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Réflexions

L’échec de l’extrême-Droite française reflète que la France relève du second monde

La France est une puissance en déclin.

La France est un pays où les gens fuient la réalité. Même l’extrême-Droite, pourtant normalement volontariste, a fui le conflit militaire en Ukraine, afin de soigneusement éviter d’avoir à soutenir la Russie. Des figures comme Eric Zemmour et Marion Maréchal auraient pu se poser en grands rebelles gaullistes en rejetant l’OTAN et les sanctions contre la Russie, mais ils ne l’ont surtout pas fait.

Il existe une base objective à cela : le déclin de la France, son déclassement, son incapacité à produire une extrême-Droite néo-gaulliste conséquente. Les traditions sont là, notamment dans l’armée, jamais elles ne s’expriment de manière prolongée, structurée, profonde. Le néo-gaullisme n’arrive pas à émerger, alors que logiquement on devrait le voir se développer à grande vitesse.

Pour saisir cette question, on peut se tourner vers la théorie des trois mondes exposée par la Chine de Mao au début des années 1970. Mao résume cette conception selon quoi « trois mondes se dessinent » comme suit :

« Je pose que les États-Unis et l’Union Soviétique appartiennent au premier monde. Les éléments du milieu, comme le Japon, l’Europe, l’Australie et le Canada, appartiennent au second monde. Nous sommes le troisième monde (…).

Tous les pays asiatiques, excepté le Japon appartiennent au troisième monde. Toute l’Afrique et également l’Amérique latine appartiennent au troisième monde. »

La Chine soulignait ainsi qu’il existait des contradictions entre les superpuissances et les pays du second monde, malgré le fait d’être tous capitalistes (pour la Chine de Mao l’URSS était une superpuissance où le capitalisme avait été rétabli à la mort de Staline). Les pays du second monde étaient aspirés par l’hégémonie des superpuissances, mais en même temps cherchaient à secouer leur joug. Les pays du tiers-monde ou troisième monde connaissaient un même processus, mais de manière encore plus marquée.

C’est par exemple pourquoi la Chine de Mao avait de bons rapports diplomatiques avec la France de De Gaulle, tout en soutenant la contestation étudiante de mai 1968 (dénoncée par le PCF et la CGT), car la France exprimait de manière prononcée une contradiction avec la superpuissance américaine.

Si l’on prend ce schéma et qu’on le projette en 2022, on a les États-Unis et la Chine comme superpuissances, et on a la France comme relevant toujours du second monde, à ceci près qu’elle a beaucoup perdu de sa force capitaliste. Le gaullisme, si puissant dans les années 1960-1980, s’est largement effacé ; il n’y a plus de bourgeoisie s’alignant sur cette idéologie. La bourgeoisie s’est largement macronisée, s’est façonné dans un style conforme aux intérêts du capitalisme américain.

Vladimir Poutine, en Russie, dénonce principalement cela. Lorsqu’il vante la religion orthodoxe russe et dénonce la décadence occidentale, il défend les intérêts de la bourgeoisie russe en disant aux bourgeois russes : attention, si vous vous alignez culturellement sur le capitalisme occidental, vous vous effacerez devant leurs dispositifs économiques et serez satellisés. Comme la bourgeoisie russe est soumise à une oligarchie liée à l’État, Vladimir Poutine a pu concrétiser cette démarche de rupture.

Un tel processus n’a pas lieu en France. Il n’y a pas eu de secteur de la bourgeoisie française exigeant, en accord ou en soumission avec une partie ou toute la haute bourgeoisie, que la France assume une autonomie stratégique la plus grande possible. La France est du second monde mais son rang est tellement bas que la soumission au premier monde est devenue majeure, voire complète si l’on prend que l’armée française, aujourd’hui, ne peut tout simplement plus être découplée de l’OTAN.

Le gaullisme avait justement bien fait en sorte que l’armée française soit indépendante, tout en étant liée à l’OTAN. Désormais, sans l’OTAN, l’armée française n’est plus en mesure de se projeter, de formuler d’interventions réelles. La dépendance militaire sur le plan stratégique est patente. Cela reflète et découle à la fois du fait que la France relève du second monde, de manière profondément marquée.

L’Allemagne connaît le même processus et s’aligne militairement entièrement sur la superpuissance américaine depuis deux mois. La différence est qu’il existe une grande agitation contre cette tendance, de la part de l’extrême-Droite et de représentants de la Gauche historique comme Sahra Wagenknecht, qui sont ici en grande concurrence.

En France, l’extrême-Droite s’est alignée sur l’OTAN et les milieux nationalistes agressifs soutiennent directement le régime ukrainien. Ce faisant, l’extrême-Droite converge avec la mise en orbite de la France autour de l’astre américain. Stratégiquement, la France est désormais un satellite américain.

L’échec de l’extrême-Droite reflète le statut de la France, pays du second monde en perte totale de vitesse.

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Politique

L’extrême Droite a loupé le train de l’histoire…et c’est tant mieux

Pour la sortie de l’OTAN, place à la Gauche historique.

Sur agauche.org qui suit en long et en large depuis maintenant avril 2021 le conflit en Ukraine, il n’a pas été cessé de rappeler que cette guerre, loin d’être une fantaisie sortie de la tête de Poutine, relevait d’une tendance générale à la guerre de repartage du monde.

Chaque jour confirme cela et il va sans dire qu’une telle réalité amène fatalement les choses à prendre des tournures d’importance. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on fait de la politique : nier ou contourner la guerre en Ukraine dans ses implications totales, c’est se couper de l’Histoire en marche.

Cela, les lecteurs assidus d’agauche.org l’ont bien compris. Ce qui amène à cette autre question qui ne manque d’émerger : si la politique est dorénavant conditionnée à des prises de positions sur ce conflit, qu’en est-il de l’extrême Droite ? Car force est de constater que l’extrême Droite qui a repris le flambeau du néo-gaullisme soulève une pierre trop grande pour elle, pour ne pas dire insoutenable en pratique comme il l’a été dernièrement remarqué.

Oui mais alors, au-delà de l’impossible néo-gaullisme du fait de ses vaines prétentions d’indépendance nationale, l’extrême Droite n’est-elle pas vue comme une force pro-russe ? Question tout à fait sérieuse et qui montre le rouleau compresseur de l’histoire en marche. Car oui, plus qu’être vue comme telle, l’extrême Droite a toujours entretenu des liens directs avec le régime de Poutine. Cela s’explique notamment par sa défense d’un ordre traditionnel-conservateur contre un occident « dégénéré » (et en réalité capitaliste décadent).

A moins d’être de mauvaise foi, l’extrême droite ne peut qu’admirer le discours critique de Poutine contre la propagande LGBT et la transformation des états civils en « parent n°1 et parent n°2 ». D’ailleurs, c’est pour cette raison que Marion Maréchal accompagnée de Thierry Mariani et d’André Kotarac, alors cadre de LFI, se rendaient en Crimée au Forum économique de Yalta en avril 2019.

« Je ne suis pas d’accord avec Mariani et Maréchal sur de nombreux sujets. Mais sur la défense de la souveraineté et sur la nécessité de s’allier à la Russie, je suis d’accord », disait Andréa Kotarac, qui devait passer au Rassemblement National quelques jours après ce voyage en Crimée.

En dehors des (très minoritaires) nationalistes-révolutionnaires qui soutiennent depuis 2014 les clans néo-nazis intégrés dans l’armée ukrainienne, donc l’OTAN, l’extrême Droite française est évidemment pro-russe, comme preuve renouvelée de son impossible néo-gaullisme.

Mais le problème historique, c’est bien que cette extrême Droite française s’est couchée et pas qu’un peu. Il peut bien y avoir des prises de position individuelles de-ci, de-là, et il est fort à parier que les discussions en « off » soient critiques de l’OTAN et des États-Unis. Il n’en reste pas moins vrai que l’Histoire ne se fait pas « en coulisse » mais devant la face du monde et sur ce terrain là, l’extrême Droite française a choisi de s’aligner sur l’OTAN et les États-Unis.

Aucun député RN, pas plus que LFI, n’a eu le courage de ne pas applaudir et de refuser de soutenir l’ambassadeur ukrainien lors de la session de rentrée parlementaire du 3 octobre. Voilà tout, fin de l’histoire. Mais maintenant, qui prendra au sérieux demain le RN ouvertement pro États-Unis et pro-OTAN ? De la même manière que la chance de se « rattraper » en réassumant ouvertement son soutien à la Russie s’éloigne toujours plus, à tel point que l’on peut dire qu’elle est même définitivement passée.

De fait pour l’extrême Droite, son espace-temps politique aurait été d’assumer le positionnement pro-russe, en attendant que justement l’histoire, toute l’Histoire se déroule, mais cela demandait d’être contre vents et marées. Et l’extrême Droite est une force bien trop corrompue pour assumer un quelconque antagonisme. Il suffit de voir le vacarme populiste qu’elle fait à propos de l’horrible meurtre de la jeune Lola alors même qu’elle reste silencieuse sur le fait que l’on est au bord d’une guerre mondiale, pour voir qu’elle a été court-circuitée par l’histoire.

Le souci pour l’extrême Droite, c’est que le soutien pro-OTAN, pro-États-Unis relève historiquement du camp libéral et social-libéral. Robert Ménard, lui ne s’y est pas trompé et a depuis le 24 février 2022 rejoint de manière assumée le camp pro-OTAN, quand bien même il fut ces dernières années un des acteurs importants de la dite « droite hors les murs » qui réunissait en réalité les forces pro-russes tels Mariani et Maréchal. Voici par exemple ce que déclarait Marion Maréchal lors du Forum économique de Yalta de 2019 :

Les Russes se souviennent de mes positions dans le débat français, loin de celles de l’élite libérale. Ils invitent les acteurs européens qu’ils perçoivent comme de bons interlocuteurs pour eux.

Même si cela était visible avant, il est maintenant évident que la guerre en Ukraine comme expression de la tendance à la guerre de repartage mène à la polarisation entre la superpuissance américaine et la superpuissance chinoise. Les puissances de second ordre, tels que la Russie, la France, l’Italie, etc., n’ont plus les moyens de leur indépendance et doivent obligatoirement se positionner sous tel ou tel giron au risque de perdre tout crédit.

A moins d’être fidèle à la Gauche historique et de refuser ce réalisme capitaliste, au nom de valeurs réelles, historiques, révolutionnaires.

Le fait même que l’extrême Droite ait loupé le coche met ainsi sur le devant de la scène le retour de la Gauche historique comme force de proposition en France – à condition de comprendre que l’aspect principal de l’évolution du monde, c’est l’affrontement sino-américain pour l’hégémonie mondiale.

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Guerre Refus de l’hégémonie

La fin de l’utopie bourgeoise

L’utopique mondialisation s’est une nouvelle fois évanouie.

Hier, utopie du chemin de fer et de l’acier, aujourd’hui utopie de l’entrepôt et du conteneur, le rêve d’une humanité unifiée à travers les flux économiques parcourt le monde depuis que le capitalisme s’est réellement élancé au seuil du XIXe siècle.

Car la mondialisation telle qu’on l’entend aujourd’hui n’a pas commencé comme cela est souvent dit en 1991, mais véritablement au XIXe siècle lorsque se sont constitués les premiers trusts internationaux exportant leurs capitaux aux quatre coins du globe.

Et déjà en cette fin de siècle qui avait vu fleurir les mouvements de libération nationale, nombreux étaient les commentateurs proclamant la fin des guerres grâce au règne de la dépendance économique généralisée, alors baptisée « première mondialisation ».

A tel point que la Ligue internationale de la paix et de la liberté fondée en 1867 à Genève avait intitulé son organe « Les Etats-Unis d’Europe ». Il en allait d’une portée historique, celle d’un capitalisme bâtissant une nouvelle civilisation pacifiée. Douce et vaine illusion bourgeoise : le développement des richesses nationales restait fondé sur de puissantes inégalités entre pays, formant le lit de la rancœur et du nationalisme.

Si l’illusion fut critiquée théoriquement par quelques grandes figures du mouvement ouvrier international, tel par-exemple Rosa Luxembourg et Lénine à travers deux articles que sont « Utopies pacifistes » et « Du mot d’ordre des États-Unis d’Europe », l’horreur des tranchées de la première guerre mondiale se chargea du reste.

Maintenant soyons lucides. La « mondialisation » de l’après-guerre froide ne fut rien d’autre qu’un retour à l’élan de cette « première mondialisation ». De cet élan qui fit le bonheur des capitalistes de grandes puissances, trop content de s’élancer à la conquête des terres vierges de l’Est et de l’Asie, enfin domestiquées par l’économie de marché.

Hier comme aujourd’hui, l’illusion ne pouvait durer qu’un temps, le temps d’un cycle d’accumulation du capital. Un cycle qui a vu certains pays stagner, d’autres fleurir, le tout dans le chaos mondial d’une économie de marché qui devient tôt ou tard le tremplin pour une grande guerre de repartage.

Et c’est dans cette conjoncture historique que reprend forme le fameux « retour des nations », ce retour en arrière qu’a déjà connu l’Europe et le monde au seuil de 1914 et qui atteste la péremption de la bourgeoisie comme porteur de la civilisation humaine.

Ce processus qui prend partout en Europe, d’une manière ou d’autre, la forme d’un relatif retrait de certaines règles communautaire de commerce, voir carrément l’autonomisation de certaines chaînes d’approvisionnements économiques mondiales, à l’instar de l’industrie des semi-conducteurs.

À la télévision américaine CNN, Emmanuel Macron déclarait récemment d’une manière pragmatique qui sous-entend clairement la tendance à la guerre de repartage :

Il faut passer d’un monde où l’interdépendance et le commerce étaient un moyen d’éviter les guerres, à un monde où il faut être autonome et indépendant.

Ce qui se passe est donc tout à fait simple. La bourgeoisie a historiquement et positivement constitué des marchés nationaux à travers un processus d’unification sociale et culturelle nationale, puis de cet élan s’est constitué une spécialisation des économies alors interdépendantes, donnant lieu à un marché mondial, une « mondialisation ».

Mais la bourgeoisie ne peut aller jusqu’au bout de ce processus car sa portée historique est fondée sur l’économie de marché qui connaît des antagonismes économiques et des développements inégaux entre pays. Le clash est tôt ou tard inéluctable, et le retour à la base du marché national incontournable.

