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«La République en première ligne» du Printemps républicain le 30 novembre à Paris

Le mouvement Le Printemps républicain organise samedi 30 novembre un événement intitulé « La République en première ligne » avec comme objectif  « la reconstruction d’une force politique républicaine et progressiste », en confrontation avec cette « large partie de la gauche [qui] a choisi le déshonneur » en manifestant contre l’«islamophobie».

 

Le Printemps républicain est un rassemblement qui été considéré comme représentant surtout l’aile droite du Parti socialiste, avec une ligne républicaine « ultra » de centre-Gauche dans la lignée des positionnements de Manuel Valls. Le lancement de ce mouvement en 2016 avait cependant rassemblé plusieurs sensibilités signant son manifeste, depuis l’actuel dirigeant du PS Olivier Faure jusqu’à Emmanuel Maurel, qui a quitté le PS avec une critique par la gauche pour fonder Gauche républicaine et socialiste.

Le mouvement avait été fondé après le grand choc des attentats de 2015 et dans la foulée de l’esprit « Charlie ». C’est donc logiquement qu’il a été au cœur de la critique de gauche de la manifestation contre « l’islamophobie », avec notamment Amine El-Khatmi comme figure représentant le mouvement ces dernières semaines dans les médias.

Voici donc l’appel à l’événement « La République en première ligne », dont le programme précis n’est pas encore dévoilé.

« Chère amie,

Cher ami,

La manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre dernier a marqué un tournant. En se rendant à ce rassemblement, en signant un appel à manifester avec des islamistes, en cautionnant par sa présence un parallèle insupportable entre le sort des musulmans en France aujourd’hui et celui des juifs sous l’occupation et la Shoah, en prenant part à un défilé durant lequel la foule a scandé Allahu Akbar à quelques centaines de mètres du Bataclan et des anciens locaux de Charlie Hebdo, une large partie de la gauche a choisi le déshonneur.

Un choix historique s’offre désormais à nous. Ce choix, nous le formulons depuis la naissance de notre mouvement. Il est notre raison d’être. C’est pourquoi nous sommes décidés à contribuer, avec les formations républicaines et progressistes qui le voudront, à entamer dès maintenant la reconstruction d’une force politique républicaine et progressiste.

C’est dans ce contexte que le Printemps Républicain a le plaisir de vous convier à l’événement La République en première ligne qui aura lieu le samedi 30 novembre à partir de 14h à La Bellevilloise à Paris.

Lors de ce rassemblement, nous aurons l’occasion de mettre à l’honneur les premières lignes de la République : les fonctionnaires qui protègent, soignent et éduquent ainsi que des élus et des citoyens courageux et engagés, défenseurs de la liberté d’expression, thème qui sera particulièrement mis à l’honneur. Ils nous parleront de leurs combats, ceux relatés dans Combats pour la France, le livre d’Amine El Khatmi. De grands témoins et des personnalités publiques de premier plan seront également présents.

L’inscription à cet événement est obligatoire (en se rendant sur le site www.printempsrepublicain.fr). L’événement est gratuit mais vous avez la possibilité de faire un don pour aider le Printemps Républicain, qui ne vit que des cotisations de ses adhérents, d’assumer le coût de cette journée.

Le programme complet sera dévoilé dans les prochains jours. »

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La tribune postmoderne en faveur d’Esther Benbassa

Aux yeux d’une large partie de la Gauche, Esther Benbassa s’est totalement décrédibilisée lors de la manifestation contre « l’islamophobie ». Une tribune de soutien a été réalisée en catastrophe par la « Gauche » postmoderne afin d’allumer un contre-feu.

Il y a une phrase qui, dans la tribune de soutien à Esther Benbassa, veut tout dire :

« Née juive dans un pays musulman, la Turquie »

Aucune personne de la Gauche historique n’aurait jamais écrit ni signé une telle ligne. Jamais la Gauche historique n’a défini un pays par sa religion et encore moins la Turquie, mosaïque de peuples et de religions, avec ses Turcs, ses Kurdes, ses Arméniens, ses Lazes, ses Tcherkesses, ses Juifs, ses Assyriens, ses Grecs, etc. La fiction d’une Turquie à la fois « turque » et « musulmane » est combattue par la Gauche turque depuis plus de cent ans.

Seulement voilà, tout est bon pour essayer de sauver Esther Benbassa, symbole de la « Gauche » postmoderne. Elle est à ce titre une figure insupportable pour la Gauche historique, tout comme le sont les arguments déployés en sa faveur :

« Depuis son entrée tardive en politique, en 2011, Esther Benbassa est sur tous les fronts. Mariage pour tous, PMA pour toutes, LGBT-phobies, violences faites aux femmes, personnes prostituées, monde carcéral, migrants, violences policières, abandon des Kurdes du Rojava, justice environnementale et justice sociale. Elle agit avec la même détermination au Sénat, et sur le terrain. Auprès des cheminots, des infirmières, des étudiants. Des Gilets jaunes, aussi, qu’elle a invités au Palais du Luxembourg dès le début du mois de décembre 2018, et qu’elle n’a jamais lâchés depuis. »

Esther Benbassa est effectivement sur tous les fronts de l’ultra-libéralisme maquillé en « conquête des droits individuels ». Ce n’est pas pour rien que parmi les signataires de la tribune la défendant, on a justement Judith Butler. C’est la grande théoricienne de la théorie du genre, c’est la principale figure de la philosophie post-structuraliste de la « déconstruction » dans le domaine du « genre ».

Pour la même raison, on a l’antiautoritaire Gabriel Cohn-Bendit, frère aîné de Daniel, trotskiste puis anarchiste et enfin proche d’EELV. Il est surtout connu pour sa pédagogie « alternative » antiautoritaire et son soutien au droit à la parole pour le sinistre négationniste Faurisson.

On a les écrivains « modernistes » Edouard Louis et Annie Ernaux, qui font de l’identité la clef de leurs romans résolument tournés vers la « modernité ».

On les philosophes Daniel Borrillo (du Laboratoire d’études sur le genre et les sexualités) et Geoffroy de Lagasnerie (un adepte de la « French Theory »). Ce dernier a notamment pu dire au sujet des terroristes du 13 novembre 2015 :

« Au fond, vous pouvez vous dire qu’ils ont plaqué des mots djihadistes sur une violence sociale qu’ils ont ressentie quand ils avaient 16 ans. »

On ne sera pas étonné non-plus de trouver parmi les signataires tout ce que la fausse Gauche a produit ces dernières années de petit-bourgeois parisiens radicaux s’imaginant dans le camp du peuple, tels Clémentine Autain, David Belliard, Olivier Besancenot, Elsa Faucillon, Thomas Porcher ou encore Danièle Obono.

Cette tribune est un modèle du genre, qui contribue à dessiner la fracture déjà immense au sein de la Gauche entre les populistes prêts à tous les renoncements et ceux qui sont attachés à leurs valeurs de gauche, entre ceux qui ont succombé à la thèse de « l’islamophobie » et ceux qui ne sont pas dupes de cette manipulation politique.

Voici la tribune, publiée sur huffingtonpost.fr :

« Esther Benbassa fait honneur à la République

“Youpine!”, “métèque!”, “la trinationale dehors!”… Réseaux sociaux, courriels, lettres. Esther Benbassa croyait peut-être avoir déjà tout vu en termes d’injures, de menaces, menaces de mort comprises. Elle se trompait. Désormais les insultes sont d’une autre nature. “Antisémite!”, “négationniste!”, “islamocollabo!”…

Elle est assurément loin d’être la seule, en cette circonstance, à subir des attaques indignes. Mais il est clair que certains ont décidé de lui faire payer au prix fort sa participation à la marche contre l’islamophobie, le 10 novembre dernier. Dans une formule d’une rare violence, Sabine Prokhoris vient même, sur le monde.fr, de la comparer à ces Français qui, hier, n’ont “rien vu” quand on a déporté leurs voisins juifs.

Sa faute? Avoir twitté une photographie prise sur le parcours de cette marche, où on la voit au milieu d’un petit groupe de manifestants brandissant fièrement des drapeaux tricolores.

Son crime? N’avoir pas remarqué, sur le moment, sur les vestes de ces personnes, et sur celle de la fillette qui les accompagnait, un autocollant associant une étoile à cinq branches, un croissant de lune et le mot “Muslim”, le tout en jaune sur fond blanc.

Son péché mortel? Avoir refusé de considérer a priori cette possible appropriation musulmane du symbole de l’étoile jaune comme un sacrilège. Comme la captation indigne d’une mémoire de souffrance.

Esther Benbassa ne nie pas que la simple existence de ce badge ait pu blesser des gens. Ni que l’on puisse y voir une maladresse. Reste que la focalisation sur ce badge et sur l’envoi de cette photo est d’abord l’effet visible d’une convergence d’intérêts politiques divers autour de cette manifestation. Elle sert de leurre, elle fait diversion. En détournant l’attention de la crise sociale qui secoue notre pays. Et en empêchant toute réflexion un tant soit peu équilibrée sur la réalité du racisme anti-musulman.

Esther Benbassa sait parfaitement que le port imposé de l’étoile jaune ne fut que l’une des dernières étapes d’un mouvement long et continu de stigmatisation des Juifs depuis le XIXe siècle. Elle n’a jamais assimilé la condition des musulmans dans la France d’aujourd’hui à celle des Juifs pendant la Shoah. Et pour cause. Elle est historienne. Elle a pour métier de distinguer, autant que de comparer.

Ses accusateurs d’aujourd’hui font mine d’ignorer qu’elle est l’auteure d’un essai déjà ancien, datant de 2004, couvrant une période longue (depuis la Révolution), La République face à ses minorités. Les Juifs hier, les musulmans aujourd’hui, et d’une étude importante parue en 2007, La Souffrance comme identité. Sur la concurrence mémorielle, ses causes et ses dérives, sur les difficultés de la France à vivre sereinement sa diversité, Esther Benbassa a écrit des pages qui suffisent à réduire à néant les accusations aujourd’hui portées contre elle.

Ces accusations sont ineptes. Et scandaleuses. Elles font comme si Esther Benbassa n’avait pas de passé. Née juive dans un pays musulman, la Turquie, ayant vécu les premières années de sa jeunesse en Israël, elle est arrivée en France au début des années 1970. Pendant quinze ans, elle a enseigné en lycée et en collège en Normandie puis en banlieue parisienne dans ce qu’on appelle parfois avec une pointe de mépris “nos quartiers populaires”.

Elle est entrée au CNRS comme directrice de recherche en 1989, et en 2000, elle a été élue sur la chaire d’histoire du judaïsme moderne de l’École pratique des hautes études (Sorbonne). Ses champs de recherche sont connus: histoire des Juifs en terre d’Islam, du sionisme, du judaïsme français, histoire comparée des minorités. Elle a écrit et dirigé une trentaine d’ouvrages sur ces sujets, lui ayant valu une reconnaissance internationale.

Que reproche-t-on, en fait, à Esther Benbassa? Ses engagements. Comme intellectuelle publique, d’abord, comme militante associative ensuite, comme politique enfin. Forte de son expertise, libre de toute attache communautaire, hermétique à toute forme de radicalité idéologique, et gardant en toute circonstance une franchise et une clarté sans faille, lauréate 2006 du prix Seligmann contre le racisme, Esther Benbassa se bat depuis des décennies contre l’antisémitisme et tous les racismes, islamophobie comprise, contre toutes les formes de discrimination, pour le respect des droits des minorités. Pour une solution juste du conflit israélo-palestinien et pour retisser les liens d’un dialogue judéo-musulman.

Depuis son entrée tardive en politique, en 2011, Esther Benbassa est sur tous les fronts. Mariage pour tous, PMA pour toutes, LGBT-phobies, violences faites aux femmes, personnes prostituées, monde carcéral, migrants, violences policières, abandon des Kurdes du Rojava, justice environnementale et justice sociale. Elle agit avec la même détermination au Sénat, et sur le terrain. Auprès des cheminots, des infirmières, des étudiants. Des Gilets jaunes, aussi, qu’elle a invités au Palais du Luxembourg dès le début du mois de décembre 2018, et qu’elle n’a jamais lâchés depuis.

