Catégories
Société

Le chasseur qui a tué Morgan Keane n’ira pas en prison

L’impunité est totale.

Le 2 décembre 2020 en fin d’après-midi, un chasseur tuait Morgan Keane, Franco-Britannique de 25 ans. Le jeune homme était derrière chez lui, sur son terrain situé dans un hameau à Calvignac dans le Lot, à couper du bois. Le chasseur, venu de l’Aveyron pour participer à une battue, a volontairement tiré sur Morgan Keane, car il l’avait pris pour un sanglier.

C’est une faute grave, très grave, mais pas suffisamment grave du point de vue de la Justice française, qui considère que cela ne mérite pas de prison. Le tribunal correctionnel de Cahors a en effet rendu sa décision jeudi 12 janvier 2023 : deux ans de prisons avec sursis, autrement dit rien du tout ! La prison avec sursis, cela signifie pas de prison du tout.

Bien sûr, le chasseur est interdit de chasse à vie, mais c’est là la moindre des choses. En réalité, c’est une condamnation pour la forme, qui répond évidemment à une motivation politico-culturelle. En France, la chasse est sacrée, alors il est hors de question d’attaquer ses bases, ses fondements.

Si la Justice condamnait sévèrement, alors elle ébranlait tout l’édifice de la chasse en France, reconnaissant de fait qu’il s’agit d’une activité dangereuse pour la société, et pas seulement pour les animaux.

Alors, du point de vue du tribunal correctionnel de Cahors, il a été considéré qu’il s’agissait d’un accident, que le prévenu n’était coupable finalement que d’une négligence malheureuse et qu’une petite peine « pour la forme » était suffisante. Ainsi la chasse est préservée, sa nature n’est pas remise en cause.

D’ailleurs, il s’agissait d’un tribunal correctionnel, donc pour juger un délit. Pourtant, il aurait fallu une cours d’assise, pour juger un crime.

Faire usage de son arme ainsi, sans avoir « bien identifié la cible » comme l’a reconnu le prévenu à l’audience, est criminel. On ne peut pas considérer que la conséquence de cet acte soit simplement accidentelle… A moins de sanctuariser la chasse, de considérer qu’il faille absolument laisser des tas de gens à peine formés se balader avec des armes dans les campagnes pour tuer des animaux, quitte à ce qu’il y ait de rares accidents avec des humains.

Du côté du procureur, censé représenter les intérêts de la société, on retrouve la même mansuétude à l’égard du chasseur ayant tué Morgan Kean. Seulement 6 mois de prison ferme avaient été requis.

En ce qui concerne l’organisateur de la chasse ce jour-là, on retrouve exactement la même impunité. La Justice reconnaît la faute du directeur de chasse, soulevant de nombreuses irrégularités dont le fait d’avoir posté là où il était le chasseur ayant tué Morgan Kean. Elle considère que cela doit être condamné, mais pareillement, seulement à de la prison avec sursis (18 mois), donc pas de prison du tout.

Son permis de chasse ne lui est d’ailleurs pas définitivement retiré : dans 5 ans, il pourra retourner dans la nature avec son fusil pour tuer des animaux. De toutes façons, cette personne considère, comme expliqué devant le juge, que ce jour-là la battue qu’il dirigeait était tout à fait maîtrisée… Rien que pour avoir dit cela, il mériterait de la prison!

Ce jugement est clairement odieux, proprement scandaleux. Mais il est dans l’ordre des choses. La Justice française est à l’image de la société française. Molle, formaliste, tournée vers le passé, incapable d’envergure culturelle, ni de profondeur morale, en particulier lorsqu’il s’agit du rapport aux animaux, à la Nature.

Il faut le dire : la chasse est une arriération qu’il faut abolir, tant pour les animaux que pour le vivre-ensemble dans les campagnes. Morgan Keane ne fût pas une simple victime collatérale de cette activité, il est la victime d’un vieux monde ignoble qu’il faut dépasser le plus vite possible pour rentrer enfin dans le futur, celui du Socialisme, celui du dépassement de la contradiction entre les villes et les campagnes, entre l’humanité et la Nature !

Catégories
Société

Que fait la police ? Que fait la Justice ?

Le Droit et l’ordre public ont de moins en moins cours en France.

La lutte des classes est un processus historique complexe. On ne peut pas résumer cela comme le font les syndicalistes en un simple affrontement entre « patrons » et « salariés ». Il y a un aspect fondamental à saisir qui est celui de la légitimité sociale.

C’est très simple. La bourgeoisie impose le capitalisme, mais en échange elle n’est pas remise en cause car elle est considérée comme légitime socialement. Cette légitimité ne tombe pas du ciel : la bourgeoisie l’a conquise de haute lutte pendant des siècles de lutte de classe face à la noblesse. En France, c’est un phénomène très identifiable, facile à voir dans les livres d’Histoire.

Et donc, pour être légitime, la bourgeoisie doit se poser comme la plus à même d’organiser la société. Historiquement, cela a consisté surtout en le fait de porter la démocratie face à l’arbitraire monarchique et à l’insécurité féodale. Autrement dit, c’est le Droit plutôt que la loi de Dieu, et l’ordre public plutôt que la loi du plus fort. Avec forcément la Justice et la police pour faire appliquer cela.

Qu’en est-il de cette légitimité de la bourgeoisie en 2022 en France ?

Cela saute aux yeux, et ça ne date pas d’hier, que le Droit est de plus en plus faible. Déjà depuis longtemps les lois sont des sacs de nœuds difficiles à interpréter et les passe-droits sont nombreux (surtout en ce qui concerne la fiscalité). Mais ce qui est plus récent, c’est de constater à quel point en France la loi n’a très souvent même plus cours, dans des situations pourtant très simples et qui étaient jusque là tout à fait respectées.

C’est le cas de l’immigration par exemple. Dans la seconde moitié du 20e siècle, quand la bourgeoisie française a eu besoin massivement d’une main d’œuvre étrangère à exploiter dans les usines, les mines ou sur les chantiers, elle a organisé leur venue. Ce n’est plus du tout le cas. Aujourd’hui l’immigration est totalement anarchique, avec c’est bien connu des gens interdits de territoire facilement identifiés, mais qui ne sont pas expulsés.

La bourgeoisie en profite pour avoir une main d’œuvre corvéable, surtout dans le secteur du BTP, du nettoyage et du maraîchage. A la marge, la petite bourgeoisie, voire des prolétaires, en profitent également pour se payer des domestiques partagés afin de se faire livrer des courses ou des repas via des plateformes type « Uber ».

Ce dernier exemple est flagrant en ce qui concerne les centre-villes. Le Droit, en l’occurrence le code du travail, le code du commerce et le code de la route, est piétiné par les livreurs « auto-entrepreneurs » (ou locataires illégaux de compte d’auto-entrepreneur). Tout le monde le sait, tout le monde le voit (surtout en ce qui concerne le code de la route). Mais cela s’installe pourtant durablement, car la bourgeoisie n’est plus en mesure de garantir le Droit. Force ne va plus à la loi.

