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Le « départ » de Benoît Hamon

Benoît Hamon filait un mauvais coton avant les élections. Ses propos négatifs étaient nombreux. Dépassant 3 %, Génération-s est remboursé de ses investissement pour les élections et est sauvé de ce point de vue-là. Lui préfère prendre un peu de champ, tout en soutenant le mouvement.

Benoît Hamon a multiplié les signaux négatifs juste avant les élections, reflétant ses inquiétudes. Une semaine avant le vote, il déclarait en « off » à des journalistes la chose suivante :

« C’est fou, on est à une semaine de l’élection, et j’ai l’impression d’apprendre aux gens que je suis candidat, ça me laisse pantois. »

Peu après, sur France 2, il expliquait :

« Je tirerai les leçons d’un deuxième échec majeur au suffrage universel et les idées que je porte, naturellement, elles disparaîtront et de la reconstruction de la gauche et du paysage politique (…).

Je veux le dire aux électeurs et notamment aux indécis : si je ne passe pas les 5%, les idées que j’ai défendues, le revenu universel, la taxe sur les robots, la transition écologique telle que je l’ai défendue avec la justice sociale, ces idées s’évanouiront aussi. »

Il a hier soir annoncé sa décision à la suite de l’échec de Génération-s à atteindre 5 %: il se met en retrait. Voici son message à Génération-s.

« Chères amies, chers amis,

Ces élections européennes nous ont déçu par leur résultat mais nous avons fait une incroyable campagne, à moyens financiers minuscules, mais à énergie humaine (et propre) incroyable.

C’est une des campagnes dont je suis le plus fier. Partout vous avez déployé engagement et arguments pour convaincre. J’ai eu écho des mille initiatives prises sur le terrain, des nuits de collage, des petits matins de tractage dans les gares, des après midi de porte-à-porte. Ce sont des jours heureux dans nos mémoires. Nos idées grandissent, c’est l’essentiel.

Maintenant s’ouvre une nouvelle étape pour la gauche qui doit se reconstruire et se rassembler, d’une part, et pour notre mouvement qui prépare déjà les prochaines élections municipales, d’autre part.

D’ici là, nous aurons l’occasion de débattre, de faire le bilan de notre jeune existence et de cette première épreuve du feu et de décider comment nous inscrire dans l’avenir de la gauche : construction d’un lobby citoyen ; participation à la réalisation d’une maison commune de la gauche et de l’écologie… Le collectif national prendra des initiatives bientôt.

Je participerai à cette nouvelle étape, fidèlement à vous et à notre projet. J’ai cependant besoin de prendre du recul, de m’éloigner des médias notamment. Cela fait presque trois ans et le lancement de la primaire de la gauche, que je bats campagne sans interruption. J’ai besoin de retrouver un peu mon souffle, de penser, lire, croiser de nouveau regards. Génération·s est le mouvement de l’intelligence collective. Soyez sûrs qu’elle nous portera loin.

On ne se quitte donc pas.

Merci.

A bientôt.

Benoît Hamon »

Cela est fort dommage, car Benoît Hamon est une figure connue de la Gauche. Cela sonne comme une capitulation, même si cela en est pas une. Ce n’est dans tous les cas pas dignes de la politique. Vus les défis attendus, il faut des gens connus, avec de l’expérience, ayant fait preuve de leur engagement. On ne se met pas de côté au moment où les batailles terribles s’annoncent.

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La Gauche en France comme cabinet des curiosités

Les Français ne font rien comme tout le monde, du moins c’est ce qu’ils pensent. Cela a pu être vrai parfois, mais ils sont désormais une caricature, une simple curiosité. La France moisit et sa jeunesse se sent de plus en plus en décalage avec son environnement.

Les Français savent qu’ils sont connus en Europe pour leur habileté à protester et ils se sentent pour cette raison plus vifs d’esprit, plus concrets, plus ancrés dans le réel. La protestation pour la protestation n’est cependant qu’une vanité mécaniquement répété et avec les gilets jaunes, tout le prestige des Français s’envolent. Car auparavant, on savait que les Français transportaient de grandes idées.

La Révolution française, les soulèvements démocratiques du 19e siècle, le Front populaire… et bien sûr mai 1968, tout cela a marqué de par son ampleur, son ingéniosité toute française dans la mise en place, mais aussi et même surtout de par les idées véhiculées, les comportements transportés. Il faut bien admettre ici que la figure romantique de l’étudiant parisien révolté de mai 1968 et celle de l’ouvrier en grève générale en juin 1968, c’est autre chose que le gilet jaune faisant des grillades sur son rond-point…

La capacité contestataire des Français s’est ainsi transformé en curiosité. C’est une terrible perte. Pour les Français, d’abord, car cela empêche l’émergence de vraies luttes. Par exemple, chaque années les lycéens espèrent un mouvement où ils pourront bloquer leur lycée. C’est cependant du folklore, le contenu ne les intéresse pas, ils veulent « leur » événement. Cela a dépolitisé massivement. Pour l’étranger, ensuite, car il n’est pas faux que l’esprit français d’initiative a pu permettre de lancer des choses qui ont été exemplaires, comme le Front populaire de 1936 ou la contestation étudiante de 1968.

Mais les Français se sont trop reposés sur leurs lauriers. Au point d’ailleurs, finalement, de préférer la Droite. La France est un pays de contrastes : il y a le pays d’oïl et le pays d’oc, le premier prédomine, le second affirme son style, en tant que « midi ». C’est pareil pour la Droite et la Gauche. La première dirige le pays, sur le plan des valeurs, des habitudes, des normes, et la Gauche s’affirme parfois, posant un style qui influence, sans changer en profondeur.

La Gauche passe, les chasseurs restent. La Gauche gouverne, l’expérimentation animale continue. La Gauche dirige, les riches restent riches et le sont même plus qu’avant. La Droite possède la France profonde et qui la possède est inébranlable. La Commune de Paris de 1871 s’est brisée là-dessus, tout comme le mouvement de mai-juin 1968. Cela fait qu’en réalité, la Gauche elle-même est dans notre pays une curiosité.

Pas sur le plan des idées, bien sûr, car tout le monde sait ce qu’être de gauche. N’importe qui sait ou devine ce qu’est un communiste. Ce n’est pas le cas en Angleterre, voire en Allemagne ! Mais sur le plan de son existence même, la Gauche est une curiosité. Le Parti socialiste a toujours été une petite structure électorale, et ce dès le début du 20e siècle. Le Parti communiste a eu une base de masses de très grande importance, mais totalement sectorisée. Les syndicats n’ont jamais eu d’ancrage de grande ampleur, réel et prolongé chez les travailleurs.

C’est là qu’est un problème essentiel. Car le manque de présence de la Gauche sur tout le territoire a fait d’elle une curiosité et au moyen de l’ingéniosité française, cela a été contourné. Il y a eu les éclats de génie du Front populaire, des FTP-MOI activant véritablement la Résistance, la révolte étudiante pour ébranler gaullisme. Même le Programme commun de 1981 procède de la même démarche.

L’ampleur a bien été gigantesque, mais cela a abouti à une certaine logique machiavélique. Au lieu du travail de fond, il a été espéré une répétition. Il a été cherché la même configuration, au lieu d’avoir une Gauche de masse. Pourtant, seule la massification permet d’avoir des forces réelles, une évolution conforme aux exigences de la base populaire. Là est la véritable démocratie. La Gauche française paie en fait le prix de n’avoir jamais donné naissance à une réelle social-démocratie comme mouvement de masse, ancrant à grande échelle les valeurs, la culture, les principes de la Gauche.

Le maintien de l’opposition Droite / Gauche en Angleterre ou en Allemagne doit tout à cette tradition historique du mouvement ouvrier, solide dès le départ. Il faut vraiment avoir cela en tête, pour ne pas tomber dans le piège d’espérer de simples répétitions d’une configuration historique où la Gauche a pu s’exprimer. Au-delà de cela, il faut ancrer la Gauche, pour qu’elle ne soit pas en France une curiosité, quelque chose d’utopiste, de sympathique mais décalé, sans réelle validité.

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Résultats des Européennes de 2019 : tout reste à faire à Gauche

La Gauche a politiquement disparu : tel est l’enseignement des élections européennes. Il aurait fallu l’unité pour rassembler les forces vives et permettre de relancer quelque chose. Désormais, la défaite est une combinaison d’échec culturel et de déroute politique.

Selon la manière avec laquelle on prend les choses, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Mais cela implique qu’on voit soit le verre en train de se vider, soit en train de se remplir. Les listes de Gauche au sens le plus large possible, si on les combine, donnent un chiffre relativement important. LFI et la liste autour de Raphaël Glucksmann font chacun autour de 6 %, Génération-s autour de 3 %, le PCF moins de 3 %, Lutte Ouvrière moins de 1 %, et si l’on ajoute EELV avec autour de 12-13 %, on a alors quelque chose qui tourne autour de 30 %.

Seulement voilà, il s’agit de 30 % des électeurs, et la moitié des Français n’est pas allée voter. De plus, EELV a largué les amarres avec la Gauche pour devenir « ministérialiste » et La France Insoumise l’a fait pour prôner le populisme. Et La France Insoumise est même en chute libre : on est passé de 19,58 % de Jean-Luc Mélenchon au premier tout des présidentielles à 11,03 % aux législatives en 2017, à désormais presque moitié moins.

À cela s’ajoute que la liste de Raphaël Glucksmann était composée du Parti socialiste, de Nouvelle Donne, du Parti Radical de Gauche et de Place publique. Pour au moins la moitié de ces structures, voire plus même en réalité, on a un courant de centre-gauche. Et du côté de la Gauche assumée, ni le PCF, ni Génération-s, ni Lutte Ouvrière n’auront des députés européens. Politiquement, cela reste fondamentalement marginal.

Après les résultats, Raphaël Glucksmann a affirmé la chose suivante :

« La gauche éparpillée et morcelée n’arrive pas à s’imposer comme une alternative crédible. »

Ce n’est pas vrai. C’est l’inverse qui est vrai. Le morcellement, l’éparpillement, sont la conséquence de l’incapacité à se poser comme alternative crédible. Ce n’est pas en regroupant des structures en perdition, sans contenu ni culturel ni politique et encore moins idéologique, sans base de masses, qu’on peut parvenir à quelque chose. La seule démarche possible est de refaire une Gauche de masse d’un côté et de relancer de l’autre le débat d’idées, l’enseignement des points de vue fondamentaux de la Gauche.

Mais ces points de vue existent-ils ? Ici on doit voir le fond du problème. Car la gauche est devenue une « sensibilité », plus qu’une catégorie politique. On ne se définit plus comme à Gauche, mais comme de gauche, et cela ne veut plus rien dire. Quand on voit qu’il est considéré comme de gauche de légaliser le cannabis, on voit le degré de déchéance d’une culture politique tombée dans le soutien entier au libéralisme culturel. Quand on voit que le terme ouvrier est inexistant à Gauche, on a de toutes façons tout compris.

C’est pour cela qu’on ne peut être que perplexe quant au communiqué de Génération-s :

« Génération.s prendra part à la reconstruction de la gauche et de l’écologie à partir des initiatives des mouvements politiques, sociaux et citoyens qui veulent réinventer le projet de la gauche et l’unir. »

Il n’est pas possible de mettre sur le même plan les mouvements politiques, les mouvements sociaux et les mouvements citoyens. Ce qui compte, ce sont uniquement les mouvements politiques : il faut le primat de la politique. Finie la course populiste derrière des mouvements sociaux aux natures indéfinies, finie la soumission aux classes moyennes éduquées de type bobo.

Tout reste donc à faire : il faut que la Gauche politique redevienne de masse et se positionne par rapport à des fondamentaux. Et ces fondamentaux, ce sont ceux du mouvement ouvrier. C’est un travail énorme qui est à mener. Et qui pense qu’on peut contourner cela au moyen de coalitions électorales n’entend former qu’une coquille vide.

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Pour qui voter ? Un billet d’humeur

Une tentative de porter un regard concret pour un vote utile pour ces élections européennes : quelles listes à Gauche s’assument telles quelles ? Lesquelles peut-on soutenir ? Rien que le fait que la question se pose montre le problème.

Pour qui voter ? Pour cela il y a les professions de foi ! Il suffit de les lire et de faire son choix ! Il y a « En marche pour l’Europe », la liste du mouvement d’Emmanuel Macron. On dira ce qu’on voudra, c’est propre et constructif, avec l’Europe comme utopie libérale-sociale. Qui ne dirait pas non d’ailleurs à une vingtaine d’universités européennes d’ici 2024 ? À une force de protection sanitaire contre les fraudes alimentaires ?

Il ne faut pas s’étonner que des gens aient de l’espoir en cela, au-delà bien entendu de leur intérêt économique. Mais justement, le libéralisme, c’est non, alors regardons la suite.

Il y a les écologistes, avec Yannick Jadot. Après tout, la planète est en train de souffrir. Mais bon, pas certain qu’un repas végétarien optionnel dans la restauration collective change grand-chose… Ni d’ailleurs le droit de vote à seize ans ou l’accueil digne des migrants. Même pas des réfugiés : là on est carrément dans le libéralisme le plus poussé… Passons à autre chose.