Alors bien sûr, Esther Benbassa casse les codes et dérange les petits échanges feutrés ordinaires. Elle n’a pas peur du peuple. Elle est là pour les gens, les pauvres, les précaires, les racisés et les autres. Elle les écoute, elle leur parle. Et eux au moins la comprennent. Et respectent l’écharpe tricolore dont certains voudraient la dépouiller.

L’erreur d’Esther Benbassa est en fait de croire que tous ces combats n’en font qu’un. C’est d’incarner, avec d’autres et autant qu’elle le peut, cette “convergence des luttes” à laquelle une partie de la gauche a renoncé et qui fait peur à beaucoup d’autres, de LREM au RN. On pourra toujours se moquer de son accent. Esther Benbassa est une grande voix. Parce qu’elle est d’abord l’une des voix des sans-voix.

Les signataires de ce texte n’adhèrent pas forcément à toutes ses prises de positions, y compris sur la marche du 10 novembre. Ils ont pu avoir hier des débats avec elle. Ils en auront demain. Mais tous savent une chose. Cette voix-là ne doit pas se taire. Elle ne se taira pas.

Premiers signataires:

  • Clémentine Autain, députée FI de Seine-Saint-Denis
  • Guillaume Balas, coordinateur national Génération•s
  • Julien Bayou, porte-parole d’EELV
  • David Belliard, conseiller de Paris, EELV
  • Olivier Besancenot, NPA
  • Judith Butler, professeure à l’Université de Berkeley
  • Damien Carême, député européen
  • Aymeric Caron, journaliste et écrivain
  • Luc Carvounas, député PS du Val-de-Marne
  • Gabriel Cohn-Bendit, retraité de l’Education Nationale
  • Éric Coquerel, député FI de Seine-Saint-Denis
  • David Cormand, eurodeputé, secrétaire national d’EELV
  • Sergio Coronado, ancien député EELV
  • Rokhaya Diallo, journaliste, réalisatrice
  • Cécile Duflot, ancienne ministre
  • Didier Eribon, philosophe
  • Annie Ernaux, écrivaine
  • Elsa Faucillon, députée communiste des Hauts-de-Seine
  • Geneviève Garrigos, défenseure des droits humains
  • Cédric Herrou, Emmaüs Roya
  • Mémona Hintermann-Afféjée
  • Geoffroy de Lagasnerie, sociologue et philosophe
  • Sandra Laugier, professeure de philosophie à l’université Panthéon Sorbonne, membre de l’Institut universitaire de France
  • Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice Gauche Républicaine & Socialiste
  • Édouard Louis, écrivain
  • Noel Mamère, ancien député
  • Caroline Mecary, avocate au barreau de Paris
  • Frédéric Mestdjian et le Ralliement d’Initiative Citoyenne
  • Edgar Morin, sociologue, philosophe
  • Thomas Porcher, économiste
  • Sandra Regol, porte-parole d’EELV
  • Aron Rodrigue, professeur d’histoire, Stanford University
  • Malik Salemkour, président de la LDH
  • Danielle Simonnet, conseillère de Paris, FI
  • Sophie Taillé-Polian, sénatrice Génération•s du Val-de-Marne 
  • Mateo Alaluf, sociologue, professeur honoraire, Université Libre de Bruxelles
  • Arié Alimi, avocat au barreau de Paris
  • Pouria Amirshahi, président et directeur de Politis
  • Henri Arevalo, Bureau exécutif EELV
  • Mehdy Belabbas, Adjoint au Maire EELV d’Ivry
  • Annie Benveniste, anthropologue, Université Paris 8
  • Francine Bolle, docteure en histoire, maîtresse de conférences, Université libre de Bruxelles
  • Daniel Borrillo, maître de conférences, Université Paris 10
  • Etienne Bourel, anthropologue
  • Thierry Brochot, Trésorier, EELV
  • Marco Candore, auteur, réalisateur
  • Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités
  • Pascal Cherki, ancien député
  • Myriam Chopin, maîtresse de conférences en histoire médiévale
  • Jérémy Clément, Gilet jaune (de Montargis, Loiret)
  • Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var
  • Antoine Comte, avocat
  • Alain Coulombel, secrétaire national adjoint, EELV
  • Laurence de Cock, enseignante
  • Christelle de Cremiers, vice-présidente du conseil regional Centre-Val de Loire, EELV
  • Priscilla De Roo, économiste
  • Catherine Deschamps, professeure d’anthropologie à l’ENS d’architecture de Nancy
  • Josy Dubié, sénateur honoraire (Belgique)
  • Sophie Ernst, agrégée de philosophie
  • Éric Fassin, professeur de sociologie, Université Paris 8
  • Bastien François, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Alexandra Galitzine-Loumpet, anthropologue
  • Guillaume Gontard, sénateur Gauche-écolo de l’Isère
  • José Gotovitch, professeur honoraire, Université Libre de Bruxelles
  • Bernard Hours, anthropologue
  • Heinz Hurwitz, professeur émérite, Université Libre de Bruxelles
  • Alain Joxe, directeur d’Etudes (H) à l’EHESS
  • Cecilia Joxe, militante écologiste
  • Gaëtane Lamarche-Vadel, Revue Multitudes
  • Mathilde Larrère, historienne
  • Stéphane Lavignotte, théologien protestant
  • Hinda Lewi-Férault, psychiatre, psychanalyste
  • Valérie Marange, psychanalyste
  • Danièle Obono, députée FI de Pars
  • Anne Querrien, co-directrice de la rédaction de la revue Multitudes
  • Caroline Roose, eurodeputée
  • Monique Selim, anthropologue
  • Pierre Serne, conseiller régional d’Île-de-France
  • Denis Sieffert, journaliste à Politis
  • Philippe Stanisière, Bureau exécutif EELV
  • Michel Staszewski, professeur d’histoire retraité, membre de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB), Bruxelles
  • Marie Toussaint, eurodeputée EELV
  • Dan Van Raemdonck, professeur, Université Libre de Bruxelles 
  • Françoise Vergès, politologue, militante féministe antiraciste, auteure
  • Dominique Vidal, journaliste et historien
  • Jean Vogel, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles, Président de l’Institut Marcel Liebman
  • Salima Yembou, eurodeputée
  • Karoline Zaidline, artiste lyrique, Gilet jaune »
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La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

La revue réactionnaire Valeurs Actuelles a publié un hors-série sur l’Algérie française au mois d’octobre. L’historien Benjamin Stora y subit un portrait assassin. Il vient de rétorquer en dénonçant l’article à son sujet et une campagne « antisémite ». Le souci, c’est que l’article ne dit que des vérités : Benjamin Stora est bien « l’historien officiel » de l’Algérie française, passant savamment sous silence tout ce qui déplaît tant aux institutions qu’à la « seconde gauche ».

 

Benjamin Stora a dû être profondément vexé par les premières lignes de l’article de Valeurs Actuelles. C’est un assassinat politique :

« On a beau se promettre « pas le physique ! », la comparaison est édifiante. Sur la photo prise à l’université de Nanterre en 1970, le jeune militant d’extrême-gauche Benjamin Stora, âgé de vingt ans, ressemble aux innombrables Che Guevara peuplant alors les facultés : visage émacié, regard déterminé allure féline.

Près d’un demi-siècle plus tard, c’est un tout autre Stora, affichant désormais des allures de gros chat, et n’aimant rien tant que de poser pour la postérité dans une époque faite pour lui, et pour cause : il est de ceux qui l’ont façonnée. »

Il est en effet difficile de mentionner toutes les institutions auxquelles participent Benjamin Stora, il faudrait des pages. Lui-même en a beaucoup écrit : 50 ouvrages (et une dizaine de films). Cet enseignant universitaire est Officier de l’ordre national du Mérite, Officier de l’ordre des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’honneur, membre du jury du Prix du livre d’Histoire décerné par le Sénat, membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, président du Conseil d’orientation de l’Établissement public du Palais de la Porte dorée qui inclut la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (il va en démissionner pour se focaliser sur ses recherches), etc. etc.

Tout cela est bien éloigné de son engagement révolutionnaire comme membre de l’Organisation Communiste Internationaliste, dont il fut l’un des hauts dirigeants. Pas étonnant que Valeurs Actuelles se focalise dessus pour utiliser la figure du style de la prétérition (amenant à parler de quelque chose après avoir dit qu’on allait pas le faire) :

« Depuis, l’homme n’a pas seulement fait du gras, il a enflé. Un poussah pontifiant. Gonflé, au risque d’exploser, de cette mauvaise graisse ayant prospéré à la proportion de vanité qui n’a cessé de croître en lui à mesure que s’élevait son statut social. »

Tout cela est agressif – c’est du Valeurs Actuelles, tout simplement. La revue est célèbre pour son ton voltairien de droite utilisant des informations bien trouvées, ce qui en fait somme toute un Canard enchaîné inversé (et tout aussi vaniteux).

Benjamin Stora s’est donc fendu d’un long message, intitulé « A propos d’un article paru dans le hors-série de « Valeurs actuelles », octobre 2019 ». Il accuse l’article d’antisémitisme, ce qui est absolument ridicule.

Mais il en avait besoin pour tenter de parer à la critique de Valeurs Actuelles. Cette revue sait très bien que Benjamin Stora est au cœur du dispositif idéologique de la « seconde gauche », née justement en soutien unilatéral à l’indépendance algérienne et totalement opposée au PCF comme à la Gauche historique en général.

Benjamin Stora, lui-même juif pied-noir, a été un haut cadre de l’OCI, courant trotskiste ayant fourni un appui significatif au Mouvement national algérien de Messali Hadj. Benjamin Stora a fait justement sa thèse sur celui-ci, avant de travailler en collaboration Mohammed Harbi, un historien algérien qui était un des hauts cadres du FLN et justement proche du trotskisme.

D’où l’idéologie qui en ressort, croisement des idéologies des États français et algérien, avec comme accord tacite la main-mise de la « seconde gauche » sur le plan intellectuel quant à cette question :

  • la colonisation a été un processus meurtrier ;
  • il faut une repentance, mais également un esprit de réconciliation, dont les immigrés algériens en France sont une expression ;
  • on ne parle pas des massacres et des attentats réguliers contre les civils commis par le FLN ;
  • on ne parle surtout pas des questions démocratiques (femmes, place de la religion, forme gouvernementale) ayant avant l’indépendance algérienne fait que la Gauche historique n’a pas soutenu le FLN ;
  • au sujet des colons français on ne parle pas de la toute petite minorité de grands propriétaires terriens et on fait passer la grande masse, petite-bourgeoise et populaire, pour des arriérés finalement racistes.

Il ne faut pas s’étonner qu’avec tout ça, la Droite a un boulevard – et cela depuis 1962 d’ailleurs. C’est d’ailleurs clairement une année fatidique – car, à partir de cette année-là, la Gauche historique a pratiquement totalement perdu pied sous les coups de boutoir de la seconde gauche. Jamais la Gauche historique n’aurait vu en l’Algérie des colonels la « nouvelle Mecque de la révolution ».

> Lire également : Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Et depuis cette défaite de la Gauche historique, on a un activisme massif de l’ultra-gauche, avec un anticommunisme et un anti-socialisme virulents.

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Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Benjamin Stora dénonce un article à charge de la revue réactionnaire Valeurs Actuelles comme étant antisémite. C’est pathétique et il est dramatique que son communiqué ait été beaucoup relayé à Gauche.

Valeurs Actuelles est une revue incontournable quand on est de Gauche et qu’on veut faire de la politique, car c’est l’expression peut-être la plus avancée de l’ennemi. C’est une revue de haut niveau, exprimant la Droite voulant l’alliance avec l’extrême-Droite, dans un esprit néo-gaulliste toujours prompt à espérer en l’armée un recours efficace, etc.

Qualifier Valeurs Actuelles d’antisémite n’a donc aucun sens. D’ailleurs, vue son poids social et politique, si elle était antisémite, elle l’assumerait. On a ici des intellectuels, des grands bourgeois, des gens aux plus hauts postes de la société française et il ne leur viendrait pas à l’idée de ne pas assumer.

Benjamin Stora a donc tout faux. Quels sont ses arguments d’ailleurs ? Il dit la chose suivante :

« Cet article est antisémite, voici pourquoi.