Certes, on parle là d’un phénomène tout à fait marginal, n’intéressant pas les gens et ne modifiant en rien (en tous cas en apparence) le quotidien du pays. Mais c’est en fait le cas pour quasiment tout, et partout, ce qui donne une situation générale qui se dégrade largement. L’ordre public est de moins en moins respecté.

De fait, c’est le tissu social lui-même, ce qui est appelé parfois le « vivre ensemble », qui s’effrite, se décompose dans une telle situation. La promesse historique de la bourgeoisie de garantir le Droit et l’ordre public est de moins en moins tenue.

On le voit aisément sur la route avec la multiplication des comportements barbares. Cela a fait l’actualité récemment, car des agents de police faisant face directement à un chauffard en plein Paris, ont été dans l’obligation concrète de faire usage de leur arme, entraînant la mort accidentelle de la passagère et la blessure grave de la personne qui était au volant.

Les agents de police en question, plutôt que d’être pris en charge par la société, soutenus psychologiquement et moralement, se retrouvent mis en accusation. Heureusement pour eux, il y a des images de vidéosurveillance de la RATP qui prouvent facilement qu’ils étaient en situation de légitime défense face à un danger corporel personnel immédiat.

Pourtant, personne ne devrait avoir quoi que ce soit à reprocher à ces policiers. On parle toute de même là d’un chauffard ivre et sous l’emprise de la drogue, sans permis, fonçant dans la circulation, puis sur un agent de police, plutôt que de se soumettre à un simple contrôle suite à une flagrance de non-port de ceinture. Tout cela alors que l’homme en question était en semi-liberté…

C’est évident pour qui a le sens de la morale : c’est la société elle-même qui était en état de légitime défense dans cette situation, et heureusement qu’il y a eu des policiers courageux pour faire valoir l’intérêt de la société en neutralisant cette personne plutôt que de se faire écraser et risquer l’écrasement d’autres piétons ou cyclistes. La mort de la passagère fut le prix à payer, mais les policiers n’en sont nullement responsables.

On parle d’ailleurs là de policiers à vélo, donc très loin de l’image de cow-boy de la BAC qui ferait de sa voiture et de son arme un fétiche. Alors, que faire face à des délits de fuite, qui sont clairement devenus la norme pour tout un tas de personnes surtout en Île-de-France ? Car il est évident que si on laisse s’installer cela, il en est définitivement fini de l’ordre public, et ce pendant des années.

Rien qu’en une semaine, on a au moins deux cas similaires :

Dimanche 5 juin 2022, Vienne (Isère), un policier ouvre le feu pour stopper un chauffard au volant d’une voiture volée, qui refusait d’obtempérer. Un policier a été traîné sur plusieurs mètres avant de chuter, ce qui n’a pas empêché le chauffard de poursuivre sa tentative de fuite.

Mardi 7 juin 202, Argenteuil (Val-d’Oise), un policier ouvre le feu sur un automobiliste refusant le contrôle et qui percute une policière.

C’est grave, extrêmement grave et inquiétant quand au niveau de décomposition sociale en France.

Ce qui se passe est évident : l’ordre social et la Justice ne sont plus garantis en France. Une des base de ce qui fait la légitimité de la bourgeoisie s’effrite littéralement sous les yeux d’une population médusée, mais figée.

Ce serait une bonne nouvelle s’il y avait en face une classe ouvrière organisée, consciente d’elle-même et de sa force historique, prête à prendre la place de la bourgeoisie. Prête à assumer sa légitimité sociale en assumant l’ordre public et le Droit, et bien plus encore !

Tel n’est malheureusement pas le cas, alors il faut bien avoir conscience que la situation va aller en s’empirant. Et ce n’est là qu’un aspect particulier de la crise, qui a de multiples contours et va être de plus en plus ravageuse.

Et dans une telle situation, le rôle de la Gauche historique est évidemment : il ne faut pas critiquer et conspuer de manière anarchiste la police et la Justice. Au contraire, il faut se battre pour une police populaire et une Justice populaire, c’est-à-dire une police et une justice portées par le peuple lui-même, de manière démocratique et populaire.

Catégories
Société

Ouverture du procès incomplet des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher

C’est un procès historique, qui en même temps a été vidé de son sens au préalable.

Le mercredi 2 septembre 2020 s’ouvre le procès des attentats contre Charlie hebdo et contre un magasin cacher ; il sera filmé pour les archives accessibles au public dans 50 ans. Il faut bien saisir le sens même de la question ; l’objectif des terroristes était de contribuer à la formation d’une guerre de religion en France. Ce plan a totalement échoué, il a été mis en pièce par un immense mouvement de masse comme jamais vu en France, et ce à travers absolument tout le pays.

Il y aurait pu y avoir tant un soutien des musulmans aux attentats qu’une contre-réaction catholique (et juive), avec une extrême-Droite grimpant comme jamais dans les sondages. Il n’y a rien eu de tout cela et la France a montré, exactement comme en février 1934 avec la tentative de coup d’État fasciste, qu’elle ne se laissait pas embarquer aussi facilement que cela dans des projets destructeurs.

Il est ainsi fort dommage que, à la veille du procès, Charlie Hebdo republie les caricatures de Mahomet qui avaient été la raison des attentats. Charlie Hebdo passe ici totalement à côté de l’esprit « Je suis Charlie » qui a suivi les attentats. L’hebdomadaire satirique fait exactement ce que les manifestants avaient alors réfuté : le fait d’avoir une obsession, de ressasser, de perdre le fil de la culture et de la démocratie.

En ce sens, les propos de veille du procès du directeur de Charlie Hebdo, Riss, sont bien étranges, décalés, sans aucun sens :

« Nous ne nous coucherons jamais. Nous ne renoncerons jamais »

Se coucher devant qui, renoncer à quoi ? Surtout qu’il n’y a pas eu de caricature de Mahomet depuis 2015. Il aurait été bien plus intelligent d’en profiter pour mettre en avant quelque chose de populaire, de solidaire, de constructif, plutôt que de s’imaginer en guerre avec un islamisme qui, avec l’échec de l’État islamique, a stratégiquement perdu.

C’est une question de culture et de développement de la civilisation. On se souvient par exemple de la loi sur l’interdiction du voile à l’école : c’était d’une stupidité complète, car c’était un micro-problème qui devait se régler de manière intelligente au cas par cas. Une simple affaire montée en épingle, qui plus est par des professeurs d’ultra-gauche (de Lutte Ouvrière en l’occurrence), a contribué à l’ouverture de la boîte de Pandore de l’islamisme.

L’affaire des caricatures de Mahomet est tout aussi incohérente. Dans l’Islam (sunnite), on n’a pas le droit ni de représenter des êtres vivants, ni d’écouter de la musique non religieuse monophonique. N’est-ce pas suffisant pour démonter cette religion ? Ce n’est pas des caricatures qu’il faut, mais des cours de dessin et des cours de musique dans tout le pays, tant pour la dimension pratique que pour la dimension historique. À ce moment-là la religion tombera d’elle-même et la civilisation aura avancé.

