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Série : Squid Game, une insulte à l’intelligence

Le morbide est valorisé et personne ne trouve à y redire.

« Squide Game » est une série sud-coréenne connaissant un très fort succès depuis fin septembre, si bien que de nombreux articles en font l’éloge depuis quelques jours. Il n’y a pourtant pas grand-chose de positif à dire, à part que c’est le triste reflet d’une époque qui n’en finit pas de s’enfoncer dans le glauque, l’insoutenable, le morbide.

Le « squid game » ou « jeu du calamar » commence avec 456 hommes et femmes endettés jusqu’au cou, réunis par une ou des personnes aux motivations obscures, dans un jeu géant isolé sur une île où les perdants meurent. Il n’est sensé y avoir qu’un seul gagnant pour 45 milliards de won, soit à peu près 33 millions d’euros.

Niveau intrigues du scénario, des épreuves au prix de la vie des participants, c’est du réchauffé refroidi et réchauffé encore. Il suffit de penser à Hunger Games, Battle Royale ou bien encore au Prix du danger sorti en France en 1983. Ce n’est pas pour rien que personne ne voulait de ce scénario depuis 2010. Mais Netflix est là pour produire tous les rebuts cinématographiques, y voyant justement une manne commerciale de masse.

Le succès tiendrait au fait que les épreuves sont des jeux pour enfants revisités en massacres, avec une soit disant critique de la société… Si on s’en tient à une pseudo-critique qui court après un phénomène de consommation de masse.

La question de l’endettement, qui existe dans la série, est en soi un thème à part entière qui aurait toute sa place dans un bon scénario, car on parle là du prix d’une vie confortable « pour tous » dans le capitalisme. Et ce prix c’est souvent de se ruiner la santé dans un travail aliénant, détruire sa famille et avoir une vie pauvre culturellement. Le crédit, c’est la cage dorée proposée par le capitalisme.

Mais le sujet n’est finalement pas traité puisqu’on a des personnages marginaux dont l’endettement est tellement colossal qu’on ne peut pas s’y reconnaître et donc finalement aucune question n’est posée. À ce titre, les personnages dont on connaît un peu l’arrière-plan sont soit mafieux en déchéance, soit bourgeois fraudeur, soit migrant ou broyés par la vie à un haut niveau.

On apprend seulement à la moitié de la série que le personnage principal est un ancien ouvrier licencié alors qu’il évoque une grève fortement réprimée où il a perdu un collègue et camarade. Un instant fugace qui n’est relié à rien de rationnel dans la manière dont toutes les situations sont gérées par les personnages. Tout n’est que chaos, car le principal est d’alimenter une fascination pour les comportements anti-sociaux.

Il n’est en effet jamais question de s’organiser pour renverser la situation, pour faire payer le prix du sadisme aux organisateurs qui sont manifestement des gens puissant, vue la logistique déployée en tout secret.

La grève est dans les valeurs opposées de ce que véhicule la série, qui prétend sonder l’« âme humaine » et ne montre que du cannibalisme social. Car si la série représente quelque chose, c’est bien cela : aux confins de la société, chez les populations les plus pauvres, il n’y a aucune possibilité d’entre-voir un horizon émancipateur,  seule la guerre de tous contre tous est une réponse…individualiste.

De fait, cette évocation du combat collectif ouvrier sonne creux, pire, donne dans le cynisme, à la manière de l’utilisation de « Bella Ciao » dans La Casa de Papel.

On est dans le fantasme, typiquement bourgeois, du chaos qui est sensé régner dans le peuple face à l’exploitation et à l’oppression, dans une vision du monde conforme à l’ordre capitaliste. Rien de subversif sous le soleil, donc.

Au delà du manque d’exigence culturelle qui règne pour qu’un tel succès soit possible, on a également l’expression d’un approfondissement de l’insensibilité. Faut-il, hélas, rappeler que 4,5 millions de personnes ont été tuées par une pandémie mondiale ces presque deux dernières années ? Terminer ses journées en regardant des gens se faire massacrer dans une logique anti-sociale devrait révulser tout un chacun. 

Eh bien non. Ce qui semble plaire, c’est l’esthétisation de la violence sur fond de darwinisme social. A l’instar d’ Orange Mécanique, il y a le même usage de la musique classique, tels Strauss, Haydn, Tchaïkovski, pour trancher avec les scènes d’horreur, comme si la barbarie pouvait être raffinée. Les morts sont ainsi montrés sans filtre, parfois au ralentis, avec des cadrages qui relèvent de l’obscène.

Les cadavres font l’objet de long travelling aérien pour montrer les détails les plus affreux. C’est donc cela le superbe en 2021 ? La bourgeoisie s’y reconnaît en tout cas puisque l’actrice Hoyeon Jung, qui joue un rôle essentiel dans la série, est devenue égérie de Louis Vuitton. C’est toute une expression de décadence.

Cette série est donc très pénible à regarder et le phénomène qu’il y a autour ne repose sur rien de rationnel ou de positif. C’est un succès à l’image d’une diffusion récente de ce qui serait prétendument la « culture sud-coréenne » dans toute l’Asie et le monde occidental.

Parler de culture sud-coréenne n’a aucun sens puisqu’il y a une culture coréenne qui a été artificiellement scindée en deux avec d’un coté une asphyxie totale à prétention communiste, en réalité fasciste, et de l’autre une offensive du capitalisme pour fabriquer quelque chose de totalement artificiel et consommable partout dans le monde. Si l’on veut de la culture coréenne, qu’on se tourne vers son puissant cinéma, comme La chanteuse de pansori d’Im Kwon-taek.

Ce dont l’époque a besoin c’est d’ailleurs bien d’œuvres cinématographiques qui aident à se saisir du réel pour aller de l’avant, et non pas de productions consommables n’étant là que pour satisfaire des goûts façonnés par l’indifférence de la société capitaliste.

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«Validé», la série qui célèbre les comportements anti-sociaux en pleine crise sanitaire

La série française « Validé » rencontre un grand succès ces derniers jours. Elle devrait pourtant être rejetée, conspuée, comme étant une contribution à ce que la société porte de plus mauvais, de plus décadent, de plus anti-social.

La crise sanitaire dit beaucoup de notre société, de ce qu’elle a de plus puissant et positif, mais aussi de ce qu’elle a de plus arriéré et insupportable. En ces temps compliqués, la responsabilité et la discipline collective deviennent une nécessité non plus philosophique, mais immédiate, vitale. Les comportements anti-sociaux apparaissent quant à eux d’autant plus ignobles.