C’est le portrait d’un homme avide d’ambition et d’honneurs qui est ici dressé, hantant les couloirs du pouvoir, à la recherche de récompenses. C’est une description s’inscrivant dans la tradition classique antisémite des « juifs de cour » que l’on pouvait lire dans la presse d’extrême-droite au moment de l’Affaire Dreyfus, par exemple à propos de Bernard Lazare.

C’est une attaque fondée sur une description de mon physique. Ma prise de poids, notion qui revient à trois reprises dans l’article, s’explique non par les épreuves traversées dans ma vie (la perte de mon fille victime d’un cancer, mes crises cardiaques, ou les violentes agressions venant du monde intégriste dans les années 1990), mais par ma progression dans les couloirs du pouvoir. Cette obsession sur mon poids suggère l’expression d’un enrichissement, qui peut également se lire dans la presse antisémite, appliquée par exemple à Adolphe Crémieux ou Léon Blum.

C’est une charge contre les intellectuels qui travaillent dans un cadre universitaire, donc qui fabriquent un « Système », et des histoires officielles. Là encore, la haine des intellectuels d’origine juive est une vieille recette, déjà appliquée à des hommes comme Jacques Attali (cité dans l’article). »

Ce type est historien ? On ne le croirait pas à le lire. La thèse antisémite des « Juifs de cour » n’a jamais existé en France, elle n’est propre qu’à là où il y a une cour… Il faut donc se tourner vers la Grande-Bretagne avec Benjamin Disraeli (le grand modèle du « juif de cour » d’ailleurs seulement d’origine juive) ou l’Autriche-Hongrie (avec l’importance de certaines banquiers juifs).

La thèse de la prise de poids associée à un enrichissement est tellement forcée qu’elle est pathétique. Valeurs Actuelles présente une thèse très simple dans son article, une thèse qu’elle affirme régulièrement : les anciens révolutionnaires font carrière et sont la caricature de leur jeunesse. C’est ce qui est fait là, tout simplement.

Le troisième argument est « la haine des intellectuels d’origine juive ». Benjamin Stora est ici ridicule. Il suffit de consulter les couvertures de la revue : on y voit régulièrement Eric Zemmour et bien souvent Alain Finkielkraut. La tendance de Valeurs Actuelles est d’ailleurs bien plus de pousser à faire basculer les Juifs à Droite toute en jouant sur la peur des Arabes.

> Lire également : La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

Benjamin Stora nuit donc puissamment à la lutte contre l’antisémitisme avec ses élucubrations. Quant aux 285 membres de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) qui ont « découvert avec consternation l’attaque nauséabonde de Valeurs Actuelles » contre Benjamin Stora, ils ne sont tout simplement pas sérieux. Espérons au moins qu’à l’époque ils se soient mobilisés contre Dieudonné. Mais on peut en douter.

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Écologie

La fondation « 30 Millions d’Amis » propose d’interdire la vente d’animaux en animaleries et par petites annonces

La Fondation 30 Millions d’Amis a publié récemment un document consistant en 10 propositions qui sont des « pistes législatives » pour lutter contre l’abandon d’animaux.

La mesure la plus marquante est l’interdiction de la vente d’animaux en animaleries et par petites annonces. Cela peut paraître étrange pour une personne ne s’étant jamais intéressée de près à l’abandon des animaux. C’est au contraire une mesure qui paraît évidente et indispensable pour toutes les personnes s’investissant dans les refuges et qui sont confrontées à cette masse de compagnons abandonnés par des gens sans scrupules.

Les animaleries, en plus de servir de vitrine à des trafics sordides ayant lieu en arrière-plan, favorisent les achats compulsifs par des familles qui repartent avec un animal comme on repart avec un jouet d’une grande surface. L’idée d’établir un permis de détention d’animal de compagnie semble ici être une mesure indispensable, comme base pour encadrer de manière efficace et positive la vie des animaux de compagnie dans notre pays.

Les dix mesures proposées par la Fondation 30 millions d’amis sont en tous cas une base de travail très utile, qui devrait être étudiée de très près par gouvernement démocratique et populaire porté par la Gauche, en vu d’établir un arsenal législatif puissant pour lutter enfin contre les trafics, les abandons et la maltraitance des animaux de compagnie.

« Les 10 pistes législatives de la Fondation 30 Millions d’Amis pour lutter contre l’abandon

100 000 animaux de compagnie sont abandonnés tous les ans, dont 60 000 pendant la période estivale. Pour lutter contre ce fléau, la Fondation 30 Millions d’Amis – qui a placé la lutte contre l’abandon au rang de ses priorités – propose 10 pistes législatives concrètes. Elles ont été adressées au ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, ainsi qu’aux 240 parlementaires qui se sont mobilisés sous l’égide du député Loïc Dombreval et du sénateur Arnaud Bazin, à la suite de la campagne de la Fondation contre l’abandon.

Acquisition / détention

1. Animaleries : Interdire la vente de tous les animaux de compagnie, qu’il s’agisse de chiens, de chats, de lapins, de rongeurs ou autres « nouveaux animaux de compagnie » (NAC) dans les animaleries.
L’animal, considéré comme un être vivant doué de sensibilité dans notre Code civil, ne devrait pas être présenté en vitrine telle une marchandise. Les animaleries peuvent être alimentées par des fermes-usines produisant des animaux par milliers, voire par un trafic venu de pays de l’Est. La Fondation 30 Millions d’Amis propose de suivre l’exemple de la Californie, où ces établissements proposent uniquement des animaux issus des refuges.

2. Petites annonces : Interdire la vente d’animaux de compagnie par petites annonces, qu’elles soient imprimées ou publiées sur des plateformes de vente en ligne.
Selon l’ordonnance du 1er janvier 2016, tout individu désirant vendre un chiot ou un chaton par petite annonce doit se déclarer auprès de la chambre d’agriculture afin d’obtenir un numéro SIREN. Compte-tenu du nombre d’escroqueries et de faux numéros de SIREN utilisés, cette réglementation ne suffit pas. La Fondation 30 Millions d’Amis propose donc une interdiction pure et simple de la vente d’animaux par petites annonces.

3. Trafics : Interdire la vente des chiens non inscrits au LOF (Livre des Origines Françaises).
Importés en France depuis l’étranger, notamment des pays de l’Est, les chiens non inscrits au LOF sont souvent issus des trafics d’animaux. Près de 100 000 chiots et chatons sont illégalement importés en France chaque année, avec des documents falsifiés.

4. Permis : Instaurer un permis de détention d’animal de compagnie, délivré au moment de l’acquisition, associé à un fichier central national et lié à la carte nationale d’identité. Il sera retiré à toute personne coupable d’abandon ou de maltraitance, qui ne pourra plus acquérir de nouveau un animal.
Un tel système existe déjà pour les chiens de sécurité, pour lesquels les agents disposent d’une carte professionnelle associée au numéro d’identification de l’animal (fichier central géré par le CNAPS).
Remarque : La Fondation 30 Millions d’Amis ne propose pas d’instaurer une taxe sur la détention d’un animal de compagnie, considérant que cela inciterait les propriétaires à faire des portées pour « rentabiliser » leur animal.

Prévention / Sensibilisation

5. Stérilisation : Rendre obligatoire la stérilisation des chats non inscrits au LOF (Livre des Origines Françaises).
Les chats se reproduisent à un rythme effréné : à partir d’un seul couple, on obtient au bout de 4 ans un total de 20 736 individus. Statistiquement, environ 5000 d’entre eux trouveront un foyer. Les autres vivront en refuge ou s’installeront sur un terrain avec d’autres « chats libres ». Ces derniers meurent souvent de maladies, finissent écrasés sur la route, et se reproduisent à leur tour.

6. Education : Sensibiliser les enfants à leur responsabilité envers les animaux dans les programmes scolaires, notamment en classe primaire.
Véritable enjeu de société, le respect des animaux doit se développer dès le plus jeune âge. Un apprentissage primordial pour lequel l’Éducation nationale devrait prendre toute sa part. La Fondation 30 Millions d’Amis a contribué à l’élaboration d’un livret pédagogique pour sensibiliser les élèves d’école primaire à la protection des animaux.

7. Personnes âgées : Les établissements chargés de l’accueil des personnes âgées ou dépendantes doivent accepter le résident, accompagné de son animal qui est bien souvent son dernier compagnon de vie.

Répression

8. Identification : Identifier son animal est une obligation. Or, les contrôles sont insuffisants. Les associations de protection animale et les vétérinaires devraient être assermentés pour renforcer ces contrôles et sanctionner les propriétaires qui ne font pas identifier leur animal de compagnie.
En Angleterre, la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA) est assermentée pour contrôler et sanctionner le défaut d’identification des animaux.

9. Vacances : Interdire aux lieux de villégiature (hôtels, locations saisonnières…) de refuser les animaux de compagnie, et ce, sans surcoût indécent facturé au vacancier (« supplément animal »).
La Fondation 30 Millions d’Amis propose toutes les solutions pour organiser aux mieux les vacances des animaux, avec ou sans leur propriétaire. Notre plateforme nosvacancesentreamis.com propose des conseils et de nombreuses informations pratiques.

10. Justice : Renforcer et faire appliquer les peines encourues en cas d’abandon d’un animal de compagnie.
Il est anormal que l’abandon, les actes de cruauté et les sévices soient seulement punis de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende, alors que le vol d’un meuble est aujourd’hui puni de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. La Fondation 30 Millions d’Amis demande donc que tous ces délits soient également passibles de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, et que ces peines soient appliquées avec rigueur. »

> Lire également : Les animaux abandonnés en été, une catastrophe de grande ampleur

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Société

Le maréchal Juin n’a pas été un antinazi

La dégradation d’un monument au maréchal Juin lors de « l’anniversaire » de la première manifestation des gilets jaunes est stupide. Mais le définir comme un antinazi car il a dirigé l’armée française aux côtés des Alliés est totalement faux.

Alphonse Juin est resté une figure de « l’État français » de Pétain jusqu’au bout, avant de changer de camp au moment du grand renversement des rapport de force sur le front occidental de la Seconde Guerre mondiale.

Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès du ministère des Armées, a condamné en les termes suivants la dégradation du monument en l’honneur du maréchal Juin :

« Écœurée et scandalisée par cette nouvelle dégradation des symboles de notre Mémoire nationale. Le Maréchal Juin et tous ses soldats ont combattu le nazisme et se sont battus pour notre liberté. Aucune cause ne justifie de tels actes, aucune. »

Le souci dans cette affirmation, c’est qu’Alphonse Juin a combattu les Allemands, certainement pas le nazisme, et encore l’a-t-il fait très tardivement. C’est même la grande figure de ces hauts cadres de l’État français de Pétain qui, à partir de 1943, changent de camp. Ce n’est pas la conviction qui les a poussé à cela, mais la défaite de l’Allemagne nazie.

Il suffit de regarder l’évolution d’Alphonse Juin. En 1938, il est général de brigade. Lors de la défaite française de 1940, il est emprisonné par les Allemands. L’État subordonné à Pétain le nomme alors général de division et parvient à obtenir sa libération en juin 1941.

C’est un pétainiste, on pense même à lui pour le ministère de la guerre ! Finalement en juillet il devient adjoint au général commandant supérieur des troupes du Maroc et en novembre général de corps d’armée, commandant en chef des forces d’Afrique du Nord.

À ce titre, il est en étroit rapport avec l’armée allemande, avec qui bien entendu il entre relativement en conflit, puisque sa ligne est comme celle de Pétain. L’idée est de profiter de la situation pour la France, autant que possible, tout en acceptant donc de se subordonner à l’Allemagne nazie. Il cherche à préserver « l’empire français » coûte que coûte.

Lors du débarquement allié en Afrique du Nord, il s’y oppose donc. Il est même arrêté par des résistants, mais parvient à s’en libérer. Il s’oppose aux Américains mais comme parallèlement l’État français de Pétain est finalement balayé par les Allemands, il accepte de rejoindre les Alliés.

De Gaulle le nomme alors à la tête du corps expéditionnaire français en Italie, regroupant 112 000 soldats. Il gère avec succès la bataille de Monte-Cassino et il devient en 1944 le chef d’état major et ce jusqu’en 1947 ! Il entre dans Paris aux côtés de De Gaulle et sera le seul général de la Seconde Guerre mondiale à être nommé maréchal.

