Point Limite ne se passe plus que dans quelques lieux clos : le cockpit d’un avion de guerre, la salle de réunion des hauts gradés militaires, la salle du téléphone rouge du Président… 

Ainsi si le thème du film est l’arme nucléaire et toute la mécanique et machinerie qui peut mener à une guerre thermonucléaire, la caméra de Sidney Lumet est centré sur des humains. Mais des humains sans cesse divisés, séparés, qui communiquent davantage par téléphone et radio qu’en contact direct. 

Tout le talent de mise en scène Sidney Lumet permet alors, à partir de rien (deux acteurs et un téléphone par exemple), d’exprimer un universalisme teinté de mélancolie d’une rare puissance, par l’écriture, par la direction d’acteur ainsi que par le cadrage et le jeu sur les ombres, séparant les acteurs pour mieux les réunir et les laisser s’exprimer leur plus profonde humanité.

Un autre point commun entre les deux films est qu’on retrouve ici, dans le rôle de président des États-Unis, l’acteur Henry Fonda, déjà présent dans Douze hommes en colère avec un personnage similaire, épris de moral, de justice et de valeurs démocratiques. 

Certaines scènes sont d’ailleurs d’un tel niveau d’humanité, de fraternité qu’on peut être étonné de les voir se tenir au plus haut sommet de l’État et de l’armée. Cela n’enlève néanmoins rien à la portée du film, qui présente également son lot de personnages cyniques et guerriers. 

La séquence d’ouverture qui nous présente quatre des protagonistes a d’ailleurs une grande importance dans la tension dramatique du film. On découvre alors des individus à la rupture, en prise avec les maux et la violence de la société. Avant de découvrir qu’il s’agit de personnes très haut placées qui vont devoir gérer une des plus graves crises de l’humanité. C’est une brève incursion dans le réalisme de la société de l’époque, avant de pénétrer dans un environnement bureaucratique cloisonné et policé.

Il est d’ailleurs à noter que pour ce qui est des décors l’armée américaine a refusé d’apporter tout aide au film, Sidney Lumet et son équipe ont ainsi du se débrouiller pour imaginer et mettre en scène les différentes pièces, les écrans de surveillance, les avions, pour un résultat qui fonctionne parfaitement.

On peut ainsi voir Point Limite comme une prolongation de Douze hommes en colère, le vertueux personnage d’Henry Fonda est devenu président des États-Unis, et il ne s’agit plus de débattre et décider d’un parricide et de la vie et mort d’un accusé, mais de celle de l’humanité tout entière. 

Film intemporel, ce film à suspens fait encore écho aujourd’hui, de par son humanisme et son universalisme, et car la menace d’une apocalypse nucléaire continue de peser sur tous les êtres vivants de la planète soixante.

Un an plus tard, en 1965, sort le film La Bombe (The War Game) de Peter Watkins. Il s’agit d’un documentaire-fiction commandé par la chaîne anglaise BBC imaginant ce qui se passerait en cas d’attaque nucléaire sur l’Angleterre. 

Devant la teneur du film, très documenté (basé entre autre sur l’étude des bombardements de Dresde, Londres, Tokyo, Hiroshima, Nagasaki…), réaliste et donc terrifiant, la chaîne voulu annuler sa diffusion, mais en raison d’un flou dans le contrat de production il put malgré tout sortir en salle où il rencontra un franc succès aussi bien public que critique.

On y suit  le déroulement d’une attaque nucléaire, des instants qui précèdent, comment s’y préparer (ou plutôt comment on ne peut pas s’y préparer), à l’attaque en elle-même et ses terribles conséquences.

Peter Watkins, réalisateur résolument pacifiste et engagé (il tournera plus tard Punishment Park), en fait un documentaire acerbe, où il n’épargne rien au spectateur, lui rappelant que cette fiction pourrait bien tourner en réalité et toute l’horreur l’accompagnant.

Car il ne s’agit pas ici d’un soldat qui va mourir à la guerre pour des intérêts impérialistes, tout aussi barbare que cela soit, mais de l’anéantissement de famille entière, de toute une population. 

Au-delà du thème nucléaire qui réunit ces deux films, ce qui ressort de ces deux visionnages c’est l’impression d’inéluctabilité d’une telle guerre tant que ces armes existent. 

Point Limite suit ainsi une trame scénaristique très déterministe. Aussi important soit les protagonistes il n’est plus question de choix, de libre arbitre. C’est d’ailleurs pour cela que la crédibilité des vertus morales du Président et de ses conseillers importe peu. Le mal est déjà fait, c’est tout un système qui est à l’œuvre, et le grade ne vaut alors plus grand chose face à la marche de l’histoire.

On retrouve ce sentiment devant La bombe, si une telle guerre venait à être déclenchée, il serait déjà trop tard pour espérer quoi que ce soit.

Ce sont ainsi deux films très importants, qui portent en eux une urgence pacifiste et universaliste qui résonne encore aujourd’hui.

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Politique

Joe Biden président des États-Unis, à coup de milliards

Les États-Unis sont un monstre anti-démocratique aux mains des grandes entreprises et du complexe militaro-industriel. Joe Biden, le président élu, n’est qu’une marionnette de plus.

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Il suffit de voir les investissements dans la propagande électorale pour comprendre à quel point les élections américaines de 2020 relèvent de la face anti-démocratique. Les états-majors démocrate et républicain ont investi, pour les élections à la présidence et au congrès, quatorze milliards de dollars. Et encore parle-t-on ici de ce qui est légal.

On se doute en effet que – il suffit de voir l’histoire américaine pour s’en apercevoir – il faut ajouter à cela d’innombrables magouilles, notamment par l’intermédiaire des mafias. Si Donald Trump peut aussi facilement accuser les démocrates de tromperies, de bourrages d’urne, c’est en raison de cet arrière-plan, par ailleurs typiques des grands centres urbains où ne vivent pas les soutiens de Donald Trump et où ils ne veulent surtout pas vivre.

Là est bien le problème, d’ailleurs : les villes sont remplies de gens abrutis par le libéralisme libertaire, profitant d’une manière ou d’une autre de la « mondialisation », les campagnes sont elles remplies de gens terre à terre mais ayant basculé dans un style beauf pour tenir face à la pression de l’isolement. D’un côté, le relativisme, la décadence, les LGBTQ+… de l’autre, la Bible, le fusil et la mécanique des grosses voitures. D’un côté, le post-modernisme, de l’autre le patriarcat entre style redneck et hipster.

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Les États-Unis sont un excellent exemple de capitalisme entièrement libre dans son expansion et il n’est pas bien difficile de voir qu’on a en France quelque chose de toujours plus proches, même si heureusement la lutte des classes bien plus âpre a posé des frontières par endroits. Les États-Unis se précipitent d’autant plus massivement dans la crise qu’ils sont incapables de faire face à une crise sanitaire en raison de leur système de santé capitaliste et de leur société atomisée.

Joe Biden ne changera rien à cela et, de toutes façons, les décisions sont prises au niveau stratégique, pas simplement par un président qui ne représente qu’un style, une approche. Le Pentagone, voilà la véritable maison blanche et les États-Unis n’ont de toutes façons pas d’autre stratégie que d’aller au conflit avec son challenger, la Chine, avant que celle-ci n’ait les moyens de prendre sa place pour l’hégémonie mondiale.

Cela est tellement vrai que Donald Trump peut encore ajouter de l’huile sur le feu, car il sait que la tendance américaine est au militarisme, à la centralisation, à la mobilisation générale, au nationalisme. En fait, les États-Unis rencontrent pour la première fois de leur histoire une véritable crise, touchant tout le pays, toute la nature de ce pays. Le capitalisme mondial est en crise et son bastion depuis 1918, forcément, est aux premières loges.

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L’effondrement de l’empire américain est donc inévitable et malheureusement, il n’y a pas de Gauche. En soutenant Joe Biden, Bernie Sanders a littéralement tué la Gauche américaine, qui s’est mise définitivement à la remorque des Démocrates, qui sont l’équivalent de LREM avec Emmanuel Macron, en moins social encore. Les « postmodernes » ont joué ici un rôle extrêmement négatif, avec leur libéralisme libertaire happant toute une partie de la jeunesse s’imaginant œuvrer pour la bonne cause et contribuant en réalité à l’atomisation et à la négation de la lutte des classes.

Il va falloir pour la Gauche américaine parvenir à s’affirmer comme troisième force, comme elle a su le faire jusqu’au début du 20e siècle. Mais les efforts à fournir sont gigantesques et on est plutôt parti pour une implosion des États-Unis avant que cela n’arrive… On se dit alors qu’il ne faut pas attendre des États-Unis qu’il en ressorte quelque chose de positif pouvant contribuer à notre processus en France.

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Guerre

Comment la crise emporte l’empire américain

Le peuple américain produit une vaste culture, mais il est emprisonné et aliéné par un capitalisme d’une terrible brutalité, avec en son cœur un complexe militaro-industriel et carcéral. Avec la crise s’étant ouverte en 2020, il va à un destin similaire à celui de l’URSS.

Dans les années 1970-1980, l’URSS était la principale force militaire mondiale, d’une incroyable agressivité, avec un complexe militaro-industriel engloutissant les richesses et réformant tout le pays pour le placer sur la ligne de la mobilisation générale pour l’expansion. De l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 à celle de l’Afghanistan en 1979, en passant par le soutien à l’invasion vietnamienne du Cambodge, l’URSS a mis tout en œuvre pour s’imposer mondialement.

On sait ce qu’il en advint. Et c’est pareil pour les États-Unis. La crise a montré que ce pays, dont le peuple est entreprenant, d’une grande richesse dans ses activités… est en déclin parce que sa base est totalement pourrie. Le personnel politique est totalement corrompu depuis un siècle, un long siècle où les États-Unis ont pu asseoir une hégémonie mondiale, sans contestation intérieure à part dans les années 1960-1970, et encore seulement dans certains secteurs, et en tout cas certainement pas de la part des ouvriers.