Qu’il est troublant alors de constater l’immense succès dans la jeunesse de « Validé », avec plus de 15 millions de visionnages revendiqués ces deux dernières semaines. Cette série ne consiste pourtant qu’en la valorisation de ces mêmes comportements anti-sociaux, ruinant l’effort social collectif…

« Validé », c’est l’histoire d’un banal délinquant livreur de drogue. Son « travail » consiste, de manière tout à fait réaliste (et insupportable), à livrer de la drogue à domicile aux bourgeois parisiens branchés. C’est ni plus ni moins que le « Uber » du shit, de la cocaïne et de la MDMA. Pour faire plus vrai que nature, l’histoire commence le jour où il doit livrer à la radio Skyrock, pendant un direct de la célèbre émission « Planet Rap ». Canal +, qui produit et diffuse la série, se permet même d’assumer tranquillement ce genre de trafic de drogue, en faisant dire au personnage qui l’accompagne : « alors on va [livrer] où cette fois ? Canal+ encore? ».

Le « héros » se retrouve ensuite en direct à la radio, ce qui propulse sa carrière de rappeur, avec comme trame narratrice un « clash » tout ce qu’il y a de plus puéril avec le rappeur initialement présent pour l’émission. Il faut savoir ici que ces « clashs » sont devenus une habitude dans le milieu du rap, qu’ils soient parfaitement orchestrés ou bien relevant d’une stupidité patriarcale bien réelle. On a régulièrement des embrouilles de cours d’école mises sur la place publique, dans le but justement de faire parler dans les cours d’école, en visant précisément les publics collégiens et lycéens.

C’est stupide, violent, vulgaire, profondément arriéré, mais Canal+ trouve cela bien et en fait une série pour la jeunesse. Pire, la chaîne est aidée en cela par le « service public », donc l’État, puisqu’apparaissent dans la série à plusieurs reprises la radio « Mouv » (du groupe Radio France), ainsi qu’une vraie prison filmée en détail.

L’administration pénitentiaire, qui n’a que peu de considération pour les gardiens de prison en première ligne face à la délinquance, ne voit par contre aucun problème à ouvrir ses portes à un tel tournage, où est mis en scène un rappeur prisonnier se filmant en direct depuis sa cellule avec un portable pour passer dans l’émission « TPMP » de l’immonde Cyril Hanouna. C’est d’ailleurs un moment clef de l’intrigue, qui va précipiter le « clash » entre les deux protagonistes principaux. Pour le reste, on a comme décors tout ce que Paris a à offrir de mode de vie décadent, de fascination pour les grosses voitures, la vitesse, les femme-objets, les soirées privées select, les marques de luxe, la futilité des « réseaux sociaux », etc.

Comment la jeunesse peut-elle ne pas être révolté par une telle nullité qu’on lui sert ? Comment, particulièrement la jeunesse des cités HLM, peut-elle ne pas être révoltée par un telle mise en scène consistant à lui maintenir la tête sous l’eau dans la délinquance et la fascination pour la réussite individuelle, la drogue, la brutalité ?

Tout cela apparaît tellement décalé, insupportable, alors que l’humanité se retrouve confrontée à une crise sanitaire majeure en raison de son comportement erroné avec la nature et les animaux sauvage en particulier.

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Série: The english game raconte l’émergence du professionnalisme dans le football

The English game (mars 2020) est une très bonne série montrant en six épisodes l’émergence de la classe ouvrière dans l’histoire du football. Il y est abordée cette question aussi complexe que passionnante du professionnalisme dans le sport, directement lié à la classe ouvrière.

Le strict amateurisme dans le sport est une conception aristocratique-bourgeoise. Il s’agissait à l’origine de garantir l’entre-soi de la haute société qui avait conceptualisé le sport, inventé des règles et mis en place des structures dans le cadre de la grande modernisation permise par la généralisation du capitalisme.

Les classes populaires, qui avaient elles-mêmes dans leur histoire de nombreux jeux à caractère physique, ont également été touchées par cette modernisation capitaliste. Le football, ce « jeu anglais », toucha ainsi rapidement la classe ouvrière britannique, la partie la plus avancée des masses populaires britanniques. Elle s’est logiquement intéressée à cette forme nouvelle, raffinée et structurée, qu’est le sport.

Dès la fin du XIXe siècle, des équipes furent formées autour d’usines avec un niveau de jeu évoluant rapidement et faisant évoluer le sport lui-même dans un sens plus collectif, concurrençant les gentlemens sportifs, aristocrates. Lors de la saison 1880-1881, le Darwen FC est le premier club constitué d’ouvriers à atteindre les quarts de finale de la FA Cup, qui n’avait que dix ans.

Une partie de la bourgeoisie, celle qui était directement industrielle, entreprenariale, non-liée organiquement à la bourgeoisie financière d’origine aristocrate, y vit une opportunité : celle de former des équipes constituées d’éléments populaires payés, développant ainsi une économie autour de cela, mais affirmant au passage sa propre culture dont le professionnalisme sportif est une expression.

On aurait tort cependant de n’y voir qu’un opportunisme de nature libéral, en dehors de tout rapport culturel et social populaire. La classe ouvrière a elle-même appuyé le professionnalisme, seule forme à même de l’intégrer, en tant que classe, dans le football. Il est très vite apparu naturel pour les ouvriers de voir les meilleurs d’entre eux se consacrer entièrement au sport, d’autant plus quand ils pouvaient rester liés localement à eux par l’intermédiaire d’un club à supporter.

C’est là tout l’intérêt et le grand mérite de The English game, qui est presque autant un documentaire qu’une série d’ailleurs, que de montrer cela avec une grande subtilité, sans tomber dans la caricature « ouvriériste » ou au contraire « libérale ».

La série nous montre ainsi formidablement bien comment un club comme le Blackburn Rovers Football Club est autant une construction industrielle bourgeoise qu’une formation populaire, et précisément ouvrière. C’est ce double aspect qui fait qu’aujourd’hui encore, malgré la grande corruption du fait de leurs salaires astronomiques, de nombreux footballeurs professionnels sont autant des mercenaires que des personnes organiquement liées à la classe ouvrière et surtout à une culture ouvrière locale.

Le football est ainsi tout autant un élément de collaboration de classe, qu’un moyen de développement moral, économique et culturel pour la classe ouvrière. Le professionnalisme a été la condition indispensable, et positive, de ce développement. Quelques années plus tard en France, il s’est produit un phénomène tout à fait similaire avec l’émergence du professionnalisme dans le cyclisme, sport populaire, alors que l’amateurisme était généralisé et strictement préservé dans les autres sports.

Le professionnalisme a toutefois une conséquence négative évidente dans le football… C’est la constitution d’un marché des transferts débridé, dénaturant le sport et engendrant une corruption généralisée tant des joueurs que des entraîneurs, mais aussi des supporters. Cela est d’autant plus vrai lorsque le capitalisme s’est amplement développé.