Le souci, cela avait évidemment été le procès du maréchal Pétain. De Gaulle fait en sorte de l’envoyer en Allemagne pour éviter qu’il ne soit présent et ne le soutienne. Cela n’empêchera pas Alphonse Juin d’écrire un message en sa faveur !

Il est ensuite résident général au Maroc de 1947 à 1951, puis de 1951 à 1956, commandant en chef du secteur Centre-Europe de l’OTAN. Il est même nommé à l’Académie française en 1953 !

Et de 1954 à sa mort en 1967, il est président du Comité de patronage de la Revue Défense nationale, tout comme il est à partir de 1955 président d’honneur de la Société nationale des anciens et des amis de la gendarmerie.

Avec un tel parcours, le jour où un régime de Gauche existera en France, il va de soi que ce personnage passera à la trappe. Il est l’exemple même du militaire au service de la France capitaliste, sans états d’âme, sans morale aucune. Il n’a jamais été un combattant du nazisme – quelqu’un qui négocie avec quelqu’un comme Goering pour savoir comment placer des soldats est un collaborateur. Il symbolise également toute la continuité du pétainisme dans l’appareil d’État français.

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Politique

Gilets jaunes: un «anniversaire» raté

Les gilets jaunes avaient promis de célébrer leur première année d’existence de manière volontaire et efficace. Cela a bien entendu été une déroute de plus, avec même une qualité supérieure dans la défaite.

La France frémit, cela commence à bouillir et pourtant il n’y a pas eu de mobilisation favorable aux gilets jaunes. La lutte de classe reprend ses droits et la parenthèse « jaune » se referme.

Quelques centaines à Toulouse, 500 à Saint-Étienne, autour d’un millier à Marseille, Nantes et Lyon, 1500 à Montpellier, 1800 à Bordeaux, quasiment 5000 à Paris, 28 000 en tout. C’est extrêmement peu, mais les gilets jaunes n’ont jamais été vraiment nombreux de toutes façons, malgré tout le bruit qui a été fait autour d’eux. Ils n’ont pas non plus eu une quelconque influence dans la société française.

Jamais les ouvriers ne se sont tournés vers eux. Ils n’ont pas donné naissance à un style de lutte, ils n’ont pas donné naissance à des grèves, ils n’ont pas donné naissance à des dirigeants politiques. Ils en sont restés au niveau d’une passion française, le psychodrame.

Eux-mêmes sont le premier à le reconnaître : rien n’a changé au bout d’un an. Ils ne se remettent pas en cause pour autant, ce qui va renforcer de manière significative le populisme et l’antisémitisme. Il faudra bien expliquer par un « complot » l’échec complet, puisque les luttes de classes sont refusées.

Quant à l’ultra-gauche, elle a réussi à organiser de la casse, mais cela fut encore quelque chose de totalement ritualisé. Il y a bien eu des tentatives de sortir de cela à Paris, en occupant la salle de concert désaffecté La Flèche d’or pour en faire une « maison » contestataire ou en manifestant par surprise à 200 au niveau de la galerie commercial des Halles. Cela n’a pas fonctionné, car la police française a une stratégie bien précise : pas d’intervention sauf dans le cas où c’est « constructif ».

C’est cela que n’ont toujours pas compris les casseurs de Nantes ou de place d’Italie à Paris, réussissant divers feux de poubelle, quelques barricades sur le tas, des bris de vitrines, des graffitis divers, etc. L’État a laissé couler, sachant que là où il n’y a pas de proposition politique, tout est vain.

Nous revoilà d’ailleurs dans la même situation grosso modo qu’avant la fusion des socialistes français en 1905. On a des syndicalistes braillards, des anarchistes casseurs, une gauche électoraliste et un peuple qui reste totalement à l’écart de tout cela.

La grande question est de savoir maintenant ce qui va se passer en décembre, dans quelle mesure le cœur populaire du pays va se mettre en branle ou pas. Il est en tout cas déjà clair que la proposition stratégique des gilets jaunes a été réfuté par le peuple. C’est déjà donc indirectement un pas en avant vers une forme politique, de gauche, s’ancrant dans les valeurs du socialisme.

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Culture

Chaleur pop/rap pour l’automne 2019 (nouvelle playlist)

Un peu de chaleur pop/rap pour l’automne avec cette nouvelle playlist marquée par la jeunesse et le style.

Les clips sont à chaque fois accompagnés d’une petite présentation. Comme d’habitude, la playlist sera disponible pendant quelques semaines en lecture automatique avec le service streaming de votre choix via le lecteur de la colonne de droite (version web) ou en bas de la page d’accueil (version mobile).

Enjoy !

Un son très puissant avec « Rebelle » de Raja Meziane qui, depuis la République tchèque où elle est réfugiée en raison de son engagement contre le régime, est une des figures musicale de la jeunesse algérienne en pleine affirmation avec le Hirak. « Je me rebelle et tu avales la poubelle », dit le refrain !


Très engagé également, le son de Danitsa envoyant joyeusement balader « mister business » qui pense qu’elle est jeune bête. Elle scande haut et fort que sa musique n’est pas à vendre et cela avec beaucoup de style. Girl power !


Une petite scène de vie intime pour ce très esthétique clip d’Hatik illustrant « M’attends pas », un son très moderne typique du rap français du moment, indéniablement aérien et mélodique.


On imagine mal comment la carrière de la toute jeune Sally, originaire de Cholet, pourrait ne pas décoller rapidement ! « VRILLE » est un titre pop d’une grande qualité, annonçant probablement le style de la prochaine décennie. Le débit est puissant, le propos touchant et le refrain s’installe si bien dans la tête : « Alors je vrille, je vrille Pendant que tu brilles Je vrille, je vrille Pendant que tu brilles… » On ne s’en lasse pas !


Encore une pop/rap très chaleureuse avec « Dilemme » de Lous and The Yakuza, qui expriment ses tourments dans un clip à la touche artistique très prononcée. La musique est de grande qualité avec une véritable maîtrise du chant. Née au Congo, Lous est arrivée très jeune en Belgique avec sa famille réfugiée, puis a passé son adolescence au Rwanda. De retour en Belgique à 16 ans, elle est mise à la porte de chez elle à 19 ans et connaît une situation très compliquée avant de se faire une place dans la scène underground bruxelloise aux côtés d’artistes comme Damso ou L’or du commun. Tournée tant vers le métal que le reggae, la chanson française ou encore la culture japonaise et notamment les mangas, elle incarne un véritable métissage culturel.


On ne présente plus Billie Eilish qui a déjà séduit des millions d’adolescents à travers le monde avec sa pop incroyablement bien ficelée. Pour l’anecdote, elle est vegan et engagée pour cette cause.


À l’origine des Pirouettes, il y a une histoire d’amour qui a été chantée dans un EP et deux albums. Ils se sont séparés et l’ont annoncé publiquement, tout en voulant continuer le groupe. Dans ce titre absolument délicieux de part sa mélodie et son rythme formidablement bien organisé, vicky raconte ses « plis du coeur » avant l’inévitable rupture… Triste, mais beau.


Avec « Sugar Honey Iced Tea (S.H.I.T.) », la new-yorkaise Princess Nokia retourne à un rap old school très incisif à l’image de ce qu’elle avait proposé dans l’excellent album 1992 Delux. Le titre est donc très pop et il est illustré ici par un clip au ton humoristique, dont on comprendra aisément le message. Pour l’anecdote, elle évoque dans le second couplet une scène dont la vidéo a fait un petit buzz à New-York. Dans le métro, elle avait pris la défense d’un groupe d’ados qui était invectivé par un homme ivre et tenant des propos racistes. Elle avait alors entraîné les personnes autour d’elle pour le dégager par la force de la rame, avant de lui jeter le reste de sa soupe chaude à la figure !


La techno hardstyle et les sons issus du gabber sont très joués ces derniers temps dans les clubs français. La jeunesse urbaine découvre ou redécouvre ce son très rude, qui est ici excellemment bien adapté à la manière pop par le groupe Bagarre qui envoie joyeusement balader la merde ambiante. Au revoir !

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Politique

Les communiqués syndicaux appelant à la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites

La grève du 5 décembre prochain contre le projet de réforme du système des retraites s’annonce massive. Les syndicats et notamment la CGT prévoient dore et déjà une forte mobilisation, ainsi qu’un grand soutien de l’opinion publique.

Rappelons que les préavis déposés concernent tous les secteurs : ce sont l’ensemble des salariés qui sont appelés à se mobiliser. Si une paralysie complète des transports est envisagée, le succès de la grève dépendra évidemment de sa généralisation.

Voici le communiqué intersyndical. Rappelons que s’il est parlé d’une « première journée de grève » avec l’idée de mobiliser ensuite, les préavis déposés sont reconductibles et de nombreuses assemblées générales de grévistes sont déjà prévues.

« Les organisations syndicales et de jeunesse s’engagent à construire un plan d’action contre le projet de réforme de retraites par points et pour gagner un renforcement, une amélioration du système actuel de retraites solidaire et intergénérationnel.

L’émergence et la construction de luttes dans les différents secteurs professionnels, montrent la nécessité d’apporter des réponses aux salarié-es en termes d’emploi, de salaires, d’égalité entre les femmes et les hommes, de conditions de travail… Autant de sujets qui sont étroitement liés aux questions de la retraite et que l’actuel projet de réforme gouvernemental aggravera.

Les organisations vont initier et impulser des assemblées générales sur les lieux de travail et d’études, des débats publics sur tout le territoire, des interpellations des élu-es locaux et nationaux, des initiatives de sensibilisation de toute la population pour échanger sur la réforme et sur les modalités d’actions et de riposte collective.

Les organisations syndicales et de jeunesse (CGT, FO, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNL, UNEF) appellent l’ensemble des salarié-es du secteur privé comme du secteur public, des retraité-es, des privé-es d’emploi, des jeunes, a une 1ère journée de grève interprofessionnelle le jeudi 5 décembre 2019. »

Voici également l’appel du Comité confédéral national de la CGT :

« Retraites, Emplois, Salaires, Conditions de travail… En grève dès le 5 décembre, agissons pour le progrès social !

Partout en France, les luttes en cours contestent les choix politiques du gouvernement, des directions d’entreprises et du patronat. Augmentations salariales, amélioration des conditions de travail, diminution du temps de travail, maintien et développement de l’emploi, défense des services publics, égalité femmes/hommes, reconquête de l’industrie et de notre protection sociale constituent les principales revendications.

Le gouvernement mène une politique au service exclusif des riches et de la finance. Sa politique vise la remise en cause des conquis sociaux et des solidarités. Il met en opposition travailleurs/travailleuses et privé-e-s d’emploi, actifs/actives et retraitée-s, ouvriers/ouvrières ou employé-e-s et cadres, salarié-e-s du public et du privé, celles et ceux qui sont aujourd’hui dans le monde du travail et celles et ceux qui y seront demain…

Le gouvernement tente aussi de faire diversion en instrumentalisant la question de l’immigration, envisageant l’instauration d’une « immigration choisie » et de « quotas d’immigration »… Des thèmes qu’il empreinte sans retenue à l’extrême-droite en pleine polémique lancée sur la question du port du voile et de l’Islam.

Malgré un rapport du défenseur des droits qui révèle l’ampleur de la discrimination dans les entreprises et administrations, le pouvoir politique conjugue répression syndicale et atteinte au droit de manifester. Il rend possible, voir incite à des situations de discrimination et de répression syndicale dans les entreprises et les administrations. Il porte atteinte à la démocratie sociale et refuse de répondre aux aspirations exprimées par le monde du travail.

Le CCN de la CGT appelle l’ensemble des travailleurs/travailleuses, des privé-e-s d’emplois, des retraité-e-s et la jeunesse à se mobiliser partout en France, par la grève, la mobilisation et la participation aux manifestations, le 5 décembre prochain.

D’ici le 5 décembre, le CCN de la CGT appelle à poursuivre la construction de l’action par la tenue d’Assemblées Générales dans les entreprises, les services publics et les administrations, pour que les salarié-e-s et agent-e-s décident, sur la base de leurs revendications et dans l’unité, des modalités des actions, de la grève, de sa reconduction pour un mouvement qui s’inscrit dans la durée afin de gagner le progrès social.