Gouverneurs vendus aux grandes entreprises, mafias largement présentes dans la société, ultra-violence avec les gangs et un immense système carcéral, complexe militaro-industriel omniprésent… le rêve américain est un cauchemar.

Les Etats-Unis, bastion du capitalisme modernisateur

Depuis l’écrasement du mouvement ouvrier par l’ultra-violence au début du 20e siècle, les États-Unis ont été le bastion du capitalisme se modernisant en permanence, systématisant l’expansion à de nouveaux domaines. Le travail à la chaîne des usines d’automobiles ne fait d’ailleurs que prolonger les immenses productions de viande qui forment l’un des premiers, si ce n’est le premier maillon d’une longue chaîne infernale.

Consommation élargie, aliénation élargie, soumission à cette aliénation au nom de l’acceptation d’un mode de vie beauf… Les ouvriers se sont fait entraînés dans un processus les brisant physiquement et moralement. Les États-Unis ont été le modèle de l’asservissement des larges masses par la consommation, de leur propre participation à leur exploitation.

Pense-t-on alors réellement que l’alternative Joe Biden ou Donald Trump change quelque chose avec un tel arrière-plan ? Comme si Barack Obama avait lui-même changé quoi que ce soit au fait que les États-Unis sont une puissance avec des bases militaires dans le monde entier, avec un capitalisme présent partout, le tout avec une démesure impériale !

Obama ou Trump, il y a Guantanamo. C’est cela la réalité, le reste est de la poudre aux yeux. En France on a également régulièrement dénoncé tel ou tel président américain en les traitant d’idiots, comme pour l’invasion de l’Irak. C’est là ne rien comprendre au fait que les États-Unis défendent leurs intérêts et que la question n’est pas l’intelligence ou la stupidité. Ce ne sont pas les présidents qui décident, mais des stratégies élaborées, notamment au Pentagone, que les présidents accompagnent.

La crise emporte les Etats-Unis

Tout cela apparaît d’autant plus clairement que la crise est en train d’emporter le capitalisme en général et l’empire américain en particulier. La crise a provoqué la fracturation du pays, donnant naissance à un antagonisme jamais vu depuis cent ans. Pour la première fois depuis cent ans, il y a deux visions du monde s’affrontant de manière frontale, reconnue, au lieu d’une pacification complète sur la base de la consommation généralisée et de la Bible, de l’expansionnisme et de l’aliénation.

Les États-Unis ne peuvent plus se sortir de cette situation. Leur seule orientation est de toutes façons l’affrontement avec la Chine, une superpuissance en devenir ayant l’ambition de prendre la place de numéro 1 pour les années 2030-2035. Profitant d’un capitalisme d’État exerçant une pression fasciste sur les gens, les ambitions chinoises sont agressives et militarisées, ouvertement conflictuelles malgré un discours pseudo-tiers-mondiste.

Les États-Unis sont donc obligés d’être toujours plus crispés, toujours plus agressifs, pour maintenir leur place hégémoniste dans le monde. Cela va accentuer leur effondrement : c’est la fin de l’empire américain.

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Culture Guerre

L’incontournable téléfilm Le Jour d’après (1983), manifeste de gauche

C’est un téléfilm – largement de la qualité d’un film d’ailleurs – qui sera vu une fois dans sa vie et il y aura alors un avant et un après. Impossible de rester pareil après un tel film et d’ailleurs il est à proscrire chez les moins de 18 ans, même si l’atmosphère générale n’est pas celle des années 1980, même si on y revient. C’est qu’entièrement réaliste dans sa dimension portraitiste, Le jour d’après expose une chose simple : le jour d’après, c’est-à-dire le jour d’avant et le jour d’après le déclenchement de la troisième guerre mondiale entre les monstres américain et soviétique.

Le film est très clairement sur une base de Gauche, de la manière la plus claire au sens de la manière la plus vraie. Ce sont les faits qui sont montrés, avec un passage du portrait de la vie réelle et quotidienne d’Américains loin des grands centres comme New York à la présentation de leur condition le jour d’après. On voit le peuple avec les yeux du peuple dans la réalité du peuple.

La chaîne ABC – où le film fut diffusé le 20 novembre 1983 devant cent millions d’Américains absolument emportés – mit un maximum de bâtons dans les roues à la production,ayant même à un moment éjecté le réalisateur, Nicholas Meyer, tout en réussissant à procéder à de multiples coupes. Pourtant la chaîne fit en même temps la promotion du film, assumant par là-même d’être en conflit avec le Pentagone qui évidemment exigeait non pas une dénonciation de la guerre, mais de l’URSS.

On se doute, en effet, que le film met dos à dos États-Unis et URSS, soulignant bien leur rôle moteur dans l’élan à la guerre. Le réalisateur fut naturellement dénoncé comme un « traître » par les propagandistes acharnés du militarisme et du nationalisme impérialiste.

Il est vrai qu’ABC produisit dans la foulée, pour se rattraper, la série Amerika, qui se déroule dix ans après la prise du contrôle des États-Unis par l’URSS et la perte générale des « libertés », afin de relancer la machine de propagande en faveur de la guerre. Mais que Le jour d’après ait pu être diffusé en dit long sur la contradiction principale aux États-Unis alors, avec un complexe militaro-industriel qui, tout comme celui d’URSS, poussait à la militarisation et au conflit, et une société voyant bien qu’elle se faisait embarquer dans un projet criminel et fou.

Le film est littéralement admirable dans la mesure où il montre que pour les Américains, le patriotisme américain est lié à la réalité quotidienne et ne consiste pas en une abstraction : l’opposition entre le peuple et un État entièrement séparé de lui est limpide, le rapport au drapeau américain dans tout le film est d’un symbolisme très fort. Dommage que le niveau technique, notamment pour le cadrage, n’ait pas été de meilleure qualité, car on aurait eu alors quelque chose d’époustouflant.

C’est cependant secondaire au sens strict, ce qu’on voit est vrai et c’est cela qui compte. Pour cette raison, l’impact de ce film fut, de fait, immense sur l’ensemble de la société américaine ; il fut également vu au cinéma par 3,5 millions de personnes en Allemagne de l’Ouest et ne laissa personne indifférent à travers le monde quant à ceux qui furent en mesure de le voir.

De manière plus spécifique, il fut également vu au plus haut niveau américain, y provoquant un traumatisme d’autant plus étonnant qu’on a là les premiers criminels en chef avec leurs équivalent soviétiques. Le président américain Ronald Reagan, un militariste forcené pourtant, affirma par la suite que le film avait joué un rôle d’importance pour aller dans le sens de la signature du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire en 1987. Cette même année, le film fut d’ailleurs diffusé à la télévision soviétique.

Le film est disponible sur YouTube, ainsi que sur des plate-formes de streaming avec les sous-titres en anglais. Même si on maîtrise mal cette langue, la dignité de ce qui est présenté est si simple et vraie qu’on saisit cependant tout tout de suite, inévitablement.

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Culture

«Acts of rebellion» d’Ela Minus, punk du futur

Ela Minus est une artiste colombienne vivant aux États-Unis depuis une dizaine d’années. Elle réalise avec « Acts of rebellion » un album électro-pop (analogique) très marquant, grâce à un esprit néo-punk particulièrement novateur et une touche très en phase avec les tourments de la société américaine (et sud-américaine).

Avec le somptueux « They told us it was hard, but they were wrong » (Ils nous ont dit que c’était dur, mais ils avaient tort), Ela Minus avait marqué le printemps 2020 sur un mode électro-pop atmosphérique très envoûtant.

Son album « Acts of rebellion » sorti le 23 octobre 2020 est largement à la hauteur des attentes, avec 10 titres d’une grande qualité très cohérents dans leur enchaînement. On y trouve notamment « El cielo no es de nadie » (le ciel n’est à personne), un morceau indiscutablement techno, mais dans un style soft et pop aussi novateur que réussi. Elle le présente comme « un appel pour nous tous à chercher et à donner le vrai amour. »

Le titre « Dominique », dont le clip a été dévoilé quelques jours avant l’album, est peut-être celui sur lequel l’artiste native de Bogotá imprime le plus franchement sa touche.

C’est toutefois par le morceau « Megapunk » que l’album acquiert toute sa dimension et prend tout son sens. Le clip, sur le mode collage punk version 2020, illustre parfaitement le « you won’t make us stop » (ils ne nous feront jamais stopper) asséné tout au long du morceau comme un slogan ! Elle explique d’ailleurs qu’il a été composé pour être un hymne motivant pour que les gens « se mobilisent, s’organisent et défilent », avec à l’esprit l’image d’un groupe de femmes marchant pour le féminisme.

L’album est d’autant plus marquant qu’il est composé et joué tout en analogique, comme sur ce live :

Enfin, on ne sera pas vraiment étonné d’apprendre qu’Ela Minus (Gabriela Jimeno de son vrai nom) vient à l’origine de la scène punk hardcore ; très jeune, elle jouait à la batterie et chantait dans le groupe Ratón Pérez :

>> L’album « Acts of rebellion » d’Ela Minus est sorti sous le label anglais Domino Records. Un concert est prévu à Paris à la Boule Noire le 19 février 2021, mais rien n’est moins sûr vue le contexte sanitaire… 

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Culture

L’essor de la «phonk» dans le milieu des années 2010

La « Phonk » ou « vaportrap » est un courant musical lié à la Trap, elle-même sous-genre musical du Hip-Hop, qui a explosé au milieu des années 2010. Il puise ses racines dans le rap des années 1990 de la côte Est américaine, notamment de Memphis, Houston ou Miami. Une vague musicale qui marque de son empreinte la jeunesse des années 2010.

L’essor de la « phonk » date véritablement de 2010 avec le morceau « Bringing Da Phonk » de SpaceGhostPurpp, rappeur et producteur de Miami, dont le clip est basé sur des vidéos type VHS. La « phonk » c’est ce style de trap vaporeux très axé sur l’instrumental, réalisé sur de long mix inventifs entre jazz, funk et hip-hop.