N’y a-t-il d’ailleurs pas d’autres défis comme le réchauffement climatique, la crise sanitaire, la situation des animaux, la crise économique, sans parler d’un insupportable capitalisme ? L’islamisme n’est-il pas le produit d’ailleurs de cette société ?

Voilà pourquoi il faut dire que le procès des attentats de Charlie Hebdo et du magasin cacher est incomplet, qu’il manque un coupable : la société elle-même.

On se souvient de 1995, lors de la vague meurtrière d’attentats islamistes : Khaled Kelkal avait pareillement été liquidé. Tout cela pour ne pas avoir de procès où l’on se retrouve face à des Français qui ont déraillé et qui sont partis dans le nihilisme, ce qui aurait abouti au procès d’une société elle-même basculant dans le nihilisme et produisant des romantiques se transformant en monstres.

L’État français a fait pareil en 2015. Lorsque les frères Kouachi qui avaient attaqué Charlie Hebdo se sont barricadés dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële en Seine-et-Marne, ils n’ont pas été « abattus dans l’après-midi après un assaut du GIGN » comme le prétend France TV infos. En réalité, ils sont à un moment sortis de l’imprimerie en tirant pour mourir « en martyr » et ils ont été alors tués par les coups de feu du GIGN, sans tentative aucune de les maîtriser.

Les monstres ne sont alors plus que des fantômes et la société qui les a engendrés se voit lavée de tout crime. Ne manque alors plus qu’un procès qui individualisera les parcours en niant la dimension avant tout sociale de tous ces événements.

Catégories
Société

Éric Dupond-Moretti ou le nihilisme juridique au ministère de la Justice

Qu’un avocat sulfureux adepte de la polémique anti-magistrat comme Éric Dupond-Moretti devienne ministre de la Justice est un profond signe de décadence du Droit.

Qu’est-ce que le socialisme, au sens strict ? C’est le triomphe complet du Droit. Par la liquidation du libéralisme, il n’y a plus de relativisme et la loi s’applique dans sa substance même. À l’inverse, le capitalisme liquide le droit au point que les comportements anti-sociaux se voient somme toute acceptés et non pas brisés.

Éric Dupond-Moretti, né en 1961, devient ministre de la Justice au moment d’un tournant : avec la crise qui s’est exprimée notamment par le covid-19, le droit bourgeois chancelle en même temps que le capitalisme.

Et Éric Dupond-Moretti est là pour pousser les choses dans le démantèlement du Droit, car toute tentative de maintenir le Droit, d’en protéger la substance, aboutit forcément au principe de l’État comme société et inversement, et donc au Socialisme.

Les magistrats ont d’ailleurs compris le problème. S’ils ne veulent pas du Socialisme – ils sont légitimistes avant tout – ils ont saisi la menace. Le principal syndicat, l’Union Syndicale de la Magistrature, parle de sa nomination en tant que ministre de la Justice comme d’une « déclaration de guerre ».

Il faut dire qu’Éric Dupond-Moretti y est allé franco dans Le Parisien du 27 juin, soit il y a à peine plus d’une semaine. Il exigeait « des Etat généraux de la justice », une « Ecole nationale de justice qui soit commune aux avocats et magistrats ».

C’est la logique libérale : il n’y a pas de justice qui s’applique avec le droit de l’accusé de se défendre, mais une justice et une défense mise à égalité. L’État devient un particulier et il s’agit alors d’un rapport entre particuliers, devant se résoudre en quelque sorte à l’amiable.

Le juge s’efface, il devient un arbitre, un intermédiaire entre un procureur et un avocat. Voici ce qu’il dit pareillement dans Marianne en 2018 :

« Il y a, chez les magistrats, deux corps : le siège [ceux qui jugent], le parquet [ceux qui requièrent, les procureurs par exemple]. Une formation commune pour les deux renforce un corporatisme dans lequel les avocats ont beaucoup de mal à s’insérer. »

C’est la liquidation du Droit. D’ailleurs, et cela veut tout dire, dans le même interview on a le propos suivant :

« [Question] Voulez-vous savoir si votre client est innocent ?

Non, je ne veux pas. »

Éric Dupond-Moretti est l’exemple même de l’avocat du capitalisme moderne, qui croit en son propre rôle, qui s’imagine que sa fonction a une signification, alors qu’elle n’a qu’un sens : éviter l’erreur. Dans un Droit bien réglé il n’y a pas besoin d’avocats, la Justice est efficace et se suffit à elle-même ; l’avocat n’est qu’une aide pour avoir un apport relevant du concret, car venant de l’accusé.

Chez Éric Dupond-Moretti, l’avocat vaut par contre autant que le juge et le procureur et son client vaut autant que l’État. C’est le sens de ses propos sur France Inter lorsqu’on le questionnait au sujet d’un de ses clients, Abdelkader Merah, frère et complice du criminel de Toulouse et Montauban.

« J’ai eu l’honneur de le défendre.

[Le journaliste : L’honneur?]

L’honneur, monsieur. »

Il n’a pas cessé de tenir des propos outranciers à ce sujet, par ailleurs :

« Il n’y a pas mille avocats qui se sont bousculés au portillon pour défendre Merah. C’était pour moi un risque, mais je trouve que c’est un honneur pour un avocat d’être là, à ce moment-là, dans cette difficulté là, et pour cet homme là, que l’on a considéré comme un monstre, comme l’incarnation du mal absolu.

J’ai rappelé qu’à bien des égards, le procès de Nuremberg a été plus digne que celui-là. On y a pas traité les hommes d’animaux, comme Abdelkader Merah a été traité d’animal à son procès. »

Ce qui est totalement fou c’est que donc, pour Éric Dupond-Moretti, le procès de Nuremberg a été en grande partie indigne ! Mais c’est que pour lui, l’État c’est le mal. Éric Dupond-Moretti ne voit que des particuliers, dont il faut ajuster les rapports. Le Droit, selon lui, ne porte rien, ni morale, ni civilisation, ni principes de justice, c’est un équilibre. Éric Dupond-Moretti, c’est le nihilisme juridique même, le libéralisme jusqu’à la liquidation de l’État et de la société, au moment où les deux doivent en fait fusionner.

Catégories
Politique

Affaire Lamine Dieng: 145 000 euros pour un règlement à l’amiable qui fusille l’État de droit

La France paie une somme d’argent pour qu’un procès s’arrête. C’est une américanisation du droit, c’est-à-dire une réduction de la justice à des rapports individuels où tout est dommage et intérêt.

La Cour européenne des droits de l’homme a annoncé un accord juridique suivant la culture anglo-américaine. L’État français a été réduit à une personne juridique simple et la famille de Lamine Dieng, mort en 2007 dans un fourgon de police à Paris, a été élevé au statut de plaignant collectif.

Cela donne non plus la Justice, mais un différend entre personnes juridiques, différend qui se règle évidemment non pas selon des principes universels (le juste et l’injustice, le moral et l’immoral), mais selon des intérêts matériels.

