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Face à l’OTAN, Marine Le Pen s’enfonce

On assiste au crash de l’extrême droite française.

On le sait : depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, jamais l’extrême-droite française dans ses composantes représentatives, pas plus Marine Le Pen qu’Eric Zemmour, n’a osé s’opposer réellement à l’Otan.

Encore lors de la rentrée parlementaire du 3 octobre, pas un député du Rassemblement national n’a eu le courage de refuser l’adoubement général et belliciste de l’Assemblée nationale, alors ornée de drapeaux ukrainiens, à l’ambassadeur de Kiev en France.

Lors d’une interview sur l’émission « Punchlines » animée par Cnews-Europe 1, chaînes connues pour leur populisme outrancier, Marine Le Pen a de nouveau tenté un exercice d’équilibriste, qui se résume en fait très concrètement à un suivisme vis-à-vis de l’Otan.

Elle s’est ainsi déclarée opposée à nouvelles livraisons de canons Ceasar à l’Ukraine, au motif que cela diminuerait la « sécurité nationale ». Elle a critiqué les va-t-en-guerre et appelé à des « pourparlers », et on sent que c’est là une perspective bricolée. Puis, sans aucun esprit de conséquence avec le reste, elle s’écrase :

« Je pense que transmettre du savoir-faire, des formations à l’armée ukrainienne, du matériel de protection, des gilets pare-balles, etc., aller livrer du matériel lourd dont, encore une fois, nos armées ont besoin, est affaiblir et prendre un risque pour notre sécurité intérieure. »

Marine Le Pen adopte ainsi une posture bien timide tout en se parant des vertus de grande opposante car elle aurait été la seule qui depuis le début aurait critiqué ces livraisons d’armes lourdes.

Pourtant, on notera qu’aucun extrait de ses propos ne sont publiés sur son compte Twitter, à l’inverse de déclarations sans grande surprise sur l’immigration, l’insécurité, les difficultés sociales, etc.

Car Marine Le Pen est comme tous les autres représentants politiques : elle cherche à éviter au maximum le sujet brûlant de la guerre car elle sent que le cours de l’Histoire a dorénavant basculé en sa défaveur et qu’il lui faudrait bien expliquer, par une sacrée contorsion, qu’elle reste la voix du nationalisme français…tout en ayant abandonné la France à l’Otan, donc aux États-Unis. Alors aux contorsions, est préférée au mieux l’esquive, au pire la tiédeur centriste.

Cela pose un problème, et non des moindres, pour le nationalisme français. La France, ce n’est pas l’Italie avec une Droite et une extrême-Droite qui a toujours été pro-États-Unis et pro-Otan, du fait du partage nucléaire et des multiples bases américaines, expliquant d’ailleurs la position pro-Otan de Giorgia Meloni.

En France, pour se poser en champion du nationalisme, difficile de ne pas assumer la tradition gaulliste, dont le point d’orgue a été les années 1960 avec la mise en place de la dite « autonomie stratégique » construite autour d’une armée complète et surtout d’une « dissuasion » nucléaire déployée sur les trois champs de la conflictualité (terre, air, mer).

C’est d’ailleurs toute la subtilité des propos de Marine Le Pen : refuser l’abandon de canons Caesar pour s’attirer la sympathie de certains officiers inquiets de la situation des armées, tout en rassurant l’Otan, en fait les États-Unis, sur le soutien avec les formations militaires.

La France est en effet connue et reconnue par les pays du capitalisme occidental comme ayant une grande tradition militaire dans les modalités de formation des armées, expérience des répressions des mouvements anticoloniaux oblige.

Mais quand l’Histoire roule à grande vitesse comme aujourd’hui, la subtilité ne compte plus. Ce qui compte c’est la capacité à assumer une position fidèle à sa conception justement historique.

La vérité c’est que Marine Le Pen essaye de composer bien maladroitement entre le nationalisme et la réalité d’une France moribonde bien incapable de se maintenir sans la force de frappe économique et militaire des États-Unis.

Si la France comme nation reléguée a été la situation qui a apporté de l’eau au moulin du nationalisme-social de Marine Le Pen, cela s’est retourné en son contraire depuis le 24 février 2022, voire même depuis l’irruption de la pandémie de Covid-19.

La France est tellement rabougrie que son sort est scellé : au sein du monde capitaliste qui marche vers la guerre entre les deux superpuissances américaine et chinoise, l’avenir de la France se fera en soumission à l’Otan. Il n’y a pas d’alternative possible pour la bourgeoisie, en tous cas pour l’instant.

La fraction de la bourgeoisie représentée par Marine Le Pen n’a plus les leviers politiques, culturels, idéologiques pour s’assumer telle qu’elle est. Elle est K-O et à la dérive totale. En réalité, c’est toute la bourgeoisie française qui est dans cet état et laisse donc les États-Unis piloter tant bien que mal la marche du capitalisme occidental, en espérant pouvoir mettre quelques limites de ci, de là…

Même s’imaginer taper très dur sur les travailleurs, car il faudrait vraiment taper très, très fort, pour ramener une croissance telle que le capitalisme français pourrait s’assumer indépendant, est devenu un rêve nationaliste inatteignable. Ainsi, même un nationaliste qui chercherait à le rester jusqu’au bout, risque de basculer en fait dans le camp du socialisme.

Ce qui laisse l’espace à qui voudra assumer la Gauche historique. Car la relance générale d’une France indépendante, sur les plans économique et social mais aussi moral et culturel, ne peut se faire qu’avec la classe ouvrière au poste de commandes, avec le Socialisme.

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La Droite ne peut pas assumer la sortie de l’OTAN (et de l’UE)

Les forces à droite qui proclament cela font de la démagogie.

En France, le gaullisme a été une force de frappe idéologique et politique de très grande importance. Cela a permis à toute une fraction de la haute bourgeoisie de conserver une légitimité patriotique dans les années 1940 tout en étant anticommuniste, pour mieux revenir sur le devant de la scène dans les années 1950.

Le gaullisme c’est une grande synthèse idéologique pour la haute bourgeoisie française, combinant tout à la fois le corporatisme fasciste et le monarchisme dans une Ve République présidentialiste et le côté impérial du « cavalier seul » propre au bonapartisme.

C’est pour cela que les États-Unis se sont toujours méfiés du « mauvais élève » français, notamment lorsque le gaullisme a atteint son apogée dans les années 1960. C’est lorsque les États-Unis étaient engagés en pleine guerre du Vietnam que de Gaulle estime que la France doit sortir du commandement intégré de l’OTAN.

Mais cette politique d’indépendance nationale n’a été possible que parce que le gaullisme avait réussi le virage de la « décolonisation », en fait la transformation de l’empire colonial en zones néocoloniales, et que le capitalisme français connaissait un élan général, marqué par 6 % de croissance annuelle. De cette manière, le gaullisme a pu mettre en place un vaste complexe militaro-industriel notamment fondé sur une dissuasion nucléaire permise par les essais loin de la métropole.

Cet héritage gaulliste qui est devenu ensuite un néo-gaullisme a fourni un corpus politique et idéologique stratégique toujours plus porté par l’extrême droite dans les années 2000.

Le grand tournant a notamment été la réintégration en 2007 de la France dans le commandement intégré de l’OTAN décrétée par Nicolas Sarkozy, mettant fin au néo-gaullisme qui était encore assumé par la Droite comme lors du refus de l’intervention américaine en Irak en 2003.

Depuis la pandémie de Covid-19 qui a miné tous les capitalismes nationaux les faisant se dresser les uns contre les autres dans le cadre d’une nouvelle guerre de repartage impérialiste, l’idée d’une indépendance nationale française en dehors de l’OTAN (et de l’UE qui est une excroissance) est une illusion.

Les fractions minoritaires de la Droite nationaliste qui promeuvent cette stratégie ne font qu’user d’un héritage qui a un écho populaire mais qui restera lettre morte tant le capitalisme français n’a plus les moyens d’une telle orientation.

Car le capitalisme français des années 1960 ce n’est pas celui de 2022 ! Avec 0,5 % de croissance annuelle et un endettement de près de 130 % de son PIB, une société minée par les comportements individualistes-consommateurs, l’appel au retour à la France gaulliste est un mirage qui chante simplement aux esprits nostalgiques.

Comment feront les Philippot, Asselineau et autre Dupont-Aignan pour assurer à la France sa base capitaliste face à la concurrence russe, chinoise et indienne sans l’appui des milliards américains, et surtout de son immense parapluie militaire dans le monde ? Avec le contexte d’inflation généralisé et les ruptures d’approvisionnements en matières premières, que feront ces patriotes pour assurer l’économie capitaliste française ? De quelle illusion se bercent-ils ?

En Italie, Georgia Meloni, supposée être pour la sortie de l’UE, négocie avec Mario Draghi pour constituer un gouvernement technique. Sans les subventions européennes, l’Italie capitaliste s’effondre, de même que sans les 770 milliards de dollars que les États-Unis injectent chaque année dans leur force militaire, l’Italie n’aurait pas les moyens de sa « défense » nationale, et donc de ses parts de marché.

Mais il faut voir aussi comment tous les députés du RN ont applaudi l’ambassadeur ukrainien le 3 octobre à l’assemblée nationale pour se convaincre que ces gens ne sont bel et bien qu’au service de la bourgeoisie et du capitalisme français, qui ne pourra se relancer sans l’appui militaire des États-Unis.

Il ne faut donc pas croire un instant les néo-gaullistes français qui s’imaginent revenir aux années 1960. Le basculement du monde dans la guerre de repartage impérialiste depuis la pandémie de Covid-19, puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, rend à la Droite nationaliste ce mot d’ordre concrètement impossible, ou si ce n’est par démagogie pour attirer les faveurs d’une partie des gens.

Car dorénavant l’idée d’une sortie de l’OTAN (et de l’UE) n’est plus une simple option de politique internationale sur le mode d’un « choix géopolitique », mais une perspective antagonique avec l’appareil d’État lui-même et tout le mode de vie à l’américaine qui s’est réellement implanté en France à partir des années 1990.

La sortie de l’OTAN, c’est la remise en cause de la superpuissance américaine dans sa capacité à avoir orienté toute l’accumulation capitaliste au sortir de la seconde guerre mondiale, réimpulsée au tournant des années 1980-1990. En 2022, dans les puissances de second ordre comme la France, on ne peut plus vouloir un capitalisme national en dehors des positions fortifiées par les États-Unis.

Et comme on ne peut plus dissocier les deux, alors la sortie de l’OTAN exige en réalité une Gauche historique fidèle au mouvement ouvrier capable d’aller à la rupture pour réorganiser l’ensemble de la base productive. Bref, on ne peut assumer la sortie de l’OTAN si l’on assume pas également le Socialisme : le temps du néo-gaullisme est fini, place à la classe ouvrière et au socialisme.

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Meurtre de Conflans-Sainte-Honorine: le général Pierre de Villiers ne rate pas l’occasion de se placer

Le général Pierre de Villiers est ancien chef d’État-Major des armées et s’est fait connaître en démissionnant avec fracas en 2017, accompagnant cela d’un discours nationaliste faisant de la figure du chef militaire autoritaire un recours pour la France.

> Lire également : Néogaullisme: le général Pierre de Villiers appelle à remettre de l’ordre

Depuis, il intervient régulièrement pour mettre en avant ce discours et se placer lui-même comme la figure potentiellement à même de « redresser » le pays. La Droite adore, notamment celle qui est proche de l’extrême-Droite, et c’est tout naturellement que Le Figaro lui a offert une tribune après l’attentat contre le professeur d’Histoire-Géographie à Conflans-Sainte-Honorine.

Il faut noter que cette tribune est accessible gratuitement en ligne, ce qui est rare pour les articles de ce genre sur le site du Figaro ; il s’agit là de diffuser au maximum la figure du général Pierre de Villiers, qui profite naturellement de la situation pour se placer. Se placer pour quoi ? Pour apparaître comme le sauveur, apolitique et désintéressé bien sûr, dans la grande tradition française des anciens militaires faisant prétendument don de leur personne.

Ce qu’il a à dire est très simple, et extrêmement bien formulé. Il ne faut pas « céder à cette intimidation barbare » et ne pas avoir « peur », il y a trop de « paroles » et pas assez « d’actes », il faut donc une politique nationale forte assumant l’autorité.

