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Refus de l’hégémonie

Sahra Wagenknecht et l’économie de guerre allemande

La démarche de Sahra Wagenknecht en Allemagne a ceci de pertinent qu’elle se confronte ouvertement avec la marche à la guerre des deux superpuissances, américaine et chinoise.

Il faut bien comprendre qu’économiquement, la première victime du conflit militaire Russie-Ukraine du côté des pays riches est l’Allemagne, son satellite autrichien y compris. Toutes les économies des principales puissances ont été torpillées par la crise commencée en 2020. Mais l’initiative russe a fait de l’Allemagne un maillon faible, comme celle-ci s’est alignée sur la superpuissance américaine.

Sahra Wagenknecht a indubitablement compris que les masses allemandes allaient protester contre la situation et que le grand risque était celui d’une situation comme celle des années 1930, où c’est le nationalisme qui l’emporte. C’est le cas en Autriche, où la Gauche a acquis une position très marquée contre le capitalisme, mais reste dans l’ombre d’une extrême-Droite assumant d’être contre la guerre à la Russie.

Sa ligne est donc de former un mouvement de masse, afin de bloquer l’extrême-Droite et de permettre une initiative de masse sur une base sociale.

« Ses propres intérêts et la paix au lieu de la fidélité vassalisée et la confrontation »

Voici un long extrait du document d’analyse proposée par le mouvement « Aufstehen » (se lever, se soulever) lancé par Sahra Wagenknecht. Ce document fait partie des éléments constitutifs du parti qu’elle met en place fin octobre 2023.

On y trouve des points essentiels de la vision de Sahra Wagenknecht sur la guerre et la situation allemande.

« L’espoir de nombreux électeurs qu’un gouvernement dans lequel davantage de partis de gauche seraient représentés, et qui remplacerait ainsi le gouvernement conservateur en tant que représentant de l’élite, s’est rapidement évanoui.

Depuis le début de la guerre [entre la Russie et l’Ukraine], le gouvernement de coalition, contrairement au reste du monde, a complètement mis de côté les intérêts nationaux par rapport au capital américain et a déguisé moralement son action en opération d’aide à l’Ukraine.

Au lieu d’œuvrer dès le début à une solution diplomatique (le début remonte à 2014 au plus tard), des armes et de l’argent sont fournis sans cesse.

Le chancelier [social-démocrate Olaf] Scholz a amorcé un tournant. Aujourd’hui, c’est la confrontation qui remplace la détente.

La guerre actuelle a été déclenchée par la Russie. Si on veut y mettre fin, on ne doit pas mettre de côté ce qui a précédé.

En toute allégeance aux États-Unis et à nos dépens, la coalition, avec de prétendus objectifs moraux, vise uniquement à écraser la Russie ([référence aux propos de la ministre des affaires étrangères, écologiste, Annalena] Baerbock) et, si possible, à parvenir à un changement de gouvernement dans ce pays.

Surtout, les sanctions et l’embargo pétrolier ont amené notre économie au bord de l’effondrement dans de nombreux domaines et déclenché une vague sans précédent de « fierté coupable » ([l’expert du proche et moyen-orient Michael] Lüders = aveu d’actes répréhensibles contre la Russie avant la guerre).

Ceux qui sont au pouvoir parlent ainsi toujours sous la forme du « nous » et exigent que nous, les contribuables, acceptions la réduction de notre propre « prospérité » par solidarité avec l’Ukraine. Une majorité est pourtant depuis longtemps opposée au prolongement d’un soutien militaire.

Ces sanctions visaient à priver la Russie de sa base financière, même si les importations de pétrole n’ont pas encore été sanctionnées. Dans une obéissance prématurée, [le ministre de l’économie, écologiste, Robert] Habeck les a arrêtés, causant d’énormes dégâts à notre économie.

En tant que société, nous sommes simplement accaparés et, selon lui, nous devons supporter les difficultés.

Le suicide économique et social dû à une augmentation incommensurable des coûts n’a jusqu’à présent fait que prolonger les morts des deux côtés du front dans la guerre injustifiée de la Russie contre l’Ukraine, mais a causé bien moins de dégâts à l’économie russe qu’à la nôtre.

Mais « nous sommes les bons » ! La propagande de guerre s’accompagne d’une autoglorification morale et d’une perte du sens des réalités.

Bush, Reagan, Clinton et Obama ont mené des guerres comme étant du « bon côté ». C’est pourquoi les sanctions n’ont même jamais été ne serait-ce qu’envisagées.

Ainsi, de l’accord de coalition, peu a été mis en œuvre. « Oser faire plus de progrès », tel est le titre du document de 178 pages, empruntant évidemment à la déclaration gouvernementale de Willy Brandt en 1969, dont le slogan était « Oser plus de démocratie ».

A quoi ressemblent ces progrès ?

Avec le début de la guerre en Ukraine, notre économie est entrée dans le déclin.

L’interdiction d’importer du pétrole et du gaz naturel russes a poussé l’économie à ses limites, à l’exception de l’industrie militaire, qui est en plein essor grâce à l’injection de 100 milliards.

Lorsque le pays est entré en récession, le taux d’inflation a parfois dépassé 10% et s’élève au 23 juillet à 6,4%, même s’il dépasse encore 11% pour l’alimentation.

Cela touche particulièrement les groupes à faible revenu, déjà défavorisés.

Malgré une baisse significative des ventes de produits alimentaires, les bénéfices des leaders de l’industrie ont augmenté grâce à des prix abusifs criminels.

Cela signifie que les bénéfices vont aux riches, tandis que l’augmentation des coûts affecte particulièrement la population la plus pauvre.

La demande intérieure a été considérablement ralentie et, tout comme la baisse des exportations, elle a un impact sur la conjoncture négative.

Compte tenu de la hausse des prix des denrées alimentaires allant jusqu’à 20%, le flux vers les banques alimentaires a considérablement augmenté et, dans certains cas, a doublé. de sorte que des arrêts d’admission et des réductions de quantité dans la distribution ont été nécessaires.

C’est une impudence de la part du pouvoir que de confier la prise en charge de la « partie de la population laissée pour compte » à des associations organisées et financées par le secteur privé, sans leur apporter le soutien financier approprié !

En Allemagne, plus de deux millions de personnes dépendent désormais de l’aide alimentaire. Le besoin est probablement encore plus grand, car de nombreuses banques alimentaires ont cessé de les accepter.

Les dividendes des actionnaires ont cependant augmenté. De moins en moins de bénéfices sont restés dans l’entreprise, de plus en plus sont allés aux propriétaires (…).

Notre économie est en récession « technique » depuis le printemps 2023.

La production économique (produit intérieur brut, PIB) a diminué tant au quatrième trimestre 2022 qu’au premier trimestre 2023. Et les perspectives ne se sont pas améliorées depuis.

L’Allemagne connaît cette année la pire situation parmi toutes les grandes économies. Et ce sera probablement la seule grande économie à connaître une contraction. Cela veut dire : le FMI s’attend à une récession pour l’Allemagne.

L’industrie chimique en particulier s’est affaiblie, car les sanctions pétrolières et gazières y ont eu un impact particulier, mais aussi les secteurs des machines-outils et de l’électrotechnique.

Contrairement aux « citoyens normaux », l’économie allemande peut fuir. Une entreprise sur cinq envisage de délocaliser sa production à l’étranger.

Les petits fournisseurs qui ne peuvent pas déménager avec nous seront conduits à la ruine !

Il y a également un exode de travailleurs qualifiés. Environ 1,2 million de spécialistes bien formés et pour la plupart hautement qualifiés ont émigré en 2022.

Le budget fédéral 2024 prévoit des économies dans presque tous les domaines afin de pouvoir financer les dépenses d’armement et de guerre tout en respectant le frein à l’endettement (…).

La démocratie occidentale actuelle est une démocratie d’élite. Elle ne repose pas sur une volonté unifiée de la société, car la société est divisée en raison de différents intérêts économiques et de différentes visions du monde quant au développement.

Les élites comprennent des personnes qui ont beaucoup de pouvoir et qui, socialement, proviennent presque exclusivement des classes les plus riches et les plus capitalisées.

Leur attitude face aux inégalités sociales est essentiellement façonnée par leurs origines sociales exclusives et homogènes : c’est la base de leur pouvoir et de la mise en œuvre des politiques néolibérales !

Cependant, il n’existe pas une élite fermée, mais plutôt différents groupes d’élite, généralement liés les uns aux autres par leurs origines sociales.

Ils vivent dans un monde parallèle depuis leur naissance et ont une culture, une éducation et des opportunités de carrière communes. Cela signifie qu’ils fréquentent des écoles privées d’élite, étudient dans des collèges et universités (privés) d’élite et ont donc déjà un lien avec l’élite au pouvoir. »

Sahra Wagenknecht veut couper l’herbe sous le pied du nationalisme ; le faible niveau politique l’amène à lancer une initiative « sociale » avant tout, mais autour de principes bien circonscrits, comme la paix, le refus de l’OTAN. C’est là ce qui la distingue fondamentalement de gens comme Jean-Luc Mélenchon en France, dont le populisme est sans bornes aucune.

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Politique

La Gauche historique ne fantasme pas sur la « grève générale »

L’anarchisme, l’anarcho-syndicalisme : une plaie dans notre pays.

Ce 7 mars 2023, les syndicats visent à organiser en France une vaste grève. Cette grève n’est pas organisée selon les principes de la Gauche historique. Elle relève de l’économisme, du trade-unionisme, c’est-à-dire du réformisme, dans son alliance à l’anarcho-syndicalisme qui rêve qu’une « grève générale », soit le prélude du « grand soir ». On est là dans le mythe mobilisateur théorisé par Sorel et tous les « socialistes français » rejetant le marxisme.

Rosa Luxembourg rappelle, dans Grève de masse, parti et syndicat, écrit en 1905, que la Gauche historique ne conçoit le mouvement ouvrier qu’à travers le prisme de la conscience politique. Elle nous dit de la position historique de la social-démocratie, du marxisme :

« Elle est dirigée contre la théorie anarchiste de la grève générale qui oppose la grève générale, facteur de déclenchement de la révolution sociale, à la lutte politique quotidienne de la classe ouvrière.

Elle tient tout entière dans ce dilemme simple : ou bien le prolétariat dans son ensemble ne possède pas encore d’organisation ni de fonds considérables – et alors il ne peut réaliser la grève générale – ou bien il est déjà assez puissamment organisé – et alors il n’a pas besoin de la grève générale.

Cette argumentation est, à vrai dire, si simple et si inattaquable à première vue, que pendant un quart de siècle elle a rendu d’immenses services au mouvement ouvrier moderne, soit pour combattre au nom de la logique les chimères anarchistes, soit pour aider à porter l’idée de la lutte politique dans les couches les plus profondes de la classe ouvrière.

Les progrès immenses du mouvement ouvrier dans tous les pays modernes au cours des vingt-cinq dernières années vérifient de la manière la plus éclatante la tactique de la lutte politique préconisée par Marx et Engels, par opposition au bakouninisme : la social-démocratie allemande dans sa puissance actuelle, sa situation à l’avant-garde de tout mouvement ouvrier international est, pour une très grosse part, le produit direct de l’application conséquente et rigoureuse de cette tactique. »

Dans ce même ouvrage, Rosa Luxembourg constate qu’en Russie un nouveau phénomène est apparu, qui exige de recalibrer la notion de grève. Il y avait en effet, dans toute la période menant aux deux révolutions russes de 1917, de multiples grèves. Mais elles avaient un caractère contestataire visant le régime et c’est pourquoi Rosa Luxembourg parle de « grève politique de masse ».