Le 6 décembre, une intersyndicale nationale se tiendra, les syndicats sont invités à organiser des Assemblées Générales unitaires afin de décider collectivement des suites de la mobilisation.

Le 7 décembre, le CCN invite à participer massivement à la manifestation nationale contre le chômage, la précarité et pour une reconquête de la sécurité sociale protégeant des risques de la vie. Il invite aussi aux initiatives locales qui seront organisées sur le territoire.

La convergence des mobilisations sociales est une nécessité pour gagner sur les revendications. Elle doit se faire avec toutes les organisations syndicales qui portent cette même aspiration ainsi qu’avec l’ensemble des forces politiques de progrès, le monde associatif et les mouvements citoyens, à l’instar de l’appel à la convergence des Gilets Jaunes dans leur déclaration du 3 novembre dernier.

Les ingrédients sont réunis pour réussir un grand 5 décembre, ce qui donnera le ton des suites de la mobilisation.

Les mobilisations et grèves du 5 décembre porteront l’exigence du rejet « en bloc » du projet gouvernemental de réforme des retraites qui impactera fortement, durablement et négativement le niveau des pensions de toutes et tous, que l’on soit issu du secteur public ou du secteur privé.

La CGT se bat pour une autre réforme des retraites et porte un ensemble de revendications, notamment : un départ à taux plein à 60 ans, une prise en compte des pénibilités, des années d’études et de précarité, une augmentation générale des pensions…

Si la loi contraint le secteur public et les services publics à la pose de préavis de grèves et/ou de déclarations préalables, il n’en est rien pour les salarié-e-s du secteur privé qui peuvent librement cesser le travail, s’organiser et participer aux manifestations.

Ce combat est celui de toutes et tous, car ce projet de réforme est l’incarnation d’un choix de société où les solidarités laissent la place au « chacun pour soi », où l’insécurité sociale l’emporterait sur notre sécurité sociale.

Montreuil, les 5 et 6 novembre 2019 »

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Politique

La médiocrité petite-bourgeoise a contaminé la Gauche

La Gauche a toujours assumé la grandeur d’esprit, un regard historique plein d’ampleur, l’exigence de la raison, ainsi que le besoin d’un haut niveau de connaissances. L’ancrage social de la petite-bourgeoisie en France a amené celle-ci à faire une irruption dans la Gauche qui a anéanti tout cela, au nom d’un pragmatisme censé amener des résultats, mais ne provoquant que défaites et populisme.

Il a toujours existé en France une tradition populiste, dont l’expression la plus développée fut le syndicalisme révolutionnaire. La politique, cela ne servirait à rien, il faudrait faire simple, le plus simple possible, se mettre au niveau le plus bas, pour toucher le plus de monde possible. Vouloir une organisation avec des positions très développées serait contre-productif et même carrément nocif, car faisant triompher les intellectuels.

Malgré cette prétention syndicaliste révolutionnaire – ou syndicaliste tout court puisque le syndicalisme français vient de là – il n’a jamais existé en France de structure populaire atteignant une ampleur massive. Les syndicats actuels se veulent ainsi représentatifs de tous les travailleurs, mais leurs adhérents ne forment qu’un nombre limité. Et cela a toujours été le cas.

Qui plus est, au nom d’être en mesure de s’adresser à tous les travailleurs, cette approche réduit toute la réflexion à sa portion congrue, évitant tout « intellectualisme », mais permettant alors en réalité le succès de la médiocrité petite-bourgeoise.

Le style pastis-merguez de la CGT n’est en effet nullement populaire. Quand on s’organise en tant qu’ouvrier on fait les choses sérieusement – ou bien on ne les fait pas. Se comporter de manière dilettante est un luxe qu’aucun ouvrier ne s’accordera, ou alors il le fera dans son temps libre, et pas pour s’occuper de politique ou d’économie ou quoi que ce soit encore. C’est d’ailleurs pour cela que les ouvriers restent à l’écart de tout cela, que depuis les années 1950-1960 ils évitent la politique.

La seule grande politique ouvrière qui restait, c’était la CGT, mais dans un grand compromis avec le vécu petit-bourgeois, faisant du petit-bourgeois pavillonnaire le grand objectif d’élévation sociale des ouvriers. Seule une poignée de mouvements « gauchistes » ont essayé, avant et surtout à partir de mai 1968, de provoquer des électro-chocs, pour aller de l’avant du côté ouvrier. Comme on le sait, ce fut un échec.

Et on se retrouve maintenant avec une Gauche lessivée sur le plan des idées, avec une tradition ouvrière de cinquante années à ne rien faire, avec une petite-bourgeoisie disposant de décennies de vécu, mais n’ayant toujours pas de constance, de caractère. Ce qu’elle est vaniteuse, pourtant ! La Gauche aurait dû démolir directement les gilets jaunes, en disant : quoi, vous prétendez du jour au lendemain et sans efforts faire mieux que Léon Blum et Maurice Thorez, que Jean Jaurès et François Mitterrand, que Georges Marchais et Henri Krasucki ?

Cela ne fait pas forcément rêver, dirons certains. Peut-être, mais dans tous les cas la classe ouvrière a les dirigeants qu’elle mérite. Ceux-ci sont forcément à son image et ce n’est pas en visant un socialisme par l’intermédiaire des municipalités et des départements qu’on s’ancre dans l’Histoire.

Voilà pourquoi, alors que des défis historiques se posent en France, on va au désastre ! À moins de reconstituer la Gauche historique sur une base solide, avec des exigences de haut niveau, en imposant à la petite-bourgeoisie qu’elle soit soumise, qu’elle cesse de contaminer sa médiocrité.

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Société

Communiqué de la librairie Meura après le scandale des livres déchirés à la Faculté de droit de Lille

Voici le communiqué publié par la librairie Meura juste après le scandale des livres déchirés à la Faculté de droit de Lille. Ce communiqué est d’une grande dignité face à cet acte consternant, de la part de certains étudiants assumant un nihilisme insupportable tellement il est rétrograde, pour ne pas dire fascisant.

« Le 12 novembre, François Hollande était invité à la Faculté de droit de Lille, à l’occasion de la parution de son dernier livre.

La librairie Meura a été sollicitée pour vendre ce livre dans l’amphithéâtre. Nous avons préparé la rencontre avec la librairie L’Affranchie. L’ampleur des réservations annonçait un événement que nous n’aurions pu supporter seule. Alors nous avons allié nos forces.

Avant l’arrivée de l’auteur, l’amphithéâtre a été envahi par des manifestants. Certains se sont immédiatement saisis des livres disposés sur la table et ont commencé à les déchiqueter. L’espace dédié aux libraires a été saccagé.

Lorsque je me suis approchée des manifestants, dans l’espoir de sauver les 3 cartons restants, rangés sous le stand, j’ai expliqué que ces livres étaient fournis par des libraires, qui plus est indépendants et petites.

On m’a répondu avec un grand sourire et un haussement d’épaule : « elle se fera rembourser! ».

Je me suis éloignée quand j’ai constaté qu’en quelques secondes, ces cartons ont été aspergés de café.

J’ai assisté à la destruction méthodique de tous les exemplaires disponibles, au piétinement et à la disparition de notre matériel.

Parmi les manifestants, plusieurs se sont ensuite désolidarisés de leurs camarades et sont venus s’excuser ou manifester leur soutien. Je les en remercie.

Mais je n’oublierai pas que certains ont trouvé normal de détruire des livres. En justifiant le geste de déchiqueter chaque livre par la situation dramatique de ce jeune homme à Lyon.

Comment faire entendre notre parole dans ce cas, sans apparaître comme un petit boutiquier plus occupé à pleurer un bien matériel qu’à se battre pour une vie humaine?

En justifiant le geste d’arracher les pages des livres une à une par le refus de discuter avec un auteur honni.

Comment continuer à travailler dans une librairie, indépendante, spécialisée, s’il n’est plus envisageable de parler avec ceux qu’on abhorre? La démocratie exige l’échange. La vie en communauté passe par la coexistence avec ceux que tout nous oppose.

Notre métier n’a pas de sens s’il ne permet pas la discussion des contraires et la formation d’esprits libres.

Pour une librairie de sciences humaines, c’est même son essence. La discussion des idées, la contradiction dans la discussion.

En justifiant enfin le geste de faire disparaître des livres par notre participation au système capitaliste. Nous sommes des commerçants, certes. Des libraires. Le commerce le moins rentable de France. Des libraires indépendants. Qui savent travailler ensemble si nécessaire. Parce que nous sommes des économies fragiles, nous savons l’importance du collectif.

Nous savons qu’à plusieurs, nous unissons des forces et pallions nos faiblesses. Des libraires qui défendent des fonds difficiles, exigeants. Pour qui la rentabilité n’est qu’un outil au service d’une belle idée: la liberté de penser. Qui faisons vivre nos lieux à bout de bras, à bout de doigts. À bout de souffle.

Les assurances ne prendront pas en charge le dommage. En revanche, l’Université a immédiatement fait savoir qu’elle nous soutiendrait. Cela semblera peut être normal pour le grand révolutionnaire en peau de lapin qui m’a répondu avec ce grand sourire. Il pourra s’acheter ainsi une bonne conscience à peu de frais pour lui.

Les faits sont là. Des livres ont été détruits.

En toute conscience. Par des personnes qui ont été à l’école et qui n’ignorent donc pas l’histoire.

Nous ne souhaitons ni amalgame, ni généralisation. Nombreux ont été ceux, sur le moment, à nous manifester leur soutien.

Mais je ne pensais pas vivre en France en 2019 la destruction de livres.

Évidemment que la perte de livres n’est rien en comparaison des situations difficiles que traversent beaucoup de personnes.

Mais je suis heureuse que Soazic Courbet, de la librairie l’Affranchie, ni aucun autre libraire n’ait assisté à ce qui s’est passé. Les violences symboliques sont, ils me semblent, tout aussi insupportables.

Il est tout aussi insupportable de penser à tous ceux qui vont allègrement récupérer cet événement.

Nous remercions tous ceux qui nous ont apporté leur soutien. Y compris ceux qui mettent en place des actions de collectes ou incitent à venir dans nos librairies (vraiment, n’oubliez pas l’Affranchie, notre partenaire d’infortune).

Sincèrement.

Mais nous rappelons que l’essentiel, hier, ne pourra pas être racheté avec des espèces sonnantes et trébuchantes.

Une plainte va être déposée prochainement. »

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Société

La mobilisation du personnel hospitalier jeudi 14 novembre

La grande manifestation d’hier jeudi 14 novembre 2019 a réuni des milliers de personnels soignants à Paris et dans plusieurs villes, malgré l’assignation de nombreuses personnes dans les hôpitaux. « L’hôpital n’est pas une entreprise », disent les manifestants !

Cela fait maintenant plusieurs mois que la colère gronde dans les hôpitaux et notamment les services d’urgence. Le collectif Inter-Urgences, qui regroupe surtout le personnel aide-soignant et infirmier, est mobilisé depuis le mois de mars, avec de nombreux services d’urgence en grève.

La mobilisation s’est maintenant élargie avec un collectif inter-hôpitaux, ne regroupant plus seulement les urgences.

Voici un rappel des revendications du mouvement par Candice Lafarge, une porte-parole du collectif inter-urgences, interrogée pendant la manifestation par un journaliste :

Le collectif inter-hopitaux s’est réuni pour sa seconde assemblée générale à l’issue de la manifestation. Il a été question de la participation à la manifestation du 5 décembre prochain. Considérant que cette manifestation concernait le sujet des retraites et qu’il fallait en respecter le mot d’ordre, le choix a été fait à l’immense majorité de ne pas s’y joindre en tant que collectif hospitalier. Il a été rappelé toutefois que chacun était concerné par cette manifestation en tant que travailleur.

Une nouvelle assemblée générale sera organisée après les annonces prévues par le gouvernement la semaine prochaine.

Voici quelques photos publiées sur les réseaux sociaux de la manifestation, que l’on voit très festive et populaire !

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Société

Décès du cycliste Raymond Poulidor, figure populaire française

Raymond Poulidor, décédé ce 13 novembre 2019 à l’âge de 83 ans, est de ces figures françaises ayant traversé les générations et représentant quelque chose d’important dans le pays et au-delà. Champion cycliste, il incarne une tradition populaire des campagnes françaises où le cyclisme a été si important.