Il est donc fait appel à la mobilisation nationaliste, en expliquant que le problème de l’islamisme serait principalement celui de l’agression de la France, comme il le dit en introduction de son propos :

« c’est une attaque à l’existence même de notre nation, de notre civilisation. »

Cela est faux, car ce qui est en jeu est la Raison, l’Humanisme, la culture en général, de manière universelle, et pas la nation française en tant que telle. Mais cela n’intéresse pas Pierre de Villiers, qui relève lui-même de l’arriération religieuse ; c’est un catholique, il le revendique, il a contribué à une formation du très droitier ICHTUS (Centre de formation à l’action civique et culturelle selon le droit naturel et chrétien).

Selon lui, de manière démagogique, il suffirait de renvoyer les imams qui posent problème, tout en ayant une politique militaire française forte. C’est d’ailleurs avec cela qu’il conclut, car le militarisme est sa proposition stratégique, c’est le contenu de son nationalisme, avec l’idée de la France comme grande puissance pesant grâce à son armée, et se régénérant grâce à l’autorité militaire :

« Pendant mes dix dernières années dans les armées, j’ai, à ma place, participer au combat contre le terrorisme islamiste, cette idéologie qui prône la barbarie, car cette dernière n’est pas un moyen mais une fin. Nos soldats, marins et aviateurs contribuent à cette défense de l’avant, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Ils méritent aussi d’en être remerciés. Cette guerre est mondiale. Elle vise la France prioritairement. Plus que jamais, nous devons retrouver notre unité et nous réconcilier, au-delà de nos diversités. L’amour de la France est notre espérance. »

Pour le reste, Pierre de Villiers formule les choses très habilement et avec beaucoup de mesure, dans une perspective politique évidente. Il explique qu’il serait temps « d’aider la communauté musulmane de France à former les imams » et qu’il faut aller chercher les islamistes dans les « cités », où « [les] populations [sont] dans leur grande majorité de bonne volonté. »

> Lire également : Valeurs Actuelles en appelle au militaire Pierre de Villiers pour la tête de l’État

On apprend étrangement au passage que la Mauritanie serait « un exemple », qui aurait « réussi à contenir le terrorisme »… On se demande alors pourquoi le Ministère des Affaires étrangères considère encore la Mauritanie comme à risque à propos du terrorisme, avec plus de la moitié du pays où il ne faut surtout pas se rendre, et une vigilance renforcée à avoir pour le reste du territoire !

Mais ce qui intéresse surtout Pierre de Villiers le militaire, c’est que la Mauritanie (une « république islamique ») est aux mains des militaires, avec le président Mohammed Ould Ghazouani qui est un général ayant succédé à un général ayant pris le pouvoir par la force en 2008, avec des groupes spéciaux d’intervention quadrillant littéralement le pays et un État orientant massivement le budget vers l’armée plutôt que l’éducation ou la santé.

Voilà donc son modèle, qu’il veut transposer en mode catholique pour la France, avec cette prétention, caractéristique de la Droite, à constituer une élite « protectrice » pour le peuple, par l’autorité du chef :

« Il est temps aussi de comprendre que le premier devoir d’un Etat est de protéger ses concitoyens, en donnant à celles et ceux qui en ont la charge les moyens de leur mission. Je pense en particulier aux services de renseignements, aux forces de sécurité, à tous ceux qui de près ou de loin participent à l’éducation de notre jeunesse. »

Tout cela n’amène pas à grand chose… pour l’instant. C’est une manière de s’installer dans le paysage, d’assembler des éléments pour légitimer le recours à un moment donné. Le général dira que depuis longtemps il cherche à contribuer, sans prendre parti, qu’il est inquiet pour la France, etc. Le fait que cela ne soit pas dénoncé dès le départ par la Gauche est une très mauvaise chose, c’est une grosse erreur de par la tradition politique de notre pays où le général, le maréchal, sort souvent de sa boîte pour jouer au sauveur.

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Marion Maréchal prône une «alliance latine» à Rome

Présente à Rome pour une conférence internationale de néo-conservateurs, Marion Maréchal y a soutenu l’idée d’une « alliance latine ». Cette alliance permettrait, pour elle, une véritable dynamique qu’on doit qualifier de « conservatrice révolutionnaire ».

Marion Maréchal était à Rome en Italie ce mardi 4 février 2020 pour tenir un discours lors d’une conférence internationale sur le « national-conservatisme ». Elle y a parlé en anglais… d’une « alliance latine », ce qui est un paradoxe, mais aussi une manière de marquer sa différence, ou plus exactement sa convergence avec les conférenciers.

Ce thème de « l’alliance latine » (et catholique) avait été celui de Charles Maurras dans les années 1930, qui souhait unir le fascisme italien et son Action française, dans une perspective différente et opposée au national-socialisme allemand. L’Autriche fasciste entièrement aux mains de l’Église catholique, farouchement opposée au nazisme pangermaniste, prônait le même rapprochement, qui a fonctionné un temps.

On est ici dans une perspective plus agraire, plus catholique, plus traditionnelle, plus conventionnelle surtout. On est ici chez Salazar, Dollfuss, Pinochet et bien sûr Franco. Marion Maréchal était justement à Madrid la semaine dernière pour lancer la branche espagnole de son École « science-po » de droite, l’ISSEP. Elle avait expliqué pour l’occasion :

« je suis convaincue que les pays latins, Italie, Espagne et France notamment, ont la clef de l’avenir européen. C’est pourquoi je crois très important de s’attacher à la formation des futures élites de ces pays. »

Il va de soi que c’est tout à fait là satisfaire l’idéologie monarchiste espagnole, ainsi qu’au Vatican. L’idée est simple : la civilisation nécessiterait une révolution conservatrice. Il faut que les plus méritants, les plus porteurs de la stabilité, soient aux commandes :

« Nous sommes le nouvel humanisme de ce siècle. Pourquoi ? Parce que nous connaissons et défendons tous les besoins de l’âme humaine : ordre, liberté, obéissance, responsabilité, hiérarchie, honneur, sécurité. Tous ces besoins essentiels à l’être humain. »

Dans son discours à Rome, elle a présenté cela comme suit le principe de « l’alliance latine » :

« J’imagine une alliance latine entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Une alliance latine qui marcherait avec le groupe de Visegrad [Pologne, République Tchèque, Hongrie, Slovaquie – NDLR]. Une alliance qui garderait le lien avec la Grande-Bretagne et la Russie ».

On aura compris évidemment ici deux choses : tout d’abord, que Marion Maréchal ne croit pas du tout en la démagogie sociale-nationaliste, mais privilégie un nationalisme culturel et religieux. Ensuite, qu’elle prône très clairement une rupture avec toute la sphère influencée de près ou de loin par l’Allemagne. Cette idée d’alliance vise très clairement à faire contre-poids.

On a la même « peur » française d’une hégémonie allemande que dans les années 1910 et 1930, avec notamment Charles Maurras comme chef de file d’une « alliance latine » pour faire contrepoids. Avec, pareillement, l’idée d’un repli :

« Nous n’avons pas d’autre choix que de reconstruire nos frontières. Il n’y a pas d’autres choix que de protéger notre agriculture en tant que secteur stratégique, pas d’autres choix que de chercher à produire le plus possible sur place. Il n’y a pas d’autre choix que de fonder notre pouvoir non pas sur des chiffres mais sur l’ingéniosité ».

Charles Maurras et l’Action française n’ont jamais prétendu autre chose : il y a un côté autarcique très marqué, une forte volonté de temporiser, de maintenir les fondamentaux car le moment n’est pas encore opportun.

Idéologiquement, la base est la même d’ailleurs, puisqu’on a le refus d’une élite coupée du « pays réel », ainsi que le refus de toute idéologie bien déterminée, au nom du pragmatisme.

« La France est aussi connue comme l’État nation par excellence. Qu’est-ce qui a disparu à l’époque des technocrates et des juges européens qui ignore la volonté du peuple ? »

« Cette grande idée que le conservatisme n’est pas une norme, ce n’est pas une doctrine fixe. C’est avant tout une disposition d’esprit. Le génie de chaque peuple a traduit à sa manière le besoin universel de conservation de la société. »

On est là dans un romantisme national très 19e siècle, ce qui n’est pas mal en soi, bien au contraire… si ce romantisme était authentique et uniquement populaire. Car on se doute que Marion Maréchal a beau parlé de « révolution conservatrice », son objectif réel n’est pas de faire lire Racine, de faire savoir apprécier La Bruyère, de faire sentir les choses comme Du Bellay, de faire penser comme Montaigne, de faire écrire comme Balzac.

> Lire également : Marion Maréchal s’aligne sur l’Action française

Cela sera d’ailleurs le moyen essentiel de dénoncer la « révolution conservatrice » que de la démasquer comme une construction par en haut. Naturellement, seule la Gauche historique peut mener un tel combat, et pas les postmodernes dont la vision du monde est la même que Coca Cola, Google et Louis Vuitton.

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Marion Maréchal s’aligne sur l’Action française

Si les « identitaires » ont été un véritable succès d’exportation, l’extrême-Droite française s’est méfiée de ce néo-existentialisme qui, finalement, est plus apprécié par les postmodernes qu’autre chose. Avec son « alliance latine », Marion Maréchal prône donc un alignement sur l’idéologie de l’Action française.

Identitaire ou conservateur révolutionnaire ? Il y a une différence majeure entre ces courants, ainsi qu’avec le fascisme. Le fond est bien entendu assimilable, car il s’agit de mouvements s’opposant à la Gauche, à la classe ouvrière. Mais les axes ne sont pas du tout les mêmes.

Marion Maréchal a ainsi participé le 4 février à une conférence à Rome intitulée « National Conservatism Conference ». Le titre est en anglais, la conférence précédente était à Washington, les organisateurs sont américains. Il s’agit de la Fondation Edmond Burke, un « think tank » surfant sur la vague Donald Trump.

Son dirigeant est l’Israélien et religieux juif orthodoxe Yoram Hazony, qui reflète ici le sionisme religieux apparu ces trente dernières années, avec toute sa pesanteur conservatrice associée à une religiosité bornée.

On n’est pas du tout ici dans une mise en perspective identitaire, racialiste, ou bien idéaliste, fasciste. D’ailleurs, affiché en grand derrière les orateurs, on pouvait lire écrit en anglais :

« Dieu, honneur, pays : le président Ronald Reagan, le pape Jean-Paul II et la liberté des nations »

Si l’on voit cela, et qu’on note le fait que Marion Maréchal a prôné une « alliance latine » comme Charles Maurras, alors on comprend qu’il y a un alignement sur l’Action française. Cette image mise en avant par l’Action française établit très bien la différence entre le « conservatisme révolutionnaire » et le populisme fasciste, à prétention contestataire.

Marion Maréchal a d’ailleurs directement fait allusion à la ligne de l’Action Française en parlant de « légitimisme » et de catholicisme social :

« [en France] il n’y a plus de mouvement conservateur depuis la Troisième République, mais il y a eu des moments conservateurs depuis la Révolution [comme] le légitimisme, le catholicisme social ou le gaullisme »

Parallèlement à cela, la question de l’héritage catholique a été plus directement au cœur de son discours, qu’elle a d’ailleurs terminé de manière lyrique à propos de Notre-Dame de Paris :

« Devant ces flammes, les Français ont ressenti ce besoin intense de préserver. Certains ont vu cet événement comme un symbole : celui de notre société mourante. D’autres, un signal d’alarme pour la vulnérabilité du patrimoine. Je préfère y voir une promesse d’espoir : celle des fondements encore debout de notre civilisation malgré les périls de l’époque ».

L’Action française ne dit pas autre chose. Elle a également dit :

« La France a été considérée pendant des siècles comme la « Fille aînée de l’Eglise ». Que reste-t-il de cela, quand mon pays est devenu l’arrière-cour du salafisme ; à l’heure où 150 quartiers français sont aux mains des islamistes ? »

C’est très précisément la thématique de l’Action française, là encore.

Elle a également repris le thème des gilets jaunes, qu’elle avait déjà abordé l’année dernière, en se félicitant qu’il s’agisse d’un équivalent français des « brexiters » britanniques (ce en quoi elle a tout à fait raison), qui a été selon elle été « moralement blâmé et réprimé physiquement ».

Elle voit en eux la preuve que :

« Les Français ont le sentiment qu’une approche conservatrice est devenue une nécessité vitale pour protéger leur patrimoine matériel et culturel ».