En l’occurrence, l’État français a payé la « différence » pour la vie d’une personne : la vie de Lamine Dieng vaut, stricto sensu dans cette affaire puisque la famille a accepté la somme, 145 000 euros.

L’État de droit se voit liquidé au profit d’une machine judiciaire où tout devient un contentieux, comme dans le droit à la consommation. La justice est réduite à l’étude des faits pour entrevoir la possibilité d’un préjudice déclaré par l’une des parties.

Et si un accord « à l’amiable » est possible, c’est toujours cela de gagné pour la pseudo-justice réduite à un mécanisme individualisé de préjudices. Ainsi, en échange de 145 000 euros, la famille de Lamine Dieng cesse toute action envers l’État français et surtout renonce à toute autre « prétention ».

On parle de la vie d’un être humain et on est réduit à une posture juridique d’une plainte pour la panne d’un grille-pains sous garantie dans une cafeteria un matin. Il n’y a plus d’État comme réalité juridique en tant qu’émanation collective et donc forcément juste, et s’il y a de l’injuste, alors c’est reconnu et corrigé.

D’ailleurs, la preuve de cela est que l’État français avait repoussé toute faute dans l’affaire Lamine Dieng et le voilà s’effaçant devant une entité supra-sociale, puisque relevant de l’Union européenne qui n’est pas une société, pas une collectivité.

L’État est ici ramené au statut de « puissance publique » au sens d’une fonction « administrative » formant un « service ». C’est une lecture totalement libérale.

Et une lecture hypocrite. Car l’affaire disparaît. L’État français avait dit : il n’y a pas d’affaire. La Cour européenne des droits de l’homme dit que la question d’une relecture de l’affaire est recevable. L’État dit : on s’arrête là, je paie. La famille accepte. L’affaire disparaît.

L’affaire disparaît. Ce n’est pas la justice, une affaire qui disparaît. La justice, c’est de dire ce qui est juste et injuste. On a ici clairement une liquidation de l’État de droit, son effacement devant le capitalisme.

Ce n’est d’ailleurs pas vrai que sur le plan juridique. Le policier de base va se dire : je vais sauver une femme en train de se faire tabasser par un type super costaud lui démolissant la mâchoire et le nez, il résiste, il meurt, je suis coupable. C’est absolument intenable, car le policier ne peut que se dire que le jeu n’en vaut pas la chandelle et pourtant il veut aider les gens quand même. Donc il est amené à être happé par la démagogie d’extrême-Droite.

> Lire également : «violences policières»: seulement 1000 personnes au rassemblement «pour Lamine Dieng»

C’est à l’image d’une époque : une marginalité violente, un Droit submergé par l’implosion sociale, le relativisme et le manque de moyens, une police qui n’a pas la grille d’analyse adéquate et qui sert de tampon et de bouc-émissaire pour une bourgeoisie toujours plus décadente…

Cette histoire d’État achetant la paix juridique va en tout cas faire date. Il est rare de voir un État capituler et abandonner sa légitimité.

Catégories
Politique

En plein confinement, la France expulsera-t-elle un opposant vers la Turquie?

La France a toujours pratiqué une politique très particulière envers les opposants au régime turc. Arrestations coup de poing, condamnations, le tout sans que la presse n’en parle jamais. D’où l’option, malgré le confinement, d’expulser un opposant vers la Turquie.

La Turquie connaît depuis les années 1960 des coups d’État, des interventions périodiques de l’armée et de la police à tous les niveaux de la société, jusqu’à des vagues de torture et de disparitions. Être de gauche implique donc une motivation très forte, tout un certain romantisme.

L’État français applique une ligne toujours très claire sur ce plan : une répression complète, systématiquement passée sous silence. Un aspect important historiquement est également la pression américaine et allemande, en raison des importants intérêts de ces pays en Turquie.

Sefik Sarikaya s’est donc confronté à une machinerie administrative et policière implacable. Parmi les nombreuses péripéties, on a une arrestation en 2008, une remise en liberté conditionnelle au bout de plus d’un an puis en procès en 2012 avec une condamnation à une peine de 8 ans au moyen du fameux « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». Prenant la fuite et rattrapé en 2016, le voilà libéré ce 21 avril mais le juge l’a prévenu : il sera expulsé vers la Turquie.

Il va de soi que les opposants en France au régime turc, dont le Comité des libertés, sont vent debout, et avec raison. La France a une politique non seulement malsaine, mais même criminelle. Il faut bien comprendre qu’il s’agit là d’un monde parallèle. Sachant que l’opinion publique ne sera jamais au courant, que la Gauche ne parlera jamais des opposants au régime turc, les juges font ce qu’ils veulent, parfois avec des provocations incroyables.

C’est le règne de l’arbitraire, de l’association de malfaiteurs en veux-tu en voilà. C’est pratiquement une juridiction parallèle et cela depuis les années 1980 !

La question qui se pose n’est évidemment pas de savoir si les opposants sont, ou pas, coupables de ce dont on les accuse. On ne peut pas voir les choses ainsi, en effet. Ce qui compte, c’est la Turquie. Est-ce un pays démocratique ? Certainement pas. Partant de là, on ne peut pas juger les opposants au régime turc selon des critères franco-français… Et encore moins selon les critères de la défense des intérêts économiques capitalistes.

Il faudrait d’ailleurs une commission montée par la Gauche pour réétudier toute cette histoire de répression depuis le début des années 1980. Mais cela n’arrivera pas, bien sûr, car la Gauche gouvernementale a totalement accepté cette répression quand elle était au poste de commande. Elle a elle-même accepté le silence total à ce sujet.

C’est que, bien entendu, cela l’arrangeait également de ne pas poser des questions de fond sur la nature d’une régime politique, les principes de l’engagement, l’unité de la Gauche, la définition de la démocratie, le rapport aux luttes populaires, etc.

Et cette gauche gouvernementale, fuyant la vérité, s’est d’autant plus enlisée dans l’esprit gouvernemental, jusqu’à perdre entièrement tout contenu, même symbolique.

Catégories
Société

Mort d’Élisa Pilarski et de son bébé: toujours pas de résultat des tests ADN, d’ailleurs non réalisés

C’est terrible : alors qu’on attend les résultats des analyses des tests ADN, on apprend désormais qu’ils n’ont en fait pas été réalisés ! Le laboratoire coûterait trop cher, il faudrait voir si un autre n’a pas moins cher à proposer… En réalité, il s’agit de gagner du temps, tout simplement. Pour faire oublier l’affaire par l’opinion publique.

forêt

On a vu se faire débarquer le responsable de la gendarmerie présent à la chasse à courre le jour de la mort d’Élisa Pilarski. Discrètement, mais sûrement. Et maintenant on a cette affaire rocambolesque de tests ADN coûtant trop cher pour les mener. Et on apprend cela trois mois après.

