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Opération Barkhane: l’armée française s’enlise, Emmanuel Macron exige le soutien africain

L’armée française mène une vaste opération de gendarmerie en Afrique subsaharienne, avec des milliers de militaires envoyés dans le désert depuis bientôt sept ans. Cependant, elle s’enlise, avec des coûts humains et financiers élevés, tandis que les populations locales sont de plus en plus hostiles aux militaires français et que les djihadistes n’ont jamais été stoppés. Lors d’une visite au Niger ce lundi 23 décembre 2019, Emmanuel Macron a réaffirmé son exigence de soutien de la part des États de la région.

Lorsque François Hollande lançait l’opération Serval en janvier 2013, il y avait un véritable engouement, y compris de la part d’une grande partie de la population malienne. Cela a même pu être vu comme une chose positive chez beaucoup de personnes de gauche ayant ressentie un véritable écœurement après le saccage barbare des mausolées de Tombouctou, la « perle du désert ».

La France n’avait « pas vocation à rester » selon François Hollande, qui s’imaginait vite devenir un héros de guerre et de diplomatie. Un an après, elle élargissait sont intervention à toute la région du Sahel et du Sahara avec l’opération Barkhane, toujours en cours.

Il fallait être bien naïf pour croire qu’il suffise de l’intervention d’une puissance étrangère suréquipée pour remettre de l’ordre rapidement, surtout dans une région vaste comme l’Europe, avec une économie sous-développée favorisant les divisions et les corruptions en tous genres. À cela s’ajoute bien sûr la brûlante question touareg, qui complexifie énormément toutes les interactions politiques au Sahara et au Sahel.

L’armée française est intervenue rapidement pour protéger des intérêts miniers français à la frontière nigérienne et maintenir au pouvoir un gouvernement allié. Cela étant assuré, elle s’est ensuite enlisée, ne parvenant jamais à laisser derrière elle une situation suffisamment stable (selon les intérêts français) pour envisager de partir.

Comme cela commence à durer et coûter cher, qu’il y a eu encore récemment plusieurs militaires français morts, ainsi que de nombreux militaires africains massacrés lors d’attaques massives, Emmanuel Macron a décidé de taper du poing sur la table.

Il avait organisé à Pau le 16 décembre un sommet du « G5 Sahel » (la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad), une sorte d’alliance diplomatique générée par la France pour justifier son intervention auprès l’ONU. L’invitation, qui a plutôt été perçue en Afrique comme une convocation, a été annulée, officiellement en raison d’une attaque au Niger. Elle est reportée au 13 janvier 2020.

En attendant, le Président français s’est rendu lui-même sur place pour exiger le soutien à l’armée française de la part de ces chefs d’État, notamment ceux du Mali et du Burkina Faso dont il considère la positon trop ambiguë. Dans un discours prononcé à Niamey au Niger, il a expliqué :

« Je vois des mouvements d’opposition, des groupes qui dénoncent la présence française comme une présence impérialiste néo-coloniale […] Je vois dans trop de pays prospérer sans condamnation politique claire des sentiments anti-français. Je ne peux pas accepter d’envoyer nos soldats sur le terrain dans les pays où cette demande [de présence française] n’est pas clairement assumée »

Le Président français procède ici à une sorte de chantage, en menaçant de désengager l’armée française s’il n’a pas un soutien massif et francs.

Cela n’a aucun sens : si l’armée française intervient vraiment sur demande de ces États comme c’est expliqué, alors elle n’a aucun problème à l’idée de se retirer si sa présence n’est pas souhaité.

En vérité, le problème de la France ici, et c’est typique de la France, est que son armée s’imagine bien plus puissante qu’elle ne l’est vraiment. L’État ne peut pour sa part pas céder éternellement à cette illusion de grandeur. Il doit constater qu’il n’a plus, ou en tous cas de moins en moins, les moyens d’assumer seul le maintien de l’ordre nécessaire à ses intérêts dans cette région d’Afrique.

C’est le sens de cette diplomatie du chantage particulièrement grotesque, qui ne concerne d’ailleurs pas que l’Afrique puisque Emmanuel Macron en appelle régulièrement au soutien international. En attendant, l’Armée française va continuer de s’enliser, probablement aux prix d’autres vies humaines, françaises et africaines.

De leur côté, les djihadistes profitent de plus en plus de la présence française afin d’apparaître comme une force anti-impérialiste et d’élargir leur base de soutien y compris dans les grandes villes. Parallèlement, tout un tas de leaders populistes africains, qui ne veulent pas d’un pouvoir démocratique et populaire menant à de véritables indépendances, profitent d’une critique en surface, facile, de la présence française en pratiquant un romantisme anticolonial décalé.

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Le FLNC revendique l’attaque des villas illégales de l’homme d’affaires Pierre Ferracci

Ayant pourtant démilitarisé depuis plusieurs années, le FLNC dit du « 22 octobre » a revendiqué l’attaque des villas illégales de l’homme d’affaires Pierre Ferracci. Il dénonce une prise de contrôle de la Corse par cinquante entrepreneurs ainsi que la grande distribution. C’est que le risque d’une bétonisation au service des riches et dans un esprit mafieux, comme en Côte d’Azur, plane dangereusement sur l’île.

Voici le communiqué du FLNC dit du « 22 octobre », suivi de la prise de position de Corsica Libera. Cette dernière est très agressive dans son expression, sans doute en raison de la profonde angoisse du véritable mur d’indifférence de la part de l’État français auquel font face les mouvements corses ayant choisi une institutionnalisation afin de faire avancer les choses.

> lire également : Corse: une villa construite illégalement dans une baie protégée détruite à l’explosif
Le communiqué de Corsica Libera
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La démagogie «postcoloniale» d’Emmanuel Macron en Afrique de l’Ouest

Emmanuel Macron était en Côte d’Ivoire ce week-end. Il y a parlé de colonialisme comme étant une erreur et a annoncé la fin du Franc CFA… Mais ce qui intéresse surtout le Président français, c’est de parler « réconciliation » avec les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest, afin de pérenniser les intérêts français dans la région malgré les contestations.

Dans un discours prononcé à Abidjan, Emmanuel Macron a parlé de colonialisme en disant que ce fut une « faute de la République ». Il en a fait des caisses, parlant de « vestige douloureux », de «faute morale», comme ce qu’il avait déjà fait en 2017 en Algérie en parlant de « crime contre l’humanité ».

On oublie tout et on ouvre une nouvelle page, une « nouvelle histoire commune » : voilà l’idée qu’a voulu faire passer celui qui se présente comme n’appartenant pas « à une génération qui a connu le colonialisme » (sous entendu, le colonialisme serait un problème résolu depuis longtemps).

Pour Emmanuel Macron le libéral, il est hors de question d’assumer que le colonialisme fait partie de tout un processus historique, avec de nombreux aspects, ayant emmené des nations comme la France où le capitalisme se développait, à coloniser des pans entiers de la planète.

On devrait se contenter de croire que la colonisation relèverait simplement d’un « choix », qui aurait été mauvais ; il ne s’agirait plus aujourd’hui que de faire un autre choix, tout simplement.

Toute personne ayant une véritable conscience de gauche ne croit évidemment pas en cette fable des « mauvais choix », qui relève du subjectivisme le plus décadent. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a eu et qu’il y a encore le développement du capitalisme et que ce développement est inégal à travers le monde. Cela a conduit et conduit encore les plus puissants à maintenir la tête sous l’eau des moins développés, directement ou non.

Toute personne s’intéressant à l’Afrique sait très bien que ce continent a la tête maintenue sous l’eau par les grandes puissances, dont la France, qui empêchent son véritable développement, sa véritable éclosion. Les masses populaires africaines, et celles liées à l’Afrique de part leur histoire familiale, le savent elles-mêmes plus que n’importe qui d’autre.

L’immigration est d’ailleurs une des plus terribles manifestations de cela. Bien après les pseudo indépendances dans les années 1960, des pays comme la France ont procédé à un véritable pillage de forces vives africaines avec l’immigration, processus qui existe encore largement aujourd’hui.