Il y a Lutte Ouvrière. Sympa ! Non, ce n’est pas le mot, car c’est fade. Mais c’est digne. Le camp des travailleurs, une enseignante et un ouvrier en tête de liste, le rejet de la grande bourgeoisie, au moins c’est posé. Pas politique, car c’est la même chose depuis des décennies, mais c’est déjà ça. La profession de foi du PCF est plutôt claire aussi, elle est très propre, c’est plus politique : les salaires, l’urgence climatique, l’opposition aux traités ultralibéraux… Minimaliste, mais politique. S’il n’y avait pas en tête de liste Ian Brossat, ce dandy de la mairie de Paris, cela serait plus crédible…

Bon allons voir la liste de Benoît Hamon. Lui au moins il est sincère, et déprimé apparemment en ce moment. Il pense que ses idées vont être coulées si là son score est trop faible. En même temps, la profession de foi est tellement faible, il tend le bâton pour se faire battre. Il faut battre la Droite au pouvoir et les nationalistes, mais il n’y aucune référence à la Gauche. Alors allons voir la liste de Raphaël Glucksmann, lui voulait unir la Gauche ! Mais non, il est juste parlé d’une Europe forte, « pour peser face à l’Amérique de Trump, la Russie de Poutine et la Chine de Xiping ».

Dupont-Aignan et Debout la France ? Même plus gaulliste social, désormais c’est de droite et ce ouvertement. Les « Européens » ? Des centristes qui font la gueule à Emmanuel Macron. Les Républicains ? La même chose en plus conservateur. L’UPR ? La secte du Frexit, uniquement bonne à dire que la France serait l’esclave de l’Union Européenne. La France Insoumise ? Pareil et la base tend d’ailleurs toujours plus aux souverainistes et aux fachos.

Marine Le Pen et Jordan Bardella ? La même chose en encore plus démagogique, et son score va faire mal, très mal. Et c’est là qu’on se dit qu’il faut voter quand même. Parce que l’abstention + un carton de l’extrême-droite, cela va être difficile à digérer. En même temps, ils sont tellement nuls tous à Gauche : sans ambition, sans utopie, sans romantisme, sans socialisme. Pour les plus dégoûtés – les plus conscients peut-être, voter est impossible. Pour d’autres, plus sentimentaux, plus résignés, il y a Benoît Hamon, Ian Brossat, et la liste de Lutte Ouvrière, en sachant que seuls les deux premiers peuvent éventuellement arriver au 5 % nécessaire pour avoir un élu.

Dans tous les cas, un bulletin de vote ne suffira pas à quoi que ce soit : une liste unie à Gauche aurait pu être un vrai marqueur, un témoignage d’une recomposition qu’on soutient. Là c’est trop faible, bien trop faible, alors qu’il y a la catastrophe climatique, le capitalisme en crise et l’extrême-droite qui progresse de manière ininterrompue. Les prochaines années vont être celles de bien des exigences !

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Tribune : « L’Europe a besoin des socialistes »

Voici une tribune d’Alain Bergounioux, président de l’Office universitaire de recherche socialiste et d’Henri Weber, ancien sénateur et député européen, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, initialement publiée par Libération.

Ils appellent à une alliance large à Gauche derrière le courant majoritaire, que l’on peut qualifier de centriste et qui est incarné au parlement européen par le groupe S&D du Parti des socialistes européens (PSE).

Le PSE regroupe les grands partis de la Gauche européenne, le PS français, le SPD allemand, le SPÖ autrichien, le Labour britannique, le PSOE espagnol, le PD italien ou encore le Partij van de Arbeid néerlandais.

Une partie de la Gauche de plus en plus importante récuse le rôle et l’action du PSE qui a voté en 2017 à 90 % la même chose que la Droite (PPE) lors votes finaux, selon une étude de la fondation Robert Schumann.

Il faut néanmoins, pour être tout à fait honnête, interpréter cette de donnée dans le cadre particulier du Parlement européen, qui fonctionne par des compromis négociés longuement, y compris à l’intérieur même des groupes.

Notons pour finir qu’il est question dans cette tribune de s’opposer à l’ordo-libéralisme, à quoi est opposé traditionnellement le keynésianisme, et non pas le Socialisme. Le Socialisme s’oppose par définition au mode de production capitaliste, dont l’ordo-libéralisme et le keynésianisme sont deux aspects.

« L’Europe a besoin des socialistes

Le 26 mai, il faut conforter le Parti des socialistes européens (PSE) et son groupe parlementaire à Strasbourg, «l’Alliance des démocrates et des socialistes». Implanté de longue date dans les 28 Etats de l’Union, (la Grande-Bretagne est encore des nôtres !); fort aujourd’hui de 188 députés, le PSE est la seule force politique au Parlement européen capable de promouvoir une coalition progressiste rassemblant les sociaux-démocrates, les écologistes, et les centristes.

Une telle coalition est nécessaire et urgente, face à la montée des nationalismes d’extrême droite et des partis europhobes, crédités de 25% des sièges, dont l’objectif proclamé est la destruction de l’UE. Elle est indispensable aussi pour réorienter la construction européenne dans le sens d’une Europe plus écologique, plus sociale, plus solidaire, plus volontaire. Jamais les risques d’enlisement et de désagrégation nationaliste qui menacent l’Europe n’ont été aussi grands. Mais jamais non plus les chances de tourner le dos à l’ordo-libéralisme longtemps dominant et d’engager la transition écologique et la révolution numérique en Europe n’ont été aussi fortes.

La prise de conscience de l’urgence écologique dans la grande opinion a beaucoup progressé depuis cinq ans. Elle joue en faveur d’un «Green New Deal», une nouvelle donne écologique, en deux volets : le renforcement qualitatif des normes et règles en défense de l’environnement et de la qualité de la vie. C’est le volet défensif, auquel s’ajoute un volet offensif : la mise en œuvre de politiques industrielles volontaristes et ambitieuses en vue de réaliser les objectifs de la COP 21, la reconversion thermique des bâtiments, le développement des «mobilités propres» et des énergies renouvelables, la généralisation d’une «agriculture raisonnée»…

Cette transition écologique que chacun appelle désormais formellement de ses vœux, ne peut être le fruit du libre jeu des forces du marché, toute l’histoire du capitalisme l’atteste. Elle appelle au contraire une forte impulsion de la puissance publique, à tous ses niveaux : local, régional, national, européen et mondial, le niveau continental s’imposant toutefois de plus en plus comme l’espace stratégique. Ce retour nécessaire de la puissance publique s’affirme à un moment où les dogmes du néo-libéralisme économique, triomphants au début du siècle, ont beaucoup perdu de leur crédibilité, en raison des résultats des politiques qu’ils ont inspirés. Peu nombreux sont ceux qui croient encore dans les vertus autorégulatrices des marchés. L’idée que le monde souffre, non pas d’un excès, mais d’une carence d’organisation, de régulation, de planification, d’intervention des acteurs publics, s’est peu à peu imposée, après la crise de 2008. Elle a pris tout d’abord la forme régressive d’une montée des protectionnismes nationalistes. Mais elle peut prendre aussi, celle, progressiste, de politiques publiques coopératives et socialement inclusives, comme on dit à Bruxelles, préconisées par la social-démocratie au niveau de l’UE et de chacun de ses Etats membres.

Malgré ses déboires dans certains pays, la famille socialiste restera la principale force progressiste au Parlement européen et au Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement dans la prochaine législature (2019-2024). La seule force capable de fédérer la gauche, les écologistes et le Centre-gauche pour mettre en échec les offensives désagrégatrices des partis europhobes et de réorienter l’Europe. C’est pourquoi nous appelons à voter pour la liste «Envie d’Europe», emmenée par Raphaël Glucksmann. Le 26 mai, il s’agit d’élire le Parlement européen, non de censurer ou de plébisciter le Président de la République française. »

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Le témoignage d’Édouard Martin, député de gauche au Parlement européen

L’ancien ouvrier Édouard Martin est une figure connue et appréciée à Gauche pour le combat médiatique qu’il a mené contre la fermeture des derniers hauts-fourneaux d’ArcelorMittal à Florange il y a 10 ans. Dans un petit reportage réalisé par France bleue Moselle, il témoigne de son activité d’eurodéputé, d’abord sous les couleurs du Parti socialiste puis du mouvement Génération-s.

Édouard Martin semble satisfait de l’expérience qu’il a pu avoir au Parlement européen. Conformément au discours des autres eurodéputés du mouvement Génération-s de Benoît Hamon, il explique que son mandat a été utile, avec des avancées concrètes.

Malgré toute la sympathie que l’on peut avoir pour lui, il peine à convaincre de cela, en avançant un bien maigre bilan. Le « dossier » qu’il cite en priorité est le combat pour que la Commission européenne « ne reconnaisse pas le statut d’économie de marché à la Chine »… Cela paraît bien étrange comme préoccupation et laisse quelque peu perplexe.

L’autre exemple qu’il donne est l’obligation de transparence sur l’origine des minerais issus des mines de cobalt en République démocratique du Congo. S’il s’agit à n’en point douter d’un combat démocratique important, on a du mal à savoir quelle plus-value ont pu apporter les parlementaires européens sur la question par rapport au travail d’associations environnementales. Comme l’admet l’ancien métallo, les États ne respectent pas cette obligation. On se demande alors l’intérêt de ces journées harassantes qu’il décrit.

Car il ne faut pas se raconter de bêtise : quoi que l’on pense du fédéralisme européen comme projet, on ne doit pas nier que l’Union européenne telle qu’elle est n’est pas une structure démocratique. Les parlementaires, minés par les divisions nationales et travaillés au corps par les lobbyistes, n’ont qu’un faible rôle s’il n’accompagne pas le point de vue des États membres.

Ils n’ont que peu de poids pour les obliger à respecter les choses qu’ils voteraient et ils n’ont d’ailleurs pas le droit d’initier eux-même des directives (qui sont ensuite retranscrites dans les lois nationales). Le Parlement n’a même pas le droit de se prononcer sur des sujets aussi importants que l’adhésion de nouveaux États ou le droit à la concurrence. Ce dernier point relève pourtant de la nature même de l’Union européenne, qui est depuis l’origine une communauté économique destinée à organiser un grand marché européen, sous l’égide du moteur franco-allemand.

On peut avoir beaucoup de sympathie pour les « 180 000 km parcouru en 5 ans » par Édouard Martin pour aller à la rencontre de la population, on ne pourra pas s’empêcher de penser cependant que tout cette énergie aurait pu être utile pour autre chose.

Si l’on peut considérer qu’il est important pour la Gauche d’avoir un score important aux Européennes pour peser politiquement, il ne faut pas pour autant prétendre des choses qui ne sont pas vraies.

On peut très bien voter pour la liste présenter par le mouvement Génération-s de Benoît Hamon par sympathie pour ses membre et soutien du programme qu’il propose avec d’autres organisations européennes. Il ne faut pas s’imaginer par contre que ces eurodéputés pourraient faire appliquer ce programme d’une quelconque manière.

Ce n’est pas au Parlement européen que la Gauche va changer la vie. C’est pourtant là son rôle, le cœur même du combat de la Gauche.

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Les clips de campagnes de la Gauche et de l’écologie pour les élections européennes

Voici les clips de campagne des listes de la Gauche ou se définissant de l’écologie pour les élections européennes de ce dimanche 26 mai 2019 :

 

  • La liste POUR L’EUROPE DES GENS CONTRE L’EUROPE DE L’ARGENT conduite par Ian Brossat (PCF)

  • La LISTE CITOYENNE DU PRINTEMPS EUROPEEN AVEC BENOÎT HAMON SOUTENUE PAR GÉNÉRATION.S ET DÈME-DIEM 25 conduite par Benoît Hamon (Génération-s)

  • La liste ENVIE D’EUROPE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE, conduite par Raphaël Glucksmann (Parti socialiste – Place publique)

  • La liste LUTTE OUVRIERE – CONTRE LE GRAND CAPITAL, LE CAMP DES TRAVAILLEURS conduite par Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière)

 

  • La liste EUROPE ÉCOLOGIE conduite par Yannick Jadot (EELV)

  • La liste URGENCE ÉCOLOGIE conduite par Dominique Bourg (Génération Ecologie, le Mouvement Ecologiste Indépendant et le Mouvement des progressistes)

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CGT : un 52e congrès bien difficile

La CGT perd des points en tant que syndicat. Ses mobilisations sont des demi-succès, ses batailles des échecs, son identité toujours plus floue. Le congrès a établi le maintien du statu quo, en espérant que les choses tournent mieux à court terme. Sans quoi, la crise sera ouverte.

Le 52e congrès de la CGT qui vient de se tenir du 13 au 17 mai 2019, à Dijon, ne s’est pas déroulé sous un ciel serein. La CGT a recommencé à perdre des adhérents, en l’occurrence environ au moins 40 000 en quelques années. Elle est de plus en plus dépassée par la CFDT lors des élections. Et, enfin, tous ses chevaux de bataille ont été des échecs, de l’opposition à la loi El Khomri à la grève des cheminots, jusqu’à l’opposition à Emmanuel Macron.

Il y a, bien entendu, plus que cela, car au fond, la véritable crise de la CGT est une crise d’identité. Liée au PCF depuis 1945, elle a connu une profonde réorientation à partir de son opposition totale à mai 1968. Cela l’a projeté dans les institutions, avec à l’arrière-plan le projet du PCF de réaliser une démocratie avancée par l’intermédiaire du Programme commun avec le Parti socialiste en 1981. Mais tout cela est bien loin désormais. Aussi, la CGT ne sait-elle pas comment se placer.

Grosso modo, il y a trois tendances dans la CGT. Il y a ceux qui obéissent à la gravité. Le poids social, la tendance dominante est à la négociation en mode CFDT : ils l’acceptent. Ils n’ont rien contre, faisant partie d’un appareil ultra-bureaucratisé, avec beaucoup d’opportunistes placés à tous les niveaux. Qui connaît la cuisine interne de la CGT sait qu’il faudrait un gigantesque coup de ménage.