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The Mandalorian, entre Terminator et Star Trek

La série The Mandalorian est une réussite surprenante, renouvelant le moralisme et le déterminisme de Terminator et Star Trek. Allant totalement à rebours de l’idéologie dominante, elle se fera immanquablement mettre au pas.

À l’origine de The Mandalorian, il y a l’étrange Boba Fett. Ce chasseur de primes n’apparaît que de manière très brève dans les films L’Empire contre-attaque en 1980 et Le Retour du Jedi en 1983. Mais il a immédiatement acquis une sorte de statut culte, au point d’être légèrement mentionné dans l’univers Star Wars par la suite et qu’un film devait avoir lieu à son sujet dans les années 2010.

Finalement, le personnage a été totalement recyclé sous la forme d’un autre personnage, membre d’une confrérie de chasseurs de primes « mandaloriens ». On aurait pu craindre le pire, car l’esprit des Star Wars est ultra-individualiste, « l’empire » représentant bien entendu le Socialisme considéré comme une forme tyrannique uniformisant le monde.

Étonnamment, The Mandalorian a pris une direction totalement différente. Alors que Star Wars a comme arrière-plan le libre-arbitre, l’unité des ceux qui en disposent face aux forces unificatrices, The Mandalorian est à la fois moraliste et déterministe, se raccrochant dans ses fondements à Terminator et Star Trek.

Terminator, sorti en 1984, est un chef d’œuvre parallèle au développement concret de l’informatique ; ses définitions internes sont entièrement déterministes, au sens strict. Le « Terminator » du futur vient avec une mission dont il ne peut dévier. Le soldat du futur vient du futur avec une mission dont il ne peut dévier. Sarah Connor, auparavant un individu avec un libre-arbitre, se voit attribuer une fonction historique inévitable, qu’elle doit assumer et dont elle ne peut dévier.

Dans Terminator, le déterminisme est ainsi entier, implacable, personne n’y échappe. Cela sera tellement vrai que le cinéma américain n’aura de cesse de vouloir exorciser ce film. Tous les films « Terminator » qui ont suivi sont totalement anti-déterministes, avec une insistance massive sur le libre-arbitre. Outre qu’ils aient perdu tout caractère philosophique et l’ambiance tech noir propre au premier film, qu’ils soient également le plus souvent lamentables, leur dynamique est entièrement fondé sur le principe d’un prétendu choix.

Nom d’un club où se déroule une scène de Terminator, « Tech Noir » a été employé par la suite pour désigner les films à l’atmosphère sombre dans un cadre de science-fiction, avec la technologie comme trame de fond, tel Blade Runner.

Terminator est ainsi comme exorcisé par Terminator 2 : Le Jugement dernier (1991),  Terminator 3 : Le Soulèvement des machines (2003), Terminator Renaissance (2009) et Terminator: Genisys (2015), Terminator: Dark Fate (2019).

Ce dernier film va même jusqu’à faire du Terminator quelqu’un ayant « choisi » de devenir un père de famille et d’aider les humains. Et donc de manière surprenante, The Mandalorian se place du côté du déterminisme, du caractère inévitable d’une tâche, qu’on doit reconnaître soi-même comme inévitable pour être en adéquation avec ce qu’on est.

On a même une affirmation moraliste massive, qu’on a dans les premiers Star Trek, avec le Capitaine Kirk appliquant tous les deux, à leur manière, le sens le plus absolu du devoir, pratiquement une identification avec celui-ci et le reconnaissant comme triomphe de la morale. The Mandalorian est en rupture totale avec le relativisme, le scepticisme, il décrit une transformation par le devoir, au service du devoir.

Il n’est pour cette raison nullement racoleur, récusant le cocktail « sexe et violence », ce qui en fait là encore une anomalie. L’esprit des séries est également littéralement aboli, au profit d’un retour à l’esprit western, dans un cadre futuriste, mais avec le même goût pour l’introversion, la réflexion consciente, la délibération morale.

The Mandalorian vaut ainsi clairement le détour ; s’il y a des aspects candides, dans la série, elle est farouchement intéressante, et cela d’autant plus qu’elle se fera forcément défigurer de par les exigences de la décadence propre au capitalisme.

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Ce que véhicule la série Rick & Morty

La saison 4 de la série à succès Rick & Morty va sortir en novembre 2019. C’est l’occasion de regarder plus en détail ce que véhicule culturellement cette série appréciée par la jeunesse, récompensée aux Emmy Awards et dont les trois premières saisons sont disponibles sur Netflix.

On aurait bien du mal à trouver pire, en terme de valeurs culturelles, intellectuelles, que ce dessin animé atroce où se côtoient nihilisme brutal, relativisme, anti-socialisme et même fascisme dans ses fondements mêmes. Encore pire que Game of Thrones, la série ne tarit pas de mises en scène divertissantes de meurtres, de manipulations… La science est abordée comme étant chaotique, nihiliste par essence, se suffisant à elle-même, comme une forme de magie « réelle » au travers du personnage du scientifique Rick, grand-père de Morty, revenu dans le girond familial après avoir abandonné sa fille durant l’enfance. La raison de son retour est simple : il cherche à profiter des enfants qu’a eu sa fille des années après son départ pour moins s’ennuyer, en les entraînant dans des « aventures », en fait prétextes pour assouvir ses pulsions destructrices et les corrompre, tout particulièrement Morty, qui dès le premier épisode se retrouve avec les jambes brisées dans l’indifférence totale de Rick pourtant responsable de la situation. Et c’est sans parler de l’objet de la mission : récupérer les graines d’un arbre et les faire passer à la douane en les enfonçant dans le rectum de Morty.

Rick incarne cette figure romantique fasciste par excellence du rebelle au dessus de la mêlée. Intellectuellement supérieur, le plus cool parmis les cools, son génie individuel ne saurait être contenu par aucune forme de loi, aucune forme de morale et le socialisme ne pourrait y avoir absolument aucune emprise, car il serait à lui seul trop intelligent pour avoir besoin d’une quelconque société. D’ailleurs, Rick exploite Morty et le manipule constamment pour arriver à ses fins. Morty est régulièrement enlevé à son éducation et à sa famille par Rick, qui en arrive à le considérer comme sa propriété, car la famille serait une structure artificielle sans aucun sens concret et l’école serait « une perte de temps » et ne serait pas un endroit pour les gens intelligents.

Ainsi, la série distille deux images du socialisme. La première est celle d’une bureaucratie écrasante et barbante, avec la citadelle des Ricks dans laquelle s’organisent tous les Ricks et les Mortys de toutes les dimensions possibles, établissant des règles, un code, que le Rick le plus pur rejette et considère comme n’étant qu’une forme de gouvernement limitant sa liberté individuelle.