Ce qui se passe en France n’a rien à voir avec un tel mouvement secouant le régime. On est dans le réformisme, purement et simplement.

La Gauche historique, celle qui s’appuie sur la social-démocratie et le marxisme, refuse d’accorder une valeur à un tel réformisme qui rejette le Socialisme comme objectif incontournable.

Elle n’accepte pas non plus une ligne populiste visant à « manipuler » les travailleurs pour qu’ils passent sans s’en apercevoir de revendications au camp du socialisme – comme si une telle chose était possible.

Cette conception d’amener les travailleurs comme malgré eux dans le camp du Socialisme est celle, trompeuse, mensongère, du réformisme à prétention « révolutionnaire », du trotskisme avec le « programme de transition ». C’est une négation de l’importance de la conscience, et ce d’autant plus dans un pays comme la France où règne le 24 heures sur 24 du capitalisme.

La Gauche historique affirme que tout dépend du niveau de conscience. Dans son fameux ouvrage Que faire?, en 1902, Lénine salue comment le dirigeant de la social-démocratie Karl Kautsky valorise la conscience, lui reconnaissant le rôle central. Et il pose que :

« Du moment qu’il ne saurait être question d’une idéologie indépendante, élaborée par les masses ouvrières elles-mêmes au cours de leur mouvement , le problème se pose uniquement ainsi : idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste.

Il n’y a pas de milieu (car l’humanité n’a pas élaboré une « troisième » idéologie ; et puis d’ailleurs, dans une société déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d’idéologie en dehors ou au-dessus des classes).

C’est pourquoi tout rapetissement de l’idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l’idéologie bourgeoise.

On parle de spontanéité. Mais le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l’idéologie bourgeoise, Il s’effectue justement selon le programme du Credo, car mouvement ouvrier spontané, c’est le trade-unionisme, la Nur-Gewerkschaftlerei ; or le trade-unionisme, c’est justement l’asservissement idéologique des ouvriers par la bourgeoisie.

C’est pourquoi notre tâche, celle de la social-démocratie est de combattre la spontanéité, de détourner le mouvement ouvrier de cette tendance spontanée qu’a le trade-unionisme à se réfugier sous l’aile de la bourgeoisie, et de l’attirer sous l’aile de la social-démocratie révolutionnaire. »

La question est politique, toute question est politique. Une grève sur une base économique peut exister, mais en dernier ressort elle dépend d’une orientation politique : les syndicats sont une courroie de transmission du Parti menant au Socialisme.

Sinon, tout se joue dans le cadre du capitalisme et, en dernier ressort, sert le capitalisme pour trouver des manières de se ré-impulser, de se relancer!

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Écologie

Fabien « Astérix » Roussel, chasseur de sangliers

Changer le monde, ou fantasmer le passé ?

Pendant près d’un demi-siècle, après la Seconde Guerre mondiale, le PCF a eu une portée immense en France, tant numériquement que politiquement. Sa base populaire et son assise dans le pays étaient gigantesques : pourtant il n’a jamais été en mesure ne serait-ce que de bousculer le régime. Le plus grand échec du PCF a d’ailleurs été son opposition à la vague de grèves et contestations en mai-juin 1968. La raison est simple, elle est culturelle.

En fait, le PCF ne visait pas à changer le monde, mais simplement à le prendre tel qu’il est pour le rendre plus « juste » avec la CGT dirigeant les entreprises et quelques artistes et intellectuels parisiens dirigeant les affaires publiques. Il ne s’agit pas ici de « radicalité » plus ou moins grande, d’être plus ou moins « gauchiste », mais d’un véritable sujet de fond.

Fabien Roussel, son actuel dirigeant, est un très bon exemple de ce problème, il en est même caricatural. Cela avait déjà été évoqué ici récemment avec sa sortie ironique beauf sur la « libération » des poulets. C’est encore plus flagrant avec deux exemples tout récents, qui vont ensemble.

Sur France info le 18 octobre, le candidat « communiste » à la présidentielle 2022 a expliqué :

« J’en ai un peu marre de ces intellectuels condescendants qui n’arrêtent pas de nous donner des leçons sur nos pratiques, sur nos manières de faire, qui nous disent ce qu’il faut manger et comment il faut conduire ».

Sans même parler du contenu, il y a déjà que la forme est incroyablement rétrograde. Dire cela est ultra-régressif, à peine digne d’un Eric Zemmour : il faudrait donc laisser les gens vivre leur petite vie tranquille, comme avant, sans rien questionner, sans rien bousculer. Drôle de vision du monde pour un prétendu partisan de Karl Marx…

Mais le problème se pose surtout sur le fond, évidemment. Fabien Roussel répondait ici à la question des chasses dites « traditionnelles », en fait surtout particulièrement barbares. Il s’agit de pratiques de piégeage d’oiseaux qui ont été jugées illégales par le Conseil d’État (et par l’Union européenne) tellement c’est atroce, mais que le gouvernement continue quand même d’autoriser.

Ce genre de pratiques ne concerne que quelques énergumènes arriérés, qui se prétendent représentant de la ruralité mais qui ne sont en réalité qu’une minorité de furieux ennemis de la nature et des animaux. Il est évident que la société doit écraser de telles pratiques pour aller de l’avant. C’est le sens de l’Histoire, réfutant la barbarie, allant vers plus de civilisation : au 21e siècle cela signifie évidement de prendre en compte les animaux.

Mais cela, Fabien Roussel en est incapable, car il ne veut pas du 21e siècle, simplement d’un 20e siècle fantasmé. C’est exactement comme Eric Zemmour.

Le pire, c’est que Fabien Roussel sait très bien qu’au fond sa position sur les chasses « traditionnelles » est intenable. Alors il convoque un matérialisme historique passé à la moulinette beauf pour assumer qu’il ne veuille rien changer :

« Il y a un sens de l’histoire qui fait que petit à petit, ces pratiques vont disparaître naturellement, et donc il faut laisser faire la vie »

Cela est évidemment faux. Le vieux monde ne s’effondrera jamais de lui-même si la société ne se soulève pas contre lui ! C’est cela que les communistes nomment révolution… Apparemment, il n’est pas au courant. Et surtout, en l’occurrence, il s’agit effectivement de laisser faire la vie quand on est de Gauche, et donc ne pas laisser faire en France des massacres organisés d’oiseaux comme simples « loisirs ».

Fabien Roussel n’est pas du bon côté dans cette histoire, car il est un partisan de la chasse et des chasseurs. Selon lui, les chasseurs seraient mêmes « essentiels à la préservation de notre environnement » ! Il connaît en effet par cœur toute la propagande du lobby de la chasse et récite leurs arguments, avec le fameux sujet des sangliers :

« Je sais que chez moi, il y a une surpopulation de sangliers et donc tous les ans, c’est la préfecture qui fait appel aux chasseurs pour réguler cette surpopulation de sangliers ».

N’importe qui connaissant les campagnes françaises sait que c’est là un gros mensonge. Déjà car les chasseurs nourrissent les sangliers et en lâchent eux-même dans la nature pour préserver leur loisir. Mais surtout, il ne faut pas se moquer du monde : un pays comme la France aurait déjà liquidé depuis longtemps les sangliers s’ils représentaient un « problème », comme cela a été fait avec le loup. Le capitalisme sait très bien massacrer la nature quand il a besoin.

Le « problème » des sangliers est surtout celui de l’étalement urbain. A un moment donné, à force de construire partout, forcément qu’il y a des sangliers pour « oser » s’aventurer dans des emprises humaines. Alors il y a ensuite les chasseurs pour dire « voilà regardez, nous sommes utiles, notre loisir sert à vous protéger des sangliers ».

La chasse aux sangliers, voilà en tous cas l’horizon de Fabien Roussel… ce grand fan d’Astérix et Obélix, comme le montre cette publication du 21 octobre avec une photo prise dans les locaux du siège du PCF à Paris avec le nouvel épisode de la BD.

Même les gens de droite sont pourtant lassé par Astérix et Obélix, à en croire le Figaro qui trouve ce 39e épisode très ennuyant. Mais Fabien Roussel, lui, adore, et prétend qu’il s’agit là de la culture populaire ! Quelle ringardise, quel populisme, et surtout : quelle arriération culturelle !

Fabien Roussel a tout faux quand il s’affirme « gaulois réfractaire », car c’est tout l’inverse de ce que la Gauche doit viser. Ce qu’il faut, ce n’est pas un village isolé et replié sur lui-même, à la Eric Zemmour. Ce qu’il faut viser, c’est une nouvelle Rome avec sa perspective universelle et sa volonté de civilisation.

Le futur, ce n’est pas la vieille Gaule, c’est une nouvelle Rome sociale, avec la classe ouvrière au pouvoir, avec les femmes aux cœur des décisions, avec la culture au centre de la vie des gens, avec la nature chevillée au corps et l’avenir de la planète Terre comme horizon principal, avec le véganisme d’ailleurs comme exemple de solution pour changer les gens de l’intérieur et changer enfin le sort des animaux.

Le futur se construit dans le débat démocratique populaire et la Gauche historique comme moteur des idées et de la culture, pas avec Astérix, Obélix et autres nostalgies d’un passé idéalisé, que ce soit avec les « ZAD » ou avec Eric Zemmour. Le seul romantisme doit être celui de l’avenir!

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Politique

La Gauche doit résister à la vague réactionnaire anti-pass sanitaire et raisonner en termes de crise

La Gauche se refondera dans le rationalisme, le matérialisme, le socialisme.

Quand on a des principes, on est intransigeant là-dessus, ou alors ce ne sont plus des principes. Et comme à l’occasion des gilets jaunes, il y a une capitulation générale d’une large partie de la Gauche devant les anti-pass sanitaire. Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise et Philippe Martinez de la CGT viennent de s’affirmer comme anti-pass sanitaire, suivant en cela toute l’ultra-gauche et une partie significative de la Gauche.

C’est la trahison générale.

Enfin, peut-on encore parler de Gauche pour ces gens qui agissent de manière opportuniste à ce point-là? Cela fait longtemps qu’ils se raccrochent à n’importe quoi, et là on en a la preuve formelle.

Les rassemblements anti-pass sanitaire ont une base irrationnelle, elles produisent des gens agressifs et paranoïaques, l’extrême-Droite en forme une ossature essentielle sur le plan des conceptions et même de la vision complotiste du monde. Comment quelqu’un de Gauche peut-il se dire qu’il faudrait soutenir une horreur pareille?

Il faut également être critique de ceux qui ne prennent pas position, car ils sont dépassés. C’est le cas des deux scissions du Parti socialiste, Génération-s et la Gauche Républicaine et Socialiste. Il y a également beaucoup de petites structures intellectuelles de gauche qui jouent sur l’ambiguïté, opposant pass et anti-pass, bref cherchant à éviter d’avoir à assumer quoi que ce soit.

Mais l’heure est venue pour la Gauche d’assumer.

D’assumer quoi?