Il y a ensuite ceux qui veulent un syndicalisme de masse, comme l’actuel secrétaire général, Philippe Martinez. Ils considèrent que de toutes façons, le souci principal est le manque d’ancrage dans la population. On peut avoir raison comme on l’entend sur le reste, tant qu’il y a ce problème, de toutes façons… Ils veulent donc une ligne combative, mais soulignent qu’il faut être réaliste. Cela se lit dans le numéro spécial de la revue Le Peuple, organe de la CGT, avec les documents concernant le congrès, au point 225 et 226 :

« La division syndicale pèse sur nos capacités à intensifier le rapport de forces. La marginalisation et l’éclatement du syndicalisme sont des difficultés que nous ne devons pas sous-estimer et l’unité est aussi le moyen de montrer ensemble que le droits des travailleurs et travailleuses de se syndiquer, de s’organiser, de peser et d’agir sur le travail est à renforcer pour gagner ensemble des conquêtes sociales.

Nous ne pouvons pas nous opposer au capital si nous ne réussissons pas la classe ouvrière des travailleurs et travailleuses au-delà des militants de la CGT. La réussite d’une mobilisation nécessite sa massification et son élargissement. »

Il y a, enfin, ceux qui veulent un syndicalisme de classe. Les médias ont bien souvent défini ceux-ci comme relevant de l’extrême-gauche, ce qui est inexact. Il s’agit en réalité de gens se situant dans le prolongement de la ligne du PCF des années 1970. Ils ont un certain vent en poupe, car ils prônent un retour en arrière, ce qui parle à encore certains secteurs de la CGT, qui regrettent la grande époque. Dans le préambule du hors-série pour le congrès, leur point de vue est même directement exprimé :

« L’opposition de classe existe toujours entre ceux qui vivent de leur travail et ceux qui s’enrichissent de l’exploitation des travailleurs au profit du capital. Loin d’une notion dépassée ; « l’opposition de classes » est une réalité qui structure le monde du travail, les lieux et la nature même du travail. »

On l’aura saisi : il est parlé d’opposition de classe, pas de lutte de classe et encore moins de réalisation de la lutte de classe dans la révolution, comme l’exigeait la CGT à sa fondation. Et c’est là un vrai problème de fond traversant toute la CGT, qui s’imagine de manière romantique porter un projet « révolutionnaire », alors qu’en fait pas du tout.

Certains veulent tomber le masque, d’autres faire revivre ce romantisme, mais le compte n’y est pas. Cela produit une très lourde amertume chez les cadres et les membres historiques.

En même temps, les questions que se posent la CGT sont justement très politiques, alors que la CGT est censé rejeter la politique, depuis le fameux congrès d’Amiens de 1905. La CGT parle de l’industrie, du secteur public à protéger, des retraites, du réchauffement climatique, de l’organisation du travail, de la question du système des droits en général qu’il faudrait réorganiser, de la financiarisation de l’économie, de la Procréation Médicalement Assistée pour toutes (la CGT est pour cette mesure ultra-libérale !), etc.

Comment continuer cela tout en maintenant la fiction du refus de la politique au nom d’un syndicalisme unique ouvert à tous ? Sans compter qu’auparavant la CGT était le principal syndicat et que de plus en plus elle devient numéro deux. On comprend donc que les tourments de la CGT soient sans fin et que la spirale de l’échec va être difficile à stopper. Et que lors du congrès, il ne se soit rien passé.

Philippe Martinez voulait organiser des comités régionaux : cela a été bloqué. Les opposants voulaient un retour de la CGT dans le giron de la Fédération syndicale mondiale, quittée en 1994, et l’abandon de la Confédération syndicale internationale : cela été bloqué aussi. Il a été décidé d’attendre et de voir à qui le temps donnera raison.

Il y a toutefois beaucoup de vanité dans tout cela. Car même en admettant que la CGT parvienne à quelque chose, elle serait obligé de faire comme le syndicalisme anglais, qui a donné naissance à un parti politique, le Labour, pour porter ses revendications et exigences. Et encore les choses ne marchent-elle pas comme cela en réalité, car seule une Gauche politique s’assumant telle quelle peut transformer la réalité. Et c’est cela que la CGT ne veut pas assumer. Elle doit capituler devant la Gauche politique et accepter son rôle secondaire. Tant qu’elle ne le fera pas, elle pillera la Gauche politique, l’affaiblira, tout en continuant ses tourments internes, jusqu’à l’effondrement et le remplacement par la CFDT.

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Les têtes de liste aux Européennes présentes contre le méga-centre commercial EuropaCity en région parisienne

Ce week-end avait lieu une mobilisation de 24 heures contre le projet de méga-centre commercial EuropaCity à Gonesse, en région parisienne. Un millier de personnes étaient mobilisées et plusieurs personnalités politiques de la Gauche ou se revendiquant de l’écologie s’y sont rendues, alors que le projet est soutenu par le maire PS de la ville.

Le groupe Auchan, détenu par la grande-bourgeoise famille Mulliez, envisage depuis plusieurs années un immense centre-commercial de 240 000 m² à Gonesse dans le Val-d’Oise. Peu importe que les terres sur lesquels il doit être construit soient des plus fertiles, à 15 km de Paris : rien ne devrait entraver la marche du capitalisme triomphant, écoulant toujours plus de marchandises.

Le Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG) qui organisait la mobilisation s’oppose à toute une zone d’aménagement autour de ce projet qui détruirait « 300 hectares, dont 80 hectares pour le méga-centre commercial EuropaCity : 500 boutiques,2.700 chambres d’hôtel, un aquapark, une piste de ski artificielle… »

Ce n’est pas tout puisque « la société du GrandParis, une structure sous tutelle étatique, a annoncé son intention d’engager dès novembre 2019 la construction d’une gare au milieu du Triangle, qui formerait un décroché de 6 km sur la future ligne 17-Nord. Les premiers habitants seraient à 1,7 kilomètres. »

Le projet a déjà été bloqué par voie administrative, mais l’État et la mairie de Gonesse font appel de ces décisions. Le maire de la ville, Jean-Pierre Blazy, est au Parti socialiste, qui soutient donc ce projet écocidaire du groupe Auchan.

Tel n’est pas le cas d’autre personnalités politiques, liée à la Gauche et l’écologie, qui se sont rendue sur place pour apporter leur soutien à l’opposition.

Benoît Hamon de Génération-s s’est rendu sur place et a expliqué sur Twitter :

« A #Europacity se joue une bataille cruciale. Il faut abandonner ces projets qui défugurent nos territoires et abîment la biodiversité. La reconnaissance du crime d’écocide et celle des biens communs de l’humanité (air eau, forets, et…) sont aussi l’enjeu du scrutin du #26mai »

Ian Brossat a de son côté écrit, conformément au discours habituel du PCF :

« Au Triangle de Gonesse, pour dire non à #EuropaCity. Dire que la famille Mulliez, à l’origine de ce projet, ose expliquer qu’elle rend service à l’économie de la région. Qu’elle commence par payer ses impôts en France… »

Il a aussi affirmé à la tribune sur place qu’il faut « en finir avec l’artificialisation des terres » en parlant de Karl Marx qui aurait dit que « le capitalisme s’attaque avec la même férocité à l’homme et à la nature » (la citation n’est toutefois pas connue ; on imagine qu’il s’agit d’une référence malhabile à un passage du Capital où il est expliqué que la production capitaliste épuise en même temps la terre et le travailleur).

Yanick Jadot chef de file de la liste Europe écologie était sur place et a écrit :

« Les écologistes combattent le projet #Europacity Nous voulons que cesse l’urbanisation commerciale qui grignote les terres agricoles et encourage à toujours plus de déplacements tout en détruisant le commerce le proximité #VotezEuropeEcologie http://pourleclimat.eu »

Delphine Batho, tête de la liste Urgence écologie, était également sur place pour s’opposer au projet et expliquer que :

« L’État bafoue les décisions de justice obtenues par les opposants à ce projet destructeur ».

Notons également que Thomas Porcher, qui avait quitté le mouvement Place publique de Raphaël Glucksmann en mars dernier, a rappelé à la tribune de manière très politique que des élus du PS sont alliés au parti d’Emmanuel Marcon et à la Droite pour soutenir ce genre de projets.

Il a également écrit :

« Au triangle de #Gonesse avec les collectifs citoyens opposés au projet #Europacity. La cohérence dans l’engagement écologique, c’est d’être toujours de leur côté et de ne jamais s’allier avec ceux qui soutiennent ces projets inutiles (à savoir pour #EuropaCity l’arc PS-LREM-LR). »

Le Parti socialiste avait également unilatéralement soutenu le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, avec les élus locaux refusant toutes considérations écologistes au profit de l’argument économique, du développement et des emplois. Le maire de Gonesse Jean-Pierre Blazy s’est défendu avec de genre d’arguments, dans une longue lettre adressée directement aux personnalités intervenant durant le week-end de mobilisation.

Il y explique que lui aussi serait opposé au projet si la « caricature » faite par les opposants était vraie, mais qu’il reste en fait beaucoup de terres agricoles en Île-de-France et qu’EuropaCity n’est pas problématique pour l’environnement.

Il faudrait ce grand projet « structurant » pour améliorer la vie des habitants, dans une sorte de chantage à la banlieue contre les préoccupations écologistes qui seraient une lubie de bobos. On a même le droit à l’argument incroyable disant qu’il ne s’agirait « pas d’un centre commercial », mais d’un « pôle dédié aux loisirs et à la culture », qui « aménera de l’esthétisme en banlieue », sans compter que les bâtiments seraient bien-sûr « Haute qualité environnementale »… Monsieur Blazy explique donc aux intervenants qu’ils se « trompent de combat » ; il faudrait croire à sa fable disant que la famille Mulliez investit 3 milliards d’euros pour un projet socialiste et écologiste, pour les banlieusards…

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Société

Non, Benoît Hamon, le kebab n’est certainement pas un apport culturel

Voulant combattre le racisme à Béziers, Benoît Hamon a mangé un kebab et l’a revendiqué. Cela représente pourtant le degré le plus haut de souffrance animale, d’exploitation des travailleurs, d’alimentation anti-diététique, de produit ultra vite fait et ultra mal fait mais appétant, de petit commerce agressif et prêt à tout.

Benoît Hamon est, parmi toutes les figures actuelles de la Gauche, sans doute celle qui est la plus ouverte à l’esprit alternatif sur le plan du mode de vie. Il a très certainement de la sympathie pour l’esprit authentique des rastas, du respect pour les vegans, un intérêt pour les hippies, et si on lui parle du skate punk californien, il dira très certainement que c’est fort intéressant et nettement positif. Malheureusement, cela reste indéniablement extérieur à lui. Et de nos jours, le capitalisme est tellement puissant qu’on ne peut pas être alternatif à moitié.

Ainsi, Benoît Hamon a succombé à son manque de rigueur, à son formatage bourgeois. Cela part d’un bon sentiment, il est vrai : il est à Béziers, une ville dont le maire Robert Ménard joue sur la corde identitaire et nationaliste autant qu’il peut, dans une région fortement marquée par un racisme revendiqué. Il est également accompagné de Naïma Charaï, élue bordelaise à qui Robert Ménard intente un procès en diffamation.

Elle avait dit dans la presse l’an passé que celui-ci a été condamné pour incitation à la haine raciale. Le jugement avait en fait été réformé en appel (et non « cassé » comme le dit Benoît Hamon, qui confond avec un pourvoi en cassation). Dans ce cas, l’arrêt rendu par la cours d’appel rend caduque le jugement initial – c’est comme s’il n’avait jamais existé, puisqu’il est considéré que l’affaire a été mal jugée. Au sens strict, Naïma Charaï ne peut donc pas dire que Robert Ménard a été condamné pour incitation à la haine raciale.

Tout cela pour dire que, donc, jeudi 16 mai 2019, Benoît Hamon s’est filmé en train de manger un kebab, envoyant une « dédicace » à Robert Ménard, Marine Le Pen et Jordan Bardella. La publication a même été « épinglée » sur son compte Twitter de manière à ce qu’elle reste visible un long moment, dans le but d’en faire une actualité politique anti-raciste. Peut-on être pourtant plus incohérent ?

Il est invraisemblable qu’en 2019, il y ait des gens à Gauche pour valoriser le kebab. Pourquoi le kebab est-il si peu cher ? Parce que les animaux qui ont servi pour la viande ont connu le pire des enfers, dans le cadre d’un capitalisme ultra-agressif. Il ne s’agit pas seulement d’animaux par définition dans les abattoirs, il s’agit d’animaux connaissant le pire des abattoirs, car il s’agit ici de fournir la viande la moins chère de toutes. Les gens qui ont servi dans les abattoirs et pour les livraisons font partie des prolétaires les plus pressurisés, les plus exploités, en plus du caractère démolisseur psychologiquement de leur travail pour les premiers.

 

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Spéciale dédicace à Robert Menard, @marine_lepen, @jordanbardella, en direct du meilleur kebab de #Beziers 📸 @teofaure

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Le kebab est également ultra appétant, à coups de sauces grasses mélangées aux viandes, à la fois pour masquer le goût ignoble (les viandes étant les pires restes des secteurs déjà les plus agressifs de cette industrie) et pour contribuer à l’empiffrage, qui est le principal « plaisir » du kebab, comme pour la pizza, le hamburger ou le tacos. C’est le principe de la malbouffe et cela a un succès gigantesque dans notre pays.

C’est donc une catastrophe. Et il est tout aussi catastrophique de parler du couscous en le plaçant au même degré que le kebab, comme le fait Benoît Hamon par anti-racisme. Le kebab est une invention très récente, faite par des commerçants turcs à Berlin. Sa nature est industrielle, commerciale, un équivalent du hamburger ou du hot-dog.