La deuxième est celle d’un monstre alien dont on ne connait pas l’apparence physique du nom de Unity, vomissant dans la bouche d’individus malchanceux et systématiquement présentés comme étant des criminels avant d’être assimilés pour en prendre le contrôle mental et former, avec tous ses esclaves, une conscience collective qui pourra s’étendre dans l’univers et construire une société contrôlée par une pensée unique émanant d’un être unique. Il est très clair que ce sont les idées même du socialisme et de la démocratie populaire qui sont ici frontalement attaquées.

Est opposée à cette vision déformée du socialisme, de l’unité, l’individualisme et le relativisme les plus brutaux. Dans un épisode se déroulant sur une planète étrangère, au sein d’une société dont les technologies en sont restées au stade féodal et qui pratique la purge une fois par an comme dans le film American Nightmare (une nuit durant laquelle les lois sont abolies et où chacun peut laisser libre cours à ses envies de meurtre, de viol, de torture, de pillage… sans être inquiété le lendemain afin de préserver la paix le reste de l’année), Rick parvient à corrompre totalement Morty et à lui faire accepter l’idée et la pratique du meurtre. Rick s’emploie d’ailleurs à chaque aventure à détruire Morty psychologiquement et l’encourage dans tous les vices possibles et imaginables, comme lorsqu’il lui achète un robot sexuel alors qu’il n’a que 14 ans.

L’épisode de la purge est une véritable apologie du social-darwinisme. Les faibles doivent mourir et sont pris pour cible en priorité, la soif de sang est considérée comme une pulsion naturelle de l’homme, une force libératrice qui permet de se délester de sa rage intérieure… Les armes futuristes et ballistiques (comme des armures similaires à celle de Iron Man) sont utilisées dans un véritable bain de sang par Rick et Morty comme avantage extrême sur les armes primitives de la population locale. Selon Rick, se livrer à une telle activité sur cette planète est moralement acceptable, puisqu’il s’agit d’une pratique courante, contrairement à d’autres endroits où les gens, plus «coincés», construisent des sociétés refusant d’assumer cette nature humaine. La série se contredit d’ailleurs, puisqu’il se trouve que cette purge n’est pas une pratique voulue par la population, mais qu’elle est imposée par une élite aristocrate riche à l’échelle planétaire, qui profite de cette division et de cette violence pour mener une vie de luxe sans être menacée par une révolte. Elle n’a donc rien de moral, mais cela, les auteurs de la série ne peuvent pas le voir, engoncés qu’ils sont dans le relativisme et la mise en valeur de la barbarie.

L’aristocratie finit par être massacrée à la fin. C’est là un remake du film Hunger Games, avec une charge anticapitaliste romantique forte, à ceci près que les personnages principaux y prennent du plaisir et s’en amusent jusqu’à l’écoeurement, Rick finissant par vomir devant tant de violence. Une manière de glorifier un style de vie intense et consommateur jusqu’à l’indigestion dans le néant politique et moral absolu.

D’ailleurs, tous les rapports sociaux dans cette série sont pervertis par le social-darwinisme. Ils ne sont envisagés qu’au travers du prisme de la domination : un épisode en est la représentation parfaite, avec une thérapie de couple entre les parents de Morty, Jerry et Beth, où l’image qu’ils ont l’un de l’autre est matérialisée en monstres, qui finissent par collaborer car complémentaires, afin de détruire le centre de thérapie. L’image que Jerry a de Beth est celle d’un gigantesque monstre insectoïde dominateur et l’image qu’a Beth de Jerry est celle d’un vers de terre qui se fond en flaque visqueuse à la moindre confrontation. Ainsi, une personnalité dominatrice, prolongement de la mentalité de propriétaire dans une société capitaliste, est donc présentée comme complémentaire avec une personnalité de soumis et ferait qu’un couple adoptant ce modèle serait finalement plus efficace et fonctionnel qu’un couple traditionnel et démocratique basé sur la romance. Le fait que Jerry, bien qu’étant un lâche, reste le personnage le plus humain de la série est d’ailleurs le signe évident du social-darwinisme porté par la série : il n’est pas aussi insensible que les autres, il est donc représenté comme un faible, émotif, et donc un loser inutile à la société…

Cette série est finalement ce que la société capitaliste peut produire de pire en matière de divertissement qui se consomme dans la passivité intellectuelle la plus totale. Seuls les plus corrompus par le capitalisme peuvent y trouver une forme divertissement. Même l’usage de la drogue y est romancé et sert de prétexte à l’attitude atroce du personnage ultra-fasciste Rick, comme dans une tentative de le dédouaner aux yeux des spectateurs, qui peuvent alors le prendre en pitié et se dire qu’au fond, ce n’est pas de sa faute. Le dessin animé défend contre vents et marées l’individu absolument subjectif et nihiliste comme seul horizon pour le développement personnel. Les auteurs de cette oeuvre profondément fasciste utilisent le fait qu’elle soit classée pour adultes comme excuse pour plonger dans ce qui peut se faire de plus révoltant sur les plans culturel et intellectuel… Sans considération aucune quant au fait qu’étant un dessin animé, la série est forcément regardée par un public majoritairement jeune.

Il va de soi qu’une société socialiste ne saura tolérer l’existence de telles oeuvres. Il serait temps de produire des choses belles, universelles, qui permettent l’éveille, le développement de la personnalité naturelle de chacun, plutôt que ce genre de bombes culturelles servant l’idéologie dominante de l’individualisme et du mépris envers la vie.

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Stranger Things saison 3, un mauvais recyclage de la pop-culture des années 1980

La série Stranger Things avait marqué il y a deux ans part son approche très pop-culture, mettant en scène la jeunesse populaire américaine dans un scénario typique des années 1980. La troisième saison sortie ce mois-ci montre à quel point cela n’est finalement que du mauvais recyclage de la part d’un capitalisme à bout de souffle, agonisant totalement sur le plan culturel.

Comment peut-on, en 2019 avec de tels moyens, produire quelque-chose d’aussi nul et niais que la troisième saison de la série Netflix Stranger Things ? Dix personnes sauvent une seconde fois le monde des forces maléfiques pendant que le reste de la planète ne se rend compte de rien… On peut bien-sûr ne pas aimer le fantastique et se dire que de toute façon, cela n’amène forcément rien de bon sur le plan culturel, contrairement à la science-fiction.

Mais c’est bien pire que cela. On se demande d’abord s’il ne s’agit pas d’une caricature, tellement le scénario est ridicule, à coup de bagarres sur-jouées, d’histoire d’amour cul-cul, de méchants soviétiques infiltrant l’Amérique et de monstres aussi sots que grotesques. Les épisodes s’enchaînent, sans aucune cohérence dans l’approche générale et ont comprend finalement que cela n’a absolument rien de critique, ni même de construit.