Ici encore, on a la même position que l’Action française, avec l’opposition entre une élite corrompue, pourrie, et un peuple révolté attendant des chefs qui « méritent » d’être chefs.

> Lire également : Marion Maréchal prône une «alliance latine» à Rome

On a donc un alignement. Marion Maréchal vise la même chose que l’Action française : la formation d’une élite conservatrice, propre sur elle, sans regard sur l’origine ethnique, avec comme horizon romantique le passé, comme idéologie l’enracinement, le repli sur un minimalisme ayant comme garant une figure patriarche, un « roi », ou un président de la Ve République venant de l’armée.

Elle se distingue ici très clairement de l’approche social-nationaliste de Marine Le Pen, qui elle est plus directement concurrencée par les tenants du « Frexit ».

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Astérix le Gaulois: une flatterie réactionnaire

Le dernier album des aventures d’Astérix est un succès qui s’inscrit dans une offensive commerciale de grande ampleur. Ce succès et ce soutien public reflètent un cadre bien précis que toute personne de gauche ne peut pas manquer de voir : celui d’un renforcement sur le plan de la culture de la tendance au populisme voire même au néogaullisme sous une forme qui se voudrait ici populaire, anodine et consensuelle.

Le 38e album des aventures d’Astérix le Gaulois sorti le 24 octobre 2019 a donc été  un réussite commerciale. Le tirage initial a été de 2 millions d’albums en français (presque autant en allemand). En 4 jours il s’en est vendu plus de 550 000. Une réédition est d’ors et déjà amorcée. Une édition de luxe, dédicacée par les auteurs, à plus de 150 euros l’unité a aussi été diffusée.

Les derniers albums en regard de cela n’avaient pas connu un franc succès de par le caractère confus des intrigues, donnant souvent à juste titre l’impression d’un travail bâclé, sans esprit, sans lien même avec le style fondateur mis en place par le dessinateur Uderzo et le scénariste Goscinny. Cela cherchait simplement à surfer sur une franchise qu’il fallait entretenir coûte que coûte. Ce n’est pas, ou plus, le cas avec cet opus.

L’album vise à assumer de manière très affirmée ce que représente Astérix dans le dispositif « culturel » de la France d’aujourd’hui. On est bien obligé de mettre des guillemets en parlant ici de « culture », puisque, en fait il s’agit essentiellement d’une caricature de la culture française, d’une caricature de l’histoire française et d’une caricature de la société française.

Cela ne serait pas encore trop grave en soi si cela ne relevait pas d’un cadre politique bien précis. Car Astérix en général et cet album en particulier a une incontestable dimension politique : celle du bon mot, du bon sens, du « ni droite ni gauche », celle pour tout dire de l’esprit beauf pseudo-populaire alliant vulgarité et mélancolie comme un trait distinctif de la psychologie voire de l’identité du « Français ».

Les personnages d’Astérix ont ainsi une apparence populaire, ronde, colorée et lumineuse, franche, avec des caractères affirmés qui semblent authentiques. Ils évoluent dans un cadre rassurant, celui d’un petit village où les gens viennent d’un peu partout au fond, se chamaillent souvent mais qui sont tous néanmoins « d’ici ».

Un petit village animé par des activités de petits producteurs indépendants, sans présence significative d’échanges commerciaux, autogérés et suffisants, où tout le monde se connaît et où la vie politique est de fait inexistante, au point où le « chef » du village n’a en réalité aucun pouvoir ni même aucun relief particulier.

Bien sûr, le village est assiégé, par un ennemi militarisé et universel, qui occupe d’ailleurs la Gaule, vue comme une allégorie de la France. Mais si le petit village résiste, il ne fait pas non plus face toutefois à une agressivité particulièrement brutale des Romains, qui sont presque acceptés comme tels et qui sont de toute façon tenus à distance par la « potion magique » du druide du village.

Surtout, le village n’envisage à aucun moment d’élargir la lutte ou au moins une sorte de reconquête. Il accepte le monde, en le tenant simplement à distance de son sanctuaire, et le fréquente comme bon lui semble et selon les termes qui l’arrangent, de façon unilatérale et sur le mode de l’aventure. Chaque histoire se termine d’ailleurs traditionnellement par un banquet collectif, censé représenter les origines du «gueuleton à la française».

Inutile de dire à quel point ce tableau a une dimension réactionnaire. Mais c’est justement cela qui parle. Cet esprit néo-gaullien a l’ambition de proposer le reflet de ce que serait la France, son esprit et son peuple. C’est-à-dire la France de droite, il faut bien le dire.

Mais cette France de droite a un puissant dispositif culturel hérité du catholicisme : celui de la conciliation, de la concorde cocardière et franchouillarde. Cela n’est pas à négliger pour les personnes ayant une sensibilité de gauche. Et cet album joue typiquement de ce ressort.

Voyons rapidement l’histoire : un groupuscule de résistants nommé le FARC (Front Arverne de Résistance Checrète : les Arvernes étant dans l’univers d’Astérix des pseudo-auvergnats du début du XXe siècle, ils sont systématiquement caractérisés d’un accent chuintant) arrive au village avec l’intention de passer clandestinement à Londres pour y organiser leurs activités de résistance face aux Romains.

Ils sont poursuivis par des collaborateurs gaulois, dont le chef Adictosérix, (notons le nom qui sonne au passage comme un reproche anti-moderne), cherche à entraver leur projet et surtout à mettre la main sur leur signe de ralliement : un torque que Vercingétorix a confié à son héritier pour l’enjoindre à poursuivre la lutte. On apprend rapidement que l’héritier en question est une jeune fille : Adrénaline.

Le parallèle avec Jeanne d’Arc est évident, mais comme une jeune fille de notre époque, Adrénaline a toutes les caractéristiques d’une adolescente, ou pour le dire plus exactement de la caricature des adolescentes vues de la droite : d’abord « féministe », c’est-à-dire caractérielle et individualiste, au point finalement de renoncer à sa mission providentielle pour vivre une histoire d’amour sur une île exotique appelée Thulé.

Il est impossible que les auteurs ignorent ce que Thulé signifie dans la culture de la Droite réactionnaire. La société secrète Thulé est considéré comme une des sources du nazisme. Cette simple allusion au milieu d’un tel dispositif est au mieux un relativisme littéralement irresponsable, au pire une volonté de diffuser des thèmes d’extrême-droite au motif de la légèreté.

D’ailleurs, la Thulé en question s’avérera une sorte de paradis tropical métissé ou plutôt ethno-différencialiste où Adrénaline et son amoureux élèveront des enfants blancs, noirs et asiatiques dans une douce insouciance.

La lecture de cette soupe ne peut être qu’écoeurante pour une personne ayant une culture de gauche un tant soit peu développée. Les références sous-entendues, qui font précisément la marque de la série, croisent sans répit les allusions allant de l’extrême-gauche (les FARC par exemple) à l’extrême-droite (le mythe de Thulé), les clins d’oeil aux libéraux (Astérix et Obélix faisant quasiment figure de couple homoparental confronté à l’éducation d’une adolescente en pleine crise existentielle) et aux conservateurs (la mission providentielle de la jeune fille incarnant l’esprit national qu’Adrénaline avant de disparaître révèle qu’il s’incarne dans tout Gaulois résistant et notamment dans le village dans son ensemble).

Tout cela est littéralement du populisme. On sort de la lecture avec l’image d’un village et même d’une Gaule diverse mais unie au bout du compte derrière ses figures et par son esprit et sa certitude de ne pas être concerné par l’universalisme romain. Et si l’universalisme serait désirable, ce serait ce paradis exotique et individuel où Adrénaline se retranche. Le « monde réel » des Gaulois étant marqué par la concorde agitée du village tel qu’il est et tel qu’il reste face au reste du monde.

Un lecteur libéral pourra bien trouver quelques allusions trop « réac » tout comme un lecteur réactionnaire trouvera bien des références trop post-modernes à son goût. Mais les deux ne peuvent rater ici l’essentiel : au bout du compte, la concorde l’emporte et c’est le village qui encore une fois triomphe. C’est précisément en cela que la dimension culturelle de cet album en particulier, mais aussi de l’ensemble de la série Astérix en général, est politique.

À nier la lutte, à prêcher la concorde, le retranchement fataliste, le refus de l’universel, la mélancolie et le mysticisme, Astérix est une oeuvre incapacitante, une flatterie masquant l’individualisme le plus vil derrière un pseudo-panache identitaire. Il est littéralement et dans le mauvais sens du terme, une caricature de la France de sa culture et de son peuple.

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Politique

Néogaullisme: le général Pierre de Villiers appelle à remettre de l’ordre

L’invitation du général Pierre de Villiers sur RTL en dit long sur la tendance actuelle traversant la société française, celle du coup d’État. Quelle autre raison y aurait-il à inviter l’ancien responsable de l’armée française, qui plus est pour appeler à… « remettre de l’ordre », et cela en pleine mobilisation syndicale ?

« Il faut remettre de l’ordre, ce n’est pas aujourd’hui qu’on peut dire le contraire. On ne peut pas continuer comme ça » nous dit le général. Pas moins. Et la journaliste de RTL lui demande même s’il est prêt à prendre le pouvoir !

Le général a été invité le lundi 16 décembre 2019, la veille d’une nouvelle mobilisation dans les rues en soutien à la grève contre la réforme des retraites ayant commencé il y a douze jours. Il est donc sciemment employé comme contre-tendance au mouvement de grève alors que la période de Noël s’approche.

La première question posée est d’ailleurs :

« C’est la chienlit, mon général ? »

C’est une allusion aux propos de Charles De Gaulle en mai 1968, mais également au fait que la Ve République est née d’un coup d’État rétablissant « l’ordre ». Celui qui fut chef d’État-Major des armées de 2014 à 2017 a répondu de manière démagogique comme il se doit, regrettant que le pays ne soit pas capable de fêter Noël ensemble, ne manquant pas de présenter Noël comme une « tradition sur notre continent européen », ainsi qu’une « tradition française très ancrée ».

Particulièrement brillant dans son calcul, dès la troisième question sur ce que lui inspire la grève, il explique que la situation illustre ce qu’il a expliqué dans son ouvrage « Qu’est-ce qu’un chef ? » : il faut « retisser la confiance » dans le pays. D’ailleurs, le prétexte à son invitation est la sortie au format livre de poche de son ouvrage. Il existe une vaste campagne pour le médiatiser, le populariser, bref pour présenter le général comme un recours.

Le général a souligné que l’armée n’était pas un modèle « transposable », mais un bon laboratoire pour rétablir des corps intermédiaires dans le pays. Ce qui signifie, en clair : développer le corporatisme, caporaliser. Le général explique même que l’armée incarne la nation dans sa globalité et que donc, somme toute, c’est même là d’où il faudrait tirer les recettes pour réussir !

La perspective nationale-catholique est toute tracée, puisque le général reproche que dans notre pays il n’y ait pas assez de fermeté, et pas assez « d’humanité, d’amour ». Le général dit même :

« L’État est chargé d’organiser la vie de la cité. »

« Le rôle de l’État est d’ordonner la vie de la cité. »

Tel est le point de vue de la réaction, effectivement. La Gauche pense le contraire. Et la journaliste Alba Ventura de RTL est une fieffée servante de la réaction. Les dernières questions sont d’une servilité absolue, au point d’étonner le général :

« – Vous pensez qu’un général peut gouverner notre pays ?

– [Un temps.] Je pense qu’un général l’a déjà fait. Mais, si c’est…

– Je pense à vous, puisque vous écrivez des solutions pour notre société, pour notre nation. Est-ce que ça vous titille ?

– [Grand sourire.] J’ai déjà dit que je ne ferai pas de politique, je ne ferai pas de politique. »

Le général nous prend pour des idiots : tout le monde sait qu’un coup d’État se veut un « rétablissement » de l’ordre et non pas une action « politique ». En parlant ainsi, il se place comme « au-dessus » de la politique, et donc précisément comme l’homme du recours, du dernier recours…

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Politique

Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Benjamin Stora dénonce un article à charge de la revue réactionnaire Valeurs Actuelles comme étant antisémite. C’est pathétique et il est dramatique que son communiqué ait été beaucoup relayé à Gauche.

Valeurs Actuelles est une revue incontournable quand on est de Gauche et qu’on veut faire de la politique, car c’est l’expression peut-être la plus avancée de l’ennemi. C’est une revue de haut niveau, exprimant la Droite voulant l’alliance avec l’extrême-Droite, dans un esprit néo-gaulliste toujours prompt à espérer en l’armée un recours efficace, etc.