Raymond Poulidor, c’est une figure affable, appréciée comme une sorte de représentant de la France populaire et de ses valeurs. Si l’on parle souvent de lui comme un « éternel second » pour ses trois deuxième place (et cinq troisième place) au Tour de France, ce n’est pas par fascination pour la défaite.

Ce qui a plu en lui, c’est la volonté et l’abnégation qu’il représente, tout en restant une personne considérée comme simple, généreuse et ayant un sens moral. Il faut noter également sa fidélité à son équipe, qu’il n’a jamais quitté en 17 ans, chose qu’on imagine impossible de nos jours.

Raymond Poulidor n’est pas qu’un second du Tour de France : il a un très beau palmarès de coureur cycliste, sport trop souvent réduit à « la grande boucle ». Il a été champion de France, il a remporté des courses prestigieuses comme les classiques Milan-San Remo et la Flèche wallonne, les courses d’une semaine Paris-Nice et le Critérium du Dauphiné ou encore la course de trois semaines le Tour d’Espagne.

Issu d’une famille de métayers dans le Limousin, il représente tout à fait cette France des campagnes de l’après-guerre, qui filait vers la modernité. Le cyclisme, qui a d’abord été un sport urbain, s’est ancré dans les campagnes à mesure que les routes devenaient de plus en plus praticables.

Les fameuses courses de clocher, c’est-à-dire des courses cyclistes amateurs ou de jeunes organisées sur un petit circuit passant à de nombreuses reprises devant la place de l’Église d’un bourg, ont largement rythmé la vie des campagnes françaises durant la seconde moitié du XXe siècle. Il en existe encore de nombreuse dans l’Ouest de la France, surtout dans les régions Bretagne et Pays-de-la Loire.

Ailleurs dans le pays, les courses sont beaucoup plus rares du fait d’une grande érosion des effectifs. Le cyclisme a beaucoup souffert de la diversification de l’« offre » sportive, contrairement au football qui a sur rester énormément populaire chez les jeunes.

En plus de cela, il est de plus en plus difficile d’organiser des courses cyclistes, du fait des aménagements urbains – notamment les ralentisseurs en dos-d’âne ou des « haricots », et du nombre important de bénévoles requis.

Pour une course en circuit (en général des circuits de 5 km environ), il faut au moins une voiture suiveuse et une voiture ouvreuse, ainsi que des signaleurs à chaque intersection, pour arrêter les voitures et ne les autoriser à passer qu’entre les coureurs. Pour une course en ligne, c’est-à-dire partant d’un point A et arrivant à un point B sans rester sur un circuit (comme une étape du Tour de France par exemple), c’est encore pire : non seulement il faut des signaleurs aux principaux carrefours et dans chaque village traversé, mais en plus il faut des motards, qui anticipent la course en arrêtant les voitures en face, puis doivent doubler le peloton des coureurs pour de nouveau être disponibles pour arrêter les voitures en face ou signaler un danger sur la route, etc.

Il faut également une voiture ambulance, un médecin, des voitures pour transporter les commissaires (arbitres), des assistants sur le bord des routes pour passer les bidons et les voitures des équipes des coureurs, pour les dépanner ou les embarquer en cas d’abandon. Il faut ensuite sécuriser l’arrivée, un podium et un protocole, etc.

C’est une logistique énorme, bien plus que pour un simple match de football. Cela demande l’implication de nombreuses personnes bénévoles. À part pour les arbitres qui touchent une indemnité comme dans de nombreux sports, tout le reste de l’organisation est du travail gratuit. Même pour les courses de niveau national.

À une époque de replis sur soi et de délitement du tissu social, notamment dans les campagnes et les périphéries des villes, on comprend qu’il soit de plus en plus difficile de mobiliser ces gens, héros ordinaires donnant de leur temps pour le plaisir des jeunes et de la vie collective.

Raymond Poulidor, au-delà de la figure sportive médiatique, représente en fait beaucoup cela. On ne peut pas comprendre pourquoi il est encore si apprécié, si on ne connaît pas cet arrière-plan populaire lié au cyclisme, directement ou non.

Le Tour de France maintient en partie cette tradition, d’ailleurs Raymond Poulidor y était présent chaque année jusqu’à cette année et il disait sans hésiter qu’il en était accros, « comme une drogue » ! Cependant, l’engouement du Tour n’est qu’une exception épisodique du début de l’été, pour un sport qui intéresse très peu le reste de l’année, surtout dans sa pratique amateur (de haut niveau, pas de loisir) et jeune.

Aujourd’hui le sport cycliste (sur route) connaît une phase évidente de modernisation, mais qui ne vient pas de France. Il est en effet flagrant de voir à quel point en France ce qui relève de la culture populaire des campagnes (ou d’un ancrage ancien dans les quartiers anciennement populaires des villes, mais liés aux campagnes) est largement ostracisé.

Ailleurs, le cyclisme n’a pas cette image rurale et ringarde culturellement. Il est mis en avant de façon moderne, notamment par des marques ou différentes entreprises qui en font un vecteur de valeurs.

Finissons donc pour illustrer par cette jolie vidéo de la marque de vélo Canyon, qui met en scène justement le petit-fils de Raymond Poulidor, Mathieu Van Der Pool.

Les images le lient à son grand-père et à son père le néerlandais Adrie Van der Pool, lui aussi un champion cycliste. Mathieu Van Der Pool, 24 ans, est déjà bien connu par les suiveurs du cyclisme, notamment pour ses exploits hivernaux en cyclo-cross, sport extrêmement populaire dans les campagnes flandriènnes. Il est d’ailleurs champion du monde 2019 de cyclo-cross (également de VTT cross-country). Sur route, Mathieu Van Der Pool a déjà remporté la classique Amstel Gold Race et n’est pas passé très loin du titre de champion du Monde pour lequel il était un grand favoris.

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Politique

Le suicide n’est pas une forme politique

La tentative de suicide d’un jeune est une chose horrible, c’est un drame qui est une expression de désespoir. Cela ne saurait être autre chose. Y voir un caractère politique, comme avec la tentative de suicide d’un syndicaliste étudiant à Lyon, c’est accorder une valeur à l’autodestruction, ce qui est totalement étranger historiquement au mouvement ouvrier.

Le syndicalisme étudiant, en cherchant à mobiliser autour de ce drame, témoigne qu’il est définitivement passé dans le camp de la « Gauche » postmoderne et qu’il n’a aucune considération pour les classes sociales.

La Gauche a des responsabilités et il faut être absolument clair : le suicide et la grève de la faim sont des formes totalement étrangères au mouvement ouvrier. C’est une autodestruction, qui a toujours été réfuté comme étrangère au mouvement de l’Histoire. Il faut donc absolument tout faire pour éviter que des gens, par désespoir, par impression de se heurter à un mur, contourne le patient travail politique de gauche au profit d’une action autodestructrice « spectaculaire ».

En ces temps troublés, de faiblesse sur le plan des idées, ce genre d’actions est d’autant plus « fascinante », sans parler des réseaux sociaux qui en amplifie « l’écho ». Il y a donc lieu pour la Gauche de réfuter catégoriquement ce genre d’approches, d’empêcher que cela devienne une forme « acceptable ».

Il y a donc beaucoup de légèreté de la part de syndicalistes étudiants de la « Gauche » postmoderne à profiter d’un acte de désespoir pour récupérer la chose politiquement et tenter de faire du bruit au sujet de la précarité étudiante. Plusieurs jours après la tentative de suicide, ils cherchent à profiter de la juste émotion pour mobiliser. C’est là un jeu extrêmement dangereux, qui peut avoir des conséquences atroces. Intégrer un acte irrationnel comme le suicide dans un dispositif à prétention politique, c’est banaliser l’acte.

En agissant ainsi, on donne de la valeur à un tel acte, on reconnaît qu’il aurait été déclencheur, révélateur. On le reconnaît comme jouant un rôle socialement, ou sur le plan des idées. C’est une véritable catastrophe, un déni total de la raison.

Surtout que dans le peuple la règle est très claire : quand on a une famille, on ne se suicide pas. Dans le peuple on assume ses responsabilités, quitte à souffrir, toute sa vie. C’est ce que font 35% d’Argentins vivant dans le dénuement, pour qui la moindre chose est un luxe, dont 10 % qui ont basculé dans cette misère d’un coup ces dernières semaines. Et c’est ce que font des millions et des millions de personnes en France également, dans des conditions moins difficiles matériellement mais avec autant de souffrance morale.

Car la vie quotidienne dans cette société est, objectivement, un cauchemar. Et la réponse n’est jamais le suicide, toujours la lutte. La classe ouvrière ne se suicide pas. Qui dans le monde accordera un sens au suicide d’une personne jeune, qui a des parents qui peuvent l’héberger, qui a une petite amie, qui a la sécurité sociale grâce aux avantages sociaux, qui a disposé d’une bourse les années précédentes ? Qui plus est dans l’un des pays les plus riches du monde… Non ce n’est pas possible d’accorder une valeur à un tel acte. Il ne faut pas valoriser des actes aussi destructeurs ; rien ne peut en sortir de bon.

Et il ne s’agit pas de « précarité » étudiante ou de passer au 32 heures pour supprimer le chômage. C’est de toute la société qu’il s’agit, dans son rapport au travail, à la nature, à la vie elle-même. Cela va bien plus loin que de voir en la source des problèmes François Hollande. Ce dernier devait être présent à Lille et des étudiants de la « Gauche » post-moderne en ont profité pour déchirer les exemplaires de son dernier livre. Déchirer un livre ! Comment peut-on, en France, déchirer un livre ? Mais qui sont ces gens !

Il est vraiment terrible de voir comment en ce moment la France refuse la lutte des classes, comment on demande à l’État d’améliorer les choses et comment on trouve dans quelques gouvernants des bouc-émissaires. Les gilets jaunes sont un terrible exemple et les suicides « argumentés » récents  – comme celui d’une directrice de maternelle à Pantin – en sont un autre exemple, dramatique.

Il faut impérativement une sortie par en haut, ce que seuls les ouvriers peuvent apporter en rentrant dans la bataille. Sans eux, rien ne peut bloquer cette spirale du négatif.

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Société

Quatre ans après, le problème de la mémoire du 13 novembre 2015

C’est une chose étrange qu’il y ait encore des concerts et des spectacles au Bataclan. Comment se trouver dans un tel endroit sans avoir le cœur serré et être pris d’une angoisse complète ? Mais les Parisiens ont décidé que la vie continuait. Et elle continue donc, sans que ce terrible 13 novembre 2015 ait été oublié. L’événement dramatique est-il cependant pris en compte comme il se doit ? On peut en douter.

Le conseil de Paris vient de décider qu’il va établir un Jardin du souvenir en mémoire des victimes des attentats du 13 novembre 2015, qui avaient fait 131 morts, dont 90 au Bataclan, et 413 blessés. Étaient alors visés des gens auprès du Stade de France, à la terrasse des cafés et dans la salle de concerts même. Quatre ans après, c’est tard. Et la problématique du Bataclan reste entière. Les artistes ne veulent pas y aller, il y a des soucis importants de « rentabilité ».

Il y a un problème de mémoire. Mais on sait que la question est difficile : comment maintenir l’affirmation que la vie continue et se recueillir ? La ville de Paris n’a rien su gérer de tout cela. La raison en est qu’il y a de moins en moins de vrais Parisiens, la ville se vidant de ses habitants historiques avec une mentalité bien particulière. Les bobos, les hédonistes, la grande bourgeoisie et les riches étrangers qui font de Paris leur fief ne comptent en rien transporter quelque chose de culture : ils veulent consommer conformément à leur style de vie.

C’est pourquoi il faut dire les choses ici clairement : la ville de Paris a voulu pratiquement effacer le 13 novembre 2015. Elle a refusé d’intégrer cela à son histoire, afin de ne pas abîmer son image de métropole touristique et financière, économique et politique, culturelle et idéologique. Elle veut un Paris sans histoire et sans rapport avec l’Histoire.