Le genre s’est rapidement répandu grâce à DJ Smokey, un jeune artiste d’Hamilton, une ville de l’Ontario au Canada très impactée par la pollution de l’air générée par l’industrie sidérurgique. Influencé par les mix de « SpaceGhostPurpp », il sort son premier volume en 2013, « Evil Wayz Vol.1 ».

Portée par une génération née à la fin des années 1990, la «phonk » est tournée vers cette décennie, jusqu’à la nostalgie. Evidemment, être entièrement tourné vers le passé ne peut rien vraiment produire de nouveau, de populaire. Il serait donc faux de croire qu’il n’y ait là qu’une nostalgie.

Le style puise ses origines dans le style trap de la côte Est américaine, propulsé dans les années 1990 entre autres par « Three Six Mafia » de Memphis ou par DJ Screw de Houston à l’origine de la technique « Chopped & Screwed » (ralentir et répéter un passage en boucle).

Pour l’anecdote, pas si anecdotique que cela d’ailleurs, George Floyd, homme noir tué par un policier à Minneapolis le 25 mai 2020, avait participé sous le nom de « Big Floyd » à une compil’ de Dj Screw.

Mais, la nouvelle génération « phonk » parvient à dépasser ses origines, ne serait-ce par les sonorités et le style qui tournent en dérision justement l’aspect « gangsta » des débuts du sous-genre hip-hop. On le voit avec les images de cartoon ou les pochettes d’album qui se moque du fameux « parental advisory explicit lyrics ».

Avec la « phonk », on a une approche plus posée avec des mix aux basses saturées, des sonorités déformées jusqu’à l’extrême dans une ambiance trap temporisée. A ce titre, il est à l’opposé d’un autre genre de trap qu’est la Drill, assumant le style violent, grave et agressif du gangsta rap.

Depuis le milieu des années 2010, le genre connaît un élan jusqu’à devenir la première référence sur la plateforme SoundCloud en 2016 avec le mot clef #phonk. Cela n’est pas pour rien que c’est sur cette plateforme que ce genre s’est imposé : au-delà de mieux conserver la qualité musicale, elle est aussi un véritable espace tourné vers l’échange et le partage strictement musical.

En France, Soudière est un des artistes de renommée mondiale le plus en vue du genre. Originaire de Nancy, il a découvert le genre en tant que skater après avoir visionné la très fameuse « part » de Beagle dans la « Baker 3 » (2005).

Avec un style de skate original, le morceau « Smoke A Sack » de « DJ Paul & Juicy J » a indéniablement marqué tout skater de ces années là, valorisant un esprit amusant, fun et 100 % décontracté, tranchant avec l’esprit « piss drunk ».

Avec la « phonk », on a une jeunesse cherchant l’esprit de synthèse. C’est une génération qui profite des avancées technologiques de l’informatique et d’internet pour produire de la « phonk » à la fois liée à ses origines des 90’s, tout en la complexifiant musicalement et en assumant une critique des aspects culturels jugés dérisoires de cette époque.

Et en même temps, la critique, la synthèse ne parvient pas à pleine maturité. Elle est une jeunesse encore prisonnière des vicissitudes de son époque, tourmentée par le désir de paix, le « chill » agissant comme une véritable anti-dépresseur et la dépendance aux drogues comme fuite en avant.

La « vaportrape » est indéniablement liée à la codéine et au cannabis, dont certains albums et certaines sonorités font explicitement la référence. Est-ce étonnant de ce point de vue que le genre ait été notamment propulsé par DJ Smokey, originaire d’Hamilton, la ville canadienne la plus ravagée par la récente crise de opioïdes ?

La « phonk » exprime bien l’expérience de la jeunesse des années 2010 qui cherche inévitablement à progresser vers l’avenir, sans arriver à se départir complètement de son époque.

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Culture Culture & esthétique

Soleil de fin d’été en mode alternative R&B

La fin des années 2010 a connu des productions de véritables splendeurs de la part d’une vaste mouvance alternative R&B.

Le R&B a été extrêmement populaire en France dans les années 1990, il a été un marqueur très fort d’une culture populaire enracinée dans la funk et extérieure aux formes commerciales. Cependant, le R&B était importé des États-Unis et, forcément, la dimension commerciale l’a emporté. Cela se lit avec le mélisme. Le mélisme, c’est quand un chanteur, plus souvent une chanteuse, jongle mélodiquement avec un mot, de manière appuyée et prolongée, au lieu de le prononcer simplement. Mariah Carey est très connue pour ce genre de courses vocales dans les chansons.

S’agit-il d’une démarche typique de la variété afin de jouer sur les sentiments de manière superficielle ? Il y a lieu de se le demander, car si on regarde l’évolution de certains chanteurs et groupes, il est flagrant que le passage dans la dimension commerciale fait passer d’un phrasé « normal » aux courses vocales : Jean-Jacques Goldman par rapport au mélisme de Fredericks Goldman Jones, Wham ! par rapport au mélisme de George Michael en solo, ou encore l’évolution de Depeche Mode, The Cure, U2… Il viendra sans doute à l’esprit, immédiatement, le nom de tel ou tel chanteur, de telle ou telle chanteuse, de tel ou tel groupe.

L’alternative R&B, qui s’est surtout développé au cours des années 2010, n’a pas du tout cette démarche de mélisme et, d’ailleurs, il est fascinant de voir qu’il privilégie systématiquement la présentation de tranches de vie, n’hésitant pas à régulièrement manier le copié-collé d’enregistrements de la vie quotidienne.

L’influence de la Soul et du Folk est par ailleurs massive et il est également clair que, même si beaucoup de ces artistes sont afro-américains, la démarche est américaine tout court. La reprise modifiée de Hotel California par Frank Ocean, sous le titre d’American Wedding, en témoigne ; elle hante véritablement celui qui l’a écouté. Il faut dire que Frank Ocean est indubitablement l’une des figures artistiques majeures du début du 21e siècle, de par sa variété mêlée d’unité, sa qualité et sa profondeur, son sens vocal exprimant une sensibilité toujours concrète.

« Eh bien, tu peux avoir ma Mustang, c’est tout ce que j’ai en mon nom / Mais au nom de Jésus-Christ, ne me brise pas le cœur / Cette alliance ne s’effacera jamais / Mais si tu restes, oh, si tu restes / Tu partiras probablement plus tard de toute façon, c’est de l’amour made in USA »

https://www.youtube.com/watch?v=3C0tPaHLhqQ

L’alternative R&B reste, malgré son très haut niveau, très marginal. Il y a un véritable plafond de verre, le capitalisme barrant totalement la route ne serait-ce qu’à son accès, alors que matériellement cet accès est possible. Une chanson surprenante, frappante comme Goldmine de Kilo Kish a environ 70 000 vues en sept ans sur YouTube… et ce même alors que le label / marque d’habits Maison Kitsuné la place sur une de ses compilations.

« Eh bien ce téléphone n’est pas le meilleur pour écrire des chansons

Mais néanmoins un vaisseau pour les fantasmes et les pensées voilées

Et alors que la lumière entre et m’attend sur mon mur

Je rassemble tout ce que j’ai et jette le voile une fois pour toutes

J’aimerais dire que c’est très bien

Ce ne pourrait jamais être une nuit perdue

5 heures du matin avant la lumière

Et si tu te réveilles bien

Appelle-moi, ce ne sera pas horrible

Je perds le sommeil à penser à toi, je trouve ça génial

J’ai cherché vraiment à fond

Mais je suis revenu les mains vide

J’ai pensé que le seul

Pour toi, c’est moi »

Il faut souligner que l’alternative R&B part dans des directions très différentes et qu’on y trouve, comme dans le metal, des orientations très différentes, des sensibilités ou des thématiques très variées. La musique électronique est plus ou moins présente, le rapport au hip-hop plus ou moins fort, la démarche peut être sombre ou lumineuse, etc. La vie quotidienne est en tout cas un axe central de l’approche, avec un profond intimisme couplé à une grande ouverture musicale et un côté accessible maintenu malgré le côté parfois pointu.

https://www.youtube.com/watch?v=VQKdJlzuzts

Tout cela fait de l’alternative R&B une perpétuelle redécouverte, quelque chose de très productif et ce n’est nullement un hasard qu’on y trouve un hégémonie féminine. On est à rebours de la course à la destruction du rap.

Voici la playlist en lecture automatique. Utilisez les boutons du lecteur pour passer d’un morceau à l’autre :

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Politique

SOS Racisme appel à un rassemblement hommage à George Floyd

Voici l’appel de SOS Racisme, signé par plusieurs organisations de gauche ou liées à la Gauche.

« SOS Racisme appelle à un rassemblement solennel en mémoire de George Floyd.

Les obsèques de George Floyd, assassiné le 25 mai à Minneapolis par un policier, se dérouleront ce mardi 9 juin à 18h, heure de Paris.

SOS Racisme appelle au rassemblement, place de la République à Paris, à 18h, pour qu’un hommage solennel soit rendu à la mémoire de ce dernier en ce jour de recueillement.
Nous soutenons les marches et manifestations qui se déroulent actuellement aux USA, en France et ailleurs en faveur des droits civiques et contre la haine raciste.

Soyons nombreux Place de la République mardi prochain, dans la plus grande dignité, pour nous tenir symboliquement aux côtés de la famille de George Floyd et envoyer au monde un message de fraternité, de solidarité et de refus du racisme.

Votre présence signifiera aussi un rappel de notre détermination à combattre, ici, le racisme dans la police et dans tout autre secteur.

Nous demandons aux participants de venir impérativement avec un masque et de respecter les règles sanitaires en vigueur.