Les personnages ne sont pas développés, le contexte initial lié au jeu Dungeon & Dragons (l’« upside-down ») est à peine respecté, etc. Ce n’est qu’un copié-collé façon patchwork de tout ce qu’a pu produire Hollywood dans les années 1980, un zapping permanent sans l’arrière-plan culturel et populaire qu’il pouvait y avoir alors pour chacune de ces productions.

Le monstre de cette troisième saison par exemple, n’est qu’une copie ridicule du monstre de The Thing (La chose) de John Carpenter en 1982. Il est vidé de toute sa substance, de tout son rapport au réel. Celui de 1982 avait été compris par les cinéphiles, surtout après sa sortie en VHS, comme une allégorie du Sida, dans un contexte psychologisant recherché (quoi qu’on en pense par ailleurs).

John Carpenter avait d’ailleurs lui-même très bien critiqué la niaiserie de beaucoup des productions des années 1980 dans l’excellent They Lives (Invasion Los Angeles), en 1988. Il faut penser ici à cette fameuse scène de bagarre interminable, qui était d’une grande subtilité. En 2019, les scénaristes de Stranger Things n’ont toujours pas compris ce que leur a dit John Carpenter il y a 30 ans et resservent ces bagarres et ces monstres au premier degré.

L’industrie du divertissement n’est en fait plus capable de rien, tellement elle a asséché la culture populaire. Elle n’a presque plus rien à récupérer de contemporain, alors elle se regarde le nombril, glorifiant son âge d’or avec de prétendues références qui ne sont que des copies sans âme. Elle est d’ailleurs en retard sur la société elle-même, car la mode est aux années 1990 et plus aux années 1980…

Tout cela est tellement lisse que chacun peu y picorer ce qu’il veut. Les populistes s’imagineront que la mise en scène du centre-commercial Starcourt est une critique de la société de consommation alors que les plus aliénés se satisferont au contraire d’un bel hommage à une époque bénie.

Tout au plus a t-on le droit à un « féminisme » racoleur, qui bien sûr a une origine démocratique dans le contexte des années 1980, mais qui dans cette saison de Stranger Things n’est là que pour flatter les égo et coller aux « thèmes » actuels.

Le tout, bien sûr, est le prétexte à énormément de placement de produits et de marques, avec ensuite un grand nombres de produits dérivés vendus à l’issue de la série. Ces produits ne sont en fait même pas vraiment « dérivés » puisqu’ils sont mis en place dès le début, dans le cadre d’une stratégie commerciale ultra-rodée.

Maintenant que le filon est lancé, on aura sûrement plusieurs saisons, qui battront probablement des records de médiocrité comme le laisse suggérer cet abominable teasing d’après le générique de fin de la saison…

Quel immense gâchis, se dit-on alors ! Le capitalisme, agonisant, se regarde lui-même en pourrissant sur-place, tellement il n’a plus rien de positif à apporter au monde. Les capacités de production culturelles sont pourtant immenses, comme le montre la qualité des décors de Stranger Things. Le problème est en fait que le niveau culturel général de la population n’a jamais été aussi élevé, mais qu’il est en même-temps d’une très grande faiblesse.

Quantitativement, beaucoup plus de gens ont un niveau culturel et des exigences culturelles, mais celles-ci sont bien plus faibles que celles de la bourgeoisie quand elle était presque la seule à posséder la culture (avec ce qui restait de l’aristocratie n’ayant pas encore sombré totalement dans la décadence).

> Lire également : Le succès de la série “Stranger Things”

Cela forme aujourd’hui une contradiction tellement grande, tellement explosive, qu’à un moment cela va finir pas exploser, justement ! Quand la jeunesse adolescente décidera qu’il est hors de question qu’on lui serve des produits culturels aussi vides et niais que Stranger Things saison 3, cela va faire des ravages !

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Game of Thrones : ultra-violence et viols, une série inacceptable

La série Game of Thrones est un excellent exemple de décadence. Il y a 25 ans elle aurait été interdite, aujourd’hui elle est célébrée. Les mentalités n’ont pas progressé, elles basculent au contraire dans le goût de l’horreur et le cynisme.

Qui cède au plaisir de se divertir avec des perversions est dans une situation d’échec culturel. C’est une évidence pour qui est non seulement de gauche, mais à Gauche. Et on sait comment le divertissement qui se développe dans notre société cherche le pittoresque, le grotesque, le malsain, le pervers, pour attirer l’attention, frapper les esprits, les impressionner.

Du sexe et de la violence, de la violence sexualisée et du sexe lié à la violence, tels sont bien souvent les ingrédients sordides utilisés par la production capitaliste de biens culturels pour attirer l’attention. C’est inacceptable, et à ce titre la série Game of Thrones est inacceptable. Rien que le premier épisode contient un élément terriblement sordide : un enfant de dix ans est jeté depuis une fenêtre, car en grimpant il a vu la reine coucher avec son frère jumeau ! Rien que là, tout était dit, surtout que le frère dit : « qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour ? ».

Qui peut donc accepter de regarder une horreur pareille ? Qui peut accepter de voir une série pour se divertir en acceptant qu’il y ait systématiquement des viols ? Avec d’ailleurs une insistance sur les viols des trois femmes ayant les rôles les plus importants (Daenerys, Sansa et Cersei) ? Comme cette scène, d’ailleurs pas dans la série des livres (où il y a cependant encore plus de viols), où Sansa vient de se voir marier à une brute qui lui dit « déshabille-toi », déchire sa robe, la caméra montrant son visage en pleurs, se focalisant ensuite sur ses cris, le tout en présence d’une troisième personne, son propre demi-frère.

Qui peut se complaire dans les crimes, la torture, les massacres ? Qui peut prendre du plaisir à voir une jeune femme enceinte se prendre un couteau dans le ventre ? Qui peut apprécier de voir quelqu’un avoir ses yeux crevés et sa tête explosée ? Qui peut supporter une séance de torture, culminant avec une émasculation ?

Il faut également voir que la série présente de manière « intéressante » une société à la fois féodale et barbare (ce qui est absurde, les deux sociétés n’ayant rien à voir), où tout est complot et manigance, jeux de pouvoirs et perversion. Et le tout, qui plus est, avec des éléments magiques et mystiques, l’utilisation de mythes, c’est-à-dire des fantasmagories qu’il faudrait jeter aux oubliettes depuis longtemps.

Cette dimension anti-historique empêche d’avoir un aperçu concret de la réalité. On ne peut pas comprendre le capitalisme si on ne connaît pas l’évolution du monde et qu’on s’imagine que la féodalité est l’équivalent de la barbarie de l’époque esclavagiste. On ne peut pas comprendre le monde si on s’imagine que des individus font l’Histoire, parce qu’ils seraient plus forts, plus malins, plus intelligents. Game of Thrones est une machine à écerveler et il n’y a rien de surprenant à cela, à moins de considérer que ce que produit le capitalisme est une bonne chose.