Qualifier Valeurs Actuelles d’antisémite n’a donc aucun sens. D’ailleurs, vue son poids social et politique, si elle était antisémite, elle l’assumerait. On a ici des intellectuels, des grands bourgeois, des gens aux plus hauts postes de la société française et il ne leur viendrait pas à l’idée de ne pas assumer.

Benjamin Stora a donc tout faux. Quels sont ses arguments d’ailleurs ? Il dit la chose suivante :

« Cet article est antisémite, voici pourquoi.

C’est le portrait d’un homme avide d’ambition et d’honneurs qui est ici dressé, hantant les couloirs du pouvoir, à la recherche de récompenses. C’est une description s’inscrivant dans la tradition classique antisémite des « juifs de cour » que l’on pouvait lire dans la presse d’extrême-droite au moment de l’Affaire Dreyfus, par exemple à propos de Bernard Lazare.

C’est une attaque fondée sur une description de mon physique. Ma prise de poids, notion qui revient à trois reprises dans l’article, s’explique non par les épreuves traversées dans ma vie (la perte de mon fille victime d’un cancer, mes crises cardiaques, ou les violentes agressions venant du monde intégriste dans les années 1990), mais par ma progression dans les couloirs du pouvoir. Cette obsession sur mon poids suggère l’expression d’un enrichissement, qui peut également se lire dans la presse antisémite, appliquée par exemple à Adolphe Crémieux ou Léon Blum.

C’est une charge contre les intellectuels qui travaillent dans un cadre universitaire, donc qui fabriquent un « Système », et des histoires officielles. Là encore, la haine des intellectuels d’origine juive est une vieille recette, déjà appliquée à des hommes comme Jacques Attali (cité dans l’article). »

Ce type est historien ? On ne le croirait pas à le lire. La thèse antisémite des « Juifs de cour » n’a jamais existé en France, elle n’est propre qu’à là où il y a une cour… Il faut donc se tourner vers la Grande-Bretagne avec Benjamin Disraeli (le grand modèle du « juif de cour » d’ailleurs seulement d’origine juive) ou l’Autriche-Hongrie (avec l’importance de certaines banquiers juifs).

La thèse de la prise de poids associée à un enrichissement est tellement forcée qu’elle est pathétique. Valeurs Actuelles présente une thèse très simple dans son article, une thèse qu’elle affirme régulièrement : les anciens révolutionnaires font carrière et sont la caricature de leur jeunesse. C’est ce qui est fait là, tout simplement.

Le troisième argument est « la haine des intellectuels d’origine juive ». Benjamin Stora est ici ridicule. Il suffit de consulter les couvertures de la revue : on y voit régulièrement Eric Zemmour et bien souvent Alain Finkielkraut. La tendance de Valeurs Actuelles est d’ailleurs bien plus de pousser à faire basculer les Juifs à Droite toute en jouant sur la peur des Arabes.

> Lire également : La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

Benjamin Stora nuit donc puissamment à la lutte contre l’antisémitisme avec ses élucubrations. Quant aux 285 membres de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) qui ont « découvert avec consternation l’attaque nauséabonde de Valeurs Actuelles » contre Benjamin Stora, ils ne sont tout simplement pas sérieux. Espérons au moins qu’à l’époque ils se soient mobilisés contre Dieudonné. Mais on peut en douter.

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Guerre

L’objectif de Marion Maréchal : une «révolution conservatrice» sur les décombres du «progressisme»

Marion Maréchal est une figure politique dans la lignée des Trump, Bolsonaro, Duterte, Poutine, Boris Johnson, Erdogan, etc. Elle sait que son heure viendra, car le repli du capitalisme sur sa base nationale est inéluctable pour la France également. La question est de savoir comment poser les éléments pour surgir de l’inévitable crise du « progressisme » d’Emmanuel Macron et de la Gauche post-moderne. C’est ce qu’elle a cherché à expliquer à la première convention de la Droite.

Si l’on regarde bien, Marion Maréchal a formulé trois axes fondamentaux pour la « révolution conservatrice » lors de la convention de la Droite. Il s’agit d’une véritable rupture avec le schéma traditionnellement conservateur-républicain, dont Jacques Chirac était par exemple un représentant.

Normalement, en effet, la Droite n’appelle pas à purger l’appareil d’État. Les seuls appelant à le faire est le PCF, qui appelle depuis les années 1960 à modifier le régime de l’intérieur. L’extrême-Droite authentique (donc pas vraiment Jean-Marie Le Pen) et les révolutionnaires de Gauche appellent directement à un changement de régime.

Or, Marion Maréchal appelle à la purge de l’appareil d’État :

« N’attendons pas que l’État nous sauve, actuellement il est phagocyté par une idéologie et des intérêts contraires à l’intérêt national. »

C’est l’équivalent de la ligne du PCF, mais inversé. Le PCF appelait à un Programme commun pour arracher l’appareil d’État aux monopoles, par l’unité populaire pour s’approprier par l’autogestion l’économie elle-même. Marion Maréchal appelle à une restructuration par en haut, par une Droite sur une ligne idéologique bien déterminée.

Le modèle n’est pas du tout le fascisme italien, ni le national-socialisme allemand, mais clairement la révolution conservatrice telle que théorisée en Allemagne, éventuellement l’austro-fascisme (mais il est trop directement sous dépendance cléricale), surtout le franquisme, historiquement une alliance des ultras-conservateurs avec une petite extrême-Droite mouvementiste et terroriste.

Le but de Marion Maréchal est ainsi de construire une Droite directement appuyée par tout un milieu, un véritable bastion implanté dans l’économie elle-même. Il ne s’agit pas de construire un mouvement populaire de l’extérieur des milieux capitalistes, puis de se vendre le plus tôt possible (et non pas, comme certains interprètent le fascisme italien ou le nationalisme-socialisme allemand, seulement à la fin).

Il s’agit de former un camp militant, offensif à tous les niveaux :

« Nous devons bâtir sur le roc, pas sur des coups médiatiques ! Par les idées, par les loyautés, les réseaux, des élus locaux, des soutiens financiers, culturels, intellectuels, par la confiance des entreprises. »

C’est extrêmement ambitieux, car seule une petite partie du capitalisme est favorable à une telle ligne dure. Seulement, les grandes entreprises sont ambitieuses à l’internationale et donc ouvertes à un tel projet. Et il suffit d’une crise approfondie se produisant pour que tout vacille et que le capitalisme se meuve vers une ligne dure.

> Lire également : «Convention de la Droite» le 28 septembre : l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

On l’aura compris : la clef, à l’arrière-plan, c’est l’armée. C’est elle qui traditionnellement impose les changements de régime. La Ve République est elle-même née d’un coup d’État militaire.

À la convention de la Droite, Marion Maréchal a souligné cette dimension essentielle de l’armée, combinée aux ambitions de la France :

« Il nous faut une armée de qualité, c’est la garantie de nos capacités diplomatiques. Nous sommes présents sur les cinq continents. »

Encore une fois, dans les conditions actuelles, tout cela semble bien vain. Le Monde et Libération sont contre, Le Figaro n’est pas pour, et le « progressisme » a le vent en poupe avec son libéralisme culturel se généralisant dans tous les domaines.

Mais ce qui est attendu, c’est le retour de bâton, qui ne peut être que virulent de la part d’une société qui va être écœurée d’elle-même. La victoire du « progressisme » sera son inéluctable défaite. Le miroir social sera tellement déformé que plus rien ne tiendra. En attendant ce moment, Marion Maréchal compte gagner en crédibilité et établir ses réseaux, pour agir très vite le cas échéant.

La Gauche sera-t-elle en mesure de faire face à un tel défi ?

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«Convention de la Droite»: l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

Une partie de la Droite française se reconstitue autour d’un néogaullisme conquérant et farouchement opposé à la Gauche, en visant l’hégémonie dans son propre camp. C’est précisément dans ce cadre que s’inscrira la « Convention de la Droite », prévue le 28 septembre à Paris en présence de Marion Maréchal et d’Eric Zemmour, ainsi que d’un certain nombre de personnalités importantes de la Droite conservatrice et de l’extrême-Droite.

C’est le magazine L’incorrect qui organise cette convention avec les associations « Racines d’Avenir » (un mouvement issu des Républicains et destiné à la jeunesse) et « Cercle Audace » (un réseau issu du Front national et tourné vers l’union « des Droites »).

Doivent y participer tout autant des personnalités de LR comme Xavier Breton, député de l’Ain, que des personnalités du Rassemblement national comme Gilbert Collard, Robert et Emmanuel Ménard, ainsi que bien sûr que le prétendu électron libre Marion Maréchal. On y trouvera même un dirigeant de l’UDI / Nouveau Centre, Fabrice Haccoun, ainsi qu’un certain nombre de personnes liées au quotidien traditionnel de la Droite, Le Figaro.

Il y a depuis ces dernières années un grand bouillonnement au sein de la Droite française, qui voit converger avec la Droite traditionnelle des nationalistes liés d’une manière ou d’une autre à l’ancien FN et au mouvement identitaire. Cette « Convention de la Droite » doit être une étape importante dans la constitution de ce nouveau front néogaulliste, dont Marion Maréchal et son entourage immédiat apparaissent de plus en plus comme la force centrifuge.

Qui sont les organisateurs ?

Les trois organisateurs, Erik Tegnér, François de Voyer et Jacques de Guillebon, sont tous très proches de l’ancienne députée du Vaucluse et ont comme objectif commun le rassemblement de la Droite dans une perspective nationaliste.

Erik Tegnér, membre de LR, se présente comme « démineur d’une alliance populistes & conservateurs ». Il avait organisé l’année dernière lors de sa campagne pour la direction des Jeunes Républicains une réunion avec des figures très diverses allant de Romain Espino de Génération Identitaire à Nicolas Dupond-Aignan de Debout la France, en passant par le néogaulliste Paul-Marie Coûteaux, ancien proche et conseiller de Marine Le Pen, dont on disait qu’il serait le ministre de la Culture.

C’est la même rengaine pour François de Voyer, dirigeant du cercle Audace, qui a été candidat du RN aux dernières législatives et qui reçoit des figures aussi diverses que le très conservateur Jean-Frédéric Poisson ou le néogaulliste Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. François de Voyer avait accompagné Marion Maréchal aux États-Unis lors de son discours devant les conservateurs américains.

Jacques de Guillebon, un catholique traditionaliste, est lui aussi un fervent partisan d’une union allant de LR aux identitaires. Il est le président du conseil scientifique de l’ISSEP, l’École de Marion Maréchal, ainsi que le directeur de L’incorrect. Cette revue avait organisé l’an dernier un débat contre « mai 68 », dont la convention de cette fin septembre sera une sorte de prolongement.

> Lire également : Marion Maréchal contre « mai 68 »

Une grande ambition est ouvertement affichée puisqu’il est ni plus ni moins question de « victoire face à Emmanuel Macron en 2022 ». Alors que la Droite traditionnelle est éparpillée, sans chef de file, travaillée au corps par le centrisme et le libéralisme, les tenants d’une Droite conservatrice et farouchement antilibérale entendent s’affirmer et disposer de l’hégémonie en rassemblant jusqu’à l’extrême-Droite.

« L’alternative au progressisme »

Eric Zemmour, qui inaugurera les débats, est ici une figure de choix puisqu’il représente cette Droite que l’on dit décomplexée, assumant de s’en prendre ouvertement à la Gauche et de prôner un discours réactionnaire. « L’alternative au progressisme » sera d’ailleurs le thème principal de cette convention, au sens où bien entendu il s’agit de briser la Gauche en l’assimilant au « progressisme » d’Emmanuel Macron.

Il s’agit de réduire la Gauche à la prétendue Gauche devenue post-moderne, post-national, entièrement libérale culturellement, etc.

« L’heure est au réveil et à la reconquête » dit ainsi le texte de présentation qui parle directement de « stratégie conquérante ». Il s’agit pour ces gens de prendre le pouvoir, selon la considération que Marine Le Pen a échoué dans sa tentative, que la Droite traditionnelle est trop perméable au libéralisme et que rien ne vaut un grand élan nationaliste, pétri d’anticapitalisme version catholico-romantique, mais en même temps libéral économiquement, pour réussir.

