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Un an de conflit en Ukraine : la Gauche surtout silencieuse et complice

Le bilan est très mauvais.

Elle est belle la « Gauche » française, ou plutôt cette variété française de « Démocrates » à l’américaine. Un an de conflit en Ukraine et même là, elle ne trouve rien à dire, ou alors… surtout pour soutenir l’OTAN. On en est là..

Et encore parle-t-on là de ceux qui font de la politique. Pour d’autres, c’est déjà trop. Les manifestations de la CGT et une vague agitation étudiante leur suffit. Ils ne sont même pas en mesure de comprendre que le premier anniversaire d’un tel conflit interpelle nécessairement les gens. Que c’est faire de la politique, la plus élémentaire même, que de donner sa vision du monde, de montrer qu’elle permet d’éclairer les faits, de dégager des tendances, de tracer des perspectives.

Faisons un petit bilan de ces « politiques » et « antipolitiques » au sujet du triste anniversaire de la première année de conflit militaire en Ukraine.

Les politiques

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, député du Nord, a régulièrement soutenu le régime ukrainien, tout en dénonçant le risque d’engrenage. C’est une position intenable, mais qui permettait de sauver la chèvre et le chou. D’un côté le PCF est aligné sur le régime pro-Ukraine au niveau de ses élus, de l’autre il prône la paix pour satisfaire sa base.

Le document « Ukraine : Agir pour la Paix, en priorité » est en ce sens. Fabien Roussel dénonce la Russie, appelle le gouvernement français à devenir l’organisateur de la paix et égratigne l’OTAN. Ce n’est pas cohérent, mais c’est bien amené, ça passe politiquement.

Le Nouveau Parti Anticapitaliste appelle à soutenir la « résistance ukrainienne », sans prendre en compte la nature du gouvernement ukrainien. Tout est de la faute de la Russie et il faut soutenir les opposants là-bas (Assez de la guerre de Poutine ! Troupes russes hors d’Ukraine ! Solidarité avec la résistance ukrainienne !). Cela revient à être un appendice de l’OTAN, mais ça tient debout, c’est cohérent politiquement (si l’on adopte la ligne du NPA).

Lutte Ouvrière a pris position dans son éditorial des bulletins d’entreprise. Son mot d’ordre est Aucun soutien à leur sale guerre ! et l’opposition à la guerre. Lutte Ouvrière est montée en gamme depuis quelques semaines dans sa dénonciation de la guerre, reflétant le fait que pour les travailleurs, la menace d’une 3e guerre mondiale interpelle. Citons le bulletin :

« Les travailleurs n’ont à se ranger ni dans un camp, ni dans un autre. La seule porte de sortie qui puisse garantir que le conflit prenne fin et ne recommence pas demain, c’est que les travailleurs refusent de servir de chair à canon et se retournent contre leurs propres dirigeants.

Sans les travailleurs, rien ne peut se produire. Rien ne peut s’échanger, rien ne peut fonctionner. Même pour faire la guerre, produire les armes et les acheminer, les gouvernements ont besoin de nous. Sans notre consentement, il n’y a pas de guerre possible.

Alors, préparons-nous à refuser l’union sacrée derrière Biden et Macron. Reprenons le mot d’ordre de Marx : prolétaires de tous les pays, unissons-nous contre la classe capitaliste qui nous exploite. Unissons-nous contre ses politiciens qui dressent les peuples les uns contre les autres et nous mènent à la guerre ! »

Le PCF(mlm) considère quant à lui qu’on est déjà dans le processus de 3e guerre mondiale. Celle-ci est le fruit pourri de la crise générale du capitalisme commencé en 2020 et les choses vont empirer en raison de la contradiction américano-chinoise. On est dans le repartage du monde et l’ennemi est avant tout dans son propre pays (Un an de conflit armé en Ukraine: faire face à la guerre de repartage du monde, à l’exemple de Rosa Luxembourg).

Citons le document :

« Quel est le point de vue à l’arrière-plan de toutes les initiatives concernant l’Ukraine ?

Ce pays devrait devenir une base industrielle pour le capital financier occidental, en profitant des ressources d’une Russie démantelée en de multiples petits États et payant des sommes colossales de « réparations ».

Une Ukraine vassalisée, une Russie colonisée, tel est le plan des impérialistes occidentaux, superpuissance impérialiste américaine en tête !

Tel est leur souhait, afin de relancer le capitalisme ! »

Révolution permanente a également pris position, ne ratant pas une telle occasion politique, bien que normalement il n’est jamais parlé du conflit militaire en Ukraine. Comme traditionnellement dans ce courant politique, l’article est prétexte à une analyse « géopolitique » où les tendances sont évaluées. Ce qui donne par exemple :

« Les scénarios sont multiples et nous ne pouvons pas tous les évoquer ici. Cependant, tout semble indiquer qu’une ouverture rapide de négociations et la fin des combats n’est pas la perspective la plus probable.

Les pronostics les plus optimistes estiment que ces négociations ne pourraient commencer que d’ici quelques mois, c’est-à-dire après une éventuelle offensive russe et une probable contre-offensive ukrainienne. Autrement dit, les populations locales vont encore endurer beaucoup de souffrances avant que la guerre s’arrête, même selon les plus optimistes. »

Cette position concerne de toutes façons seulement l’Ukraine et la Russie et il n’est pas considéré dans le document que tout cela ait une incidence politique en France (Ukraine. A un an du début d’une guerre réactionnaire).

On a enfin le Parti socialiste, dont la ligne est ouvertement favorable au régime ukrainien et à l’OTAN. Il faudrait d’ailleurs un soutien total, indéfectible comme le dit la déclaration.

Les anti-politiques

Il y a, à rebours des « politiques », les anti-politiques. Eux veulent de l’agitation et rien d’autre. Les positionnements ne les intéressent pas : ils sont une variété pseudo-politique du syndicalisme. Ils ne parlent strictement jamais du conflit militaire en Ukraine et ils ne voient même pas pourquoi il faudrait en parler.

La France insoumise s’est ainsi contentée d’un communiqué de presse de quelques lignes signé par ses parlementaires, pour demander le soutien au régime ukrainien mais également d’aller dans le sens d’une solution négociée. Pas un mot sur l’OTAN, naturellement. Jean-Luc Mélenchon ne dit quant à lui rien du tout sur son blog, lui pourtant si bavard au sujet de tout.

Les anarchistes conservent pareillement le silence. Rien chez l’Union Communiste Libertaire, rien chez la Fédération anarchiste, rien chez Contre-attaque (ex-Nantes révoltée), rien chez la CNT, rien chez la CNT-SO, rien chez la CNT-AIT, rien chez l’OCL.

C’est tout de même notable, car il existe en France une tradition anti-militariste. Il faut croire qu’elle s’est évaporée et que l’armée française peut soutenir le régime ukrainien autant qu’il l’entend.

Du côté « marxiste-léniniste » ou pseudo-maoïste version étudiant, on ne trouve rien non plus. Ils ne parlent jamais de la guerre, ils ne vont pas s’y mettre même à l’occasion d’une année de conflit d’une telle importance. C’est « politique » et ça ne les intéresse pas.

Le Parti Communiste des Ouvriers de France, le Parti Communiste Révolutionnaire de France, Unité Communiste, La Cause du peuple, Nouvelle époque, l’UPML, l’OCML-VP… tous ces gens, qui normalement sont censés dénoncer « l’impérialisme », continuent de ne rien dire.

Initiative Communiste, le site du PRCF, ne dit rien non plus à cette occasion, mais au moins parle-t-il de manière assez régulière du conflit en Ukraine, dénonçant l’OTAN et appelant à la paix.

Le panorama des « politiques » n’est guère brillant, mais celui des « anti-politiques » révèle encore plus le fond du problème, qui est que la Gauche française est surtout sans fondamentaux et sans envergure.

Comment être pris au sérieux sans économie politique développée ? Comment prétendre changer le monde, transformer les choses, sans valeurs développées, sans vision du monde ?

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Le congrès mystère de « Révolution permanente »

On ne sait rien et on n’en saura pas plus.

« Révolution permanente » était une tendance du Nouveau Parti Anticapitaliste ; exclue en 2021, elle a réussi à devenir l’un des principaux pôles « militants » en France à gauche de la gauche. Elle a annoncé un congrès de fondation d’une nouvelle organisation révolutionnaire, congrès qui s’est tenu les 16, 17 et 18 décembre 2022.

Trois textes servaient de fondements à cet effet : un sur l’organisation, un autre sur la situation en France, et enfin un portant sur la situation internationale.

Or, nous sommes le 2 janvier 2023 et « Révolution permanente » n’a toujours rien dit au sujet de ce congrès. Les seuls documents proposés sont des interventions de gens extérieurs présents au congrès, tels l’économiste version « Monde diplomatique » Frédéric Lordon (« Un parti révolutionnaire sert à tout niquer, avec méthode », sic), ou Assa Traoré du « Comité vérité et justice pour Adama ».

Mais on ne sait rien de ce que le congrès a donné. Cela a-t-il été un succès ? Un échec ? Car enfin, on peut imaginer que les personnes présentes n’ont pas tout laissé tomber pour regarder la finale de la coupe du monde 2022 de football France – Argentine.

Cela dit, l’arrière-plan de « Révolution permanente » ce sont des trotskistes argentins, et surtout, de manière plus concrète, « Révolution permanente » vise un public étudiant, petit-bourgeois, par définition versatile et consommateur. Dire qu’on fonde une organisation révolutionnaire avec de tels gens est du suicide.

On peut toujours faire semblant d’être une organisation, nombreuses sont les petites structures hyper « radicales » portées par des petits-bourgeois et des étudiants. Cependant, c’est de l’aventurisme sans portée ni envergure, c’est du « militantisme » et il n’y a pas de programme, pas de fond, rien qui reste réellement dans la société.

Là, « Révolution permanente » a visé trop haut en pensant pouvoir « formaliser » son militantisme. L’idée était de s’ancrer dans le paysage militant français. Sauf que tout cela est artificiel. Il y a toute une scène de gens qui « militent », mais ils sont là où ils sont comme ils pourraient être ailleurs. Cela n’a pas de réel fond politique programmatique.

Dans tous les cas, il n’est pas correct de dire qu’on fonde une organisation révolutionnaire lors d’un congrès, pour ne rien dire à ce sujet. Quinze jours, ne rien savoir à ce sujet, c’est tout savoir. C’est un fiasco.

Si cela avait été un réel échec, cela aurait eu sa dignité, les choses ne vont pas en ligne droite. Cela aurait été une expérience, une contribution sur la voie vers le Socialisme. Là c’est juste un épisode digne d’un feuilleton. Et cela ajoute à la confusion générale.

On dira que la critique est facile, l’art est difficile. Mais c’est « Révolution permanente » qui a affirmé faire un congrès avec plusieurs centaines de personnes pour former la véritable organisation révolutionnaire en France. De ce qu’on voit, la proposition tombe à l’eau : elle n’a été donc qu’une expression de décomposition contribuant à la dépolitisation, à la délégitimation de la Gauche. Ce qui est typique du « militantisme » anarchiste et trotskiste.

Pour une analyse de fond, on peut résumer ainsi : c’est une erreur que de vouloir un « militantisme » de masse organisé au moment où la société française toute entière se replie sur elle-même dans la consommation et la futilité.

Il y a eu un million de personnes sur les Champs-Elysées à Paris le soir du 31 décembre 2022 ! C’est lamentable, et c’est ça la réelle tendance de fond. « Révolution permanente » paie le prix de ne rien comprendre à la vie quotidienne des gens dans le 24 heures sur 24 du capitalisme, dans un capitalisme en crise depuis 2020.

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Politique

Scission d’un NPA qui se brise sur la crise

Il n’a pas compris que le monde avait changé.

Le monde a totalement changé en 2020 avec la pandémie, et il continue de changer à grande vitesse. Le capitalisme continue sa vie sous perfusion, alors qu’on se précipite dans la 3e guerre mondiale. Tout s’accélère, à tous les niveaux, et en même temps tout stagne.

Il faut beaucoup de finesse et d’outils afin d’être en mesure d’appréhender cela, et le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) fondé en 2009 n’a rien de tout ça. La raison est simple : c’est une structure à vocation purement militante, dont le mot d’ordre est vogue la galère. On milite et puis on voit.

Le résultat est une convergence permanente avec le secteurs du capitalisme permettant le plus une remise en cause du conservatisme, ce que nous appelons sur agauche.org le turbocapitalisme. Autrement dit, à l’instar des Démocrates aux États-Unis, le NPA surfe sur les nouveautés « subversives » du type LGBT ou les migrants, alors que ce sont juste des espaces nouveaux pour le marché capitaliste.

Pour que ça tienne, il ne faut surtout pas penser, le NPA est donc obligé de tout le temps surenchérir dans le populisme anticapitaliste et de pratiquer du militantisme en mode fuite en avant. Cela produit une hystérie interne ininterrompue.

Cette situation du NPA a produit un psychodrame lors de son congrès des 9, 10 et 11 décembre 2022 à la Bourse du travail de Saint-Denis. 210 délégués y représentaient 1466 votants, pour un peu plus de 2000 militants revendiqués. Le rapport des forces donnait la chose suivante :

Plate-forme A6,21 %91 voix – 13 délégués
Plate-forme B48,50 %711 voix – 102 délégués
Plate-forme C45,29 %664 voix – 95 délégués

La plate-forme A revendiquait le maintien de l’unité du NPA. La plate-forme B rassemblait la direction historique issue de la Ligue Communiste Révolutionnaire qui a donné naissance au NPA.

La plate-forme C est en opposition à cette direction historique. Elle l’accuse de vouloir être, dans l’espoir d’apparaître comme un pôle radical étant la véritable solution, absolument de la partie auprès de la NUPES, de Jean-Luc Mélenchon, des socialistes. La plate-forme C veut faire la même chose mais totalement en dehors de la Gauche gouvernementale.