Le couscous est quant à lui un plat relevant de la culture populaire, avec un profond équilibre nutritif, une recherche gustative au moyen d’une grande finesse dans le choix des éléments. Ce n’est pas une accumulation des pires viandes mélangée à de la sauce, coupée en petits morceaux et mélangés avec le fameux triptyque salade – tomates – oignons, dans un pain dont rien que la digestion coûte plus d’énergie au corps qu’il n’en apporte, avec des frites surgelées !

Si on conclut en plus en disant que les kebabs sont des repères patriarcaux, on aura tout dit. Benoît Hamon aurait dû comprendre le piège tendu par Robert Ménard qui ne cesse de dénoncer les kebabs depuis plusieurs années. Il aurait dû comprendre qu’il l’a fait pour se donner une image anticapitaliste romantique auprès des masses, qui ne sont pas dupes de ce que représente le kebab. Quant aux jeunes qui vont au kebab (surtout des jeunes hommes), ils le font passivement et s’en moqueront que Benoît Hamon le fasse également.

Les gens qui prennent des kebabs sont autant passifs que ceux qui vont au McDonald’s, et sont d’ailleurs souvent les mêmes. Quand on est à Gauche, on le voit bien et on comprend qu’il y a un problème. Benoît Hamon ferait mieux d’aller chercher l’adolescente qui se met à l’écart de ces lieux de commerce où règne l’attitude beauf par rapport au monde tel qu’il est, et qui bataille contre ses parents pour pouvoir assumer son véganisme. S’il y a quelque part de la dignité, l’avenir de la Gauche et même du monde, c’est bien là, et pas dans un kebab.

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Politique

La socialiste historique Élisabeth Guigou soutient Emmanuel Macron

Figure éminente de l’histoire du Parti socialiste, Élisabeth Guigou a écrit une tribune dans une publication ultra-libérale pour annoncer son soutien à la liste pro-Macron aux élections européennes. C’est toute sa vie politique qu’elle jette aux oubliettes, et la Gauche avec.

Incroyable, il n’y a pas d’autres mots. Qu’Élisabeth Guigou décide de soutenir la liste pro-Emmanuel Macron pour les élections européennes, c’est déjà agir tel un renégat quand on a été socialiste toute sa vie. Mais en plus le faire au moyen d’une tribune dans l’organe de presse ultra-libéral l’Opinion, là on est vraiment dans l’indignité la plus complète.

Vous vous imaginez ? On parle ici de quelqu’un au Parti socialiste depuis 1973 ! Qui auparavant était au PSU avec Michel Rocard… Qui a encore parrainé la candidature de Benoît Hamon pour la présidentielle de 2017… Quelqu’un qui est au bureau national du PS, qui a été secrétaire nationale du PS chargée des questions sociales de 1995 à 1997, secrétaire nationale du PS chargée de la réforme de l’État et des collectivités territoriales de décembre 2008 à 2012…

Quelqu’un qui, en tant que socialiste, a été entre autres député, député européen, ministre déléguée aux Affaires européennes du second gouvernement de Michel Rocard, ministre de la Justice puis ministre de l’Emploi et de la Solidarité du gouvernement de Lionel Jospin…

Quelqu’un qui, en mars encore, racontait avec fierté dans Libération avoir chanté l’Internationale et Le temps des cerises à la buvette de l’Assemblée nationale…

« Une nuit, en plein examen du projet de loi sur le pacs que je présentais, il devait être 2 heures du matin et on venait de subir quatre ou cinq heures de discours de Christine Boutin. J’étais sur le banc des ministres et je suis sortie faire un tour pour souffler. J’ai entendu des rires et j’ai alors vu une vingtaine de députés de tous bords à la buvette en train de boire et de chanter le Temps des cerises ou l’Internationale, sous la houlette de Louis Mexandeau [alors député PS du Calvados]. Je me suis jointe à eux quelques minutes qui m’ont fait oublier la fatigue. »

Comment Élisabeth Guigou peut-elle alors soutenir Emmanuel Macron ? Ce qu’elle explique dans la tribune qu’elle a écrit prend comme seul justificatif, comme seul indicateur, la construction de l’Union européenne, quelque chose « sans précédent et sans équivalent dans l’histoire du monde ». C’est là un peu vite oublier la formation des États-Unis d’Amérique, de l’Union Soviétique, de l’Union Indienne, etc.

Sans compter qu’elle précise immédiatement elle-même : « Il est vrai que ce fut avec le soutien des États-Unis dans un contexte de guerre froide », ou encore « l’ordre établi après 1945 sous l’égide des États-Unis cède la place à un monde imprévisible et dangereux ». C’est là ouvertement admettre que l’Union européenne n’est pas née sur une base de Gauche… et l’accepter. C’est là le drame d’Élisabeth Guigou. Elle est passée de la Gauche politique à la gauche des institutions, l’admettant elle-même en devenant la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale (2012-2017).

Elle a abandonné la Gauche et ses idéaux, pour se poser en pragmatique de gauche au sein des institutions. C’est le même parcours que François Hollande, Lionel Jospin et tant d’autres. Voici justement comme elle dresse le catalogue de ce que propose Emmanuel Macron, où on cherchera vainement quelque chose ayant un rapport avec le Parti socialiste des origines, dont elle a fait partie :

« Les propositions d’Emmanuel Macron ont le mérite de se concentrer sur quelques priorités : la souveraineté économique, technologique, monétaire, fiscale, sociale et écologique contre la concurrence déloyale des États dominants comme celle des géants du numérique et de l’intelligence artificielle ; la transition écologique financée par une banque du climat et la sécurité sanitaire, face à certains lobbies sans foi ni loi ; la cohésion sociale sans laquelle l’UE ne serait qu’un marché sans âme ; la protection et la promotion de l’Europe de la culture, qu’ont commencé d’incarner, bien insuffisamment, Erasmus et la protection des droits d’auteur ; la maîtrise des migrations par un meilleur contrôle partagé des frontières de l’Union et une solidarité accrue entre les États membres de Schengen ; la sécurité par la lutte contre les cyberattaques, et des règles européennes contre la diffusion par Internet des discours de haine et de violence ; de nouveaux progrès vers une défense réellement autonome, associant le Royaume-Uni en dépit du Brexit, dans un Conseil européen de sécurité intérieure. »

Dans Libération en mars, Élisabeth Guigou se plaignait du manque de reconnaissance des politiques, de « la violence, le mépris et l’antiparlementarisme ambiants… ». Mais ce sont des gens comme elle qui fabriquent cela. Quand on a défend toute sa vie des idées, et qu’on les jette par-dessus bord, on déboussole, on désoriente, on dégoûte. Et voilà ce que fait Élisabeth Guigou, et rien d’autre.

Et on ne sait même pas l’intérêt pour elle de le faire. Au lieu de chercher l’honneur de la loyauté et de s’inscrire dans la reconstruction de la Gauche, qui ne lui aurait pas coûté grand-chose, elle se vend pour strictement rien auprès de personne, car tout le monde s’en moque chez Emmanuel Macron, où elle va agir en simple anecdote pro-institutionnel. C’est idiot, et en plus c’est vide !

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Politique

Des socialistes anglais, espagnols, allemands, autrichiens… mais pas français, pourquoi ?

Pourquoi la social-démocratie est-elle encore si puissante en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Autriche ? Parce que dans ces pays, la social-démocratie a été un mouvement de masse à l’origine. Elle est ancrée dans la population. Il n’y a jamais eu rien de tel en France.

Il faut bien une explication ! Pourquoi le Parti socialiste est-il si faible ? Parce qu’il a participé au gouvernement, qu’il est corrompu ! Allons donc ! En Allemagne et en Autriche, les socialistes participent aux institutions depuis 1945, ont formé d’innombrables gouvernements d’alliance avec la Droite. Ils sont pourtant toujours là ! En Angleterre, le Labour a été au pouvoir plusieurs fois, et Tony Blair était encore plus libéral que François Hollande. En Espagne, le PSOE a toujours plus trahi ses traditions aussi. Et il existe encore, puissant !

Non, la réponse ne peut pas être la corruption de la direction, la participation au gouvernement. Car une direction, cela se change, une orientation, cela se modifie. Mais justement, en Allemagne, en Angleterre, en Autriche, en Espagne, il y a une base pour impulser ce changement, pour le forcer. En France, il n’y a pas cela. Et cela s’explique par des raisons multiples.

Primo, le Parti socialiste n’a jamais atteint une réelle base de masse, il a toujours été un petit parti électoral avec beaucoup de voix, et ce déjà à l’époque de Jean Jaurès. Par contre, en Allemagne et en Autriche c’était un vaste mouvement politique marxiste qui faisait le choix de participer aux élections (et de former des syndicats). En Angleterre, c’était un mouvement syndical qui a fait le choix d’établir un parti politique et de participer aux élections pour gagner de l’espace pour ses revendications. En Espagne, ce fut un mouvement de masse également, avec une histoire plus tortueuse.

Secundo, les traditions historiques jouent. Les socialistes se sont donnés comme naissance historique le congrès d’Epinay, fusion organisé par François Mitterrand de plusieurs courants socialistes, dans les années 1970. Cela ne peut pas suffire. Les socialistes allemands, anglais, autrichiens, espagnols, assument eux un siècle de mouvement. Et vues les histoires tourmentées de l’Espagne, de l’Autriche, de l’Allemagne, forcément, assumer l’identité socialiste, cela pèse.

Tertio, même lorsqu’il y a eu des références au-delà des années 1970, les socialistes n’ont rien pu en faire. Léon Blum ? Ouvertement marxiste, pas possible. Jean Jaurès ? Parfait car mélangeant tout de manière confuse mais avec un grand lyrisme, et pourtant par là même inutilisable. Les autres ? Tous aussi confus, tous incapables de formuler une doctrine.

Restèrent donc les grandes personnalités. Les François Mitterrand, Michel Rocard, Lionel Jospin, ou même François Hollande. Des gens avec de la culture, de la prestance, de l’ambition mais politique, bien cadré, bien posé. Ce sont des gens qui sentent les choses, qui portent les événements, qui comprennent, et qu’on comprend, cette chose si rare en politique. Oui, mais tout cela n’a rien de spécifiquement socialiste comme approche, et une fois les types partis, que reste-t-il ? Pas grand-chose, au mieux, des décombres, au pire.

Il ne reste plus qu’à reconstruire par en bas, donc. Mais avec quelle base ? Le Parti socialiste a eu ces dernières années une base où les entrepreneurs prenaient une place toujours plus importante. À part certaines sections, l’embourgeoisement était flagrant. Ces gens-là sont partis, évidemment. Et les autres aussi ! Il n’y a pas eu la fierté d’être socialiste, de maintenir le drapeau. Même les derniers volontaires ont quitté le navire, allant avec Benoît Hamon faire autre chose ou bien parasiter Jean-Luc Mélenchon en attendant mieux.

C’est que le Parti socialiste était un parti comme les autres. Ce n’est pas le cas des partis sociaux-démocrates d’Allemagne, d’Angleterre, d’Autriche et d’Espagne. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas s’effondrer, s’enliser, échouer. Mais eux ont une histoire, alors que le Parti socialiste a montré qu’il n’aura été qu’un appareil électoral ou bien gouvernemental.

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Politique

Le volontarisme du manifeste écologiste de Génération-s

Les efforts de Benoît Hamon sont sincères, volontaristes, mais très inégaux. L’appel à ce que l’écologie soit assumée à Gauche est une initiative excellente. Mais pas une seule fois il n’est parlé des animaux, ce qui expose un manque immense tout de même lorsqu’on parle d’écologie, et surtout le Manifeste récuse tant le Socialisme que le « système libéral-productiviste ».

« Ils sont dans une espèce de surenchère écologique à quelques jours des élections européennes » : c’est ce qu’a affirmé Jordan Bardella sur LCI au sujet de la LREM et de sa proposition que l’Union Européenne mette 1 000 milliards d’euros dans la transition écologique d’ici 2024. La critique est révélatrice : au lieu de dénoncer le populisme de LREM (car LREM ne peut rien proposer du tout au niveau de l’Europe, seulement participer), c’est l’écologie qui est dénoncée.

> Lire : Le Manifeste pour l’écologie du monde qui vient

L’écologie est source de panique chez les forces conservatrices et Jordan Bardella ne fait même pas semblant de faire de l’écologie différemment, ce qui était pourtant la ligne de Marine Le Pen pour le lancement de la campagne de ces élections européennes.

Elle est par contre source d’inspiration pour les gens comprenant le besoin de transformation. Génération-s a ainsi rendu public un Manifeste pour l’écologie du monde qui vient, sous-titré Engageons le cycle des « trente vertueuses ». Benoît Hamon, dans la préface, résume avec un grand lyrisme ce besoin de transformation :

« L’Europe a définitivement tout à voir avec l’écologie, car elles nourrissent l’une et l’autre le besoin viscéral de se projeter dans un avenir commun positif. Là où l’idéologie libérale a supprimé depuis trente ans tout repère collectif, l’Europe et l’écologie recréent du commun, du lien, une fraternité. »

Pourquoi l’Europe et pas le monde, l’idée d’un gouvernement mondial ? Après tout c’était déjà le rêve d’Emmanuel Kant, ce grand penseur des Lumières, et la chanson l’Internationale demande justement cela aussi. L’écologie n’a de toutes façons pas de sens si l’on ne se place pas dans une perspective mondiale. Les anti-écologistes le rappellent suffisamment en disant que tant que les États-Unis et la Chine ne changeront pas leur approche…

Mais gageons que Benoît Hamon propose simplement de faire de l’Europe un levier pour changer les choses dans le monde, une sorte de modèle. Et c’est ce qu’affirment justement les dernières lignes du Manifeste. Benoît Hamon parle de l’Europe, pour parler du monde, il veut trouver une voie positive dans le monde, et cela passe par l’Europe. Cela peut sembler naïf ou idiot, mais quand on lit cette perspective, on se dit : un type bien, ce Benoît !