Avec : Confédération Générale du Travail (CGT), Fsu – Engagé-es au quotidien, UNSA, Europe Écologie-Les Verts, EÉLV Île-de-France, La France Insoumise , PCF – Parti Communiste Français, Parti Socialiste, FAGE – Fédération des Associations Générales Etudiantes, Jeunes Ecologistes, Les Jeunes Insoumis·es, Les Jeunes Génération-s, Ligue des droits de l’Homme, VOX Populi (Clichy-sous-Bois), Comité Marche du 23 Mai 1998, Asiagora, Jalons Pour La Paix, CCAF France, Crefom, Cifordom Asso, Syndicat des avocats de France, Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F), UNEF le syndicat étudiant, Le Cran, Coup de Soleil, Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF), MRAP, Union des Etudiants Juifs de France [ UEJF ], La Ligue de l’enseignement, MJS – Mouvement des Jeunes Socialistes, Collectif VAN, Union Nationale Lycéenne – UNL, EÉLV Île-de-France, SOS homophobie »

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Guerre

Space X et la tendance à la guerre

Alors qu’une grave crise sociale secoue les États-Unis en parallèle à son effondrement économique, les grandes entreprises les plus avancées au plan technologie s’approprient de plus en plus la direction générale de l’État. Cela ne fait qu’aggraver la tendance à la guerre contre la superpuissance chinoise.

« Nous ne deviendrons nulle part numéro deux », telle a été l’une des expressions de Donald Trump après le lancement de la mission Space X ce samedi 30 mai 2020. Après le lancement de nouveaux satellites starlink, le géant capitaliste Elon Musk, dirigeant de Space X, continue son assaut vers l’espace en partenariat avec la Nasa.

Cette mission consistait à envoyer un vaisseau cargo spatial « Crew Dragon » vers la station spatiale Internationale (ISS). Ce lancement a été largement médiatisé puisque depuis 2011 les États-Unis n’avait plus les moyens d’envoyer des astronautes dans l’espace, cela signifiant son retour grâce à une entreprise privée (Space X).

La citation de Trump fait ainsi directement allusion à la compétition avec la Chine en visant le maintien du leadership international des États-Unis dans tous les domaines.

Depuis les années 1990, la Chine a lancé un programme spatial qui n’a cessé de prendre de l’ampleur. Un pallier a été franchi dans les années 2010, pour devenir à la fin de cette décennie le numéro un des lancements de fusées dans l’espace. Avec un budget estimé à plus de 8 milliards d’euros, la Chine a lancé en 2018, 39 fusées en orbite, contre 31 pour les États-Unis, 20 pour la Russie et 8 pour l’Europe. En janvier 2019, la Chine a par exemple déposé Change-4, un robot d’exploration sur la Lune.

Voilà une illustration de la fuite en avant des États-Unis qui se pensent une puissance redoutable alors qu’elle est en fait toujours plus affaiblie. C’est à la suite d’accidents spatiaux que la navette spatiale américaine a été supprimée en 2011, les États-Unis devenant alors dépendant des fusées russes Soyouz.

Tout cela accompagne en fait une militarisation généralisée de l’espace. Le 14 juillet 2019, Emmanuel Macron annonçait déjà « un grand commandement de l’espace ». Et Donald Trump n’a pas manqué de préciser que la réussite de Space X ouvrait la perspective de la conquête de Mars, ce qui donnerait aux États-Unis les « armes les plus extraordinaires jamais imaginées ».

Cela n’a pas manqué de susciter des réactions, notamment de la Russie parlant de l’« hystérie » de Trump. Car le lancement de SpaceX réussie en ce mois de juin 2020 fait suite en fait à un échec en 2014, ce qui a permis à Elon Musk de répondre directement à la Russie par « le trampoline fonctionne », en allusion à la moquerie des Russes à ce propos.

A l’image des années 1930 ou du début du XXe siècle, on a là tous les ingrédients de la fuite en avant vers la guerre. Ces ingrédients sont évidemment l’accentuation de la crise sociale et économique, avec en arrière-plan des grandes entreprises qui s’imposent de plus en plus massivement aux commandes de l’État lui-même.

La situation sociale aux USA est explosive, exprimant déjà des craquements à la suite du meurtre de George Floyd, et le pays avance de plus en plus dans la décomposition généralisée. Mais, la Chine est également très affaiblie, avec une croissance économique en chute libre.

Ces deux superpuissances s’enferment dans une logique autoritaire étouffante à l’intérieur et maintiennent une perspective de conquête extérieure. La fuite en avant semble inéluctable, avec la question d’un repartage générale du globe par le conflit armé.

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Politique

Contre l’américanisation de la société française

Toute initiative politique a des fondements qui s’inscrivent comme partie du problème ou partie de la solution. Les rassemblements à l’appel du collectif « la vérité pour Adama » à Paris, Marseille, Lille, Lyon… s’inscrivent dans une tentative d’américanisation de la vie politique française et même de la société. Selon cette idée, la Gauche devrait disparaître et a fortiori ses idées, ses traditions, au profit d’agrégations semi-anarchistes d’esprit identitaire.

 

« Mort d’Adama Traoré : vivez en direct le rassemblement interdit devant le palais de justice de Paris » : Le Figaro n’a pas manqué d’envoyer un journaliste filmer le rassemblement parisien, avec la possibilité de commenter, ce qui a donné lieu bien sûr à un défouloir raciste et réactionnaire.

L’occasion était trop belle. Un rassemblement « interdit » mais qui a lieu quand même, avec une initiative venant des milieux postmodernes, dans le cadre d’une tentative de se raccrocher à ce qui ébranle les États-Unis : on a tous les ingrédients pour renforcer la Droite.

L’idée n’est même pas de dénoncer les réponses de la Gauche, mais de la nier, en disant qu’elle n’existe que sous la forme, hors-sol, de protestations parcellaires, forcées, agitatrices. Donald Trump a cherché à faire la même chose aux États-Unis en dénonçant les « antifas » qui seraient à l’origine des émeutes un peut partout dans le pays.

C’est-à-dire qu’en agissant ainsi, les commentateurs du Figaro font comme leurs inverses postmodernes ayant manifesté : ils poussent à l’américanisation de la vie politique et de la société.

Le principe est simple : les idées sont dans la société comme si celle-ci était une bourse et il faut pousser pour conquérir des parts de marché. C’est une vision libérale du monde, où les individus sont des consommateurs qu’il faut satisfaire afin qu’ils s’orientent vers les produit.

Eric Zemmour est un très bon exemple de produit puisqu’il dit ce que son public veut entendre, lui-même étant totalement creux, il suffit d’essayer de lire ses livres odieusement mal écrit (eu égard à ses prétentions) pour le constater. On en connaît d’autres : Dieudonné, Emmanuel Macron, Nicolas Hulot…

Le contraste est complet avec les années 1980. François Mitterrand, Georges Marchais, Valéry Giscard d’Estaing… avaient un haut niveau d’éducation et une vraie vision du monde. Ils étaient opportunistes, parfois jusqu’au paroxysme comme Jacques Chirac, mais ils avaient une base réelle. Aujourd’hui, il n’y a plus que des marionnettes.

Les Français ont beaucoup ri quand Ronald Reagan, un acteur de qualité relativement faible, a été élu président des États-Unis. Mais les Français ne valent presque pas mieux désormais. Tout est dans le « presque » cependant. Car la tentative d’américanisation de la société ne réussira pas. La classe ouvrière a trop de traditions et ainsi elle ne s’intéresse pas plus au collectif « la vérité pour Adama » qu’aux gilets jaunes. Elle vit sa vie, irréductible, passive, mais incorruptible.

Et quand elle commencera à bouger, cela ne sera certainement pas pour expliquer que les trans sont la figure révolutionnaire de notre époque, que les blancs sont des « souchiens », que la France des années 1960 était un paradis, que le drapeau national est la solution, que distribuer des gâteaux est de la subversion, que l’armée est la solution, que le hooligan au look neutre mais branché est la forme la plus aboutie de la rébellion, etc. etc.

Toute cette agitation forcenée de la Droite et des milieux postmodernes est en total décalage avec la réalité. Avec la réalité du Covid-19, car de tels rassemblements sont incohérents sur le plan de la protection sanitaire. Avec la réalité de la crise économique sur laquelle la France capitaliste va se fracasser. Avec la réalité de la classe ouvrière qui est là pour instaurer le Socialisme.

Mais il est vrai que ni la Droite, ni les milieux postmodernes ne veulent le Socialisme. Cela tombe bien : le Socialisme ne veut pas d’eux non plus.

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Politique

Comment l’affaire George Floyd indique que les États-Unis sont en crise totale

Il faut porter un regard sérieux sur les États-Unis, à rebours donc des populismes de gauche français trop enclins à faire de la France des États-Unis en miniature avec le même racisme, la même misère, les mêmes problématiques identitaires communautaires ou de « genre », etc. La crise qui se révèle, c’est celle d’un pays bien différent de la France et qui se révèle également à bout de souffle, mais d’une autre manière.

Si l’on regarde l’ampleur des arrestations aux États-Unis, on se dit que les émeutes qui y ont eu lieu n’ont pas une réelle envergure, qu’on a simplement une poussée de révolte conséquente à un acte plein d’injustice et de cynisme de la part de la police.

Ce serait là un raccourci. Les condamnations pénales américaines sont d’une ampleur bien autre qu’en France et le filet social est faible ou nul. Par conséquent, se lancer dans une telle bataille reflète qu’au fond de la société américaine, il s’est passé quelque chose.

C’est une rupture avec l’idéalisme d’Obama et l’image États-Unis modernes et en transformation. L’élection de Trump avait déjà été une réponse populiste, cette fois on a une réponse en termes de lutte de classe. Et ce qui l’a permis, il ne faut pas se leurrer, c’est la crise du coronavirus et ses conséquences économiques.

Le système économique américain profite d’une vaste précarité qui se survit à elle-même car les gens à la marge de la classe ouvrière trouvent des emplois ici ou là, leurs salaires misérables permettant des vagues permanentes d’initiatives capitalistes.

La crise du coronavirus a enrayé la machine pour les couches les plus pauvres. La conséquence en est une incertitude complète pour ces couches marginalisées. Ce sont elles, souvent noires (ou latinos), qui ont saisi l’affaire George Floyd, en comprenant ce que cela symbolise : leur propre écrasement.

C’est un retour de la lutte des classes et c’est cela qui a provoqué un électro-choc aux États-Unis, comme on le voit au moyen d’un critère national très spécifique : la dramatisation. Les États-Unis, ainsi que certains autres pays tels la Suède mais avec des différences bien entendu, se veulent des pays ensablés dans leur stabilité, dans leur bulle.