Quelle honte, pour cette raison, de voir des organisations se définissant comme de gauche jouer avec la « hype » autour de la nouvelle et dernière saison de Game of Thrones. C’est là la preuve d’une capitulation morale, d’un refus des valeurs féministes – que dire, de la dignité même des femmes simplement. Une véritable Gauche ne peut être que pour l’interdiction d’une série comme Game of Thrones, pour la condamnation de ce qui est montré.

Il ne s’agit pas d’être libéral et de dire qu’il ne faut pas regarder cette série. Non, il faut prôner son interdiction, son rejet total, sa destruction. Et on sait que justement cette série est très populaire en France, et c’est bien là le problème, et une preuve que la France plonge dans les ténèbres.

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La Casa de Papel et la chanson Bella Ciao

Avant-hier la chaîne de streaming Netflix mettait en ligne la deuxième partie de la série La casa de Papel. Arrivée discrètement en décembre sur la plateforme, elle a connu un très grand succès en février et mars, particulièrement en France, arrivant en tête de plusieurs classements.

La série a déjà été diffusée en entier en Espagne, son pays d’origine. C’est l’histoire d’une bande de malfrats qui mène un casse avec des prétentions sociales, illustrées par la chanson Bella Ciao présente à différentes reprises.

Ils investissent pendant une semaine la Maison Royale de la Monnaie d’Espagne à Madrid pour imprimer leur propre butin. Ils séquestrent et maltraitent des otages, y compris des adolescents, en les forçant à travailler pour eux.

La série emprunte beaucoup à la dramaturgie du huis-clos, sans en être un, et porte ainsi un intérêt tout particulier à la psychologie des personnages. Ils ne sont cependant pas des figures typiques, mais plutôt des portraits caricaturaux de différentes personnalités, surjoués psychologiquement. On est loin d’un film comme A dog’s day Afternoon (Un après-midi de chien) de Sidney Lumet (1976), qui traite globalement du même thème, dans un quasi huis-clos également. Autre époque, autre niveau.

L’histoire est somme toute très banale, c’est un énième “casse du siècle”, avec un plan prévu au millimètre qui connaît finalement quelques accros. Les rebondissements sont nombreux, mais systématiquement résolus par le “professeur”, dont le profil rappel aisément celui de l’ignoble Walter Walt dans Breaking Bad.

Le scénario est finalement très niais avec des rebondissements tirés par les cheveux. Le cœur de l’intrigue est la liaison qu’entretient le meneur du braquage (qui agit depuis l’extérieur) avec la cheffe des opérations du côté de la police (qui se jette dans les bras d’un inconnu et lui présente sa famille en moins d’une semaine).

Un des moments les plus absurdes est celui où l’une des héroïnes, après avoir été arrêtée puis s’être échappée, s’introduit à nouveau dans le bâtiment à l’aide d’une moto-cross sous les yeux de la police tenant le siège. C’est digne d’un mauvais film d’action des années 1990.

Les personnages évoquent souvent ce qu’ils vont faire après les douze jours de production de monnaie, s’acheter une île est l’idéal central. Il s’agit de se mettre à l’aise jusqu’à la fin de sa vie. Leur braquage est motivé par l’enrichissement personnel et l’adrénaline avec la figure mythique du génie calculateur pour permettre cela.

On peut donc se demander au nom de quoi le morceau emblématique Bella Ciao, dont voici les paroles, vient appuyer à multiples reprises ce scénario.

Una mattina mi sono alzato
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Una mattina mi sono alzato
E ho trovato l’invasor
O partigiano portami via
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
O partigiano portami via
Ché mi sento di morir
E se io muoio da partigiano
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E se io muoio da partigiano
Tu mi devi seppellir
E seppellire lassù in montagna
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E seppellire lassù in montagna
Sotto l’ombra di un bel fior
Tutte le genti che passeranno
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Tutte le genti che passeranno
Mi diranno: che bel fior
E quest’è il fiore del partigiano
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Quest’è il fiore del partigiano
Morto per la libertà.
Un matin, je me suis levé
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Un matin, je me suis levé,
Et j’ai trouvé l’envahisseur.
Hé ! partisan emmène-moi
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Hé ! partisan emmène-moi,
Car je me sens mourir
Et si je meurs en partisan
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Et si je meurs en partisan,
Il faudra que tu m’enterres.
Que tu m’enterres sur la montagne
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Que tu m’enterres sur la montagne,
À l’ombre d’une belle fleur
Et les gens qui passeront
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Et les gens qui passeront
Me diront « Quelle belle fleur »
C’est la fleur du partisan
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
C’est la fleur du partisan
Mort pour la liberté

La chanson Bella Ciao est une chanson paysanne qui s’est popularisée au sein de la résistance antifasciste italienne durant la seconde guerre mondiale. Elle est devenue par la suite un hymne repris par les mouvements populaires européens, notamment lors des soulèvements de 1968 en France ou dans les années 1970 en Italie.

Dans le dernier épisode de la première partie diffusée sur Netflix, un flashback de la veille du début du braquage montre « le Professeur » avec son bras droit « Berlin » autour d’un dernier repas, le professeur dit : « Nous sommes la résistance, non? » et il commence à entonner Bella Ciao.

En voix off, « Tokyo » la narratrice, explique au spectateur que « La vie du Professeur tournait autour d’une seule idée : résister. » Et on y apprend que son grand-père avait résisté contre le fascisme en Italie.

On a donc un élément de l’héritage historique de la gauche qui est mis en avant, et ce à plusieurs reprises.

Mais contre qui résistent les braqueurs ? Sont-ils comme les maquisards braquant 2 milliards dans un train à Périgueux en juillet 1944 pour financer la lutte contre l’occupant nazi ? Certainement pas.

Mais dans le contexte actuel il peut sembler au spectateur que leur entreprise est une forme de pied de nez au « système ». C’est d’ailleurs le discours qui est tenu en arrière plan, avec des références à l’aspect subversif qu’aurait le fait d’imprimer sa propre monnaie avec les machines de l’État.

Sur fond de crise économique en Espagne, le “professeur” critique par exemple la Banque Centrale Européenne ayant injecté des liquidités dans les banques privées. Sauf que cela n’est qu’un aspect technique, et ne change pas grand-chose à la réparation des richesses dans la société.

Prétendre pour sa part qu’ils ne volent personne sous prétexte qu’ils créent leur propre monnaie est d’une absurdité sans nom. Les banques passent leur temps à créer de la monnaie par le biais du crédit, c’est même leur rôle majeur, et cela n’a aucun rapport. En imprimant leurs propres billets, les malfaiteurs s’approprient de manière unilatérale une partie de la  valeur des marchandises en circulation dans la société. Cela n’est ni plus ni moins que du vol, un braquage comme un autre.