La critique du libéralisme dans les mœurs, dans le prolongement des grandes mobilisations national-catholiques contre le mariage homosexuel (et aujourd’hui contre la PMA et la GPA) est le dénominateur commun de toute cette Droite, qui voit bien qu’elle a un boulevard de par la faiblesse extrême de la Gauche historique (celle qui n’est pas passée sur le terrain de ce libéralisme ultra-individualiste pour qui chacun doit consommer comme il veut). Il s’agit pour eux de s’appuyer sur ces questions pour mobiliser la société française afin de servir un néogaullisme dans le cadre de la tendance à un repartage du monde, jusqu’à la guerre.

C’est la version française des populismes mondiaux, en concurrence avec les autres options françaises du populisme que représentent principalement Marine Le Pen avec le Rassemblement national et Jean-Luc Mélenchon avec la France insoumise. C’est très proche de la stratégie du FPÖ autrichien, qui a pareillement les identitaires comme sas idéologique de formation et d’incubation des idées de « révolte » par la Droite.

Un populisme « gilets jaunes »

La question des gilets jaunes est donc ici très importante, afin de se présenter comme populaire, en fait populiste. La vidéo de présentation à la manière hollywoodienne de cette « Convention de la Droite » fait très fort dans ce « lyrisme » gilet jaune anti-Macron, affirmant que « le Peuple gronde » et que « la France se réveille ».

Marion Maréchal avait fait de même dans sa tribune publiée suite à l’annulation de son invitation à la réunion de rentrée du Medef, elle qui a soutenu les gilets jaunes depuis le début et jusqu’au bout. Elle y évoquait « le chef d’entreprise, l’artisan, le commerçant, les ménages usent leurs forces à financer le puits sans fond d’un chômage structurel, d’une immigration délirante et extrêmement coûteuse qui vient profiter des largesses de notre système social, ou de privilèges bien installés dont l’existence ne se justifie plus ».

Sa perspective est clairement un néogaullisme agressif ; elle cite d’ailleurs ouvertement De Gaulle dans sa tribune, ce qui est relativement nouveau de sa part :

« [De Gaulle] ne se soumettait pas à je ne sais quel diktat capitaliste, il n’était pas non plus obsédé par une vision comptable du remboursement de la dette : il agissait en patriote soucieux de l’indépendance française. »

Le ton est ouvertement nationaliste et va-t-en-guerre, pavant la voie à la militarisation totale :

« Notre pays ne peut malheureusement pas se contenter de vivre sur ses acquis en regardant désabusé la disparition progressive de la classe moyenne et la relégation croissante des classes populaires.

L’avenir appartient aux nations indépendantes qui déploient une véritable stratégie industrielle, qui refusent la colonisation économique de puissances étrangères dans des secteurs stratégiques comme l’industrie de défense ou l’agriculture, qui défendent leur souveraineté notamment numérique, qui favorisent les produits fabriqués sur leur territoire, qui protègent leurs ressources par une écologie concrète et non idéologue, qui orientent l’investissement vers l’innovation et l’éducation. »

Une convention très importante

La « Convention de la Droite » servira à discuter de cette orientation néogaulliste, afin de déterminer stratégiquement le chemin de la marche au pouvoir, qui passe inévitablement par l’union des forces de la Droite.

Il y a donc un moment très important dans l’actualité politique de notre pays, avec des forces réactionnaires synthétisant au moins deux décennies de divergences et de propositions issues de différents courants. L’heure est pour eux maintenant à l’unité, pour la conquête du pouvoir.

La Gauche doit considérer cela avec le plus grand sérieux et la plus grande attention, puisqu’il s’agit de la principale menace politique à moyen et long terme. Elle doit s’organiser dans cette perspective et mobiliser les classes populaires contre ce nationalisme et la tendance à la guerre dont il profite et à laquelle il participe de plein pied.

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Marion Maréchal à l’université d’été du Medef

Le Medef, le syndicat patronal, a décidé d’organiser une première université d’été en tant que telle. C’est une volonté de son dirigeant Geoffroy Roux de Bézieux, un représentant de la Droite dure. Nulle surprise donc à ce qu’il y invite Marion Maréchal, ni à ce que cela se déroule à l’hippodrome de Paris-Longchamp.

La Droite décide de plus en plus de faire la sainte-alliance des forces conservatrices et des forces populistes, exactement comme ce fut le cas en Allemagne, en Italie, en Espagne, durant les années 1930.

Ce qui est véritablement marquant dans la présence annoncée par L’Express de Marion Maréchal à l’université d’été du Medef, c’est le titre de la table ronde à laquelle elle participera. Celle-ci s’intitule en effet :

« La grande peur des mal pensants, pourquoi les populistes sont populaires. »

Il s’agit là en effet d’une allusion très précise, que bien entendu les journalistes n’ont pas remarqué, de par leur inculture. Le titre de la table ronde fait en effet allusion à un essai de Georges Bernanos, publié en 1931, La Grande Peur des bien-pensants. La thèse qui y est défendue est la même que celle du polémiste Eric Zemmour en ce moment : par intérêt matériel, les forces conservatrices sabordent la tradition, abandonnent le pays et les responsabilités, etc.

Le second grand essai de Georges Bernanos marque au contraire une rupture avec son approche précédente. Dans Les Grands Cimetières sous la lune, publié en 1938, Georges Bernanos exprime son dégoût pour la barbarie du franquisme qui, pourtant, sur le plan des valeurs, lui correspondait totalement. Dans la foulée, Georges Bernanos soutiendra la France libre, abandonnera son antisémitisme forcené, tout en restant un idéaliste.

L’idéalisme n’est pas ce qui intéresse le Medef, ni la Droite, ni l’extrême-Droite. C’est l’esprit de l’essai de 1931 qui l’intéresse, avec cette volonté d’unifier toutes les forces totalement opposées à la Gauche et de promouvoir une dénonciation nationale-catholique de « l’argent ».

C’est qu’on devine qu’avec Emmanuel Macron, son ultra-individualisme économique et sa dialectique culturelle de la légalisation (la PMA pour toutes, le MMA, le cannabis à moyen terme, etc.), il y a un boulevard pour une lecture disant qu’avant, c’était mieux. Le chaos du capitalisme se voit ici opposé, dans le principe, à son propre fantôme. Le passé est censé rattraper et corriger l’avenir.

Normalement, le Front populaire s’oppose tant aux libéraux qu’aux conservateurs. Mais en France, la Gauche a été totalement contaminée par le libéralisme. Google promeut autant que possible la démarche LGBTQ+, cinquante gares de la SNCF pavoisent aux couleurs arc-en-ciel tout comme de nombreuses ambassades américaines dans le monde… et il faudrait leur faire confiance ? Allons, qui peut avoir autant de naïveté ?

Nous sommes coincés entre le marteau libéral et l’enclume conservatrice ; on a déjà Emmanuel Macron, on a désormais Marion Maréchal qui se profile. Et tout risque d’être emporté par une telle opposition ignoble qui vise à dévier le peuple vers le chauvinisme agressif, le protectionnisme au service du capitalisme national, l’esprit corporatiste comme seul horizon.

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Marion Maréchal prépare un après Marine Le Pen

Dans un entretien à Valeurs Actuelles, Marion Maréchal rappelle sa présence, comme elle le fait régulièrement maintenant. Son positionnement est subtil : elle n’intervient pas formellement dans le débat politique, tout en donnant son avis pour être celle « qui l’avait dit ». Cela lui permet de laisser les autres faire, probablement se tromper, et de se présenter plus tard comme un recours.

L’entretien à Valeurs Actuelles est précédé d’une présentation élogieuse de Marion Maréchal, où l’on apprend des choses sur elles, sur sa vie, ses ambitions. Cela permet d’exprimer ce que Marion Maréchal ne peut dire elle-même. C’est savamment orchestré, et on a compris depuis longtemps à quel point la revue de la Droite traditionnelle a fait le choix de l’ancienne député Front national.

Le moment a donc été bien choisi. L’entretient est publié alors que la campagne pour les élections européennes est lancée, mais qu’elle ne bât pas encore son plein. On nous explique qu’elle vient parler « d’Europe », mais que le sujet « Les européennes » serait « trop politicien » pour elle.

C’est qu’il s’agit surtout de préparer l’après, tout en travaillant au passage sa posture de femme d’État, cultivée, minutieuse et, surtout, stratège. Les fondamentaux sont rappelés, rabâchés : ce qui compte est le conservatisme, c’est-à-dire une expression de Droite, dans sa version traditionnelle, viscéralement opposée à la Gauche.

« Je me suis moi-même toujours définie comme une femme de droite. Le clivage droite-gauche continue d’irriguer la vie politique française, mais il n’épuise pas tous les autres clivages présents »

Cette question des « autres clivages » est très importante, c’est le cœur de sa divergence stratégique avec Marine Le Pen. Cette dernière, lorsqu’elle a pris les commande du Front national, a élaboré une stratégie d’écartement opportuniste du clivage Gauche-Droite.

C’est un choix populiste, « facile » d’une certaine manière car correspondant au niveau de dépolitisation de la société française. Cela est considéré comme insuffisant par Marion Maréchal :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

Si Jean-Luc Mélenchon est cité, c’est évidemment de Marine Le Pen qu’il s’agit, puisqu’ils ont une stratégie et une expression quasiment identique. Leur seul différence est de dire l’inverse l’un par rapport à l’autre sur la question de l’immigration.

Marion Maréchal a bien compris que cela revenait au même sur le plan idéologique, qu’il s’agissait dans les deux cas d’aller au nationalisme. Ce qui l’intéresse cependant est d’ordre politique, c’est-à-dire la façon de prendre le pouvoir. Elle explique ainsi :

« Deux gros blocs ont depuis émergé : celui du centre droit et gauche d’Emmanuel Macron, ainsi que le bloc populiste (je ne partage pas la diabolisation de ce mot, qui a des relents d’anathème dans la bouche de certains) de droite et de gauche. Deux blocs inadaptés à notre système électoral qui entraînent une situation de blocage. »

La question de fond est bien-sûr la question culturelle, celle des valeurs. C’est pour cela qu’elle parle de « République islamique » au sujet de Jean-Luc Mélenchon, pour discréditer son nationalisme, lui ôter toute substance. Elle dit ni plus ni moins qu’il faut en revenir aux fondamentaux de la Droite, des valeurs conservatrices de la Droite, car ce sont les sujets culturels, suffisamment clivants, qui mobilisent et devraient permettre de prendre le pouvoir.

Ce qu’elle suggère est une position intermédiaire, non pas entre les populistes, mais entre le populisme issu de la Droite, celui de Marine Le Pen, et la Droite conservatrice elle-même :

« C’est à la France de se faire une place dans le dispositif [de l’Union européenne, NDLR]. De marquer sa différence. D’être capable d’engager un rapport de force. Je ne crois pas que Marine dise autre chose. François-Xavier Bellamy non plus d’ailleurs. À la seule différence que Bellamy est plus difficile à suivre, car enfermé dans une forme d’« en même temps ».

Pour résumer simplement, il a du mal à dire que l’Union européenne est un échec dans sa forme actuelle. De mon côté, le postulat de ma réflexion repose sur l’affirmation qu’il s’agit d’un mauvais système, inopérant, mal pensé, mal conçu et philosophiquement délétère pour les nations européennes. »

Elle dit aussi, de manière encore plus politique :

« Le populisme est moins un programme qu’un style : il existe des populistes de gauche et de droite. C’est un mouvement polymorphe. Ses caractéristiques pourraient être un chef charismatique, le rejet des élites et du système de manière générale, la défense d’une démocratie idéale contre une démocratie représentative qui serait dévoyée, l’appui exclusif sur les classes populaires.

Le positionnement populiste semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut pas faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute. Il faut rassembler autour d’une vision commune et non faire de la politique catégorielle. »

Ce qu’elle reproche à Marine Le Pen, c’est-à-dire de proposer un populisme qui manquerait de substance culturelle et de profondeur civilisationnelle (d’où, de son point de vue, l’importance de la classe « moyenne et haute »), elle le reproche inversement à François-Xavier Bellamy :

« J’ai également conscience qu’en France le conservatisme, en tant que courant politique, est mort et enterré depuis la IIIe République. Il s’était largement construit dans la contre-révolution, intrinsèquement liée au catholicisme français. Aujourd’hui, un conservatisme français émergeant de nouveau après de telles décennies de silence ne pourrait pas se contenter de ressusciter ce courant-là.