Les attentats du 11 septembre ont justement été une lecture pragmatique inversant cette conception, ce qui n’est pas étonnant de la part d’islamistes qui sont le produit inversé des États-Unis. Cela a très bien « fonctionné » au sens où la réponse a été le psychodrame national, si l’on met bien entendu de côté que cette action était en soi spectaculaire mais sans autre contenu qu’un idéalisme religieux assassin.

L’affaire George Floyd est un même psychodrame national. C’est désormais ancré dans l’Histoire, parce qu’il y avait tous les ingrédients pour une convergence d’un esprit de soulèvement contre la situation. Donald Trump, par son style et sa décadence complète, annonçait déjà la fin d’une époque.

Les États-Unis sont en roue libre et il n’y a plus de perspective, tout est trop atomisé, fragmenté, déstructuré. D’ailleurs, on parle là-bas de « communauté » et même plus au sens strict de société : un quartier est une « communauté », les noirs sont une « communauté », il y aurait une « communauté » LGBT, bref on l’a compris l’ultra-libéralisme a réduit la vision du monde à des affinités électives.

La « gauche » postmoderne reflète tout cela et en France on sait qu’elle a conquis une hégémonie, lessivant les valeurs de la Gauche historique, du mouvement ouvrier. La CIA et Google célèbrent les LGBT, mais ce serait « révolutionnaire » en soi d’en relever !

Cette atomisation américaine s’accompagne toutefois de monopoles surpuissants et d’un gigantesque complexe militaro-industriel. Pour maintenir la baraque et continuer le « rêve américain », il y a donc la tendance à la guerre et l’ennemi est déjà identifié : c’est la Chine.

On assiste à un tournant mondial et les États-Unis, principale puissance du monde depuis 1918, superpuissance gendarme du monde depuis 1945 (avec l’URSS ultra-militariste des années 1960-1980, puis seule), se retrouvent au cœur de celui-ci. C’est le début de sa fin.

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Politique

Les États-Unis au bord du précipice

« Les États-Unis au bord du précipice » : c’est le titre de la Une du Washington Post alors que le pays connaît une crise qui ramène aux années 1990 ou plus encore aux années 1960. La crise sanitaire et la crise économique ont mené à l’explosion une société empêtrée dans une violence généralisée. L’empire américain commence à tomber comme un château de cartes.

Les États-Unis sont particulièrement touchés par la crise économique consécutive à la crise sanitaire du Covid-19, alors que la crise de 2008 avec déjà frappé durement toute une frange populaire du pays.

Cela a beau être la première puissance mondiale, la plus riche, la situation y très difficile déjà à la base comme on le sait, avec des inégalités terribles, un système de santé défaillant, des mafias rongeant le pays, une violence généralisée à tous les niveaux, un communautarisme exacerbé, une défaillance complète dans le système éducatif et la culture en général, etc.

Le meurtre de George Floyd a dans un tel contexte mis le feu aux poudres. Âgé de 46 ans, un policier lui a coupé la respiration en maintenant son genou sur son coup pendant 8 minutes et 46 secondes, sous les yeux des passants estomaqués, et alors que l’homme à terre hurlait qu’il n’arrivait pas à respirer. Le policier en question était déjà concerné par 18 plaintes en raison de son comportement violent.

L’intervention faisait suite à la dénonciation par un commerçant de l’usage supposé d’un faux billet de 20 dollars, dans un quartier populaire de Minneapolis. Autant dire qu’on reconnaît bien la folie du système américain, ultra violent, avec un système pénitentiaire gigantesque, une militarisation générale de la société, une fuite en avant dans la déchéance culturelle qui confine à la folie furieuse.

Et, dans ce contexte, il y a le racisme, qui a profondément reculé mais dispose de solides bastions, notamment dans certaines polices, comme à New York. Personne n’a été dupe sur la dimension raciste du meurtre de George Floyd.

Il y a eu, heureusement, une explosion populaire, signe que tout n’est pas perdu dans un pays plus qu’à la dérive. Des manifestations accompagnées d’émeutes ont éclaté dès le lendemain, dénonçant un crime raciste et une violence policière systématique à l’encontre des personnes noires dans le pays.

Jeudi dernier, le poste de policer dont était originaire le groupe de policiers intervenants, qui ont été licenciés, avait été évacué par les forces de l’ordre en prévision d’une mobilisation populaire, puis effectivement incendié dans la nuit. Depuis, la ville s’est embrasée pendant toutes la semaine dernière, menant à l’intervention de la garde nationale alors que les émeutes se sont développées…

Et généralisées à tout le pays avec des manifestations dans 140 villes du pays et plus de 4000 personnes arrêtées dans une trentaine de villes différentes, dont près d’un millier à Los Angeles. C’est peu, mais en fait la mobilisation a débordé un régime américain ne sachant pas exactement encore quoi faire à part essayer de bloquer la diffusion des initiatives.

La capitale Washington a décrété un couvre-feu, ainsi que la ville de New-York et de très nombreuses autres villes. La Garde nationale a été déployée dans une quinzaine d’États. Le président Donald Trump a quant à lui parlé dans la semaine de tirer à balle réelle sur les manifestants en raison des pillages, assumant une posture martiale et ouvertement brutale.

Inversement, des personnalités notamment sportives, des grandes marques comme Nike, des religieux, des policiers… prennent ouvertement le parti des manifestants. On a même, aujourd’hui mardi, un « Black Out Tuesday » (mardi où l’on arrête tout) organisé par les grandes maisons de disque Sony Music, Warner Music Group et Universal Music, ainsi que de nombreux labels indépendants, en faveur de « changements significatifs » dans la société.

Cependant, de telles initiatives limitent la question à celle du racisme et appelant de manière ininterrompue à l’arrêt des violences. Difficile de ne pas voir en effet que la toile de fond est celle d’un système à bout de souffle.

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Culture

System of a Down: une opposition à la décadence et au capitalisme guerrier

Les années 1990 ont vu le groupe System of a Down (SOAD) se monter, dans le contexte d’un capitalisme américain très agressif, disposant d’une très grande puissance et influence à travers le monde.
SOAD, par les origines arméniennes de tous ses membres, a produit une musique puissante puisant dans diverses influences, vectrice d’un rejet et d’une très grande colère envers le génocide arménien, mais aussi des guerres menées par les USA, et de la décadence d’une société capitaliste où tout n’est qu’aliénation. Le nom du groupe annonce déjà la couleur.
En cherchant à exprimer cette souffrance, SOAD a donc naturellement produit des chansons contre les dictateurs sanglants écrasant des peuples entiers pour le compte d’une poignée de personnes, contre les monopoles et les grandes puissances impérialistes du monde. Cette expression, certes teintée d’une vision idéaliste de la réalité, n’en demeure pas moins d’une qualité exceptionnelle, particulièrement sur le plan musical.
Les harmonies au chant sont d’ailleurs généralement ce qui attire le plus ceux qui découvrent le groupe. Holy Mountains, leur plus grosse chanson sur le génocide arménien, représente parfaitement leur musique.

Le groupe ne s’arrête cependant pas à la dénonciation des guerres et des crimes qui les accompagnent. Le malaise englobe tous les aspects de la société, et par extension, leur expression musicale également. Dans une chanson comme Spiders, très riche musicalement, on retrouve sous l’idéalisme initial une critique de la partialité des médias diffusant largement les idées néfastes de la classe dominante dans toute la population. Une manière de s’opposer à la corruption des masses par ce qu’elles voient à la télé.

System of a Down, vu les valeurs mises en avant, a donc su entrer en vibration avec les masses à l’échelle internationale. L’impact culturel du groupe dans le monde a été immense. Leur chanson Chop Suey totalise presque le milliard de vues sur YouTube, sans doute déjà dépassé en prenant en compte toutes les autres versions vidéo de la chanson, avec clip, avec karaoké, avec simplement la pochette de l’album en image de fond… SOAD a été une inspiration pour beaucoup d’artistes, les morceaux les plus connus étant repris allant du remix techno hardcore… aux lecteurs disquettes !
Contre la corruption de la classe dominante, des chansons comme Prison Song dénoncent avec violence le business carcéral des prisons privées aux États-Unis. Contre la décadence, ce sont des chansons comme Lost in Hollywood qu’il faut écouter, dans laquelle est peint un portrait critique de l’hypocrisie et la décadence morale de l’industrie cinématographique de Hollywood, broyant les artistes et acteurs, issus de milieux populaires ou non, sous la pression de son absence de valeurs morales. On peut également mentionner la chanson Violent Pornography, qui critique l’exploitation et le viol des femmes par l’industrie du porno, vecteur d’une violence patriarcale inacceptable pourtant disponible sur nos écrans à volonté et procédant à un véritable brainwashing de ceux qui en consomment.

System of a Down, de part son nom même, cherche à se placer en opposition à la violence, à la corruption, bref : au capitalisme. Le groupe n’est pas exempt de défauts, mais malgré un certain idéalisme, l’aspect principal reste l’appel à la civilisation, à la résistance aux valeurs que véhicule le capitalisme, à la défense de la Nature vue comme une mère contre les activités humaines…
SOAD est porteur d’une grande dignité, offrant une musique puissante dans un style metal très hybride puisant aussi bien dans Rage Against the Machine que dans Black Sabbath, le rap, ou la musique traditionnelle arménienne. Cela donne un groupe sans style musical bien défini si ce n’est « neometal », mais qui a su trouver un écho puissant au sein des masses, y voyant des valeurs culturelles et musicales indéniables.
Il faut écouter et réécouter leur musique, car il se trouve une volonté sincère de voir se former un monde démocratique, de paix et d’harmonie avec notre Biosphère.
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Politique

Confinement et immigration: les économies torpillées du Mexique, du Salvador, du Honduras

Au lieu de prôner une humanité unifiée, les libéraux prônent le droit à immigrer comme on le souhaite. C’est là le reflet des intérêts du capital et cette émigration contribue à la dépendance économique de pays entiers.