Cette situation était particulièrement désagréable humainement parlant, puisqu’on parle de gens qui « militent » et qui n’ont aucun recul, et ne veulent pas en avoir. Cela a donc terminé en mépris, haine, rancoeur, etc., sans que personne ne l’emporte réellement de par le rapport de force à 50/50.

C’est ce qui a provoqué le départ du congrès de la Plate-forme B, pour continuer toute seule le NPA dans un contexte considéré comme celui de fortes mobilisations sociales.

Elle espère pour cela profiter d’une continuité formelle, puisqu’elle profite de l’ensemble des porte-paroles du mouvement : Philippe Poutou, Olivier Besancenot, Christine Poupin et Pauline Salingue. On parle là de gens liés à la LCR : Christine Poupin y a adhéré en 1980, Olivier Besancenot en 1991, Philippe Poutou en 2000, Pauline Salingue adhère aux jeunes de la LCR en 2001 avec ses deux parents à la LCR.

La plate-forme C dit exactement la même chose : elle aussi entend continuer toute seule le NPA dans un contexte considéré comme celui de fortes mobilisations sociales.

Tout cela n’a guère de sens, mais pour ces gens il n’y a pas besoin d’en avoir. On n’a pas affaire à une Gauche programmatique, mais à des réseaux militants qui se la jouent révolutionnaires en apparence alors que leurs activités sont toujours finalement syndicales ou associatives. C’est on ne peut plus urbain, jeune, petit-bourgeois ou bourgeois, avec toujours un pied dans le monde universitaire, du côté des étudiants comme des chercheurs et professeurs.

C’est la vaine agitation gaspillant les énergies, avec une démarche très facile à caricaturer pour l’extrême-Droite. C’est un exemple à ne pas suivre!

Et cela s’effondre forcément sur les écueils de la crise. La crise du capitalisme ouverte en 2020 exerce une pression terrible, sur tous les plans, sur tout le monde. Il y a ceux qui savent y faire face, d’une manière ou d’une autre, et ceux qui sont mis de côté, d’une manière ou d’une autre.

Le NPA n’a pas été à la hauteur ici, au point de ne même pas avoir vu la crise, de s’imaginer que tout est comme avant ! Le résultat est le ratatinement – on ne peut même pas parler d’effondrement, là cela aurait eu au moins sa part de dignité.

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Guerre

Ukraine en mode pro OTAN: l’appel CGT – FSU – LFI – NPA – EELV

On est dans une convergence très claire.

Lors de la Conférence bilatérale pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine à Paris le 13 décembre 2022, le président Emmanuel Macron a parlé du « plan de paix en dix points » du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qu’il a présenté comme « une excellente base sur laquelle nous allons bâtir ensemble ».

Ces dix points sont principalement : « La Russie doit retirer toutes ses troupes et formations armées du territoire de l’Ukraine », « La Russie doit réaffirmer l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans le cadre des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale des Nations unies et des documents internationaux contraignants applicables », « l’établissement du Tribunal spécial concernant le crime d’agression de la Russie contre l’Ukraine et la création d’un mécanisme international pour compenser tous les dommages causés par cette guerre ».

Il y aussi : « Des restrictions de prix sur les ressources énergétiques russes devraient être introduites », « des milliers de nos concitoyens — militaires et civils — sont en captivité chez les Russes [et doivent être libérés] », « La Russie doit immédiatement retirer tous ses combattants du territoire de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia ».

Ainsi que : « l’Ukraine peut exporter 45 millions de tonnes de nourriture cette année »,  » 200 000 hectares de nos terres sont contaminés par des mines et des obus non explosés [et il faut s’en occuper] », « la Russie a pu déclencher cette guerre précisément parce que l’Ukraine est restée dans la zone grise — entre le monde euro-atlantique et l’impérialisme russe [et l’Ukraine doit être dans le camp occidental] », « un document confirmant la fin de la guerre devra être signé par les partie ».

Ce qu’on lit là, et qu’Emmanuel Macron salue, est repris mot à mot par tout une partie de la « Gauche » française ! C’est tout à fait révélateur de la nature sociale-chauvine de ces gens ne font que défendre leur propre capitalisme, leur propre impérialisme, en mendiant simplement une dimension « sociale ».

Une paix juste et durable pour l’Ukraine

Une crise humanitaire sans précédent menace la population d’Ukraine cet hiver. La situation de conflit qui prévalait dans l’est de l’Ukraine depuis 2014 est devenue une guerre totale, « de haute intensité » depuis l’invasion du territoire ukrainien par les troupes de Poutine, le 24 février 2022.

Cette « opération spéciale » avait comme but explicite de renverser le gouvernement ukrainien et de détruire la République d’Ukraine comme entité indépendante. L’échec de ce premier objectif a conduit le gouvernement de la Fédération de Russie à en modifier les objectifs et à prolonger une brutale guerre de conquête avec la proclamation de l’annexion d’une grande partie du territoire ukrainien.

Les victimes se comptent en dizaines de milliers, les personnes déplacées en millions, les dommages en dizaines de milliards d’euros. Les forces d’invasion commettent des crimes de guerre, et, par leur caractère systématique, des crimes contre l’humanité – comme la destruction des infrastructures vitales, les déplacements forcés et la déportation de populations – y compris des enfants. Sans oublier les viols massifs.

En Russie, des gens sont enrôlés de gré ou de force pour faire une guerre, à laquelle, de diverses manières, ils sont des centaines de milliers à vouloir à raison se soustraire ou à courageusement s’opposer frontalement.

Toute guerre se termine un jour, toute négociation qui permettrait d’y mettre un terme sera bienvenue. Mais une paix juste et durable ne s’établira pas sans conditions, elle ne peut être envisagée que sur la base du respect de certains principes élémentaires :

• Le retrait de toutes les troupes d’invasion de tout le territoire de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues ;

• Le retour, dans des conditions de sûreté garantie, de tous·tes les réfugié·es et des personnes déplacées ;

• Le respect du droit international, tant en ce qui concerne le droit de la guerre (libération des prisonnier·ères de guerre) que le droit humanitaire et les principes de la charte des Nations unies et des autres documents internationaux (dont la Convention européenne des droits humains et les principes fondateurs de l’Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe).

D’autres questions, telles que celles des réparations des dommages de guerre, des poursuites pénales éventuelles devant les juridictions nationales et internationales compétentes, ainsi que les garanties de sûreté, de liberté d’expression des populations et d’exercice de leurs droits individuels et collectifs, pourront être précisées une fois les principes ci-dessus affirmés et aussi vite que possible mis en pratique.

L’appui à ces objectifs des opinions dans le monde entier sera un élément essentiel pour une paix juste et durable pour les peuples d’Ukraine et de Russie.

Liste des premiers signataires :

Simon DUTEIL, co-porte-parole de l’Union syndicale Solidaires
Murielle GUILBERT, co-porte-parole de l’Union syndicale Solidaires
Philippe MARTINEZ, secrétaire général de la CGT
Benoît TESTE, secrétaire général de la FSU

François ALFONSI, eurodéputé Verts/ALE
Rodrigo ARENAS, député LFI de Paris
Clémentine AUTAIN, députée LFI de Seine-Saint-Denis
Esther BENBASSA, sénatrice écologiste de Paris
Laurence BOFFET, vice-présidente Ensemble Lyon Métropole
Leïla CHAIBI, eurodéputée LFI
Paul-André COLOMBANI, député LIOT de Haute-Corse
Hendrik DAVI, député LFI des Bouches-du-Rhône
Alma DUFOUR, députée LFI de Seine-Maritime
Benjamin JOYEUX, conseiller régional EELV Auvergne-Rhône-Alpes
Hubert JULIEN-LAFFÉRIÈRE, député EELV du Rhône
Andy KERBRAT, député LFI de Loire-Atlantique
Marianne MAXIMI, députée LFI du Puy-de-Dôme
Paul MOLAC, député LIOT du Morbihan
Sandrine ROUSSEAU, député EELV de Paris
Michel SALA, député LFI du Gard

Branislava KATIC, secrétaire générale de l’Union des artistes ukrainiens
Jean-Pierre PASTERNAK, Union des Ukrainiens de France

Olivier BESANCENOT, ancien candidat à l’élection présidentielle
Eva JOLY, ancienne candidate à l’élection présidentielle
Noël MAMÈRE, ancien candidat à l’élection présidentielle
Philippe POUTOU, ancien candidat à l’élection présidentielle

Vincent DREZET, porte-parole d’Attac France
Merlin GAUTHIER, co-animateur de PEPS
Myriam MARTIN, porte-parole de la Gauche écosocialiste
Margot MEDKOUR, porte-parole de Nantes en Commun
Jean-François PELLISSIER, porte-parole d’Ensemble !
Christine POUPIN, porte-parole du NPA

Étienne BALIBAR, philosophe
Sergio CORONADO, ancien député EELV
Gilles LEMAIRE, ancien secrétaire EELV
Twefik ALLAL, militant associatif algérien
Albert HERSZKOWICZ, médecin, Mémorial 98
Jacques SIMON, fondateur de Kinoglaz (cinéma soviétique et russe)
Philippe CORCUFF, politologue
Philippe MARLIÈRE, politologue
Catherine SAMARY, économiste

Fred ALFI, musicien
Daman, musicien
Dubamix, musicien
Footprint System, musiciens
Jacques KIRSNER, scénariste, producteur
Dominique LABOURIER, comédienne

Jean MALIFAUD, mathématicien
Marnix DRESSEN-VAGNE, sociologue
Alexis CUKIER, philosophe
Didier EPSZTAJN, auteur
Pierre COURS-SALIES, sociologue
Pierre KHALFA, économiste
François GÈZE, éditeur
Pierre SALAMA, économiste
Ben CRAMER, rédacteur
Francis SITEL, éditeur
Jean-Paul BRUCKERT, historien
Gustave MASSIAH, économiste
Jean DHOMBRES, historien des sciences
Stefan BEKIER, interprète de conférence
Bernard DREANO, militant de la solidarité internationale
Bernard RANDE, mathématicien
Gilles GODEFROY, directeur de recherche émérite
Violaine AUBERT, CPGE lycée Henri-IV
Nara CLADERA, professeure des écoles, SUD Éducation
Fabienne MESSICA, sociologue
Georges MENAHEM, sociologue, économiste
Gilles MANCERON, historien
Vincent PRESUMEY, professeur
Claire BORNAIS, syndicaliste enseignante , FSU
Idriss MAZARI, mathématicien
Anne MARCHAND, sociologue
Benjamin SCHRAEN, mathématicien
Michelle GUERCI, journaliste, militante féministe antiraciste
Patrick SILBERSTEIN, médecin, éditeur
Bruno SLAMA, chef d’entreprise
Julien TROCCAZ, SUD-Rail
Christian GOURDET, ouvrier du Livre retraité
Christian MAHIEUX, cheminot retraité, éditeur
Pierre ROUSSET, Europe solidaire sans frontières
Monique DENTAL, réseau féministe Ruptures
Abraham BEHAR, président de l’Association des médecins français pour la prévention de la guerre nucléaire
Daniel GUERRIER, éditeur
Jan MALEWSKI, éditeur
Bernard PINAUD, ancien délégué CCFD-Terre solidaire
Patrick FARBIAZ, militant écologiste
Pierre BERNARD, mathématicien
Huayra LLANQUE, militante associative ATTAC
Patrick LE TREHONDAT, auteur, éditeur
Mariana SANCHEZ, journaliste, éditrice
Robi MORDER, juriste, chercheur associé
Antoine RABADAN, militant anticapitaliste et internationaliste
Christian VARIN, militant anticapitaliste et internationaliste
Henri MERME, militant autogestionnaire et internationaliste
Roland MÉRIEUX, militant autogestionnaire et internationaliste
Jean-François FONTANA, enseignant retraité, syndicaliste
Michel LANSON, militant internationaliste
Olivier AUBERT, consultant en prospective,
Béatrice WHITAKER, militante internationaliste
Jean-Paul ALLOUCHE, directeur de recherche émérite
Michel BROUE, mathématicien
Faouzia CHARFI, physicienne, ancienne secrétaire d’État (Tunisie, 2011)
Kevin VACHER , Nos Vies Nos Voies , Mouvement citoyen marseillais

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Politique

Suite et fin de la polémique entre le NPA et Lutte Ouvrière

Deux courriers closant la question.

A la suite de la polémique lors du meeting en mémoire du dirigeant du Nouveau Parti Anticapitaliste le 30 avril 2022, Lutte Ouvrière a fait une réponse, à quoi le NPA a répondu, témoignant d’une vraie cassure. Il n’y a d’ailleurs plus de « salutations révolutionnaires ».

La lettre de Lutte Ouvrière.

Lettre adressée au NPA en réponse à sa lettre du 5 mai

Chers camarades,

Dans votre lettre du 5 mai, vous osez qualifier notre intervention à votre réunion d’hommage à Alain Krivine, de « provocation irrespectueuse », comme si le fait de formuler une appréciation politique aurait été inconvenant. C’est pour le moins étonnant.

Vous saviez que si nous intervenions au cours de cette réunion, bien distincte des obsèques qui avaient eu lieu un mois plus tôt, notre hommage à Alain Krivine ne pourrait qu’avoir un contenu politique critique. Nous en avions discuté au préalable, et vous en étiez d’accord. L’appréciation politique formulée par Michel Rodinson en notre nom au cours de son intervention ne pouvait d’ailleurs vous surprendre, puisque nous avons eu bien des occasions de l’exprimer dans le cadre de nos relations.

Libre à vous de considérer que cette intervention était une dénonciation « au vitriol », ou de lui attribuer une tonalité « insultante et méprisante », ce qui n’était nullement le cas. Chacun peut évidemment en juger en lisant le texte de cette intervention ou en en regardant l’enregistrement vidéo.