François-Xavier Bellamy dit en substance la même chose, quand il affirme que, s’il y avait quelque chose à conserver, il serait pour, mais qu’il faut tout changer.
Je suis d’accord avec lui sur ce point : conserver quoi ? Il faut s’entendre. Mais entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, lui affirme préférer conserver Macron. »

Ce dernier aurait donc raison sur le plan culturel, mais il ne serait pas suffisamment enclin à accepter le nationalisme de Marine Le Pen, ce qui serait son erreur, qu’elle entend corriger.

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Marion Maréchal fait donc de la politique, de manière très sérieuse, très impliquée, très stratégique, en visant le long terme. Son ennemi est bien évidemment la Gauche, l’idée même de socialisme, d’une société pacifique aux valeurs universelles. Il est donc impératif pour la Gauche de la prendre très au sérieux, et de se mettre au niveau, en travaillant ses fondamentaux pour avoir une vision du monde conséquente à lui opposer.

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Les mots de Marion Maréchal contre l’« hanounacratie »

Les propos de Marion Maréchal sont rares et toujours très commentés. Elle vient de rédiger un long texte dans lequel elle oppose démocratie et « hanounacratie » ; c’est un positionnement politique.

Marion Maréchal a mis en place une newsletter dans son école hors contrat, l’ISSEP, et a écrit à cette occasion un long texte, intitulé « Le mot de Marion Maréchal : Démocratie ou hanounacratie ? ».

C’est un document très important, car cela a maintes fois été souligné ici, Marion Maréchal est une cadre dirigeante d’avenir, la clef du rassemblement de la Droite et de l’extrême-droite. Sachant que ses propos sont très suivis et commentés, elle place de manière adéquate les bases de ce prochain rassemblement. C’est une menace terrible pour la Gauche.

Ce qu’elle dit en effet, c’est qu’il ne faut pas porter d’attention aux gilets jaunes comme expression « économique, sociale ou territoriale ». Du point de vue de la Gauche, c’est évidemment au contraire là le seul intérêt, puisque culturellement et idéologiquement, les gilets jaunes sont réactionnaires. Mais du point de vue de la Droite évidemment, cela n’a pas d’intérêt et mieux vaut les voir comme expression d’une « maladie française ».

Comme Marion Maréchal relève de la Droite la plus dure, elle considère que cette maladie est « institutionnelle ». Or, justement les gilets jaunes ont évolué de plus en plus dans ce qui doit être considéré comme quelque chose de proto-fasciste, voire de fasciste, comme cela été très clair début février 2019.

Il faut donc en profiter ! Ce qu’elle dit, si on le décode, c’est ni plus ni moins qu’on peut profiter des gilets jaunes pour provoquer une crise de régime. Voici un petit extrait de sa prose :

« Ce n’est pas pour rien que ce mouvement a progressivement muté d’une forme de jacquerie fiscale vers des revendications d’ordre démocratique dont le RIC, référendum d’initiative citoyenne, est le marqueur principal. Cette crise politique est la conséquence d’un pouvoir devenu totalement illégitime. »

Marion Maréchal fournit alors les concepts. Le régime serait aux mains d’une « oligarchie dissimulée » apparue au cours des années 2000. Il s’agit désormais de tenir un discours très dur, anti « système », pour profiter d’une mobilisation populaire. Du point de vue historique, c’est ce qu’on appelle le Fascisme ; voici comment Marion Maréchal tourne cela :

« Le système – entendu comme le consensus idéologique d’une grande partie des dirigeants politiques, des grands décideurs économiques et des médias – vacille sous les coups de boutoir de ceux qui ne veulent plus tolérer un mécanisme démocratique confiscatoire dont ils ne tirent aucun bénéfice. »

Il faut ici comprendre quelque chose de fondamental : la violence, la dimension belliqueuse du fascisme, n’en est qu’un aspect, une sorte de force mobilisatrice initiale.  Celui-ci arrive cependant au pouvoir de manière « légale ». Cette légalité s’appuie bien-sûr sur des milices dans les rues, sur un État déjà policier, sur plein de choses qui ne relèvent pas de la démocratie… Mais le Fascisme s’exprime par l’intermédiaire d’une base populaire, avec une vaste capacité électorale.

C’est vrai pour les fascistes italiens comme les nationaux-socialistes allemands. Cela ne veut pas dire que les agressions systématiques de l’extrême-droite n’aient pas joué, que leurs bastonnades, leurs incendies, leurs meurtres… n’aient pas eu d’impact. Mais ils accompagnent toujours une progression électorale.

> Lire également : nos articles sur Marion Maréchal

Si on rate cela, on ne comprendra pas pourquoi Marion Maréchal explique que le « grand débat » est une fumisterie et que ce qui compte ce sont les élections. Ici notons qu’elle se démasque : elle prétend ne plus faire de politique, alors qu’elle explique que l’objectif c’est la victoire électorale ! Cependant ce qui compte surtout, c’est sa proposition d’une ligne stratégique à toute la Droite.

Une longue citation est ici nécessaire, pour bien voir comment elle définit ce que doit être le populisme.

« L’échange sur un projet de société, qui doit avoir lieu avec les Français, a un nom : il s’appelle élection. Ce sont les élections qui permettent d’encadrer et de trancher le débat. Or, il n’y a pas de réelle crise de l’idée démocratique : 89% des Français pensent que la démocratie est toujours le meilleur moyen de gouverner un pays.

« La tentation totalitaire » dont on accuse souvent « les populistes » français n’existe pas. Il existe une crise de confiance entre les gouvernants et les gouvernés. La concorde est brisée entre un peuple et son élite qui ne respecte pas la confiance qui lui a été accordée. Une élite de plus en plus homogène qui capte le pouvoir au détriment de la nation.
Le populisme du peuple est une réponse à l’élitisme des élites. Ce pouvoir creuse sa tombe en imaginant que la contestation des Français pourra être calmée en leur accordant un débat au paperboard dans une émission de divertissement ; en transformant leur vote en posts ou en tweets ; en faisant de la politique une franche rigolade.

C’est une illusion : l’oligarchie ne sera pas sauvée par l’hanounacratie. »

Il y a ici un aspect essentiel, qui a n’a  jamais été compris en France, malheureusement. Il est dit que le Fascisme est un totalitarisme, que les gens s’y comportent comme des robots, avec un contrôle absolu. C’est totalement inexact. Le fascisme est un libéralisme absolu et général, où chacun peut faire ce qu’il veut, du moment qu’il ne fait pas de politique. Les Italiens et les Allemands n’étaient pas du tout surveillés par une horde de policiers : ils soutenaient le Fascisme dans leur grande majorité, ils le portaient, ils en étaient très contents car ils considéraient qu’ils étaient ainsi débarrassés d’avoir à prendre la moindre responsabilité.

Si une chose est « totalitaire », c’est à l’opposé la Gauche, et c’est une bonne chose ! Car la Gauche est totalitaire quand elle dit que la Droite a tort et doit s’effacer, quand elle dit que le capitalisme est une chose à supprimer, que le partage social doit être la norme indiscutable. Mais cela c’est la Gauche historique et on en est encore loin… Par contre, la Droite historique a clairement commencé à se reconstituer.

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Marion Maréchal, la réaffirmation politico-culturelle du conservatisme de Droite

L’ultralibéralisme et la décadence sur le plan des valeurs dans lesquels baigne la France produisent nécessairement leur pendant : le conservatisme ultra. Marion Maréchal est assurément la figure de ce conservatisme, qu’elle entend régénérer politiquement et culturellement, en réaffirmant la Droite. Elle considère dans cet optique le mouvement des gilets jaunes comme la possibilité d’un « grand mouvement conservateur ».

Marion Maréchal Le Pen

Marine Le Pen aurait commenté récemment, a priori sur le ton de la boutade, que sa nièce devrait prendre la direction du parti de la Droite Les Républicains, parce que sa ligne serait celle de la droite de Laurent Wauquiez, le chef du parti.

Cela n’a rien d’absurde, tellement une partie de la Droite est de plus en plus proche du Rassemblement National tandis qu’une autre se situe dans l’orbite d’Emmanuel Macron, du libéralisme de l’Union-Européenne, et donc finalement surtout du modernisme centriste.

Cette Droite qui s’oriente vers le Rassemblement National est justement celle qui soutien et voit d’un bon oeil le mouvement des gilets jaunes. Il est donc tout à fait logique que depuis le début, Marion Maréchal soutienne « l’énervement général » porté par les gilets jaunes et qu’elle n’avait pas hésiter à se rendre à la manifestation des Champs-Élysées le 24 novembre. C’est un moyen pour elle d’exprimer politiquement et culturellement son affirmation de la Droite.

Le grand projet de Marion Maréchal est son école de science politique, l’ISSEP, qui se veut précisément une École de droite, en opposition aux Écoles classiques françaises qu’elle considère de gauche.

Sa récente intervention sur le thème « Quel avenir pour les Droites ? » lors du lancement du Cercle AUDACE était de cet acabit. L’ambition de ce réseau est de permettre une alliance des courants de la Droite avec un horizon plus ou moins affirmé des prochaines élections municipales.

Le propos de Marion Maréchal n’était pas politique dans le sens électoral, mais politico-culturel. La question du conservatisme y était centrale. Il s’agit pour elle d’expliquer que le souverainisme, ce que nous appelons le nationalisme, n’est pas suffisant. Elle a compris qu’il faut surtout des valeurs, une vision du monde, pour mobiliser la société.

Elle a donc surtout parlé d’« ordre social » contre « le relativisme ambiant », de marchandisation de la filiation en dénonçant la « pratique abominable » de la GPA ou encore d’islamisation.

Il y a en arrière-plan de cela une critique de la ligne de sa tante qui avaient fait du FN avec Florian Philippot un parti focalisant sur des thèmes économiques et sociaux, s’adressant majoritairement aux classes populaires, débauchant des syndicalistes, tendant à brouiller le clivage Droite/Gauche.

Elle a dénoncé, de manière très complexe et intelligente, les limites du populisme, qu’elle considère de manière bienveillante en tant qu’opposition au libéralisme, mais insuffisant en tant que cela porte un style plébéien. Le problème selon elle est de viser les élites de manière unilatérale, alors qu’il faudrait plutôt reformer ces élites, ce qu’elle envisage avec l’ISSEP.

Devant un public composé surtout de « chefs d’entreprise, industriels, entrepreneurs ou financiers âgés de 25 à 70 ans » comme l’a rapporté le journal de la Droite Le Figaro, elle a donné l’exemple la Ligue italienne qui a su rassembler une partie de la base industrielle du Nord du pays. Elle a expliqué de manière tout à fait typique à Droite qu’un projet de justice pour les classes populaires n’était pas incompatible avec les classes moyennes et la bourgeoisie.

Il faut bien-sûr considérer ici les choses électoralement, avec cette question du « plafond de verre » que le FN n’a jamais réussi à dépasser, qui pourrait voler en éclat en cas d’alliance avec la Droite.

Mais l’arrière-plan de cette alliance qu’elle souhaite est surtout culturel. C’est pour cela qu’elle verrait d’un bon œil la tête d’affiche aux élections européennes de l’adjoint au maire de Versailles François-Xavier Bellamy pour Les Républicains. Celui-ci s’était affirmé sur le plan des valeurs en tant que meneur du mouvement des Veilleurs, issu de la Manif pour tous.

Pour l’ancienne plus jeune députée de la Ve République, ces valeurs s’incarnent dans le refus de la « fascination pour le progrès » des élites qui s’oppose à « l’héritage ». C’est la définition de son conservatisme, qui s’oppose également à l’« universalisme » des élites, qui est en fait surtout un cosmopolitisme à lequel elle oppose « le particulier et le local ».

Sa proposition est donc le repli sur soi, selon cette considération que « le passé est toujours plus inoffensif que l’avenir ». Dans cette optique, la pensée des Lumières, qui est un matérialisme, une expression progressiste, est critiquée ouvertement, ce qui est typique et caractéristique du fascisme dans son essence idéologique.

Le conservatisme qu’elle défend se pose comme défenseur de la civilisation face à la décadence du capitalisme, mais il ne s’oppose aucunement au capitalisme.

La question du capitalisme est considéré comme secondaire, relative, parce qu’il suffirait de le soumettre au projet politico-culturel du conservatisme. Il s’agit pour elle d’abord d’une « disposition à penser et agir d’une certaine manière », qui ensuite doit se transformer en mouvement politique.