Le Brexit était déjà annonciateur de tout ce processus historique et les événements historiques de ces cinq dernières années n’ont fait que confirmer une accélération des choses.

Il y a évidemment l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les poussées des forces nationalistes un peu partout en Europe, comme en France avec les 89 députés RN élus en juin, en Suède avec les « Démocrates de Suède » devenu deuxième force politique du pays aux dernières élections législatives, et dernièrement en Italie avec la poussée fulgurante de la figure de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, passée de 4,35 % aux élections de 2018 à 26,47 % en 2022.

En Italie, Giorgia Meloni est très claire sur cette perspective, se disant « prête à faire revivre l’Italie » et à la « faire respecter en Europe ». Et c’est le rêve de l’Union européenne, corollaire de l’illusoire mondialisation, qui s’effondre : elle reste ce qu’elle a toujours été, une interface de négociations financières et commerciales pour les pays développés de l’Ouest européen.

Là aussi, il faut se souvenir de comment le mot d’ordre des « États-Unis d’Europe » était défendu dans les années 1900 par les forces libérales-modernisatrices, tel Georges Clémenceau cherchant à s’appuyer sur l’élan de la « première mondialisation ».

Chimère car déjà se cachait la soumission aux États-Unis qui allaient devenir la principale force capitaliste mondiale au sortir de la première guerre mondiale. Et l’on remarquera combien la filiation historique de Georges Clémenceau se trouve en Emmanuel Macron, l’un comme l’autre soutenant une Europe au service de la France dans le cadre d’une alliance avec les États-Unis.

Finalement, en ce début de XXIe siècle, nous voilà revenus au point de départ de la fin XIXe siècle. Et de ce point de vue, l’enjeu est de ne pas retomber dans les erreurs du mouvement ouvrier français, alors divisé entre réformateurs et syndicalistes, tous finissant dans l’Union Sacrée d’août 1914.

Reconnaître la fin de l’illusion bourgeoise, c’est repartir sur les bases de l’utopie socialiste, celle-là qui fait de la fin des antagonismes économiques et des inégalités de développement la condition pour la réalisation d’une coopération entre les peuples du globe.

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Guerre

Tout passe par la guerre

Ne pas se positionner contre la guerre, c’est se couper de l’Histoire.

Il y a une fâcheuse tendance à voir la guerre comme quelque chose relevant d’une sphère séparée des autres enjeux de société. Il y aurait la guerre d’un côté, la politique de l’autre.

Cette manière de voir est évidemment fausse et la tendance à la guerre actuelle le confirme. Car comment ne pas voir que la guerre en Ukraine, en tant que jalon de la guerre de repartage entre grandes puissances, est en train de redessiner toutes les problématiques, et pas dans le bon sens ?

Cela ne concerne pas seulement la question strictement militaire, mais également les questions sociale, écologique, éducative, industrielle, culturelle… l’ensemble des problématiques de fond.

Dans un entretien accordé hier au journal Les Echos, le nouveau ministre des Armées, Sébastien Lecornu parle d’une « économie de guerre » et annonce le déploiement de 7 à 8 000 soldats français en Roumanie, contre 500 actuellement. Il déclare également la chose suivante :

« Personne ne peut comprendre qu’en temps de guerre, il faille entre 18 et 24 mois pour réassortir un stock (…). L’exercice que nous allons faire avec les industriels est inédit, il sera mené en collaboration avec le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

La réflexion portera aussi bien sur les matières premières, les savoir-faire, les simplifications administratives et les perspectives à l’exportation.

Au moment où la France va faire un effort budgétaire sans précédent pour ses armées, les industriels doivent être au rendez-vous. La politique du flux tendu et du zéro stock qui optimise les marges correspond à un temps de paix. »

Par conséquent, toutes les politiques publiques passent par le filtre de cette « économie de guerre ». Et cela a des répercussions évidemment délétères du point de vue des enjeux historiques, qu’ils soient politiques, sociaux et écologiques.

Passer dans une « économie de guerre », cela ne peut que se traduire au plan politique par un contrôle accru de l’armée sur les décisions, avec pour effet d’accentuer toute une mentalité aristocratique, expansionniste et anti-démocratique dans l’appareil dirigeant.

C’est également un basculement culturel, comme l’attestent ces auteurs de science-fiction placés au service de l’armée française (la « Red Team » que nous dénoncions en décembre 2020) ou l’annonce récente de rattacher au ministère des Armées la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel.

Au niveau social, il y a évidemment la question de l’inflation. Soutenir des mesures sociales anti-inflation pour les plus pauvres et ne pas s’opposer à l’orientation de cette « économie de guerre », ce n’est ni plus, ni moins qu’accompagner la restructuration du capitalisme.

On pourrait également parler de l’augmentation du budget militaire prévu par la prochaine actualisation de la loi de programmation-militaire, ce qui va nécessiter des coupes budgétaires anti-sociales afin d’assurer la solvabilité de la dette française qui atteint des sommets historiques.

Au niveau environnemental, on apprend que la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle, fermée en mars, est prévue à la réouverture en octobre dans le cadre de la crise énergétique… causée par la guerre et l’embargo sur les énergies fossiles russes, principalement le gaz et le charbon. Il est ainsi prévu de rappeler les salariés licenciés de Saint-Avold grâce à une modification du code du travail qui permettrait de proposer des CDD « exceptionnels » de 36 mois !

Au Havre, un terminal flottant d’importation de GNL (gaz naturel liquéfié) est prévu pour livraison en septembre 2023, une cadence de construction qui passe notamment par le fait d’accélérer (en fait bâcler) les procédures de suivi environnementales, cela étant prévu par le volet « souveraineté énergétique » de la prochaine loi pouvoir d’achat.

De la même manière que les industriels de la biométhanisation, un type de production d’énergie par la fermentation des déchets agricoles, s’empressent de s’engouffrer dans la brèche de la crise énergétique pour justifier l’augmentation d’installations de gigantesques centrales, comme c’est le cas à Corcoué-sur-Logne en Loire-Atlantique et ce malgré les inquiétudes environnementales.

Au niveau énergétique, la guerre vient renforcer la désorganisation générale liée à la crise sanitaire et aux effets du réchauffement climatique ayant engendré des retards dans la maintenance des centrales nucléaires ainsi que dans l’installation de nouveaux moyens de production énergétique. Sans même parler du réchauffement climatique qui amoindrit les capacités des centrales nucléaires pour tout un tas de raisons.

Bref, la tendance à la guerre redessine le champ économique, social et écologique des sociétés, avec au centre la question de la restructuration générale du capitalisme. Il est difficile de voir comment on peut opter pour un changement de société sans passer par la case du pacifisme et de l’internationalisme issu de la Gauche historique.

Car si la critique du militarisme et la défense du pacifisme est une nécessité politique et morale, ces valeurs forment aujourd’hui et demain le cœur même d’une orientation réellement à Gauche. On peut bien contester les politiques anti-sociales ou les projets anti-écologiques mentionnés, cela n’aura que peu d’impacts historiques si l’on ne l’inscrit pas dans l’opposition générale à la guerre.

L’opposition à la guerre, ce n’est pas simplement quelque chose de complémentaire mais le préalable à l’émancipation humaine. C’est avoir compris le sens de l’Histoire. Ce sens, c’est socialisme ou barbarie ; ou le Socialisme triomphe du capitalisme, ou ce dernier fait basculer le monde dans la guerre.

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Société

Permis à points : le gouvernement va dans le sens des chauffards

Libéraux et fachos contre la sécurité routière.

Le ministère de l’Intérieur a annoncé par voie de presse qu’il menait une réflexion pour assouplir le Code de la route. Et l’Élysée a fait savoir que le Président est d’accord. Il s’agirait de ne plus retirer un point aux conducteurs sanctionnés d’un excès de vitesse considéré comme « petit », c’est-à-dire de moins de 5 km/h au-dessus de la vitesse réglementaire.

Le gouvernement prétend, en se basant sur un rapport de la Cour des comptes, qu’en lâchant du lest ici, il pourrait éventuellement gagner ailleurs et améliorer la sécurité routière. C’est irrationnel, et mensonger, mais tellement typique des mœurs libérales qui polluent la France et les Français, incapables de discipline collective.

C’est irrationnel, car dans la pratique, les excès de vitesse de moins de 5 km/h sont déjà considérés comme petits, et donc peu sanctionnés. C’est le principe du permis à point. On en a 12 (ou seulement 6 pendant les trois premières années de permis), et si on en perd un, il est automatiquement renouvelé au bout de six mois (sauf nouvelle infraction, évidemment).

Où est le problème dans ces conditions ? A moins de vouloir aller dans le sens des gens qui roulent systématiquement vite et qui prétendent que ce n’est pas si grave ! Il ne faudrait surtout pas perturber la petite bulle auto-centrée qu’est l’habitacle de leur voiture chérie…

Ajoutons également le fait que dépasser la vitesse de 5 km/h, cela signifie avoir déjà dépassé deux marges. La première, c’est le compteur de la voiture, qui surestime la vitesse réelle. La seconde, c’est l’abattement automatique de la vitesse retenue par les appareils de mesure, pour considérer une marge d’erreur. Jusqu’à 90 km/h, c’est 5km/h. Au delà, c’est un pourcentage.

Concrètement, il faut rouler à 56 km/h en vitesse réelle pour être sanctionné d’une vitesse retenue à 51 km/h. Et donc, à l’affichage sur le compteur de la voiture, on est en général déjà à 60 km/h.

À grande vitesse, l’écart est plus important. Il faut rouler à 116 km/h vitesse réelle (donc plutôt à 120 km/h sur le compteur de la voiture) pour une vitesse retenue de 111 km/h. Il faut rouler à 137 km/h vitesse réelle (donc au-delà de 140 km/h sur le compteur de la voiture) pour une vitesse retenue de 131 km/h.

Et encore, cela ne concerne que les radars fixes automatiques, qui sont annoncés par un panneau, ainsi que par des applications GPS ou des cartes (ce qui devrait êtres interdit !!). Pour les radars mobiles, c’est-à-dire les contrôles qui ne sont pas annoncés (en tous cas tant qu’ils ne sont pas détectés par les délinquants de la route sur les applications), les abattements sont plus importants encore…

Pour une vitesse retenue de 51 km/h, il faut alors rouler à 61 km/h, donc au-delà des 60 km/h sur le compteur de la voiture). Pour une vitesse retenue de 81 km/h, il faut rouler à 91 km/h, donc au-delà des 90 km/h sur le compteur de la voiture). Pour une vitesse retenue de 131 km/h, il faut rouler à 143 km/h, donc plus proche des 150 km/h sur le compteur de la voiture).

Et donc, quand bien même l’automobiliste se serait laissé aller à ce « petit » excès de vitesse, il ne perd qu’un seul point sur 12, qu’il récupérera dans 6 mois. Mais c’est encore trop, et le gouvernement français a la bonne idée de se dire qu’on pourrait assouplir cela…

Mais dans quel monde vivent ces gens ? Ils ne lisent pas les rapports de terrains de la police et de la gendarmerie, qui font remonter des comportements de plus en plus dangereux sur la route depuis la période du confinement ? C’est comme si un nombre important de conducteurs s’était totalement débridés, sur le mode « après moi le déluge », ce qui est typique d’une société en décomposition.

D’ailleurs, nul besoin de constater un rapport ou une enquête de police ou gendarmerie : il suffit d’être à bord d’une voiture ne serait-ce qu’une heure, en ville ou à la campagne c’est pareil, pour constater un nombre incroyable d’excès de vitesse flagrants et de comportements dangereux en tout genre.

Seulement, comme la majorité des gens est quand même relativement prudente, que les moyens sont mis pour les infrastructures, que les véhicules eux-mêmes sont calibrés pour assumer de gros accidents, alors cela donne au final des chiffres d’accidents considérés comme « acceptables ». Bien loin du carnage des années 2000, ou pire encore du massacre de masse des années 1970 (18 000 morts en 1972, ainsi que des dizaines de milliers de blessés dont des très graves).

Il n’y a rien d’acceptable à la situation actuelle. En ôtant la suppression de point pour les « petits » excès de vitesse, le gouvernement va clairement dans le sens des chauffards. Car ce sont eux qui sont à un point près sur leur permis, mais certainement pas les gens normaux qui n’ont aucune inquiétude de n’avoir que 11 points pendant 6 mois.

Remarquons également une chose très significative : ce sont surtout les chauffards qui ont de l’argent qui verraient leur impunité augmenter. Car l’amende forfaitaire reste, jusqu’à 135 euros, en général plutôt 45 euros. Cela est dissuasif pour les gens normaux, mais pas pour ceux qui roulent déjà dans une grosse voiture et ont des moyens. Ils ne sont pas à 50 ou 130 euros près, surtout s’ils ne risquent rien pour leur permis.

Qui plus est que cela plaît beaucoup aux fachos. Le Rassemblement national trouve la suggestion du gouvernement très bien, tout comme le mouvement d’Eric Zemmour. Celui-ci est d’ailleurs sur ce plan un fou furieux, ouvertement pro-chauffards.

Pour lui, il faut arrêter « la chasse à la vitesse », remettre en place les 90 km/h sur les routes secondaires, supprimer les limitations sur autoroute, interdire aux maires de limiter à 30 km/h dans certaines rues ou quartiers.

On nage ici en plein délire. Et cela pose une question de fond : comment vivre en démocratie avec ces gens là, comment la cohabitation est-elle possible ? La Gauche, forcément, porte la Sécurité routière et le renforcement du Code de la route, par une guerre aux chauffards. Mais ces derniers, que feraient-ils si la Gauche (la vraie) était au pouvoir ? Prendre les armes, pour défendre leur droit à se croire seul au monde sur les routes ? Ce n’est pas absurde d’imager un tel scénario, loin de là.

Car il y a sur cette question de la sécurité routière un véritable clivage au sein de la société française. D’un côté le camp démocratique, assez important numériquement mais très faible politiquement et culturellement. Et de l’autre le camp des fachos et des libéraux, qui ont clairement l’hégémonie politique et culturelle, et qui travaillent la société au corps pour la souiller, saper son unité, déstructurer ses bases.