L’essentiel pour nous est dans les considérations politiques qu’elle contenait et qui à notre avis méritaient autre chose que les hurlements par lesquels une partie de la salle les a accueillies. Nous discutions d’une orientation de fond de votre courant politique, dont Alain Krivine a été longtemps un inspirateur et dont, soit dit en passant, votre orientation actuelle dans les élections ne peut être séparée.

Y compris par respect pour la mémoire d’Alain Krivine, nous ne pouvions que formuler nos appréciations. Elles avaient tout à fait leur place dans une réunion au cours de laquelle différentes tendances s’exprimaient. Quant à la discussion qu’elles méritent, elle ne peut pas être remplacée par des cris d’orfraie.

En ce qui nous concerne, nous retiendrons de votre lettre qu’une critique de vos orientations s’assimile pour vous à une provocation. C’est du moins le cas quand cela vient de nous car il n’en est visiblement pas de même quand cela vient d’autres bords politiques, puisque la même salle a applaudi sans problème diverses personnalités qui ont été formées par la LCR avant de l’abandonner pour mener soit une carrière, soit même une autre politique.

Nous savons que la confrontation politique est parfois rugueuse, comme vous le notez d’ailleurs. Visiblement, votre épiderme ne ressent pas cette rugosité de la même façon suivant le coté d’où elle vient. Nous le regrettons, surtout pour vous, mais nous n’avons aucune raison de nous en excuser et cela ne peut évidemment en rien modifier nos opinions.

Pour nous, un comportement digne du mouvement ouvrier révolutionnaire consiste à formuler les critiques, à confronter honnêtement et sans concession les points de vue des uns et des autres pour en tirer les leçons, sans chercher à les noyer sous des cris ou des sifflets.

La façon dont vous nous avez accueillis et dont vous réagissez ne change cependant rien à l’invitation à venir à notre prochaine fête et à y débattre avec nous, si vous le souhaitez. Nous pouvons dans ce cas vous assurer que vos représentants y seront comme d’habitude bien accueillis, de façon fraternelle et bien mieux en tout cas que vous n’avez accueilli le nôtre en cette réunion du 30 avril.

Bien cordialement,

Le 7 mai 2022,Le Comité exécutif de Lutte Ouvrière

La réponse du NPA.

Réponse du NPA au courrier de Lutte ouvrière du 7 mai

Camarades,

Nous prenons acte de la réponse que vous nous avez faite (et rendue publique), suite au courrier que nous vous avions adressé quelques jours plus tôt. Pour tout dire, nous trouvons cette réponse tout aussi choquante que l’intervention que vous vous êtes permis de faire lors de l’hommage à Alain Krivine.

D’abord parce que vous justifiez dans votre courrier de ne pas avoir respecté le cadre proposé. Le fait que les obsèques aient eu lieu quelques semaines plus tôt ne change absolument rien au fait qu’il s’agissait bien d’une réunion dont l’objectif était de rendre hommage à notre camarade disparu.

Si rendre hommage ne vaut pas quitus d’une orientation et des nuances ou francs désaccords que l’on peut avoir, vous reconnaîtrez qu’il y a une différence à faire entre, d’une part, la façon dont on s’exprime dans ce type de cadre et, d’autre part, les débats que nous pouvons avoir régulièrement dans le cadre de votre fête annuelle ou de notre université d’été.

Le contenu même du texte lu par Michel Rodinson au nom de Lutte ouvrière (1/5e d’hommage à Alain, et 4/5e de polémique avec notre courant politique, jusqu’à la période actuelle pour laquelle Alain n’a aucune responsabilité) illustre d’ailleurs bien le peu de soucis que vous avez eu de rendre hommage à notre camarade, et la façon dont vous le justifiez dans votre courrier nous navre une nouvelle fois.

De plus, comme vous le savez pertinemment, à la différence de ce que vous écrivez dans votre courrier, nous n’avons aucun problème avec le fait de discuter, y compris publiquement, de notre orientation. Nous le faisons d’ailleurs bien plus régulièrement que vous, dans différents cadres unitaires, et y compris avec vous lorsque vous nous y invitez.

Nous voulons d’ailleurs rappeler ici que nous vous avions écrit mi-avril pour vous proposer une discussion autour de la situation et de la question des législatives… proposition de rencontre que vous aviez alors décliné.

Vous savez donc que la question n’est pas là, mais bien dans la façon dont vous vous êtes servis en toute conscience du cadre d’un hommage militant sans autre considération que de polémiquer contre notre courant.

Et à cette erreur d’appréciation politique s’ajoute maintenant l’incorrection militante, avec dans votre dernier courrier la critique des autres invité.e.s venus, eux, rendre véritablement hommage à Alain Krivine.

Enregistrant votre fuite en avant et votre incapacité à prendre le moindre recul sur votre attitude le samedi 30 avril (sans même parler de regrets), nous vous informons donc que, au vu de la nature de nos relations actuelles, les conditions ne sont pas réunies pour que le NPA participe cette année à votre fête.

Cela signifie que, contrairement aux années précédentes, notre organisation ne tiendra pas de stand dans l’espace politique, et que personne ne participera au nom du NPA au débat que vous nous avez proposé.

Pour faire le point sur l’état de nos relations, nous vous proposons de nous rencontrer prochainement.

Le comité exécutif du NPA, le mercredi 11 mai 2022

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La polémique entre le NPA et Lutte Ouvrière

Un reflet d’une atmosphère de décomposition.

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Photothèque rouge/Martin Noda/Hans Lucas

Le Nouveau Parti Anticapitaliste a rendu public, le 5 mai 2022, une polémique à l’encontre de Lutte Ouvrière. Lors du meeting en mémoire d’Alain Krivine récemment décédé, qui fut dirigeant historique du NPA et de ses ancêtres que furent la Ligue Communiste Révolutionnaire, la Ligue Communiste et la Jeunesse Communiste Révolutionnaire, le 30 avril, le porte-parole de Lutte Ouvrière a tiré à boulets rouges sur la tradition du NPA.

On peut le voir ici prendre la parole à la 56e minute, une responsable du NPA tentant plusieurs fois de le stopper alors que le malaise est général dans la salle.

On remarquera qu’Edwy Plenel, un personnage ô combien détestable dirigeant le média Mediapart, s’en va au bout de quelques minutes, précisément au moment où le porte-parole de Lutte Ouvrière au meeting dénonce le nationalisme ukrainien.

Voici la critique de Lutte Ouvrière au NPA à ce sujet, publié dans Lutte de classe, l’organe théorique de Lutte Ouvrière, dans un article de bilan à la suite de l’élection présidentielle 2022.

« Cela s’est d’abord exprimé de façon éloquente à propos de la guerre en Ukraine. Sur ce terrain, le NPA a suivi pour l’essentiel les positions du Bureau exécutif de la IVe Internationale.

Il s’est tout d’abord très largement mêlé au chœur des dirigeants impérialistes et de leurs porte-voix faisant de Poutine et de ce qu’il nomme, sans vraiment se donner la peine d’expliquer ce qu’il entend par là, « l’impérialisme russe », l’unique responsable ou presque.

Son candidat a répété à de nombreuses reprises sa solidarité avec la résistance ukrainienne, parce qu’émanant d’une nation opprimée, et la nécessité d’armer celle-ci face à l’armée russe, sans qu’il soit jamais question de la nature sociale et politique de cette résistance, pas plus que de celle des oligarques et des soutiens anciens ou actuels de Zelensky.

Plus encore, il a soutenu les sanctions économiques contre la Russie imposées par les grandes puissances, là aussi au prétexte qu’elles étaient « demandées par la population ukrainienne », avant d’admettre confusément, plus tard, que ce n’était finalement « pas si simple que ça ».

La solidarité, l’antimilitarisme et l’internationalisme dont se réclame le NPA ont cessé il est vrai de longue date de correspondre à ce que devrait être l’internationalisme prolétarien.

La IVe Internationale dont il se réclame, comme la LCR ou ses devancières, l’ont montré à maintes reprises par le passé en présentant, parmi bien d’autres, Castro à Cuba, Ho Chi Minh au Vietnam, le FLN en Algérie, les sandinistes au Nicaragua, comme des révolutionnaires communistes derrière lesquels il fallait se ranger sans sourciller et sans émettre la moindre critique. Et surtout sans tenter de faire entendre les intérêts spécifiques du prolétariat. Plus récemment, ce sont les indépendantistes catalans ou, dans la dernière campagne, les nationalistes corses qui ont été présentés par le NPA comme des héros de l’anticolonialisme.

Leur mobilisation et les « combats de rue » ont été donnés par Philippe Poutou à plusieurs reprises comme « un exemple à suivre ». 

Or, si les communistes révolutionnaires se doivent effectivement de dénoncer l’oppression nationale lorsqu’elle existe, et les responsabilités de leur appareil d’État, ils doivent avant tout le faire au nom des intérêts propres du prolétariat et de l’internationalisme, c’est-à-dire en mettant en garde les travailleurs contre le piège que constituent la perspective nationaliste et les forces sociales qui la portent. »

On notera ici pour comprendre notamment la polémique sur le plan des idées que pour Lutte Ouvrière il existe seulement un impérialisme occidental, la Russie étant… on ne sait trop quoi, et que du côté du NPA, comme de l’ancienne Ligue Communiste Révolutionnaire, la tradition est que « tout ce qui bouge est rouge » même sans le savoir. L’opportunisme de la tradition du NPA concernant les mouvements – n’importe quel mouvement – est très connu, c’est une marque de fabrique de ce côté-là.

Le NPA est en tout cas fou de rage et a publié une lettre de protestation, avec une exigence d’excuse de la part de Lutte Ouvrière. Il est considéré que le discours du porte-parole de Lutte Ouvrière a été volontairement blessant, bref une provocation.

Et le même jour, le NPA a annoncé qu’il ne participerait finalement pas au front électoral de Jean-Luc Mélenchon (la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » – NUPES), qu’il se contenterait de soutenir les candidats de « rupture » faisant partie de ce front.

Le NPA aurait rêvé de l’intégrer et a durement négocié pour cela, mais a échoué à concrétiser le tir, alors qu’il subissait en même temps une violente critique en raison de cela de la part de Lutte Ouvrière, ou encore de Révolution permanente, une scission récente du NPA (on lire ici leur analyse de fond du front électoral « NUPES »).

Sur le plan des idées, tout cela peut être discuté dans un sens ou dans un autre. Mais si l’on se fie à la réalité sur le terrain, on peut voir que tout cela est forcé et consiste en une fuite en avant pour tenter de maintenir un cadre « militant » qui, dans les faits, n’existe plus à part comme une vague tradition et une accommodation pratique.

En réalité, ce qui règne c’est l’opportunisme pragmatique du côté de la Gauche gouvernementale version « NUPES », et une décomposition massive du côté de la Gauche se définissant comme contestataire, révolutionnaire, ou alternative, ou historique, comme on le voudra.

Cette décomposition est intellectuelle, morale, politique, idéologique ; le niveau est d’une faiblesse ahurissante, les cadres organisationnels ne se maintiennent que de manière fictive, les positionnements politiques sont artificiels.

La polémique que l’on a ici n’est donc pas une expression d’un combat idéologique au sens strict, c’est plutôt une tentative de subsister coûte que coûte en essayant de marquer des différences à tout prix, pour chercher à maintenir une position permettant de tenir jusqu’au prochain tour politique.

C’est un des aspects de la crise du capitalisme et de l’effondrement de tout un secteur étudiant – fonctionnaire fonctionnant telle une bulle avec des poches de radicalité « d’extrême-gauche ».

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La candidature d’Anasse Kazib

Le style trotskiste argentin apporte-t-il un air frais ?

En présentant Anasse Kazib à la présidentielle, le « courant communiste révolutionnaire » du Nouveau Parti Anticapitaliste, dont le média est Révolution permanente, va au clash avec l’organisation mère. De son côté le NPA présente Philippe Poutou pour la troisième fois. C’est surtout un pari pour les premiers : celui de parvenir à fonder une nouvelle organisation à l’extrême-gauche, qui soit en mesure d’être moderne, dans l’air du temps et de prendre une large place dans le camp des travailleurs.

Par moderne, il faut clairement entendre quelque chose d’opposé à la Gauche historique. L’idée, c’est de combiner les gilets jaunes, le mouvement « black lives matter », les revendications sociales, les exigences sociétales LGBT, le combat contre « l’islamophobie »… en parvenant (sous une forme inversée) à une « dialectique des secteurs d’intervention », pour reprendre l’expression résumant la stratégie de la Ligue Communiste Révolutionnaire. La différence est que la Ligue Communiste Révolutionnaire dispersait ses militants dans les luttes, dans toutes les directions, dans les années 1980-1990, en espérant que tout se fasse écho. Là, il s’agit de donner un centre à un mouvement éparpillé, de construire l’organisation dans le feu de l’action.

Qui s’intéressera au fond théorique de l’approche peut lire « La catastrophe capitaliste et la lutte pour une organisation mondiale de la révolution socialiste », le manifeste trotskyste à l’origine de la démarche, ou bien se renseigner sur l’Argentin Nahuel Moreno, à l’origine de la variante dite « moréniste » du trotskisme. On parle ici d’une scission du courant dit « pabliste », terme venant de Michalis Raptis dit Pablo, qui a posé les bases de l’idéologie de la Ligue Communiste (Révolutionnaire) française, avant un recentrage.

Tout cela est bien compliqué, mais on peut voir les choses plus simplement. Il y a un grand vide politique : la Gauche française est hors-service. Il y a bien des partis électoralistes et une petite agitation militante, mais c’est sans valeur aucune historiquement, surtout alors que la crise arrive. Il y a donc l’exigence d’établir quelque chose de fort.