Parallèlement à cela, une partie significative des élites africaines est pieds et poings liés aux grandes puissances comme la France. Le Président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, qui accueillait Emmanuel Macron et son discours de « réconciliation », est ainsi bien plus proche de la haute bourgeoisie française que du peuple ivoirien. Il a d’abord été marié à une Américaine, puisqu’il a étudié dans une grande université américaine avant d’entrer au FMI, puis s’est marié à une Française, qu’il a épousée à la mairie du très bourgeois XVIe arrondissement de Paris en 1991.

Ce qui intéresse c’est gens aujourd’hui, c’est la possibilité de faire du business. Alors il faut s’adapter. Le Franc CFA par exemple, qui signifie historiquement Franc des colonies françaises d’Afrique, est trop ouvertement lié à ce passé, alors il faut s’en débarrasser. Il n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix, car les critiques sont nombreuses en Afrique de l’Ouest, alors que dans le même temps d’autres puissances comme la Chine y étendent leur influence.

Emmanuel Macron a donc annoncé :

« C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme. Le Franc CFA cristallise de nombreuses critiques et de nombreux débats sur la France en Afrique. J’ai entendu les critiques, je vois votre jeunesse qui nous reproche de continuer une relation qu’elle juge postcoloniale. Donc rompons les amarres ».

Il faut dire également que la France, cette grande puissance en déclin, n’a plus les moyen de son passé : le Franc CFA coûtait relativement cher à la Banque de France, ou en tous cas présentait un risque et obligeait à certaines responsabilités. Il va donc disparaître, au profit de l’« Éco », dont on ne sait cependant pas encore vraiment quand il existera.

La France perd une partie de son influence, ce qui était probablement inévitable, tout en gagnant un peu de souplesse par ailleurs. En organisant elle-même ce retrait, elle s’assure que cela se passe de manière le plus conforme possibles à ses intérêts, et pas à ceux d’une puissance concurrente comme la Chine, que le Président français a ouvertement critiqué.

La nouvelle monnaie, concernant le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, restera cependant indexé sur l’Euro et la France restera liée par accord pour délivrer des devises en Euros en cas de besoin.

Cette nouvelle monnaie doit donc servir de nouvelle base pour écrire « une nouvelle histoire commune », « décomplexée », dont il faut espérer selon le lyrique Emmanuel Macron, qu’elle devienne une « relation passionnée ».

Pour commencer cette nouvelle histoire « postcoloniale », Emmanuel Macron est donc venu passer Noël avec ses troupes militaires installées dans le pays, ce qui a été salué par le quotidien ivoirien Fraternité matin de la plus belle des manières :

« A cinq jours de la naissance de l’Emmanuel de la Bible, le président français porte bien son nom, Emmanuel Macron a apporté la douceur de la gaieté à ses troupes, loin des théâtres âpres de guerre »

Le Président français s’est également rendu à Bouaké, deuxième ville du pays, pour inaugurer les travaux du plus grand marché couvert d’Afrique de l’Ouest, devant rassembler 8 500 commerçants sur près de 9 hectares. C’est la France qui finance les 60 millions d’euros de travaux, mais ce n’est pas du « colonialisme ». C’est simplement un partenariat « décomplexé », évidemment.

C’est également sans complexe qu’il a signé des accords bilatéraux concernant notamment le chantier du métro d’Abidjan, parce que dit-il :

« je souhaite que les entreprises françaises restent des acteurs majeurs de cette croissance. Des acteurs heureux et harmonieux. »

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36 jours de grève au 9 janvier 2020

Le 9 janvier 2020, cela ferait 36 jours de grève de la part des cheminots, car dans l’Éducation nationale on est en vacances et qu’il n’y a pas vraiment autre chose en mouvement, si ce n’est la RATP. Alors, la chose est simple à comprendre. Soit les cheminots sont devenus des travailleurs assumant la lutte de classe de manière déterminée, donc politique, se montrant capables de mener la plus grande grève de l’histoire de la SNCF. Soit cela va être la défaite.

La grève a commencé le 5 décembre et en disant que la prochaine mobilisation aura lieu le 9, l’intersyndicale a visé haut… ou plutôt très bas. Car il faut être bien naïf pour croire que les syndicats veulent et peuvent mener une lutte politique. À un moment donné en effet, les choses tournent politique qu’on le veuille ou non. Et les syndicats français sont une fin en soi.

Il faut bien le dire tout de même ! C’est tout de même fou que les anarchistes, qui font n’importe quoi mais sont parfois des garde-fous, courent derrière les syndicats, alors qu’ils sont censés être contre l’État et que l’État en France ne se conçoit pas sans syndicat, et inversement.

Alors évidemment, il y a la fiction comme quoi les syndicats sont indépendants, que l’État ne fait qu’encadrer les rapports patronat-syndicat, etc. C’est toutefois une fiction bien pratique pour tout le monde, mais dans les faits c’est ridicule. Le vaste secteur public est un levier puissant de corruption des syndicats et d’arrimage à l’État, transformant les syndicats dans les entreprises – quand ils y existent, ce qui est rare – en un simple prolongement.

Tout le monde sait bien que les hauts responsables syndicaux sont des bureaucrates et des beaufs, des gens rêvant de cogérer l’État ou bien de gérer en bon bourgeois leur vie privée. La mentalité de ces gens-là est étriquée, ils s’imaginent que parce qu’ils servent un peu les gens tout leur est permis à côté.

Outrancier ? Il suffit pourtant de regarder : est-ce que les gens suivent les syndicats ? Non. Ils disent : la cause est juste. Ils ne bougent pas pour autant. Personne ne veut être à la remorque des syndicats, car tout le monde les connaît… ou bien personne ne veut les connaître. Le cœur des syndicats, ce sont donc les secteurs et les grosses entreprises où les syndicats jouent un rôle d’encadrement particulièrement avancé des travailleurs.

Quelques revendications sont satisfaites, cela s’arrête là. Est-il besoin de se rappeler de la position des syndicats en mai 1968 ? Ils étaient tous contre ! Cela veut tout de même tout dire. Les syndicalistes sont incrustés dans le capitalisme. Leur hargne actuelle tient surtout à leur peur de perdre une certaine présence aidée par les régimes spéciaux.

Donc les grévistes de la SNCF vont dans le mur à moins d’un électro-choc. La problématique est un paradoxe : si la grève de la SNCF tenait 36 jours, ce serait de la lutte de classe. Mais il faudrait que ce soit de la lutte de classe pour tenir 36 jours !

Dans l’état actuel, les grévistes sont donc partis pour se faire poignarder dans le dos et avec la date du 9 janvier, c’est un simple constat qui est déjà fait par certains. Parce que bon, 36 jours de grève, cela demande une combativité que les gens n’ont pas, tout simplement. 36 jours de grève, même sur une base discutable, c’est de toutes façons de la lutte des classes.

Cela demande une organisation énorme, une détermination politique. Que les grévistes n’ont pas pour l’instant, qui prétend le contraire ment, en cherchant à former un mythe mobilisateur, typique du syndicalisme français. Il y a d’ailleurs un article intéressant du Monde, dont le titre veut tout dire :

« Je soutiens la mobilisation contre la réforme des retraites, mais faire grève ne pénaliserait que moi »

L’une des personnes interrogées dit la chose suivante :

« En théorie, tout le monde a le droit de grève en France mais, en pratique, les gens qui ont la possibilité de faire grève sont de plus en plus rares »

Cette phrase, rigoureusement pathétique, est ridicule : comme si les innombrables grèves qui ont eu lieu en France, à la fin du 19e siècle et dans les années 1920-1930, auraient été évidentes, à une époque sans sécurité sociale, de répression brutale et de conditions de vie générales autrement bien plus ardues !