A la Gauche d’être à la hauteur et saisir l’enjeu, s’en donner les moyens. La sécurité routière est une question démocratique fondamentale. Chaque attaque du Code de la route au nom des chauffards doit être considérée avec la plus grande importance, tellement cela oriente la société française et sa destinée immédiate. On ne peut pas être de gauche en 2022 si on ne voit pas ça.

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Guerre

L’atlantisme anti-Russie et le nationalisme pro-Russie

Deux tendances au sein de la bourgeoisie française.

Immédiatement après l’annonce officielle de la Finlande et de la Suède de leur volonté d’intégrer l’OTAN, le président français Emmanuel Macron a exprimé son soutien. Surtout, il a tenu à préciser que la France se tiendra à leurs côtés en cas d’agression.

Le communiqué officiel insiste fortement :

«Tout État qui chercherait à tester la solidarité européenne, à travers une menace ou une agression contre leur souveraineté par quelque moyen que ce soit, doit avoir la certitude que la France se tiendra aux côtés de la Finlande et de la Suède»

Au fond, cela n’a pas de sens. Ces deux pays sont déjà ouvertement proches de l’OTAN, donc la donne ne change pas. Et puis c’est la nature même de leur prochaine intégration à l’OTAN que d’engager un soutien militaire obligatoire en cas d’agression. Agression qui est fictive de toute façon. La Russie ne menace aucunement ces deux pays, cela n’a rien à voir avec le cas de l’Ukraine, que la Fédération de Russie considère comme relevant de ses prérogatives, et elle avait annoncé depuis très longtemps ses intentions. Depuis 2014 au moins.

Ce n’est donc pas le fond qui compte, et encore moins la réalité. Ce qui compte, c’est la forme, la propagande atlantiste, pour faire monter la pression contre la Russie et préparer les esprits à l’affrontement. Ici, Emmanuel Macron prend parti de manière belliciste, il joue des gros bras face à la Russie qui joue des gros bras elle aussi. La Finlande et la Suède ne seront bientôt plus que des prétextes à la guerre, et il n’y a personne pour prôner l’apaisement.

Emmanuel Macron se permet tout cela, car il y a un consensus immense en France sur l’allégeance à la superpuissance américaine et son organisme militaire qu’est l’OTAN. Il suffit de regarder les élections législatives 2022 : la question de la guerre n’existe tout simplement pas. Emmanuel Macron peut agir totalement librement, en première ligne pour faire le jeu de l’OTAN, selon les intérêts américains (par définition).

Il y a un problème toutefois, c’est que ce consensus unilatéralement pro-américain ne colle pas ni avec les intérêts, ni avec la vision de toute une partie de la haute bourgeoisie française. C’est, pour faire simple, la haute bourgeoisie française qui est par définition même nationaliste, plutôt d’extrême-droite, qui pense que la France doit maintenir et renforcer son rang de grande puissance du capitalisme de manière autonome, et donc ne pas faire allégeance aux États-Unis.

C’était la ligne du Général de Gaulle, ligne que la Gauche à l’époque dénonçait comme étant nationaliste, relevant pratiquement du fascisme. Ce qui était vrai. Mais qu’est-il advenu de cette expression nationaliste de la haute bourgeoisie française en 2022 ?

L’élection présidentielle a été de ce point de vue très significative. Tant Marine Le Pen qu’Eric Zemmour avec autour de lui Marion Maréchal étaient censés porter cette ligne nationaliste réticente face à l’OTAN. Et dans le contexte de la guerre en Ukraine, cela signifiait dénoncer l’hystérie anti-Russie, relativiser le rôle de la Russie, au moins la mettre dos à dos avec les États-Unis, etc.

Mais personne ne l’a fait. Marine Le Pen en a été incapable, alors qu’elle avait là un boulevard. Eric Zemmour lui s’est révélé quasiment plus atlantiste qu’Emmanuel Macron. Ces gens sont pourtant habituellement naturellement tournés vers Vladimir Poutine et son populisme « non aligné ». Mais la pression atlantiste en France était immense, ils se sont fait écraser.

Il était pourtant facile d’au moins critiquer le régime ukrainien, et surtout ses bataillons nazis. D’ailleurs, nous à Agauche.org l’avons fait souvent, et depuis très longtemps, bien avant l’invasion russe de février 2022, que nous avons annoncé dès avril 2021.

D’où une diffusion par la bande, en mode indirect, de la ligne nationaliste. Il n’y a eu que Sud Radio pour assumer dans certaines émissions cette ligne nationaliste pro-Russe, ou en tous cas pas anti-Russe. Cela n’a pourtant été qu’un bruit de fond pendant des mois, jusqu’à tout récemment, avec le témoignage d’Adrien Bocquet reflétant une offensive idéologique.

Celle-ci était très bien ficelée, avec un ton très naturel pour être bien convainquant. Adrien Bocquet a expliqué à quel point il avait vu des nazis en Ukraine, alors qu’initialement il était juste là pour aider, candide, du moins à ce qu’il dit. Suite à l’émission, beaucoup de gens ont décidé de découvrir qu’il y avait des hordes de nazis en Ukraine, liés au régime en place.

Cela ne doit rien au hasard. Il y a derrière cette « découverte » l’expression de cette partie nationaliste de la bourgeoisie française qui veut reprendre la main, en tous cas gagner des positions, exister à nouveau.

Et pour ceux qui doutaient du caractère politique de l’intervention d’Adrien Bocquet sur Sud Radio, celui-ci a remis ça lundi 16 mai. De manière très lisse et maîtrisée cette fois-ci, sans le ton faussement naïf, en colère, naturel et amateur de la première fois.

Il reprend tous les éléments uns par uns, de manière très professionnelle. C’est extrêmement politique, l’opération politique est indéniable. D’autant plus qu’entre temps, Adrien Bocquet a été invité par la chaîne YouTube (très professionnelle là encore) de Valeurs Actuelles, le média de l’extrême-droite française sur un mode traditionnel.

La Gauche ne doit pas être dupe de ce jeu de l’extrême-droite, tout comme elle doit combattre avec la plus grande fermeté l’Atlantisme et le bellicisme du régime en place, porté par Emmanuel Macron réélu.

Dans la nuit sombre, il faut un phare pour y voir, clair : tel doit être le rôle de la Gauche, pour servir les gens, pour ouvrir la voie. Le monde dans lequel nous vivons est complexe, mais il y a une chose qui est simple et qui doit servir constamment de boussole, c’est la lutte des classes. Ce qui sert la bourgeoisie ne sert par la classe ouvrière, et inversement. Le point de repère en tant qu’objectif doit toujours être le Socialisme !

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« Marine le peuple » balayée par « Emmanuel McKinsey »

Nier la crise ne la fera pas disparaître.

Le temps de sa (longue) campagne présidentielle, Marine Le Pen a cédé la présidence de son parti à Jordan Bardella. Celui-ci est un excellent orateur et on imagine qu’il aurait produit une bien meilleure prestation qu’elle en débattant face à Emmanuel Macron, mais là n’est pas le sujet. Il y a par contre un bon mot, typiquement français dans sa forme (à la fois subtile et grotesque, à la fois léger et piquant), qu’a sorti Jordan Bardella pour lancer la campagne de l’entre deux tours : « Emmanuel McKinsey, ou Marine Le Peuple ! »

C’est très bien vu, cela résume exactement ce deuxième tour de l’élection présidentielle et a fortiori le débat du mercredi 20 avril 2022. Emmanuel Macron assume totalement la posture qui lui a été façonnée et dessinée par son entourage issu du cabinet de conseil McKinsey, ainsi que de tout un tas de riches donateurs en 2017 issus du monde de l’entreprenariat. C’est très facile à voir et à comprendre, son libéralisme à prétention rassurante et « inclusif », à l’américaine, en est exactement le produit. C’est, autrement dit, de la pure communication. Parler d’Emmanuel McKinsey est pertinent.

En face, il y a donc Marine Le Pen, censée représenter le peuple. Évidemment, ce n’est pas vrai dans le fond. Mais il y a toutefois, dans la forme, quelque-chose de tout à fait conforme et cohérent avec la situation des classes populaires françaises. Clairement, Marine Le Pen a choisi d’incarner une femme française moyenne, ou « de base » comme cela se dit parfois, de manière péjorative mais significative. Cette Française « de base » donc, est mère de famille, concernée par la quotidien économique, son « pouvoir d’achat », sa liberté de mettre ou ne pas mettre le masque, l’insécurité, sa désolation face aux éoliennes ou aux femmes voilées, etc.

En fait, en tentant d’incarner « le peuple », Marine Le Pen a surtout incarné la rancœur, qui est un sentiment extrêmement puissant et répandu dans la France populaire de 2022. Toutes ses interventions, presque chacune de ses réactions à Emmanuel Macron et ses propositions lors du débat, n’ont consisté qu’en de la rancœur face à ce qu’il a représenté pendant cinq ans, voir dix ans si l’ont compte qu’il est dans la lignée directe de François Hollande.

En ce sens, le bon mot « Marine le peuple » de Jordan Bardella illustre tout à fait la situation. Et comme on ne gouverne pas un pays comme la France avec de la rancœur, alors Marine Le Pen s’est faite balayer par Emmanuel Macron, solide, extrêmement sûr de lui et de sa légitimité. Suffisamment arrogant pour apparaître crédible, suffisamment courtois pour ne pas apparaître hostile.

Disons la chose d’une autre manière, beaucoup plus politique. En fait, Marine Le Pen n’a pas assumé son programme. Elle n’assume pas d’être nationaliste ; sa prestation lors du débat était à peine gaulliste, alors qu’elle est censée être une néogaulliste, qu’elle a théorisé cela depuis des années, et mis en pratique cela depuis 2012, soit dix années.

C’est flagrant surtout sur la question de la Russie et de la guerre en Ukraine. Si Marine Le Pen assumait son programme, si elle assumait d’être une néogaulliste, elle aurait dénoncé vent debout Emmanuel Macron comme marionette américaine vendue à l’OTAN, voulant entraîner la France dans une guerre à la Russie.

Si Marine Le Pen assumait d’être une gaulliste à prétention sociale, elle aurait torpillé Emmanuel Macron avançant ses bons chiffres du chômage, en lui répondant que cela est maquillé par le fait qu’énormément d’emplois sont en fait des CDD ou des missions d’intérim, très précaires, mal payés, ne permettant pas une stabilité au capitalisme français.

Marine Le Pen en a été incapable, car ce qui se joue en réalité est bien trop important pour elle. En effet, derrière l’apparente solidité du système, autrement dit la grande stabilité, en surface, du capitalisme en France, il y a une crise monstrueuse qui se prépare.

Face à cela, il n’y a pas le choix, il faut assumer des grandes idées, il faut cogner fort. Soit avec le Socialisme, en s’appuyant sur la Gauche historique, comme nous le proposons, soit avec le fascisme, ce que Marine Le Pen n’a pas osé faire, alors que c’est pourtant sa ligne.

Marine Le Pen ne pèse donc pas bien lourd avec son nationalisme light, son gaullisme timide, face à un Emmanuel Macron très arrogant dans sa défense des institutions, de son mandat, de sa politique. En effet, il croit profondément en ce qu’il raconte. Il croit très probablement que l’insécurité n’est qu’un sentiment et que les chiffres sont faussés par le fait que de plus en plus de femmes portent plainte contre leurs maris grâce à ses mesures. Il croit vraiment que les 600 milliards de dettes « covid », qui s’ajoutent à l’immense dette structurelle de l’État français, ne sont pas un soucis. Il croit vraiment que la guerre contre la Russie menée par l’OTAN est une bonne chose, etc.

Alors il passera, il sera (très) probablement à nouveau président pendant cinq ans, car la rancœur « populaire » de Marine Le Pen ne pèse pas lourd face à son assurance bourgeoise.

La question maintenant est : faut-il s’en réjouir, ou le déplorer ? Évidemment, on ne peut qu’être rassuré face à cette évidence que le fascisme en France n’est pas mûr, que le nationalisme comme proposition ne s’incarne pas et que Marine Le Pen va très probablement échouer.

Mais pour autant, il ne suffit pas de nier la crise pour la faire disparaître. Alors la situation va se tendre, politiquement, culturellement, socialement, militairement. Et il y a, après Marine Le Pen, toute une nouvelle génération en embuscade pour proposer une nouvelle et solide proposition nationaliste, tendanciellement fasciste, pour le pays.

Concrètement, l’échec de Marine Le Pen en 2022 fera le lit des succès à venir des Marion Maréchal, Guillaume Peltier, Nicolas Bay, Jordan Bardella, etc.

Mais inversement, la crise fait que la Gauche historique, celle de la classe ouvrière et de la bataille internationale pour le Socialisme et la paix entre les peuples, va de nouveau être à l’ordre du jour, gagner des positions, devenir crédible.

C’est sur cela qu’il faut compter, principalement. Et il ne faut pas s’imaginer que c’est très lointain. Rien qu’avec la situation politique internationale, il y a quelque chose d’explosif. Emmanuel Macron va (très) probablement être réélu triomphalement dimanche 24 avril 2022, et cela sera un signal très fort pour l’OTAN, et toute la clique des dirigeant prônant la guerre à la Russie.

La tension va donc continuer de monter, la crise va l’emporter, dans tous les domaines, à commencer par la guerre et la crise économique l’accompagnant. Telle est la véritable actualité, ce à quoi il faut profondément et sérieusement s’intéresser. Maintenant, tout de suite !

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Présidentielle 2022 : le programme national et social de Marine Le Pen

National et social, mais pas socialiste.

A plusieurs reprises, Eric Zemmour a qualifié le programme de Marine Le Pen comme étant de gauche. En effet, selon le premier, qui est tenant d’une droite libérale et ouvertement anti-ouvrière, il faut assumer à fond de dégommer tout ce qui est bien public, et ce au profit du privé, de l’entreprenariat et des entreprises en général.

Ce n’est pas l’approche de Marine Le Pen qui relève pour sa part du gaullisme et qui a une orientation qu’on peut et doit qualifier de néogaulliste. Cela signifie qu’elle tiendra toujours à appuyer sur le fait d’être concernée par les préoccupations économiques des classes populaires et de la petite-bourgeoisie, symboliquement avec une approche sociale des choses, concrètement de manière corporatiste.