Aux États-Unis, la question de l’immigration semble évidente : les Républicains seront contre et les Démocrates pour, et les Démocrates seraient de Gauche. En réalité, les Démocrates sont de droite libérale, les Républicains de Droite conservatrice. Et il est facile de voir qu’une large partie de la Gauche française s’est transformée en « Démocrates » à l’américaine.

L’immigration est en effet un puissant outil pour le capitalisme, qui exerce ainsi une pression maximale sur les salaires, tout en empêchant le développement des pays d’émigration. Les forces vives des pays peu développées sont pompées : c’est le brain drain, avec les gens les plus éduqués qui sont littéralement importés dans les pays riches.

Mais il y a aussi les gens voulant ardemment travailler afin de subvenir aux besoins de leurs familles, à quoi s’ajoutent ceux croyant au rêve américain (ou britannique, allemand, français, etc.). Ces gens se retrouvent pris au piège. Ils sont aliénés ou bien, lorsqu’ils ont conscience qu’ils sont devenus dépendants d’un capitalisme despotique, ils sont broyés. Certains font carrière, bien entendu, et ils contribuent puissamment alors à l’idéologie capitaliste, tout en devenant des bourgeois arrivistes avec un esprit de nouveau riche.

Il ne s’agit nullement donc de simples parcours individuels, les conséquences sont catastrophiques à une grand échelle, comme le montre justement les désordres actuels dans l’économie aux États-Unis en raison de la crise sanitaire. En effet, le confinement partiel bloque une partie de l’économie et il s’avère que des pays voient une partie importante de leur propre économie dépendre des envois d’argent depuis les États-Unis.

L’année dernière, 17 % de l’économie salvadorienne consistait en des envois d’argent par des émigrés partis aux États-Unis. Le chiffre monte à 20 % pour le Honduras ; il est d’autour de 10 % pour le Guatemala. Pour le Mexique, le chiffre est de 3 %, mais ici il ne faut pas sous-estimer l’importance de ces quelques pour cents, car son montant est de 34 milliards de dollars.

Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a lui-même fait un appel aux émigrés pour leur demander de ne pas cesser l’envoi d’argent à leurs familles au pays. C’est dire à quel point le Mexique est ébranlé, ce qui révèle sa dépendance.

D’ailleurs, il en est de même pour le Sénégal où il est estimé que 9,1 % du PIB provient des transfert d’argent par les émigrés, ou encore dans l’ouest du Mali où il est estimé que 20 % des dépenses des familles proviendrait de ces transferts d’argent. La crise sanitaire pose exactement les mêmes problèmes pour ces pays, avec des baisses de transferts drastiques constatées par les opérateurs.

Qui plus est, comme on le sait le point de vue libéral voit les choses sous l’angle des individus, mais en réalité l’émigration consiste simplement en le départ de communautés. L’émigration a ainsi été massive depuis la région mexicaine du Michoacan ; pour elle, les envois depuis les États-Unis forment 11,6 % de l’économie, soit 3,4 milliards de dollars. Ici, une région entière se voit torpillée.

Un autre aspect est évidemment que le capitalisme permet l’immigration mais ne permet pas l’accès aux soins de manière aisée. Seule la France, parmi les grands pays capitalistes, a ici une politique d’ouverture systématique, afin de renforcer son secteur de la santé et d’éviter des problèmes de santé contaminant toute la population depuis des zones immigrées particulièrement dense, telle la Seine-Saint-Denis. Dans les autres pays la situation est catastrophique. Les immigrés ont peur pour leur santé, à juste titre, n’ayant pas de couverture sociale en ce domaine ; d’autres, lumpenprolétarisés, se voient devenir malades, devenant des vecteurs du covid-19 de par leur situation misérable.

L’immigration correspond en fait parfaitement au chaos capitaliste : chacun fait ce qu’il veut comme il veut, sans aucune considération pour la collectivité. Comment l’Inde aura-t-elle des médecins si tous ses médecins de qualité émigrent pour faire carrière ? Comment le Mexique pourra-t-il se développer si les États-Unis pompent sa force de travail et le place dans une situation de dépendance ?

On ne peut pas comprendre le terrible ancrage du Front national, aujourd’hui du Rassemblement national, dans les zones ouvrières, sans voir qu’il ne s’agit pas de confondre les immigrés et l’immigration, d’assimiler la misère individuelle des immigrés à l’immigration comme outil du capital. Le mouvement ouvrier a toujours souligné d’ailleurs la différence entre ces deux aspects. Et il n’a jamais considéré que l’internationalisme des ouvriers consistait, comme les anarchistes, à demander à ce que les frontières tombent… dans le cadre du capitalisme.

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Guerre

Le dossier des services secrets américano-britanniques dénonçant la Chine

Un dossier de plusieurs services secrets a prétendument « fuité » et dénonce violemment la Chine. Il s’agit en réalité d’une expression de l’offensive américaine pour justifier la guerre contre la superpuissance ennemie.

Nous allions à la guerre sino-américaine et nous y allons désormais encore plus. La crise sanitaire accélère l’urgence de la compétition au niveau international et cela d’autant plus que les États-Unis sont en mauvaise posture et qu’ils ont un boulevard de propagande contre la Chine qu’ils peuvent accuser de tous les maux.

Le dossier « fuité » est d’autant plus une offensive idéologique qu’il est une œuvre commune des services secrets américain, britannique, australien, néo-zélandais, canadien. Il va de soi que les trois derniers services secrets concernés sont largement dépendants des deux premiers et que l’hégémonie revient de toutes façons aux États-Unis.

Le dossier, qui fait 15 pages, dit que la Chine aurait menti au sujet de l’ampleur de la crise sanitaire. Elle aurait caché ou détruit des documents au sujet de celle-ci. La Chine aurait masqué tant la transmission entre humains que son ampleur.

Ce dossier n’est évidemment pas reconnu officiellement par les pays l’ayant produit, qui cependant en sous-main en reconnaissent toutes les thèses. C’est une opération de guerre psychologique : la haine de la Chine doit augmenter toujours plus pour justifier la guerre. On a ici la superpuissance américaine qui veut garder sa place face au concurrent chinois et des pays comme la Grande-Bretagne comptent en profiter, tout comme le Canada, ainsi que l’Australie et la Nouvelle Zélande qui sont proches géographiquement de la Chine.

Il va de soi que le conflit sino-américain est monstrueux et doit être récusé comme une horreur. Tant la superpuissance américaine que la Chine, une superpuissance relative mais clairement allant à la guerre, doivent être dénoncés. Le « coup » de propagande américain doit être dénoncé, mais cela ne suppose évidemment pas qu’on s’aligne sur la Chine, un régime terroriste.

On notera pourtant qu’une partie de la Gauche française est ouvertement ici passée dans le camp « pro-chinois ». Il ne s’agit pas du tout des maoïstes, qui rejettent évidemment violemment la Chine depuis 1976, mais de toute la scène marxiste-léniniste de la gauche du PCF. La Chine serait un pays construisant le socialisme, favorable à la paix, etc.

Un communiqué commun a même été signé juste avant le premier mai en ce sens (par le Rassemblement Communiste, le PRCF, les JRCF, le CISC, l’ANC, le collectif communiste, les Éditions prolétariennes). Dans « Halte à l’intox antichinoise et aux menaces des dirigeants impérialistes occidentaux contre la République Populaire de Chine », on a un éloge de la gestion chinoise de la crise, présenté comme un modèle dans une première phrase d’une rare longueur, la dernière présentant les cibles à critiquer :

« Confrontées au discrédit populaire qui frappe les gouvernants néolibéraux des Etats-Unis, de l’UE et de ses Etats-membres (au premier rang desquels le gouvernement français), toutes plus incapables les unes que les autres de traiter la crise sanitaire, inquiètes de voir la République populaire de Chine, la République socialiste du Vietnam ou la République de Cuba, tous rescapés du camp socialiste, obtenir des résultats remarquables dans la lutte contre le virus, rageuses de voir que les Italiens, les habitants des Antilles, etc. accueillent avec gratitude l’aide des médecins cubains, chinois et vénézuéliens ainsi que l’envoi de matériel sanitaire fourni par la Chine et la Russie, cherchant en permanence de nouveaux prétextes pour augmenter les dépenses de l’OTAN, prêtes à tout pour attirer dans une fallacieuse « union sacrée » les couches populaires qu’elles exposent sans vergogne à la contagion, les oligarchies capitalistes ont engagé une ignoble campagne médiatique visant à calomnier la Chine populaire en l’accusant d’être la principale fauteuse de pandémie alors qu’elle en fut la première victime et qu’elle a, dès qu’elle l’a pu, transmis au monde entier ses observations scientifiques (notamment le séquençage du virus) et ses résultats thérapeutiques (…).

Plus que jamais, – la pandémie actuelle en est l’effarant révélateur – le capitalisme-impérialisme, ses Etats et ses institutions, parmi lesquelles l’UE, l’OTAN et l’OMC, FMI et Banque Mondiale, n’apportent plus que désorganisation, angoisse et mort. Plus que jamais, face au virus mortel du capitalisme, de l’impérialisme et de l’UE/OTAN, doit être repris le mot d’ordre de Fidel, « la patrie ou la mort, le socialisme ou mourir, nous vaincrons ». »

Il ne faut rien connaître à la Chine, le Vietnam ou Cuba pour y voir quelque chose de socialiste, des pays ayant une démarche terroriste alors que, de manière très claire, les capitalistes y accumulent les richesses. On devine évidemment ici que cela permet un anti-impérialisme à peu de frais, sans compter un soutien inévitable de la part de la Chine elle-même, d’une manière ou d’une autre.

Il ne faut pas cependant considérer qu’on a là un phénomène marginal. Ce qui est ici contaminé par une approche romantique, idéaliste, délirante même, c’est toute la gauche du PCF et donc la gauche de la CGT, bref toute la scène sociale ayant porté la bataille contre la réforme des retraites il y a quelques mois. C’est l’expression de la vision du monde du délégué syndical chauvin et bureaucratique, du nostalgique du PCF des années 1970.