L’idée proposée dans le Manifeste est que les prochaines années soient donc justement idéales, à l’opposé des années passées. Aux « trente honteuses » du passé sont opposées les « trente vertueuses » de l’avenir, en allusion aux « trente glorieuses », les années 1945-1975 d’importantes croissance dans les pays occidentaux.

L’idée a un vrai contenu, mais il est considéré que ce serait là quelque chose de naturel, que les « trente vertueuses » ont en fait même déjà commencé :

« La jeunesse mondiale qui manifeste dans la rue ouvre majestueusement le cycle des « trente vertueuses ». Avec l’intransigeance propre à son âge, une détermination proportionnelle à ses craintes et une indignation indexée sur son dégoût, la génération qui vient prend son destin en main et nous intime d’agir.

Comment ces jeunes ne seraient-ils pas « plus chauds que le climat » face à l’état ravagé de la planète dont ils héritent, la cupidité de leurs aînés, le cynisme des dirigeants, l’obséquiosité des politiques, l’hypocrisie du système ? La lâcheté et l’égoïsme qui ont caractérisé d’abord l’Occident puis l’ensemble du monde dans son sillage sont honnis. Le modèle productiviste est mort. La pression populaire pour engager la transition, maintenant, est considérable. »

Ces lignes sont incompréhensibles. La jeunesse mondiale ne manifeste pas du tout, la jeunesse française encore moins. Les quelques initiatives ont été téléguidées par les réseaux sociaux et ne sont nullement ancrées dans la réalité. Il n’y a aucune intransigeance non plus. Les jeunes sont très modernes, ils vont changer le monde, mais pour l’instant ils mangent des kebabs et vont au Mc Donald’s.

D’ailleurs, notons au passage que sortir un tel Manifeste sans mentionner une seule fois le terme « animal » au moment où pareillement est sorti un rapport de l’ONU sur la biodiversité, c’est au mieux ballot, au pire criminel. Franchement, quoi !

De plus, contrairement à ce qui est dit, la pression populaire est inexistante, soit parce que les gens sont passifs, soit parce qu’ils veulent vivre comme avant, comme le montrent très bien les gilets jaunes (que le Manifeste attribue à une simple colère sociale, ce qui est réducteur et même faux).

Cet idéalisme n’étonnera pas qui connaît Benoît Hamon et ses partisans, qui s’imaginent que la « gauche » post-moderne répond à des exigences naturelles. Et comme souvent, cela va avec de véritables exigences, très justes, ou au moins très sympathiques. Il y a de l’envergure dans les propos suivants du Manifeste :

« Les 2,5 millions de signataires de la pétition pour le climat confirment la fin du déni humain et la force de l’attente. En France et partout dans le monde, nous disons que « l’Affaire du siècle » sera de sortir la Terre de son asservissement, de définir ses droits et d’ouvrir une nouvelle ère de partage de la vie. C’est une force immense qui exige de changer d’échelle et invente les moyens d’agir. En créant de nouveaux droits pour que la nature puisse se défendre et s’opposer à la violence d’un marché vorace et destructeur, elle engage un nouveau monde. »

La Manifeste, qui fait une vingtaine de pages, consiste alors à dire que l’écologie ne peut exister qu’avec la justice sociale, qu’elle ne peut pas être apolitique, qu’elle implique une rupture complète avec le « système libéral-productiviste ». D’un côté, on se dit : bravo, il faut soutenir Benoît Hamon, il y a une vraie affirmation d’une utopie de Gauche. Surtout qu’on lit ces lignes favorables à la Gauche historique, étonnantes car telle n’est pas du tout la ligne assumée par Génération-s :

« Notre première responsabilité est de changer radicalement de mode de production, de consommation, et de repenser notre rapport au temps et au travail.

Sous une forme renouvelée, ces sujets ne sont autres que ceux des mouvements ouvriers du XIXe siècle, du Front populaire de 1936, du Conseil national de la résistance de 1945. L’écologie est la réponse à la question sociale de notre siècle. »

Bravo, vive le mouvement ouvrier, vive le Front populaire, vive l’esprit de la Résistance ! Dommage d’avoir oublié mai-juin 1968, mais bon (on notera au passage que le programme commun de 1981 est également soigneusement oublié), il y a déjà les fondamentaux du point de vue de la Gauche historique.

De l’autre, il y a un souci, c’est un côté ni Capitalisme ni Socialisme qui sonne très années 1930, dans sa variante spiritualiste. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, Benoît Hamon est un rocardien, c’est-à-dire quelqu’un de la droite du Parti socialiste, un partisan d’une sorte de « troisième voie ». Pas bon ! Et les lignes suivantes, qu’on lit dans le Manifeste, sont précisément infestées des idéologies d’Emmanuel Mounier (et le personalisme), de Martin Heidegger (et l’existentialisme), de tous les discours des années 1930 sur une autre richesse que celle matérielle, sur le besoin spirituel dans le rapport à la réalité :

« Aveuglés par des mécanismes de marché qui n’ont jamais intégré la question de la finitude des ressources, les néolibéraux courent sans cesse après un nouveau modèle de croissance qui ne vient pas. Les productivistes sont, eux, terrifiés à l’idée de perdre tout ressort de redistribution des richesses – qu’importe si le système qui les produit est la cause même de la crise sociale et environnementale.

Les mêmes symptômes guettent les mouvements collectivistes, qui ne croient qu’en un système de production centralisé et planifié incompatible avec l’économie des ressources. Il ne s’agit plus de savoir comment produire à tout prix des richesses pour les redistribuer plus ou moins. Il s’agit de changer fondamentalement de logiciel, de s’interroger sur la notion même de richesse, qui n’est plus aujourd’hui l’accès illimité au « confort matériel » mais à un air respirable, une eau buvable, des aliments comestibles, une terre cultivable, une santé préservée, une vie possible. »

Ici, il faut dire : halte-là, Benoît Hamon ! Si tu bascules dans la métaphysique de la sobriété de la petite production, tu changes de camp ! Tes exigences néo-humanistes sont appréciables, mais si ton mouvement publie un Manifeste avec de telles lignes, c’est qu’il y a un problème. Et ce problème, c’est que le système de références n’est pas la Gauche historique, mais les discours intellectuels bobos à la Pierre Rabhi.

Alors, comment faut-il considérer le Manifeste : comme un texte pro-zadiste, pro-décroissance, très années 1930 ? Comme un appel à ce que la Gauche assume enfin l’écologie ? Le Manifeste lui-même dit tout et son contraire et assume de ne pas choisir :

« Il ne s’agit pas de refuser ou d’épouser les théories de la décroissance, mais d’inventer une nouvelle forme de prospérité collective qui tienne compte des limites de la biosphère. »

Et, assumant son incohérence, se conclut par un appel à la Yannick Jadot, avec un appel à un capitalisme décentralisé et vertueux :

« Dans la course contre la montre qui s’impose à nous, force est de constater que les États ne sont pas à la hauteur, pris dans l’inertie économique et technocratique qui les empêche d’agir vite. En revanche, les acteurs non étatiques, citoyens et ONG, entreprises et collectivités territoriales lucides, s’emploient à faire émerger un avenir désirable.

Les appels à la mobilisation se multiplient, la jeunesse donne l’alerte et prend les devants pour secouer la léthargie établie, les actions des associations et des lanceurs d’alerte font date et sont salvatrices. Notre responsabilité est de donner un débouché politique concret à cette énergie puissante.

Une bataille sans merci doit être menée face aux acteurs économiques qui exploitent les biens communs pour s’enrichir en épuisant les ressources et notre santé.

En revanche, toutes les forces économiques pleinement intégrées dans la dynamique de transition énergétique et écologique qui développent des modèles alternatifs de production et de gouvernance doivent être considérées et soutenues comme moteurs des politiques publiques qui produiront de nouvelles opportunités de développement raisonné et résilient. »

Il y aurait donc les bonnes entreprises et les mauvaises entreprises, la bonne consommation et la mauvaise consommation. Ce ne serait pas le peuple qui devrait décider, mais les acteurs conscients. Pas très démocratique, tout cela ! Et même pas démocratique du tout !

Pourquoi les ONG auraient-elles une légitimité ? Pourquoi les collectivités territoriales auraient-elles une nature particulière par rapport au reste ? Qui décide que le telle entreprise propose un avenir désirable, telle autre non ? Qu’est-ce qu’un modèle alternatif de gouvernance ? Qu’est-ce qu’un modèle alternatif de production ?

Le fait est que ni Génération-s, ni Benoît Hamon ne parviennent à se transcender. On a ici le programme de la CFDT des années 1970, du PSU ou d’Alternatives Rouge et Verte, des Alternatifs, bref des rocardiens liés aux « mouvements sociaux » (du type LIP, le Larzac, etc.). Si Benoît Hamon veut rééditer cela, qu’il le dise. S’il veut faire autre chose, qu’il l’assume.

C’est tout de même un garçon étonnant : il a clairement une très grande envergure, il a saisi les enjeux immenses du siècle… mais il ne dispose que de vieux outils, même pas fonctionnels. En ce sens, il reste une partie de la solution, et pas du problème. Et le Manifeste est un intéressant appel à réfléchir, se positionner, assumant par ailleurs de ne pas être un programme réponse à tout.

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Le dirigeant des Jeunesses socialistes d’Allemagne parle de collectivisation et de Socialisme

Au moyen d’une simple interview, le dirigeant des Jeunesses socialistes d’Allemagne Kevin Kühnert a provoqué une onde de choc politique en utilisant des termes tabous. La Droite est vent debout contre le projet social-démocrate réactivé de collectivisation partielle de l’économie, dans une sorte de fusion forcée capital-travail.

« Qu’est-ce que le Socialisme pour vous, Kevin Kühnert ? » Avec cette question en titre de son interview placé à la page 8 de sa parution du deux mai, le quotidien allemand Die Zeit savait très bien qu’une petite tempête politique allait traverser l’Allemagne. Cela n’a pas manqué. Imaginez ! Le lendemain du premier mai, il est parlé ouvertement de Socialisme, de nationaliser BMW !

C’est que le chef des Jeunesses socialistes a un point de vue bien arrêté, comme en témoigne sa position sur la nationalisation des grandes entreprises propriétaires d’appartements à Berlin. Et il est très populaire. Il fait un grand tour d’Allemagne dans le cadre des élections européennes et est très apprécié par la base du SPD. Il est considéré qu’avec lui, il y a un retour aux sources.

Dans l’interview, composée de 24 questions, Kevin Kühnert y va franco. En expliquant par exemple, que le Socialisme c’est la collectivisation de grandes entreprises, de manière démocratique. Qu’entend Kevin Kühnert par là ? Qu’il n’y a pas de droits d’auteur dans une entreprise et que ce n’est pas parce qu’elle a été lancée de par le passé avec un certain risque qu’aujourd’hui, une fois en place, les travailleurs n’ont pas une place aussi importante que les propriétaires. Le travail a autant d’importance que le capital. Et d’ailleurs, même la première voiture fabriquée par une entreprise ne l’a pas été par les propriétaires.

C’est un retour aux thèses social-démocrates ouest-allemandes des années 1970, mais dans le contexte actuel, c’est explosif. Car Kevin Kühnert explique ouvertement que le capital doit reculer. Quelqu’un qui a la propriété d’un terrain mais qui n’en fait rien doit se soumettre aux intérêts de la commune, en le lui vendant. Il y a ici une ligne de restriction du droit de faire ce qu’on veut avec sa propriété. C’est absolument inacceptable dans les règles traditionnelles du capitalisme… ou bien pour le capitalisme en général.

Pire encore pour ses détracteurs, Kevin Kühnert a expliqué que selon lui on devrait seulement posséder son propre logement, et pas plus. Il prône pour cela la mise en place de coopératives. Il n’est pas normal selon lui que quelqu’un vive du travail d’un autre par l’intermédiaire du besoin de logements. Il trouve cela injuste. Là, il attaque directement la question de l’accès à la propriété comme valeur en général.

Kevin Kühnert reste, on le notera, très vague quant à ce qu’il entend par Socialisme en tant que tel, et il ne répond pas à la question de la mise en commun des moyens de production, du marxisme. Il contourne ouvertement les questions en répondant suivant un leitmotiv très simple : il dit simplement que les choses sont inacceptables, qu’il faut dépasser le capitalisme par les collectivisations, mais en même temps qu’il se situe dans la démarche social-démocrate historique d’économie sociale de marché.

Est-il ici tacticien ou sincère ? En tout cas, au pays historique de Karl Marx, mais aussi de Rosa Luxembourg, et depuis l’interdiction du communisme organisé en Allemagne de l’Ouest au début des années 1950 (avec également l’interdiction de devenir fonctionnaire, etc.), une telle affirmation a provoqué de sacrés remous. Le quotidien populiste Bild assimile Kevin Kühnert à « Staline, Mao, Pol Pot, Castro, Ceausescu et Honecker » et le journal Handelsblatt dit pour provoquer que son programme est de fabriquer des Trabant (une marque est-allemande) dans les usines BMW et qu’il faudra les attendre pendant vingt ans.

Le responsable du forum économique du SPD, Michael Frenzel, est clairement pour son exclusion. Johannes Kahrs, figure de la droite du SPD, se demande ce que Kevin Kühnert a fumé. D’autres ont enjoint Kevin Kühnert à rejoindre Die Linke, bien plus à Gauche et en quelque sorte dans le prolongement culturel de la République démocratique allemande.