Autrement dit, elle défend un État fort, qui ait une vocation protectrice vis-à-vis des personnes les plus faibles, qui soit acteur de l’économie, quitte à envisager une forme de « planification », ou plus exactement de prévision au service des grandes entreprises, dans certains secteurs. Cela n’a rien de nouveau, ni de soviétique, c’est l’essence même du gaullisme, qui organise une sorte de fusion entre l’État et les grandes entreprises monopolisant des pans entiers de l’économie.

Un tel programme rend hystérique un libéral tenant d’une droite classique (et dure) tel Eric Zemmour, qui pour sa part considère que par principe, tout ce qui relève de la puissance publique est négatif, que tout ce qui relève de l’État, en dehors des fonctions régaliennes (police, justice, armée et administration générale du pays), est forcément mauvais.

Ainsi, Marine Le Pen n’est pas du tout de gauche et ne s’inscrit aucunement dans la perspective historique de la Gauche. Être de Gauche, cela signifie se battre pour le Socialisme, c’est-à-dire une société où ce sont les ouvriers qui ont le pouvoir, avec une bourgeoisie qui est mise au pas pour disparaître en tant que classe. Être de Gauche, cela signifie donc assumer la lutte de classe, contre la bourgeoisie.

Tel n’est pas le cas de Marine Le Pen, qui n’envisage pas, au contraire, de s’en prendre à la bourgeoisie en tant que classe, et d’assumer la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Pour Marine Le Pen, il n’y a pas de contradiction entre le fait d’assumer un État ayant une vocation sociale et protectrice, et en même temps d’assumer vouloir servir les entreprises, et donc le développement de la bourgeoisie dans la société.

Cela amène à des incohérences, comme par exemple le fait de vouloir baisser la TVA (à 5,5%) sur l’énergie. Si Marine Le Pen était de Gauche, elle ne chercherait pas d’abord à faire baisser des recettes fiscales (et donc baisser le revenu public, commun), mais s’en prendrait d’abord aux grandes entreprises comme TotalEnergie pour rogner sur ses profits (16 milliards de dollars de bénéfices en 2021).

Sur de nombreux aspects, le programme de Marine Le Pen est de fait très libéral, dans une perspective très similaire à celle d’Emmanuel Macron ou Valérie Pécresse, tout en n’allant pas aussi loin qu’Eric Zemmour. Voyons ainsi les principales mesures concernant l’économie, le « pouvoir d’achat », les revenus de la population, mises en avant par Marine Le Pen.

Certaines mesures ont une vocation sociale, tournées vers les classes populaires ou dites « moyennes » :

– réindexation des retraites ;

– doublement de l’allocation pour les familles isolées ;

– déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé ;

– baisse les droits de succession et suppression en deçà de 300 000 euros de biens immobilier.

On pourrait ajouter la suppression de la redevance télévisuelle, mais il s’agit là surtout au fond d’une question culturelle et « sociétale » plutôt que strictement économique.

Tout le reste de son programme économique par contre est orienté vers la bourgeoisie, la défense de la bourgeoisie, de l’accumulation de capital par la bourgeoisie, et non pas de la société et du bien commun.

La mesure phare actuellement est la baisse de la TVA sur tous les produits énergétiques, qui comme dit n’a pas de sens social. Il y a ensuite la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans. Ce n’est pas une mesure de gauche : pourquoi des jeunes bourgeois ne contribueraient-ils pas au budget de la collectivité de part leur revenu ? Ce n’est pas normal. Si les jeunes de moins de trente ans ont un revenu suffisant et peuvent participer à l’impôt sur le revenu, c’est au contraire une bonne chose d’un point de vue de Gauche.

Il y a ensuite des mesures incitatives pour soutenir les entreprises à augmenter les salaires de 10 %. Ici, « l’incitation » consiste en fait à baisser les charges, et donc la contribution des entreprises (et de leurs dirigeants, cadres, etc.) à la collectivité. Ce n’est pas une mesure de gauche.

Elle propose également la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière, car c’est un « impôt sur l’enracinement ». Marine Le Pen ne veut pas s’en prendre aux bourgeois français qui possèdent une fortune immobilière. C’est très clair.

Elle veut mettre en place un impôt sur la fortune financière, reprenant l’assiette de l’ancien ISF à laquelle sont ajoutée les œuvres d’art acquises depuis moins de dix ans, mais de laquelle sont enlevés la résidence principale ou unique pour le cas de ceux qui sont locataires de leur résidence principale, les monuments historiques et, bien sûr dit-elle, l’outil de travail.

C’est là encore très clair, il s’agit de ne surtout pas s’en prendre à la bourgeoise et de ne pas rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune qui concernait justement les grandes villas ou grands appartements parisiens, les entreprises familiales, etc.

Dans le même genre, pour garantir la transmission du patrimoine bourgeois dans les familles, elle veut les droits de succession pour les entreprises, si les descendants s’engagent à ne pas céder l’entreprise héritée pendant 10 ans.

En fait, Marine Le Pen, si elle veut un État fort, elle est aussi, voire surtout, intéressée par un capitalisme fort. Les entreprises, les entreprises, les entreprises : voilà ce qui l’intéresse. Et voici donc sa mesure la plus significative sur la question économique : « diriger l’épargne des Français vers l’investissement privé des entreprises » en créant un fonds souverain français, rémunéré de 2 % par an, pour que les Français deviennent somme toute tous des bourgeois et investissent dans « des entreprises stratégiques ».

Elle dit ainsi que les Français doivent devenir « actionnaires de la Maison France. »

Ce l’inverse d’un point de vue de Gauche, et c’est précisément ce qui fait d’elle une nationaliste puisqu’elle prétend que la question sociale se résoudrait grâce à un capitalisme « national », c’est-à-dire tourné vers son propre pays et hermétique/réfractaire aux capitalismes étrangers.

Dans la même veine, Marine Le Pen s’intéresse beaucoup aux petites entreprises et a des cadeaux à leur faire : suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et, pour ce qui concerne des « zones de relocalisation », suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Cela représente, selon son chiffrage, pas moins de 10 milliards d’euros de cadeau à ces entreprises, et donc d’argent en moins pour la collectivité.

Voilà qui est tout à fait de Droite, tout à fait conforme au capitalisme, aux intérêts de la bourgeoisie, petite, moyenne, et même grande, qui n’est pas touchée par Marine Le Pen. Jamais elle n’envisage que son gouvernement oblige l’augmentation des salaires pour les ouvriers et les employés. Jamais elle n’envisage que son mandat serve à une meilleur représentation dans la société des ouvriers et des employés.

Marine Le Pen est ainsi une néo-gaulliste, proposant non pas simplement de moderniser le capitalisme comme Emmanuel Macron, mais de le ré-impulser.

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Politique

Emmanuel Macron c’est la guerre avec l’OTAN, Marine Le Pen c’est le nationalisme et la guerre

La situation historique fournit un dilemme terrible.

Faire bloc pour empêcher l’extrême-Droite de parvenir à des postes à responsabilité dans les institutions est un principe fondamental de la Gauche. C’est une leçon tirée du passé, des succès du fascisme italien et du national-socialisme allemand. On a compris depuis qu’il fallait tout faire pour bloquer l’installation de l’extrême-Droite où que ce soit.

Cette ligne est bien entendue réfuter historiquement par l’ultra-gauche (c’est-à-dire les anarchistes et les trotskistes) ; heureusement elle apparaît comme naturelle à toute la Gauche qui n’a pas été contaminée par elle.

L’Histoire n’avançant pas en ligne droite, voici que l’élection présidentielle de 2022 impose toutefois un sacré dilemme. La France est, dans les faits, impliquée dans la guerre en Ukraine. Elle l’est parce qu’elle fournit du matériel, des armes et des conseillers depuis que la guerre est déclenchée ; elle l’est avant même le conflit, parce qu’elle est membre de l’OTAN et que l’OTAN utilise depuis 2014 l’Ukraine comme tête de pont pour démanteler la Russie.

Cela fait que, depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France est objectivement en guerre, même si indirectement. Toute autre considération sur ce point est erroné. Or, naturellement, soutenir le président en place n’est alors pas possible, puisque ce serait valider la guerre, voire même la soutenir en accordant une légitimité plus grande à celui qui prend la décision de la faire.

D’où le casse-tête du second tour de la présidentielle. Si l’on regarde à long terme, Marine Le Pen représente le nationalisme et la guerre ; elle contribue à la dépolitisation des masses, à leur insertion dans le nationalisme, dans la mise en place d’un État replié sur lui-même prêt à s’élancer militairement de manière ouverte dans la bataille pour le repartage du monde.

Cependant, si on regarde à court terme, Emmanuel Macron, c’est l’OTAN, c’est la guerre déjà présente, c’est la pression politico-militaire généralisée sur les prolétariats des pays occidentaux déjà étouffés par la société de consommation.

Si on suit le « Ni Macron ni Le Pen » de l’ultra-gauche, alors on laisse Marine Le Pen passer et c’est du suicide. Si on s’engage à contrer Marine Le Pen, on valide de fait Emmanuel Macron et la guerre de l’OTAN.

Et, bien entendu, les situations très différentes impliquent des positionnements nécessaires dans l’immédiat. Dans certains milieux, Marine Le Pen a l’hégémonie et ne pas affirmer l’opposition à l’extrême-Droite serait une capitulation. Inversement, lorsqu’il se pose des discussions sur la nature du capitalisme et son évolution, la question de l’OTAN prend inévitablement le dessus puisque c’est l’expression politico-militaire de l’hégémonie de la superpuissance américaine dans le monde.

La présidentielle de 2022 apparaît ainsi comme une tragédie, avec un dilemme insoluble. Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre. C’est dire tout de même dans quelle situation on est, où la seule question de fond c’est de savoir quelle fraction de la grande bourgeoisie va l’emporter, la pro-américaine ou celle qui veut naviguer en solitaire.

En ce sens, on peut constater que la possibilité même de la politique est exclue du panorama du second tour de la présidentielle de 2022. On remarquera d’ailleurs qu’il n’y a pas de discussions possibles, ni même de discussions tout court. Les gens s’alignent sur Emmanuel Macron ou Marine Le Pen dans un processus de polarisation apolitique. Car le capitalisme a essoré les gens, effacé la politique, et il ne reste plus que des tendances de fond dans la bourgeoisie déchirée intérieurement par la crise commencée en 2020 avec la pandémie.

Il n’y a véritablement que la bourgeoisie qui a compris l’importance de la pandémie et de la guerre en Ukraine. Le prolétariat perçoit quelque chose, se doute que cela ne tourne pas rond ; la petite-bourgeoisie s’inquiète profondément. On parle pourtant là seulement de sentiments primitifs, d’impressions somme toute très vague.

Ce dilemme du second tour de la présidentielle 2022 apparaît ainsi comme insoluble ; il exprime toute une contradiction historique, celle entre un capitalisme triomphant et des masses totalement atomisées. C’est cela l’aspect principal : la dépolitisation, l’écrasement de la capacité à se tourner vers une utopie, le culte des ego, l’opportunisme carriériste.

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Écologie

La cause animale nécessite une révolution culturelle qui ne passe pas par Marine Le Pen

Il faut un mouvement de fond, pas des espoirs mal placés.

Il existe trois courants s’intéressant aux animaux. Il y a les vegans qui sont dans leur quasi totalité des petits-bourgeois ou des gens voulant être des petits-bourgeois, adoptant un mode de vie qu’ils veulent coupés d’actes qu’ils voient comme néfastes. Les animaux sont cependant plus un lieu de projection qu’autre chose.

Il y a les vegans pour qui le véganisme n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ, et qui se tournent réellement vers les animaux. Ceux-là tendent inéluctablement à l’affirmation d’une utopie aux exigences concrètes, parce qu’ils aiment vraiment les animaux.

Il y a enfin le vaste milieu de la protection animale, où les gens ne sont pas vegans dans leur immense majorité, tout en se sacrifiant aux quatre veines pour aider les animaux. Ces gens connaissent des difficultés innombrables, ont un profond respect des vegans de la seconde manière et un mépris fondamental pour ceux de la première manière.

Surtout, le milieu de la protection animale est confrontée à une terrible misère animale, et d’ailleurs également humaine en constatant les comportements anti-sociaux, cyniques, barbares. Cela provoque un réel traumatisme et d’ailleurs, il y a inévitablement la même chose chez les policiers (ce qui ne remet pas en cause le fait que la police comme institution soit anti-populaire).

Ce traumatisme provoque un dégoût, une rancœur, voire une haine, et dans tous les cas une tendance marquée au nihilisme. Comment en effet croire en l’humanité lorsqu’on voit que l’empathie et la compassion sont des phénomènes marginaux et même combattus par une indifférence générale ?

A cela s’ajoute la sensation d’être toujours trahi. Une association comme L214 a par exemple une reconnaissance médiatique immense, des millions d’euros dans sa banque, mais n’a jamais fait le moindre effort en direction de la protection animale sur le plan concret. A chaque élection municipale il y a telle ou telle promesse de la part des uns et des autres, qui n’est jamais tenu. Quant à l’État, il ne fait rien du tout.

Il s’ensuit une véritable paranoïa, où, forcément, on se rattache à ce qu’on peut, au moindre espoir de changement culture. Cela ne veut pas dire que le milieu de la protection animale fasse confiance – par définition, le milieu de la protection animale ne fait jamais confiance à moins d’une présence à ses côtés et d’une implication pour les animaux longue, très longue. Mais il y a l’idée que cela ne peut pas être pire et qu’un renversement de tendance, même imparfait, c’est déjà ça de gagné.

C’est cela qui explique l’attirance pour une extrême-Droite version nihiliste en général et l’espoir qui existe en ce moment que Marine Le Pen gagne la présidentielle 2022 en particulier. Celle-ci s’est d’ailleurs placée exactement afin de recevoir un tel soutien.

A l’élection présidentielle 2022, il n’y a que trois candidats à avoir parlé des animaux. Jean-Luc Mélenchon s’est adressé aux vegans désireux d’être bobos ou qui le sont en parlant de l’horreur de la condition animale, dans des termes très généraux. Nicolas Dupont-Aignan a proposé de son côté, et c’est le seul, des mesures concrètes pour les animaux, sur un mode réformiste, en vue de « lutter contre la maltraitance animale ». Il a cette dignité.