Et comme elle est ridicule, elle est criminelle, de par ses conséquences. Un peuple qui n’assume pas le combat pour ses droits, qui n’assume pas la Démocratie, est un peuple prêt à se livrer au fascisme. Un peuple qui n’est prêt à aucun sacrifice n’est qu’un assemblage d’individus repliés sur eux-mêmes, prêts à tout opportunisme.

Pour l’instant, la grève n’est qu’un assemblage de gens aux intérêts communs, de type corporatiste. Si le tout ne se transcende pas et ne parvient pas à la lutte des classes, ce sera le désenchantement.

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Qui est Pierre Ferracci?

Le Canard Enchaîné (18 décembre 2019) révèle des informations utiles pour connaître la nature de Pierre Ferracci, dont les villas construites en Corse en zone protégée ont été l’objet d’une tentative de destruction cette semaine.

 

Il est également parlé de lui dans un autre article :

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Un 9 janvier choisi par des Ponce Pilate

Jeudi 19 décembre 2019 avait lieu auprès du Premier ministre une réunion avec les principales organisations syndicales et patronales. À la sortie, le dirigeant de la CGT Philippe Martinez avait été particulièrement bref en conférence de presse, annonçant une mobilisation le 9 janvier. Quelles allaient être les réactions le lendemain, alors que la grève dure déjà depuis seize jours et que le 9 janvier, c’est dans trois semaines ? On a pu voir que la base affirme que la lutte continue, mais en reflétant pour beaucoup l’état d’esprit anti-politique des syndicalistes.

Ce qui se passe est très simple à comprendre : d’un côté, les syndicats font monter la pression dans les négociations avec le gouvernement. De l’autre, les syndicats ont toujours accepté les négociations avec le gouvernement. Ils ne se conçoivent jamais comme pouvant agir d’en-dehors du système bien rôdé des négociations, de la reconnaissance institutionnelle.

On voit donc ici très bien l’hypocrisie de la direction de la CGT et de la CGT-FO, qui participent à une réunion avec le Premier ministre, alors qu’ils sont censés représenter la ligne d’un « non » catégorique. Ils auraient dû dire : on ne vient pas, on est contre, cela ne se discute pas.

Les dirigeants de la CGT et de la CGT-FO ont donc été très malins en refilant la patate chaude à la base en grève, en disant : maintenant, on se mobilise le 9 janvier. Car, entre temps, que va-t-il se passer ? En ne disant rien, les dirigeants de la CGT et de la CGT-FO n’assument rien, ni le choix d’une éventuelle « trêve », ni l’échec vers lequel on va.

Ils remettent à la base les responsabilités concrètes, tout en faisant du 9 janvier une date mythique comme le syndicalisme sait en produire. Ils se lavent les mains. Et quand on dit « la base », il faudrait plutôt dire « les cadres syndicaux », car il n’existe aucun élan démocratique à la base. Il y a des assemblées de type syndicaliste, avec beaucoup d’entrain, mais aussi beaucoup de prétentions.

De plus, le front syndical est sérieusement fissuré avec les jeux en solitaires de l’UNSA et de la CFDT. Le syndicalisme est particulièrement faible et en plus émietté, comment espère-t-on alors la victoire ? Sans unité, la défaite est assurée et elle est mal partie pour passer par les syndicats : seules des assemblées générales à la base peuvent la réaliser.

Les syndicalistes vivent dans leur bulle. Ils sont incapables de s’adresser à la population, de par leur tradition de rejet de la politique. Ils ne cherchent pas à convaincre le peuple, ils ont des attitudes simplistes de négociateurs et des réflexes corporatistes, ils n’ont aucune analyse des enjeux sociaux, politiques, culturels.

Il suffit de voir un syndicaliste et de l’écouter parler pour se dire : cette personne serait incapable de devenir ministre. Or, le peuple ne va certainement pas se mettre en branle pour d’aussi mauvais chefs, dont les intérêts primordiaux, et ce de manière assumée, sont les secteurs avec des retraites au régime spécial.

Il faudrait clairement que les syndicalistes passent la main à la Gauche politique, mais il ne le veulent pas. D’un côté il s’adressent au gouvernement, de l’autre ils ne veulent pas de politique ! C’est la tradition syndicaliste française, d’origine syndicaliste révolutionnaire. On court donc à la catastrophe.

Ceux qui vont profiter de l’affaire, ce seront les populistes, surtout d’extrême-Droite, qui commencent déjà à accuser les fonds de pension américain d’être à la manœuvre. Les populistes « de gauche » sont évidemment de la partie. C’est inévitable : refusant de reconnaître la bourgeoisie, tous ces gens doivent trouver un ennemi imaginaire. C’est aujourd’hui le capital financier américain, demain ce sera le capital financier américano-juif.

Voilà ce que va amener ce qu’on doit appeler, en parallèle avec le crétinisme parlementaire des opportunistes, le crétinisme syndicaliste. Les Ponce Pilate ne torpillent pas que la grève actuelle, mais également les avancées de la Gauche politique. Leur crétinisme syndicaliste détruit la politique et appuie les populismes.

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François Hollande lit bien le défi de 2022

Comme l’ensemble des cadres socialistes historiques, François Hollande est un analyste très fin des situations et des enjeux, même si certains reprocheront à tous ces gens de ne finalement pas croire en grand-chose. Ses propos sur le défi que représente 2022 sont pour cette raison empreints de sagacité. Le constat est simple : ou il y a un renouveau par en bas de la Gauche formant un camp bien déterminé, ou l’extrême-Droite se profilera comme alternative à un Emmanuel Macron trop décrédibilisé pour former un rempart à celle-ci.

François Hollande a-t-il lu l’article d’avant-hier « Mouvement de décembre 2019: les Français ne veulent pas le changement », pour dire la même chose hier sur France Inter ? Il n’en avait, il est vrai, nul besoin, puisque du point de vue toute personne rationnelle à Gauche, la situation est très claire.

Et cette situation, c’est celle d’une « gauche de la gauche » populiste et velléitaire, sans crédibilité, avec un Emmanuel Macron qui ne pourra clairement plus servir de barrage à l’extrême-Droite tellement il est décrédibilisé. Conséquence : il faut l’unité de la Gauche, ou bien c’est le drame.

François Hollande a exprimé son point de vue en les termes suivants, bien choisis et disposés de manière très intelligente.

Première thèse : un mouvement nouveau d’unité est inévitable. Il va y avoir un mouvement de fond. En cela, François Hollande exprime parfaitement le point de vue de la Gauche.

« En 2022 il va y avoir une élection présidentielle et des élections législatives, il faudra une figure. Il va falloir qu’il se passe quelque chose, pas seulement une incarnation physique, mais aussi une mobilisation citoyenne, un parti, un mouvement, il faut une force qui surgisse à partir de ce qui existe déjà et qui puisse faire entendre la voix de l’espérance. »

La responsabilité de chacun est nécessaire. Tout le monde doit contribuer et se plier à la discipline de l’unité de par le défi historique. On peut évidemment considérer que François Hollande a des arrières-pensées électorales. Cependant, résumer ses propos à cela serait fondamentalement réducteur, pour ne pas dire même la dernière chose à faire.

« J’y contribuerais si c’est nécessaire, je ne vais pas moi-même m’imposer, je ne vais pas moi-même considérer que je suis une solution quand certains pensent que j’ai été un problème, je veux être un contributeur – parmi d’autres – parce que c’est nécessaire, sinon le risque c’est quand même une alternative d’extrême droite. »

Enfin, le populisme de gauche ne peut aucunement réussir, le nationalisme le battant par définition. Il faut donc que le centre de gravité soit le réformisme. Ce point de vue correspond à toute la philosophie de François Hollande concernant l’impossibilité, selon lui, d’avoir une Gauche majoritaire en France.

Il l’a exprimé dans Un président ne devrait pas dire ça…, ainsi que dans les trois chapitres ajoutés à l’occasion de la parution en version poche de son livre Les leçons du pouvoir, en avril de cette année.

« C’est très intéressant ce qu’il s’est passé au Royaume-UniJeremy Corbyn fait le programme le plus à gauche qui soit depuis les années 1950 pour le parti travailliste et il perd dans toutes les circonscriptions ouvrières.