Mais cela correspond à la vision « anti-système », cette apparente révolte individuelle qui est actuellement très en vogue dans la jeunesse populaire, par le biais du rap entre autre.

Il ne faudrait plus se révolter, il faudrait « niquer le système » en devenant soi-même un bourgeois par une voie illégale, se donnant l’illusion de changer les choses « de l’intérieur ». Ce n’est pas un hasard si les braqueurs ont un uniforme avec un masque de Dali, qui est bien plus une référence au pseudo-mouvement Anonymous qu’à la peinture surréaliste espagnole, même si le côté transgressif est bien sûr mis en avant également.

C’est ainsi que les attitudes mafieuses sans aucune proposition politique sont mises en valeur dans la population, comme avec la série Narcos qui a rencontré elle aussi un grand succès. Ce type de mentalité rejetant la construction collective est ce qui contribue au pourrissement de la société.

La mise en parallèle du patrimoine partisan qu’amène Bella Ciao avec un banditisme détaché de toute action politique est donc une insulte à l’héritage des personnes de Gauche qui veulent défendre des positions historiques authentiques à travers la lutte des classes et non la fuite en avant individuelle.

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Le succès de la série « Stranger Things »

La série Stranger Things connaît un grand succès. C’est une production de la chaîne de streaming Netflix avec deux saisons réalisées et une troisième en cours de tournage.

Des phénomènes surnaturels se produisent lors de l’automne 1983 dans une petite ville de l’Indiana aux États-Unis. On suit une bande d’adolescents dont l’un des leurs a disparu mystérieusement. Le personnage d’Eleven, une autre adolescente ayant des pouvoirs de télékinésie et de télépathie, est à l’origine d’une faille ouvrant les portes d’une dimension parallèle, l’Upside Down, d’où provient une sorte de force maléfique.

La typographie du titre rappel évidemment les romans fantastiques de Stephen King. C’est une sorte de mélange entre les films E.T. the Extra-Terrestrial de Steven Spielberg (1982) et Alien de Ridley Scott (1979).

Pour ce qui est d’E.T., on y retrouve la jeunesse populaire américaines des années 1980, qui a soif de découverte et de connaissances scientifiques, qui roule en BMX, qui a des valeurs progressistes, dans un contexte d’abondance économique.

Pour ce qui est d’Alien, il y a des monstres venus d’ailleurs permettant des scènes angoissantes et fantastiques, frôlant parfois l’horreur.

Les épisodes alternent ainsi entre le rythme agréable et la teneur réaliste d’un film comme E.T., avec le rythme intense, tourné vers le surnaturel et l’absurde comme dans Alien.

Les personnages ont globalement un comportement simple et réaliste, ils sont des figures populaires typiques. Par moment cependant, les comportements s’emballent et les protagonistes n’hésitent pas à prendre des risques insensés, quitte à se jeter littéralement dans la gueule du loup. Cela permet d’appuyer et de faire dérouler le fantastique, les moments irrationnels de l’intrigue.

Cela est clairement infantilisant. Stranger Things propose un contenu riche et sophistiqué, mais le dénature avec ces « phénomènes étranges » qui n’amènent rien d’autre que l’autosatisfaction puérile de jouer à se faire peur devant son écran.

La série crée par les frères jumeaux Mat et Ross Duffer est assurément bien faite. La puissance et la qualité de l’industrie cinématographique américaine est ici indéniable.

L’immersion dans les années 1980 est particulièrement réussie, seuls quelques rares anachronismes ont été décelés par les fans. Le scénario et les dialogues de qualité couplés à la grande unité graphique des épisodes contribuent à créer une ambiance générale agréable, prenante. On est d’ailleurs particulièrement déstabilisé et gêné par l’épisode 7 de la saison 2 qui se déroule entièrement en dehors de cet univers, mais plutôt dans la ville de Chicago. Cela rompt le file et casse l’ambiance.

Les adolescents que l’on suit sont fans du jeu des années 1980 Dungeons & Dragons. Les réalisateurs ont en quelques sortes pris au sérieux ce jeu pour le faire exister dans le monde mis en scène dans la série. Les phénomènes surnaturels sont nommés en fonctions de ce jeu (world upside down, demogorgon).

Les réalisateur ont prétendu donner une caution scientifique à leur oeuvre, en citant Cosmos de Carl Sagan ou bien avec un échange entre les jeunes et leur professeur de physique sur des théories de mondes parallèles (épisode 5 de la saison 1). Cela n’est que de la mise en scène, de l’esthétisme, pour tenter de refléter la culture populaire.

La bande sonore est de grande qualité, avec des chef-d’œuvres des années 1980. L’un des personnage écoute The Clash, une magnifique reprise de Bowie clôture un épisode, on entend du Joy Division, du New Order, du Toto, dans la saison 1, du Scorpions, Queen, Cyndi Lauper, Runaway de Bon Jovi, ou encore Ghostbuster de Ray Parker dans la saison 2.

La bande originale aux accents synthwave composée par le groupe Survive est elle aussi de très grande qualité, contribuant largement à la qualité de l’ambiance.

Autre élément sympathique, cette critique au vitriole de la famille petite-bourgeoise de banlieue que nous offre le personnage féminin de Nancy lors de l’épisode 5 de la première saison. Celle-ci est accentué plus tard par une affirmation féminine de haute volée, lorsqu’elle refuse à nouveau le rôle stéréotypée de femme passive.

Cependant, tout cela ne fait que contribuer à la qualité du décors et à une ambiance générale. Culturellement, on ne peut pas dire que la série Stranger Things apporte grand chose de positif. L’aspect principal est qu’elle propose une fascination improductive et sans contenu pour l’irrationnel, pour des phénomènes surnaturels et des scènes absurdes qui leurs sont liées.

Cela est bien dommage. Il eut été pourtant possible, en faisant preuve réellement d’imagination et de créativité, de proposer quelque-chose d’éminemment intéressant avec un tel cadre. La question écologique est un thème qui a émergé dans les années 1980 et qui a été d’une grande actualité aux États-Unis. Les connaissances à propos du monde bactériel qui ont émergées à cette époque, de son lien avec l’ensemble de la vie sur Terre, de la planète comprise elle-même comme un organisme vivant, auraient pu être des thèmes fascinants.

Cela aurait pu avoir le mérite d’être productif, de faire avancer culturellement l’humanité, comme l’art a su le faire à travers l’histoire quand il sert le camps du progrès.

Mais l’industrie du cinéma, et en l’occurrence Netflix avec le business des séries, ne s’intéresse pas à la culture et à l’héritage culturel. Il pompe, lessive, délave et dénature la culture pour produire des œuvres conformes à l’idéologie de notre époque : rien n’a d’importance, peu importe la vérité, peu importe la réalité.