Cela ne tient pas debout une seule seconde. Aucun État riche et puissant comme on l’a en France ne peut prétendre ne pas avoir les moyens de réaliser des tests ADN, alors qu’il y a une question d’ordre public à l’arrière-plan. Il est évident qu’ici, en fin de compte, c’est la chasse à courre qui est protégée.

Une source proche de l’enquête a d’ailleurs diffusé hier en fin de soirée l’information que les tests auraient bien lieu, qu’il s’agit de 200 000 euros pour plus de 350 analyses, que c’est l’argent du contribuable, etc. Les médias se sont empressés de reprendre cette affirmation.

En réalité, pour qui n’est pas naïf, l’annonce de non-réalisation des tests ADN était un ballon d’essai. En plus de repousser encore et toujours les résultats, il est évident que les réactions à l’absence de réalisation des tests ont été évaluées, soupesées, étudiées. La sortie de la « source proche de l’enquête » rassure donc : la pression est bien là et l’État a été obligé de prétendre agir.

En même temps, il est à peu près évident que la vérité aura bien du mal à ressortir. Au lieu d’agir vite pour savoir, l’État cherche à temporiser, à maintenir le flou, le trouble quant à de nombreux aspects de l’affaire, comme le fait qu’une seconde meute de chiens de chasse à courre censée être présente le même jour a littéralement disparu des radars.

Il y a également une vaste campagne de criminalisation de Curtis, le chien d’Élisa Pilarski, un croisé lévrier Whippet et Patterdale terrier âgé de deux ans, soit un chien adolescent, qui a pu être terrorisé par la meute de chiens de chasse, une hypothèse tout à fait sérieuse que les médias, par contre, ne mentionnent pas. Curtis a d’ailleurs été mordu : il n’a pas pu le faire tout seul, pourquoi cela aussi est-il passé à la trappe ?

On l’aura compris, tout cela est trop flou, trop lent, pour ne pas qu’on devine un problème de fond. L’affaire dérange, et si elle dérange c’est qu’elle dérange les classes dominantes, le milieu de la chasse à courre, la chasse à courre elle-même. Cette dernière est un puissant levier de contrôle social de la « France profonde », c’est un véritable dispositif de la Droite pour rendre les masses soumises.

C’est donc quelque chose d’intouchable. La ligne populaire d’Abolissons la Vènerie Aujourd’hui a ébranlé l’édifice et on imagine très bien les forces réactionnaires s’arc-bouter pour protéger à tout prix la chasse à courre. Cette affaire prend, en tout cas, une dimension historique. Sa dimension est tellement grande, son opacité si forte, l’incohérence de l’enquête si profonde, qu’il est évident qu’on est là à un endroit nœud de terribles contradictions.

La pression démocratique doit se maintenir, l’opinion publique ne pas détourner son attention, les gens conscients doivent maintenir une capacité d’informer, se tenir aux aguets pour réfléchir à la manière dont l’État cherche à faire passer cette histoire sous le tapis.

À voir tout cela, on a du mal à croire qu’on est au début du 21e siècle. Et pourtant !

Catégories
Société

Affaire Elisa Pilarski: trois mois après, un silence outrageant

L’État a tout fait pour que la mort d’Elisa Pilarski sorte de l’attention de l’opinion publique. On n’a toujours pas les résultats des tests ADN, alors que quelques jours suffisent normalement. Même le responsable de la gendarmerie de l’Aisne, présent à la chasse à courre le jour du décès, a été discrètement mis de côté… Tout cela fait beaucoup… Beaucoup trop.

Il faut normalement quelques jours seulement pour obtenir des résultats des tests d’ADN. Et pourtant, on ne sait encore strictement rien des tests ADN des cinq chiens d’Elisa Pilarski et des 62 chiens de la chasse à courre. Va-t-on croire que les tests n’ont pas encore été effectués ? Que personne n’a de résultats ? C’est douteux.

Même la juge d’instruction n’aurait pas les résultats, officiellement. Alors elle meuble, elle remplit une fonction symbolique. Elle vient d’aller sur les lieux ce mercredi 12 février 2020 – la forêt de Retz – en présence du compagnon d’Elisa Pilarski et du propriétaire des chiens du rallye la Passion menant une chasse à courre le même jour. Ce dernier a été écouté cinq heures. Pour apprendre quoi ? Tout ce qu’elle savait déjà, ou tout ce qu’elle devait déjà savoir.

A-t-on ici une enquête bâclée ou au contraire suivie de très près, avec comme but d’endormir ? En tout cas, le choix de la date est assez infâme, car Elisa Pilarski était enceinte et son fils devait justement naître le 15 février. Il n’y a ici ni esprit, ni cœur. Et même pas grand-chose.

Tellement pas grand-chose que les petites choses en disent long. Ainsi, le lieutenant-colonel de gendarmerie, responsable des gendarmes de l’Aisne, est en train d’abandonner sa fonction. Il avait suivi, en présence de sa femme et de ses quatre enfants, la chasse à courre le jour de la mort d’Elisa Pilarski.

Sauf qu’en fait, il y a quelque chose de troublant. La presse avait annoncé ce départ, disant qu’il quittait l’armée, qu’il passait à autre chose. En réalité, c’est clairement une mise au placard et la volonté de départ est liée à cela.

L’essor de la Gendarmerie nationale le dit même ouvertement. Il s’agit littéralement du journal des gendarmes. L’article s’intitule « Comment l’affaire Pilarski a emporté l’officier Jean-Charles Métras » et on y lit :

« Le patron des gendarmes de l’Aisne, le lieutenant-colonel Jean-Charles Métras, va rejoindre ce lundi 17 février sa nouvelle affectation. Il devient chargé de projet au commandement de la gendarmerie d’outre-mer (CGOM). L’officier supérieur était en difficulté depuis le début de l’affaire Pilarski (…).

Pour la direction générale, la mutation de Jean-Charles Métras loin de l’Aisne doit permettre de “protéger l’officier et de ramener de la sérénité dans la conduite du groupement”. Il était en effet compliqué de maintenir le commandant sur place.

La raison? “Le battage médiatique autour de cette affaire”, précise-t-on au fort d’Issy-les-Moulineaux, le siège de la direction générale. L’histoire dramatique a été en effet abondamment couverte par la presse et commentée sur les réseaux sociaux. La page Facebook lancée par le compagnon d’Elisa Pilarksi est ainsi suivie par près de 45.000 internautes.

Pour autant, précisent les gendarmes, le départ de Jean-Charles Métras de l’Aisne “n’est pas du tout une sanction disciplinaire”.