Quand on est de Gauche, on raisonne, justement.

Et que voit-on? Que le pass sanitaire est dénoncé comme une mesure collective coercitive… Or, que veut la Gauche si ce n’est justement, historiquement, des mesures collectives coercitives, considérées comme justes et nécessaires historiquement?

La vraie Gauche, historique, n’est pas libérale-libertaire, elle n’est pas pour la conquête de droits « individuels ». Elle parle de masses, elle raisonne en termes de masses, elle veut le pouvoir aux masses.

Et quelle est la vie des masses? C’est celle dans le capitalisme.

Et quelle est la situaion du capitalisme? Il ne s’en sort pas. Au 1er septembre, le PIB français est encore de 3,3 % inférieur au niveau du quatrième trimestre 2019.

C’est un coup terrible à l’économie et encore l’Etat a dépensé un argent magique colossal pour limiter la casse : 230,6 milliards d’euros, soit 9,5% du PIB!

C’est inremboursable, ou alors en passant par deux solutions: la grande casse en pressurisant les travailleurs de manière forcenée, la guerre pour le repartage du monde afin d’obtenir de nouveaux espaces pour en profiter.

Toute autre considération est hors sol.

Qui plus est, la crise sanitaire n’est pas finie.

Les petits-bourgeois aimeraient bien qu’elle le soit, d’où les manifestations anti-pass sanitaire. Ils ne veulent pas que l’Histoire s’accélère.

Nous, nous voulons au contraire qu’elle aille encore plus vite!

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Société

Super-riches: la France est du niveau des États-Unis

Les super riches possèdent une partie significative du pays.

Les Etats-Unis sont un pays plus vaste que la France, par conséquent les super-riches ont une surface économique bien plus grande. Cependant, en proportion, les super-riches dominent autant l’économie de leur pays en France qu’aux Etats-Unis, comme le montrent ces chiffres du Financial Times.

Part de la richesse des milliardaires dans le PIB en 2020 (en bleu clair) et l’acroissement en 2021 (en bleu foncé).

Est-ce à dire qu’il y a en France une oligarchie ? Absolument pas, car les super-riches ne sont qu’un débordement du capitalisme réel. Il y a d’ailleurs en France 2,169 millions de millionnaires (et les super-riches sont 42, avec 80% des richesses venant de l’héritage). On n’est pas dans une situation russe ou suédoise (la Suède a justement été très cynique avec la pandémie de par sa nature ultra-élitiste et patriotique cynique).

Cependant, cela montre bien qu’en France la classe possédante élargit toujours plus sa main-mise sur les richesses. On sait à quel point les super-riches influent massivement sur la politique américaine. On comprend aisément que, si les super-riches sont proportionnellement aussi riches, alors ils ont autant d’influence. L’exemple de Bernard Arnault est éloquent : il représente individuellement 5,1% du PIB français. C’est totalement fou.

Et pense-t-on réellement résoudre le problème avec des taxes ? Ce serait passer à côté du cœur du problème : ce sont ces possédants qui décident ce qui est produit et donc ce qui est consommé. Il ne s’agit pas que d’individus riches : il s’agit de possessions des forces productives, de contrôle décisionnel, bref de tout un appareil anti-démocratique.

Vu comment le monde rentre dans le mur, on ne peut laisser ces gens décider. Être de gauche c’est considérer que les super-riches et les 2,169 millions de millionnaires doivent être expropriés, leurs richesses passant sous possession populaire et sous contrôle démocratique. Cela serait déjà un véritablement renversement dans le bon sens. Cela implique évidemment de briser le droit à la propriété et c’est naturellement un obstacle de taille dans le régime actuel : il faut donc changer le régime.

Et que se passera-t-il si la Gauche n’assume pas ce combat ? Il y aura l’extrême-Droite qui formulera la thèse nationaliste selon laquelle la richesse passe par le pays lui-même, qu’il faut que la France s’impose davantage, élargisse sa puissance. C’est une conception nationaliste du ruissellement, là où Emmanuel Macron parle d’une ruissellement par l’initiative libérale. Et cela peut très bien marcher auprès de Français qui font partie des 10% les plus riches de la population mondiale, qui vivent de manière petite-bourgeoise pour la plupart, qui ont une haute estime de la propriété privée.

On voit à quel point la question culturelle est essentielle ici. C’est l’alternative qui doit se poser. Ou bien la guerre, ou bien l’affirmation d’un gouvernement mondial. Ou bien la compétition acharnée, ou bien l’effacement de la propriété individuelle. Ou bien la consommation effrénée, ou bien la rationalisation des besoins au prisme de la culture. Ou bien les animaux toujours plus asservis, ou bien un rapport désormais positif à la Biosphère.

Tout cela se pose comme un grand affrontement culturel plus qu’autre chose. Cela est dû à l’envergure historique de la question. Ce n’est pas moins que le sort du monde qui se joue.

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Politique

La Droite est en train de tout écraser en France

La vaine agitation syndicale et d’ultra-gauche ne doit pas masquer les faits.

Sur le terrain des idées, de l’opinion publique, de la culture… la Droite est train de démolir la Gauche. La raison en est simple : la Gauche s’est subordonnée au courant libéral libertaire, post-moderne, capitaliste moderniste… Bref en Parti Démocrate américain. Impossible de faire le poids par conséquent face à une Droite usant de la démagogie civilisationnelle.

Beaucoup de gens se font des illusions encore malheureusement sur la situation, parce qu’ils sont pris dans une agitation bruyante mais stérile, que ce soit du type syndical ou d’ultra-gauche. Pourtant, il est évident que 99 % des gens ne sont pas touchés par tout ça. Pareil pour les gilets jaunes, qui numériquement ont été ultra-minoritaires tout au long de leur parcours, pour ne pas dire totalement marginaux : c’est la casse et les médias qui les ont fait exister.

S’il n’y avait pas eu les gilets jaunes d’ailleurs, la Gauche aurait pu sans doute fait quelque chose. Mais ce mouvement populiste a déversé ses pratiques absurdes et mélangés avec le syndicalisme et le pittoresque d’ultra-gauche, cela ne pouvait qu’aboutir à rien.

Nous voilà donc sur la défensive totale face à une Droite conquérante, fonctionnant tellement bien que Marine Le Pen n’a simplement pas à dire quoi que ce soit pour gagner des points. Les choses tournent mal d’elles-mêmes, comme entraînées par la crise.

La Droite est en train de tout écraser en France. Elle gagne des positions à tous les niveaux ; elle seule apparaît comme crédible, au niveau des défis. Elle dispose même d’un luxe énorme : celle d’exister dans plusieurs partis, tels le RN et LR, permettant ainsi d’ouvrir la perspective d’une « recomposition », attirant ainsi tous les opportunismes.

Au moment où la Droite va se restructurer avant les présidentielles, il va y avoir un immense appel d’air, avec pratiquement l’idée de faire un 1981 à l’envers, voire un mai 1968 à l’envers, voire un nouveau 1958.

Aussi est-il nécessaire de rappeler qu’une bataille difficile s’annonce : celle pour le barrage à l’extrême-Droite en 2022, à tout prix. On sait déjà qu’une partie importante des gens de gauche a basculé dans le nihilisme, refusant par avance de voter par exemple pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, arguant que cela ne peut pas être pire, etc.

Tout cela est le prix à payer pour la liquidation de la Gauche historique. Les gens de gauche ne savent plus ce qu’est le fascisme. Ils ne savent de toutes façons plus grand-chose, ayant été lessivés par le capitalisme. Quand on pense que des gens de gauche pensent que sont une bonne chose l’écriture inclusive, l’appel à la migration et à la fuite des cerveaux, la PMA voire la GPA, le fait de prendre des drogues, la prostitution (censée être un « travail sexuel »)… On a compris le problème.

Pour cette raison, la bataille sera ardue. L’ultra-gauche jouera, à son habitude, le rôle de cinquième colonne au service du triomphe de la Réaction. Mais il y a en France une grande tradition d’opposition à l’extrême-Droite. Et le fait que cette extrême-Droite s’insère dans une Droite réaffirmée peut relancer la construction de la Gauche, avec un retour aux fondamentaux du mouvement ouvrier.

Tout cela sera plein de détours, d’amertumes et de défaites, c’est tout simplement évident. Mais vu de là d’où on part, n’importe quel processus de construction est salutaire !

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Politique

François Mitterrand: 40 ans après le 10 mai 1981

L’élection de François Mitterrand à la présidence à la République est un important fait historique.

Il n’y a guère eu de grandes émissions ou de grandes déclarations à l’occasion des quarante ans du 10 mai 1981, même si on pouvait sentir que les différents médias auraient aimé en faire bien davantage. C’est que pour toutes les personnes au-dessus de 14 ans en mai 1981, l’élection de François Mitterrand a été un des faits les plus marquants de leur vie.

Du côté des gens de gauche, la joie était immense. Tout apparaissait comme possible. Du côté des gens de droite, c’était la fin d’un monde, puisque cela faisait 40 ans que la tête de l’État était entre leurs mains. Le désespoir des gens de droite était aussi grand que l’engouement incroyable à gauche.

Quarante après, il ne reste cependant rien de tout cela, puisque les principaux organes de l’histoire commencée en 1981 n’existe pratiquement plus. Le Parti socialiste, l’UNEF-ID, SOS racisme, le Parti Communiste Internationaliste… ne sont plus que les ombres d’eux-mêmes.

Surtout, leur patrimoine s’est dilapidé ici ou là, les gens abandonnant ou partant dans différentes carrières. Quarante après, une figure de l’époque comme Julien Dray n’a plus rien de socialiste à proposer. Jack Lang a disparu de la circulation, tout autant que Laurent Fabius ou Lionel Jospin.

Cela résulte tant d’une inscription dans les milieux aisés que d’une faillite intellectuelle. Car François Mitterrand c’est avant tout le mitterrandisme, c’est-à-dire un réel pragmatisme.

Cadre du régime de Pétain, François Mitterrand finit par rejoindre la résistance ; de centre-gauche il est devenu le principal opposant à de Gaulle, prenant la tête d’un Parti socialiste reconstitué au congrès d’Épinay en 1971. Puis il y eut l’alliance avec le PCF, pour le programme commun. Ses deux septennats ont pareillement été des coups de barre à droite, à gauche, au centre, selon les intérêts du moment et non selon une doctrine.

On arguera que ni Jean Jaurès, ni Léon Blum n’en avaient, de doctrine, justement. Mais c’est là qu’est le problème. La Gauche de tradition socialiste cherche en permanence une figure capable de conjuguer les forces du moment, sans exiger de contenu, et le résultat est connu : c’est François Hollande et l’ultra-pragmatisme.

On ne peut pas se relever d’un succès qui se caractérise par une absence de cimentation du socle. Il suffit de penser d’ailleurs à toutes ces organisations, petites ou grandes, qui décident de passer à l’action, récoltent un petit succès, puis finissent par s’effondrer, car il n’y a pas de valeurs approfondies, de pensée développée, de vision cohérente du monde. Bref, sans doctrine, on ne peut arriver à rien.

Et une doctrine, il faut du temps et de l’énergie pour en développer une. En faisant face à un isolement fort puis relatif pendant un long temps, aux moqueries des actionnistes, aux opportunistes qui préfèrent les succès rapides présentés comme ouvrant une nouvelle époque, etc.