On a ici une profonde contradiction entre l’importance de l’événement, notamment sur le plan du vécu, et l’attitude de la ville de Paris. Et c’est un avertissement. Le capitalisme efface les mémoires, car il a besoin de consommateurs tournés uniquement vers le nouveau. Un Paris cosmopolite rempli de CSP+ ou CSP++ ne peut rien conserver du patrimoine historique de la ville. Les prochaines élections vont d’ailleurs effacer la prétention à ce qu’il y ait une « Gauche » à Paris, alors qu’en réalité il n’y a que des bobos semi-libéraux semi-écolos menant la lutte des places.

Le pire ici serait bien entendu que le Bataclan finisse par fermer ses portes. On aurait alors gâché l’occasion de le sanctuariser dès le départ. Et imaginez qu’il soit vendu et transformé, de manière assez radicale pour satisfaire les nouveaux propriétaires ? Ce serait une honte. Et c’est tout à fait possible, car l’opinion publique démocratique est de plus en plus en train de s’effacer face aux populismes.

Le Bataclan appartient d’ailleurs entièrement à Lagardère Live Entertainment, les deux codirecteurs Jules Frutos et Olivier Poubelle ayant l’année dernière vendus les 30 % de part de la société qu’ils possédaient. Le sort du Bataclan dépend donc d’un monopole. Est-ce normal ? Est-ce au capitalisme de décider ce que ce lieu doit être ? Ou bien ne faut-il pas penser, tout simplement humainement, comme Nicola Sirkis d’Indochine qui ne veut pas s’y produire, que cela doit être « un lieu de respect et de mémoire, un sanctuaire ou un monument ».

Cette dernière option est sans doute la meilleure, d’ailleurs. Y placer une exposition permanente ou quoi que ce soit de ce genre amènerait le même problème du respect du lieu. En faire un monument qui témoigne d’un événement dramatique est le plus juste, le plus conforme à une grande ville, le plus marquant dans une métropole.

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Politique

La tribune des «organisations de jeunesse» liées à la Gauche contre «l’islamophobie»

Dans une tribune publiée dimanche 10 novembre 2019, des dirigeants de la plupart des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche appelaient à se joindre à la marche du jour contre « l’islamophobie ». La dirigeante de l’UNEF Mélanie Luce était d’ailleurs au premier rang du cortège derrière la banderole, au milieu de militants politique de l’islam.

La tribune, publiée sur le très bobo-libéral huffingtonpost.fr, est typique de ces propos qui divisent profondément la Gauche. Les « organisations de jeunesse » liées à la Gauche ( à l’exception notable des « jeunes communistes », qui appelaient toutefois à la manifestation ) ont fait le choix de jouer à fond cette carte de « l’islamophobie » en dénonçant une situation « d’une gravité extrême ».

Le panorama qu’elles dressent décrit un pays qui serait complètement arriéré sur le plan des mentalités, avec un racisme omniprésent et une guerre quasiment officielle menée contre les musulmans. On serait à les croire à l’aube d’un nouveau massacre de la Saint-Barthélemy.

C’est grandiloquent, mais tellement typique d’une partie des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche, totalement petite-bourgeoises dans leur style, qui ont pour habitude de jouer la sur-enchère sur tout un tas de sujet, en espérant peser ainsi.

Il est donc affirmé qu’il y aurait une montée sans précédent de « l’islamophobie » et que leurs organisations exprimeraient la colère de leur génération disant « STOP » à cela. La « laïcité » serait instrumentalisée avec pour « simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. »

Les Jeunes Socialistes, les Jeunes Génération-s, les Jeunes Ecologistes, les Jeunes insoumis.es ou encore l’UNEF donc, ont un discours tellement auto-intoxiqué, pour ne pas dire saboté, ôté de toute substance de gauche, qu’ils en arrivent à écrire dans cette tribune une énormité populiste comme :

« Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. »

Cela n’a aucun sens de dire que des organisations censées être de gauche rassemblent l’ensemble des jeunes. C’est une négation complète de la politique, de la bataille politico-culturelle de la Gauche contre la Droite d’une part et du grand travail de fond de la Gauche vis-à-vis des conceptions erronées au sein du peuple d’autre part.

Cette fausse Gauche, totalement convertie au post-modernisme, n’a plus aucun repère, car sa seule boussole est la quête unilatérale de l’extension infinie des « droits » individuels. Le voile, particulièrement mis en avant comme symbole de « l’islamophobie », est considéré dans cette optique comme une option parmi les autres à laquelle il faudrait avoir libre accès dans le grand supermarché des identités.

Voici la tribune :

« Notre génération ne sera pas celle de votre islamophobie!

A nos gouvernant·e·s, à tou·te·s ceux·elles qui alimentent l’islamophobie ambiante.

Notre génération est le témoin d’une montée sans précédent de l’islamophobie à laquelle nous disons STOP ensemble! Violence, discours islamophobe, stigmatisation, amalgame sont devenus progressivement notre quotidien. Nous avons grandi dans cette violence morale, physique et symbolique qui n’a cessé de croître ces dernières années et les quatre semaines qui viennent de s’écouler auront marqué un tournant.

Quatre semaines durant lesquels Emmanuel Macron a appelé à la construction d’une “société de vigilance” pour combattre l’“hydre islamiste”, quatre semaines durant lesquels Christophe Castaner et l’Université de Cergy ont établi le port de la barbe, le fait de ne pas faire la bise ou encore tout simplement certaines pratiques spécifiques à la religion musulmane (comme une pratique rigoriste durant le ramadan) comme des “signes de radicalisation”. Quatre semaines d’émissions titrant “Réformer l’islam ou le combattre?”, “Faut-il interdire le voile dans l’espace public?” etc. Quatre semaines pendant lesquelles une mère accompagnatrice de sortie scolaire a été humiliée et enjointe à sortir d’un conseil municipal simplement parce qu’elle porte le voile. Quatre semaines durant lequel Jean-Michel Blanquer a annoncé le besoin de signaler les “petits garçons” musulmans qui ne souhaiteraient pas tenir la main à des filles… Quatre semaines ayant abouti non seulement à l’adoption d’une loi par le Sénat interdisant le port de signes religieux par les parents accompagnateur·rice·s de sorties scolaires mais aussi à un attentat islamophobe à la mosquée de Bayonne blessant deux personnes.

Alors que certain·e·s disent défendre la fraternité de la société française, dans le même temps, il·elle·s stigmatisent les personnes musulman·e·s ou perçues comme telles. La situation que nous vivons est d’une gravité extrême.

Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. Nous exprimons la colère de notre génération. Une colère contre l’instrumentalisation de la laïcité à des fins islamophobes. Une colère de voir certaines d’entre nous stigmatisées, humiliées, enjointes à se dévêtir au nom du féminisme. Être féministe c’est défendre le libre choix des femmes de leurs convictions, de leurs habits, de leur vie. Être féministe c’est défendre l’émancipation des femmes et revendiquer une égalité réelle. Être féministe c’est un combat à plein temps et pas uniquement quand cela vous arrange.

Nous refusons de nous voir divisé.e.s entre les bon·ne·s et les mauvais·e·s citoyen·ne·s, nous refusons l’exclusion d’une partie d’entre nous de l’espace public, nous refusons d’être pris à parti pour participer à l’amplification de la haine que subissent les musulman·e·s, nous refusons de vivre dans une “société de vigilance”.

À l’inverse de la société qui nous est promise, les jeunes aspirent à une société inclusive, où chacun·e a sa place et où l’on ne dicte pas aux femmes comment s’habiller, où on ne les oblige ni à se couvrir ni à se découvrir. Nous défendons une société laïque au sens de la loi de 1905 reposant sur deux principes: la neutralité de l’état et la liberté de culte des individus. Nous nous opposons donc à l’instrumentalisation en cours de la laïcité à des fins islamophobes ayant pour simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. Nous refusons toutes modifications législatives visant à restreindre la liberté de culte. Nous lutterons par tous les moyens à notre disposition pour rejeter l’islamophobie.

L’islamophobie n’est pas un débat de société, c’est une discrimination qui doit cesser.

Nous appelons à participer à la marche du 10 novembre à Paris et aux actions menées partout en France afin de dire, ensemble, STOP à l’islamophobie et aux messages de haine.

Les signataires:
Nathan Abou, Jeunes Socialistes
Alice Bosler, Jeunes Génération-s
Maxime Carpentier & Claire Lejeune, Jeunes Ecologistes
Aline Coutarel, Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne (MRJC)
Aurélien Le Coq, Jeunes insoumis.es
Mélanie Luce, Union Nationale des étudiants de France (UNEF)
Héloïse Moreau, Union National Lycéenne (UNL)
Taylan Tuzlu, Didf-jeunes
Damien Chartes, Solidaires étudiant-e-s
Radia Bakkouch, Coexister »

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Politique

Le suicide politique d’Esther Benbassa

En mettant sur les réseaux sociaux une image de manifestants avec une étoile jaune version « musulmane », la sénatrice EELV Esther Benbassa a provoqué une levée de boucliers contre elle. En effet, il y a là une dimension relativiste de ce qu’a été la politique nazie d’extermination.

Esther Benbassa a cherché à s’expliquer, notamment à la télévision, mais en niant entièrement le problème, au nom d’une lecture anti-historique de la réalité : il faudrait assimiler tous les racismes sous toutes ses formes et donc tout serait permis.

Si l’on considère qu’il n’y a que des individus, alors il n’y a pas de phénomène historique, il n’y a que des situations. C’est le point de vue de la « Gauche » post-moderne et donc d’Esther Benbassa. Elle a donc benoîtement expliqué la chose suivante :

« Cette étoile jaune, c’est une forme d’identification au sort des juifs. En tant que juive, je ne suis pas absolument pas choquée. Je pense que ce que les juifs ont subi devrait continuer à servir d’exemple pour qu’on puisse tous nous battre contre le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie. »

Intellectuellement, cela se tient. C’est même le point de vue qui prédomine de plus en plus. Chacun est différent et ce qui compte, c’est le ressenti. On ne peut pas juger en général, ce qui compte c’est la lecture individuelle des choses.

C’est là, très concrètement, un point de vue correspondant à la décadence du capitalisme marqué par l’ultra-individualisme : tout se vaut, ce qui compte c’est le choix, comme on s’identifie, etc. C’est donc un point de vue aplanissant toute la réalité historique et comme celle-ci est en l’occurrence ni plus ni moins que la destruction des Juifs d’Europe, forcément cela provoque de profonds troubles.

Les réactions sont très nombreuses, voyant dans le déni d’Esther Benbassa une stupidité sans nom, au mieux. On se dit : elle fait semblant, même si elle reconnaît que les deux situations n’ont rien à voir, il faut qu’elle reconnaisse qu’il y a ici une manipulation politique, une tentative de trafiquer l’histoire.

Surtout qu’elle a multiplié hier les errements, expliquant tantôt que c’était une étoile à cinq branches et pas une étoile de David (alors qu’en fait le croissant et l’étoile musulmans visaient justement à remplacer symboliquement celle-ci), tantôt que finalement le rapprochement se voyait, mais que c’était juste « maladroit », que « il n’y a pas de mal à cela en soi », voire que c’était une bonne chose, etc.

Elle avait d’ailleurs déjà une grosse casserole, avec sa position au moment de l’affaire Leonarda :

« Moi qui pensais que la France n’avait pas perdu la mémoire de sa sombre histoire, j’étais loin d’imaginer qu’en 2013, en tant que parlementaire, élue du peuple, je serais témoin d’une rafle. Car oui, il faut bien le dire, c’est une rafle. »

EELV est intervenue à sa rescousse dans un long communiqué, expliquant qu’Esther Benbassa ne pouvait pas être antisémite puisqu’elle était juive, ce qui n’a aucun sens.

« Cette polémique indigne ne peut pas conduire commentatrices et commentateurs cherchant surtout à décrédibiliser et salir cette manifestation à traiter Esther Benbassa d’antisémite et de négationniste, elle qui a été titulaire de la prestigieuse chaire d’histoire du judaïsme moderne jusqu’en 2018, qui a enseigné à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne et qui a écrit de nombreux ouvrages sur l’histoire des juifs. »

Son mari, Jean-Christophe Attias, a pris aussi sa défense dans un long message d’une niaiserie totale de la part d’une personne qui est tout de même directeur d’études à l’École pratique des hautes études, titulaire de la chaire « Pensée juive médiévale (VIe – XVIIe siècles) ».