Le secrétaire général du SPD, Lars Klingbeil, a tenté quant à lui de calmer le jeu, en disant que c’était là une vision utopique, pas le programme du SPD. Car Kevin Kühnert n’est pas du tout isolé, ses soutiens sont nombreux, même sans être d’accord sur le fond avec lui, comme le vice-chef du SPD, Ralf Stegner, qui parle de tempête dans un verre d’eau. En fait, sans être forcément sur la même ligne que lui, de nombreux cadres du SPD reconnaissent ouvertement que le capitalisme touche à ses limites et que dans le pays, cela murmure beaucoup.

Même Reiner Hoffmann le patron du DGB, la principale centrale syndicale, le dit en parlant de l’initiative du dirigeant des Jeunesses socialistes : « Nous voyons le capitalisme dérailler ». Le barrage à Gauche est ainsi toujours plus vigoureux en Allemagne ; dans les sondages, le SPD, les Verts (bien plus à Gauche qu’en France, avec une dimension planificatrice de l’économie) et Die Linke rassemblent 45 % des voix. Il y a une tendance de fond et Kevin Kühnert l’exprime. L’idée générale est la suivante : il y a des domaines où le marché n’a rien à faire, du moins en tout cas pas à décider. Il ne faut donc fermer aucune porte à Gauche.

Kevin Kühnert a parfaitement conscience de cela, et s’il parle de collectivisation comme seul levier pour dépasser le capitalisme, il ne précise pas la nature de cette collectivisation, ni la forme de semi-socialisation des entreprises que cela implique, ni quels seraient les rôles du capital et du travail. Il laisse toutes les possibilités ouvertes. Ira-t-il jusqu’au bout de son raisonnement ? Rien n’est moins certain : beaucoup de figures historiques du SPD ont été auparavant des dirigeants des « Jusos », tel Gerhard Schröder, pour devenir ensuite des opportunistes carriéristes millionnaires.

Mais, dans tous les cas, cela penche à Gauche en Allemagne et la social-démocrate existe réellement. Et maintenant que le capitalisme est partout, l’idée de le faire reculer par une « collectivisation » porte en soi une charge terrible de luttes de classe, même si cela peut être flou, hypothétique, incohérent ou néo-réformiste.

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Les slogans très différents du PCF et de Die Linke pour les élections européennes

L’excellent discours anti-militarisme de Fabien Roussel du PCF que nous avons publiée hier ne masque pas un aspect essentiel : la Gauche allemande est bien plus avancée sur le plan des idées, plus volontaire, plus profonde aussi. La Gauche française a en comparaison l’air d’un mouvement « catho de gauche ».

Le discours à l’occasion du 8 mai de Français Fabien Roussel ( pour le PCF ), accompagné de l’Allemand Bernd Riexinger ( pour Die Linke ), au sujet des élections européennes, est un vrai appel contre le militarisme. Il y a même une référence ouverte à la crise des années 1930 ! On devine aisément que ce n’est pas le PCF qui est à l’origine de la majorité du texte, mais bien Die Linke.

Le PCF a en effet malheureusement une approche qui n’est pas du tout « années 1930 ». Il n’y a pas la bataille pour la base populaire. En Allemagne, on l’a par contre bien compris, comme en témoigne l’activité de Sahra Wagenknecht, notamment. Et cela se lit très bien dans les slogans utilisés pour les Européennes.

Le slogan du PCF est le suivant :

Pour l‘Europe des gens, contre l’Europe de l’argent

C’est un slogan apolitique, avec même une référence à l’argent qui, dans un pays marqué par Proudhon et le catholicisme, est toujours douteux. En France, l’argent est mal vu, même dans les classes dominantes. On ne parle pas de combien on gagne, cela ne se fait pas. L’esprit catholique de gauche prédomine et on a l’habitude partout de dénoncer les « nouveaux riches » qui eux étalent leurs richesses.

Le slogan utilisé en Allemagne par Die Linke est par contre bien différent :

Für ein solidarisches Europa der Millionen, gegen eine Europäische Union der Millionäre!

( Pour une Europe solidaire des millions, contre une Union européenne des millionnaires ! )

Die Linke oppose les millions ( de gens ) qui n’ont pas grand-chose aux quelques uns qui ont des millions. Le contraste entre les deux aspects est saisissant et relève nettement d’une lecture en termes de classes. Ce n’est pas « l’argent » comme abstraction qui est dénoncé, mais ceux qui se l’accaparent. Cela peut paraître une nuance infime, mais cela change tout. Le Vatican peut ouvertement dire la même chose que le PCF… mais ne peut pas du tout dire la même chose que Die Linke.

Une autre différence très importante est la question des institutions. Die Linke oppose une Europe solidaire des millions de personnes à l’Union européenne des millionnaires, c’est-à-dire qu’un autre projet européen est sous-jacent. Le PCF lui oppose l’Europe à l’Europe, comme si la même chose pouvait indifféremment avoir deux formes. On a ici quelque chose de totalement différent de ce que dit Die Linke.

Cette différence entre le PCF et Die Linke repose bien entendu sur des visions du monde fondamentalement différentes. Tous deux sont très marqués par l’expérience des pays de l’Est européen. Seulement, le PCF entend faire autre chose, considérant que l’expérience a totalement failli à la base, alors que Die Linke est davantage dans l’optique de faire pareil, mais totalement différemment. La République démocratique allemande est considérée comme une tentative sur un vaste chemin, en quelque sorte globalement positive.

On n’est pas obligé d’être d’accord. On ne peut que voir toutefois qu’il existe dans la Gauche allemande autour de Die Linke une valorisation du patrimoine du mouvement ouvrier, un prolongement dans l’identité. Ce n’est pas du tout le cas dans le PCF, à part pour quelques épisodes symboliques, vidés de leur sens.

Il ne s’agit pas ici de considérer positivement ou non l’expérience dans les pays de l’Est, soulignons le bien. Il s’agit simplement de voir que le PCF se veut quelque chose de totalement nouveau et que cela ne donne pas grand-chose sur le plan du contenu. Il y a beaucoup de promesses pour une dynamique future, mais cela tarde, cela ne ressort pas. Die Linke puise par contre dans le passé et cela lui insuffle une dynamique. On pourrait en préférer une autre, bien entendu, cependant cela ne change pas le fond de la question : on en revient à l’opposition entre la Gauche historique et celle de nature post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale.

Ce qui va se passer pour ces élections européennes est donc très important. Il faudra bien évaluer quel type de Gauche parvient à s’affirmer, lequel ne donne rien ou pas grand-chose. Lequel parvient à s’ancrer dans la population, lequel lui reste extérieur. La situation est différente selon les pays évidemment, mais il y aura forcément des enseignements, parce qu’au-delà des résultats électoraux ( qui sont bien secondaires par rapport à l’essentiel ), il y a le contenu, la perspective, la dynamique.

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Guerre

Le PCF et Die Linke rendent hommage à Jean-Pierre Timbaud en plaidant en faveur d’une Europe de la paix

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et le secrétaire général du parti allemand de gauche Die Linke, Jörg Schindler, étaient réunis ce mardi 7 mai 2019 à Paris pour rendre hommage à Jean-Pierre Timbaud. C’était l’occasion de dénoncer l’Europe guidée par « la coopération militaire et l’armement », et de plaider en faveur de la paix.

Jean-Pierre Timbaud est une grande figure communiste de la Résistance, fusillé par les nazis en octobre 1941. Il est connu pour avoir crié « Vive le Parti communiste allemand » au moment de sa mort, ce qui fut un acte d’internationalisme prolétarien d’une grande valeur.

Le discours de Fabien Roussel publié ci-dessous va pleinement dans ce sens, en rappelant « le combat commun des classes ouvrières française et allemande » contre le nationalisme et le fascisme, cette « bête immonde ».

Les deux partis siègent ensemble au Parlement européen et ont eu plusieurs initiatives communes dans le cadres des élections européennes. Il est question ici de leur combat en faveur d’une «Europe de la paix », alors que la course à l’armement est de plus en plus folle et grande.

Il est critiqué, conformément aux valeurs historique de la Gauche, l’« Europe de la défense que Macron et Merkel appellent de leurs vœux » et « l’industrie de l’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, toutes les bonnes guerres ».

Voici le discours de Fabien Roussel du PCF :

« Initiative PCF – Die Linke
Hommage à Jean-Pierre Timbaud :
Pour une Europe de la paix, contre l’Europe du surarmement

Chère Maryse Veny petite fille de Jean-Pierre Timbaud,
Chère Michèle Gauthier, fille d’Henri Gauthier,
Chère Carine Picard Niles, petite fille d’Odette Niles, représentant  ici l’Amicale Châteaubriant Voves Rouillé Aincourt
Cher Claude Ven représentant la Fédération CGT Métallurgie ainsi que son Institut Histoire Sociale qui est installée ici même dans leur Maison des Metallo
Mesdames et messieurs les représentants des organisations et associations militant pour la paix
Mesdames et messieurs les parlementaires
Mesdames et messieurs les élu·es de Paris
Cher·es ami·es, cher·es camarades

Je suis heureux de nous voir réunis ici en cette veille du 8 mai et des célébrations de la Victoire contre le nazisme, avec notre camarade Jörg Schindler, secrétaire général de Die Linke.

C’est une initiative à laquelle je tenais particulièrement et dont nous avons convenu fin avril avec Berndt Riexinger, le co-président de Die Linke que j’ai eu le plaisir de recevoir à Paris, au siège du Parti.

Il est pour nous très important  à la fois de faire vivre la mémoire de la Grande Victoire de 1945 contre le fascisme, de rendre hommage aux héros morts en déportation et exterminés, Juifs, Tsiganes, homosexuels, communistes, progressistes.  Mais aussi de rendre hommage aux héros de la Résistance tombés dans toute l’Europe, du maquis des Glières aux actions de la résistance allemande.

Ce n’est pas uniquement une question de mémoire. La lutte continue aujourd’hui contre le fascisme, contre la montée des idéologies nauséabondes, racistes et des idéologies de guerre en Europe. Les appels à la haine s’entendent aujourd’hui à nouveau partout en Europe.

Comme l’a écrit Berthold Brecht, « Le ventre est encore fécond d’où est sorti la bête immonde ».

Nous sommes ici pour dire ensemble que le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui renforce véritablement la fraternité et la solidarité entre les peuples dans le respect de leur souveraineté – et non leur mise en concurrence exacerbée ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui défend les intérêts des classes populaires et des travailleurs –et non ceux des banquiers et des multinationales ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui fait de la construction de la paix et d’une culture de paix son axe essentiel et sa priorité absolue.

C’est cette ambition-là que nous voulons porter, à rebours du modèle ultra-libéral dont Emmanuel Macron et Angela Merkel veulent intensifier la marque, au nom d’un« couple franco-allemand » autoproclamé moteur de l’Union européenne.

Un couple tellement centré sur la domination qu’il passe son temps à s’affronter pour savoir qui est le plus fort des deux !

Nous, les communistes, nous formons avec Die Linke un autre couple franco-allemand ! Un vrai couple, dont les relations sont fondées sur les principes d’égalité, de solidarité et d’épanouissement respectif.

Notre « couple franco-allemand », c’est celui qu’incarnait le syndicaliste et dirigeant politique communiste, Jean-Pierre Timbaud, auquel nous voulons rendre un hommage fraternel ce soir.  Bien d’autres avec lui ont porté ce combat pendant la guerre, le combat commun des classes ouvrières française et allemande, le combat commun des communistes français et allemands ; le combat commun des démocrates, femmes et hommes, militant-es de l’émancipation humaine et sociale – français et allemands- qui s’engagèrent dans la Résistance et ont abattu nazisme et fascisme il y a 75 ans.

Notre couple franco-allemand, c’est celui qui se lève pour s’opposer à l’augmentation indécente des budgets de Défense, sur ordre de l’OTAN, pour atteindre 2 % du PIB d’ici 2024. L’OTAN exige en outre que 20% de ces budgets faramineux soient consacrés à l’achat d’armement neuf.

La France va dépenser 295 milliards d’euros au total pour sa défense entre 2019 et 2025 alors que toutes les politiques publiques sont privées de l’argent indispensable pour rénover et développer nos infrastructures et nos services publics de santé, d’éducation, de transport, de culture. Sur le nucléaire, pour la même période, le budget de la modernisation est en hausse de 60% par rapport à la période précédente ! Il passera de 23 milliards à 37 milliards d’euros. 14,5 millions d’euros par jour !

A-t-on besoin d’investir 14,5 millions d’euros par jour dans la modernisation nucléaire quand notre pays a tant besoin d’hôpitaux, d’écoles, de services publics ?

Savez-vous ce que cet argent représente ?

Nos amis du Mouvement de la paix ont fait le calcul, c’est simple : 1 missile M51 c’est l’équivalent de 100 scanners médicaux mais des départements entiers du pays se transforment en déserts médicaux ; 1 Mirage, c’est l’équivalent de deux collèges en milieu rural mais nos campagnes, notre ruralité se meurt un peu plus chaque jour

Tout le monde appelle à la paix mais les dépenses mondiales d’armement explosent à nouveau : 1 700 milliards de dollars pour 2017 dont la moitié pour les seuls pays membres de l’OTAN.

Non seulement nous nous emprisonnons dans la stratégie belliciste de l’OTAN mais nous en « rajoutons » quand Macron et Merkel cherchent, à relancer le projet d’« une Europe de la Défense » .