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L’échec de Star Trek Discovery à un retour aux sources

Star Trek Discovery est une nouvelle série américaine dont la diffusion a débuté en septembre 2017. On a pu déjà voir neuf épisodes de la première saison, les six derniers étant diffusés à partir du 7 janvier 2018.

Les événements de la série ont lieu une dizaine d’années avant ceux de la série originelle des années 1960, cependant la série se distingue principalement des autres séries et de l’univers Star Trek en général sur deux points.

La première saison est dès le début, et jusqu’aux derniers épisodes diffusés, marquée par une guerre (celle avec l’empire Klingon) et elle est centrée sur la vie d’un personnage. Or, s’il y a des conflits et de guerre présents dans Star Trek, à aucun moment une guerre ne prend autant de place dans l’opus…

Et cela encore moins au tout début d’une série. Star Trek est avant tout une tentative de présentation d’un monde unifié, en paix, tourné vers la bienveillance. C’est l’une des différences majeures avec Star Wars, qui relève de la fantasy dans un contexte spatial.

De plus, si à l’origine certaines personnages ont eu plus d’importance que d’autres dans les différents films et séries, aucun n’a autant monopolisé l’attention que l’héroïne de la nouvelle série, Michael Burnham.

Cette nouvelle série brise donc le fondement même du Star Trek de Gene Roddenberry : critiquer le présent à travers une utopie en évitant la personnalisation, même si c’est à travers des personnages que l’on découvre les événements.

L’origine du problème est relativement simple : au lieu de proposer un futur qui critique le présent, Discovery fait surgir notre présent dans le futur de Star Trek.

Il n’y a plus l’unité qu’il y avait auparavant : avancées technologiques, progrès médicaux, raffinement culturel, etc. Le seul progrès ici est d’ordre technologique…

Comme si les progrès technologiques n’avaient pas de limite, tandis que nous approcherions des limites de tout ce qui est d’ordre culturel et moral.

Cela revient ni plus ni moins à briser toute utopie. Pourquoi ? Parce que le simple fait de poser une pseudo critique (de certains aspects) du présent dans ce qui est censé être une utopie revient à dire que dans deux siècles l’humanité se posera toujours ces questions. Si elle se les pose toujours, c’est qu’il est impossible d’y apporter une réponse. Star Trek Discovery tue le futur en y incorporant de force une époque relativement barbare.

Dans Star Trek à l’origine, on ne pose pas la question du racisme, mais on y répond en montrant que dans le futur, il y a des gens de toutes couleurs de peau et que la couleur ne compte pas. Lorsque est posée la question de la guerre, des conflits, c’est à travers la présentation de monde arriérés, qui doivent progresser encore.

Prenons un exemple. La question des animaux et du rapport à la nature est une question brûlante de ce début du XXIe siècle. Il est clair qu’un futur où la chasse à courre, la vivisection et l’industrialisation de la mort d’être vivants continuent d’exister n’a plus rien d’utopique. Même l’Utopie de Thomas Moore publié au début de XVIe siècle repoussait déjà la mise à mort d’animaux du cœur de son utopie.

Cette question a déjà été comprise ne serait-ce que partiellement dans différentes œuvres : pensons à Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (aussi publié sous le titre Blade Runner), ou  encore au quatrième film Star Trek : Retour sur Terre. Ces œuvres ont plus de trente ans.

Qu’en est-il aujourd’hui avec Star Trek Discovery ? Tout cet héritage est nié. Ceci se voit à travers le tardigrade spatial. Il s’agit d’un animal colossal retrouvé sur un vaisseau, et retenu en captivité afin de l’étudier afin de développer de nouvelles armes. Aucune dignité n’est reconnue à cette forme de vie. Le capitaine justifie et justifiera toutes ses décisions le concernant par la guerre avec l’empire Klingon. L’héroïne de la série est tout d’abord réticente mais accepte.

Rapidement, le scientifique de l’équipage comprend le rôle de l’animal sur le vaisseau où il a été trouvé et capturé : il permet de stabiliser et d’améliorer le nouveau système de navigation du vaisseau (passons les détails sur la vision délirante et anti-scientifique de l’univers qui va avec).

Comment ? En étant attaché dans une cellule transparente au coeur de la salle d’ingénierie et en souffrant à la vue de tous.

L’héroïne comprend que l’animal souffre mais ne réagit pas fermement : elle commence par accepter, puis tente de convaincre le capitaine qu’il faut arrêter. Pendant ce temps, les voyages continuent et le tardigrade alterne sa cellule de captivité et sa cellule de torture.

Où est la civilisation lorsque devant de tels actes tout le monde reste passif ? Comment peut-on penser que dans une civilisation avancée, une telle ignominie puisse exister ?

La question qui est posée ici est celle de la vivisection. Mais elle est posée selon les critères de notre époque – et même pour notre époque, elle est posée d’une manière grossière. La poser de cette manière c’est admettre plus qu’à demi-mot que l’humanité sera toujours capable de barbarie dans deux siècles.

Star Trek Discovery s’imagine donc « progressiste » parce qu’elle aborde, entre autres, la question des animaux à travers la vivisection. Toutefois, il n’en est rien. Le discours est libéral ; il n’y a plus d’universel, il n’y a que des individus avec différentes sensibilités.

Certains sont amenés à faire de mauvais choix, d’autres à en faire de bons. Il n’y plus de société comprise comme un tout. Il n’y a plus un ensemble qui avance vers toujours plus de progrès : l’individu est ici un horizon indépassable.

Cette importance de l’individu se voit avec la place centrale qu’occupe Michael Burnham et son passé. La série nous en apprend plus sur son passé que sur celui de n’importe quel capitaine ou officier dans toute une saison d’une autre série.

Pour souligner ce caractère central, le personnage qui est une femme a un nom d’homme, une absurdité servant à surfer sur la question du « genre » et de l’identité. Afin de bien renforcer cela, ce personnage a été sauvé de la mort par un Vulcain.

Les Vulcains forment une espèce extra-terrestre plus avancée technologiquement que l’humanité qui a fait le choix de se défaire de ses émotions pour ne plus vivre que selon la logique. Ils symbolisent la rationalité : dans la série à l’origine, le personnage de Spock, Vulcain, faisant le pendant au côté émotionnel tête brûlée du Capitaine Kirk.

C’est une manière de philosopher sur comment combiner émotion et raison. Là, on a droit à un questionnement identitaire de Michael Burnham se demandant si elle doit céder aux sentiments, avec tout un questionnement existentiel sur son rapport avec son père.

Cette personnalisation correspond vraiment à une incapacité à revenir aux sources de Star Trek. On pourrait, somme toute, faire un parallèle avec les gens de gauche comme Benoît Hamon, qui choisisse d’être des Emmanuel Macron de gauche plutôt que de revenir aux sources.