Cela veut dire que le nationalisme, le souverainisme, sont plus forts que le gauchisme, que le gauchisme n’a aucune chance face au nationalisme.

C’est la crédibilité qui a une chance, c’est le réformisme, c’est l’idée que si Jeremy Corbyn avait fait campagne pour le maintien, il avait une chance, mais en faisant campagne sur l’ambiguïté et le gauchisme, ce sont finalement les conservateurs les plus à droite qui ont gagné. La sociale-démocratie renouvelée, elle, a une chance. »

Le souci dans ces derniers propos est qu’on voit mal en quoi un pôle réformiste se distinguerait d’Emmanuel Macron. François Hollande a d’ailleurs considéré comme nécessaire de tenir les propos suivants, qui feront suffoquer beaucoup de gens à Gauche :

« S’il y a une victime [d’Emmanuel Macron], la première, c’est moi. J’en ai payé suffisamment le prix y compris en n’étant pas candidat à l’élection. Mais c’est vrai qu’il y a eu cette dissidence et il a utilisé la position qui était la sienne pour faire valoir ses positions, ses idées, sa campagne présidentielle. »

La sagacité de François Hollande montre que, qu’on le veuille ou non, on ne coupe pas aux socialistes. On peut leur reprocher de ne pas être suffisamment à Gauche, ni même clairement de gauche. Mais quand on voit La France Insoumise et son populisme toujours plus incohérent, il est évident que cela ne donne aucune perspective. Avec l’extrême-Droite comme défi, on ne peut pas non plus se contenter du luxe d’attendre un prochain cycle historique…

On peut regretter cette situation et œuvrer à une Gauche revenue à ses fondamentaux historiques. Mais cela ne doit jamais faire oublier le réalisme nécessaire et le sens des responsabilités.

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Mouvement de décembre 2019: les Français ne veulent pas le changement

On l’avait déjà vu avec les gilets jaunes, un mouvement anti-politique exigeant que tout revienne comme avant. On a la même chose avec le mouvement contre la réforme des retraites : les Français sont tournés vers le passé. Leur désir d’utopie est absolument nul. Et on le voit bien : culturellement, les syndicalistes sont profondément réactionnaires. Non seulement, tout cela est improductif, mais cela va produire un romantisme d’extrême-Droite, un « conservatisme révolutionnaire ».

Du point de vue de la Gauche, tout le monde sait qu’il y a une grogne sociale extrêmement profonde en France. On sait que cela va exploser et il y avait une sacrée chance pour que le mouvement de décembre contre la réforme des retraites en soit le déclencheur.

On a tout de suite vu que ce ne serait pas le cas. Seuls les secteurs concernés par les retraites spéciales devant disparaître se sont mobilisés en tant que tels, appuyés par quelques îlots syndicaux ailleurs. Mais il n’y a pas eu l’étincelle et, surtout, encore moins la flamme.

Les anarchistes cherchent à forcer les choses comme d’habitude, avec de la casse et des « blocages », mais cela ne fait qu’un contraste très fort avec des cortèges syndicaux littéralement sans âme. D’ailleurs, pour la manifestation du 17 décembre la police a quadrillé le terrain et anéantit les possibilités de casse à Nantes et à Paris… montrant bien que, dans les autres cas, il y a une mansuétude complète.

C’est qu’un régime cherchant à développer encore plus le libéralisme comprend bien que des ennemis comme les syndicalistes à la française et les anarchistes à la française, cela ne pèse pas lourd. Car les syndicats sont intégrés aux institutions et accepteront toujours finalement de négocier, alors que les anarchistes ne peuvent, par définition, rien proposer qui ait une dimension politique.

Si on ajoute à cela le côté fondamentalement ringard des Français – à part de la jeunesse qui connaît elle une véritable révolution sur le plan de la modernité, en décalage total donc – alors il ne peut rien se passer. En fait, on se demande même si c’est le même peuple qui a pu faire mai 1968 quand on voit le tableau actuel.

Il ne faut pas oublier ici que ces vingt dernières années, nombre de gens qu’on va dire « alternatifs » se sont exilés dans d’autres pays, ou ont mené un exil intérieur dans un isolement social prononcé. Des forces vives significatives ont été perdues, lassées du refus catégorique de la France de laisser émerger des démarches alternatives, en rupture avec le triptyque travail – famille – patrie.

Emmanuel Macron a pu, pour cette raison, apparaître comme un moderne, alors qu’il est simplement de la Droite libérale comme le fut Simone Veil. On a d’ailleurs toute une mouvance à l’américaine diffusant l’ultra-libéralisme en faisant passer cela pour du « progressisme » de gauche (PMA, GPA, LMGBTIQ+, légalisation du cannabis, droit au suicide, prostituées comme « travailleuses du sexe », écriture inclusive, théorie du genre, etc.)

Cette situation est puissamment corrosive et cela se lit dans les énormes succès de l’extrême-Droite dans les zones populaires. Ce phénomène est international par ailleurs, comme on le voit avec Donald Trump. Il y a une liquidation de toutes les valeurs du mouvement ouvrier sous les coups de boutoirs d’une petite-bourgeoisie universitaire « progressiste » – même les communiqués officiels centraux de la CGT utilisent en partie l’écriture inclusive, ce qui fait bien rire tellement les ouvriers sont, à juste titre, rétifs à une telle démarche idéaliste.

Ce qu’il faut craindre, si l’ennui syndicaliste et la vanité anarchiste se perpétuent à travers une situation de crise comme actuellement, c’est l’émergence structurée d’un romantisme « anticapitaliste » porté par l’extrême-Droite, qui profite de nombreux laboratoires d’idées pour échafauder des concepts, des styles, des « perspectives », etc.

Il faut le dire : on est dans le même cas de figure que l’Italie du début des années 1920, avec des libéraux, des syndicalistes sans utopie, une extrême-Droite « romantique » prête à se lancer. On va tout droit à la catastrophe.

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17 décembre 2019: une grève qui s’installe, mais qui ne s’élargit pas

La troisième journée du grève contre la réforme des retraites ce mardi 17 décembre a été similaire à celle du 5 décembre dans sa composition et son amplitude. Si la mobilisation est conséquente, la grève ne dépasse globalement pas le cadre restreints des syndicats de certaines grandes entreprises, entraînés par les secteurs les plus directement concernés par la réforme que sont les enseignants, la SNCF, la RATP et EDF.

La grève à la SNCF et à la RATP est le cœur du mouvement de contestation contre le projet gouvernemental concernant les retraites. Notamment à Paris, la grève y est importante depuis 12 jours, avec des assemblées de grévistes, des piquets des grève, des coordinations entre dépôts, gares, ateliers et, lors de la manifestation parisienne d’hier, un cortège de gréviste en tête de la manifestation, sans apparition syndicale.

Cela a permit d’entraîner du monde, avec un taux de gréviste annoncé hier pour la SNCF de 32,8 % (contre 11 %, lundi) et 75,8 % en ce qui concerne les conducteurs (contre 61% lundi). Il n’y a pas de chiffre pour la RATP, mais les constatations des grévistes et la situation quasiment à l’arrêt du réseau illustre une gréve très suivie.

Il faut ajouter à cela les 8 raffineries françaises, où la CGT est très présente et très puissante, avec des grèves au moins significatives (par exemple 90 % de grévistes à la raffinerie Total de La Mède), au point que le syndicat annonce une pénurie d’essence imminente.

Cela est néanmoins à peu près tout. La grève est sporadique ailleurs, ne concernant que la journée, et ne dépassant pas l’influence molle et bornée des syndicats. Dans un bastion CGT comme EDF, cela donne forcément une grève conséquente, mais pas massive. S’ils étaient le 5 décembre 41% de grévistes selon la direction (et 50% à 60% selon la CGT), ils n’étaient plus que 26% hier selon la direction. Les agents grévistes sont néanmoins déterminés, tant dans leur attitude en manifestation que par le mode d’action d’une partie d’entre eux qui a coupé le courant dans de nombreuses villes hier (quoi que l’on puisse penser de ce genre d’action par ailleurs).