Discuter avec de tels gens comme quoi – pour donner un simple exemple – manger de la viande, c’est mal, n’est même pas concevable ; ils ne verraient même pas en quoi cela a un rapport avec la gauche, ou même la politique en général. C’est une tendance réactionnaire, surfant justement sur le populisme de la lutte contre la réforme des retraites, de l’esprit CGT.

Cela n’en rend que plus nécessaire la clarté dans l’opposition à la guerre en général, le refus de toute soumission à un « bloc ».

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Politique

La crise économique est déjà majeure aux États-Unis, annonçant une crise mondiale et gigantesque

Alors que le gouvernement français tient encore à faire croire que les activités reprendront progressivement leur cours à partir du 11 mai, la crise économique, elle, s’installe durablement. La situation américaine est probablement un avant-goût de ce qui attend la France et elle aura de toutes manière des répercussions partout dans le monde.

De par la nature de son fonctionnement, le capitalisme américain vit en accéléré ce que d’autres pays vivront bientôt. Les millions de chômeurs américains sont ainsi l’équivalent des millions de chômeurs partiels français, mais en plus brutal, en plus rapide.

Et encore, les effets de la crise y sont aussi en partie temporairement endigués, reportés. La législation a été réformée à la hâte fin mars pour allonger les possibilités de retards de paiement, que ce soit d’hypothèques ou de diverses échéances. Les saisies de propriétés sont suspendues pour plusieurs semaines, repoussant à plus tard tout un tas de problèmes de ce type. Il est estimé que le semaine dernière, il y a déjà eu une augmentation de 1200 % par rapport à la normale des demandes de délais pour des dettes ou factures.

Les États-Unis, donc, la première puissance économique mondiale, dont la monnaie structure directement ou indirectement quasiment tous les échanges économiques internationaux, s’enfonce d’ores et déjà dans une crise de grande ampleur. Le choc est considéré comme étant d’une violence inégalée depuis la Grande Dépression après le crack boursier de 1929.

Ce sont 22 millions d’emplois qui ont déjà disparus, pour certain du jour au lendemain, en seulement quatre semaines. C’est équivalent au total des création d’emplois dans le pays… depuis onze ans, c’est-à-dire depuis la crise de 2008-2009. Le taux de chômage prévu pour avril est de 20 %.

Autre comparaison : les ventes au détail se sont effondrées en un mois de presque autant qu’en seize semaine au cours de la crise des subprimes de 2008-2009. Cela alors que les ventes en ligne explosent dans le même temps, les géants Walmart et Amazon cherchant actuellement à embaucher… 500 000 nouvelles personnes. La consommation actuelle d’essence est revenue à ce qu’elle était en 1968. L’économie du Texas, producteur majeur de pétrole, est pour cette raison déjà sinistrée.

Comme presque partout dans le monde, des secteurs entiers de l’économie sont à l’arrêt, de nombreuses usines comme celles de Boeing ou de l’industrie automobile sont fermées et ne produisent plus aucune valeur. L’américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, estime ainsi que la vague va être terrible pour de nombreux américains, avec des pertes de revenus considérées comme dévastatrices.

Certains prévisionnistes imaginent une reprise massive et drastique des activités bientôt, avec une croissance faisant un bond pour rattraper le retard. Donald Trump pousse en ce sens en annonçant des déconfinements hâtifs dès le mois de mai… Sauf que la situation sanitaire, comme en France, n’est absolument pas sous contrôle et les gouverneurs de nombreux États ne sont aucunement en mesure de desserrer les confinements avant un moment. Rien que l’État de New York, dont la population est de 20 millions d’habitants, a déjà près de 13 000 morts du Covid-19.

Le capitalisme, pour se relancer, a besoin que soient produites massivement des marchandises, et donc qu’elles soient achetées. Sauf que dans un telle situations de crise, d’incertitude, la population a tendance à freiner ses dépenses, soit par manque d’argent tout simplement, soit par volonté de se prémunir. Cela précipite d’autant plus l’effet de crise. Ce problème redouté aux États-Unis l’est également en France, le ministre des finance s’en étant d’ailleurs publiquement inquiété, constatant une hausse massive de l’épargne ces derniers jours.

La situation catastrophique de l’économie américaine engendrera forcément une pressions accrue sur les pays pauvres, sur les travailleurs eux-mêmes. La France, en tant que puissance secondaire, sera aussi directement impactée par ce vacillement, alors qu’elle voit déjà son économie mise sous tension.

EDF a annoncé que des réacteur nucléaires vont être mis à l’arrêt, la baisse de la production d’électricité d’origine nucléaire étant actuellement de 20 % par rapport à ce qui était prévue sur la période, correspondant à une baisse de la consommation énergétique de 20 % également. C’est absolument gigantesque, marquant un ralentissement profond de l’activité industrielle du pays. La perte de chiffre d’affaire pour EDF contribue également à alimenter la dynamique de la crise.

Cela est d’autant plus vrai que, comme l’a expliqué dans la presse un économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, Mathieu Plane, rien ne dit que les restaurants, hôtels, cinémas ou centres commerciaux seront de nouveau ouverts en juillet et août. De nombreux secteurs vont être durablement et profondément impactés, affaiblissant toute la chaîne économique.

La crise va être de grande ampleur… Elle l’est déjà. Le capitalisme est dans une situation de grande faiblesse et précipitera forcément de nombreuses personnes dans sa chute. En plus de la pression accrue sur les travailleurs, les tensions vont être exacerbée entre les pays, contre la planète elle-même.

Les jours à venir n’ont rien d’« heureux », il faut s’attendre à des bouleversements gigantesques. Conduire ces bouleversements pour passer un cap est le rôle de la Gauche.

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Guerre

Vers la guerre: l’affrontement sino-américain à la conférence de Munich de 2020

La conférence internationale de Munich, traitant de la sécurité, a vu les États-Unis viser clairement la Chine en la présentant comme la grande menace pour la division du monde telle qu’elle existe actuellement. Le challenger est officiellement présenté et on marche toujours plus clairement vers la guerre.

Mike Pompeo est le responsable de la diplomatie américaine et il a donné le ton ces derniers mois. En octobre 2019, il avait accusé la Chine d’être « ouvertement hostile » aux États-Unis. En novembre, il a avait expliqué que la Chine portait une « nouvelle vision de l’autoritarisme ».

Courant janvier 2020, il avait demandé aux entreprises de la Silicon Valley de faire en sorte que « nos sociétés ne concluent pas des contrats qui renforcent l’armée de notre rival ou favorisent sa répression dans certaines parties de ce pays». A la fin du même mois, lors d’une rencontre avec Dominic Raab, le responsable des affaires étrangères du Royaume-Uni, il avait dit que « Le Parti communiste chinois représente la principale menace de notre époque ».

Lors de la 56e conférence de Munich sur la sécurité à la mi-février 2020, où étaient présents 150 chefs d’État et de gouvernement, il a affirmé que :

« La Chine empiète sur les zones économiques exclusives du Vietnam, des Philippines et de l’Indonésie. Et sur ce point, la Chine a eu un différend frontalier ou maritime avec presque tous les pays qui la bordent (…).

Et parlons une seconde de l’autre domaine, la cybersécurité. Huawei et d’autres entreprises technologiques chinoises soutenues par l’État sont des chevaux de Troie pour le renseignement chinois. »

Mark Esper, secrétaire à la Défense, a dit quant à lui qu’il fallait « se réveiller face aux défis présentés par la manipulation chinoise de l’ordre international au long cours, avec ses règles », et que la Chine était le principal souci pour le Pentagone.

Les Chinois n’étaient évidemment pas très contents et cela d’autant plus que la conférence de Munich avait comme thème « westlessness », terme signifiant grosso modo « déclin de l’occident ». Mike Pompeo, venu avec deux autres secrétaires d’État, s’est d’ailleurs empressé de dire que l’occident était en train de gagner.

Emmanuel Macron a déclaré en réponse que « l’ère des policiers mondiaux américains omniprésents est révolue », tout en soulignant en même temps que son ouverture appuyée récente à la Russie avait comme but de sortir celle-ci d’un rapprochement fort avec la Chine. Car de toutes façons, on ne sort pas de l’affrontement sino-américain, et Le Figaro titrait son article :

« À Munich, la rivalité entre les États-Unis et la Chine éclate au grand jour »

Les Chinois ne répondent rien, car ils ne veulent pas encore se présenter comme le challenger, même si leurs documents stratégiques disent évidemment tout autre chose. On est pour l’instant encore dans la mise en place, avec le jeu d’alliances qui se forme, mais qui peut connaître de grands changements. L’Allemagne notamment n’apprécie guère tout cela, car cela nuit à sa propre affirmation, qui exige une Europe renforcée, ce qui n’est guère possible si tout passe soit par les États-Unis, soit la Chine.

Le multilatéralisme n’est en fait que le renforcement des contradictions entre les puissances et ce n’est que reculer pour mieux sauter. Les États-Unis ne veulent pas de changements dans la division du monde, ou alors en leur sens – la Chine veut un nouveau partage. Les autres se placent prêts à en profiter, car ils ont tout autant besoin d’aller de l’avant pour tenir. Le capitalisme porte en lui la guerre, sans quoi il ne peut pas se maintenir.

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Politique

Le député PCF André Chassaigne dans la revue américaine Jacobin

Interviewé par la principale revue de la Gauche américaine, Jacobin, André Chassaigne  du PCF prône le suivisme par rapport aux syndicalistes et aux gilets jaunes. C’est là assumer de nier la primauté de la Politique.

La revue Jacobin est très bien faite, très bien écrite, avec une mise en page aérée, bref c’est une revue de très haute qualité. Elle est américaine, elle est de gauche, donc c’est plutôt sympathique. Le souci c’est que c’est de la Gauche américaine, donc c’est simplement « progressiste », coupé du mouvement ouvrier, et sans les expériences importantes comme on en a fait en Europe. Mais c’est une Gauche qui fait l’effort de se tourner vers le monde ouvrier, ce qui est déjà totalement différent d’en France.