Enfin, Marine Le Pen ne propose rien pour les animaux, mais s’est positionnée de manière ininterrompue comme femme célibataire aimant les chats. Ce qui fait penser au milieu de la protection animale qu’elle ne peut pas être une mauvaise personne.

C’est bien peu, mais cela suffit largement, puisque inversement Emmanuel Macron assume tout à fait d’être contre la cause animale, notamment dans son soutien aux chasseurs. Cela peut sembler simpliste, mais en fait c’est simple : l’ennemi de mon ennemi est mon ami et il n’y a rien à perdre tellement la situation est dramatique.

Ajoutons à cela un faible niveau de connaissance des idées politiques à l’image de tout le pays, un enracinement populaire dans les zones rurbaines, une détestation des bourgeois bien proprets vivant dans leur bulle coupée de la réalité… et le milieu de la protection animale a vite fait de se lancer dans un tel espoir qu’une victoire de Marine Le Pen changerait la donne.

C’est cependant une erreur qui revient à celle des vegans version bobos. Les animaux ne sont plus une fin en soi, mais un lieu de projection, car objectivement, Marine Le Pen ne propose rien pour les animaux, à part éventuellement la fin de l’abattage des animaux en mode halal et casher, ce qui n’est toutefois nullement l’alpha et l’omega de la question.

Si l’on prend les animaux comme fin en soi et qu’on veut que ce soit l’empathie et la compassion qui triomphent, alors il faut une puissant changement de mentalités, et pour cela il faut une révolution culturelle. Une révolution culturelle contre la société de consommation, pour un engagement concret dans sa vie quotidienne au service des animaux. Une révolution culturelle contre l’urbanisation massive engloutissant le pays et pour la vie sauvage qui doit être sanctuarisée.

Cela demande des idées, des valeurs, des concepts, à rebours des réactions à l’emporte-pièces qui ramène toujours la protection animale à la case départ.

De toutes façons, on ne peut pas dire que la situation soit dramatique et après essayer de sauver les choses avec Marine Le Pen comme sparadrap sur une plaie béante. Il faut saisir l’envergure de la question et cela exige une conscience sociale saisissant son époque sur la base de la réflexion – et c’est ce qu’est le Socialisme.

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Politique

Après la fuite en avant pour Jean-Luc Mélenchon, la fuite en avant pour Marine Le Pen

Après les rats des villes, les rats des champs.

Après la France urbaine, la France rurbaine. La vague en faveur de Jean-Luc Mélenchon juste avant le premier tout de la présidentielle d’avril 2022 a été profondément urbaine, et il ne s’agit pas tant d’un mouvement vers la Gauche qu’une tentative de « sauver les meubles » pour des couches sociales désireuses que les choses restent stables et sociales. C’est l’idéologie des corrompus par le capitalisme, dans une version petite-bourgeoise de gauche, car profitant des avantages de la ville.

Pour ces gens, Emmanuel Macron est désagréable, le capitalisme va un peu trop vite, il faudrait qu’on en reste là et que l’aisance urbaine, même si parfois relative, puisse se perpétuer.

Désormais, on a une vague en faveur de Marine Le Pen, juste avant le second tour de la présidentielle d’avril 2022, formant une vague rurbaine. On parle ici des corrompus par le capitalisme, dans une version petite-bourgeoise apolitique, en voie de prolétarisation, voire de lumpenprolétarisation en raison d’un isolement social et culturel toujours plus massif.

Pour ces gens, Emmanuel Macron est un objet de haine, le capitalisme va beaucoup trop vite, les choses ne peuvent plus durer car même si matériellement cela va encore, tout le tissu social s’estompe à grande vitesse, depuis les hôpitaux jusqu’aux rapports familiaux, les lieux de convivialités jusqu’au sport et au transport.

Et de la même manière qu’avant le premier tour, il y avait une vague irrationnelle en faveur de Jean-Luc Mélenchon, il y a en ce moment une vague irrationnelle en faveur de Marine Le Pen. Il y a la même tendance à plaquer tous ses espoirs là-dessus, à attendre que les choses se débloquent d’elles-mêmes grâce à un changement à la tête de l’État. Mais, et c’est notable, l’anticapitalisme romantique que l’on trouve chez les nouveaux partisans de Marine Le Pen est bien plus présent, plus agressif, plus vindicatif, que ceux chez les nouveaux partisans de Jean-Luc Mélenchon.

On est ici dans la tradition des gilets jaunes, qui servent de référence culturelle majeure. Les gilets jaunes, nous l’avons toujours souligné ici, ont été un terrible poison, le vecteur d’un démarche pré-fasciste, voire fascistoïde, pour ne pas dire fasciste au sens strict. Cette exigence de rétablir l’ordre ancien par en bas, contre une élite en décalage avec la nation, forme le noyau dur même de l’idéologie fasciste historiquement.

On a d’ailleurs la même brutalité populaire, le même bricolage dans les idées et les formulations, la même grossièreté dans les slogans, la même vulgarité dans l’expression des exigences. Cela n’est en rien populaire, c’est typiquement la révolte des déclassés. C’est ce qui ressemble de plus historiquement, ces cinquante dernières années en France, aux SA allemands et aux chemises noires italiennes. Heureusement qu’il a manqué une réelle ampleur populaire, puisque le mouvement a toujours été ultra-minoritaire, pour ne pas dire totalement marginal, malgré son hyper-médiatisation.

Il n’en reste pas moins que les gilets jaunes ont diffusé un style et ce style, si adulé par l’ultra-gauche française, est en ce moment l’outil majeur pour valoriser Marine Le Pen pour le second tour de la présidentielle de 2022. C’est là tout à fait cohérent. Et cela montre l’erreur massive qu’a fait l’ultra-gauche, et avec elle la CGT, à courir derrières les gilets jaunes au lieu de dénoncer ce mouvement qui resta toujours, historiquement, entièrement extérieur à la classe ouvrière par ailleurs.

Il faut absolument étudier ce qui est en train de se passer sur ce point, afin de bien comprendre le phénomène de ré-utilisation de ce style en faveur de Marine Le Pen. Cela montre qu’une nouvelle étape est passée, que dans le fond de la société française, il y a des choses qui se fissurent, que cela craque à la base même. Et cela aura été extrêmement rapide après les résultats du premier tour. Cela promet pour la suite… Même si cela n’a rien d’étonnant. Comme dit le 10 avril avant les résultats, les Français vont payer cher leurs mensonges, leur petitesse. Il faudra boire le calice jusqu’à la lie.

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Marion Maréchal rallie Eric Zemmour

Un moment clef pour la reformation d’une Droite dure en France.

Depuis le meeting de Toulon du dimanche 6 mars 2022, l’ancienne députée Marion Maréchal a annoncé publiquement son soutien à Eric Zemmour pour l’élection Présidentielle. Cela n’a rien d’une surprise, tant ils sont sur la même ligne politique, à savoir l’union de la Droite dans une version dure, très libérale économiquement, appuyant à fond le catholicisme dans une variante traditionnelle, néo-gaulliste donc « non alignée » aux États-Unis sur le plan international, et assumant un « choc des civilisations » sur le plan culturel.

Cela n’a rien d’une surprise, mais c’est un tournant, une étape importante dans la construction d’une nouvelle Droite en France pour la période à venir. Ce ralliement ne changera probablement pas la donne pour l’élection Présidentielle, il ne faut pas imaginer qu’il y ait là un nouvel élan, une nouvelle « dynamique » électorale pouvant s’enclencher. Cela d’autant plus que la crise en Ukraine est extrêmement défavorable, pour l’instant, au camp nationaliste, alors qu’inversement elle profite totalement, sur le plan électoral, au camp « atlantiste » (aligné sur la superpuissance américaine), largement trusté par Emmanuel Macron.

Mais ce n’est pas ce qui compte. Ce qui compte, c’est la nouvelle période qui s’ouvre, avec la formation d’un nouveau pôle de droite, très offensif politiquement et extrêmement structuré idéologiquement et culturellement. Marion Maréchal, depuis plusieurs années, est un maillon essentiel de cette reformation de la Droite, comme nous l’avons analysé pas à pas, avec une étude systématique de son parcours depuis son premier « retour » dans la vie publique en 2018.

Rappelons qu’en mai 2017, elle avait publié un texte qualifié à l’époque de manière grandiloquente de « testament politique », où elle annonçait prendre du recul après son mandat de député Front national du Vaucluse, qui faisait d’elle au passage la plus jeune députée historiquement.

En rejoignant la candidature d’Eric Zemmour, Marion Maréchal fait ainsi un retour véritable dans la sphère électorale, après avoir orchestré sa distance de la vie politique, au profit de sa carrière « d’entrepreneuse », et surtout, de la « métapolitique ».

La métapolitique est un concept venu de franges radicales de l’extrême-droite française, consistant en l’affirmation d’une bataille politico-culturelle de fond, sur le plan surtout des valeurs, au-delà de la politique classique, de type électoral et débat d’opinion.

Marion Maréchal, depuis 2018, a joué à fond là-dessus, en se plaçant comme au-dessus du lot pour envisager les choses de manière large, avec une perspective civilisationnelle. Elle l’a fait au sein de toute une mouvance formée autour des magazines Valeurs Actuelles et L’incorrect. C’est d’ailleurs via une tribune dans Valeurs Actuelles, qu’elle avait fait son premier « retour » en 2018, pour annoncer un projet d’ouverture d’une école politique.

On se rappellera qu’à l’époque, elle était invitée à discourir à la Conservative political action conference, c’est-à-dire ni plus ni moins que la conférence politique annuel des conservateurs américains, structurés à ce moment-là autour de Donald Trump. Elle y avait vanté la ligne populiste « America first » de ce dernier, expliquant qu’elle voulait faire la même chose en France.

Un autre moment important fut son apparition comme invitée d’honneur d’une soirée-débat le 31 mai 2018 sur le thème de Mai 1968 (en raison du cinquantième anniversaire des événements de mai et juin 1968). L’intitulé était « Débranchons Mai-68 », et elle y avait expliqué en détail son hostilité à la Gauche, dans une version caricaturale et niant le mouvement ouvrier. La critique de « mai 68 » était surtout pour elle une occasion de critiquer les Lumières en faisant référence à la spiritualité chrétienne et la défense de valeurs « traditionnelles », et d’appeler à une révolution conservatrice, une sorte de « mai 68 » à l’envers.

Quelques jours après, le 22 juin 2018, elle annonçait la mise ne place son école d’étude supérieures, l’Institut Supérieur de Sciences Économiques et Politiques (ISSEP) à Lyon. C’est une sorte d’équivalent de droite dure des écoles « Science po », en général plutôt d’orientation libérale démocrate et pro-américaine sur un mode postmoderne.

Le but de son école est la formation de la « jeunesse conservatrice de France » pour produire les futurs cadre du régime. En effet, son école ne consiste pas en un simple cercle militant radical, mais en une véritable structure devant compter à l’avenir, avec en son sein des figures institutionnelles et universitaires reconnues. Elle y a d’ailleurs invité Eric Zemmour dès 2018.

Déjà à l’époque, il était concrètement question d’une reformation politique de la Droite. Fin 2018, Marion Maréchal intervenait au lancement du « Cercle AUDACE » sur le thème « Quel avenir pour les Droites ? ». Elle y expliquait que le souverainisme (en fait le nationalisme) n’est pas suffisant, mais qu’il fallait également développer du contenu sur le plan des valeurs, avoir une vision du monde pour mobiliser la société française.

En avril 2019, elle faisait une nouvelle intervention remarquée sur ce thème de la Droite, en critiquant frontalement sa tante Marine Le Pen sur cet aspect précis, dans un long entretien à Valeurs Actuelles. On pouvait y lire notamment :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

C’est exactement la position d’Eric Zemmour aujourd’hui, qui le différencie de Marine Le Pen (qui de son côté prône désormais une sorte de nationalisme « social », ni de gauche ni de droite). Et c’est justement au côté de Marion Maréchal que se trouvait Eric Zemmour en septembre 2019 pour une « Convention de la Droite » où ils étaient les deux principales figures.

L’intervention de Marion Maréchal avait été particulièrement importante, précisant le fond de sa vision de la Droite. Il ne s’agit en effet pas pour elle de simplement conquérir le pouvoir électoral, mais bien d’opérer à une véritable purge de l’État pour en remplacer tous les cadres et refondre les institutions :

« N’attendons pas que l’État nous sauve, actuellement il est phagocyté par une idéologie et des intérêts contraires à l’intérêt national. »

L’optique est celle d’une révolution conservatrice, balayant l’ordre actuel et l’hégémonie libérale-démocrate pro-américaine dans l’appareil d’État. Dans cette perspective, elle avait formulé de manière assez précise sa position sur les questions internationales lors d’une grande conférence conservatrice à Rome, en février 2020. Elle soutenait l’idée d’une « alliance latine » (et catholique) :

« J’imagine une alliance latine entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Une alliance latine qui marcherait avec le groupe de Visegrad [Pologne, République Tchèque, Hongrie, Slovaquie – NDLR]. Une alliance qui garderait le lien avec la Grande-Bretagne et la Russie ».

On remarquera que le fasciste Charles Maurras prônait la même chose dans les années 1930, souhaitant unir le fascisme italien et son propre mouvement, l’Action française, dans une perspective différente et opposée au national-socialisme allemand.