Le changement de poste du lieutenant-colonel ressemble pourtant bien à une mutation sanction. Certes, son départ était déjà prévu pour cet été. Mais l’officier quitte un groupement à forte activité. Et les contours flous de son nouveau poste lui donnent bien des airs de placard. »

Et le journal d’expliquer que le lieutenant-colonel propose sur Linkedin son parcours au service du secteur privé, ce qui d’ailleurs avait été annoncé par la presse il y a quelques temps. Sauf qu’il était parlé de départ volontaire hors de l’armée. Il n’avait été pas parlé de mutation par la direction de la gendarmerie et parallèlement de volonté de quitter l’armée…

C’est un signe de nervosité. La gendarmerie n’aurait pas réalisé cela aussi rapidement, aussi secrètement, s’il n’y avait pas un problème. Et qu’on ne dise pas que la présence à la chasse à courre poserait en général un problème de déontologie. Il y a des accords entre chasseurs et gendarmes, et de toutes façons les gendarmes ne sont pas les policiers. Si les policiers ont une partie significative qui est républicaine, voire même démocratique, les gendarmes c’est l’armée et une culture hyper-réactionnaire.

La vérité est que la gendarmerie a le réflexe de l’armée : elle veut évitée d’être salie. Et cela, associée à l’absence de résultats des tests d’ADN, ne peut qu’inquiéter. L’objectif est de faire passer toute l’affaire aux oubliettes, lentement, mais sûrement.

Catégories
Société

Le rapport caricatural de l’OIP sur les gardiens de prison

L’Observatoire international des prisons a publié un rapport mettant en cause la violence des gardiens de prison : c’est typique de la « Gauche » qu’on définira comme chrétienne-démocrate si l’on est gentil, comme bisounours si on est réaliste. La prison est à l’agonie comme institution, les prisonniers basculent dans la folie alors que la démarche anti-sociale de beaucoup d’entre eux est une norme. Mais ce serait la faute au personnel pénitentiaire !

La société est toujours en retard par rapport à sa propre transformation. Elle s’aperçoit bien après que des choses ont changé. Prenons les policiers et les gardiens de prison. Auparavant, c’était des gens arriérés culturellement, venant directement de la campagne. Cela en faisait des cogneurs, des « fachos ». Et cela était vrai jusque les années 1980.

Puis la société s’est urbanisée et maintenant le policier, le gardien de prison, c’est bien souvent simplement quelqu’un cherchant du travail et se disant : là je peux aider, j’ai une certaine sécurité de l’emploi, c’est rude, mais j’aime bien me confronter au réel.

Or, les prisons françaises sont explosives. Locaux vétustes, surpopulation, manque de moyens à tous les niveaux, c’est une catastrophe. À cela s’ajoutent des détenus gangrenés par la folie et les comportements anti-sociaux virulents pour une large partie d’entre eux. Ce n’est pas de leur faute : c’est la société qui est responsable. Cela n’en rend pas les choses plus faciles pour autant au quotidien.

On imagine donc que tout est moche et que les salauds se révèlent vite du côté des matons, que même sans en être un on tombe forcément dans la pratique d’une forme d’injustice. C’est inévitable, c’est un déterminisme social évident.

Que faut-il comprendre de cela ? Que les matons sont des ordures, ou bien que le capitalisme est décadent et incapable de gérer l’emprisonnement ? L’Observatoire international des prisons a choisi son camp : la prison est une institution dont les employés ont des comportements mauvais, car eux-aussi sont mauvais. C’est ce qu’on comprend de son rapport qui vient de sortir.

C’est un raccourci, c’est trop simple, c’est de la fausse Gauche, qui se donne bonne conscience pour pas cher. C’est une manière de ne pas dénoncer la prison comme institution chaotique, laissée à l’abandon… Parce que la société ne fait qu’obéir au capitalisme et à son souci de rentabilité. C’est d’ailleurs cela ou l’enfer des prisons américaines, avec leur privatisation, etc.

L’Observatoire international des prisons fait donc son Victor Hugo, en déconnexion complète de la réalité. Voici par exemple ce qui est raconté dans son rapport.

« Il est fréquent que, lors d’altercations entre un détenu et un ou plusieurs surveillants, des personnels soient appelés au renfort pour contenir la situation. Il existe, dans ces situations à l’occasion desquelles les surveillants sont amenés à recourir à la force, des risques de dérives. »

Une recherche en sociologie note qu’ils sont plus importants encore « lorsque l’intervention fait suite à l’agression d’un agent ». Elle cite notamment un surveillant qui explique : « Quand il y a une alarme, tout le monde arrive parce qu’ils sont contents de maîtriser et de donner des coups, ou de protéger des collègues. »

Quelle incroyable recherche en sociologie ! Lorsqu’un collègue ou un ami est agressé, la motivation est d’autant plus grande pour le défendre ! Et c’est transformé en maton salaud cherchant un prétexte pour faire sa crapule.

Voici un autre exemple, tout aussi significatif.

« Plusieurs affaires récentes révèlent des complicités de violence ciblant tout particulièrement les auteurs d’infraction à caractère sexuel (AICS). Fin 2018, neuf personnes incarcérées pour des affaires de mœurs à la maison d’arrêt de Metz portaient plainte : elles se plaignaient d’avoir été passées à tabac par d’autres détenus, avec la complicité de surveillants qui leur ouvraient les portes. »

Pauvres violeurs, agressés par des gens qui, au-delà d’être anti-social bien souvent individuellement, connaissent personnellement les valeurs populaires fondamentales…

L’Observatoire international des prisons n’est tout simplement pas sérieux. Les prisons sont des lieux de corruption, de mal-être, de maladies, d’isolement, de folie… Et il serait possible de faire abstraction de cela, et de dénoncer le personnel pénitentiaire, toujours plus prolétarisé ? C’est tout simplement ridicule, à moins que ce soit pour donner raison à Marine Le Pen et surtout Marion Maréchal, en publiant des documents caricaturaux.

Catégories
Société

Communiqué de l’OIP : « Violences des surveillants de prison : brisons le silence »

Voici le communiqué de l’association Observatoire international des prisons présentant un rapport présenté comme un état des lieux de la violence des gardiens dans les prisons.

Le rapport est disponible en cliquant sur ce lien. C’est un document très unilatéral, qui fait un raccourci caricatural en prétendant que tout serait la faute des « maton ».

« Violences des surveillants de prison : brisons le silence

Derrière les portes closes des prisons, des personnes détenues sont régulièrement victimes de violences physiques de la part d’agents pénitentiaires. Après une enquête d’une ampleur inédite, l’OIP publie aujourd’hui un rapport qui dresse un état des lieux de ces violences, décrypte les rouages qui leur permettent de se perpétuer et propose des recommandations pour mettre fin au déni et à l’impunité.

Ces deux dernières années, l’OIP a reçu près de 200 appels ou courriers de détenus qui déclarent avoir été violentés par des personnels pénitentiaires – deux signalements par semaine en moyenne, qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Pourtant, rares sont les cas qui font l’objet d’un traitement médiatique ou d’une décision de justice. Pourquoi ? Parce que vérifier les faits pour faire éclater une affaire de ce type au grand jour est souvent mission impossible. Parce que pour une personne détenue, porter plainte est un véritable parcours du combattant et un pari risqué. Parce que ces violences surviennent le plus souvent à l’abri des caméras de vidéosurveillance et sans témoins, et que ceux qui voudraient les dénoncer, qu’ils soient détenus ou agents pénitentiaires, s’exposent à des représailles. Parce que l’institution préfère souvent fermer les yeux, et que saisir la justice ou les organes de contrôle est presque toujours vain. Parce qu’en prison, opacité et omerta se conjuguent, jusqu’à l’impunité.