On peut en dire de même chez les enseignants où les syndicats sont significatifs et les grèves habituelles : la grève a été importante pour la journée d’hier (50% dans le primaire et 60% dans le secondaire selon les syndicats, respectivement 25% et 23% selon le gouvernement).

À cela s’ajoute donc des effectifs de grévistes d’une journée, liés principalement à la CGT ou à FO, chez les dockers, dans beaucoup de grandes usines, dans les personnels de l’administration publique (17% selon le ministère), chez les agents municipaux, les pompiers, les aiguilleurs du ciel ou encore à la poste. La mobilisation a été importante également dans les hôpitaux, qui connaissent en fait déjà depuis plusieurs mois un mouvement de grande ampleur et très organisé, mais qui ne peut pas prendre la forme d’une véritable grève de par la nature du travail effectué.

Il y a donc eu, comme le 5 décembre dernier, de nombreuses manifestations très importantes partout en France, y compris dans des villes petites ou moyennes. Cette carte de la CGT recensant toutes les manifestations donne une idée de l’ampleur du mouvement : mobilisations-en-france.cgt.fr/news/map

En faisant l’addition, la CGT annonce un chiffre de 1,8 millions de manifestants, ce qui serait donc plus que les 1,5 millions annoncés le 5 décembre dernier. De son côté, le gouvernement, annonce des chiffres moindres, mais surtout en recul : 615 000 manifestants contre 806 000 le 5 décembre dernier.

Les différents titres de presse locaux font très souvent leurs propres estimations, avec des chiffres globalement équivalent au 5 décembre, souvent à mi-chemin entre ceux des syndicats et des préfectures (sauf à Paris où le « cabinet occurrence » annonce 72 500 manifestants contre 76 000 pour la préfecture). La CGT annonce de son côté pas moins que 350 000 personnes à Paris.

On a également à Marseille la traditionnelle extrapolation locale, avec une amplitude incroyable entres deux chiffres, qui ne semblent pas plus crédibles l’un que l’autre : seulement 20 000 manifestant selon la police, carrément 200 000 selon la CGT !

Dans tous les cas, cela donne des manifestations importantes, comparables à celles du 5 décembre, mais sans que l’on puisse voir apparaître l’essentiel : la généralisation de la grève en dehors des cercles syndicaux et la multiplication de véritables assemblées générales ouvrières.

L’intersyndicale CGT, FO, FSU et Solidaires réunit hier soir n’a d’ailleurs pas fixé de nouvelle date de mobilisation nationale, mais a annoncé des « actions locales le 19 et jusque fin décembre », en affirmant qu’il n’y aura « pas de trêve jusqu’au retrait ». Par ailleurs, l’Unsa, la CGT, la CFTC, la CFDT, FO et la CFE-CGC seront reçus demain par le Premier ministre.

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Néogaullisme: le général Pierre de Villiers appelle à remettre de l’ordre

L’invitation du général Pierre de Villiers sur RTL en dit long sur la tendance actuelle traversant la société française, celle du coup d’État. Quelle autre raison y aurait-il à inviter l’ancien responsable de l’armée française, qui plus est pour appeler à… « remettre de l’ordre », et cela en pleine mobilisation syndicale ?

« Il faut remettre de l’ordre, ce n’est pas aujourd’hui qu’on peut dire le contraire. On ne peut pas continuer comme ça » nous dit le général. Pas moins. Et la journaliste de RTL lui demande même s’il est prêt à prendre le pouvoir !

Le général a été invité le lundi 16 décembre 2019, la veille d’une nouvelle mobilisation dans les rues en soutien à la grève contre la réforme des retraites ayant commencé il y a douze jours. Il est donc sciemment employé comme contre-tendance au mouvement de grève alors que la période de Noël s’approche.

La première question posée est d’ailleurs :

« C’est la chienlit, mon général ? »

C’est une allusion aux propos de Charles De Gaulle en mai 1968, mais également au fait que la Ve République est née d’un coup d’État rétablissant « l’ordre ». Celui qui fut chef d’État-Major des armées de 2014 à 2017 a répondu de manière démagogique comme il se doit, regrettant que le pays ne soit pas capable de fêter Noël ensemble, ne manquant pas de présenter Noël comme une « tradition sur notre continent européen », ainsi qu’une « tradition française très ancrée ».

Particulièrement brillant dans son calcul, dès la troisième question sur ce que lui inspire la grève, il explique que la situation illustre ce qu’il a expliqué dans son ouvrage « Qu’est-ce qu’un chef ? » : il faut « retisser la confiance » dans le pays. D’ailleurs, le prétexte à son invitation est la sortie au format livre de poche de son ouvrage. Il existe une vaste campagne pour le médiatiser, le populariser, bref pour présenter le général comme un recours.

Le général a souligné que l’armée n’était pas un modèle « transposable », mais un bon laboratoire pour rétablir des corps intermédiaires dans le pays. Ce qui signifie, en clair : développer le corporatisme, caporaliser. Le général explique même que l’armée incarne la nation dans sa globalité et que donc, somme toute, c’est même là d’où il faudrait tirer les recettes pour réussir !

La perspective nationale-catholique est toute tracée, puisque le général reproche que dans notre pays il n’y ait pas assez de fermeté, et pas assez « d’humanité, d’amour ». Le général dit même :

« L’État est chargé d’organiser la vie de la cité. »

« Le rôle de l’État est d’ordonner la vie de la cité. »

Tel est le point de vue de la réaction, effectivement. La Gauche pense le contraire. Et la journaliste Alba Ventura de RTL est une fieffée servante de la réaction. Les dernières questions sont d’une servilité absolue, au point d’étonner le général :

« – Vous pensez qu’un général peut gouverner notre pays ?

– [Un temps.] Je pense qu’un général l’a déjà fait. Mais, si c’est…

– Je pense à vous, puisque vous écrivez des solutions pour notre société, pour notre nation. Est-ce que ça vous titille ?

– [Grand sourire.] J’ai déjà dit que je ne ferai pas de politique, je ne ferai pas de politique. »

Le général nous prend pour des idiots : tout le monde sait qu’un coup d’État se veut un « rétablissement » de l’ordre et non pas une action « politique ». En parlant ainsi, il se place comme « au-dessus » de la politique, et donc précisément comme l’homme du recours, du dernier recours…

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Démission de Jean-Paul Delevoye: l’amateurisme au sommet de l’État

Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de piloter la réforme du système des retraites a démissionné ce lundi 16 décembre après de multiples révélations sur les mandats qu’il n’avait pas déclaré à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ainsi qu’un cumul illégal de rémunération. C’est le marqueur d’une grande régression au sommet de l’État, avec des classes dirigeantes d’une grande médiocrité, incapables de procéder à quelque chose d’aussi élémentaire que la vérification des antécédents d’une personne avant de la mettre sous le feu des projecteurs.

Ce n’est pas comme si il n’y avait pas eu ces derniers années de nombreuses affaires en France impliquant des personnalités politiques sur la question de leur probité, ou en tous cas au moins de la transparence de leurs activités présentes ou passées. On aurait donc pu imaginer qu’un homme ayant la prétention de remettre à plat le système des retraites français, sachant qu’il se retrouverait confronté à une opposition conséquente, prenne un minimum de précautions.

On aurait pu penser aussi que le gouvernement d’Emmanuel Macron, qui s’est prétendu l’incarnation de la modernité libérale contre « l’ancien monde » politique, aurait tout anticipé pour une réforme aussi importante et emblématique du quinquennat.

Tel n’est donc pas le cas puisque Jean-Paul Delevoye avait rempli à la volée (avec même de nombreuses fautes de frappe) sa déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en s’imaginant que rien ne puisse se passer, que rien ne puisse lui arriver. Quel amateurisme, quelle décadence !