Enfin, pour souligner la dimension « étatique » de Marion Maréchal, il faut rappeler sa prise de position en faveur de la tribune des militaires appelant à un éventuel coup d’État en avril 2021. Le contenu général et le choix précis des mots et des concepts était entièrement dans la lignée de Marion Maréchal. Nous soulignions alors :

« Il s’ouvre en France une période tout à fait nouvelle avec une Droite dure qui s’affirme, qui s’éloigne du centrisme et du libéralisme avec l’idée de cogner fort pour remettre de l’ordre et orienter le pays dans le sens du nationalisme et de l’expression militaire de la France. C’est conforme à la tendance mondiale à la guerre, à la grande bataille qui s’ouvre pour le repartage du monde. »

C’est exactement ce qui se passe actuellement, la situation est d’une très grande intensité sur le plan du contenu. C’est une modification du panorama politique, social, culturel, idéologique… qui a lieu. D’où les propos de Marion Maréchal le 6 mars 2022 à Toulon :

« La recomposition politique va advenir, je crois de nouveau la victoire possible ! »

L’union de la Droite dit-elle, « j’en ai rêvé et vous l’avez fait! ». Et elle a donné au public toulonnais ce qu’il était venu chercher, c’est-à-dire un discours nationaliste bien à droite, fustigeant l’idéologie « woke » et les postmodernes, assumant la théorie du « Grand remplacement » sans la nommer, mais en évoquant « la question culturelle et démographique ». Logiquement, elle a opposé son nationalisme à Emmanuel Macron, dont il est censé incarner l’antithèse :

« la macronie n’a manifestement pas compris une chose très importante. Elle n’a pas compris que la nation, par essence est une synthèse. Eric [Zemmour], c’est parce que tu mesures cette responsabilité, que derrière ta candidature il y a un grand mouvement populaire et national. Je vous regarde, et je vois des Français des villes et des Français des villages, des Français des usines et des Français des Start-Up, des Français de 18 ans et des Français de 78 ans. Bref, je vois le peuple de France. »

On remarquera enfin que Marion Marechal jubile d’avoir en face d’elle la Gauche dont elle rêve, c’est à dire une fausse gauche, libérale sur le plan des mœurs et postmoderne idéologiquement, et pas la Gauche historique :

« Alors oui bien sûr la fable marxiste a évoluée, parce que dorénavant le patron capitaliste prend les traits du mâle blanc hétérosexuel, tandis que le travailleur exploité prend celui de la minorité racisée, du musulman, du LGBTQI plus, plus, plus, vers l’infini et l’au-delà. »

Gageons que cette nouvelle étape majeure dans la recomposition de la Droite dure fasse office d’électro-choc, qu’elle favorise les germes de la formation d’une nouvelle Gauche historique en France, d’un retour du mouvement ouvrier et des Lumières, tournés vers la planète Terre et les animaux.

Il le faudra, absolument, pour faire face à ce rouleau compresseur de Droite dure porté par Eric Zemmour, et à l’avenir de manière évidente, de plus en plus par Marion Maréchal. Il le faudra pour faire face à la Crise et à la guerre qui sera justement bientôt portée de manière acharnée par la Droite dure et toutes les composantes du nationalisme.

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La prétention sociale des discours d’Eric Zemmour et Marine Le Pen

Les meetings d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen ont insisté sur la question sociale.

Éric Zemmour a réuni près de 8 000 partisans samedi 5 février 2022 à Lille, pour un meeting centré autour du thème du « pouvoir d’achat ». De son côté, Marine Le Pen a rassemblé près de 4 000 personnes à Reims pour le lancement de la dernière ligne droite de sa campagne présidentielle, où elle s’est présentée comme étant proche du peuple et de ses préoccupations.

Les deux candidats nationalistes représentent des intérêts qui ne sont pas les mêmes, leur ligne politique est différente. Le premier, Eric Zemmour, assume une ligne de droite dure, ouvertement bourgeoise et tournée vers l’affirmation d’une certaine tradition bourgeoise hostile à la classe ouvrière. La seconde, Marine Le Pen, a développé depuis 2012 un discours nationaliste destiné aux classes populaires et à la petite-bourgeoisie (celle-ci étant extrêmement nombreuse en France), en leur expliquant que le problème serait surtout (voire uniquement) la mondialisation, le « mondialisme », et qu’il faut se rallier au nationalisme.

Autant l’un que l’autre, pour être élu ou en tous cas exister politiquement, doivent porter un discours à destination des classes populaires et aborder les questions sociales. Pour Marine Le Pen cela n’a rien de nouveau et ce qu’elle a dit pour lancer sa campagne est dans la continuité des dix dernières années. Eric Zemmour a par contre besoin d’appuyer sur cette question, pour élargir sa base électorale, son influence dans la société française.

Son principal argument est celui de la lutte contre l’immigration, comme s’il s’agissait là d’un remède magique pour dégager partout de nouveaux budgets. C’est un populisme racoleur, faisant fi de la réalité : l’immigration n’existe pas en dépit du capitalisme et de la bonne marche de la France capitaliste, mais précisément à son service. Si les dépenses de l’État à destination des personnes dans différentes situations d’immigration sont grandes et multiples et bien souvent illégitimes en tant que tel, les personnes immigrées (clandestines ou non) sont largement intégrées à l’économie française et sa marche. Ce sont surtout les chefs d’entreprises qui veulent de l’immigration, mais cela, Eric Zemmour n’en parle jamais.

Ce qui l’intéresse par contre, c’est que les ouvriers ne s’en prennent surtout pas à leur patron, et encore moins à la bourgeoisie en général. Ses propos ont été très clairs à ce sujet, dans la plus pure tradition nationaliste du 20e siècle :

« Face à la folle lutte des classes et l’injuste loi de la jungle, je serai le Président de la réconciliation des classes, le Président qui réunira l’entrepreneur et le travailleur »

Dans le Nord, terre historique du Socialisme en France, il a prétendu s’adresser aux ouvriers en faisant du Donald Trump :

« Ici plus qu’ailleurs, l’assistanat est une insulte. Je sais combien ici dans les classes populaires aux classes moyennes, on déteste l’assistanat. »

C’est vrai, mais tout à fait secondaire. Le problème des ouvriers est d’abord le mode de vie de la bourgeoisie qui détourne les richesses à son profit et dessine le monde à son image. Mais Eric Zemmour ne veut surtout pas s’en prendre à la bourgeoisie et aux entrepreneurs capitalistes.

Sa principale mesure annoncé lors du meeting, sur la question du « pouvoir d’achat » donc, consiste précisément en un cadeau à leur égard en abandonnant les cotisations sociales (servant à la protection sociale) pour des primes allant de 3000 euros à 5000 euros, ce qui est gigantesque. Il a parlé d’une « une prime 0 charge pour 0 URSSAF » en expliquant :

« À vous chefs d’entreprise, voilà comment vous augmenterez les salaires. À vous salariés, voilà comment votre pouvoir d’achat augmentera. »

C’est une mesure de droite dure, classiquement ultra-libérale et anti-sociale, malgré sa prétention sociale. Tel n’est pas le cas de Marine Le Pen, pour qui le nationalisme passe au-dessus de la considération bourgeoise traditionnelle de droite, ou comme l’a dit en introduction du meeting Jordan Bardella le président du Rassemblement national, en visant Eric Zemmour :

« Notre projet à nous n’est pas de sauver la Droite mais de sauver la France.»

C’est pourquoi Marine Le Pen a déroulé tout un tas de propositions à caractère social, la plupart inacceptables pour la Droite :

– revalorisation significative du salaire des enseignants ;
– réindexation des retraites sur l’inflation ;
– prime pour l’emploi spécifique pour les étudiants ;
– augmentation de 200 euros de salaires pour les jeunes en en alternance et en apprentissage ;
– augmentation de 1000 euros l’allocation enfant handicapé ;
– augmentation des salaires de 200 euros « à tous les ménages français ».

Marine Le Pen n’est pas pour autant de gauche évidemment, et assume aussi des mesures libérales :

– baisse de la TVA à 5% sur le fioul, le gaz, le carburant ;
– suppression des frais de successions sur les maisons de famille ;
– suppression de l’impôt sur le revenu pour tous les moins de 30 ans ;
– allègements « significatifs » de charges pour les très petites, petites et moyennes entreprises.

L’aspect principal de son discours et de ses propositions restent bien sûr le nationalisme (qu’elle nomme localisme et patriotisme), avec pour cela un romantisme pseudo-historique visant à mobiliser les classes populaires derrière le drapeau national.

Profitant d’être à Reims, où Clovis a été baptisé et où les rois de France ont été sacrés, elle a raconté :

« Mes chers compatriotes, la France doit se souvenir des promesses de son baptême. Ce serment sacré, ce pacte millénaire, voilà le rêve français qui doit nous animer. Faites confiance à cet idéal, à vos idéaux. Ensemble nous allons rendre aux Français la France qu’ils aiment. »

Peu importe que cela ait du sens ou non, car la France n’existait pas ni n’était en germe à l’époque de Clovis, car là n’est pas la question pour Marine Le Pen. Ce qui compte n’est pas la réalité, mais de prétendre à résoudre les questions sociales par le nationalisme.

Nous voilà donc revenus avec Eric Zemmour et Marine Le Pen aux nationalismes des années 1930, qui ont trusté la vie politique européenne à l’époque, en concurrence avec le Socialisme (social-démocrate ou communiste).

La caractéristique fondamentale du nationalisme au 20e siècle a été l’assimilation de la question sociale à la question nationale. C’est, au sens strict, la définition du fascisme pour qui le national, c’est le social, et inversement. On pensera au « national-socialisme » d’Hitler, mais cela est vrai pour toutes les variantes du fascisme, qui très souvent puisent leur origine à gauche, ou plus précisément dans les déviations de la Gauche.

Cela s’oppose bien sûr à l’internationalisme prolétarien qui définit le Socialisme. La Gauche historique dit que la nation n’est qu’un cadre dans lequel s’exprime la question sociale, car l’aspect principal des rapports sociaux est la lutte des classes, principalement entre la bourgeoisie et la classe ouvrière.

Au 21e siècle, rien n’a changé. La Gauche authentique, ou ce qu’il en reste, dit que le capitalisme en tant que mode production est dépassé, que la bourgeoisie mène le monde à sa perte, que cela soit socialement, mais aussi en ce qui concerne la civilisation elle-même, avec comme aspects principaux les questions de la culture et de l’écologie, et en toile de fond la question de la guerre.

De fait, le nationalisme mène à la guerre. C’est une lutte des classes, non pas entre pays, mais entre bourgeoisies de différents pays qui sont en concurrence et luttent pour leur hégémonie ou leur survie, et qui font payer cela aux peuples ; partout et toujours, ce sont les peuples qui sont les victimes de ces guerres, et c’est pourquoi ils ne doivent jamais tomber dans le piège du nationalisme.

Les prétentions sociales des nationalistes Eric Zemmour et Marine Le Pen sont un piège tendu aux classes populaires. Seule une Gauche forte et assumant ses fondamentaux historiques permettra de s’y confronter… Et cela implique la politique.

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La reformation de la Droite s’accélère autour d’Eric Zemmour

Conformément à l’époque, la Droite se durcit.

Eric Zemmour sera-t-il au second tour de l’élection présidentielle au printemps prochain ? Probablement pas, mais ce n’est pas une certitude. Et surtout, ce n’est pas tant la question. Ce qu’il faut voir, c’est qu’Eric Zemmour n’est que le produit d’une situation en particulier, et que sa signification politique ne consiste en rien d’autre que la recomposition de la Droite, reflétant un changement d’époque. C’est de toute la période à venir dont il est question.

Plutôt que de recomposition, il faut d’ailleurs parler de reformation d’une Droite véritable avec une ligne dure, assumant la confrontation et les grands clivages socio-culturels. Eric Zemmour est en train de réussir ici ce que Marine Le Pen n’a pas été en mesure de faire, de par sa position à la fois trop isolée sur le plan culturel (étant considérée comme « extrémiste ») et trop sociale sur le plan économique (ce que, en raison de la crise, la bourgeoisie n’est pas en mesure d’assumer).

Eric Zemmour représente lui une droite capable de cogner fort, tant culturellement pour mobiliser derrière le drapeau national, que socialement pour porter la restructuration économique contre les ouvriers. C’est cela qu’illustre sa position à mi-chemin entre la droite classique et la droite « nationale », c’est-à-dire nationaliste.

Les derniers ralliements à Eric Zemmour en provenance du camp de Marine Le Pen sont donc des marqueurs très forts, qui assoient sa position de réformateur de la Droite. On parle ici de cadres et de personnalités majeures de l’entourage de Marine Le Pen, qui la plantent en plein vol à quelques semaines de l’échéance électorale.

Il y a eu Damien Rieu, figure de Génération Identitaire, une structure qui fut dans les années 2010 une sorte de centre de formation de la jeunesse pour le Rassemblement national. Il avait rejoint le RN et en fut un cadre important. Il a claqué la porte jeudi 20 janvier avec un communiqué expliquant que le RN est en recul, que la dynamique est maintenant du côté d’Eric Zemmour. Dans une interview du dimanche 23 janvier, il explique que son objectif est en quelque sorte d’obtenir le ralliement de Marine Le Pen (en tous cas de son électorat) à Eric Zemmour pour le second tour de l’élection présidentielle.

La veille, il y avait eu le ralliement de l’eurodéputé Jérôme Rivière, qui n’était pas moins que le patron de la délégation RN au Parlement européen. Celui-ci considère de la même manière que Marine Le Pen n’est plus en mesure de gagner les élections, alors que le positionnement Droite dure d’Eric Zemmour est par contre considéré comme satisfaisant à « l’urgence » de la situation. C’est un ralliement très important politiquement, et Eric Zemmour considère lui-même qu’il «symbolise [l’] union des droites» (ou plutôt, donc, la reformation de la Droite).

Mais la principale figure « lepeniste » ayant rejoint Eric Zemmour est bien sûr Gilbert Collard, avec une annonce faite en grande pompe pendant un meeting à Cannes. Sur le plan idéologique, Gilberd Collard ne représente pas grand-chose, lui qui n’a jamais été encarté au RN et qui est surtout une sorte d’opportuniste qui s’imagine être une « grande gueule », être dans le vrai, au dessus du lot, etc.

Sur le plan symbolique, c’est une perte énorme pour Marine Le Pen, car il représentait l’un de ses seuls « gages » venu de la société civile comme il est d’usage de le dire pour nommé des gens considérés comme non-strictement politique ou idéologique. Gilbert Collard, pour les personnes qui ont plus de 30 ans, est une figure médiatique incontournable, représentant une notoriété indéniable. C’est une sacré « prise de guerre » pour Eric Zemmour, qui en dit long sur la dynamique qu’il incarne.

A côté de cela, il y a eu également, venant de la droite classique, Guillaume Peltier, dont le ralliement dit contribuer à pousser Valérie Pécresse et les républicains vers le centre, pour aider justement Eric Zemmour à occuper le plus d’espace possible à Droite.