Et là, il n’y a pas 36 options. Soit on dit qu’il faut partir du parcours français, du mouvement ouvrier dans ses acquis et on entend réaffirmer la base qui a été corrompue pour X ou Y raisons. C’est la ligne de reconstruction d’un Parti Communiste, avec une évaluation différente de la période et de la source de la corruption, des communistes patriotiques du PRCF, des marxistes-léninistes du PC-RF et des maoïstes du PCF(MLM).

Soit on dit qu’il faut se fonder sur une tendance internationale, car la révolution est mondiale de manière immédiate, et surtout permanente. C’est le choix fait par le courant communiste révolutionnaire du NPA, qui propose ni plus ni moins que de reformer une organisation trotskiste de masse, prenant le relais de feu la LCR, feu le Parti Communiste Internationaliste… mais pas feu Lutte Ouvrière, qui est parvenue à se maintenir. Mais comme Lutte Ouvrière n’est pas mouvementiste, il y a une place à prendre, en théorie.

Il faut pour cela que cela soit juste, ou du moins que cela corresponde à un style français. Et on sait comment le trotskisme, avec son militantisme para-syndical révolutionnaire en mode léniniste, a eu un très important succès dans notre pays, depuis les années 1930 jusqu’aux années 2010. Le style argentin – car le courant communiste révolutionnaire du NPA est très clairement porté par la maison mère argentine – viendrait donc réactiver cela.

On va vite savoir si c’est le cas. Soit dans six mois un an, le pari est réussi et il y a une nouvelle organisation trotskiste avec un véritable écho populaire. Soit ce n’est qu’une illusion « activiste » déconnectée de la réalité nationale française.

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Tribune: « Anasse Kazib doit pouvoir se présenter à la présidentielle 2022 ! »

Un appel à soutenir le candidat d’une tendance du NPA.

On notera la présence dans la liste de soutien de Jean-Marc Rouillan, ancien membre de l’organisation armée Action Directe, qui s’était déjà totalement reconverti en rejoignant le Nouveau Parti Anticapitaliste.

« Depuis un an, le climat politique en France est marqué par l’offensive sécuritaire, raciste et liberticide initiée par le gouvernement. De la loi sécurité globale à la loi séparatisme en passant par l’instrumentalisation de l’ignoble assassinat de Samuel Paty, les attaques contre les droits démocratiques et les militants qui les défendent s’enchaînent. Ce choix politique a ouvert la voie à des phénomènes aussi réactionnaires que la tribune des militaires ou les appels au meurtre de militantes et militants de gauche lancés par des youtubeurs d’extrême-droite.

D’ores et déjà, la majeure partie des forces politiques travaille activement à faire de la sécurité, de l’immigration ou des déficits engendrés par les milliards de cadeaux au patronat le cœur des débats. Autant de thématiques en décalage total avec les préoccupations de la population, après plus d’une année d’une pandémie qui a mis en lumière les conséquences des politiques austéritaires, notamment à l’hôpital.

A l’issue d’un quinquennat marqué par des mobilisations historiques, du mouvement des Gilets jaunes à la grande grève contre la réforme des retraites en passant par le mouvement étudiant contre la sélection en 2018, le déferlement écolo de la jeunesse en 2019 ou encore les mobilisations antiracistes de juin 2020, celles et ceux qui ont pris la rue et constitué la principale opposition au gouvernement et à l’extrême-droite risquent fort d’être évincés du tableau de l’élection.

Ce décalage entre un scrutin qui vise à élire un monarque présidentiel, incarnation suprême des traits les plus bonapartistes de la Vème République, et la situation de la majorité de la population, n’est en rien une surprise. Il n’est qu’une nouvelle expression d’un régime conçu pour empêcher ou limiter au maximum la représentation des travailleuses, des travailleurs et des classes populaires, dans toute leur diversité. Les fameux « 500 parrainages », filtre puissamment anti-démocratique visant à limiter la possibilité de faire entendre une autre voix dans l’échéance électorale centrale du pays, sont une des incarnations de cette logique.

Malgré ces obstacles, Anasse Kazib a annoncé son intention de se présenter à la prochaine élection de 2022. Non pas qu’il pense que ce sont des élections qui changeront la vie, mais parce qu’une voix radicalement alternative doit pouvoir s’y exprimer. Cheminot, figure de proue des luttes qui se sont succédé depuis 2016, fils de chibani et petit-fils de tirailleur marocain ayant grandi dans la cité rose de Sarcelles, il est l’un des visages d’une nouvelle génération militante qui rassemble le combat contre un système capitaliste profondément injuste et la lutte contre le racisme, le sexisme et la destruction de la planète. Il a également été l’un des premiers, au sein du mouvement ouvrier organisé, à soutenir le mouvement des Gilets jaunes.

En pleine offensive sécuritaire et alors que le rôle central des travailleurs et travailleuses a été mis en lumière par la crise sanitaire, sa présence à l’élection permettrait de contrecarrer l’entreprise d’étouffement de la parole populaire. Sa voix permettrait d’offrir un peu d’espoir à toutes celles et à tous ceux qui, dans les hôpitaux, les entreprises, les gares, les quartiers populaires, les écoles, les territoires, refusent les discours mortifères des politiciens professionnels. Elle constituerait, dans la foulée du mouvement Black Lives Matter qui a embrasé le monde il y a un an, un petit événement, comme première candidature d’un militant du monde du travail, issu de l’immigration maghrébine et africaine, à la présidentielle en France.

Au-delà des propositions politiques précises qui seront portées par Anasse, nous nous prononçons pour qu’il puisse être candidat à l’élection présidentielle et invitons toutes celles et tous ceux qui le peuvent à contribuer à rendre cela possible. En aidant à faire connaître sa campagne, en la soutenant financièrement et, surtout, en l’aidant à obtenir les 500 parrainages nécessaires.

Premiers signataires :

Frédéric Albert, délégué CGT Total sur la plateforme pétrochimique de Carling

Fernande Bagou, ex-gréviste d’Onet-SNCF

Allan Barte, dessinateur

Savine Bernard, avocate en droit du travail

Ahmed Berrahal, délégué CGT RATP

Taha Bouhafs, journaliste

Sidi Boussetta, militant CGT

Youcef Brakni, militant antiraciste

Adrien Cornet, délégué CGT Total Grandpuits

Florent Coste, délégué CGT Latécoère

Karim Dabaj, cheminot syndicaliste

Quentin Dauphiné, syndicaliste enseignant

Thierry Defresne, délégué syndical central CGT Total

Vikash Dhorasoo, ancien footballeur international

Serge D’Ignazio, photographe

Gaëtan Gracia, délégué CGT Ateliers de Haute-Garonne

Sylvain Grandserre, auteur, maître d’école

Kamel Guémari, ancien syndicaliste chez McDonald’s, membre fondateur de l’Après-M

Oumou Gueye, ex-gréviste d’Onet-SNCF

Simon Hallet, délégué CGT Thiolat Packaging

Kaoutar Harchi, écrivaine, sociologue

Xavier Hatterer, militant CGT à Leroy Merlin Mulhouse

Almamy Kanouté, activiste politique

Mara Kanté, militant antiraciste

Rozenn Kevel, étudiante, ex-salariée de Chronodrive et militante CGT Chronodrive

Reynald Kubecki, militant syndical CGT au Havre

Aude Lancelin, journaliste

Olivier Long, peintre, maître de conférence à l’Université Paris 1

Matthieu Longatte, auteur et comédien

LouizArt, photographe

Léa Michaelis, photographe

Mélanie N’Goye Gaham, gilet jaune membre du collectif Les Mutilés pour l’Exemple

Jean-Joseph Omrcen, machiniste à l’opéra de Paris et militant syndical

Christian Porta, délégué CGT Neuhauser et gilet jaune

Lissell Quiroz, historienne, professeure à l’Université de Cergy

Jean-Marc Rouillan, militant, ancien membre d’Action Directe, écrivain

Alaixys Romao, footballeur international

Mouloud Sahraoui, délégué CGT Geodis

Christophe Schirch, délégué CGT dans la sous-traitance automobile

Soumeya, rappeuse

Fred Sochard, dessinateur

Assa Traoré, comité La vérité pour Adama

Audrey Vernon, comédienne

Sasha Yaropolskaya, militante, journaliste, fondatrice de XY Média

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Le Courant Communiste Révolutionnaire veut former un Parti trotskiste

Ce courant est en train de rompre avec le Nouveau Parti Anticapitaliste.

C’est une polémique concernant un secteur bien particulier de la Gauche, mais dont la nature préfigure peut-être un thème important de demain. Il s’agit en effet de la question du « Parti », c’est-à-dire de l’organisation centralisée autour de principes bien déterminés. Le thème du Parti avait largement disparu ces dernières années, ou plus exactement ces dernières décennies. Il réémerge lentement mais sûrement, avec des organisations plus ou moins restreintes mais toutes se proposant comme un « canal » vecteur des bases de ce que doit être un Parti (on parle principalement ici du PRCF, du PCRF et du PCF(mlm), prenant respectivement comme modèle le PCF des années 1970-1980, des années 1960-1970 et des années 1940-1950).

La polémique dont on parle ici concerne le Nouveau Parti Anticapitaliste, dont une tendance, le Courant Communiste Révolutionnaire qui publie Révolution permanente, est en train de se faire dégager pour avoir clairement pris trop d’autonomie. Cependant, il y a à l’arrière-plan une conception fondamentalement différente de la notion de « Parti ». Le NPA assume de ne pas assumer cette forme, dans la tradition de la « Ligue Communiste Révolutionnaire » dont elle est issue, alors que le Courant Communiste Révolutionnaire prône de plus en plus l’établissement d’un Parti de type trotskiste.

Voici un extrait d’une critique faite à une autre tendance du NPA, L’étincelle (issue de Lutte Ouvrière où elle fut l’opposition de 1996 à 2008), qui publie Convergences Révolutionnaires. Le principe d’un NPA « abri » des courants trotskistes en perdition depuis dix ans est dénoncé au profit d’une réaffirmation idéologique assumée. C’est la ligne de la Fraction Trotskyste pour la Quatrième Internationale à la quelle appartient le Courant Communiste Révolutionnaire. Cette tendance troskiste est issue d’une scission de 1988 du courant trotskiste dit « moreniste » (de l’Argentin Nahuel Moreno).

« De notre point de vue, après plusieurs années de lutte de classes et de l’émergence d’une nouvelle génération ouvrière, en partie jeune et n’ayant pas sur ses épaules les défaites du passé, nous pensons qu’il existe en France un espace pour la construction d’une organisation révolutionnaire qui se propose de regrouper le meilleur de cette avant-garde autour d’un projet politique révolutionnaire clair et offensif.

Votre affirmation selon laquelle il n’y a pas encore les conditions pour la construction d’un parti révolutionnaire, en plus d’être anti-léniniste, permet surtout d’évacuer d’un revers de main tout bilan de ces dernières années de la lutte des classes et les expériences de construction des uns et des autres.

Ce n’est en aucun cas de l’auto-proclamation que de dire que ce n’était pas une fatalité que de passer à côté de tous ces phénomènes, de la loi travail aux gilets jaunes, en passant par la grève contre la réforme des retraites, ou encore les mobilisations antiracistes de la jeunesse.

Le renforcement du CCR, qui en 2016 était un petit noyau de militants essentiellement étudiants, est pour nous la démonstration, certes modeste et insuffisante au regard des défis qui sont les nôtres, qu’il n’était pas impossible de réussir à organiser quelques secteurs de cette avant-garde, à condition d’avoir un projet politique révolutionnaire et clairement délimité.

De notre point de vue, si le NPA avait eu dans son ensemble cette stratégie et cette politique, la réalité de l’extrême-gauche aujourd’hui pourrait être bien différente de la situation actuelle.

La routine de la diff de boîte et des discussions avec les collègues autour de la machine à café dont vous revendiquez un savoir-faire millénaire n’est heureusement pas la seule façon de militer et la classe ouvrière mérite davantage d’audace et de créativité de la part des révolutionnaires à un moment où la crise capitaliste va très probablement donner lieu à des explosions sociales encore bien plus importantes que celles auxquelles nous avons pu assister depuis 2016.

Elle mérite aussi une organisation politique qui soit autre chose qu’une succursale vaguement anticapitaliste de LFI, ou même un parapluie commun (de plus en plus étroit) censé protéger différentes petites chapelles trotskistes des intempéries de la réalité.

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« La catastrophe capitaliste et la lutte pour une organisation mondiale de la révolution socialiste »

Un manifeste d’un mouvement trotskiste international.

« La catastrophe capitaliste et la lutte pour une organisation mondiale de la révolution socialiste » est le manifeste de la Fraction Trotskyste-Quatrième Internationale. En France, c’est le Courant Communiste Révolutionnaire du Nouveau Parti Anticapitaliste qui la représente. En voici un résumé des thèses, en considérant qu’il est toujours intéressant de se tourner vers le document complet (par ailleurs très long).

Conformément à la tradition trotskiste il faut une Internationale pour relier les groupes actifs.

« La crise économique, sociale et politique ainsi que le dynamisme de la lutte des classes à échelle internationale renforcent l’urgence de la nécessité d’avancer dans la construction d’un Mouvement pour une Internationale de la révolution socialiste. »

Il y a une nouvelle génération porteuse de luttes.

« Le manifeste que nous publions aujourd’hui, rédigé par la Fraction Trotskyste – Quatrième Internationale, se propose de relancer le débat sur la nécessité d’un Mouvement pour une Internationale de la révolution socialiste. Il s’adresse à l’avant-garde de la jeunesse, du monde du travail et de tous les opprimés qui a pris part aux récentes vagues de rébellions populaires et aux grèves générales dans différents pays. Il s’adresse à celles et ceux qui ont été à la tête de luttes emblématiques comme Black Lives Matter aux Etats-Unis, comme la rébellion populaire chilienne, la lutte contre le coup d’État en Bolivie, la lutte des Gilets jaunes et les grandes grèves contre la réforme des retraites en France, la lutte du mouvement des femmes dans le monde entier, les occupations de terre, les grèves et les blocages (…).