On aura compris bien-sûr a quel point cela fait écho à la démarche des gilets jaunes, dont elle est une des expressions intellectuelles. La question est celle de l’alternative, pour faire face au désenchantement que génère la crise du capitalisme.

Et c’est là que le clivage entre la Gauche et la Droite s’affirme, ou en tous cas devrait s’affirmer de plus en plus pour savoir qui porte la civilisation. Sont-ce les conservateurs ou les progressistes ? Faut-il la Nation ou le Socialisme ? Qui doit diriger, la bourgeoisie ou la classe ouvrière ? Tels sont les grandes questions de notre époque, qui nous opposent frontalement et directement à cette figure qu’est Marion Maréchal.

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Que représente l’ISSEP, l’école inauguré par Marion Maréchal ?

Marion Maréchal (anciennement Le Pen) a inauguré ce vendredi 22 juin 2018 à Lyon l’école d’enseignement supérieur qu’elle dirigera. L’institut Supérieur de Sciences Économiques et Politiques (ISSEP) a pour ambition de former des cadres dirigeants avec une vision du monde réactionnaire et culturellement de droite. Il proposera à la rentrée 2018 un Magistère (Bac +5), ainsi qu’une formation destinée au grand public, accessible sans diplôme, dispensée le week-end.

Il y a forcément quelque chose de ridicule à voir une jeune femme de 28 ans s’imaginer directrice d’une “grande École” qu’elle aurait elle-même fondé comme une “chef d’entreprise”, pour former les futures “élites” de la nation. Le logo de l’ISSEP relève d’ailleurs lui-même de la supercherie puisqu’il représente un bâtiment néo-classique rappelant l’imagerie des établissements traditionnels parisiens, alors que l’institut se situera dans les locaux flambants neufs d’un immonde quartier ultra-moderne de Lyon.

Cependant, il serait erroné de ne pas prendre au sérieux ce projet. Marion Maréchal n’est ici qu’une figure, un nom représentant une affirmation idéologique ; il y a surtout derrière elle des personnes aguerries, avec des réseaux bien en place.

Des dirigeants « haut-placés »

L’organigramme de cette école, constitué uniquement d’hommes en dehors de la Directrice, est ainsi très parlant. On y retrouve non seulement des personnalités de la droite et de l’extrême-droite traditionaliste catholique française, mais ces personnes ont aussi, ou ont eu, des fonctions importantes.

Le président honoraire de l’ISSEP Patrick Libbrecht est lui-même présenté comme un ancien haut cadre chez Danone, Materne et Kronenbourg.

Le conseil scientifique, chargé de la politique pédagogique et scientifique, est constitué par de nombreuses personnes ayant ou ayant eu des responsabilités dans l’enseignement supérieur (Université Lyon III, Collège Stanislas de Paris, Prépasup, Université Panthéon-Assas Paris II, Sciences Po Paris, École Pratique des Hautes Études à la Sorbonne, Université Wesford Genève, Université de Saint-Pétersbourg, etc.), un ancien directeur de collection aux Presses Universitaires de France, un expert reconnu par la cour d’appel de Lyon, etc.

Il faut remarquer dans ce domaine la présence de Roger Chudeau qui a eu une longue carrière dans l’Éducation Nationale en étant d’abord chef d’établissement, puis inspecteur d’académie, inspecteur général et enfin sous-directeur des enseignements des écoles, collèges et lycées, attaché au cabinet du Ministre Gilles de Robien.

Autre figure de poids, et pas des moindres, le Général d’armée Jean-Marie Faugère, ancien inspecteur général des armées et conseiller défense de la direction du Groupe THALES.

Autrement dit, on a ici à faire à des gens très sérieux, tout à fait impliqués dans les institutions françaises, dont deux Chevaliers de la Légion d’Honneur. L’ISSEP s’annonce comme étant un projet de grande envergure.

Des personnalités très marquées idéologiquement

Sur le plan idéologique, les choses sont très claires. Le conseil scientifique est co-présidé par Patrick Louis et Jacques de Guillebon, qui sont des personnalités très marquées idéologiquement.

Le premier est lié au mouvement catholique traditionnel, il est secrétaire général du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers. Sa fille a été coordinatrice régionale de “La Manif pour tous”, est issue du courant Sens Commun et actuellement conseillère régionale LR, dans la majorité de Laurent Wauquiez.

Le domaine de Patrick Louis est celui de la “géopolitique”, c’est-à-dire, sous couvert de neutralité, l’étude de la façon dont la France peut se positionner comme grande puissance parmi les grandes puissances du monde. Il a avec lui à l’ISSEP une personne comme Pascal Gauchon, le directeur et fondateur de la revue géopolitique Conflits.

De son côté, Jacques de Guillebon représente la dimension plus culturelle du projet de l’institut. Il est un ancien journaliste au magazine Causeur et ancien directeur du mensuel catholique traditionaliste la Nef. C’est aujourd’hui le rédacteur en chef de l’Incorrect, magazine avec lequel il a organisé le très médiatique débat contre « Mai 68 », en présence de Marion Maréchal.

On retrouve à ses côtés Thibaud Collin de la revue Liberté politique, dont le numéro en cours est consacré à la critique de « Mai 68« , considérant que ce mouvement “est l’aboutissement d’une entreprise de déconstruction morale, qui s’enracine dans l’expérience des Lumières, puis de la Révolution française”.

En ce qui concerne la politique, les enseignements de l’école devraient être conformes aux positions nationalistes exprimées par Marion Maréchal devant les conservateurs américains. Pour preuve, il y a deux représentants étrangers de cette même ligne dans leur propre pays, au sein du conseil scientifique de l’ISSEP.

Raheem Jamaludin Kassam de l’UKIP (Grande-Bretagne) est une figure de la campagne pour le Brexit et Paul Edward Gottfried est le représentant d’une ligne nationaliste dure chez les conservateurs américains, et est présenté comme un ancien ami de Richard Nixon.

Une affirmation libérale et pro-business franche

Sur le plan économique, le positionnement de l’école sera là aussi très clair. Il était expliqué en introduction de la conférence de presse de présentation que le point commun des animateurs du projet est d’être “des entrepreneurs”.

L’affirmation libérale et pro-business est franche, et cela se ressent directement dans le contenu du Magistère qui relève plus de la “Business School” que de Science Po.

On y retrouve des intitulés de cours, dont de nombreux anglicismes, comme :

Développement du leadership,
Management du conflit,
Management de crise,
Management interculturel,
Mediatraining,
Communication- marketing,
Business Plan,
Calcul des coûts et des marges.

C’est une ligne de démarcation importante avec les grandes écoles françaises formant traditionnellement les dirigeants, et notamment l’ENA. Celle-ci est une école d’administration, orientée vers le secteur public, et donc avec une approche marquée à Gauche, ou en tous cas non-ouvertement capitaliste.

L’ISSEP entend au contraire être marquée à Droite, et donc puiser dans le registre de l’entreprenariat, du capitalisme assumé.

Ces enseignements se feront en lien avec des entreprises et pourront profiter de la présence au conseil scientifique d’un ancien analyste-financier dans une banque d’investissements. Les liens avec des entreprises existent déjà de part les financements extérieurs, dont ceux provenant du fonds d’investissement Fra Finances.

Cependant, cette vision libérale prétend être différente du capitalisme classique, et proposer autre chose.

“C’est la singularité et la richesse de notre projet que de faire émerger des décideurs économiques qui placeront leurs ambitions au service de projets utiles à la société et ne s’enfermeront pas dans une simple logique comptable ou financière, ainsi que des décideurs publics qui insuffleront une nouvelle vitalité à la vie politique de notre pays.”

 

Un projet « métapolitique »

De nombreux commentateurs s’égarent en cherchant à savoir si l’ISSEP représente pour Marion Maréchal un outil de “retour” en politique, comme si finalement tout devait tourner autour de la candidature à l’élection présidentielle.

La question n’est pas là et le projet porté par son école est bien plus ambitieux que cela. L’ancienne députée FN du Vaucluse a exprimé maintes fois son point de vue, en parlant de métapolitique notamment. Il s’agit pour elle d’influencer en profondeur la société française et de former des cadres à même d’occuper des fonctions dirigeantes.

Il ne suffit pas de se présenter à l’élection présidentielle avec des arguments convaincants et une équipe de communication solide. Il faut aussi des cadres solides, formés pratiquement et culturellement, aguerris idéologiquement, pour diriger l’État d’une manière nouvelle.

Marion Maréchal le dit clairement :

« Ce n’est pas un projet politique. Notre objectif est d’offrir une alternative éducative dans un monde du supérieur français que nous estimons sclérosé sur le plan intellectuel et dont les enseignements nous apparaissent insatisfaisants, en ce qui concerne notamment les écoles en charge de la formation des élites françaises.”

Quand elle dit que ce n’est pas un projet politique, cela signifie qu’elle refuse de se cantonner aux considérations politiques actuelles. Elle se situe dans une perspective bien plus grande, celle d’un nouveau régime, dans l’esprit d’une « reconquête » se déroulant subitement, telle une remise en ordre, dans l’esprit de la guerre d’Espagne ou de l’austro-fascisme.

L’ISSEP entend être au « carrefour des intelligences », c’est-à-dire qu’il veut puiser sans restriction dans les forces-vives réactionnaires françaises. Ce doit être une pépinière, et il est hors de question dans cette perspective de se restreindre, pour le moment, aux considérations politiciennes.

Un laboratoire réactionnaire

C’est pour cela que la droite traditionnelle ayant par exemple soutenue Fillon côtoient, à la direction de l’ISSEP, l’extrême-droite issue du Front National.

La formation continue proposé par l’école à côté du Magistère se veut quant à elle bien plus pratique, et utile directement. Cette formation est dispensée sur dix week-ends du samedi matin au dimanche soir pendant un an.

À lire la plupart des intitulés de cours, on croirait que le programme a été rédigé par les activistes de Génération Identitaire, par exemple :

Développement du leadership : les bonnes méthodes pour être un chef respecté
Conduite de réunion & organisation d’une équipe
Méthodes de négociation
Politique et combat culturel
Mode d’actions des minorités agissantes
Atelier créativité. Exercice mise en pratique
Optimiser et moderniser sa campagne en ligne
Développer un message persuasif, rhétorique
La communication du futur
Utilisation & optimisation de vos réseaux sociaux.
France et chrétienté, quel héritage ?
Islam et civilisation islamique
Consumérisme, laïcité, athéisme les nouvelles religions ?
Stage de cohésion sportif en nature

Il s’agit, à côté du magistère destiné aux futures “élites”, de former cadres régionaux, activistes, militants, capables de porter rapidement et efficacement un projet politique (la formation continue dispense aussi quelques enseignements liés aux campagnes électorales).

L’école revendique déjà 60 pré-inscriptions d’élèves pour son magistère, 160 pour sa formation continue, et quelque 120 candidatures spontanées d’enseignants.

L’Institut Supérieur de Sciences Économiques et Politiques entend donc devenir un lieu de convergence et d’élaboration pour le mouvement réactionnaire français. La ville de Lyon est à cet égard une place de choix. Depuis de nombreuses années, c’est une sorte de laboratoire de la droite dure, de l’extrême-droite et du fascisme dans le pays.

Cela fera certainement de l’ISSEP, ou fait probablement déjà de l’ISSEP, un bastion idéologique du fascisme en France dans sa tentative de conquête du pouvoir.

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Marion Maréchal contre « mai 68 »

 

« Mai 68 » a profondément marqué la société française et sa critique est toujours un thème majeur pour la Droite conservatrice. Impossible donc de ne pas parler de mai 68 sans porter son attention également sur le camp des ennemis de la Gauche.

Ainsi, dans l’esprit réactionnaire d’une jeune femme comme Marion Maréchal (anciennement Le Pen), la vague de contestation de mai et juin 1968 représente quelque-chose d’important, même cinquante ans après en 2018. C’est le cœur même de l’idéologie de son école de sciences politiques qui doit ouvrir dans quelques jours à Lyon.

L’ancienne députée du Front National était ainsi l’invitée d’honneur d’une soirée-débat le 31 mai 2018 qui avait pour thème « Débranchons Mai-68 ». Organisée par le magasine « L’incorrect » et l’association « les Éveilleurs d’Espérance », issue du mouvement catholique traditionaliste « la Manifs pour tous », le discours y était assez classique : références à la spiritualité chrétienne, défense de valeurs « traditionnelles », critique des Lumières et caricature des éventements de mai 1968 comme étant simplement une aventure individuelle petite-bourgeoise.