Tout cela est récent, en formation, mais il y a une dynamique énorme autour de cette droite dure. Il s’agit de l’actualité politique majeure, montrant la tendance à venir pour les prochaines années, bien au-delà des échéances électorales du printemps 2022. À la Gauche d’être à la hauteur pour y faire face, mais pour cela il faudra puiser dans les fondamentaux historiques en levant le drapeau rouge de la classe ouvrière et de l’internationalisme anti-guerre.

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Le FC Bandera, un club à l’identité nationaliste ukrainienne à Paris

Une association culturello-politique au service du bandérisme en France.

Il y a en France une population ukrainienne, vivant principalement dans les grandes villes. Celle-ci, comme toutes les minorités nationales en France s’organise culturellement, associativement, dans l’idée de se métisser tout en gardant une part de culture nationale d’origine. Cependant il arrive, comme pour d’autres minorités nationales, qu’il y ait une frange ultra, qui consiste en une expression d’un nationalisme exacerbé. C’est là ce que représente le FC Bandera.

Cette équipe de football parisienne est à la gloire du collaborationniste ukrainien Stepan Bandera. Il est une figure érigée par les ultra-nationalistes ukrainiens en héros national. Elle évolue en Commission Football Loisir, c’est un championnat dans un esprit associatif, de loisir.

Le club de football est aux couleurs de l’UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne) , structure armée pro-nazi, anticommuniste et antisémite. L’UPA a massacré les Polonais en Volhynie, participé aux côtés des nazis à la Shoah, et a tenté de liquider les partisans soviétiques.

Il existe aujourd’hui en Ukraine toute une frange du fascisme ukrainien qui se revendique de Bandera et de son héritage, c’est notamment Pravy Sektor (secteur droit).

Sur le site est fièrement affiché le slogan, le salut en fait, du milieu nationaliste ukrainien: « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux Héros ! » «  Слава Україні! Героям слава! » L’un dit « Gloire à l’Ukraine », l’autre personne répond « Gloire aux héros ».

Les joueurs posent avec le drapeau ukrainien et la bannière bandériste avant les différents matchs disputées en CFL. Le maillot des joueurs est fait par l’équipementier polonais Gera, et le sponsor de l’équipe n’est autre que l’entreprise de BTP du président du FC Bandera, étant lui-même un notable dans la diaspora ukrainienne à Paris.

Sur le groupe Facebook du club il y a plus de 1000 membres, et sur le Facebook personnel du président du club, des partages de l’ancien conseiller du ministère de la Défense qui détient un média suivi en Ukraine, mais aussi de la propagande de Pravy Sektor (le secteur droit). Parmi ses mentions « j’aime », de la propagande nationaliste, des médias pro-américains comme radio svoboda mais aussi des groupes armés comme UNA (Assemblée nationale ukrainienne – Autodéfense ukrainienne).

Le club est une véritable association culturello-politique au service du bandérisme en France, il organise aussi des soirées pour ses membres et des sorties. C’est par le biais culturel que se développe le nationalisme chez ses joueurs.

Cela témoigne bien sûr d’un esprit au sein de la diaspora ukrainienne en France, au-delà du club. Il y a par exemple chaque année les commémorations de l’ « Holodomor » organisées par les nationalistes ukrainiens.

La vision passéiste de l’Ukraine avec la glorification d’un traître à la culture ukrainienne qu’est Bandera ne peut à terme que renforcer l’escalade vers la Guerre en Ukraine, en mobilisant y compris ici, en France, la diaspora ukrainienne vers un nationalisme exacerbé. Cela prépare les Ukrainiens en France à laisser l’Ukraine être un pion au service des États-Unis contre la Russie et ses rêves impérialistes. De fait, en mettant en avant Bandera comme symbole du club, cela l’inscrit dans la lignée des clubs fascistes, et donc militaristes.

Il existe pourtant une culture ukrainienne progressiste et populaire. Les ukrainiens de France ne doivent pas tomber dans le panneau proposer par le club FC Bandera qui n’est qu’une antenne culturelle du fascisme ukrainien. Les peuples d’Ukraine et de Russie sont des peuples amis, ayant une base culturelle commune.Paix entre nous, guerre aux tyrans.

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Les motivations de la dissolution des « Zouaves Paris »

Le ministre de l’Intérieur a publié un décret très motivé contre un groupement fasciste.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmin a décrété mercredi 5 janvier 2022 la dissolution de la bande de fascistes néo-nazis « les Zouaves Paris ». Voici l’exposé des motifs, qu’il a d’ailleurs lui-même publié avant la parution officielle du décret. La motivation du ministre, sur instruction du Président de la République, est extrêmement politique, avec en préambule la question de la violence, puis surtout une vigoureuse condamnation idéologique et culturelle sur le fond.

L’argumentaire est extrêmement détaillé, montrant que les services de police français connaissent bien leur dossier (il en est de même en ce qui concerne l’ultra-gauche, malgré ce que ces gens s’imaginent). On remarquera par ailleurs l’emploi du terme « antifa » sans guillemets pour évoquer les groupuscules d’ultra-gauche opposés à l’ultra-droite, banalisant ainsi leur existence et leur nomination sous ce terme. On remarquera également une défense évidente de l’idéologie LGBT ainsi que l’usage de la notion post-moderne (typique de l’idéologie LGBT) d’« identité de genre ».

En tant que libéral, membre d’un gouvernement dont le fondement est la défense et le renforcement du capitalisme « entrepreunarial », Gérald Darmanin ne s’oppose évidemment pas au fascisme au nom du Socialisme. Toutefois, la ferveur de son exposé antifasciste, notamment sur la question du racisme (« les Zouaves Paris » sont des suprémacistes « blancs » et des antisémites assumés) montre bien la grande erreur que fait l’ultra-gauche (et parfois la Gauche elle-même) d’associer Emmanuel Macron et son gouvernement au fascisme, ou en tous cas à relativiser sa différence d’avec l’extrême-Droite.

Voici le texte [le ministre n’a pas publié la dernière page avec le décret lui-même, qui ne consiste probablement qu’en un article et une phrase comme d’habitude] :

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La signification du drapeau de l’Union européenne sous l’Arc de triomphe

Les nationalistes sont en concurrence avec les atlantistes dans la tendance à la guerre.

À l’occasion de la présidence française de l’Union européenne en 2022, le gouvernement, et probablement directement Emmanuel Macron, a fait un choix qu’il savait marquant symboliquement. Il a été décidé d’hisser, de manière volontairement contraire aux usages, le drapeau de l’Union européenne seul, au-dessus d’un lieu aussi symbolique que la « tombe du soldat inconnu », sous l’Arc de triomphe à Paris.

Forcément, la Droite et l’extrême-Droite ont dénoncé cela comme étant un grave acte anti-patriotique. L’usage veut en effet que le drapeau de l’Union européenne ne soit jamais hissé seul, mais seulement placé à droite du drapeau français sur un édifice (de manière à ce qu’il soit vu à gauche de celui-ci quand on regarde un bâtiment). Ce n’est pas obligation légale, mais un usage qui a quasiment force de loi tellement il est unanimement respecté, voire directement rappelé par différents ministres de l’Intérieur.

Valérie Précresse, la candidate de la Droite traditionnelle a donc dénoncé et demandé :

« Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non! Je demande solennellement à Emmanuel Macron de rétablir notre drapeau tricolore à côté de celui de l’Europe sous l’arc de Triomphe. Nous le devons à tous nos combattants qui ont versé leur sang pour lui. »

Le polémiste Eric Zemour, faisant référence à deux événements récent concernant l’Arc de triomphe (son saccage par des gilets jaunes puis son empaquetage par le pseudo-artiste délirant Christo typique de l’art contemporain) a été plus direct dans le style :

«après le saccage et l’empaquetage, l’outrage».

En parlant d’outrage pour l’Arc de triomphe, il évoque ici la notion d’outrage au drapeau national, et sous-entend que ce serait la France elle-même, l’idée nationale, qui serait attaquée, ou en tous cas abîmée.

Marine Le Pen a également critiqué violemment un « véritable attentat à l’identité de notre Patrie » ainsi qu’une « offense à ceux qui se sont battus pour la France ». Probablement pour se poser en tant que chef d’État responsable et garant de la légalité nationale, elle a fait part de son intention de déposer un recours en annulation et un référé-suspension, avec des motifs toutefois assez discutables sur le plan strictement légal :

« [Emmanuel Macron] méconnaît manifestement l’article 2 de la Constitution (en vertu duquel l’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge); son article 3, relatif à la souveraineté nationale (les électeurs français ayant rejeté en 2005 le projet de Constitution européenne reconnaissant le drapeau de l’Union européenne) ; et le principe fondamental reconnu par les lois de la République, en vertu duquel l’emblème national doit toujours flotter sur les bâtiments publics ».

Mais peu importe ici la question légale, il y a surtout le fait que politiquement, un tel acte est forcément diviseur. Les « nationaux », ou nationalistes, ne peuvent en effet qu’honnir une telle soumission à l’Union européenne. Surtout sur un lieu lié à la guerre, donc marquant pour le patriotisme, et donc le nationalisme.

Inversement, Emmanuel Macron et les gens qu’il représente n’ignorent pas non plus la portée de ce pavoisement « européen » de l’Arc de triomphe. Ce n’est pas un simple clin d’oeil anecdotique, comme l’a pu être pour la même occasion l’illumination de la Tour Eiffel aux couleurs de l’Union européenne. En faisant ce choix, il y a la volonté d’une affirmation européenne sur la question militaire, affirmation qui est précisément un mantra d’Emmanuel Macron.

Ce denier n’a toutefois jamais réussi en presque 5 ans de présidence à faire vivre son idée d’Armée « européenne », ou en tous cas de force militaire européenne. Ce qu’il y a cependant, c’est qu’actuellement l’Union européenne ne signifie plus grand chose en tant que telle, et certainement pas sur la question militaire. En fait, on peut même dire que, sur le plan militaire, l’Union européenne est quasi synonyme de l’OTAN, et donc de l’alignement sur la superpuissance américaine.

Ainsi, en pavoisant l’Arc de triomphe, lieu des cérémonies militaires, du drapeau de l’Union européenne sans celui de la France, il y a cette affirmation claire et nette de l’alignement militaire sur la superpuissance américaine.

Tout cela n’a rien d’anecdotique, et consiste en la principale et plus déterminante ligne de fracture au sein de la bourgeoisie française. Il y a ceux sur une ligne néo-gaulliste ou proto-gaulliste, voire post-gaulliste, en tous cas nationaliste, qui imaginent une France forte et assumant son indépendance sur le plan militaire pour peser à sa manière (une manière forcément agressive) dans la grande bataille pour le repartage du monde.

Et il y a ceux pour qui le choix est déjà fait de l’alignement total derrière des États-Unis, avec comme perspective immédiate la concurrence avec la Chine et tout le bloc pouvant se former autour de la Chine. Ce second choix, atlantiste, n’en est pas moins agressif pour autant, et d’ailleurs l’OTAN sera au premier plan en ce qui concerne l’agressivité militaire en 2022, encore plus qu’en 2021.

A la Gauche d’être lucide sur la question donc, pour porter la parole du peuple et incarner ses intérêts. Il ne faut pas être dupe des intentions « européennes », et donc atlantistes, d’un Emmanuel Macron, qui sous couvert de modernité sont en fait une soumission à la superpuissance américaine.

Mais il ne faut surtout pas tomber dans le piège du nationalisme, qui consiste à faire du drapeau français une question principale et une valeur populaire, alors qu’il s’agit en fait du drapeau d’une grande puissance capitaliste. Le seul drapeau populaire est le drapeau rouge, internationaliste, et il est urgent à notre époque de le redécouvrir, pour le hisser maintenant contre la guerre et la tendance à la guerre, contre tous les faiseurs de guerre, au nom du Socialisme et de l’unité des peuples.

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Politique

Reconquête ! d’Eric Zemmour: la naissance d’un grand mouvement de droite «dure»

L’UNI a son parti…

En lançant son nouveau parti nommé Reconquête !, Eric Zemmour réactive la militance de Droite. Autour de lui, il y a en fait tout ce que la Droite compte de cogneurs, de « fachos » adeptes du coup de force et de l’action directe, bref, de militants.

Il faut penser ici bien sûr à l’organisation étudiante UNI, typique de cette démarche militante dure de la Droite… Et donc avec Reconquête !, ces gens ont maintenant une organisation ayant une envergure nationale et une audience massive.

C’est justement cette mouvance qui est à l’origine de la candidature d’Eric Zemmour, et donc de son nouveau mouvement. On retrouve comme personnage principal (en tant que première conseillère politique) la jeune Sarah Knafo (née en 1993), qui est une des principales organisatrices de la fameuse « Convention de la droite » en 2019. Nous avions bien insisté dessus à l’époque : cette convention était un moment clef pour cette Droite militante, autour de la figure politico-idéologique de Marion Maréchal. C’était l’affirmation d’un néogaullisme conquérant, en mode « dur », dans le sens de rentre-dedans, assumant franchement la confrontation.

Il faut ajouter à cela évidemment tout l’apport politique et surtout culturel de la mouvance des identitaires. Ces gens, pendant les années 2010, ont eu en quelque sorte le rôle de mouvement de jeunesse militante parallèle au Front national (devenu Rassemblement national), mais sur une base bien plus à droite que ce que faisait Marine Le Pen. Tous ces apports, des identitaires à Marion Maréchal en passant par l’UNI, de la Droite militante dure donc, synthétise maintenant quelque chose autour d’Eric Zemmour. Et cela se fait maintenant avec des relais haut-placés, en l’occurrence le Général de la Chesnais qui est maintenant directeur de campagne d’Eric Zemmour. On parle ici de quelqu’un ayant été major général de l’armée de terre de 2014 à 2017 (soit le « numéro 2 » de ce corps). Sans surprise, ce général quatre étoiles est un proche du général Pierre de Villiers, dont nous avons régulièrement parlé ici.

Il y a comme organe de presse surtout le magazine Valeurs Actuelles, qui assume, diffuse et génère cette ligne de droite dure, en mode militant. On y lit beaucoup de choses allant dans le sens de la candidature d’Eric Zemmour, mais surtout d’une nouvelle droite dure et militante.