Aussi, sans nul doute, l’avenir appartient à ceux qui mènent le travail de fond afin d’être prêt à formuler la vision du monde nécessaire quand il le faut, pas à des gens passant leur temps à « agir » on ne sait comment, on ne sait pourquoi, sans perspective prolongée ni critères évaluant leurs actes.

L’élection de François Mitterrand a donc été un fait marquant, mais sans mitterrandisme il n’en reste rien ; sans doctrine il n’y a rien.

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Politique

1er mai 2021: pour une Gauche de la culture face au nationalisme et au militarisme

Le capitalisme en crise produit le repli sur soi et une compétition internationale acharnée. L’alternative est démocratique et populaire, pour et par la culture.

Le premier mai est le jour international de la Cause, celle des ouvriers et de tous les travailleurs, celle du Socialisme. C’est le jour du drapeau rouge, qui symbolise la bataille pour une économie collective et planifiée, pour une société entièrement démocratique, pour les progrès de la civilisation.

Ces progrès de la civilisation peuvent-ils être dictés par Google, Amazon, TF1 et Bouygues ? Peuvent-ils consister en l’art contemporain, la consommation effrénée des réseaux sociaux, le carriérisme individuel, les fuites idéalistes telles les idéologies transgenre ou racialiste ?

Certainement pas. Les progrès de la civilisation ont comme substance l’évolution historique, le développement du patrimoine. C’est cela la culture classique que défend la Gauche, avec comme objectif civilisationnel de chercher à renouveler, à dépasser les classiques, toujours sur la base du réalisme, par l’ancrage dans le réel et la réalité populaire.

Qui ne saisit pas cet aspect culturel passe à côté de son époque, alors que la société de consommation permet aisément à n’importe qui de faire n’importe quoi en obtenant une « reconnaissance » sociale. Tout devient marchandise et le mois de mars a été riche en exemples : une « oeuvre numérique », « Everydays: The First 5000 Days », a été vendue 69,3 millions de dollar, alors que le premier tweet sur Twitter a été vendu 2,9 millions de dollars et que la paire de baskets Nike Air Yeezy 1 portée par le rappeur Kanye West qui en est à l’origine a été vendue 1,8 million de dollars.

L’image animée humoristique « Nyan Cat » a été vendu 737 000 dollars et le « meme » intitulé « Disaster girl » plus de 600 000 dollars en cryptomonnaie, cette autre tendance à la spéculation forcenée.

Tout cela est décadent, subjectiviste, anti-culturel. C’est le capitalisme qui se nourrit de lui-même Le capitalisme divise pour régner et il fait en sorte qu’il y ait toujours plus de divisions, pour disposer de davantage de marchandises, de davantage de consommateurs.

On ne peut pas être de gauche et accepter de participer à ce sinistre jeu consommateur. Il faut être à la hauteur moralement et culturellement, en particulier avec les animaux qui sont clairement les premières victimes d’une marchandisation d’absolument tout et même de la vie.

La crise sanitaire du au COVID-19 provient d’ailleurs directement d’une destruction de l’habitat naturel des animaux, de la vie sauvage en général. Cela avait été un thème émergeant de manière assez nette au départ de la crise… Avant d’être totalement passé sous silence du côté des médias, en raison de ce qui en découlait forcément : le besoin et la nécessité de transformer le monde.

L’avenir de la Gauche passe ainsi par la culture et la reconnaissance de la Nature, c’est-à-dire en fait dans le prolongement naturel du Socialisme en tant que bienveillance absolue. Mais pour cela, il faudra savoir affronter le nationalisme et le militarisme, c’est-à-dire le fascisme et la guerre, car le capitalisme compte se survivre à lui-même.

Il ne réussira pas, l’avenir est démocratique et populaire, un avenir porté par le drapeau rouge !

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Guerre

La Gauche va t-elle se recomposer dans l’opposition à la Guerre ?

Ces derniers temps sont marqués par de vives tensions militaires dans le monde, allant même jusqu’à des conflits ouverts. Porteuse de la tradition pacifiste et antimilitariste, la Gauche est pourtant incapable de produire une opposition organisée.

Depuis la fin du premier confinement, les accrochages militaires n’en finissent pas de secouer le monde. Avant même l’arrivée de la crise sanitaire, les conflits, ouverts ou larvés, étaient déjà bien réels, comme, entre autres pays, en Syrie, en Libye, au Mali, à la frontière entre l’Inde et la Chine, au Cachemire, etc.

Mais il est évident que la crise sanitaire fait passer un cap nouveau dans le renforcement des tendances à la Guerre, avec de manière principale la tension stratégique entre la Chine et les États-Unis formant l’arrière-plan indirect de chaque tension régionale. C’est le cas autant des tensions entre la France et la Turquie depuis l’été 2020, comme de la guerre au Haut-Karabagh à l’automne 2020, sans même parler des terribles tensions actuelles entre la Russie et l’Ukraine.

La situation évaluée au 6 avril en ce qui concerne les troupes russes aux frontières ukrainiennes

Et pourtant cette tendance à la guerre, ces déchaînements nationalistes chauvins ne provoquent aucune mobilisation de la part des forces de gauche, et même très peu de prises de position au regard des enjeux. Cela est le reflet d’une situation historique de paralysie populaire, de tétanie face aux enjeux politiques. Et cela est d’autant plus frappant lorsqu’on regarde les décennies 1990-2000… Sans même parler des années 1960-1970 avec sa vaste vague hippie pacifiste, puis l’opposition disparate mais armée dans les années 1980, contre l’OTAN.

Un exemple historique sur lequel on peut se fonder, c’est le déclenchement de la première guerre du golfe en 1991 et la vaste mobilisation anti-guerre qui en a découlé.

À la suite de la guerre avec l’Iran entre 1980 et 1988, l’Irak de Saddam Hussein envahit au début du mois d’août 1990 le Koweït, menaçant ensuite d’intervenir en Arabie-Saoudite. Cela produit une réaction immédiate des États-Unis, et par conséquent de l’OTAN.

En France, en septembre 1990, fut lancé « l’Appel des 75 contre la guerre du Golfe », avec la perspective d’une campagne de mobilisation. Celle-ci se réalisera avec près de sept manifestations ou rassemblements, parfois interdits. Le 20 octobre 1990 vit plusieurs milliers de personnes se mobiliser à travers les réseaux de la Gauche, contre les menaces d’interventions occidentales en Irak.

Manifestation interdite du 26 janvier 1991 à Paris

Le 7 décembre 1990, à Paris eut lieu un meeting international contre la guerre à l’initiative du Collectif de l’Appel contre la guerre du Golfe, unissant de nombreuses organisation de gauche, comme le PCF, les trotskistes du PCI et de la LCR, des Verts comme René Dumont, des libertaires et des maoïstes, etc. Dans le sillage de ces mobilisations a éclos toute une agitation culturelle, avec des brochures et des fanzines pacifistes, voire révolutionnaires.

L’apogée de la contestation fut la grande manifestation nationale du 12 janvier 1991, avec près de 500 000 personnes dans tout le pays pour dire « Non à la guerre », et pour les franges de l’extrême gauche « Guerre à la guerre ». Cela n’a pas empêché le déclenchement de l’opération « Tempête du Désert » le 17 janvier 1991, mais l’honneur de la Gauche était sauvée.

D’ailleurs, tout cette agitation a pu se maintenir alors que la chute de l’URSS relançait les guerres intestines dans les Balkans. Les attentats du 11 septembre 2001, et les menaces d’intervention en Afghanistan et en Irak, ont fait se continuer cette culture pacifiste. Ainsi, le 16 février 2003, ce sont 100 à 200 000 personnes qui manifestent contre l’intervention de l’OTAN en Irak, avec notamment un mot d’ordre resté populaire « Non à la Busherie ».

Alors où est passée tout cette culture anti-guerre, pacifiste en France alors que les tensions entre grandes puissances, et surtout entre les États-Unis et la Chine, semblent de plus en plus menacer le monde d’un conflit généralisé ?

Il n’a bien évidemment pas disparu dans le peuple, mais le basculement des restes de la Gauche historique dans le postmodernisme libéral-libertaire fait que ces problématiques ne font plus vraiment partie du paysage politique.

Rosa Luxembourg en 1915, qui a su s’opposer à la guerre grâce à son appartenance à la social-démocratie historique et sa conception du monde

D’où la nécessité de relancer la Gauche historique. Pour avoir une opposition anti-guerre constituée, organisée, il faut avoir conscience d’une leçon historique du mouvement ouvrier : le capitalisme comporte une tendance vers la guerre, et la crise économique en est l’accélérateur incompressible.

Mais quand ont été jetés aux oubliettes les principes de lutte des classes, de capitalisme, de crise, pour être remplacés par les principes d’individus, d’identité, de relativisme, d’anti-universalisme… alors, forcément, on ne peut pas comprendre la guerre pour le repartage du monde.

La ligne juste est ainsi de reconstruire la Gauche sur ses bases historiques pour porter les valeurs démocratiques et populaires pour faire face aux conséquences sociales, économiques et politiques de la crise… et s’opposer à la guerre. Chaque jour compte. Sans quoi on se retrouvera comme en 1914.

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Politique

Le congrès de Tours et l’importation du marxisme en France

Au-delà des questions de réforme et de révolution, le congrès de Tours c’est surtout le point de départ de l’introduction du marxisme en France.

Le marxisme, au début du XXe siècle, est considéré en France comme une philosophie allemande et si les socialistes français apprécient la critique économique du capitalisme, ils ne vont pas plus loin. Même après le congrès de Tours, les socialistes français devenus des communistes relevant de l’Internationale Communiste n’en ont pas grand chose à faire. Ils préfèrent Lénine en qui ils voient un type rentre-dedans et pragmatique, cherchant des moments décisifs.

Marx ? C’est bien, mais c’est surtout comme référence justifiant le socialisme. Lénine, c’est mieux, il y a un côté rentre-dedans, tout à fait conforme à un esprit socialiste français largement marqué par le syndicalisme révolutionnaire et ses actions coup de poing pour avancer vers la « grève générale ». D’ailleurs, Lénine était d’autant plus pratique que cela permettait aussi bien de se passer de Marx, avec l’idée que l’action remplaçait la théorie.

Le résultat ne se fit pas attendre, comme c’est bien connu : au congrès de Tours les socialistes sont pratiquement 180 000, en 1921 les communistes sont moins de 110 000, en 1923 ils ne sont plus que 55 000, et encore peut-on encore abaisser ces chiffres si l’on compte les gens réellement actifs. Et, surtout, les gens présents sont pratiquement tous nouveaux, tous jeunes.

L’Internationale Communiste a en effet fait comprendre aux socialistes français devenus communistes que désormais, il fallait passer au marxisme. Et il ne s’agissait pas d’un marxisme comme une inspiration, mais bien d’un dogme. On a coutume de dire que cela relève d’une « stalinisation » du marxisme, ce qui est une erreur grossière. Le marxisme était déjà un « dogme » dans la social-démocratie allemande, avec comme figure tutélaire Karl Kautsky. Ce dernier était considéré comme le successeur de Friedrich Engels, ce dernier étant considéré lui-même comme le successeur de Karl Marx.