De nouvelles générations ont émergé au cours des combats de ces dernières années, tant dans le cadre de mobilisations ouvrières qu’autour de revendications spécifiques du mouvement des femmes, qui a connu des avancées fondamentales en termes de capacité de lutte et d’organisation. D’autres mouvements ont également gagné en importance, à l’instar de la mobilisation contre la crise écologique, au sein de laquelle la jeunesse joue un rôle central »

La crise a commencé en 2008.

« La pandémie a conduit à un saut dans la crise économique mondiale, qui était irrésolue depuis 2008, après la faillite de Lehman Brothers. Une fois de plus, les États ont sauvé leurs entreprises alors que des millions de personnes perdaient leur emploi ou étaient obligées de travailler dans des conditions précaires (…).

Les nouveaux secteurs de la jeunesse, des femmes et du monde du travail qui aujourd’hui commencent à lutter pour un ensemble de revendications dont la résolution intégrale et définitive est impossible dans le cadre du capitalisme, peuvent être le point d’appui pour une nouvelle recomposition de la gauche révolutionnaire à échelle internationale.

Nous nous référons tout particulièrement à ce que l’on appelle aujourd’hui la « génération Z », composée de jeunes âgés de 16 à 23 ans et qui avaient moins de 10 ans lorsque la crise de 2008 a éclaté. »

La classe ouvrière doit s’allier aux « secteurs opprimés ».

« A travers différents mécanismes, allant de l’annualisation des heures de travail, la constitution de comptes-temps dans les entreprises et d’autres outils de précarisation et d’attaques contre les conquêtes du monde du travail, le capitalisme a démontré qu’il ne développe la technologie qu’à condition que celle-ci permette d’accroître ses profits, et non en fonction des besoins de la population.

Cette puissance sociale du monde du travail ne peut gagner que si elle entreprend de liquider le capitalisme impérialiste. Sur cette voie, elle doit s’articuler politiquement avec les revendications de l’ensemble des secteurs opprimés (…).

Depuis le Collectif inter-gares [en France], hérité de la grande grève ferroviaire de 2018, et le Comité Vérité et Justice pour Adama, nous avons défendu, dès les premières actions des Gilets jaunes, ce qui s’est appelé le « Pôle Saint-Lazare ». Ce pôle de travailleurs, de jeunes et de secteurs des quartiers populaires, appelait à marcher ensemble, depuis la gare Saint-Lazare, pour ensuite rejoindre les Gilets jaunes et manifester avec eux, sur la base de ses propres revendications (…).

Dans le même sens, nous entendons souligner l’importance qu’il y a à articuler les combats du monde du travail aux mouvements des femmes et des personnes LGBTI qui se sont massivement développé, à travers le monde. »

La défense des libertés démocratiques est un axe essentiel.

« En tant que révolutionnaires, nous luttons pour une démocratie ouvrière basée sur les organes d’autodétermination des masses exploitées. Nous nous situons en première ligne de la lutte contre toute attaque contre les libertés démocratiques. Dans l’État espagnol, aux côtés de nos camarades du Courant Révolutionnaire des Travailleuses et Travailleurs (CRT), nous avons défendu les revendications légitimes du mouvement démocratique en Catalogne pour le droit à l’autodétermination qui s’est exprimé ces dernières années à travers de multiples manifestations de masse, des mobilisations de la jeunesse et le référendum du 1er octobre 2017. »

Le Programme de transition de Léon Trotski est valide à condition de l’actualiser.

« Les revendications les plus immédiates que nous avons mises en avant doivent s’articuler à d’autres, de caractère transitoire anticapitaliste. Elles doivent chercher à construire un pont entre la conscience actuelle des masses et l’objectif du socialisme de façon à garantir de manière pleine et entière la mise en place des revendications que pose le développement de la lutte des classes. La crise du logement conduit à l’expulsion de millions de familles pauvres de leur domicile, avec la complicité des forces de répression.

Face à cela, nous exigeons l’expropriation des logements vides du parc immobilier contrôlé par les grandes entreprises de façon à répondre à cette crise. Nous exigeons également, entre autres, la nationalisation des entreprises stratégiques sous contrôle ouvrier dès lors que ces entreprises augmentent les tarifs des services dans les quartiers populaires. A travers ce programme, nous cherchons à unifier les revendications du monde du travail et à encourager le développement des luttes sectorielles en les liant à une lutte généralisée contre le gouvernement et l’État.

Les problèmes d’articulation entre les revendications de classe et celles d’autres secteurs populaires ont également été abordés par Léon Trotsky, dans les années 1930, dans sa théorie de la révolution permanente et dans le Programme de transition. Le monde d’alors était plus agraire et rural et moins urbain et industriel qu’aujourd’hui. La théorie de la révolution permanente n’oppose pas la lutte pour des revendications sociales ou démocratiques spécifiques à la révolution et au socialisme. Bien au contraire. En soulignant l’importance de ces revendications comme moteurs de la mobilisation des masses, elle rappelle que leur application intégrale et définitive est impossible si on la détache d’une lutte contre le capitalisme qui vise à en finir avec la propriété privée des moyens de production et qui conduise la société vers le communisme. »

La tentative de se tourner vers les mouvements populistes de gauche a été une erreur.

« Les expériences telles que celle du gouvernement Syriza, qui a appliqué le plan d’ajustement de la Troïka, ou de Unidas PODEMOS, qui s’est transformé en une béquille du PSOE au gouvernement, ont montré que les tentatives de canaliser les luttes sociales avec des formations politiques opportunistes, qui proposent des réformes minimales dans les cadres du système en éludant toute remise en cause de la propriété capitaliste, est le meilleur moyen pour que les revendications de ces mouvements soient écrasées ou détournées. »

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Gauche pour le Parti: trois lignes programmatiques

Voici trois exemples d’affirmation idéologique affirmant être à la hauteur d’une époque vue comme nouvelle.

La crise a estomaqué une large partie de la Gauche et de nombreuses structures ont disparu du jour au lendemain (tel en juillet 2020 le Rassemblement Organisé des Communistes Marxistes-Léninistes et le Parti Communiste Maoïste). C’est qu’il y avait trop de questions, trop de pression. Les choses se virent attribuer une dimension nouvelle, poser une ligne idéologique de gauche était trop compliqué. D’où un repli encore plus grand vers le côté « pratique », avec des initiatives « militantes », mais sans assumer un positionnement réel sur le plan des idées.

On peut citer néanmoins trois exemples, avec trois structures qui, comme le dit l’expression, « envoient du lourd », puisqu’il s’agit pas moins que de refonder « le Parti ». Profitant d’un arrière-plan idéologique développé, la crise a littéralement alimentés ces structures sur le plan des idées, leur accordant un réel optimisme au sujet d’une nouvelle affirmation programmatique. Leurs approches sont cependant évidemment très différentes.

La tendance Révolution Permanente du Nouveau Parti Anticapitaliste pose ainsi une nouvelle approche militante, conforme selon elle à un changement d’époque et de mentalités. Il y aurait un nouveau profil aux luttes et il faut s’y conformer. Voici des extraits du document du 30 mars 2021 La nouvelle génération ouvrière et la nécessité d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs, dont le titre résume parfaitement la conception.

« Depuis plus d’un an, la pandémie de coronavirus a ouvert une situation de crise aux conséquences durables. De fait, pour assurer le remboursement de la dette publique contractée et restaurer le taux de profit des entreprises capitalistes, les classes dominantes se préparent en effet à faire payer les travailleurs à coup de réformes néo-libérales, d’augmentation de la productivité et de mesures d’austérité. Or, face à cette sombre perspective, aucun projet politique à même de défendre les intérêts des travailleurs avec une stratégie à la hauteur ne semble émerger.

Une situation en profond décalage avec la politisation et les luttes intenses qui se sont enchaînées ces cinq dernières années en France.

En 2016 contre la Loi Travail, en 2018 dans le cadre du mouvement contre la réforme ferroviaire et de la lutte contre la sélection à l’université, en 2018-2019 avec le mouvement historique des Gilets jaunes, en 2019-2020 avec le mouvement contre la réforme des retraites et la grève historique du secteur des transports francilien. Dans différents secteurs on a en parallèle assisté à un renouveau des luttes, comme dans l’Éducation Nationale ou du côté des personnels des universités (…).

En ce qui concerne le NPA, un tel recul de sa capacité d’intervention est évidemment en lien avec la crise profonde que traverse le parti et qui fait aujourd’hui peser sur lui une menace d’implosion. Mais cela n’est que le dénouement d’un long processus, initié par la LCR dans les années 1980-1990, d’abandon d’une stratégie centrée sur le rôle de la classe ouvrière (dont le néo-libéralisme avait proclamé la mort), au profit de l’intervention dans les « mouvements sociaux », avant de se dissoudre dans un parti large non délimité stratégiquement, le NPA.

Du côté de Lutte Ouvrière, qui possède encore des bastions dans des secteurs stratégiques, règne une forme de scepticisme, accompagnée d’une dose de nostalgie du vieux mouvement ouvrier français, façonné par le PCF.

Ce scepticisme, qui rejette toujours la faute sur les travailleurs qui ne voudraient pas lutter, couvre en réalité le refus de prendre une part active au travail d’organisation des couches les plus avancées de la classe et d’une nouvelle génération ouvrière en gestation, ainsi que de combattre la politique néfaste des directions syndicales bureaucratiques (…).

Le mouvement ouvrier a vu notamment émerger une nouvelle génération qui pourrait être le levier de la construction d’une organisation de ce type. Nous l’avons vu pour la première fois en 2014, dans la grève de la SNCF, où, ne partageant pas les codes de la gauche politique et syndicale, voire partageant de façon peu consciente ceux de personnages confusionnistes comme Dieudonné (nous étions au sommet du phénomène des « quenelles »), ils et elles ont été souvent boudés par les militants d’extrême-gauche.

Depuis, nous les avons vu prendre leur place dans chacune des grandes mobilisations qui ont traversé le pays, avec des profils très variés : souvent racisés et issus de l’immigration dans les grandes agglomérations, ouvriers et ouvrières gilet-jaunisés dans la France périurbaine, militantes et militants syndicaux combatifs ou travailleurs du rang… (…)

Au NPA – Révolution Permanente, nous avons eu le mérite relatif d’avoir saisi l’émergence de cette nouvelle génération ouvrière assez tôt et d’avoir essayé de fusionner avec elle.

Que ce soit dans le cadre de la « Bataille du Rail » de 2018 avec la construction de la rencontre Intergare, de la grève victorieuse d’Onet, du mouvement des Gilets jaunes, du mouvement des retraites au travers de la coordination RATP-SNCF, où actuellement des grèves de Grandpuits et des agents d’entretien des voies (Infra-pôle) de Gare du Nord, nous sommes intervenus avec une même logique : celle de déployer dans chaque bataille un arsenal stratégique et programmatique qui permette de pousser ces expériences le plus loin possible, en sortant du cadre imposé par la routine syndicale.

C’est au travers de ces expériences que nous avons pu faire entrer dans nos rangs de nombreux jeunes militants ouvriers, parmi lesquels de véritables figures dans leur région ou branche, à l’image d’Anasse Kazib à la SNCF, d’Adrien Cornet chez Total, de Gaëtan Gracia dans le bastion toulousain de l’aéronautique, de Christian Porta chez Neuhauser (industrie agro-alimentaire) en Moselle, mais aussi de jeunes militants comme Rozenn à Chronodrive ainsi que d’autres camarades dans le privé ou dans le public, à la RATP, dans la Santé, la Culture ou l’Éducation Nationale.

C’est aux côtés et au travers de ces militants que nous souhaitons aujourd’hui lancer une campagne autour de la nécessité d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs. »

La tendance Révolution Permanente du NPA affirme ainsi, pour résumer, qu’elle a réussi à attirer à elle une nouvelle génération, que cela donne du sens à un nouveau projet. De manière intéressante, c’est l’inverse qui est vrai pour le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF). Lui dit qu’il a réussi à attirer à lui l’ancienne génération et que cela donne du sens à un ancien projet. Il s’agit en effet de refonder le Parti Communiste Français tel qu’il a existé dans les années 1970-1980.

Le PRCF a historiquement un pied dans le PCF et un pied dehors, désormais la ligne est celle de prendre sa place. En ce sens, le PRCF vise à présenter un candidat à la prochaine présidentielle, afin d’établir un réel socle pour un « Frexit progressiste ». Voici un extrait de la Déclaration du Secrétariat national du PRCF du 1er avril 2021.

« Voilà pourquoi, pour sortir rapidement et définitivement de ce cauchemar sans fin, il est vital de proposer la seule alternative en mesure d’empêcher un nouveau scénario catastrophe en 2022 que serait un faux « duel » et vrai duo Macron-Le Pen, entre le tyran nostalgique de la monarchie qui déroule un tapis brun à la fascisation en célébrant Maurras et Pétain à longueur de temps, et la mensongère « souverainiste » du prétendu « Rassemblement national » qui ne veut sortir de l’euro, ni de l’UE – dont la responsabilité dans le désastre sanitaire est immense, à l’image de la Commission européenne appelant à 63 reprises les États-membres, entre 2011 et 2018, à « réduire les dépenses de santé » –, ni de l’espace Schengen, ni de l’OTAN, ni du capitalisme. 

Cette alternative franchement communiste et franchement insoumise ne peut être que rouge-tricolore, nécessitant une rupture définitive et totale avec l’euro, l’UE, l’OTAN et le capitalisme exterministe.