Il a d’ailleurs eu le culot de prétendre que ce serait en fait à cause de sa femme, car monsieur ne gère pas ce genre de banalités du quotidien :

« J’avoue, autant je suis rigoureux sur les budgets publics, autant c’est ma femme qui s’occupe de tout ce qui est l’administratif de la maison Delevoye. »

Jean-Paul Delevoye est de ces figures bourgeoises typiques, venant de la Droite, qui cumulent les mandats en ayant pour ainsi dire le nez partout, en s’assumant pleinement comme une figure de la classe dirigeante.

Il a été maire, conseiller général, député, sénateur, Ministre de la fonction publique (gouvernement de Jean-Pierre Raffarin), président de l’Association des maires de France, Médiateur de la République ou encore président du Conseil économique, social et environnemental, dont nous avons parlé justement récemment à propos de la réforme des retraites de par l’importance essentielle de cette institution.

Lors de son mandat de député (de 1986 à 1988), sa fiche le désignait comme « Chef d’entreprise agroalimentaire ». Plus récemment, il a été ou est encore membre du conseil d’administration de la Fondation SNCF, de la Fondation du Crédit agricole Nord de France, président d’une fondation gérant un monastère, ambassadeur et administrateur du comité stratégique de la Fédération française des diabétiques, président de l’Association des orchestres nationaux de France et la Chartreuse de Neuville, président de l’Observatoire régional de la commande publique des Hauts-de-France ou encore membre du conseil d’orientation de l’Institut de recherche et débat sur la gouvernance (IRG).

Ce qui a posé problème, c’est qu’il n’avait pas inscrit dans sa déclaration sa fonction de représentant au conseil d’administration de l’Institut de la formation de l’assurance pour le groupe IGS. Cette omission est une faute pénale, notamment car il y a un lien direct entre les secteurs de l’assurance et la réforme du système des retraites, qui irait dans le sens des entreprises de l’assurance.

D’autre part, son mandat de président du think tank Parallax, qu’il avait déclaré, était rémunéré en plus de sa rémunération par le gouvernement, ce qui est complètement illégal. Notons qu’il touchait en plus de cela sa retraite du régime général ainsi que sa retraite complémentaire comme ancien élu local.

Tout cela fait beaucoup pour une personne chargée d’expliquer qu’il faut absolument changer le système actuel des retraite. Laisser mener la réforme par cette personne était un risque inconsidéré, une négligence incroyable. Sa démission, en plein mouvement social contre la réforme qu’il menait, est ici un grand désaveu pour le gouvernement et le terrible reflet de la décadence des couches sociales dominantes.

Une figure du commentaire politique qu’est Christophe Barbier expliquait d’ailleurs lundi matin, quelques heures avant sa démission :

« Il va quitter le gouvernement. Mais pas tout de suite, parce qu’il a été sauvé par Philippe Martinez qui, la semaine dernière faisait l’éloge de l’homme de dialogue qu’était Jean-Paul Delevoye et qui là a tourné casaque et réclame sa démission. Or, évidemment, en pleine crise quand l’adversaire réclame le scalp du ministre, on ne lui donne pas. »

Cet amateurisme de la part de l’exécutif français en dit très long sur la décrépitude de la bourgeoisie française, totalement déconnectée des réalités. Cependant, comme il n’y a pas de Gauche politique, seulement une opposition syndicale-corporatiste, le grand risque est une modification du régime par en-haut, au moyen d’un remue-ménage épaulé par l’armée.

Cela afin de laisser libre-cours à la pleine participation de la France dans la bataille pour le repartage du monde, avec en toile de fond l’affrontement inéluctablement militaire entre les États-Unis et la Chine.

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«La CGT appelle à participer massivement aux grèves du 17 décembre»

Voici le communiqué de la CGT appelant « l’ensemble des salarié-e-s, précaires, privés d’emploi, retraité-e-s » à participer massivement aux grèves de demain mardi 17 décembre 2019, contre la réforme du système des retraites.

« Le président et le gouvernement encouragent l’affrontement et la durée du conflit !

On nous avait promis les explications et la clarté après l’intervention du Premier ministre sur le projet de réforme des retraites. Mais, non seulement, il n’a pas levé les doutes, les inquiétudes ou la colère des grévistes et des citoyens en général mais il a élargi le front des mécontents.

Ceux qui accusaient les salarié-e-s et les syndicats d’agir avant de connaître le contenu du projet en sont pour leur frais. Le Premier ministre a bien confirmé que tout le monde allait travailler plus longtemps dans le secteur public et privé, que les inégalités allaient se creuser à la retraite et que les futures générations étaient sacrifiées au nom de la rigueur budgétaire et dans un souci d’économie sur le dos de celles et ceux qui possèdent le moins.
Le président de la République vient de le conforter en parlant de « réforme historique ».

L’ensemble des organisations syndicales de salariés, dans leur diversité, appellent à la mobilisation le mardi 17 décembre. Seul le patronat, notamment le Medef, approuve cette réforme avec un grand sourire. C’est un repère important pour le monde du travail quand le CAC 40 affiche un tel enthousiasme pour un projet de loi.

Stigmatiser les grévistes et les manifestants en les rendant responsables de la situation que connait le pays, c’est jeter de l’huile sur le feu et c’est attiser la haine et les colères.

Fort du soutien très majoritaire de l’opinion publique, la CGT appelle l’ensemble des salarié-e-s, précaires, privés d’emploi, retraité-e-s à participer massivement aux grèves du 17 décembre. Il s’agira de dire au président et au gouvernement :

  • écoutez et entendez les aspirations et les revendications des travailleurs et des travailleuses ;
  • retirez votre projet, reprenons les discussions et n’écartez, par dogmatisme, aucune proposition pour améliorer notre système de retraite qui est le meilleur au monde.

C’est le gouvernement qui, par son obstination, veut compromettre les congés et les fêtes de fin d’année.

Après la mobilisation exceptionnelle du 5 décembre qui a constitué un marqueur, il nous faut être plus nombreux et nombreuses en grève et dans les cortèges, le mardi 17 décembre prochain. Toutes et tous ensemble.

Montreuil, le 13 décembre 2019 »

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Jean-Luc Mélenchon et le jeu nationaliste «franc-maçon»

Jean-Luc Mélenchon ne relève pas des traditions du mouvement ouvrier, mais du courant trotskiste dit lambertiste particulièrement lié au syndicat anti-politique Force Ouvrière et à la franc-maçonnerie. C’est la source intellectuelle de ses nouvelles sorties ultra-provocatrices au sujet des « progrès » de Marine Le Pen et des gouvernements qui plieraient devant les « communautaristes » « sionistes ».

Les propos de Jean-Luc Mélenchon, début décembre, avaient laissé perplexes beaucoup de monde. Il avait expliqué qu’il y aurait eu un changement « social » chez Marine Le Pen. Constatant qu’elle appelait à manifester contre le plan gouvernemental de réforme des retraites, il a expliqué devant les médias :

« Écoutez, c’est un grand progrès. D’habitude, elle passe son temps à chercher pouille aux arabes et aux musulmans, et aujourd’hui, elle a compris que quelle que soit sa religion ou sa couleur de peau, on a tous des intérêts communs et qu’on est semblable et qu’à partir de 60 ans et plus, tout le monde est fatigué, donc ça vaut la peine que les gens s’arrêtent. »

On ne comprend pas trop si Jean-Luc Mélenchon se moque de Marine Le Pen ou s’il considère qu’elle a réellement évolué. Cette ambiguïté est d’autant plus forte qu’il a ensuite expliqué :

« Elle est en train de faire un progrès en quelque sorte en direction de l’humanisme, je ne vais quand même pas me plaindre de ça et quant à ses adhérents sur le terrain, ils sont les bienvenus. Aujourd’hui, ils viennent dans la tenue des cheminots, de gaziers, d’électriciens, etc. Comme on dit à Marseille : profession vaut noblesse. »

En réalité, il se moque bien d’elle, mais il tente de jouer sur son terrain « national », « communautaire ». Il oppose à la lecture nationaliste de Marine Le Pen une lecture tout autant nationaliste, mais qu’il imagine sociale car nationale, et inversement. C’est l’idéologie « républicaine » qui est propre à la France et dont l’une des principales figures fut Jean Jaurès.