Après un an d’enquête et une centaine d’entretiens avec des victimes, des surveillants, des directeurs de prison mais aussi des magistrats, des avocats, des médecins, etc., c’est tout un système que ce rapport entend faire éclater au grand jour. Un système qui permet à ces violences de perdurer, quand bien même elles seraient le fait d’un petit nombre. Un système où des dysfonctionnements en série font qu’aucun des acteurs et institutions ne joue son rôle de garde-fou, où chacun s’en remet à l’autre pour rendre une justice qui, le plus souvent, ne vient pas. Un système enfin sur lequel repose une véritable chape de plomb.

À l’heure où les violences policières sont régulièrement pointées du doigt, ce rapport rappelle qu’il est un autre espace, non public, où la légitimité de la violence étatique devrait être questionnée, où aucun débordement ne devrait être toléré, où le silence devrait être brisé : la prison. »

Catégories
Politique

Acte XX des gilets jaunes : peur sur la ville

Il y a un côté Tour de France avec les gilets jaunes, car outre que le mouvement est disséminé en divers endroits, il y en a toujours un qui ressort plus que les autres, selon les aléas de la colère des classes moyennes. En l’occurrence, c’est Bordeaux qui a tenu le haut du pavé, avec 5 000 personnes présentes. 

Des figures historiques comme Eric Drouet et Jérôme Rodrigues étaient à Bordeaux. Naturellement, il y a aussi quelques casseurs qui ont vandalisé une banque, cherché à faire une barricade au moyen de ce qui a été trouvé dans un chantier, etc.

On est cependant bien loin du drame annoncé par le premier comédien de la ville, le maire Nicolas Florian, qui annonçait « une journée apocalyptique ». Et pourquoi pas les zombies ou Fantomas ? On joue à se faire peur, encore et encore.

L’État, après l’avoir joué aux abonnés absents, étouffe le mouvement pour bien prouver qu’il est ce qu’il est. Il tape fort, à l’arrière-plan, pour faire passer le message, pour donner la leçon. Il fonctionne froidement, mécaniquement, efficacement.

Les gilets jaunes passant en procès pour dégradations prennent ainsi très cher. Ils n’ont pas l’habitude des procès pour la plupart, ils ont mal ou pas préparé leur défense, psychologiquement ils ne comprennent pas ce qui leur arrive par faible conscience politique : les choses tournent mal, la prison ferme est récurrente. C’est qu’au-delà du contenu des gilets jaunes, l’État vise clairement à faire peur au peuple.

Il y a ainsi quelqu’un qui a participé aux dégradations contre la préfecture de Nancy. Il a participé à lancer des pavés et arraché la grille d’entrée du bâtiment, mais il était le seul non masqué. Résultat : il paie seul les pots cassés, avec quinze mois ferme en comparution immédiate. C’est là totalement anti-démocratique et réduit la justice à une farce répressive. La dimension sociale est effacée, le côté politique est nié, les droits de construire une défense sérieuse passés à la trappe !

L’État a décidé de cogner, voilà tout ; quant à l’indépendance de la justice, on voit bien qu’il n’en est rien. Qui condamne une telle personne pour un tel acte, sans se dire : il faut laisser au prévenu le temps d’avoir le droit à de bons conseils de son avocat, dans un contexte peut-être apaisé, se place en-dehors de tout véritable esprit de justice.

Pareillement, ce samedi, il y a eu seulement autour de 2 000 personnes à Paris, où certaines zones étaient interdites, comme les Champs-Élysées. Cela s’est accompagné de 32 interpellations, 21 verbalisations sur le périmètre interdit, et surtout de 11 945 contrôles préventifs. Un chiffre énorme, qui montre que la police mène une grande opération d’intimidation et de pression.

Dans le même registre, d’autres farceurs, à la tête de la préfecture du Vaucluse, avait annoncé l’irruption de « groupes activistes violents » à Avignon et donc interdit tout rassemblement intra-muros de 9h à minuit. On joue au convoi de cow-boys qui regroupe ses chariots pour faire face aux « Indiens ». Il y a eu tout de même des manifestants dans la zone interdite, et dispersion par la police à l’arrivée de 80 motards sympathisants.

Le même scénario de la peur sur la ville devenue zone interdite s’est déroulé à Saint-Étienne, Toulouse, Épinal, Rouen, ainsi que Lille en partie. L’effet est dévastateur : n’en doutons pas. Après le rôle néfaste des gilets jaunes sur le plan des idées et de la culture, voici qu’on a un contre-coup également négatif, avec le climat de peur exercé contre la société civile. On perd sur tous les points.

Surtout que les gilets jaunes continuent leur initiative, avec les principaux rassemblements s’étant tenus à Toulouse, Marseille, Rennes, Caen, Rouen, Montbéliard, Strasbourg… Pour un total d’environ 34 000 personnes seulement.

Non seulement les gilets jaunes ne servent à rien, mais en plus ils éduquent l’État pour savoir comment faire lorsqu’il y aura une véritable contestation populaire ! Heureusement que lorsque celle-ci s’affirmera, les choses n’auront rien à voir avec cette comédie. Lorsque les ouvriers, qui ont refusé dès le départ de s’embarquer dans cette histoire (et ils ont eu raison), les choses auront une autre substance !

Catégories
Société

La question du retour en France des soldats français de Daech

Le retour en France de plus d’une centaine de membres de l’État islamique est considéré par l’État comme un devoir juridique. Cela pose une multitude de problèmes : moraux, juridiques, politiques, avec à l’arrière-plan le fait que la France n’a jamais assumé que l’islamisme était politique. Les conséquences sont incalculables.

Les islamistes faisant des attentats en visant des personnes au hasard sont des criminels, c’est une simple évidence. Mais leur criminalité ne relève pas de la tuerie spontanée ; elle est au contraire le fruit de longues réflexions, d’innombrables analyses, au service d’un projet politique sur une base religieuse.

L’État français a bien entendu toujours su cela. Il a considéré toutefois qu’en raison de l’importance de l’immigration depuis des pays musulmans, il fallait étouffer cette dimension. Ainsi, les islamistes des années 1990 ont été frappés par une justice les considérant comme des mafieux, quand ils n’ont pas été tués de manière extra-légale. Qu’on dise que Khaled Kelkal mérite la peine de mort est une thèse qui peut se tenir, mais en attendant il n’a pas été arrêté : il a été exécuté par les forces de l’ordre.

De la même manière, les tueurs de Charlie Hebdo, pour qui il ne s’agit pas d’éprouver une quelconque sympathie, auraient pu être arrêtés. Repliés dans une imprimerie entourée de forces armées, ne comptant pas se suicider… Il aurait été facile de les épuiser, d’utiliser des gaz, etc. L’État français n’a eu cependant aucunement l’intention de se coltiner un procès ultra-médiatisé avec des activistes d’Al Qaeda.