Elle ne peut pas s’incarner dans une resucée d’« union de la gauche » associant les faux « socialistes » et « écologistes » et les « communistes » et « insoumis » édulcorés, autant de forces discréditées aux yeux des classes populaires – et notamment de la classe ouvrière – et faisant miroiter une impossible « Europe sociale ».

Cette alternative rouge-tricolore, patriotique et populaire, antifasciste et internationaliste – en cela diamétralement opposée à l’utopique et dangereuse « union des souverainistes des deux rives », qui sert de marchepied au RN –, écologiste et anticapitaliste, est portée par le PRCF et son porte-parole désigné Fadi Kassem.

Partout en France, de nombreux militants sont actifs dans la campagne auprès des communes rurales et populaires, des travailleurs – dont ceux de la classe ouvrière – et des citoyens attachés à la République une et indivisible, sociale et laïque, souveraine et démocratique, fraternelle et pacifique, alors que le risque d’effondrement de la France et de fascisation mortelle pour le mouvement ouvrier et les forces progressistes, à commencer par les communistes, ne cesse de s’accroître.

Plus que jamais, il est temps d’en finir avec le pseudo « Nouveau Monde » de Macron et ses laquais et l’Ancien Monde incarné par le RN et ses satellites. Afin qu’adviennent les « nouveaux Jours heureux » dont nous avons urgemment besoin, rejoignez le PRCF et menons, tous ensemble en même temps, la campagne en faveur de la seule alternative en mesure de faire gagner le monde du travail en 2022, celle de l’alternative rouge-tricolore pour une souveraineté nationale et populaire pleine et entière. Plus que jamais, Frexit progressiste, et vite ! »

Enfin, à rebours du terrain « militant » trotskiste de la tendance Révolution permanente du NPA et de l’affirmation électorale du PRCF, qui sont très concrètes, on trouve l’option maoïste, bien plus abstraite ou bien plus conceptuelle. Dans la perspective de la révolution culturelle, il y a chez le PCF(mlm) l’idée de suivre l’époque « avec de la hauteur » et de considérer qu’il faut l’idéologie au poste de commande, pour tout révolutionner. Voici ce qu’on lit notamment dans Le marxisme-léninisme-maoïsme est l’idéologie communiste de notre époque, du 1er avril 2021.

« Mao Zedong a affirmé dans les années 1960 que les 50-100 années à venir seraient celles d’un bouleversement comme l’humanité n’en a jamais connu. Cette position découlait de sa compréhension des contradictions propres à notre époque, des tendances en développement, des nécessités historiques.

Et aujourd’hui, au début des années 2020, l’humanité toute entière sait que plus rien ne peut être comme avant. Il y a le constat du rapport destructeur à la Nature, avec des contre-coups tel le COVID-19 et le dérèglement climatique, mais en général il est flagrant que le modèle de vie proposé par le capitalisme est à bout de souffle moralement et culturellement.

C’est la raison pour laquelle les gens sont tétanisés : ils sentent que le changement doit être complet, qu’il va falloir révolutionner les modes de vie, modifier les conceptions du monde, changer les rapports aux animaux, à la Nature en général, et bien entendu transformer l’ensemble des moyens de production et des manières de consommer.

Le défi est d’autant plus immense qu’il exige une réponse mondiale. En ce sens, nous affirmons que la position communiste est de parvenir à une révolution dans un pays donné, afin d’en faire l’exemple à tous les niveaux pour le reste de l’humanité (…).

Les années de référence doivent être 1948-1952 pour l’URSS et 1966-1976 pour la Chine populaire, ces deux périodes formant l’aboutissement le plus développé de l’expérience communiste (…). Le marxisme-léninisme-maoïsme n’est pas une méthode, il ne fournit pas des recettes : il est une vision du monde et par conséquent il doit être une réalité pour tous les aspects de la vie (…).

Nous affirmons que l’irruption de la crise du COVID-19 correspond à l’affirmation de la seconde crise générale du capitalisme, que l’idéologie marxiste-léniniste-maoïste doit en comprendre tous les aspects et fournir les réponses à la crise, à tous les niveaux.

C’est le sens de la révolution mondiale que d’être un bouleversement à tous les niveaux, dans tous les domaines ; la guerre populaire est la systématisation des réponses communistes à tous les niveaux, dans tous les domaines. »

On a là trois perspectives bien différentes, avec trois structures présentant certainement les économies politiques les plus développées à gauche. La raison en est bien entendu qu’on a ici trois traditions bien françaises : le trotskisme, le PCF, le maoïsme. Ancrées dans leurs traditions, elles se relancent. De manière fictive ou réelle ? Il est évident qu’une seule de ces mises en perspective peut se concrétiser.

Aussi différentes qu’elles soient, ces lignes programmatiques sont en effet opposées dans leur fond. Et pas simplement sur le plan des idées : dans leur démarche même, cela n’a rien à voir. La tendance Révolution permanente du NPA propose un activisme militant dans l’air du temps pour un Parti de lutte, le PRCF vise à la mise en place d’un Parti de masse pour une affirmation patriotique et sociale, les maoïstes proposent une introspection idéologique pour s’élancer culturellement à travers un Parti de cadres.

Cela reflète, dans tous les cas, une maturation de fond de la société française. Si on ne peut pas encore parler ici de résurgence, car c’est somme toute très marginal, il y a en tout cas une sorte de réaffirmation, comme si les dés de l’Histoire s’étaient remis à rouler.

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La question animale à l’exemple d’une critique des «abus»

C’est un exemple parlant du fait qu’en ce qui concerne la question animale, on ne peut pas faire semblant. La question a trop d’ampleur, de dignité, de profondeur pour l’aborder « en passant », comme si de rien n’était.

C’est une brève de Lutte Ouvrière, mais il ne s’agit pas de critiquer cette organisation, qui a eu au moins le mérite de chercher à prendre une position sur la question animale (Cause animale, véganisme et antispécisme), même si c’est finalement dans un registre anti-vegan traditionnel.

La voici :

« Élevage de canards dans le Sud-Ouest: Silence dans les rangs

L’association L214 a publié des images d’un élevage de canards dans les Pyrénées-Atlantiques, les animaux baignant dans leurs excréments et des cadavres en décomposition. C’est un ancien salarié qui a donné l’alerte et dénoncé les risques sanitaires pour les travailleurs et pour l’environnement, les excréments se déversant dans un cours d’eau.

Cet élevage avait pourtant reçu la visite de vétérinaires, qui n’y ont rien trouvé à redire ! Une responsable de l’association dénonce la collusion entre certains syndicats agricoles et les pouvoirs publics.

Les patrons de ces élevages-taudis voudraient pouvoir imposer le silence aux travailleurs. Ce sont eux, comme on peut le constater cette fois encore, qui sont les mieux placés pour dénoncer les abus. »

Il n’est pas difficile de comprendre le sens de cette brève. L’idée est simple : si vous cherchez à défendre les animaux, appuyez-vous sur les travailleurs, qui seuls ne dépendent pas des intérêts capitalistes : les patrons, eux, sont prêts à tout. Lutte Ouvrière cherche à happer des pro-animaux dans sa direction.

Sauf que Lutte Ouvrière n’a pas compris que pour les pro-animaux, il ne s’agit pas d’abus, mais de choses inacceptables. En ce qui concerne cet élevage de canards, c’est comme si Lutte Ouvrière disait : les ouvriers des centrales sont les meilleurs alliés des anti-nucléaires, les bouchers les meilleurs alliés des vegans, les militaires professionnels les meilleurs alliés des anti-militaristes, etc.

Et c’est là une question fondamentale : s’agit-il de reprendre la production capitaliste en l’améliorant, en la changeant, ou de modifier fondamentalement la production en s’appuyant sur le niveau déjà atteint en termes de technologie, d’industries, etc. ?

Autrement dit, s’agit-il de nationaliser, socialiser les boucheries, les centrales atomiques, la production de 4×4, les McDonald’s, les Kebab… ou bien de les supprimer ? Le socialisme est-il, finalement, le triomphe politique du syndicalisme général, qui s’approprie les entreprises, ou bien le socialisme est-il l’acte d’une classe et non des ouvriers pris séparément, décidant d’orientations nouvelles, d’une direction nouvelle pour la société ?

Lutte Ouvrière n’a jamais considéré qu’il fallait « révolutionner » la vie quotidienne, c’est donc normal que pour elle un élevage de canards ne peut connaître que des « abus » et non pas être une infamie. C’est pour cette raison que Lutte Ouvrière, dans les années 1970, n’a pas réussi sa fusion avec la Ligue Communiste Révolutionnaire, qui elle prônait la révolution dans la vie quotidienne, mais est passé finalement dans une démarche libérale-libertaire, dont le Nouveau Parti Anticapitaliste est le fruit.

Cette polarisation au sein du mouvement trotskiste au sujet de la question de la vie quotidienne se retrouvait également durant les années 1960 chez les marxistes-léninistes, avec un PCF conservateur et des maoïstes adeptes de la révolution culturelle.

La question animale ramène ce clivage, forcément. C’est d’ailleurs pour cela qu’Eric Dupont-Moretti, le ministre de la Justice pro-chasse, a pu être invité aux journées d’été d’EELV : jamais des gens alternatifs culturellement ne l’auraient fait. EELV a pu le faire, car elle n’est pas pour une révolution de la vie quotidienne.

C’est cela même la question de fond de ce qui se déroule en ce moment à l’arrière-plan, la fracture entre ceux qui veulent rester dans un certain cadre et ceux qui veulent rompre avec lui. La question animale apparaît ici comme l’aspect le plus flagrant, car le plus clivant, le plus net dans le traçage » des frontières.

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Une situation compliquée au NPA

Le Monde a publié un article à sensation sur un NPA au bord de la scission. C’est une manière apolitique de voir un véritable mouvement de fond sur le plan des idées.

Le Monde a publié un article racoleur intitulé « Le Nouveau Parti anticapitaliste menacé d’implosion », avec beaucoup de sensationnalisme. Le journal avait déjà présenté en 2012 le conflit entre la « majo » et les minoritaires avec beaucoup de bile (« Au NPA, bataille autour de l’héritage financier de la LCR »). Il faut y voir une part de rancœur, puisque la personne qui a écrit l’article, Sylvia Zappi, a été elle-même une militante pendant toutes les années 1980 de la Ligue Communiste Révolutionnaire, l’ancêtre du NPA.

Durant ces années, la LCR était une organisation extrêmement sérieuse, avec des permanents, des cadres de très haut niveau, une capacité d’intervention d’une grande efficacité. La LCR est partie avec succès à la conquête des « mouvements sociaux », notamment des structures associatives, et c’est justement cela qui a produit le NPA. Cela a marqué toutes les années 1990, avec l’apogée dans les années 2000. En 2007, Olivier Besancenot obtenait alors 1,5 million de voix aux élections présidentielles, dans le prolongement de cette image à la fois sociale et urbaine, non-idéologique et concrète. C’est très exactement la stratégie que mène actuellement le PTB en Belgique.

Le Nouveau Parti Anticapitaliste remplace alors la LCR en février 2009, avec pratiquement 10 000 personnes impliquées alors dans cette structure, soit trois fois plus que la LCR. Tout a cependant tout de suite raté. Il aurait fallu le double d’adhérents pour noyer les « militants » politiques et associatifs, voire le triple. Au lieu de cela, l’ambiance a été rapidement une bataille de tendances et de courants, avec de concurrences locales et au niveau de la direction. Le NPA a pratiquement été paralysé dès le départ et il est devenu inexistant électoralement, alors qu’il avait été pensé que justement c’était acquis à ce niveau.

En même temps, cela a fait un formidable d’appel d’air pour pratiquement toutes les organisations trotskistes, qui ne parvenaient plus à tracer de perspectives. Elles ont trouvé dans le NPA une certaine orientation de masse et se sont fondés là-dessus pour se développer et se structurer. L’une des formes les plus développées est autour du média Révolution permanente, produit par le Courant Communiste Révolutionnaire. L’année dernière s’est également fondée l’alternative communiste révolutionnaire.

Le choix de « communiste révolutionnaire » est évidemment une allusion à la LCR et au trotskisme en général (qui se définit comme « communiste » mais dans une version « révolutionnaire »). Cependant, il ne faudrait pas croire une seconde que l’objectif est de refonder la LCR. Il s’agit de fonder un NPA bis, qui aurait les mêmes principes que le trotskisme anglais, notamment avec le SWP (qui relève par contre d’un autre courant du trotskisme, il y en a à peu près sept désormais). C’est un mélange d’autogestion de type libertaire, avec par contre une lecture marxiste de l’État et une tactique trotskiste des revendications sociales.

Si l’on regarde bien, l’influence de cette démarche a été énorme et pratiquement toute l’extrême-Gauche a adopté cette approche, et ce même dans les cas où elle ne revendique pas du trotskisme (OCML-VP, UCL, PCM, etc.). L’idée est de se raccrocher à un « mouvement social » (donc évidemment les gilets jaunes), de soutenir la CGT, d’avoir des principes anti-oppressifs (racisme « systémique », « LGBT » etc.), de pratiquer le populisme au maximum (contre les policiers, les ministres, le président…) et de recruter (notamment sur les réseaux sociaux) en se présentant comme toujours plus revendicatif. Un NPA bis pourrait indubitablement disposer d’un certain écho.

Les « historiques » de la LCR n’ont par contre aucune envie de repartir sur ce qu’ils voient comme de vieilles lunes. Ils ne sont pas contre les interprétations postmodernes du marxisme, mais de là à devoir les porter soi-même, c’est une autre histoire. Ils sont pour une « realpolitik », quelque chose de pragmatique, des avancées au moyen de « coups » (comme les élections municipales à bordeaux avec Philippe Poutou, les interventions médiatiques d’Olivier Besancenot, etc.) Ils pensent qu’il suffit d’attendre pour voir La France Insoumise s’enliser et le NPA former une alternative crédible… à condition de tenir.