Cette « Europe de la défense » qu’ils appellent de leurs vœux en agitant toutes les peurs, les haines possibles, ces 13 milliards d’euros de dotation, prévu pour 2021-2027, pour le « Fonds européen de la Défense », c’est le « cadeau » qu’ils réservent à l’industrie d’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, les bonnes guerres…

« Qui veut la paix, prépare la paix » et c’est pour cela que nous appelons l’Europe, la France et l’Allemagne à ne pas vendre d’armes aux pays en guerre, aux dictatures, aux pays qui entretiennent des conflits coloniaux, expansionnistes, soutiennent le terrorisme international ; la France ne doit pas vendre des armes à l’Arabie saoudite, 11 milliards d’euros en 9 ans, et prétendre que ces armes ne sont pas utilisées au Yemen !

Nous appelons à interdire toutes les opérations militaires extérieures en dehors des résolutions de l’ONU ; nous appelons à redonner tout son rôle à cette organisation internationale au lieu de promouvoir le devoir d’ingérence.

Et nous appelons à signer et à ratifier le traité international d’interdiction des armes nucléaires ;

Nous disons NON à l’« Europe de La Défense » et  oui à la dissolution de l’OTAN. Et sans attendre, la France doit quitter l’OTAN.

L’ « Europe de la défense » et l’OTAN doivent être remplacés  en Europe par un traité de coopération et de sécurité collective qui implique tous les pays du continent en mettant un terme aux stratégies de tensions et de surarmement ; nous opposons à l’idée de militarisation sans fin du continent l’idée de sécurité collective, principe qui est un des fondements de la charte des Nations Unies selon lequel les mesures de défense prises par un État ne doivent pas compromettre la sécurité d’un autre état.

La tenue, sous l’égide de l’ONU, d’une conférence pan-européenne de paix et de sécurité collective est urgente et nécessaire pour faire baisser les tensions entre l’UE et ses voisins. Ce qui a été possible en pleine guerre froide, avec la conférence d’Helsinki, l’est d’autant plus aujourd’hui.

Nous appelons à abroger les accords de libre-échange pour les remplacer par des accords de maîtrise des échanges avec les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique…

Nous appelons à réinvestir l’ONU et ses agences pour qu’elles soient de véritables outils au service de la prévention des conflits et du développement humain.

Nous appelons à bannir les racismes, les discriminations, et à restaurer la justice et l’égalité des droits, à conquérir de grandes avancées sociales pour les travailleuses et travailleurs du monde entier.

L’Europe de la paix, chers amis, chers camarades, c’est celle qu’a portée Jean-Pierre Timbaud au moment mourir.

C’est notre vision à nous aujourd’hui, c’est celle d’une union de peuples et de nations libres, souverains et associés.

« C’est le plus grand des combats », nous exhortait Jaurès et nous ne cesserons jamais d’en faire notre priorité car elle donne tout son sens à une Europe des gens, une Europe qui n’a d’autre visée que l’humain d’abord.

C’est dans cet esprit que nous nous battons pour faire élire au parlement européen, le 26 mai, le plus de députés communistes, de Die Linke et de la gauche européenne. »

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Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste

Le programme de la liste conduite par Raphaël Glucksmann pour les élections européennes a été publié ce lundi 6 mai et a été présenté comme « l’embryon de ce qui va reconstituer la Gauche dans les années qui viennent ». On n’y trouvera cependant pas beaucoup de rapport avec la Gauche historique et ses fondamentaux liés aux classes populaires.


Le cœur du projet présenté par Raphaël Glucksmann et soutenu par le Parti socialiste est défini comme « la rencontre du social et de l’écologie », ce qui serait « un projet de rupture » avec « l’idéologie du libre-échange » et « le dogme de l’austérité ».

Il est considéré que les institutions européennes sont indispensables pour cela, afin de lutter contre le réchauffement climatique et régler les questions d’ordre économique et social. L’Union européenne étant cependant « dénaturée par les intérêts privés et les forces de l’argent des lobbies », il faudrait changer radicalement les politiques qu’elle mène.

C’est le sens donné au programme de cette liste « envie d’Europe écologique et sociale », qui s’intitule : « Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens. »

Les mots « changer la vie » sont une référence évidente aux grandes années du Parti socialiste. C’était le nom de l’hymne du parti adopté en 1977, dans la lignée du Programme commun de gouvernement avec le PCF en 1972, dans lequel figuraient aussi ces mots. La victoire de François Mitterrand en 1981 fut ensuite directement associée à cette idée de « changer la vie ».

On remarquera également une similarité avec les « 110 propositions pour la France » de François Mitterrand en 1981, puisque le programme de la liste européenne est constitué de 119 propositions.

Ces propositions visent donc à séduire les gens de gauche, d’autant plus qu’il y est aussi parlé de justice sociale, d’imposition des grandes entreprises ou encore de droits des travailleurs. Ces derniers sont cependant considérés comme relevant des droits humains en général, et pas d’une question centrale. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un programme écrit en priorité pour les classes populaires, sans même parler de la classe ouvrière, ce qui est pourtant l’ADN de la Gauche historiquement.

Lors de la présentation du programme, il a clairement été question de s’adresser aux « orphelins de la Gauche », avec dans l’idée de préparer l’après, l’indispensable reconstruction à venir. La liste est donc présentée comme une liste d’unité, mais le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a eu la drôle d’idée d’affirmer qu’elle est la seule « à promouvoir l’Europe, le social, l’écologie ».

Cela est faux bien entendu, puisqu’il y a au moins les listes dirigées par Benoit Hamon et Ian Brossat qui disent exactement la même chose à ce sujet. On peut même considérer qu’une partie importante des personnes potentiellement convaincues par ce discours européen, social et écologiste choisiront plutôt la liste des Verts menée par Yannick Jadot, voir même celle de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron, qui ne disent pas forcément grand-chose de différent.

Il faut ajouter ici une remarque très importante sur le fond, à propos de ce programme. Il est fait à travers ces 119 propositions comme s’il s’agissait d’un programme de gouvernement, qui pourrait être appliqué.

Cela n’est pas vrai du tout, pour deux raisons essentielles. Il y a d’abord le fait que l’élection est européenne, donc la France n’élit qu’une petite partie ( 79 ) des 750 députés européens. Le travail parlementaire s’effectue ensuite en groupes, constitués obligatoirement de députés de plusieurs pays : il faut donc raisonner par rapport à un groupe parlementaire européen, ce que ce programme ne fait pas du tout, et ce dont il ne parle pas du tout.

L’autre point important est que les députés européens n’ont pas l’initiative législative, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent rien proposer. Leur rôle n’est que d’approuver ou rejeter les propositions législatives, ou alors de les amender, mais c’est là un processus très complexe nécessitant une multitude de compromis et d’alliances électorales.

Il est donc entièrement mensonger de dire « nous ferons ceci, nous ferons cela » si nous sommes élus comme cela est écrit dans ce programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale ». Même si elle raflait l’ensemble des 79 sièges qui lui sont accessibles, elle ne pourrait pas faire ce qu’elle prétend, par définition.

On ne peut pas dire ici que ce n’est qu’une question de forme et que la liste présente des orientations générales, ce qu’elle pourrait voter ou non lors des sessions parlementaires. Les 119 propositions de son programme sont très précises, et formulées pour la plupart de manière affirmative.

En voici quelques-unes :

11. […] Nous favoriserons en particulier le retour de la nature en ville,
d’espaces verts dans les zones carencées, et la restauration écologique des rivières et des espaces bétonnés superflus. […]

13. Nous sortirons les dépenses liées à la transition écologique du calcul des « 3 % » de déficit public.

52. Nous interdirons les emballages plastiques et polystyrènes sur tout le territoire de l’Union européenne d’ici 2025.

56. Nous renforcerons les pouvoirs du Parlement face au Conseil et à la
Commission, en lui donnant un réel pouvoir législatif et en élargissant le champ de la codécision avec le Conseil à des domaines comme le budget, la fiscalité et la protection sociale.

69. Nous ferons de l’Europe un leader dans la défense des droits des personnes LGBTI+. […]

72. Nous mettrons fin au règlement de Dublin qui renvoie les demandeurs d’asile vers les pays de première entrée qui se retrouvent seuls en Europe à assurer le premier accueil. […]

77. Nous créerons une garantie européenne pour l’enfance, visant à assurer à tout enfant vivant sur le sol de l’Union européenne un accès à un logement, un système de garde, une éducation, une alimentation et aux soins de santé.

79. Nous mettrons en place un « Erasmus pour tous » qui permettra à chaque jeune européen de 16 à 25 ans de bénéficier d’une bourse à la mobilité allant jusqu’à 5 000 euros pour mener un projet éducatif, professionnel ou associatif dans un autre pays européen que le sien. […]

Notons également que, de manière très étrange, certaines propositions ne sont pas affirmatives, mais formulées comme des propositions justement :

14. Nous proposerons de taxer le kérosène sur tous les vols intra-européens.

54. Nous défendrons une reconnaissance internationale de l’écocide en tant que crime contre la nature et la biodiversité.

113. Nous plaiderons pour une Union européenne mieux représentée au Conseil de sécurité des Nations unies, avec un soutien clair à l’obtention d’un siège de membre permanent pour l’Allemagne, en plus du siège de la France.

Cela est encore plus faux ! Les députés européens ne peuvent rien proposer, cela n’a aucun sens d’écrire cela dans un programme pour les Européennes. Tout cela consiste donc surtout en un catalogue de mesures « idéales », pour prétendre avoir une identité « européenne », mais sans rapport réel et concret avec ce qu’est en pratique l’Union européenne.

C’est, sur le plan strictement politique, d’une grande faiblesse, et aura de la peine à convaincre. Cela n’a pas grand-chose à voir avec les fondamentaux de la Gauche historique, des grands partis de gauche en Europe qui ont à l’origine porté le point de vue de classe ouvrière et des classes populaires en général, qui ont su élaborer dans les années 1930 des fronts populaires solides contre aux nationalismes – ce dont nous avons à nouveau besoin aujourd’hui.

> Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » : Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens.

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La Gauche pourrait n’avoir aucun député au Parlement européen

Un sondage publié ce dimanche 5 mai 2019 donne la liste menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste en dessous des 5 % requis pour avoir des élus aux Européennes. Cela serait un grand échec politique pour la Gauche française si aucune de ses listes ne parvenait à obtenir des députés européens.

Les sondages valent ce qu’ils valent et on peut même penser qu’ils sont très critiquables dans la mesure où ils influencent injustement les campagnes électorales. En attendant, ils existent et ils participent de la réalité, tout en la reflétant au moins dans les grandes lignes.

La grande information politique d’hier était donc ce sondage donnant la liste emmenée par Raphaël Glucksmann ( ENVIE D’EUROPE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE ) sous la barre des 5 %, soit le seuil minimum pour avoir des élus.

L’enquête réalisée par l’institut Harris Interactive-Epoka pour les médias RTL, Le Figaro, et LCI-TF1 donne la liste à 4,5 %, en recul de 0,5 point par rapport à l’enquête précédente. C’est border-line comme ont dit, et si on peut penser que cela se situe dans la marge d’erreur, que c’est rattrapable avec une bonne dynamique de campagne pendant trois semaines, le signal est néanmoins très clair.

Force est de constater que la Gauche est tombée très bas en France. Son principal parti, le PS, ne présente même pas de tête de liste, et se retrouve maintenant menacé par un sondage de soutenir une liste qui fera chou blanc.

C’est que la Gauche est dispersée, elle n’a pas été en mesure de s’entendre. Ni Ian Brossat, tête de la liste liée au PCF ( POUR L’EUROPE DES GENS CONTRE L’EUROPE DE L’ARGENT ), ni Benoît Hamon, tête de la liste liée à Génération-s ( LISTE CITOYENNE DU PRINTEMPS EUROPEEN AVEC BENOÎT HAMON SOUTENUE PAR GÉNÉRATION.S ET DÈME-DIEM 25 ), n’ont su aller dans le sens de l’unité.

À elles trois, ces listes cumulent pourtant aux alentours de 10 %, en fonction des sondages. Ce n’est pas énorme, mais au moins cela serait significatif, marquant un pôle de la Gauche, établissant une dynamique nécessaire pour faire face à l’extrême-droite.

C’est malheureusement tout l’inverse qui se passe. En plus d’être rongée de l’intérieur, la Gauche est attaquée par les flancs, surtout par son flanc droite en fait. Yannick Jadot, qui conduit la liste EUROPE ÉCOLOGIE, explique partout qu’il n’est surtout pas de gauche, mais un sorte d’équivalent d’Emmanuel Macron en un peu moins libéral. Il entraîne cependant avec lui beaucoup de gens de gauche, notamment des personnes qui sont ou étaient liées aux Verts.

> Lire également : Yannick Jadot fait en sorte qu’EELV tourne le dos à la Gauche

C’est d’ailleurs exactement la même chose pour l’ancienne socialiste Delphine Batho, présente sur la liste URGENCE ÉCOLOGIE, qui avait expliqué récemment qu’elle n’est plus de gauche.

Il se passe bien-sûr la même chose avec la formation de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, qui assume ouvertement le populisme plutôt que la gauche, mais attire à elle une partie de l’électorat de la gauche. La tête de la liste LA FRANCE INSOUMISE, Manon Aubry, n’est pas de gauche mais entend bien s’accaparer des voix pour faire un score important et mettre la Gauche dans les cordes.

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

À gauche de la Gauche, si l’on peut dire les choses ainsi, il y a les listes LUTTE OUVRIERE – CONTRE LE GRAND CAPITAL, LE CAMP DES TRAVAILLEURS menée par Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière et PARTI RÉVOLUTIONNAIRE COMMUNISTES menée par
Antonio Sanchez, issu du PCF. Cela ne représente toutefois a priori pas grand-chose et ces personnes n’ont de toutes manières, traditionnellement jamais fait le choix de l’unité à Gauche, à part pour des visées électoralistes.