Toutes les limites de la démarche se reflètent à la lecture d’une interview d’André Chassaigne, député du PCF depuis 2002 (traduite en français ici). En effet, cela n’a aucun sens de demander quelque chose au sujet de la lutte contre la réforme des retraites à quelqu’un relevant de la Gauche politique. Car la Gauche politique n’a pas été présente dans cette lutte. Bien entendu, il y a des gens de gauche qui se sont mobilisés. Mais sur le plan de l’initiative, des idées, de la culture, des mentalités, il n’y aucune dimension politique. C’est une lutte syndicaliste de bout en bout.

Jacobin le sait d’ailleurs et explique son intérêt par la défense du « modèle social français ». Et, naturellement, le député André Chassaigne est ravi de pouvoir répandre ce qui est son propre discours également, consistant précisément en un « système social français » qui serait né en 1945 et qu’il faudrait défendre contre le libéralisme. Sauf que ce faisant, il oublie que c’est le capitalisme lui-même qui a développé l’État-providence, notamment par l’intermédiaire d’une social-démocratie abandonnant toute référence au Socialisme.

Le « modèle social français » est tout autant suédois, autrichien que belge. Parce que cela a été une tendance irrépressible du capitalisme lui-même. Ayant suffisamment grandi, devant de toutes façons lâcher du lest en 1945, il a littéralement intégré la classe ouvrière dans le capitalisme par la consommation de masse et l’institutionnalisation des syndicats. Résumer cela à des « acquis » conquis de haute lutte, alors que le capitalisme était ravi, c’est ne pas voir les faits en face.

D’ailleurs, le capitalisme n’entend nullement supprimer l’État-providence, ce qu’il cherche, c’est à le réorganiser, le pressuriser, le pousser dans tel ou tel sens. Mais tout comme la gratuité de l’école ou pratiquement des études en général en France, il ne va pas démonter des structures totalement en sa faveur, tant sur le plan de l’organisation des gens que des idées inculquées. Le discours misérabiliste prétendant que les gens sont, dans un État capitaliste très puissant, au bord de la misère, est totalement mensonger.

Que révèle précisément ce misérabilisme ? Qu’on est dans la fiction, et André Chassaigne est tout content de pouvoir la vendre à la revue américaine Jacobin, qui ne peut pas deviner qu’il raconte n’importe quoi, comme lorsqu’il dit au sujet des gilets jaunes :

« Il faut le dire, les syndicalistes ont initialement vu le mouvement avec un certain degré de suspicion. Ils ont vu des gens dans la rue alors qu’ils ne manifestaient jamais et se sont dit « mais nous avons déjà manifesté pour ça. »

André Chassaigne ment-il sciemment, ou est-ce de la mauvaise foi ? Car évidemment les syndicalistes ne se sont jamais dit cela, tout simplement parce qu’ils n’ont jamais manifesté contre l’augmentation du prix de l’essence. La vérité est que les syndicalistes n’ont pas réagi en syndicalistes, mais en gens de la Gauche politique dont ils relèvent aussi souvent, et qu’ils ont immédiatement compris que les gilets jaunes était un mouvement plébéien, relevant de ce qu’on appelle le Fascisme.

Et, par incapacité à assumer la Gauche, une partie des syndicalistes a finalement convergé vers ce mouvement rétrograde, ultra-populiste, hostile à la classe ouvrière dans sa nature même, ce que les ouvriers ont très bien compris en n’y participant à aucun moment.

Parler alors comme le fait André Chassaigne d’un rapprochement entre le « mouvement social » et les gilets jaunes, c’est très précisément refuser d’assumer la lutte des classes – lutte des classes n’ayant rien à voir ni avec le mouvement syndicaliste contre la grève des retraites, ni avec les gilets jaunes. D’où justement le suicide anti-politique proposé par André Chassaigne :

« [Question:] Qu’est-ce que votre groupe a prévu de faire à l’Assemblée nationale ces prochaines semaines ?

Nos centres d’activités politiques est d’agir en tant que porte-parole du mouvement social. Au parlement, nous passons en revue les demandes du mouvement social et disons la vérité sur l’ampleur du mouvement — toujours très fort, même si certaines personnes nous font croire le contraire. Dans tout ce que nous disons, nous respectons pleinement les choix pris par le mouvement social. C’est aux syndicats et aux travailleurs de décider dans quelles luttes ils s’engagent et comment ils s’y engagent.

Notre travail implique aussi de collaborer avec d’autres organisations progressistes pour trouver des propositions pour améliorer le système actuel, comme je viens juste de le décrire. Nous devons être bien plus qu’une simple opposition. »

Améliorons le système, mais ne le critiquons pas. Soyons simplement à la remorque des syndicats. C’est là fort bien résumé la position de la Gauche en France, à part peut-être du Parti socialiste initialement, ainsi que de Lutte Ouvrière ou des Maoïstes, de par leur méfiance, voire leur hostilité aux syndicats. Mais il n’est guère compliqué de deviner que jamais la Gauche n’avancera ainsi et que d’ailleurs elle n’a jamais procédé ainsi. Historiquement, la Gauche politique a toujours primé sur le syndicalisme.

En quoi les syndicalistes ou les gilets jaunes défendraient-ils d’ailleurs le « modèle social français », alors que c’est le cadet de leurs soucis ? Il suffit de lire leurs revendications, qui combinent revendications économiques d’une part, dénonciation plébéienne d’Emmanuel Macron de l’autre. Ni les uns ni les autres ne raisonnent en termes politique, ni ne raisonnent tout court d’ailleurs. Et il faudrait pourtant les suivre ?

Jamais la Gauche ne s’en sortira en agissant ainsi. Il faut des idées, il faut de la culture. Les syndicalistes et les gilets jaunes ne veulent ni les idées, ni la culture. Ils sont donc à mettre de côté et n’ont qu’un seul droit, celui de s’incliner devant la Gauche politique. C’est aussi simple que cela.

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Guerre

Le plan de Trump pour le conflit israélo-palestinien

Donald Trump a présenté, en compagnie des dirigeants israéliens mais d’aucun palestinien, une solution dite à deux États pour la région. Dans les faits, les zones palestiniennes sont encore plus réduites géographiquement et avec comme seul horizon de pouvoir de servir de réserves de main d’œuvre et de consommation.

Depuis 1948, la Gauche oscille entre plusieurs positions au sujet du conflit israélo-palestinien. Que le sionisme soit une utopie identitaire séparée de l’idéal socialiste, cela a toujours été clair pour le mouvement ouvrier. Le fait qu’une partie significative du mouvement sioniste se soit défini comme une composante elle-même du mouvement ouvrier n’y a rien changé.

Puis, la Seconde Guerre mondiale et ses crimes antisémites a modifié la donne ; il y a eu un basculement concret. Ainsi, la reconnaissance de l’État d’Israël par l’ONU n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’appui de l’URSS et des pays de l’Est lui étant liés. L’URSS est d’ailleurs le premier pays à avoir reconnu Israël. C’est également la Tchécoslovaquie qui a vendu les armes permettant à l’État israélien de tenir dans la guerre commençant dès sa fondation.

Cette guerre ne s’est jamais terminée et d’autant moins qu’Israël a immédiatement choisi de se mettre sous direction américaine. Car derrière l’image des colons transformant le pays pour le fructifier, il y a une manne financière américaine énorme, et ce jusqu’à aujourd’hui. L’économie est d’ailleurs dans les mains d’une vingtaine de familles d’un côté, des entreprises américaines de l’autre, et cela pour le commerce, les services, l’agriculture, le transport, l’industrie comme la finance, etc.

Joseph Alpher : Settlements and Borders, Centre Jaffee d’études stratégiques, université de Tel-Aviv, 1994.

Le prix de ce qu’on y achète contient une part de 20-30 % allant droit dans les poches de ces entreprises de dimension monopolistique. Il s’agit d’ailleurs même souvent de conglomérats, tel IDB Holdings, regroupant une des deux compagnies d’assurance, la plus grande chaîne de la grande distribution, le plus grand opérateur de télécom, l’un des trois plus grands propriétaires dans l’immobilier, le monopole du ciment, le monopole du papier, etc.

De manière officielle, 1,8 millions d’Israéliens (sur 9 millions) vivent sous le seuil de pauvreté et ce alors que le revenu moyen a doublé en quinze ans. C’est que l’État israélien, loin de ses prétentions utopistes initiales, fonctionne à marche forcée. Une marche forcée dans la technologie militaire, dans l’élargissement territorial, avec un nationalisme à outrance désormais ouvertement allié à la religion.

Il n’y a aucune place possible pour la Gauche dans une telle situation, et ce depuis le départ, puisque le fondement même est une fuite en avant. Le plan de paix de Donald Trump en est d’ailleurs le prolongement assumé, puisqu’il s’agit de faire pleuvoir des milliards de dollars sur une sorte de micro-Palestine satellisée et divisée, afin de la rendre fonctionnelle pour l’État israélien.

Cela a une chance de réussir, malgré tout, parce que les Palestiniens sont dans une situation dramatique. Trompée par l’opinion internationale qui fait semblant de s’intéresser à eux – en particulier avec un antisionisme irrationnel, souvent masque de l’antisémitisme – les Palestiniens sont terriblement divisés et aux mains soit d’une OLP corrompue au maximum, soit d’islamistes. Leur capacité d’affirmation démocratique unitaire est pour cette raison terriblement faible. La résistance des années 1960 et 1970 avait permis l’émergence d’une conscience nationale, mais celle-ci déjà faible est désormais désagrégée, détournée.

Entre le sionisme (désormais religieux) étouffant toute perspective démocratique et un camp démocratique pratiquement inexistant du côté palestinien, c’est un véritable drame historique. C’est là dessus que veut jouer Donald Trump, aux dépens bien entendu de tous les réfugiés palestiniens qui sont trois millions dans des camps dans les pays voisins et qui sont censés disparaître comme par enchantement.