La nation française serait « en soi » sociale, il suffirait qu’elle soit « elle-même ». D’où ses propos populistes le même jour faisant allusion, sans le dire, à la charte d’Amiens de 1905 :

« Dans les statuts de tous les syndicats, la CGT, SUD et le reste, il est dit qu’ils réunissent tous les travailleurs, compte non tenu de leurs opinions politiques, religieuses ou philosophiques. Par conséquent, quand vous êtes dans un mouvement social, depuis toujours il y a toujours eu tout le monde (…). Je ne suis pas étonné qu’un salarié du rang, quel que soit son vote politique, car c’est bien de ça dont on parle, défendre ses intérêts avec les autres et moi je trouve ça très bien. »

Le dirigeant de La France insoumise sait d’ailleurs être prudent et il assez malin pour ne pas mentionner Force Ouvrière, ce syndicat est né comme opposant farouche à la politique, en étant soutenu par la franc-maçonnerie (Jean-Luc Mélenchon est membre du « Grand Orient ») et les trotskistes du courant lambertiste (dont a fait partie Jean-Luc Mélenchon).

Il veut éviter que son style ne soit trop cerné intellectuellement, car sinon il perdrait son côté « au-dessus » de la mêlée qu’il emprunte aux « leaders » nationalistes latino-américains.

Il en va de même pour ses propos suivant la défaite des travaillistes au Royaume-Uni. Il a tenu sur son blog des propos anti- « communautaristes » relevant résolument de l’idéologie franc-maçonne.

« Corbyn a passé son temps à se faire insulter et tirer dans le dos par une poignée de députés blairistes. Au lieu de riposter, il a composé. Il a du subir sans secours la grossière accusation d’antisémitisme à travers le grand rabbin d’Angleterre et les divers réseaux d’influence du Likoud (parti d’extrême droite de Netanyahou en Israël). Au lieu de riposter, il a passé son temps à s’excuser et à donner des gages. Dans les deux cas il a affiché une faiblesse qui a inquiété les secteurs populaires (…).

Tel est le prix pour les « synthèses » sous toutes les latitudes. Ceux qui voudraient nous y ramener en France perdent leur temps. En tous cas je n’y céderai jamais pour ma part. Retraite à point, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogante des communautaristes du CRIF : c’est non. Et non c’est non. »

Une ukase est un ordre sans appel donné en Russie par le Tzar et les dernières lignes citées sont les dernières de son article. En agissant ainsi, Jean-Luc Mélenchon savait très bien qu’il jouait la provocation et que cela ressemblerait, comme pour le pseudo appel du pied à Marine Le Pen, à un appel du pied aux franges petites-bourgeoises ayant basculé dans le camp antisémite de Dieudonné et d’Alain Soral.

Il agit ici de manière machiavélique, de manière parfaitement calculée. Il sait également très bien que les travaillistes britanniques, en s’ouvrant aux courants post-modernes « décoloniaux » et autres, ont fait face à une vague d’antisémitisme, comme « anticapitalisme romantique ». Mais il choisit de passer outre.

Car, étranger au mouvement ouvrier, en perte de vitesse, Jean-Luc Mélenchon est obligé d’accentuer la mise en avant de son « idéal » républicain – franc-maçon, cette fiction apolitique, anti-politique, d’une « république sociale » fondée sur la « fraternité ».

Ce qui revient, dans les faits, à prôner un État fort, apolitique, sur une ligne « sociale » et nationale. Bref, à servir de marchepied à l’extrême-Droite, tout en prétendant le contraire.

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Des jeunes Corses exhibés comme «trophée» de la sous-direction anti-terroriste

Onze personnes ont été arrêtées pour des destructions de résidences secondaires, l’une des principales problématiques corses. Non content d’en transférer dix à Paris, les policiers les ont exhibé tel un trophée pour une photo souvenir. Ce mépris de tout respect démocratique de la personne en dit long sur la posture anti-corse bien connue de l’ensemble de l’appareil d’État.

 

L’affaire a été révélée au moyen d’une vidéo où l’on voit le tarmac de l’aéroport Bastia-Puretta, à la suite d’interpellations particulièrement brutales et spectaculaires, dans un esprit d’intimidation. Il s’agit de faire passer comme une chose acquise la transformation de la Corse en une zone résidentielle au service des Français les plus riches.

 


Voici la lettre au Procureure de la République de Jean-Félix Acquaviva. Ce député est secrétaire national du parti Femu a Corsica, membre avec Corsica libera et le Partitu di a Nazione Corsa de l’importante coalition Pè a Corsica, qui regroupe les principaux courants autonomistes ou indépendantistes corses.

 

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Meeting commun de la Gauche du 11 décembre 2019

Ce meeting rassemblant les principales structures de la Gauche a malheureusement été occulté par a présentation le même jour du projet de réforme des retraites par le Premier ministre. Rassemblant de manière la plus large, il a consisté en une tentative du PCF de ressouder des forces assumant de vivre à l’écart les unes des autres.

Le meeting a eu lieu à Saint-Denis dans le nord parisien, ville historiquement composante de la « banlieue rouge » cerclant Paris. C’est un bastion historique du PCF et c’est lui qui a organisé ce meeting devant traiter de la réforme des retraites. Bien entendu, il s’agissait surtout de refaire parler entre elles les différentes composantes de la Gauche.

L’esprit unitaire a prédominé, au point que Le Monde, dans son article au sujet du meeting, liquide la présentation des présents :

« La liste complète des participants est trop longue pour être reproduite de manière complète. »

Le journalisme de ce début de 21e siècle est un étonnement permanent. Il est vrai cependant que cela relève d’un esprit anti-politique propre à notre époque. Déjà que la lutte politique a toujours été difficile pour la Gauche, dans un climat de simplisme, de populisme et de libéralisme général, c’est encore plus dur.

Étaient donc présents des représentants du Parti socialiste, de Génération-s, de Lutte ouvrière, du Nouveau parti anticapitaliste, de La France insoumise, d’Europe Écologie-Les verts, de Place publique, de Gauche démocratique et sociale ainsi que des radicaux de gauche. À cela s’ajoute également la Gauche républicaine & socialiste, systématiquement « oubliée » dans les médias. La présence de sa représentante Marie-Noëlle Lienemann est parfois mentionnée pourtant.

Une telle amplitude fait que le meeting avait par conséquent son importance ; rien que sa tenue est déjà une contribution certaine, même si volontariste, à l’inévitable unité à venir. Tout le monde était d’ailleurs d’accord qu’il fallait aller dans le sens d’une mobilisation, d’une intervention accrue pour contrer le gouvernement et établir un contre-projet.

Les dissensions, si elles ont été évitées de manière formelle, n’ont toutefois pas manquer d’affleurer et de parasiter, voire paralyser le meeting. Au grand dam du PCF qui s’est placé à cette occasion comme assumant le rôle d’interface entre tout le monde. Il n’a pas ménagé ses efforts en ce sens, tant en prenant le risque d’organiser le meeting, en servant d’organisateur des discussions, en poussant à un esprit unitaire.

C’est que le PCF a aussi le plus à perdre d’un éventuel échec, car il est coincé. Il y a en effet d’un côté les réformistes gouvernementaux se considérant comme incontournables de toutes façons (le PS et EELV), acceptant le système des retraites à points, ne voulant pas reculer l’âge de la retraite, bref soucieux d’apparaître comme institutionnels à tout prix, « réalistes », etc. Ils ne veulent pas faire reculer l’âge de départ à la retraite, ils sont prêts à négocier avec Emmanuel Macron un système de retraites à points.