Il n’est pas nouveau que « Mai 68 » soit un thème pour Marion Maréchal. C’est une sorte de symbole qui lui permet de synthétiser sa pensée, en le critiquant.  Dans un texte qu’elle avait publié en mai 2017, qualifié de manière grandiloquente de « testament politique », elle expliquait que la jeunesse d’aujourd’hui doit :

« payer les abus de la génération 68, qui a joué la cigale tout l’été et nous laisse des déficits incommensurables, des privilèges de classe intenables et irréformables… ».

Elle affirmait également que :

« Macron accomplit Mai 68. Avec lui, c’est l’idéologie du progrès, le culte du renouveau, qui implique nécessairement de faire table rase du passé. C’est l’idée soixante-huitarde selon laquelle l’homme ne peut s’émanciper que s’il se délie de tout héritage, de toute autorité, de tout cadre culturel. Je pense que c’est une erreur fondamentale. »

L’inverse de « mai 68 »

Marion Maréchal représente en quelque sorte l’inverse de « mai 68 ». Il s’agissait d’une jeunesse remettant en cause l’ordre établit en voulant avancer à grands pas vers le futur, cherchant le progrès partout, bien que de manière trop idéaliste souvent et dénaturée parfois.

Elle reflète pour sa part une jeunesse assumant un conservatisme des plus outranciers, un conformisme terrible et une soumission totales aux valeurs dominantes. La religion, le patriarcat, le nationalisme, la division de la société en classes et l’entreprenariat capitaliste sont pour elle des horizons indépassables.

C’est précisément avec ces valeurs qu’elle entends former de « futures élites », de Droite, via son École de science politique, l’ISSEP, qui ouvre dans quelques jours à Lyon.

La subtilité, si l’on peut le dire ainsi, est que Marion Maréchal pense pouvoir faire passer la critique des valeurs dominantes comme étant justement la norme, la valeur dominante. Elle tente de renverser le problème.

C’est ainsi qu’elle disait dans un entretien à Valeurs Actuelles paru en février 2018, critiquant en filigrane l’héritage de « mai 68 » :

« Depuis le début de la Ve République, l’ensemble des vecteurs de pensée est détenu par la gauche. Elle infuse sa domination culturelle quasi hégémonique à travers la presse, l’éducation et la culture. Il est temps, pour nous aussi, d’appliquer les leçons d’Antonio Gramsci. »

Son point de vue est bien sûr absurde puisqu’il est évident que la société française est largement marquée en 2018 par la pensée religieuse et l’esprit catholique, par le patriarcat et le sexisme, par le nationalisme béat, par la pression économique des plus riches sur les classes populaires.

La Gauche existe, mais son champ est limité, et d’ailleurs se dégrade. Ce que ne supporte pas l’esprit étriqué de Marion Maréchal, c’est qu’il y a malgré tout des progrès, que la société avance et ne se fige pas, que certaines valeurs ou exigences démocratiques s’affirment ou tendent à s’affirmer.

« C’était mieux avant »

Plutôt que de remettre en cause les obstacles sociaux et culturels qui empêchent la société de devenir meilleure, elle prétend que le salut se trouve dans le passé. Que « c’était mieux avant ». Son conservatisme est un idéalisme, une vision romantique du passé. C’est le contraire de « mai 68 » qui était surtout une vision romantique de l’avenir.

En fait, Marion Maréchal profite pour sa critique réactionnaire des limites de la contestation de mai et juin 1968. Si elle a été démocratique et populaire, cette vague de contestation n’a pas été dirigée par la classe ouvrière mais confisquée par une partie de la bourgeoisie voulant moderniser le pays, sans parler des intellectuels des classes moyennes prétendant s’approprier voire représenter les idées de mai.

Marion Maréchal n’a pas tord quand elle critique l’ultra-libéralisme et qu’elle le lie à « mai 68 ». Son mensonge est cependant de prétendre qu’une autre partie de la bourgeoisie, celle qui est plus traditionnelle et conservatrice, porterait un horizon meilleur pour les classes populaires et la société tout entière.

Les errements de la Gauche

Les conservateurs comme Marion Maréchal profitent des errements de la Gauche qui sombre dans l’ultra-libéralisme, le post-modernisme et la décadence culturelle, pour apparaître au contraire comme représentants la morale populaire.

Ses propos devant les conservateurs américains en février 2018 en était une parfaite illustration avec sa critique du libéralisme-libertaire à partir du point de vue de la Droite conservatrice :

« Sans nation et sans famille, le bien commun, la loi naturelle et la morale collective disparaissent cependant que perdure le règne de l’égoïsme.

Même les enfants sont devenus une marchandise ! Nous entendons dans le débat public « nous avons le droit de commander un enfant sur catalogue ». « Nous avons le droit de louer le ventre d’une femme ». « Nous avons le droit de priver un enfant de mère ou de père ».

Non, vous ne l’avez pas ! Un enfant n’est pas un droit.

Est-ce cela, la liberté que nous désirons ? Non, nous ne voulons pas de ce monde atomisé de l’individu sans genre, sans père, sans mère et sans nation.
[…]

Je suis venu vous dire qu’il y a aujourd’hui une jeunesse prête pour cette bataille en Europe : une jeunesse qui croit au dur labeur, qui croit que ses drapeaux signifient quelque-chose, qui veut défendre les libertés individuelles et la propriété privée.

Une jeunesse conservatrice qui veut protéger ses enfants de l’eugénisme et des délires de la théorie du genre. Une jeunesse qui veut protéger ses parents de l’euthanasie et l’humanité du transhumanisme. »

Marion Maréchal est la figure de proue d’une tentative de révolution conservatrice, concept formé dans les milieux allemands nationaliste dans les années 1920-1930. Il faut savoir porter son attention sur ce phénomène dangereux, relevant du fascisme, et cela d’autant plus que la Gauche est torpillée de l’intérieur par les partisans de la post-modernité.

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Discours de Marion Maréchal-Le Pen au CPAC 2018

Discours de Marion Maréchal-Le Pen au Conservative political action conference aux États-Unis.

« Aujourd’hui, je suis venue honorer 240 ans d’amitié. Notre amitié a commencé il y a longtemps, avant les plages de Normandie et les tranchées de Belleauwood, où l’écho de la bravoure de vos soldats résonne encore. Notre alliance est formée par la quête commune de la liberté.

Mon pays, la France, fut la première à reconnaître votre indépendance. Ce fut avec le sang français, répandu sur le sol américain, que commença notre amitié. Aujourd’hui, plus de deux siècles plus tard, ici à la CPAC, nous nous tenons à nouveau côte à côte dans une autre bataille pour la liberté.

Cette liberté est un bienfait. Libertés économiques et politiques, liberté d’expression, liberté de conscience sont nos trésors communs. Après 1500 ans d’existence, c’est nous, Français, qui devons à présent nous battre pour notre indépendance.

Non, la France n’est aujourd’hui plus libre. Les Français ne sont pas libres de choisir leur politique, qu’elle soit économique, monétaire, migratoire ou même diplomatique. Notre liberté est dans les mains de l’Union européenne.

Cette Union européenne n’est pas l’Europe. C’est une idéologique qui ne sait que regarder vers l’avenir tout en souffrant d’amnésie historique. Une idéologie hors-sol, sans peuple, sans racines, sans âme et sans civilisation. L’UE est en train de lentement tuer des nations millénaires.

Je vis dans un pays où 80% – oui, vous avez bien entendu – 80% des lois sont imposées par l’UE. La seule fonction de notre Assemblée est aujourd’hui de valider des lois faites par d’autres.

Que je sois claire : je ne suis pas offensée lorsque j’entends le président Trump dire « America First ». En fait, je veux que l’Amérique passe en premier pour les Américains. Je veux l’Angleterre pour les Anglais. Et je veux la France pour les Français !

C’est pourquoi je me bats pour que la diplomatie française conserve son rôle unique, de lien entre l’Est et l’Ouest. Une longue histoire nous a permis de former des liens privilégiés avec l’Afrique, la Russie, l’Asie et le Moyen-Orient.

Nous devons être capables de garder les capacités de décider pour nous-mêmes sur les sujets militaires et diplomatiques. Nos forces sont complémentaires.

Comme vous, si nous voulons que la France redevienne grande, nous devons défendre nos intérêts économiques dans la globalisation. L’UE nous soumet à une concurrence déloyale face au reste du monde. Nous ne pouvons accepter un modèle qui produit des esclaves dans les pays en voie de développement et des chômeurs en Occident.

Je refuse le monde standardisé proposé par l’UE. Je considère que les peuples ont le droit à une continuité historique.
Ce que je veux, c’est la survie de ma nation, être capable de transmettre, pas seulement mon héritage matériel mais aussi mon patrimoine immatériel.
Les jeunes Français ne sont pas encouragés à découvrir et à aimer cet héritage culturel. On leur fait subir un lavage de cerveaux, à base de culpabilité et de honte de leur pays.

Le résultat, c’est le développement d’une contre-société islamiste en France.

Après 40 ans d’immigration massive, de lobbies islamiques et de politiquement correct, la France est en train de passer de fille aînée de l’Église à petite nièce de l’islam. Et le terrorisme n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ce n’est pas la France pour laquelle nos grands-parents se sont battus.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Parce que l’UE et la France ont oublié un point crucial : « pour s’ouvrir à l’autre, il faut un cœur ferme ; pour accueillir, il faut rester, et pour partager il faut avoir quelque-chose à offrir[RBEJ1] ».

Dans cette perspective, le modèle de société que nous portons est basé sur une conception de l’humain enraciné dans sa mémoire collective et sa culture partagée.

Sans nation et sans famille, le bien commun, la loi naturelle et la morale collective disparaissent cependant que perdure le règne de l’égoïsme.

Même les enfants sont devenus une marchandise ! Nous entendons dans le débat public « nous avons le droit de commander un enfant sur catalogue ». « Nous avons le droit de louer le ventre d’une femme ». « Nous avons le droit de priver un enfant de mère ou de père ». Non, vous ne l’avez pas ! Un enfant n’est pas un droit.

Est-ce cela, la liberté que nous désirons ? Non, nous ne voulons pas de ce monde atomisé de l’individu sans genre, sans père, sans mère et sans nation.

Que voulons-nous alors ?
Comme vous, je veux retrouver mon pays !

Je suis venu vous dire qu’il y a aujourd’hui une jeunesse prête pour cette bataille en Europe : une jeunesse qui croit au dur labeur, qui croit que ses drapeaux signifient quelque-chose, qui veut défendre les libertés individuelles et la propriété privée. Une jeunesse conservatrice qui veut protéger ses enfants de l’eugénisme et des délires de la théorie du genre. Une jeunesse qui veut protéger ses parents de l’euthanasie et l’humanité du transhumanisme.

Comme la jeunesse américaine, la jeunesse française est héritière d’une grande nation. À qui beaucoup est donné, et de qui beaucoup est attendu.

Notre combat ne doit pas être seulement électoral : nous devons diffuser nos idées dans les médias, la culture et l’éducation, afin de stopper la domination des libéraux et des socialistes.

C’est pourquoi j’ai récemment lancé une école de management et de sciences politiques. Le but ? Former les chefs de demain. Ceux qui auront le courage, le discernement et les techniques pour défendre les intérêts de leur peuple.

Le défi est gigantesque, mais les 2 années qui viennent de s’écouler ont montré une chose : ne sous-estimez jamais le peuple ! Une bataille qui n’est pas menée est déjà perdue.

Le Brexit au Royaume-Uni, Manif pour tous en France, et, bien sûr, l’élection de Donald Trump prouvent une chose : quand les peuples ont l’opportunité de reprendre leur pays, ils la saisissent !

Par votre action et votre talent, vous avez réussi à remettre le conservatisme en priorité dans l’agenda politique. Construisons sur ce que vous avez accompli ici, afin que des deux côtés de l’Atlantique un agenda conservateur domine.

Je termine par une citation de Malher que j’aime particulièrement. Une citation qui résume le conservatisme moderne : « La Tradition n’est pas la vénération des cendres, mais la transmission de la flamme. » Vous fûtes l’étincelle. C’est maintenant à nous de nourrir la flamme conservatrice dans notre pays.

Vivent les nations libres, vivent les peuples libres et longue vie à l’amitié franco-américaine.

Merci. »