Karl Kautsky

C’est si vrai que Lénine, pour se légitimer, dut écrire un ouvrage intitulé « La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky ». Lénine ne dit pas le réformiste Kautsky, il dit le renégat, car pour lui Karl Kautsky c’était très bien. D’ailleurs, lorsque Lénine explique dans « Que faire ? » le principe de ce qui sera appelé la conception léniniste de l’organisation, il s’appuie directement sur Karl Kautsky.

Le congrès de Tours marqua ainsi une orientation vers le marxisme d’une partie de la Gauche française, avec les communistes. Ce n’est toutefois pas le seul effet du congrès de Tours.

De la même manière, les socialistes restés dans la « vieille maison » comme le formula Léon Blum se tournèrent vers la social-démocratie autrichienne, qui était incroyablement massive dans la ville de Vienne formant son bastion. Son dirigeant, Otto Bauer, était ni plus ni moins qu’un avatar de Karl Kautsky. C’est à Vienne que siégea l’Union des partis socialistes pour l’action internationale, fondée en 1921 et qualifiée par les communistes d’Internationale deux et demie, avec les socialistes français, suisses et espagnols, les sociaux-démocrates allemands et autrichiens, les travaillistes indépendants britanniques.

Cela fit que les socialistes français passèrent également sous l’influence du marxisme. Inconnu au début du siècle, le marxisme devient au début des années 1930 une vraie question de fond en France et cela encore plus au début des années 1950. Dans les années 1960 commença toutefois l’émergence d’une « seconde gauche » cherchant à modifier, dépasser ou réfuter le marxisme, avec Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, etc. Ce fut la grande période des « intellectuels », qui dans les faits contrecarraient le marxisme depuis les universités et le Quartier latin parisien.

Cette tendance fut même présente dans le PCF. Le philosophe « officiel », Roger Garaudy, chercha à dépasser le marxisme, tout comme l’économiste « officiel » Paul Boccara remplaça la notion d’impérialisme par celle de capitalisme monopoliste d’État. D’autres cherchent à « moderniser » l’interprétation de l’État, comme Nicos Poulantzas, ou bien l’idéologie marxiste, comme Louis Althusser. Cela prit du temps mais cela donna un post-marxisme dont le PCF se veut aujourd’hui le représentant.

Cela fait que dans les années 1980, le marxisme est déjà délaissé ; à partir des années 1990, il est ouvertement rejeté à peu près partout à Gauche. C’est alors le renouveau des anarchistes et des syndicalistes. Avec en quelque sorte un retour à la case départ si l’on prend le congrès de Tours comme référence. L’alternative étant : soit ce fut un formidable détour et le PCF une aventure, populaire certes, mais une aventure, soit il faut recommencer le processus d’affirmation du marxisme en France, contre l’esprit syndicaliste « révolté ».

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Politique

Il y a cent ans au congrès de Tours naissait en France le Parti Communiste

En choisissant de demander à rejoindre l’Internationale Communiste, la majorité des socialistes français donnait naissance au Parti Communiste le 29 décembre 1920.

Au cinquième jour du congrès de Tours, il y a cent ans, se tenait le vote des socialistes français, autour d’une question essentielle à leurs yeux : fallait-il suivre l’appel de Lénine à mener une grande cassure dans les rangs des socialistes français ?

C’était un drame pour beaucoup, car la tradition socialiste française, c’était celle de la « synthèse » entre différentes tendances, allant des tenants de l’alliance avec les bourgeois éclairés aux partisans d’un anarchisme complet. Et au début de l’année 1920, les socialistes français avaient déjà refusé d’aborder en tant que tel la question. Cela les dérangeait, ils avaient toujours pensé être plus efficaces, plus honnêtes, en acceptant tout le monde.

Impossible pourtant à la fin de l’année 1920 de continuer à faire comme si la Russie soviétique n’existait pas, alors que toute l’Europe centrale a déjà connu l’ouragan révolutionnaire, que le capitalisme est instable dans toute une série de pays européens, que la pression continue de monter en France. Alors le soir du 29 décembre, le vote des délégués est très clair, les 3/4 votant pour l’adhésion du Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière à l’Internationale Communiste.

C’était un choix romantique. Des socialistes prônant l’adhésion à l’Internationale Communiste, il ne restera très vite pratiquement personne. Ils partiront ou seront éjectés dans les quelques années suivantes. Ce sont des jeunes qui vont faire vivre ce qui est désormais un « Parti Communiste », aligné sur les choix réalisés par l’Internationale Communiste. Ce sont des jeunes ouvriers du Nord, comme Maurice Thorez, né en 1900. Il deviendra ensuite le dirigeant du Parti Communiste, à l’âge de trente ans.

Ce sont surtout des jeunes ouvriers parisiens qui feront le coup de poing avec l’extrême-Droite dans les années 1930, provoquant la rébellion antifasciste de 1934 qui donne naissance au Front populaire. Au milieu des années 1930, la région parisienne forme la moitié du contingent du Parti Communiste.

Cette question du romantisme est très importante, car le Parti Communiste est en France avant tout une passion, et une passion localisée. Elle n’a pas touché tout le pays, elle n’a pas réussi à s’ancrer dans l’Histoire française. Il y a des lieux où le Parti Communiste a été un formidable lieu de socialisation. Mais il a été comme parallèle à la société française, qui a continué son chemin sans lui.

Contrairement à d’autres pays où le niveau culturel était élevé, avec ainsi une culture façonnant la société au moins en partie, les communistes ont en France toujours considéré que le communisme c’était avant tout un élan, le Parti Communiste une sorte de syndicat, mais politique. Et cette conception doit beaucoup au congrès de Tours de décembre 1920.

Le congrès de Tours de 1920 est donc un événement marquant, mais s’il fut sincère, il reflète une problématique de fond qui est la difficulté de la Gauche en France à dépasser une conception minoritaire et syndicaliste/électoraliste de l’action politique. Encore faut-il d’ailleurs souligner qu’il ne s’agit pas tant de politique que de culture. La Gauche française aime à se précipiter, à être dans le feu de l’action, et pour cette raison le monde entier la regarde souvent. Mais hors ces actions, il y a une incapacité à prolonger le tir, à ancrer une culture, à établir des perspectives.

Tout le mal de la Gauche française se lit bien dans le congrès de Tours de 1920, avec son élan sincère mais volontariste.

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Politique

La vision du monde du PCF pour son centenaire: les sympathisants

Le Parti Communiste Français, ce n’est pas que des cadres et des adhérents, c’est aussi une hypothèse : celle « du Parti ».

Il y a les cadres du PCF, avec leur hypothèse d’une démocratie avancée utilisant l’État pour contrer le capitalisme ; il y a la base du PCF, issue d’une socialisation de masses par la contre-société liée au PCF et ses organismes de masses. Mais il y a également les sympathisants, qui forment au sens strict ce qui fait vivre le PCF.

Il y a en effet en France des gens dont les yeux s’illuminent quand on parle « du Parti ». Cela ne veut pas dire que pour eux le PCF soit « le Parti », mais ils vivent pour autant dans cette culture. Ils diffusent une culture « Parti » qui joue un rôle essentiel dans l’existence du PCF.

C’est très paradoxal, car le PCF ne se veut pas du tout « Le Parti » et ce depuis longtemps. Et les gens qui ont cette culture « Parti » sont parfois à l’extérieur du PCF, voire totalement contre lui. Mais le PCF est irradié par cette culture voulant que l’absence « du Parti » est considéré comme impossible. Ayant encore un poids suffisant en termes de membres et d’élus, le PCF surnage en tant que l’hypothèse « Parti », même bancale. S’il disparaissait, un autre « Parti » réapparaîtrait, tellement ce besoin est porté par beaucoup de gens.

Une affiche du Parti Communiste Français de 1958

Il faut bien faire attention à ne pas confondre ceux qui veulent « le Parti » et ceux qui disent qu’ils veulent le construire. Ce n’est pas du tout pareil. La tradition « communiste révolutionnaire » dit qu’elle veut fonder « le Parti » mais elle considère que ce sera un aboutissement. On est là historiquement dans l’approche trotskiste (Lutte Ouvrière, des courants du Nouveau Parti Anticapitaliste, etc.) et assimilé (Voie Prolétarienne, UPML, UC Lyon, etc.).

Cette tradition repousse ce qui fait justement « Le Parti »: une idéologie bien déterminée, une lecture immédiate en termes de pouvoir, d’appareil d’État, bref une ambition politique extrêmement poussée. Elle parle du Parti comme produit de luttes futures, d’assemblages de gens en résistance, etc. Ce n’est pas du tout la tradition « du Parti » qui implique l’ambition de présenter une direction politique, dans le sens d’une révolution.

Le PCF n’a plus cette ambition, mais il n’a pas changé de nom et il profite de cette aura. Les sympathisants du PCF l’entrevoient de cette manière et le valorisent pour cette raison. Le PCF, c’est l’hypothèse historique du Parti, un espoir, une attente. Il y a d’ailleurs beaucoup de concurrence sur ce plan. Si on part d’un point de vue historique, il y a deux tendances oppositionnelles générales, se subdivisant elles-mêmes.

Le canal habituel : PRCF et PCRF

On parle ici de gens directement issus du PCF, où ils forment une tendance oppositionnelle organisée en 1991 avec la Coordination communiste. En 2000, la majorité décide de vivre sa vie de manière indépendante, ce qui donne l’Union des Révolutionnaires-Communistes de France devenant le Parti Communiste Révolutionnaire de France. La minorité décide de garder un pied dans le PCF, un pied dehors, pour ne pas se marginaliser, ce qui donne le Pôle de renaissance communiste en France.

Le canal historique : PCOF et PCF(mlm)

On parle ici de gens qui sont totalement coupés du PCF et de ce qui s’associe à lui depuis les années 1960. Le PCF est considéré comme ayant perdu sa nature dans les années 1950, en s’alignant sur les positions soviétiques « révisionnistes ». Il s’agit ainsi de relever le drapeau en réaffirmant l’hypothèse communiste, quitte à être très minoritaire : il en va du flambeau, de la possibilité d’une affirmation communiste. D’où le terme de Parti du côté du Parti Communiste des Ouvriers de France et du Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste).

Pour faire court, le PRCF a la nostalgie du PCF des années 1980, il est très marqué par un côté patriotique. Le PCRF regrette celui des années 1960, avec le romantisme cubain notamment. Le PCOF, lié à la tradition dite « pro-albanaise » (avec Enver Hodja), se tourne en quelque sorte vers celui des années 1940, avec des résistances populaires de masse à développer. Le PCF(mlm), lié à la tradition « pro-chinoise » (avec Mao Zedong) veut un Parti Communiste assumant la révolution culturelle, raisonnant en termes de vision du monde.

Le siège du PCF à Paris, en 1953

Le PCF, pour son centenaire, est ainsi difficile à appréhender. Il y a celui des cadres, celui de la base, celui des sympathisants de l’hypothèse « du Parti ». Lequel est dans le vrai ? On va rapidement le savoir, dans un tel contexte de crise, tellement les différences sont marquées.

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Politique

La vision du monde du PCF pour son centenaire: la base

La base du PCF vit séparée de ce qui se passe au niveau de la direction ; elle est nostalgique d’une socialisation de masses.