Comme on le voit, ce sont deux visions très sérieuses, très élaborées, et on ne peut nullement l’aborder comme le fait l’article du Monde. Le congrès du NPA en 2020 sera d’ailleurs forcément riche en points de vue, même si dans le contexte actuel, dans pratiquement six mois, cela veut dire que c’est dans une éternité.

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Décès de Henri Weber, figure socialiste issue des JCR et de la Ligue Communiste

Figure du courant trotskiste frankiste-pabliste, Henri Weber a ensuite rejoint le Parti socialiste dont il a été un des principaux stratèges à partir des années 1990. Il vient de décéder des suites du covid-19.

Surréaliste. Alors que Henri Weber est décédé en raison du covid-19, Gala titre un article « Carla Bruni a le cœur brisé : son touchant hommage à Henri Weber ». C’était en effet un de ses amis très proches. Comment Henri Weber a-t-il pu se transformer au point de devenir une figure de la « Gauche » la plus bourgeoise, la plus hypocrite ?

Car Henri Weber, c’est un des cadres rompant avec l’Union des Étudiants Communistes pour fonder les Jeunesses Communistes Révolutionnaires, juste avant 1968, dont lui-même est une figure. Les JCR, une structure frontiste trotskiste, donna la Ligue Communiste, au service d’ordre éprouvé dont Henri Weber sera le fondateur et le responsable.

> Lire également : Henri Weber et mai 1968

Seulement voilà, Henri Weber s’est fait happer par la faculté expérimentale de Vincennes, un bonbon sucré empoisonné donné par l’État. Il devint professeur de philosophie politique, aux côtés de Daniel Bensaïd. Ce dernier, l’un des dirigeants historiques des JCR puis de la Ligue Communiste (et la Ligue Communiste Révolutionnaire), descendra pourtant en flamme Henri Weber dans un long texte en 1998, que le NPA, successeur de la Ligue Communiste Révolutionnaire, s’est empressé de republier.

Car Henri Weber a assumé de tourner la page du « gauchisme ». Lorsqu’il a été à la tête du service d’ordre, la Ligue Communiste s’orientait vers la clandestinité et l’affrontement militaire. Le film « Mourir à trente ans » raconte cet épisode de manière romantique, en gommant que les JCR ne sont pas nées spontanément mais comme « front » trotskiste. Or, ce front n’hésitait pas à saluer Che Guevara et Ho Chi Minh, au grand dam des trotskistes historiques.

C’était l’expression d’un romantisme gauchiste que les JCR surent capter, mais la tendance alla donc au guévarisme, au principe du foyer révolutionnaire (aujourd’hui encore, on retrouve le principe foquiste chez des postmodernes se revendiquant paradoxalement de Mao Zedong, ce qui est absurde). L’interdiction de 1973, pour de violents affrontements avec l’extrême-Droite, fit abandonner cette direction et la Ligue Communiste devenue Ligue Communiste Révolutionnaire s’orienta vers une sorte de néo-syndicalisme avec une grande ouverture aux « mouvements sociaux » et un soutien total aux mœurs libérales-libertaires.

L’objectif si ambitieux disparu, il fallait soit assumer de vouloir la guerre révolutionnaire et tout relancer, soit continuer en passant à autre chose en considérant que l’époque avait changé. Henri Weber rompit alors avec la LCR, abandonnant la politique au début des années 1980 avant de rejoindre le Parti socialiste en 1986, tout comme d’ailleurs un trotskiste d’une autre faction, Jean-Christophe Cambadélis.

Henri Weber sera alors un cadre socialiste, comme conseiller technique au cabinet de Laurent Fabius à la présidence de l’Assemblée nationale, chargé de mission de ministres chargés des relations avec le Parlement, sénateur, député européen. Il deviendra d’ailleurs à partir de la fin des années 1990 l’un des principaux stratèges du Parti socialiste.

Il a été une figure du passage du Parti socialiste sur une ligne post-socialiste, post-moderne ; François Hollande l’a d’ailleurs salué avec chaleur :

« Henri Weber était une grande et belle figure de la gauche. Il ajoutait à son érudition une clarté d’analyse, un goût de l’action et une fraîcheur militante avec un humour joyeux qui enchantait jusqu’à ses contradicteurs.

Venu du mouvement de mai 68, il avait rejoint le Parti socialiste car il savait que la Gauche avait besoin d’une force centrale pour aspirer à gouverner. Il y a encore quelques semaines il appelait à un dépassement pour renouveler la social-démocratie que la crise sanitaire qui l’a emporté remet au cœur du débat public.

C’est un homme généreux et un intellectuel lumineux qui disparaît aujourd’hui. Et aussi un ami cher.

J’adresse à Fabienne et à ses enfants mes sentiments affectueux. »

La photo mise par François Hollande présente d’ailleurs Henri Weber à l’arrière-plan alors que lui-même fait face à Lionel Jospin. C’est tout un symbole, Henri Weber résumant mai 1968 à une révolte « démocratique et libérale » et tournant totalement le dos à son passé révolutionnaire. Paradoxalement, son choix a été plus marquant que celui de la LCR, qui s’est effondrée en devenant le NPA, faisant du sous-Henri Weber, car au moins Henri Weber a assumé de passer à autre chose.

Reste que tout cela ne fait pas bien rêver et qu’on chercherait vainement un contenu. On a ici affaire à un social-romantisme n’allant somme toute pas bien loin, qu’il soit ouvertement réformiste ou bien à prétention transformatrice.

> Lire également : Polémique Edwy Plenel-Henri Weber sur les gilets jaunes
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[Municipales 2020, les positions de gauche] NPA: La gauche institutionnelle à la peine

Dans le cadre des élections municipales 2020, nous publions les appels électoraux des différents partis de gauche. Voici une position publiée par le NPA :

« Depuis les années 2000, l’affaiblissement des différents partis de la gauche institutionnelle leur impose de trouver des cadres d’alliance qui fluctuent en fonction des rapports de forces locaux. Les échéances de 2014, sous le gouvernement de Hollande, avaient poussé le PCF et le Parti de gauche, regroupés dans le Front de Gauche (avec la présidentielle de 2017 en ligne de mire), à se positionner, au premier tour, en indépendance du PS. Cette stratégie de premier tour préparait le ralliement ou l’alliance de second tour pour préserver un maximum d’éluEs au PCF.

Depuis la présidentielle, on a vu l’éclatement du Front de gauche, hégémonisé par la dynamique de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Mais l’échéance des européennes 2019 a été un coup de massue pour la perspective de « révolution par les urnes » de La France insoumise, qui n’a récolté que 6,3 %, tandis que le PCF rassemblait 2,5 % sur sa candidature propre. Dans le même temps la galaxie issue du PS, incapable d’aller aux élections sous ses couleurs (Place publique, Génération.s, Nouvelle Donne…) continuait d’être sanctionnée pour sa politique d’austérité. Enfin EÉLV se gargarisait de ses 13 % sur une ligne ni de droite ni de gauche, pour un capitalisme vert.

Du côté du PCF

Autant dire qu’aucune stratégie d’alliance ne s’imposait pour des partis dont la visée est de gagner et/ou préserver un maximum d’éluEs, gage de leur crédibilité de gestionnaires.

Pour le PCF, ce qui se joue dans les semaines à venir, c’est sa capacité à maintenir un appareil qui existe grâce au travail de dizaines de milliers de militantEs, mais qui vit (financièrement parlant) grâce à ses milliers d’éluEs. C’est aussi sa capacité politique à peser dans l’échéance centrale de la présidentielle : avec plus de 600 maires, le PCF peut, encore, adouber une candidature à la présidentielle. Enfin, sauver le maximum de conseillers municipaux, c’est également préparer les élections indirectes (et opaques pour la population) qui détermineront l’existence d’un groupe communiste au Sénat. Le problème du bilan et des perspectives sur lequel bute le PCF est partiellement résumé par Pierre Lacaze et Yann Le Pollotec, membres de la direction du parti, qui écrivaient en septembre dernier « Nous sommes devant un effet ciseaux : d’un côté l’aggravation de la situation économique des gens, des transitions démographiques et écologiques qui appellent plus de dépenses sociales et plus de services publics et, dans le même temps, des recettes fiscales communales en fort recul, des pertes de compétences et le désengagement de l’État. » Du coup, les maires PCF sont attaqués sur leur bilan, et les marges de manœuvre de promesses électorales sont extrêmement réduites.

Il ne reste donc qu’à trouver des alliés, tous les alliés possible, ce que les mêmes dirigeants du PCF formulaient pudiquement : « Nous appelons au rassemblement de toutes et tous pour battre la droite et l’extrême droite et à l’engagement de millions d’hommes et de femmes que nous voulons mobiliser sur les enjeux locaux liés aux grandes questions politiques qui traversent le pays. ». La géographie des alliances aboutit donc à un kaléidoscope : alliance avec le PS et Génération.s, Place publique comme à Paris, Toulouse ou Marseille, ralliement à EÉLV dans des villes importantes (Bordeaux, Strasbourg, Caen) ou alliance avec EÉLV pour sauver sa prépondérance comme à Saint-Denis (93), ou Vitry (94), tandis qu’à Montreuil (93) et Ivry (94), PCF et EÉLV s’affrontent.

Défendre une orientation claire et cohérente

Les enjeux sont moindres pour LFI, qui n’avait aucune mairie à sauver et qui adapte sa stratégie d’une part à sa structuration interne et d’autre part à la priorisation de l’échéance présidentielle. Ce qui l’amène à se dissoudre de préférence dans des listes « citoyennes », les plus emblématiques étant celles de Paris ou de Toulouse. Mais aussi à achever de consommer l’explosion de ce qui a été le Front de gauche, en se présentant contre le candidat PCF alors qu’ils faisaient partie de la même majorité (comme à Saint-Denis ou Ivry…).

Les orientations du PCF et de LFI, avec chaque parti sur sa logique et obéissant à des préoccupations d’auto-conservation dans un contexte ultra-défensif, peuvent ainsi générer des dynamiques démoralisatrices pour leurs militantEs.

Certes, de par leur nature d’élections locales, les élections municipales présentent des configurations spécifiques suivant les histoires militantes locales. C’est pour cela que le NPA se présente dans des configurations diverses. Mais nous le faisons autour d’une orientation claire et cohérente : pas question de se poser en gestionnaire institutionnel, combat contre les contraintes budgétaires imposées aux municipalités et soutien aux mobilisations, à commencer par celles des agentEs territoriaux qui seront indispensables contre la mise en œuvre de la Loi de transformation de la fonction publique. Ce qui a pu amener le NPA à se retrouver avec des groupes de militantEs de LFI ou du PCF dans quelques villes, le plus souvent avec des équipes militantes associatives, syndicales ou Gilets jaunes, qui ont construit ensemble les mobilisations de ces derniers mois.

Cathy Billard »

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La pétition du 5 janvier 2019: le tournant politique de la grève

Le Journal du Dimanche a publié une tribune appelant le gouvernement à stopper la réforme des retraites et à négocier avec les syndicats. C’est que la grève se prolongeant, tout risque de commencer à être bousculé socialement et d’ouvrir la porte aux révoltes. C’est hors de question pour la direction de la CGT et la gauche institutionnelle, tous deux à l’origine de la tribune. C’est une opération de récupération et surtout d’évitement de la lutte des classes, qui cherche à torpiller la gauche du mouvement de grève.

La grève continuant, les choses deviennent politiques, comme prévues. Qu’on le veuille ou non, on est dans une opposition entre des syndicats et le gouvernement, ce qui pose la question de la légalité, de la légitimité, donc de l’État.

C’est là ouvrir une porte à ce que la société française soit ébranlée. Tant mieux ! dit-on si on est de Gauche et qu’on espère enfin qu’en France, il y ait un mouvement populaire. Hors de question ! dit-on si on considère que tout doit rester dans le cadre institutionnel.

La tribune publiée dans le Journal du Dimanche du 5 janvier 2019 est ainsi très brève. En quelques lignes, on a un « appel au calme » signé des principales figures politiques classées à gauche, tels Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Olivier Faure (PS), Fabien Roussel (PCF), Julien Bayou (EELV), à quoi s’ajoute Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT.

On a également parmi les signataires Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale, Guillaume Balas de Génération-S, Raphaël Glucksmann de Place publique, Marie-Noëlle Lienemann de la Gauche républicaine et socialiste, Olivier Besancenot et Philippe Poutou du Nouveau Parti anticapitaliste.

De plus, pour faire bien, la liste comprend des comédiens, des historiens, etc. et dispose d’un site où signer la tribune-pétition.

« Une majorité de citoyennes et de citoyens le demandent : retrait de la réforme Macron !

Depuis le 5 décembre, des millions d’hommes et de femmes se retrouvent dans les grèves, dont beaucoup en reconductible, et les manifestations à l’appel des organisations syndicales.

Ils et elles rejettent la réforme du système de retraites que veulent leur imposer le président de la République et son gouvernement.

Ce projet n’est pas acceptable, car il est porteur de régression des droits de chacune et chacun : toutes les hypothétiques avancées proposées par le gouvernement devraient être financées par des baisses de pensions ou par l’allongement de la durée de la vie au travail. D’autres choix sont pourtant possibles.

C’est pourquoi nous demandons le retrait du projet présenté par le Premier ministre, afin que soient ouvertes sans délai de vraies négociations avec les organisations syndicales, pour un système de retraites pleinement juste et solidaire, porteur de progrès pour toutes et tous, sans allongement de la durée de la vie au travail. »

Tout est ici très compréhensible, voire logique même si l’on veut, s’il n’y avait pas le dernier paragraphe. Car s’il y a retrait du projet de réforme des retraites, qu’y a-t-il à négocier ?