Après les attentats sur le territoire français de l’État islamique, l’État français a envoyé des soldats spéciaux en Irak et en Syrie afin justement d’en liquider les participants. La révélation de cela par François Hollande alors président de la république avait fait scandale alors. Avec l’effondrement de l’État islamique, cela ne suffit cependant plus. L’État français risque de se retrouver avec plus d’une centaine de combattants.

La logique voudrait qu’ils soient jugés pour leurs crimes en Irak et en Syrie. D’ailleurs le peuple français ne veut plus d’eux : ils ont choisi le meurtre et l’horreur avec un sentiment de toute puissance dans un autre pays, ils doivent en payer le prix. Et puis comment les juger en France pour des actes commis si loin, comment établir les faits ? Le peuple français considère de toute façon qu’il n’y a pas à chercher et qu’ils ont choisi un camp si criminel que la justice doit être brève, expéditive.

Seulement, évidemment, l’État français est pris à son propre rôle et veut récupérer « ses » citoyens, comme si les combattants de l’État islamique étaient des touristes perdus lors de leurs vacances. L’État français applique ici, de manière mécanique, sa conception « républicaine ». C’est absolument intenable et c’est la porte ouverte à une instabilité générale pour le Droit en France.

Une réponse de Gauche à cette instabilité ne pourra pas être de l’angélisme, de la naïveté ou une lecture infantile de l’islamisme. Ce serait une trahison du principe de Justice. La lettre ouverte au président de la République, écrite par Albert Chennouf-Meyer, père d’Abel, assassiné par Mohammed Merah, est à ce titre plein de dignité. « Mon avenir est derrière moi, je mettrai tout en œuvre pour éliminer les assassins de mon fils (…). L’État, l’armée, la république a oublié ses enfants, moi, je n’oublie pas mon fils ! »

Il n’est personne dans le peuple pour ne pas savoir que ce sont là des paroles correspondant à une exigence fondamentale de vérité et de justice.

Lire également : Lettre ouverte à Monsieur le président de la république, Emmanuel Macron, par Albert Camus-Meyer

Catégories
Société

Rétablir le Droit en le rendant universel

Tout régime prétend que le droit qu’il met en place est à la fois neutre et consacré à l’égalité de tous. En réalité, il s’agit là d’un droit relatif, bien éloigné du Droit comme système de référence universelle que seule la Gauche peut porter.

Le droit est quelque chose de compliqué : quand on lit le code pénal ou bien des propositions de loi, le langage est tourné de manière tellement bizarre que l’on y comprend rien. Pourtant, le droit ce n’est pas les juges, les avocats, les experts ; le droit c’est la civilisation et donc l’humanité elle-même.

Une vrai droit serait un Droit porté par chaque personne en tant que telle, et c’est d’ailleurs là l’idéal des Lumières. Emmanuel Kant est sans doute celui qui a écrit les lignes les plus intéressantes à ce sujet, avec son fameux « impératif catégorique ». Il faut que chaque individu ait assez de maturité pour se comporter de manière naturelle en citoyen, refusant ce qui ne devrait pas être fait, faisant ce qui doit être fait.

C’est là une exigence universelle propre à qui croit que le droit doit exister en amont, comme intégrité morale, et non pas en aval, comme punition d’un comportement dérangeant la société. Or, le droit aujourd’hui n’est vraiment plus que cela. Il est une sorte de rattrapage de ce qui provoque trop de troubles, sans rien de plus.

La société française ne vise plus à éduquer, à former les esprits. Libérale, elle se contente de stopper ce qui est trop perturbant pour l’ordre dominant, avec un dédain pour le droit comme principe de formation morale. Elle a abandonné le principe selon lequel « nul ne doit ignorer la loi » dans le sens d’une explication en amont à tout le monde de ce qui est légal ou pas ; elle est juste répression.

Une répression mal gérée, où l’on peut être un récidiviste sans permis et drogué écrasant une adolescente en récoltant juste quelques mois de prison, avec des prisons par ailleurs totalement surpeuplé, aux conditions innommables. Rien que cela reflète bien que la société française pétrie par le capitalisme n’a aucune idée de ce qu’elle doit faire du droit.

Gageons ici qu’elle avancera immanquablement vers la solution américaine, avec la privatisation du système des prisons. Personne n’en a parlé jusqu’à présent, mais on peut être certain que cela va arriver sur la table. C’est dans la logique propre au libéralisme, c’est aux entreprises de gérer ce qui relève des choix individuels, et le crime est un choix individuel selon lui.

La Gauche doit par conséquent réaffirmer le droit, non pas simplement en disant qu’il est mal géré par la droite, ou bien qu’il faut construire des écoles pour ne pas avoir à construire des prisons, comme l’avait formulé le chrétien-démocrate Victor Hugo. La Gauche doit poser l’universalisme du droit, réfutant son tronçonnage d’un droit à la carte (droit des entreprises, droit du travail, droit de ceci, droit de cela), qui divise la société.

Elle doit aussi briser l’inégalité du droit, c’est-à-dire le fait que selon qu’on soit puissant ou non, on n’ait pas le même résultat. Elle doit casser le langage obscur du droit, qui ne sert que les experts au même service des classes dominantes pour empêcher qu’on le saisisse.

Elle doit, surtout, réaffirmer la croyance en l’Homme, rétablir l’exigence des Lumières mais avec le matérialisme propre à la classe ouvrière. Cela signifie qu’elle doit exiger de chaque personne une haute mentalité citoyenne, et bien souligner que cette haute mentalité est la caractéristique d’une société socialiste.

Qu’est-ce que le communisme d’ailleurs selon Marx si ce n’est une société où il n’y a plus d’État ? Tout simplement une société où le droit est partout, assumé partout, dans un sens universel, ce qui fait qu’il n’est plus besoin de policiers ni de militaires pour s’opposer au crime, car il n’y a plus de crime, plus de crime possible.

Le capitalisme prétend bien entendu que c’est impossible, que c’est là une utopie, que l’Homme est mauvais par nature, que chacun ne cherche qu’à défendre ses intérêts particuliers. C’est là un point de vue de classe, qui reflète la compétition capitaliste. C’est une idéologie qui vise à empêcher l’affirmation de l’universel et de l’universalisme.

La Gauche donc avoir conscience de cela et comprendre la dimension essentielle du droit, qui doit devenir le Droit. C’est là un élément essentiel de toute affirmation d’un programme de société démocratique, fondé sur le peuple. Démolir la domination des experts et faire en sorte que le peuple saisisse le droit, c’est la base d’une ligne de Gauche.

Le capitalisme ne craint rien de plus que la justice populaire. Il ne veut surtout pas que le peuple se fasse juge. C’est pourquoi il présente le peuple comme infantile, brutal, opposé au droit. A la Gauche d’affirmer au contraire que le peuple c’est le Droit et le Droit le peuple, et que la classe ouvrière est la clef pour y parvenir.