Il existe un grand décalage entre la base du PCF et les cadres. Ces derniers ont un véritable bagage idéologique, une vison du monde bien déterminée, se fondant sur une accumulation commencée dans les années 1960. La base ne comprend rien à tout cela et ne s’y intéresse pas.

La base du PCF, ce sont les restes d’une immense socialisation de masse, car en plus du PCF, il y avait toutes les structures liées à la vie quotidienne. Cellules d’entreprises, Confédération nationale des locataires, Union des femmes françaises, Mouvement de la paix, Fédération sportive et gymnique du travail, Union des étudiants communistes, UNEF, Secours populaire français, vente de l’Huma dimanche, Fête de l’Humanité, les municipalités, les comités d’entreprise, etc.

Pour des centaines de milliers de gens, le PCF a été le moyen de rencontrer son conjoint, ses amis, de partir en vacances, de se cultiver.

Pour les cadres, le PCF du passé mène jusqu’à eux, c’est-à-dire des intellectuels proposant une voie démocratique pour avancer au communisme ; pour la base, le PCF c’est un passé glorieux d’une socialisation de masses.

Cela n’a rien à voir. Par conséquent les cadres n’essaient pas de former la base, seulement de la conserver. Voici un excellent exemple avec les propos de Fabien Roussel, l’actuel dirigeant du PCF. Ses propos sont outrancièrement populistes, avec même une faute au mot « rênes » ; on est à mille lieux de la prose savamment construite et élaborée dans les publications pour les cadres.

On a ici quelque chose d’assez exemplaire d’une cassure entre les cadres et la base qui, si on y regarde bien, contient à l’arrière-plan une problématique tout à fait particulière. Lorsque se fondent les partis communistes dans les années 1920, l’Internationale Communiste avec Lénine leur dit : vous devez être composés de cadres efficaces, vous devez être un parti de masses. Mais comment être à la fois l’un et l’autre ? C’était un véritable casse-tête.

Pour le PCF, c’était encore plus vrai, car il y a eu trois moments le transformant totalement sur le plan numérique. Le premier, ce fut le mouvement antifasciste de février 1934 conduisant au Front populaire. Le PCF passa alors en quelques années d’un peu plus de 30 000 membres à plus de 230 000 !

En 1939 le PCF est interdit, il est littéralement broyé par la répression, il se reconstruit sur le tas pendant la Résistance et en 1946 il resurgit tel le phénix avec 800 000 membres ! Retombé ensuite à 250 000 membres, il profite paradoxalement de mai 1968 auquel il s’est opposé, pour atteindre 500 000 membres en 1977 !

On se doute que de telles transformations numériques exigeaient un énorme travail de formation, que le PCF n’a pas mené et il s’est produit une cassure entre les intellectuels et les manuels pour ainsi dire. Les uns pensaient, les autres faisaient. Et en décembre 2020, du côté de la base du PCF, cela donne donc ça : du kitsch culturellement rétrograde, dans un esprit nostalgique…

Rappelons… qu’on est ici dans le Pas-de-Calais, où l’alcool tue deux fois plus que la moyenne nationale ! Qu’historiquement le mouvement ouvrier met de côté l’alcool. Que dans les Hauts-de-France la jeunesse boit plus d’alcool qu’au niveau national. Bref c’est vraiment la faillite à tous les niveaux.

Mais c’est que la base du PCF n’est pas politique, elle est nostalgique d’une socialisation. C’est d’ailleurs le sens de la Fête de l’Huma, où on se retrouve entre « camarades » pour se goinfrer et picoler. La base du PCF est de culture syndicale, elle hyper-réactionnaire culturellement. Le PCF a été un bastion pro-chasseurs pour bloquer la tentative d’un référendum sur les animaux en septembre-octobre 2020. Cet exemple parisien en dira long aussi :

Le PCF en décembre 2020 fait ainsi face à un problème majeur. La cassure entre les cadres et la base est complète. Il n’y a rien à voir entre un Ian Brossat, élu parisien au style bourgeois assumé, et un adhérent de base basculé dans la beauferie mais s’arc-aboutant sur une socialisation passée glorieuse. Les tensions ne peuvent que devenir explosives et c’est pour cela que Fabien Roussel promet une candidature PCF pour 2022 : afin de neutraliser la base. S’il y parvient ou pas, cela va dépendre des sympathisants du PCF, qui vont faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

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Politique

La vision du monde du PCF pour son centenaire: les cadres

Le PCF a plusieurs visages et ici est présentée la vision du monde de ses cadres.

Il existe trois PCF aujourd’hui, dont les contours sont très délimités. Le premier PCF, c’est celui des cadres et de la direction. Ils ont une véritable vie intellectuelle, une véritable identité culturelle, avec souvent une trajectoire familiale. Ils ont leur manière bien à eux de voir les choses. Le second PCF consiste en la base, qui a une lecture romantique des choses ; le troisième tient en les sympathisants et tout ce qui s’y rattache, avec bien entendu la fête annuelle de l’Humanité comme cadre unitaire.

Voici un exemple du point de vue des cadres, qui surprendra sans doute beaucoup de monde, puisqu’il y a une dénonciation ouverte du capitalisme. Quand on pense au PCF, bien souvent, on a en tête une logique gouvernementale de conquêtes des droits sociaux, on pense aux élus, on le voit comme une sorte d’aile gauche du Parti socialiste et d’ailleurs il y a depuis plusieurs années le serpent de mer du congrès de Tours « à l’envers ».

C’est bien plus compliqué que cela comme le montre « Agir », une tentative récente d’inscrire les communistes dans une perspective par rapport aux entreprises. On y voit en effet qu’il est parlé d’affrontement de classe, de remise en cause du capitalisme et de son dépassement, tout un discours que le PCF n’a absolument nulle part… à part de manière interne.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le PCF est depuis les années 1960 – voire avant mais cela se discute davantage – le représentant politique de la CGT. C’est pour cela que dans la première page on lit des propos comme quoi il faut investir l’État et les entreprises, comme quoi la crise serait déjà là depuis plusieurs années. Il y a à l’arrière-plan la même conception que depuis les années 1960 comme quoi il serait possible de conquérir l’État pour permettre une démocratisation des entreprises en procédant à l’autogestion. Ayant cette perspective depuis plus de 50 ans, le PCF n’a donc pas été touché par l’effondrement du bloc de l’Est, parce qu’intellectuellement et culturellement, son centre de gravité c’est la CGT.

Deux revues expriment cette vision du monde et permettent de former des cadres. Il y a d’un côté Cause commune, qui aborde les questions politiques et sociales, il y a de l’autre Économie et politique, qui s’occupe comme son nom l’indique de l’économie, de l’économie politique. Dans les deux cas on est dans le monde universitaire, avec des intellectuels très propres sur eux (pour ne pas dire lisses), d’esprit post-marxiste et considérant que le communisme est une utopie qui vient s’installer d’elle-même si on s’y prend bien.

Ce premier PCF, on s’en doute, vit en vase clos. Il ne s’appuie pas politiquement sur le PCF du passé, qui tient pour lui seulement à des références à utiliser pour exister auprès de la base ; lui-même se considère comme un PCF prolongé, concrétisant le choix fait des les années 1960 de partir à la conquête de l’État, pour maîtriser l’économie et réaliser ainsi une « démocratie avancée ». Pour ce premier PCF, d’ailleurs, tout le passé n’aura eu qu’un seul sens : aboutir au PCF d’aujourd’hui. Ce premier PCF est pour cette raison extrêmement optimiste.

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Le monde court à sa perte, mais la petite-bourgeoisie «de gauche» manifeste contre la police

La Gauche va mal, très mal en France. Et quand on voit que pour une grande partie d’entre elle, l’actualité est de s’imaginer que le pays serait en passe de devenir une dictature avec la police s’arrogeant le droit de tabasser en toute impunité, on comprend tout à fait que les classes populaires ne veuillent pas entendre parler d’elle… L’agitation hystérique autour de l’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, avec des manifestations dans plusieurs grandes villes samedi 21 novembre, en dit long sur le décalage terrible entre la Gauche et la société française.

La France, comme tous les grands pays capitalistes, connaît une désagrégation majeure de son tissu social. La société craque de partout avec une violence de plus en plus prégnante, notamment à l’égard des femmes, et ce jusque dans les moindres interstices de la vie quotidienne. La police est clairement en première ligne face à cette décomposition, mais avec des moyens très faibles et une hiérarchie de plus en plus déconnectée de sa base. Une base qui s’est largement prolétarisée, en perdant au fil des années ses traditions autoritaires-paysannes faisant du policier un sympathisant naturel de l’extrême-Droite.

La colère est d’ailleurs, dans un tel contexte, très grande dans les rangs de la police, avec des fonctionnaires ayant de plus en plus le sentiment de ne pas pouvoir assurer leur mission de protection de la population, tout en étant en même temps jetés en pâture face à des délinquants dont l’arrogance n’a d’égale que l’impunité dont ils bénéficient.

Alors, quand en plus de cela les policiers se sentent menacer dans leur vie privée… forcément qu’ils ne sont pas contents. Rien de plus naturel. La réalité est qu’en France, l’État n’est même pas en mesure de garantir la sécurité de sa propre police. Les policiers prennent de plus en plus l’habitude de cacher leur profession, notamment avec leurs enfants pour qui il devient préférable de ne pas dire qu’ils sont fils ou filles de policier.

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin n’entend aucunement changer les choses dans un sens démocratique, en mettant le Droit au cœur de la société. En bon populiste, il prétend avec une petite mesure qu’il va pouvoir contourner les problèmes et garantir la sécurité des policiers. C’est le sens du fameux article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, voté en première lecture par l’Assemblée nationale vendredi 20 novembre 2020.

Voici ce qu’il dit :

« Article 24

I. – Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :

« Art.35 quinquies. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »

II. – L’article 35 quinquies de la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication, aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale. »

Cela ne rime pas à grand-chose et n’importe qui n’étant pas de mauvaise foi se dira que si l’État en est à devoir faire une telle loi pour empêcher que les policiers ne soient menacés individuellement, c’est qu’il ne tient vraiment plus grande chose…

Mais tel n’est pas le raisonnement de la petite-bourgeoisie hystérique, prétendument « de gauche », qui voit tout l’inverse et a manifesté dans les grandes villes samedi 21 novembre pour crier au loup totalitaire, parlant de menace sur les « libertés », de « droit à l’information », voire même de fascisme pour certains.

On a ici un cinéma strictement parallèle à l’excitation petite-bourgeoise face aux mesures collectives exigées par la situation sanitaire. Aux États-Unis, la petite-bourgeoisie crie au communisme, ici elle crie au fascisme, mais cela revient au même, car le mot fascisme est employé de manière démagogique : c’est l’idéologie individualiste, anti-collectivisme, qui s’exprime.

On peut également noter que tout cette agitation est portée à l’origine par quelques journalistes pour qui le summum est de filmer les fins de manifestations, les arrestations, et plus généralement toutes les interventions des forces de l’ordre. Il y a ici tout un petit milieu très marqué par l’ultra-gauche, par l’anti-étatisme primaire, par la conception de la minorité (intellectuelle) agissante, etc.