C’est là qu’on comprend que cette tribune-pétition a comme cible toute la gauche du mouvement de grève, pour qui cette grève porte sur bien plus que la question des retraites. La pétition-tribune, très largement diffusée dans les milieux syndicaux, est une manière de limiter la question aux retraites, d’exiger une porte de sortie rapide à la crise.

C’est doublement criminel.

Déjà, car il s’agit de demander à Emmanuel Macron de réactiver la gauche institutionnel et la CGT, sur le dos de la grève.

Ensuite, car c’est espérer quelque chose d’un gouvernement fer de lance du capitalisme sur le plan des privatisations, ce qui est absurde.

À l’arrière-plan, la chose s’explique comme suit : Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT, veut couper l’herbe sous le pied du syndicalisme dur à la CGT, et empêcher à tout prix que s’ouvre une nouvelle séquence de lutte, bien plus dure et généralisée.

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Meeting commun de la Gauche du 11 décembre 2019

Ce meeting rassemblant les principales structures de la Gauche a malheureusement été occulté par a présentation le même jour du projet de réforme des retraites par le Premier ministre. Rassemblant de manière la plus large, il a consisté en une tentative du PCF de ressouder des forces assumant de vivre à l’écart les unes des autres.

Le meeting a eu lieu à Saint-Denis dans le nord parisien, ville historiquement composante de la « banlieue rouge » cerclant Paris. C’est un bastion historique du PCF et c’est lui qui a organisé ce meeting devant traiter de la réforme des retraites. Bien entendu, il s’agissait surtout de refaire parler entre elles les différentes composantes de la Gauche.

L’esprit unitaire a prédominé, au point que Le Monde, dans son article au sujet du meeting, liquide la présentation des présents :

« La liste complète des participants est trop longue pour être reproduite de manière complète. »

Le journalisme de ce début de 21e siècle est un étonnement permanent. Il est vrai cependant que cela relève d’un esprit anti-politique propre à notre époque. Déjà que la lutte politique a toujours été difficile pour la Gauche, dans un climat de simplisme, de populisme et de libéralisme général, c’est encore plus dur.

Étaient donc présents des représentants du Parti socialiste, de Génération-s, de Lutte ouvrière, du Nouveau parti anticapitaliste, de La France insoumise, d’Europe Écologie-Les verts, de Place publique, de Gauche démocratique et sociale ainsi que des radicaux de gauche. À cela s’ajoute également la Gauche républicaine & socialiste, systématiquement « oubliée » dans les médias. La présence de sa représentante Marie-Noëlle Lienemann est parfois mentionnée pourtant.

Une telle amplitude fait que le meeting avait par conséquent son importance ; rien que sa tenue est déjà une contribution certaine, même si volontariste, à l’inévitable unité à venir. Tout le monde était d’ailleurs d’accord qu’il fallait aller dans le sens d’une mobilisation, d’une intervention accrue pour contrer le gouvernement et établir un contre-projet.

Les dissensions, si elles ont été évitées de manière formelle, n’ont toutefois pas manquer d’affleurer et de parasiter, voire paralyser le meeting. Au grand dam du PCF qui s’est placé à cette occasion comme assumant le rôle d’interface entre tout le monde. Il n’a pas ménagé ses efforts en ce sens, tant en prenant le risque d’organiser le meeting, en servant d’organisateur des discussions, en poussant à un esprit unitaire.

C’est que le PCF a aussi le plus à perdre d’un éventuel échec, car il est coincé. Il y a en effet d’un côté les réformistes gouvernementaux se considérant comme incontournables de toutes façons (le PS et EELV), acceptant le système des retraites à points, ne voulant pas reculer l’âge de la retraite, bref soucieux d’apparaître comme institutionnels à tout prix, « réalistes », etc. Ils ne veulent pas faire reculer l’âge de départ à la retraite, ils sont prêts à négocier avec Emmanuel Macron un système de retraites à points.

Il y a de l’autre ceux pour qui il faut mettre de l’huile sur le feu pour tirer son épingle du jeu (LFI surtout, mais aussi le NPA ou Lutte Ouvrière). On penche de ce côté-ci dans le sens d’une rupture complète et d’un refus du Parti socialiste. Le représentant de LFI a clairement dit d’ailleurs, sans hésiter aucunement, qu’il n’y aurait pas de projet commun en raison des trop grandes différences existantes.

Ce n’a cependant aucune perspective de tracée pour l’instant, car tous les participants considèrent que tout dépend du mouvement contre la réforme des retraites. Un meeting dans un esprit unitaire est d’ailleurs prévu pour bientôt à Beauvais.

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En 2009, naissait le NPA

En février 2009, naissait le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) avec un écho très large et une véritable dynamique de fond. Dix ans après, on s’aperçoit que cette organisation s’est totalement enlisée dans les valeurs post-modernes.

La naissance du Nouveau parti anticapitaliste s’est déroulée sous les meilleures auspices en 2009. Il s’agissait en effet du « dépassement » d’une organisation avec des cadres éprouvés, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Solidement structuré, disposant de nombreux permanents, profitant d’une expérience à tous les niveaux, la LCR avait acquis une hégémonie véritable « à gauche de la gauche » à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Tout en perdant toujours plus son identité trotskyste, elle se renforçait dans tout le paysage associatif et son candidat aux élections de 2008, Olivier Besancenot, obtenait même 4,1 % des voix, soit 1,5 million de personnes le soutenant. Lorsque la LCR procéda à sa dissolution en janvier 2009, elle avait un peu plus de 3 000 membres ; deux jours plus tard le Nouveau parti anticapitaliste s’élançait et recrutait en masse, arrivant à plus de 9 000 membres.

Mais, en étant objectif, on peut voir que personne n’a compris ce qu’était le NPA. L’idée était telle pourtant que toute la gauche de la Gauche aurait pu rejoindre ce mouvement, qui n’a désormais plus que 2 000 membres, dont la moitié réellement concernée. L’ultra-gauche et la Gauche post-moderne n’existaient alors pas vraiment et il y avait un vrai vivier : en 2002, Olivier Besancenot avait déjà dépassé le million de voix, et Arlette Laguiller même les 1,5 million.

Les anarchistes n’étaient pas foncièrement hostiles au NPA et il y avait même déjà des « animalistes » prônant qu’on y adhère. Pourquoi alors n’a-t-il pas réussi à émerger, alors qu’en même temps Jean-Luc Mélenchon parvient avec succès à imposer le Front de Gauche et bientôt La France insoumise ? Au point d’ailleurs qu’il y eut trois vagues de départ de la NPA vers Jean-Luc Mélenchon (2009, 2011, 2012). Rappelons aussi que Jean-Luc Mélenchon avait proposé une alliance au NPA pour les Européennes de 2009.

La raison est simple : le NPA a gagné. Le NPA vient d’une tradition trotskiste prônant l’amour libre, les tendances, l’orientation autour des mouvements sociaux, la conquête des droits individuels, l’absence de formalisation autour d’une idéologie. Or, tout cela a triomphé. Le NPA et ses ancêtres ont été à l’avant-garde de la Gauche post-moderne et celle-ci existe désormais.

Tout le monde sait bien que les mœurs, au sein de la Ligue communiste avant-hier, de la Ligue communiste révolutionnaire hier, du NPA aujourd’hui, sont profondément libérales, c’est-à-dire foncièrement décadentes. La « Gauche » post-moderne est exactement ainsi. Il n’y a donc plus de place pour le NPA, qui ne peut que se ratatiner sur lui-même.

Ses membres ne savent d’ailleurs plus trop quoi en faire, puisqu’il ne reste que ceux liés d’une manière ou d’une autre à l’héritage trotskiste de la LCR, telle la majorité qui regroupe la moitié des voix et est très pro-zadiste, refusant tout « professionalisme » de la politique, à l’instar du sympathique mais ridicule Philippe Poutou.

Le reste du NPA reste bien plus affirmatif quant à cette tradition, ou bien plus syndicaliste. Il est aussi particulièrement divisé, travaillant souvent littéralement de manière indépendante (Anticapitalisme et révolution, Courant communiste révolutionnaire, Démocratie révolutionnaire, l’Étincelle).

Or, le souci principal est que si la majorité, à l’origine du projet de NPA, est pour aller dans le sens d’une unité très à gauche dans un sens gouvernemental (même si ce n’est pas dit ouvertement et que c’est une sorte de rêve combinant marxisme et anarchisme), les autres courants sont très hostiles à cette approche. Ils sont plus sur la ligne de Lutte ouvrière qui réfute tout « gouvernement transitoire », seulement ils ne peuvent pas rejoindre Lutte ouvrière car celle-ci s’arc-boute sur elle-même. Elle espère survivre suffisamment pour passer son tour et voir les cartes rebattues dans le futur.

Le NPA est donc littéralement coincé. En sortir reviendrait pour ses tendances à ne pratiquement plus exister, l’union étant le seul moyen de tenir. Mais rester, c’est pourrir sur pied et ne pas être capable de formuler de stratégie… C’est la preuve que quand culturellement, on baigne dans un milieu à la fois universitaire, étudiant, petit-bourgeois, on est dans un tel libéralisme qu’on ne peut qu’accompagner l’évolution des mœurs, mais en rien maintenir une identité et un cadre de gauche.

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Acte XXIV des gilets jaunes : échec d’une pseudo-convergence

Encore moins de monde, et ce malgré la présence de Jean-Luc Mélenchon et le forcing d’une partie de la CGT. Les beaux jours n’auront pas suffi à masquer la vacuité politique des gilets jaunes.

Ce 27 avril 2019 était socialement très important. En effet, les gilets jaunes tenaient leur traditionnelle initiative du samedi après l’intervention d’Emmanuel Macron pour exposer ses propositions de réforme devant le pays. Il y avait donc l’espace d’une réponse par la révolte aux dites propositions.

De plus, toute une partie de la CGT a fait un forcing énorme pour que le 27 avril il y ait une puissante manifestation parisienne, notamment la CGT Commerce et Services. L’objectif déclaré était de faire une démonstration de force qui convergerait avec les gilets jaunes.

On retrouve ici tout l’esprit syndicaliste révolutionnaire propre à la culture française, ce poison anti-politique dont, par ailleurs, les gilets jaunes sont une variante plus ou moins blanquiste. Et comme d’habitude cela fit un peu de bruit pour pratiquement rien. Les gilets jaunes, au nombre de 2600 à Paris, furent rejoints par un petit cortège CGT de 3500 personnes, pour une convergence derrière la bannière « Face à une attaque globale, riposte générale », le tout n’apportant rien car 0 + 0 = 0.

Futé politiquement, le secrétaire général de la confédération Philippe Martinez a soigneusement évité de se montrer. Furent par contre présents à cette faillite Amar Lagha de la CGT-Commerce, Jean-Luc Mélenchon, Adrien Quatennens et Alexis Corbière de La France Insoumise, Philippe Poutou et Olivier Besancenot du NPA.

Le reste des gilets jaunes avait imaginé un forcing d’un autre genre, avec une manifestation « internationale » à Strasbourg. Cela ne donna que la présence de 2000 personnes… Il faut dire que les Allemands ne connaissent pas la déliquescence politique de la France. Le SPD (social-démocrate) a 437 000 membres, les Verts 77 000, die Linke (la Gauche) 61 000. Même la CDU (le parti de la Droite) a 415 000 adhérents. En France, le parti politique avec le plus d’adhérents, c’est le PCF avec 80 000…

La démarche anti-politique va continuer malheureusement, car les gilets jaunes vont parasiter le premier mai. Leur faible nombre pour l’acte XXIV de cette farce a d’ailleurs été justifié de leur côté par le fait que le premier mai est censé être témoin d’une grande initiative de leur part. Les médias prévoient depuis de nombreux jours beaucoup de casse. Non contents de n’arriver à rien, les gilets jaunes comptent faire couler la Gauche avec eux…

Pourtant, ils avaient toutes leurs chances avec l’intervention d’Emmanuel Macron du 25 avril. Sa conférence de presse a été d’une rare nullité. Le grand débat avait été censé récupérer toutes les exigences de la population et ce qu’il en sort, ce sont quelques mesures techniques pour relever ceci, réorganiser cela. Ce sont des choses sans âme, sans profondeur.

Conscient de cela, Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné l’importance des frontières et puisé dans les auteurs idéalistes. Dans l’allocution du 15 avril, non diffusée en raison de l’actualité dramatique que fut l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, il faisait référence à la philosophe Simone Weil parlant du « besoin de l’âme humaine ».

Il a cette fois cité Bernanos :

« Est-ce qu’on change jamais ? L’avenir le dira. Comme dit Bernanos, on a sa conscience pour soi. »

Pauvre Bernanos, dont l’exigence morale s’affirmant à travers une exigence spirituelle se voit dégradée à une posture machiavélique politicienne, ce qu’il abhorrait justement.

Emmanuel Macron a par ailleurs multiplié les pics traditionalistes, tout à fait dans l’esprit de son soutien total et absolu aux chasseurs. On a ainsi eu droit au propos suivant notamment :

« L’art d’être Français, c’est être à la fois enraciné et universel. »

Il va de soi que la prochaine étape, pas forcément portée par Emmanuel Macron, sera le fait d’abandonner le côté universel pour se cantonner à la dimension « enracinée ». Même si en attendant, Emmanuel Macron veut une France enracinée et universelle exactement comme le capitalisme français, à la fois national et acteur international.

Car cet « enracinement » ne porte rien de culturel, il est idéologique, comme en témoigne la nomination d’un très haut responsable militaire à la tête de l’organisation de « reconstruction » de Notre-Dame de Paris.

Le capitalisme se crispe toujours plus : Emmanuel Macron devait faire un sauvetage moderniste, avant l’éventuelle carte nationaliste. Et finalement, Emmanuel Macron compose déjà avec les valeurs du Fascisme dont l’ombre se profile toujours davantage…