Il est évident que dans les faits, Esther Benbassa ne veut pas poser les choses rationnellement, car elle ne le peut pas, son style étant le populisme et le clientélisme, afin de faire tourner la machine du relativisme et de l’individualisme. Esther Benbassa n’a qu’une seule cohérence : celle d’avoir entièrement adopté la philosophie du capitalisme complet, qui réduit tout à des individus isolés cherchant à promouvoir leurs « intérêts » par tous les moyens qu’eux-mêmes trouvent adaptés.

Cependant, comme le capitalisme n’a pas encore lessivé tous les esprits, elle a commis un véritable suicide politique.

 

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Politique

Le 10 novembre, l’immense fracture dans la Gauche

La manifestation « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019 a provoqué une fracture complète à Gauche. Ceux qui ont soutenu la manifestation voient l’autre camp comme composé d’arriérés n’ayant pas saisi la nature coloniale, raciste de l’État français. Les autres sont à juste titre horrifiés de comment ce qu’on doit appeler la « Gauche » post-moderne est populiste, clientéliste et n’hésite pas à balancer par-dessus bord le moindre acquis de l’héritage historique de la Gauche.

Il y a d’un côté le mépris, de l’autre un sentiment d’horreur. La « Gauche » qui a manifesté le 10 novembre a un mépris profond pour la Gauche qui a refusé de venir : elle considère qu’il fallait être là, que sinon on est déconnecté du réel, que ceux qui ne viennent pas sont méprisables, car finalement racistes au fond d’eux-mêmes.

L’autre Gauche – la vraie – est horrifiée de voir des gens manifester aux côtés de représentants de l’Islam politique, dont l’agenda est de former une ligne communautariste pour établir une contre-société parallèle. Son haut-le-cœur est immense, son rejet total.

La cassure est là et elle est partie pour rester. On ne peut pas avoir deux histoires et il n’y a pas de place pour deux parcours radicalement différents, deux sensibilités aux antipodes. La Gauche s’est cassée en deux, littéralement.

Il y a désormais deux camps indissociables et on aurait d’ailleurs tort de penser que l’un est plus fort que l’autre. Il est vrai que, à l’appel de la manifestation du 10 novembre, on trouve l’ultra-gauche (Lutte Ouvrière, le NPA, etc.), la CGT, La France Insoumise, le syndicat étudiant UNEF.

Mais il y a déjà eu des défections avant le rassemblement : Yannick Jadot d’EELV (qui n’est finalement pas d’accord sur tout), Adrien Quatennens de LFI (étant certainement la future tête du mouvement, il cherche en fait à ne pas se « griller »), François Ruffin (qui explique qu’il était en vacances à Bruxelles mangeant des frites et des gaufres avec ses enfants quand il a signé et que de toutes façons dimanche il joue au football).

Et plus sérieusement, le Parti socialiste n’a pas appelé à la manifestation, ni la Gauche républicaine et socialiste. Une partie du PCF n’a pas été de la partie et on peut se douter que c’est valable même pour une partie de la CGT. Une partie de l’extrême-Gauche a rejeté la manifestation du 10 novembre également.

Quant aux gens de gauche, ils ont refusé cette mascarade et ne se sont pas mobilisés. Très peu de monde s’est d’ailleurs mobilisé, à part une sorte de bulle intellectuelle et militante que l’extrême-Droite définit aisément comme islamo-gauchiste, tellement c’est une alliance caricaturale autour de thèmes sociaux et identitaires, dans l’esprit de la Gauche anglo-saxonne.

Politiquement, la Gauche est carbonisée, mais ses traditions existent et la manifestation du 10 novembre s’y oppose frontalement. C’était une agression caractérisée. La réponse est donc naturelle, c’est celle d’une défense des valeurs, d’une protection d’une histoire. La Gauche n’a pas fait tout cela pour se retrouver dans cette situation, pour tomber aussi bas.

La « Gauche » post-moderne a pensé enterrer la Gauche historique le 10 novembre. En réalité, elle n’a fait que contribuer indirectement à son retour, à sa maturation pour la période prochaine.

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La manifestation parisienne du 10 novembre 2019 contre «l’islamophobie»

Le battage médiatique a été très intense avant la manifestation et la grande majorité des structures de gauche ont appelé à se mobiliser. Pourtant, tout comme pour la manifestation en faveur des Kurdes de Syrie faisant face à la Turquie, la mobilisation a été faible, avec 13 000 personnes. Et surtout, elle a été totalement parisienne, dans un mélange de bobos de gauche et de petits-bourgeois musulmans cherchant à s’incruster socialement dans le panorama bourgeois. Cela n’a rien à voir avec la Gauche.

Bras dessus bras dessous, très contents d’eux, toujours prompts à poser : telle était l’attitude des gens issus de la Gauche présents à la manifestation contre « l’islamophobie », ce concept flou visant à présenter en général la religion musulmane comme une victime. C’est ici la rencontre de l’Islam politique et d’une Gauche ne raisonnant plus en termes de capitalisme ou de classe, mais en terme d’individus avec des droits. L’extrême-Droite rêvait d’un islamo-gauchisme, les courants post-modernes de la Gauche ont exaucé ses vœux.

La seule exception à l’esprit à la fois allègre et niais ayant prédominé fut Benoît Hamon, dont on comprend le manque d’emballement, au point de venir à la manifestation l’Équipe à la main (ouvert à la page 29, l’article traitant de la défaite de l’aviron bayonnais contre Pau – rappelons que l’origine de l’appel à manifester est l’attentat d’une personne âgée raciste contre une mosquée à Bayonne). Que fait-il dans cette galère?

À cette posture générale bobo de gauche battant le pavé parisien s’est ajoutée une petite-bourgeoisie musulmane clairement revendicative sur un mode identitaire. L’ancien directeur exécutif du Collectif contre l’islamophobie en France Marwan Muhammad n’a pas eu de mal à faire scander « Allahu Akbar » à la foule à la fin de la manifestation. On n’a d’ailleurs pas échappé à des comparaisons délirantes avec la persécution des Juifs par l’Allemagne nazie.

Cela a bien entendu fait scandale, car nous sommes en France et il y a une connaissance de l’histoire qui n’est pas nulle. La conscience morale est réelle, contrairement aux affirmations délirantes comme quoi les musulmans de France seraient harcelés, pourchassés, etc.

Esther Benbassa, sénatrice EELV et une grande figure de l’ultra-libéralisme dans les mœurs, s’est faite littéralement détruire pour avoir cautionné cette utilisation d’une étoile jaune en version « musulman ». Elle prétend n’avoir rien vu et que de toutes façons ce n’est pas grave, voire une allusion positive contre l’antisémitisme, etc. C’est là un relativisme inévitable de la part de gens sans valeurs.

On n’a pas échappé non plus à une action au nom des FEMEN, celles-ci niant par contre toute manifestation. Cela a bien entendu provoqué tout un remue-ménage dans le cortège, pour une revendication en faveur de la laïcité qui, d’ailleurs, a perdu son sens.

La manifestation du 10 novembre 2019 a en effet rappelé une chose que trop de monde a oublié dans une France endormie. La laïcité n’a été qu’un compromis entre la moitié de la France farouchement opposé aux religions et l’autre moitié favorable au catholicisme. Or, un compromis n’est pas fait pour durer, il est prétexte à la lutte pour un nouveau rapport de force. La marche du 10 novembre 2019 a ainsi à la fois été tout à fait religieuse, tout en se prétendant entièrement laïque.

Faut-il avoir perdu l’esprit pour participer à une telle chose quand on se dit de gauche ?

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La manifestation du 10 novembre est une erreur, quasiment une faute

La manifestation « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019 n’aidera pas la lutte contre le racisme et ne fera pas disparaître les préjugés au sujet de l’islam. On ne combat pas le feu par le feu, mais par l’eau de la connaissance, de la raison, du savoir, de l’érudition. Et par la loi. Au lieu de cela, la manifestation du 10 novembre joue à une sorte de bataille de positions typique de la Gauche anglo-saxonne.

Le Taj Mahal, fleuron de l’architecture islamique en Inde

Dans le monde du travail, on travaille. Même si on a des préjugés sur la personne à côté de soi, on est obligé de les gommer, parce qu’il faut bien aller de l’avant. Ce n’est pas simplement pour ne pas se faire licencier, c’est aussi par respect de l’outil de travail. Et parce que la haine, c’est fatiguant. La haine est un luxe. Il faut disposer d’un certain patrimoine – pas trop sans quoi on s’assagit – ou au contraire être un déclassé.

Les gens n’ont donc pas la haine. Ils ne sont ni des lumpens, ni des racailles, ni des petits-bourgeois enragés. Ils sont les gens. C’est pour cela qu’il n’ont pas suivi les gilets jaunes, tout en les comprenant. Les gens ont leur vie et ils ne peuvent pas se permettre de la jeter à la poubelle. Partir à l’aventure est un luxe, réservé aux couches plus aisées.

La manifestation du 10 novembre est donc une erreur. Car les gens ne sont pas racistes. Ils ne peuvent pas être racistes. Le peuple est l’avenir de la société, il ne peut être ni raciste, ni antisémite, ni réactionnaire. Il y a bien sûr des racistes, des antisémites, des réactionnaires, des gens incapables de placer l’islam dans son contexte historique et culturel. Mais ce n’est pas le peuple. Ce sont des gens qui se trompent, qui fautent.

Une fascinante affiche soviétique de 1947 appelant à rejoindre la société du croissant rouge et de la croix rouge

C’est comme si on disait : tel conducteur à 7 heures du matin manque d’écraser les gens, car c’est un idiot, un sauvage. C’est vrai en un certain sens pour son comportement, son attitude. Cependant le fond du problème, c’est que c’est un travailleur épuisé, aliéné. Voilà le fond véritable de la question.

Le peuple le sait, car il sait ce que c’est que de vivre dans une société épuisante, suffocante. Il n’en a par conséquent rien à faire que quelqu’un préfère le pop corn salé ou sucré, qu’il se passionne pour la mécanique, l’Inde ou voit le port du voile comme une sorte d’abri dans un monde en décomposition.

Inversement, ceux qui tremblent pour leur petite propriété ont besoin de boucs-émissaires et ils mentent. Dans la vie quotidienne, ils sont obligés de faire comme tout le monde, mais parallèlement, schizophrènes, ils diffusent une peur panique à travers des thèses complotistes, dont le « grand remplacement » est devenu le grand fourre-tout. Le petit-bourgeois a peur de perdre son bien, d’être « remplacé ». Il critiquerait bien les riches qui sont ses ennemis justement, mais il a envie d’être riche lui-même… donc il ne le fait pas.

Attention toutefois, le petit-bourgeois ment, mais les gens aussi. Ils savent très bien que leurs fuites ont un côté mensonger. Les musulmans n’ont pas le droit d’écouter de la musique. L’immense majorité le fait quand même, ce qui n’a aucun sens. On voit bien ici que la religion est une culture, un refuge et nullement une entité religieuse bien déterminée, comme le pensent les religieux et les anti-religieux primaires.

Une image appelant à participer à la lutte contre le harcèlement anti-musulman présenté ici comme « islamophobe », proposé par le site musulman Saphirnews. Au-delà de l’intention, l’approche est au sens strict « islamophobe » car la représentation d’être vivants est fondamentalement interdite dans la religion musulmane…

La manifestation du 10 novembre est ainsi une erreur, quasiment une faute. Elle prend au sérieux des choses qui ne le sont pas. Elle accepte de se placer sur le terrain des racistes et des religieux, ce qui est une grossière erreur. C’est exactement la même erreur qui avait faite lors de l’interdiction du port du voile à l’école.

Il aurait fallu tout simplement permettre des discussions au cas par cas, dans l’esprit que tout cela concerne la vie du peuple, avec sa richesse, ses exigences et ses incohérences, etc. Au lieu de cela on a eu une loi qui a été une vraie boîte de Pandore. La preuve en est que ce sont des militants d’une organisation d’extrême-gauche qui ont provoqué toute cette affaire du port du voile à l’école, en ruant dans les brancards. Cette même organisation se retrouve à manifester désormais le 10 novembre

Il n’y a pas de barrières ethniques, religieuses ou communautaires dans le monde du travail.