Tout cela n’intéresse bien entendu personne en réalité, car les gens des classes populaires en France n’en ont strictement rien à faire des gilets jaunes et autres « black block » se faisant arrêter ou matraquer parce qu’ils ont trouvé amusant de jeter des pavés, des cocktails molotov ou du matériel de chantier sur des forces de l’ordre. Tout cela n’a tellement rien à voir avec la vie quotidienne des gens ou même l’idée de révolution, que c’en est anecdotique.

Sans parler de ce constat qu’on doit faire : on a de tels manifestations… en plein confinement sanitaire ! C’est totalement délirant, et ce ne peut être que l’œuvre d’une « Gauche » profondément déconnectée des réalités de la société française et des priorités du moment.

Le monde connaît une crise sanitaire majeure, qui est l’expression d’une catastrophe écologique considérable et il y a à l’arrière plan de cela une crise économique monstrueuse qui se profile, sur fond de délitement moral et culturel de la société. Ce à quoi à il faut ajouter des tensions guerrières qui sont de plus en plus prégnantes dans le monde, notamment de la part de la France qui participe activement à la course au militarisme.

II se trouve cependant des gens qui, pour détourner l’attention de la crise, prétendent que l’important aujourd’hui est de pouvoir filmer les policiers en manifestation ! C’est inacceptable et il saute aux yeux que c’est une caricature. Il faut vite renverser la table et en revenir à la Gauche historique, celle du mouvement conscient et organisé de la classe ouvrière menant la lutte des classes. L’époque exige des gens sérieux et il en est assez de l’hégémonie de la petite-bourgeoisie et des conceptions anarchistes sur la Gauche !

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La lutte des classes: une question ou une réponse?

La France est à un tournant historique. Soit elle décide de perdre son temps avec des écologistes de la dernière heure utilisant le mot « extinction » à tort et à travers, avec des anti-racistes qui ne sont que des racistes inversés, avec des syndicalistes masquant leurs privilèges derrière le bien commun… soit elle passe aux choses sérieuses et bascule dans la lutte des classes.

Cela implique naturellement de rompre avec toute une manière de vivre. Les Français en sont conscients et c’est pour cela qu’ils ne bougent pas. Ils sont pétrifiés. Ils ont pris l’habitude de poser la question de la lutte, même de la lutte des classes. Ils sont contestataires, ils savent protester. Seulement ils ont pris l’habitude de ne surtout pas faire de la lutte des classes une réponse.

Il suffit de regarder l’absence du mot bourgeoisie. Ce terme a disparu. Les gilets jaunes, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État. Les syndicalistes, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État. Les antiracistes version Comité justice pour Adama, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État.

Tout cela est tout à fait exemplaire. Dénoncer les travers du capitalisme, cela passe encore. Nommer la bourgeoisie, cela, par contre, c’est impossible. Quant à toucher la notion de propriété, c’est pareillement inenvisageable. Ce qu’on touche du doigt ici, c’est la fascination française pour la petite propriété. La France est un pays de gens rêvant d’être des petits propriétaires disposant d’une large autonomie. Même les ouvriers ont été contaminés par cette approche… Surtout les ouvriers, même, de par la corruption d’un capitalisme triomphant profitant d’un tiers-monde agonisant.

Alors, bien sûr, on peut faire semblant et faire en sorte qu’il y ait un peu de casse dans une manifestation, quelques slogans anticapitalistes par-ci, quelques dénonciations des riches par-là. Cela n’en reste pas moins une comédie. Et le Covid-19, de par son ampleur sociale et sanitaire, économique et culturelle, politique et juridique, met fin à cette comédie.

Et c’est là que la France ne sait pas quoi faire. Elle a pris l’habitude de déléguer, de ne pas bouger, de ne pas prendre de responsabilités. Elle ne veut surtout pas prendre de responsabilités. Elle n’est même pas prête à prendre la responsabilité de se déresponsabiliser en confiant la responsabilité à l’extrême-Droite ou l’armée. La France n’est prête à rien.

C’est naturellement dramatique. C’est en même temps une rupture fondamentale avec toute une hypocrisie et enfin le moment où, de manière inévitable, l’Histoire reprend ses droits. Nous quittons l’époque de l’éphémère et de l’apparence, pour passer dans celle où tout devient dur, concret, solide. Et le solide, cela fait mal.

La France va avoir très mal. Décrocher d’une anesthésie générale de plusieurs décennies, cela va lui être douloureux. Les choses vont être tourmentées. Mais il y a un espoir : comme la France a l’habitude de poser la question sociale, la question de la lutte, de la lutte des classes, on est en droit de s’attendre à une réponse adéquate, enfin.

Il y a de puissants leviers historiques pour aller dans le bon sens. La Gauche historique a un patrimoine immense : si elle est en mesure de le réactiver, elle peut mettre en branle des millions de personnes, passer de rien à tout, par la lutte des classes. C’est le défi historique du moment, alors que la crise se développe toujours plus à tous les niveaux et que l’impact économique commence à être dévastateur. Il faut toute une génération à la hauteur.

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Premier mai: vive la Gauche historique!

En s’abattant sur le monde, le covid-19 a été une maladie qui a bousculé à peu près toute la vie quotidienne telle qu’on la connaissait. On peut même dire que l’humanité est profondément ébranlée dans ses certitudes. Quant au capitalisme n’en parlons pas, la machine est grippée. À quel prix va-t-elle redémarrer ? Et peut-elle redémarrer ? On va vers des temps troublés et seule la Gauche historique peut être à la hauteur… à moins de capituler et de considérer la guerre pour le repartage du monde comme seule issue.

Quand un pays est en crise, il n’y a pas 36 solutions. Soit on change tout, soit on ne change rien. Plus la crise est forte, plus l’exigence d’aller dans un sens ou l’autre est forte. Or, si les Français ne veulent pas vraiment y croire, toutes les personnes réalistes savent que la crise va provoquer une grande déchirure dans la société française.

L’idéal on ne peut plus français de la demi-mesure dont Emmanuel Macron est le représentant n’a donc plus guère d’espace. Or, on sait déjà que l’extrême-Droite était en embuscade. Tout risque d’aller donc encore plus vite… Que l’Allemagne encaisse le choc et ne voit pas arriver à court terme un Trump, un Poutine, un Erdogan, un Bolsonaro, un Boris Johnson, un Duterte, cela se conçoit.

Mais la France, elle, peut très bien basculer et on a déjà vu avec les gilets jaunes, ou depuis quelques semaines avec le professeur Raoult, comment le populisme est terriblement virulent. Comme de plus les syndicalistes récusent la politique, que l’armée a toujours plus d’ambitions, que les grandes entreprises ont des objectifs énormes aussi, que la situation mondiale se tend… on peut imaginer le pire.

En fait, on est revenu aux années 1930. On avait un pied dedans, là on y est entièrement. Le jour d’après des populistes, cela sera bien plutôt un jour d’avant. On prend un militaire de très haut rang, il se présente comme au-dessus des partis, ni de droite ni de gauche, tout comme le fait la revue que lance en juin Michel Onfray, « Front populaire ».

Il prétend ne faire que rétablir la sérénité et l’ordre, pour que les choses avancent. Tout est présenté comme nécessaire, allant de soi. Les Français en ont l’habitude, avec Napoléon Ier, Napoléon III, Pétain en 1940, De Gaulle en 1958. Les coups d’État sont toujours passés comme une lettre à la poste.

Seule la Gauche historique peut former un contre-courant, parce que seule la Gauche historique ne fait pas confiance au régime en place. La gauche gouvernementale a accepté la Ve République, qu’elle considérait pourtant auparavant comme un régime d’autoritaire né d’un coup d’État : elle a trahi. Et on paie cher le prix de cette trahison.

Naturellement, le souci est que la gauche non gouvernementale est souvent velléitaire, symbolique, d’autant plus radicale qu’elle sait très bien qu’elle n’aura jamais à prendre aucune responsabilité. Philippe Poutou et Olivier Besancenot ont une image sympathique, surtout le premier. Mais personne ne les voit en ministre.

Il faut ainsi une Gauche historique qui soit à la hauteur du défi. C’est la seule solution. Croire qu’une alternative à la tendance au régime autoritaire, militariste… au fascisme, à la guerre, soit possible en évitant le mot « bourgeoisie », c’est se tromper et tromper les gens.

C’est pourquoi le premier mai, journée du mouvement ouvrier, il faut dire : vive la Gauche historique, qui elle seule représente l’avenir dans une perspective positive !

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Assemblée générale et non intersyndicale ou gilets jaunes

Dans une intersyndicale, les travailleurs n’ont pas la parole ; chez les gilets jaunes, ils sont subordonnés aux revendications délirantes des couches moyennes. Il n’y a que dans les assemblées générales que la démocratie est à l’œuvre et permet d’avancer.

Beaucoup de gens de la Gauche ont compris qu’il y avait un souci profond dans la mobilisation du 5 décembre 2019. Les directions syndicales cherchent en effet déjà à se placer pour des négociations avec le gouvernement, ce dernier abattant ses cartes très lentement pour le projet de réforme des retraites, afin d’imposer son propre calendrier.

Il y a tous les ingrédients pour un enlisement et l’espoir d’un mouvement populaire côtoie le scepticisme. Les assemblées générales forment alors un thème qui refait surface, de manière normale puisque c’est un principe d’organisation populaire par définition.

Il est toutefois un problème très simple à comprendre : on trouve des gens de gauche disant oui aux gilets jaunes, oui aux syndicats, oui aux assemblées générales. Or, cela n’a aucun sens. Ces formes d’organisation ne sont pas que différentes, elles sont même résolument antagoniques, car elles affirment des lieux différents pour l’expression.

Le syndicat dit que ce sont les syndiqués qui décident, ce qui signifie bien souvent : la direction syndicale. Les gilets jaunes disent que ce sont les gens impliqués qui décident, ce qui est un volontarisme plus proche du Fascisme italien que d’autre chose.

L’assemblée générale dit que tout le monde s’exprime, que les décisions sont prises de manière démocratique par elle, que tout dépend d’elle. L’assemblée générale n’est pas composée que des gens le plus volontaires (comme chez les gilets jaunes ou les pseudos assemblées générales étudiantes). Elle est composée de tous.

> Lire également : Grève: qu’est-ce qu’une assemblée générale ? Qu’est-ce qu’un «soviet» ?

Il ne s’agit pas d’une unification des syndiqués, comme dans l’intersyndicale, il s’agit de l’affirmation d’une unité de tous les travailleurs, à la base même. L’assemblée générale, ce n’est pas une « mobilisation » d’une partie des travailleurs, c’est le lieu d’existence sociale et donc politique de tous les travailleurs.

C’est pour cela que seule la Gauche politique peut appeler à l’assemblée générale. La nature d’agora ou de forum (ou de soviet) de l’assemblée générale témoigne de sa nature démocratique et seule la Gauche politique peut affirmer cette démocratie.

C’est d’autant plus vrai en France où le syndicalisme est toujours resté un odieux volontarisme dans la perspective du syndicalisme révolutionnaire. Cela est tellement vrai qu’aujourd’hui anarchistes et CGT convergent ensemble, depuis plusieurs années déjà.

Si l’on valorise les syndicats ou les gilets jaunes, on est dans le volontarisme, dans le substitutisme. On ne peut pas dire qu’il faut forcer le cours des choses et vouloir la démocratie à la base. Si l’on prend l’exemple italien, on ne peut d’ailleurs que craindre les effets d’une valorisation du volontarisme dans un esprit syndical ou à la mode des gilets jaunes… Le Fascisme en tant qu’idéologie ne peut ici connaître qu’un profond regain.