C’est, dit autrement, tout l’inverse de la Droite libérale et technocratique représentée par Valérie Pécresse (vainqueur de l’investiture de la Droite au congrès Les Républicains) ou encore du quotidien Le Figaro. La droite dure de Reconquête ! vise bien sûr Les Républicains également, avec des « noms » comme Guillaume Pelletier ou Eric Ciotti (second du congrès Les Républicains pour l’investiture de la Droite à la présidentielle), qui assument ouvertement leur proximité avec Eric Zemmour.

Il y a là tout un magma, quelque chose de nouveau et de très dangereux qui prend forme. Cela change considérablement la donne politique en France pour la Gauche. Il va falloir être à la hauteur, avec tout le sérieux idéologique et la dimension culturelle qu’il faut pour faire face à cette nouvelle vague de droite dure. Marion Maréchal avait prédit et milité pour un « mai 68 » de Droite… C’est clairement ce qui est en train de se passer avec Eric Zemmour et son mouvement Reconquête ! attirant une génération de militants radicaux qui n’hésitent pas à user de la force, politique certes, mais aussi physique, pour peser et exister.

Rappelons ici les nombreuses arrestations de militants d’extrême-Droite, présentés par l’État comme d’ultra-Droite et retrouvés en possession d’armes, d’explosifs, etc. C’est une expression de la crise, une polarisation violente caractérisant la lutte des classes.

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Politique

Eric Zemmour: la « Reconquista » national-populiste

Le mythe de la « reconquête » contre le « grand remplacement ».

Le candidat à la présidentielle 2022 Eric Zemmour a tenu dimanche 5 décembre 2021 son premier grand meeting de campagne à Villepinte, en région parisienne. Devant une foule d’au moins 12 000 personnes qu’il a sans-cesse harangué à la manière d’un tribun, le nom de son nouveau parti a été dévoilé : Reconquête!

Le terme a été répété à de nombreuses reprises, comme un fil conducteur marquant une idée forte et incontournable. C’est évidemment une référence à la « Reconquista », terme castillan désignant la reconquête de l’Espagne par les chrétiens face aux différents peuples musulmans. Débuté en 722 et aboutissant en 1492 par la prise de Grenade, la « Reconquista » fait désormais figure de mythe mobilisateur identitaire.

Ce genre de lutte d’influence territoriale du Moyen Âge n’a évidemment rien à voir avec la modernité des nations au XXIe siècle, mais c’est justement cela qui est utile et efficace pour un Eric Zemmour. Ce dont il a besoin, ce dont il est l’expression, ce n’est pas la rationalité, ni l’Histoire avec un grand « H », bien au contraire.

Eric Zemmour est un dangereux populiste, car il galvanise les foules avec des raccourcis faciles, de fausses grandes idées clefs en mains empêchant toute réflexion et prise de conscience politique sérieuse et constructive. Ce qu’il vise, c’est maintenir la France petite-bourgeoise et pantouflarde dans son fantasme d’un âge d’or des années 1950-1960 avec d’une prétendue vie paisible et harmonieuse. La base de son audience, c’est typiquement les gilets-jaunes, la France des petits entrepreneurs qui veulent un État fort et puissant, mais ne surtout pas payer d’impôts ni ne respecter de normes sociales et collectives.

Ce qu’il y a en réalité, c’est que le capitalisme est en crise, et qu’il a besoin d’un Eric Zemmour pour abrutir les consciences et détourner les regards des vraies questions. Le nationalisme est ici la substance parfaite, le poison terriblement efficace pour ne pas assumer la réalité. Alors Eric Zemmour est là pour parler de « reconquête » (sous entendu, de la France), face à ce qu’il nomme le grand remplacement. S’il gagne dit-il, « ce ne sera pas une alternance de plus, mais le début de la reconquête du plus beau pays du monde ».

La cible de la reconquête est évidemment, et sans aucune ambiguïté, l’immigration musulmane, dont il a parlé à de nombreuses reprises durant son meeting. Il n’a presque parlé que de ça d’ailleurs, ciblant ici l’islam, là « l’immigration venue de l’autre côté de la méditerranée ».

Voici un petit extrait qui résume quasiment à lui seul ses 1h30 de meeting national-populiste à la Donald Trump :

« Depuis des mois, je sillonne la France, je rencontre les Français. Deux craintes les hante : celle du grand déclassement, avec l’appauvrissement des Français, le déclin de notre puissance et l’effondrement de notre école, et celle du grand remplacement, avec l’islamisation de la France, l’immigration de masse, l’insécurité permanente ».

Il ne s’agit pas là de racisme à proprement parler, et d’ailleurs Eric Zemmour se défend d’avoir une vision nationaliste fondée sur une pureté racialiste de type national-socialiste : « Comment pourrais-je penser cela, moi, petit juif berbère venu de l’autre côté de la méditerranée ? ».

Non, le cœur de sa démarche, le fondement de son existence, c’est simplement de galvaniser la foule et la diriger vers le nationalisme ; le ciblage de l’immigration musulmane n’est ici qu’un moyen, un outil servant à raccourcir les choses et empêcher la réflexion sociale. Cela sert le racisme bien sûr, le racisme lui est utile, évidemment, mais c’est bien pire que cela.

Il veut faire croire aux gens qu’on pourrait faire disparaître la crise du capitalisme, et qu’il suffirait pour cela de rejeter les musulmans trop musulmans, d’avoir une immigration zéro, de restreindre le droit d’asile à quelques vraies demandes depuis les consulats, d’en finir avec le regroupement familial, de supprimer l’aide médicale d’État et le droit du sol, de durcir les conditions de naturalisation, de renvoyer les clandestins, d’expulser les délinquants étrangers, de déchoir de leur nationalité les criminels bi-nationaux ou encore d’expulser les chômeurs étrangers au bout de six mois…

C’est un formalisme typiquement bourgeois, très RPR (le parti de la Droite conservatrice-populaire avec Jacques Chirac) des années 1980. D’ailleurs, à la fin de son discours, Eric Zemmour a largement insisté sur sa filiation avec cette Droite de la fin du XXe siècle.

Et en effet, c’est un homme de droite, mais d’une Droite en temps de crise, ayant besoin de gens furieusement aveuglés par le nationalisme et prêts à tout pour défendre le capitalisme français dans la grande bataille pour le repartage du monde engendré par la crise.

Eric Zemmour est en ce sens très dangereux, car il simplifie tout et ratisse large. Ses simplifications et ses tirades populistes sont très efficaces dans un pays aussi riche que feignant intellectuellement qu’est la France (à l’image de la plupart des autres grands pays capitalistes). Il assume donc sans ambage de marcher sur les plates bandes de la Droite et de l’extrême-Droite :

« je veux rendre le droit de vote aux électeurs du front national et je veux rendre la droite aux électeurs de LR »

L’opposition à Eric Zemmour est l’actualité politique principale et incontournable de la Gauche actuellement. Cette opposition ne pourra gagner que si elle est massive et populaire, que si elle est fondée sur l’intelligence et la foi en la société. Si donc elle se fonde sur la Gauche historique.

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Réflexions

« Libertés en bas, autorité en haut », la matrice fondamentale du fascisme français

Qui n’étudie pas le fascisme en France, qui n’en comprend pas sa matrice idéologique, est condamné à l’échec.

En France, il y a un double problème pour saisir la nature du fascisme. D’un côté, il y a la trajectoire spécifique de la France en tant que Nation, et de l’autre, mais en fait étant lié au premier, il y a la lecture faite par l’extrême-droite française du fascisme comme régime historique.

En effet, si l’on se cantonne à une définition stricte du fascisme, il faut partir du premier régime politique qui a fait date dans l’Histoire, à savoir le régime de Benito Mussolini.

Issu du Parti socialiste italien, profondément influencé par les thèses syndicalistes-révolutionnaires qui, à l’origine française, ont trouvé écho dans une Italie profondément agraire du début du XXe siècle, Benito Mussolini fonde son mouvement, le Faisceau, sur la conjonction de la culture syndicaliste-révolutionnaire et de l’idéologie nationaliste.

Dans son optique, cette synthèse idéologique doit se réaliser grâce à l’intégration de l’individu, lui et sa fouge de révolté, à un corps supérieur, qui ne peut être que l’État lui-même.

Dans un discours au Sénat en 1928, Benito Mussolini a défini la substance de son mouvement en les termes suivants :

« Si au cours des 80 années qui se sont écoulées, nous avons réalisé des progrès aussi importants, vous pensez et vous pouvez supposer et prévoir que, dans 50 ou 80 ans, le chemin parcouru par l’Italie, par cette Italie que nous sentons si puissante, si pleine de sève, sera vraiment grandiose, surtout si la concorde subsiste entre tous les citoyens, si l’Etat continue à être l’arbitre dans les différends politiques et sociaux, si tout est dans l’Etat et rien en dehors de l’Etat, car, aujourd’hui on ne conçoit pas un individu en dehors de l’Etat, sinon l’individu sauvage, qui ne peut revendiquer que la solitude et le sable du désert »

C’est ce discours qui a marqué la définition du fascisme dans une formule simple et ramassée :  » Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État ! ». Pour le principal mouvement d’extrême-droite française qu’est l’Action Française et son chef de file idéologique, Charles Maurras, c’est une conception du monde qui ne peut convenir à la France.

Fondé sur une approche, l' »empirisme organisateur », Charles Maurras propose un « nationalisme intégral », résumé dans une formule tout aussi simple et ramassée : « libertés en bas, autorité en haut ».

Qu’est-ce-que cela signifie ? Il faut partir des faits historiques qui ont fabriqué la France : la France est une Nation qui s’est construite sur des Rois et elle doit justement sa supposé stabilité sociale à la forme monarchique du pouvoir, voilà pour l’ « empirisme organisateur » (organiser des faits historiques).

La France royaliste, c’est une organisation sociale spécifique : il y a les provinces qui s’auto-organisent, et au-dessus, le Roi qui, tel un arbitre, détient le monopole du pouvoir régalien et spirituel. Voilà pour la devise « libertés en bas, autorité en haut ».

Par conséquent, le salut de la France passe par une devise : « politique d’abord » ou « la France seule » comme horizon, et le retour à la monarchie comme ciment national et garantie de l’auto-organisation. C’est le sens du « nationalisme intégral » ou d’une autre formule connue : « la monarchie, c’est l’anarchie plus un » (sous-entendu, l’auto-organisation des provinces plus un Roi).

Dans cette lecture réactionnaire formulée par Charles Maurras, il y a donc une sorte de rejet formel de la définition de Mussolini et un produit culturel du parcours national français, qui est différent de celui de l’Italie. Pour faire simple, la formule de Mussolini correspond au parcours tortueux de l’unification italienne, quand la doctrine maurassienne correspond au processus de formation de la France sous la Monarchie absolue.

Mais ce qu’il faut voir c’est qu’au-delà de ces divergences, la substance reste la même : la paix sociale doit être garantie par un État-arbitre cimenté par une mystique national-chauvine. Le reste n’est qu’une histoire de déclinaison particulière aux trajectoires nationales.

Si le fascisme en Italie suppose d’intégrer l’individu à l’État de part une unification nationale qui n’a pas connu le poids du morcellement en « pays » mais en États déjà formés, le fascisme en France peut se baser sur l’intégration, car réalisé dans le long féodalisme et institutionnalisé par l’Absolutisme, de l’individu à la communauté provinciale.

La lecture romantique-réactionnaire opposant un « pays légal » à un « pays réel » correspond à cette image : les provinces auto-organisées et dont la « liberté » et les « traditions » seraient garanties par la royauté (pays réel), sont saccagés par un appareil bureaucratique-centralisateur issue d’une Révolution française qui dissout les « provinces » (pays légal).

Mais concrètement, cela signifie que le fascisme en France a comme matrice fondamentale cette formule « libertés en bas, autorité en haut », soit un État-arbitre fort, et un individu-roi car libre de s’auto-organiser dans sa province. Comme souligné dans un article précédent, l’erreur de Charles Maurras est de ne pas avoir intégré de manière formelle la République, ce que fera le Colonel de la Rocque et réalisera le Général de Gaulle avec la Ve République.

Quand le PSF du Colonel de la Rocque propose la « profession organisée » fondée sur « la coopération des diverses professions dans le cadre de l’économie régionale et nationale », ou lorsque De Gaulle formule sa doctrine de la « participation » visible en 1969 avec le référendum sur la « régionalisation », il y a cette même continuité de fond avec la formule « libertés en bas, autorité en haut ». Les lois de décentralisation entre 1982 et 1986 sous François Mitterrand confirment cette structuration mentale des français.

De fait, cette lecture n’est pas seulement liée à l’extrême-droite mais a imprimé concrètement les mentalités françaises : les gilets jaunes en ont été l’un des meilleurs exemples en date. Il n’est pas étonnant que le prototype du sympathisant d’Eric Zemmour ou de Marine Le Pen soit une sorte de « redneck » à la française, soit une personne à l’individualisme débridé qui veut pouvoir faire ce qu’il veut pour lui-même en « province », et souhaite un État fort pour lui garantir son égoïsme de beauf.

Quand Eric Zemmour déclare supprimer le permis à point ou supprimer les nouvelles limitation de vitesse, c’est dans cette même logique. Pareillement lorsque Marine Le Pen fait campagne derrière le slogan « Rendre la France aux français » ou que Florian Philippot harangue la foule sous le slogan « Libertés » lors des manifestations anti-pass, on retrouve toujours cette opposition « pays légal / pays réel », cette même vision du monde : « libertés en bas, autorité en haut » ou individualisme pour le peuple, fermeté-autorité pour l’État.

Il apparaît donc très clair que pour combattre réellement le fascisme dans ce pays, il va falloir en saisir les contours culturels et générer une contre-proposition, formuler une contre-lecture en mesure de battre en brèche une vision du monde qui a bien trop infusé dans la société française.

Par sa défense inconditionnelle du collectivisme et sa perspective d’une politisation généralisée des gens, il est clair que seule la Gauche historique est à même d’être un contre-feu crédible en bataillant tout à la fois contre l’individualisme et contre l’idée d’un État-arbitre à l’écart de toute politisation populaire.