Cela n’est pas tout. La Gauche, en étant incapable de se positionner comme un pôle clair et dynamique aux yeux de la société française, favorise de surcroît un éparpillement des initiatives. Il y a parmi les 33 listes déposées officiellement pour les élections du 26 mai prochain, beaucoup de petites listes que l’on pourrait qualifier de « thématiques » et qui pourraient séduire des gens de gauche.

C’est le cas par exemple de la liste « animaliste », de la liste « décroissance », de la liste censée représenter les jeunes ( ALLONS ENFANTS ) ou encore les questions liées au numérique ( PARTI PIRATE ), et même d’une certaine manière des « listes gilets jaunes ».

Tout cela relève de problématiques qui devraient être largement assumées par la Gauche, qui attirerait alors à elle les initiatives, pour former un grand élan démocratique et populaire dans la société française. Il en est de même évidemment de l’écologie, qui n’a pas de raison d’être considérée de manière autonome, mais doit faire partie de la proposition d’ensemble de la Gauche.

C’est d’ailleurs ce que disent tant Raphaël Glucksmann que Benoît Hamon et Ian Brossat, sauf que la dynamique de gauche n’est pas suffisamment puissante pour que cela se traduise concrètement, ici dans les votes, et autrement dans les pratiques quotidiennes et les préoccupations politiques concrètes.

La Gauche donc, risque de se retrouver bien mal dans trois semaines, avec un score très faible et une incapacité à faire front face au grand succès d’extrême-Droite qui se profile. Si, de son côté, l’extrême-Droite connaît aussi de nombreuses listes, celles-ci sont bien plus l’illustration d’une dynamique générale que d’un éparpillement. La liste PRENEZ LE POUVOIR, LISTE SOUTENUE PAR MARINE LE PEN de Jordan Bardella du Rassemblement national est promise à un très gros score et pourrait même obtenir le meilleur score en France, devant la liste représentant la majorité présidentielle.

La Gauche ne sera en mesure d’y faire face qu’en faisant front, en assumant ses valeurs historiques liées au mouvement ouvrier, en assumant le Socialisme, en assumant de vouloir réellement changer la vie pour emmener avec elle les classes populaires vers de meilleurs lendemains.

N’avoir aucun député européen à l’issue de ces élections ne changerait pas grand-chose à la donne politique et à la possibilité de construire un Front populaire dans les années à venir. Cela serait toutefois un échec symbolique retentissant pour la Gauche, qu’il vaudrait probablement mieux éviter.

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La Gauche américaine se relance en parlant « working class » sur Netflix

À l’occasion du premier mai, Netflix a sorti un documentaire présentant l’arrivée en politique de quatre femmes américaines très à Gauche, dont la figure new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, plus jeune élue de l’histoire du Congrès. Intitulé Knock Down The House, il est traduit en français sous le nom de Cap sur le Congrès.

Le documentaire montre la campagne électorale de quatre femmes ayant brigué l’investiture démocrate pour le Congrès dans leur circonscription en vue des élections de mi-mandat à l’automne dernier. Leur candidature s’opposait directement à des figures du Parti démocrate très ancrées, mais n’assumant plus les valeurs démocratiques fondamentales.

Ce qui s’est passé est très simple. Dans la foulée des succès obtenus par Bernie Sanders contre Hilary Clinton lors de la primaire démocrate en 2016, des organisations de la Gauche américaine sont allées puiser directement dans les classes populaires pour faire émerger de nouvelles figures. Il y avait la possibilité pour des novices de s’inscrire pour briguer l’investiture aux primaires démocrates dans diverses circonscriptions, afin de se présenter ensuite aux élections législatives.

Les gens des associations en question, Brand New Congress et Justice Democrats, sont montrés dans le documentaire comme des jeunes assumant l’engagement politique et voulant faire élire des travailleurs pour représenter le peuple, à la place de gens riches et déconnectés des préoccupations populaires, en lançant une grande vague démocratique.

Les quatre femmes présentées dans le documentaire de Rachel Lears y mènent leur première campagne et sont issues des classes populaires, avec des préoccupations se voulant ancrées dans le quotidien.

Amy Vilela ( image ci-dessus ), candidate dans le Nevada, milite notamment pour l’accès populaire à la santé. Le système américain est une véritable horreur pour les gens qui ne sont pas riches – sa propre fille est morte de ne pas avoir été prise en charge en raison d’un défaut d’assurance.

Cori Bush ( image ci-dessous ), candidate dans le Missouri, habite tout près de Ferguson, là où le jeune noir Michael Brown avait été tué par la Police – elle a elle-même aidée les jeunes émeutiers, en proposant des soins médicaux, car elle est infirmière et souhaitait que justice soit faite.

Paula Jean Swearengin ( image ci-dessous ) de Virginie de l’Ouest s’inscrit pour sa part directement dans la tradition de la classe ouvrière et mène un combat pour la reconnaissance des maladies liées aux mines. Fille d’une famille de mineurs depuis plusieurs générations, elle porte la dignité et la révolte des habitants de sa région, l’une des plus pauvres du pays dont elle dit qu’on pense avec mépris que les gens n’y ont ni dents, ni chaussure, ni cerveau.

Sur des images très jolies et très denses, on l’entend expliquer de manière saisissante comment la classe ouvrière est le « dommage collatéral » de la société, mais que cela va changer.

Elle puise directement dans la combativité historique de la classe ouvrière locale, en rappelant les grands combats des mineurs.

Alexandria Ocasio-Cortez ( image ci-dessous ) est quant à elle la figure de proue du documentaire, et de l’initiative démocrate elle-même. Le succès de sa campagne puis son investiture ont été très suivis dans les couches intellectuelles du pays. Il y a donc un grand intérêt pour connaître ses débuts et c’est pour cela que Netflix a dépensé 10 millions de dollars pour les droits du reportage, ce qui est une somme très élevée pour un tel sujet.

On la voit dès ses débuts, lors de la réunion de sélection des candidats par les associations, puis dans son petit appartement du Bronx et à son travail dans un bar l’année dernière. Membre du Democratic Socialists of America, une scission de Gauche du Parti socialiste d’Amérique, elle assume un discours social-démocrate très appuyé :

« On se présente contre un candidat qui a reçu trois millions de dollars par an de Wall Street, de sociétés immobilières et pharmaceutiques. On doit avoir le courage de défendre les travailleurs et de lutter contre les intérêts des grandes entreprises. »

C’est qu’une partie de la Gauche américaine a saisie que la question du travail était centrale, traumatisée qu’elle est par la victoire de Donald Trump ayant justement fait la différence grâce au vote ouvrier.

Il est donc beaucoup question de la « working class », que l’ont traduit souvent par « classe ouvrière » mais qui a un sens plus générique, évoquant plutôt les travailleurs salariés dans leur ensemble, la classe laborieuse : « On nous appelle la classe ouvrière, car nous travaillons non-stop », dit Alexandria Ocasio-Cortez.

Elle est devenue en quelques mois une figure populaire new-yorkaise et nationale, apportant une grande fraîcheur en même temps qu’une véritable vigueur politique. Sa réussite a été d’assumer un discours très à Gauche tout en étant profondément ancrée dans la réalité populaire locale, bénéficiant alors de la vigueur de la société civile américaine et de sa grande culture démocratique.

Il ne s’agirait pas en France de recopier son style abstraitement, comme l’a fait le candidat Ian Brossat du PCF aux Européennes en recopiant littéralement son affiche de campagne, ce qui relève ni plus ni moins que de l’escroquerie politique. Son parcours doit néanmoins être connu car c’est un marqueur politique évident pour les générations de Gauche à venir.

Le documentaire est lui-même très intéressant, car provenant de l’intérieur, tout en ne commettant pas l’erreur de focaliser uniquement sur la réussite d’Alexandria Ocasio-Cortez. Ce sont des femmes très calmes, organisées, qui sont montrées en train de mener un travail de fond, long et fastidieux. Ce qui est mis en avant n’est pas la gloire et la réussite personnelle, mais un combat de longue haleine, presque aride, avec sur les images souvent très peu de monde autour des candidates.

Comme en Europe, la Gauche américaine s’est depuis longtemps effacée au profit d’opportunistes assumant le libéralisme et un style bourgeois, totalement déconnectés des classes populaires. Il y a maintenant un retour de bâton venant de la base, qui exprime le besoin d’un retour aux fondamentaux de Gauche et de ses valeurs liées au mouvement ouvrier.

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Un premier mai 2019 viennois comme tour de force social-démocrate

La social-démocratie autrichienne a connu la même crise que le Parti socialiste en France aujourd’hui. Repartie sur les fondamentaux, elle s’est totalement relancée.

Sur l’image ci-dessus, on voit la dirigeante de la social-démocratie autrichienne avec deux pins. Le premier montre le logo du parti entouré des étoiles de l’Europe. Le second indique « cent ans de Vienne la rouge, SPÖ », avec en logo un dessin représentant la cité Karl Marx, le plus grand HLM construit dans les années 1920 par la mairie social-démocrate, bastion ouvrier et lieu de la résistance au coup d’État austro-fasciste de 1934.

C’est un double positionnement qui témoigne d’une remise en question fondamentale, que le Parti socialiste a de son côté raté en France.

Il y a quelques temps, la social-démocratie autrichienne était pourtant pratiquement aussi mal que le Parti socialiste de notre pays. Les raisons étaient les mêmes, à ceci près que le SPÖ était qui plus est imbriqué dans l’appareil d’État depuis 1945, participant à des gouvernements de coalition avec la Droite. Autant dire que sa légitimité était brisée.

L’arrivée au gouvernement de la Droite et de l’extrême-Droite aurait donc pu porter le coup de grâce. Seulement, le SPÖ a fait le contraire du Parti socialiste en France : il est reparti puiser dans ses sources. N’ayant jamais abandonné ses traditions, il a pu relancer sa base, comme en témoigne le premier mai 2019.

Ce sont plus de 100 000 personnes, pour un pays d’un peu moins de neuf millions d’habitants, qui ont convergé de toute la ville vers la mairie. Celle-ci est un bastion social-démocrate depuis toujours, avec une grande majorité de la ville qui fut membre du parti dans les années 1920, diffusant un austro-marxisme multipliant les initiatives de grande ampleur, notamment dans la question du logement.

Voici la liste des points de rassemblements des 23 arrondissements de la ville. Vienne a une superficie de 414,89 km², contre 105,4 km² pour Paris intra-muros ; avec quasi deux millions d’habitants, elle est la seconde ville germanophone la plus peuplée. Pour cette raison, les habitants du 23e arrondissement sont venus en bus, étant trop éloignés du centre. Les autres sont venus par contre en cortège, parfois avec des orchestres, depuis les 22 autres arrondissements.

Voici une image de propagande du SPÖ, avec le maire de la ville. Sur la pancarte au fond à gauche, un peu floue, on lit : « Dépassement du capitalisme ! » Derrière le maire, le drapeau avec les trois flèches, entourés du cercle de l’unité, symbole de la social-démocratie autrichienne après 1945 ( il n’y avait auparavant pas le cercle ).

Sur cette autre affiche du SPÖ, largement propagée dans la ville de Vienne, on lit le slogan « Ensemble, nous sommes Vienne » et on voit Victor Adler, Autrichien juif qui fut le premier grand dirigeant de la social-démocratie, à partir de 1888. On notera que le SPÖ ne mentionne cependant jamais Otto Bauer, autre Autrichien juif, qui dirigea le parti durant les années 1920, mais défendait une ligne qui était alors la plus à gauche dans toute la social-démocratie européenne d’alors.

Le message du SPÖ sur les réseaux sociaux à l’occasion du premier mai. « Vive le premier mai », « L’être humain au lieu du monopole », « Le cortège de mai d’aujourd’hui se situe sous le signe des votes pour les élections européennes – toi aussi fais en partie. Ici la liste des rendez-vous ». Le slogan principal est « Vive le premier mai », « Liberté, égalité, justice ». En dessous : « Partage cette image si tu places les intérêts des employés avant ceux de ceux des monopoles ! ».

La photographie du grand rassemblement devant la mairie. Aux drapeaux du SPÖ et de ceux de l’Union européenne, s’ajoutait une variante de celui de l’UE, mise en rouge et avec les trois flèches.

La photographie de la mairie, avec le symbole des trois flèches au-dessus du podium, ainsi que des hommes en rouge sur la toile protégeant la réfection de la tour principale.

Le podium en gros plan, avec les trois flèches.

Le maire de la ville et la dirigeante de la social-démocratie autrichienne, Pamela Rendi-Wagner, tous deux avec des fanions rouges. Celui de la dirigeante est frappé du cercle et des trois flèches.

Au moyen de ballons, une banderole a été soulevée par la jeunesse du SPÖ, appelant à aller plus loin : « Cela suffit avec le silence, en avant pour l’opposition ! »

On notera qu’une section locale du SPÖ a fait une bannière pour rejeter Thomas Drozda, figure opportuniste : « Drozda, tu as regardé l’heure ? Il est temps de partir ! ». Il en est de même pour une autre section dont la bannière disait : « Il est cinq minutes avant minuit, y compris sur ta Rolex ! »

Naturellement, on pourra critiquer le programme, l’opportunisme, l’hypocrisie, etc. ; en attendant, il y a une Gauche, forte, puisant aussi dans ses traditions historiques. Et cela sans être à la remorque des syndicats. Il est vrai que ce qui aide, c’est qu’il n’y a en a qu’un et que les élections à la chambre du travail se font pas fractions. La fraction social-démocrate écrase tout le monde en faisant 60%, les autres étant au mieux très loin derrière.

Et cela sans les fonctionnaires, qui ne participent pas au vote de la dite chambre. Imagine-t-on en France la Gauche politique obtenir 60% dans les votes pour les syndicats du privé ? Et pourtant, c’est à cela qu’il faudra parvenir !