La Gauche politique doit d’autant plus soutenir la démocratie à la base. Seules des assemblées générales peuvent par ailleurs sauver le principe même de démocratie, à une époque de consommation de masse supervisée par un capitalisme envahissant tous les aspects de la vie.

Même le régime républicain en place, déjà très peu démocratique avec sa démarche présidentielle, avec les préfets… parvient de moins en moins à donner l’illusion d’impliquer les gens dans les choix. Avec l’individualisme triomphant, on court donc à la catastrophe.

Il faut un formidable élan démocratique de la part du peuple. Sans cela, ce sera la mise en place d’un régime autoritaire « réglant les problèmes » par en haut, dans le sens du militarisme et de la guerre afin de satisfaire les besoins de conquête du capitalisme.

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Grève: qu’est-ce qu’une assemblée générale ? Qu’est-ce qu’un «soviet» ?

La pratique de l’assemblée générale n’a jamais réellement pris en France : soit parce qu’elle est étouffée par les syndicats, soit parce qu’on la confond avec une sorte de meeting activiste. Dans les universités, la caricature est extrême, avec les présents qui se réduisent à une simple petite minorité se voulant agissante. Une assemblée générale est en réalité une structure qui englobe l’ensemble des travailleurs, existe de manière organisée et prolongée.

La pire erreur, c’est de considérer qu’une assemblée générale ne concerne que les grévistes ou les partisans de la grève. C’est là une erreur complète nuisant fondamentalement à l’unité des travailleurs. L’assemblée générale est un lieu démocratique rassemblant tous les travailleurs. Bien sûr tous ne veulent pas forcément y venir, par dédain, esprit de défaite ou opposition à la grève. Or dans tous les cas il faut chercher à les convaincre de venir, d’exposer leurs points de vue.

Une assemblée générale dans une entreprise, à l’occasion d’une grève, est en effet un lieu démocratique pour les travailleurs et par conséquent en soi un lieu de rupture avec l’idéologie dominante. C’est un saut dans l’organisation et c’est précisément la base nécessaire à quoi qu’il se passe.

Une grève qui n’est portée que par une minorité agissant est une grève qui échoue ; lorsqu’elle n’est portée que par les syndicats, elle s’enlise dans des tractations qui peuvent apporter quelque chose, mais produisent dans tous les cas à la base la passivité, l’absence d’organisation, une non-dénonciation du niveau de conscience.

L’assemblée générale impulse par contre la conscience, l’organisation, l’action, parce que dans tous les cas elle implique les travailleurs. En ce sens, même une assemblée générale décidant de ne pas faire grève est une réussite par rapport à l’absence d’assemblée générale. Elle aura au moins été un lieu de décision, donc une expérience favorable.

Et plus l’assemblée générale est capable de se structurer, plus elle reflète la prise de conscience des travailleurs, et inversement.

Quels sont les besoins d’une assemblée générale en termes d’organisation ?

D’un bureau s’occupant de noter les présents et les absents, de prévoir l’intendance telles les boissons non alcoolisés, le papier et les crayons ou l’ordinateur portable pour noter les points, pour compter les votes, etc.

D’un secrétaire de l’assemblée pour gérer les discussions en accordant la parole.

D’un secrétaire pour noter les points abordés et les résumer.

Ceci n’est qu’un minimum, puisque selon le nombre de travailleurs, l’ampleur de la grève, ses objectifs, d’autres besoins surgissent, auxquels il doit être répondu de manière démocratique et collective. Quelqu’un qui agit pour les autres ici ne les sert pas : il les dessert, en les maintenant dans la passivité. La moindre expérience pratique dans une grève a des conséquences fondamentales pour quiconque y participe : à chacun de faire son expérience.

Et, donc, l’assemblée générale continue. C’est elle qui mène les négociations, pas les syndicats. C’est elle qui choisit qui va négocier, avec un mandat bien déterminé. C’est l’assemblée qui décide d’accepter ou pas ce que les responsables de l’entreprise proposent.

Toutes les actions sont décidées par l’assemblée, rien n’est décidé dans l’assemblée.

L’assemblée ne doit jamais être le rassemblement d’une simple petite minorité – comme les étudiants le font jusqu’à la caricature – ni le lieu où une petite minorité agit avec une majorité qui suit passivement.

L’assemblée est ainsi générale car elle est démocratique et engage tout le monde. Si jamais l’assemblée cesse la grève, seule une minorité aura bien entendu assez de conscience pour en tracer le bilan, pour en conserver la mémoire, pour travailler dessus. Il s’agira là des éléments les plus conscients, qui le plus souvent seront politisés à Gauche. Inversement d’ailleurs, ces éléments n’existent pas dans la classe ouvrière s’il n’y a pas d’expérience de masse à la base… d’où leur nombre si restreint voire inexistant actuellement.

D’aucuns diront que l’assemblée générale, se prolongeant, doit se prolonger jusqu’au bout, jusqu’à former le fameux « soviet », le conseil décidant que le pouvoir revenait à tous les conseils partout. Cette hypothèse n’est pour l’instant simplement qu’une hypothèse, car il n’existe pour l’instant même pas de démocratie chez les travailleurs, qui sont isolés, passifs, sceptiques, quand ils ne sont pas corrompus par le capitalisme.

C’est pour cela que tout dépend de l’existence des assemblées générales, de leur organisation, de leur prolongement concret jusqu’à assumer la direction des luttes. Sans ces assemblées générales, il y a un « mouvement social » – pas une lutte des classes.

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Réflexions Vie quotidienne

La fidélité, une valeur prolétarienne

En tant que classe sociale, le prolétariat est le vecteur d’une morale, de valeurs qui sont liées au quotidien mais aussi à toute une transmission collective, allant de la famille jusqu’aux luttes sociales en passant par les relations amicales et amoureuses. Au cœur de la transmission prolétarienne, il y a valeur cardinale qui est celle de la fidélité.

La loyauté est une valeur qui est difficile à saisir si l’on est pas soi-même issu ou lié à la classe ouvrière. Pour la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, elle apparaît toujours comme quelque chose de « décalé », d’un peu has been. Être moderne, ne serait-ce pas être « libre » de tous les carcans moraux, des normes ?

Cette incompréhension des classes éduquées se voit parfaitement bien lors d’une fermeture d’usine avec des reclassements à la clef ou lors d’une rénovation urbaine d’un quartier HLM délaissé. Bourgeois et petit-bourgeois se disent : « pourquoi ces gens ne sont pas contents de la modernisation ? Cette usine n’était-elle pas le vecteur d’un travail aliénant ? Ce quartier ne tombait-il pas en ruine ? ».

Pour les bourgeois, c’est la preuve du conservatisme des classes populaires, de leur réticence au « changement ». Mais, pour les prolétaires, c’est tout un monde qui s’écroule, un héritage de riches histoires, d’amitiés, d’expériences culturelles à laquelle on est fidèle.

Plus que fidèles à eux-mêmes, à leur propre personnalité, les prolétaires sont loyaux envers leur propre histoire en tant qu’histoire collective partagée dans la morosité et la joie du travail, du quartier, de la zone pavillonnaire, de la campagne. Il n’y a qu’à voir comment Mc Circulaire parle de sa campagne, en refusant le business du rap mainstream. Il y a une forme d’humilité, de respect et c’est cela la fidélité populaire.

Au cœur de la vie quotidienne, on reconnaît la loyauté prolétaire avec par exemple ces personnes qui donnent tant d’attention à leurs grands-parents car ils y voient le vecteur essentiel de la transmission d’une histoire, d’un héritage. Tout comme cela est visible dans cette parole si populaire de « respecter les anciens » ou dans cet attachement au couple amoureux, c’est-à-dire au prolongement dans le temps d’une fidélité à la fidélité elle-même.

Le style ouvrier réside bien dans cette loyauté et l’on peut voir d’ailleurs comme des pans de la Gauche se sont brisés sur cet aspect si essentiel de la vie quotidienne. Ce fut ainsi le cas de la Gauche contestataire dans l’après mai 1968. Si des milliers de gens, d’origine petite bourgeoise, sont allés aux ouvriers, à quoi cela sert-il si c’est pour partir aussitôt qu’on est arrivé ? Quelle fidélité, quelle loyauté, quelle crédibilité ?

Car, sur ce point, les ouvriers sont, plus que tout autre, d’une exigence absolue. À ce titre, la classe ouvrière est le seul contre-feu stable à la décadence d’une bourgeoisie qui valorise la casse de tout ancrage historique ( qu’il soit individuel ou historique ). C’est là le sens du triomphe de la PMA, de sites d’adultère comme Gleeden, de l’art contemporain sonnant comme un reflet de cette grande bourgeoisie cosmopolite en complète trahison de sa propre histoire.

La fidélité est tellement essentielle aux classes populaires qu’elle a été à la base de ses décrochages dans l’Histoire. N’est-ce pas de la fidélité populaire à la nation qu’est née la commune de Paris de 1871 ? N’est-ce pas de la loyauté envers la souveraineté que s’est développée la Résistance des années 1940 ?

Au regard de l’histoire, on peut dire certainement que la fidélité est le style de vie prolétarien dans tous les aspects la vie quotidienne. Elle se réalise ensuite au plan politique dans le Parti.

En effet, dans le mouvement ouvrier, cette fidélité s’est traduite par la discipline et la loyauté envers la SFIO ou la SFIC – Parti Communiste . Être membre d’un Parti de la classe ouvrière, c’est devenir fidèle à la fidélité elle-même incarnée par la discipline partisane.

Bien sûr on peut le critiquer, car sans la critique et l’auto-critique, cela dérive vers un enlisement bureaucratique. Mais d’un autre côté, c’est aussi l’expression de ce style ouvrier car derrière la fidélité il y a la ténacité, l’abnégation, la fermeté.

C’est ce que n’ont jamais compris la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, y voyant là un écrasement de l’individu, tout comme elles voient aujourd’hui la liberté dans l’amour libre, la déconstruction individuelle et bannit toute cadre moral collectif. C’est la raison qui explique que la Gauche, portée par les classes moyennes de centre-ville, s’est faite laminée par le postmodernisme et ses soutiens aux luttes des marges (LGBT, « racialisme », décoloniaux…)

Le danger est qu’il y a un courant, issu des classes dominantes, qui a saisi tout cela et surfe habilement dessus : le fascisme. C’est sa mise en avant de l’ « enracinement », sa valorisation unilatérale de la « famille », de la discipline militaire, de l’honneur de la patrie. Ce n’est qu’un détournement démagogique qui vise à assécher l’élan populaire vers son émancipation.

La Gauche historique se doit de défendre cette valeur de la fidélité dans tous les aspects de la vie quotidienne. C’est une des conditions à la conquête de l’hégémonie culturelle et à la construction d’une nouvelle société démocratique, populaire. S’il y a un sens à défendre la Gauche historique, c’est bien celui-ci : ouvriers, soyez fidèles à vous-même, à votre héritage, celui du Socialisme, du mouvement ouvrier, du drapeau rouge, de ses générations qui ont combattu pour l’émancipation.