Il y a de l’autre ceux pour qui il faut mettre de l’huile sur le feu pour tirer son épingle du jeu (LFI surtout, mais aussi le NPA ou Lutte Ouvrière). On penche de ce côté-ci dans le sens d’une rupture complète et d’un refus du Parti socialiste. Le représentant de LFI a clairement dit d’ailleurs, sans hésiter aucunement, qu’il n’y aurait pas de projet commun en raison des trop grandes différences existantes.

Ce n’a cependant aucune perspective de tracée pour l’instant, car tous les participants considèrent que tout dépend du mouvement contre la réforme des retraites. Un meeting dans un esprit unitaire est d’ailleurs prévu pour bientôt à Beauvais.

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Le système universel de retraite d’Édouard Philippe et la transformation des institutions

Le Premier ministre a présenté hier son projet de réforme du système des retraites, faisant l’unanimité syndicale contre lui. Les masques tombent en fait, car les syndicats redoutent plus que tout la remise en cause du compromis historique qui depuis 1945 fait d’eux une composante des institutions. Leurs bastions se font laminer par l’atomisation individualiste.

C’est devant le « Conseil économique, social et environnemental » que le Premier ministre Édouard Philippe a présenté, sous la forme d’une allocution, son projet de réforme du système des retraites. Le président de ce conseil, Patrick Bernasconi, l’a chaudement remercié :

« Je vous souhaite la bienvenue pour cette séance plénière exceptionnelle du Conseil économique, social et environnemental.

Votre choix de venir au CESE afin de nous présenter votre projet de refondation du système de retraite des Françaises et des Français est un signe de l’importance que vous portez, à l’instar du Président de la République, à cette 3ème assemblée constitutionnelle, consultative, représentant la société civile organisée. »

Ce Conseil est en effet un simple organe consultatif avec des représentants du patronat d’un côté, des syndicats et d’association de l’autre. C’est une des expressions de la tendance à la cogestion patronat-syndicat, de la participation des organisations de travailleurs aux institutions.

Le processus a commencé dans les années 1920 et s’est systématisé après 1945 à tous les pays occidentaux, sauf bien entendu les États-Unis. Y participent alors en première ligne les socialistes, qui abandonnent de fait leur perspective marxiste initiale au nom du « monde libre », puis les Partis Communistes dans le cadre de la coexistence pacifique soviétique des années 1960 (bien que le processus commença parfois même avant).

Il faut bien saisir, malgré son rôle consultatif seulement, le caractère essentiel de ce Conseil. Si De Gaulle a démissionné en 1969, c’est précisément à cause de lui. De Gaulle avait en effet organisé un référendum où il proposait de mettre en place une sorte de régime à la Charles Maurras, ce théoricien de la monarchie moderne, combinant corporatisme et décentralisation. Le référendum devait permettre :

– la mise en place de régions puissantes avec une partie des élus issus de votes du patronat et des syndicats, le préfet servant de dirigeant ;

– la fusion du Sénat et du « Conseil économique, social et environnemental », dans un super-organe consultatif représentant de manière fragmentée la « société civile ».

C’est pratiquement l’Italie de Mussolini et cela a failli être mis en place, le référendum se soldant heureusement par 52,41 % de « non ».

Et nous voilà donc en 2019 à une « séance plénière exceptionnelle » du « Conseil économique, social et environnemental », qui devait pour De Gaulle devenir pas moins que le Sénat. Quel est le rapport ?

C’est très simple. Édouard Philippe a affirmé la chose suivante au sujet du choix de présenter au Conseil, en premier, sa réforme ?

« J’ai souhaité le faire ici, au Conseil Économique, Social et Environnemental. Parce que c’est une transformation qui va concerner tous ceux que vous représentez, à un titre ou à un autre. »

Comment faut-il comprendre cela ? En fait, Emmanuel Macron veut modifier les institutions. Le grand compromis historique entre patronat et syndicat ne l’intéresse pas. Pour lui, c’est du passé, le capitalisme aurait définitivement gagné et l’idée même de classes a disparu au profit de la toute puissance des individus.

Il peut donc y avoir une bourse des valeurs avec des unions d’individus, des « lobbys » en quelque sorte – comme les « motards en colère », L214, les gens favorables aux tournois ultra-violents de MMA, le lobby pro-cannabis, celui pro PMA, celui pro GPA, etc. Emmanuel Macron assume d’ailleurs publiquement d’être de mèche avec le lobby des chasseurs.

Mais il ne peut pas y avoir de corporations. Il ne peut pas y avoir de regroupements de métiers. Or, comme on le sait, les régimes spéciaux s’appuient justement sur des groupements sociaux agissant tendanciellement comme des castes. Les enseignants sont un très bon exemple : historiquement ils ont une mentalité bien à eux depuis 1945, avec une grosse tendance à être des enfants d’enseignants, à se marier entre enseignants. Mais c’est pareil pour les avocats, les policiers, les médecins, etc., qui tous vivent dans leur bulle.

Ce n’est pas tout : le syndicalisme s’est propagé en France précisément sous la forme de syndicats de branches, avec une mentalité corporatiste. Si l’on dynamite les régimes spéciaux, on fait vaciller ces corporations et donc les syndicats avec. Les syndicats défendent donc leur raison d’être.

Ce n’est pas vrai seulement de la CGT, qui dispose de bastions comme EDF, véritable petit royaume indépendant. C’est encore plus vrai pour Force Ouvrière, dont le syndicalisme par métiers est littéralement le fondement. Pour Force Ouvrière, le vrai problème c’est l’universalisation du système des retraites… Ce qu’elle aimerait, c’est sa division par branches !

> Lire également : Le système universel de retraite d’Édouard Philippe en quatre points

Ce à quoi on assiste donc, c’est à un affrontement dont l’arrière-plan est la réorganisation des institutions elles-mêmes. Le capitalisme a atomisé les individus et exige une bourse aux idées, et non plus une structuration par métiers.

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10 décembre 2019: une mobilisation qui ne transcende pas le fatalisme

Les grèves de ce mardi 10 décembre 2019 ont été moins importantes que celles de la semaine dernière, avec principalement les agents RATP et une partie des agents SNCF, surtout les conducteurs, qui maintiennent la grève depuis le 5 décembre. Néanmoins, il a existé encore hier de nombreuses grèves d’une journée, plus ou moins minoritaires, plus ou ou moins entièrement encadrées par les syndicats.

À l’usine Bonduelle Rosporden en Bretagne, la moitié des CDI a débrayé hier, soit pour deux heures, soit toute la journée. Et l’ambiance est assez morose. Le discours du délégué syndical CGT est très pessimiste : il explique que « dans la durée, cela va être compliqué car nous n’avons pas la force de frappe suffisante ».

Et il précise :

« Nous avons une moyenne d’âge de 48/49 ans dans l’entreprise. Il y a beaucoup de gens cassés à force de porter des charges toute la journée. L’entreprise n’arrive plus à recaser les personnels qui ont un problème de santé car tous les postes administratifs sont pris. Il y a donc des licenciements. Il y a vingt ans, on pouvait rester quinze jours en grève, c’était plus facile. Aujourd’hui, on voit bien que les gens sont plus fragiles.

Si l’on veut parler d’équité, il faut tirer tout le monde vers le haut. Nous n’attendons pas grand-chose du Premier Ministre ce mercredi. Les gens sont parfois désabusés, fatalistes. Nous n’arriverons peut-être pas à gagner la bataille mais ne rien faire c’est être sûr de la perdre. Tant qu’il y a une lutte, il y a de l’espoir, mais ce n’est pas simple. »

Voilà qui correspond bien, on le sait, à l’état d’esprit qui règne malheureusement dans le prolétariat français. Le prolétaire français est fataliste. Il se dit que soit c’est foutu, soit qu’il doit regarder individuellement à se caser ailleurs. Il ne va pas plus loin.

La lutte contre le plan gouvernemental de réforme des retraites ne change pas la donne. D’où les discours triomphalistes ou bruyants des syndicalistes et des anarchistes pour faire semblant qu’il se passe quelque chose. N’y croira que celui voulant y croire.

> Lire également : La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

Car ce qui est retenu surtout de cette journée du 10 décembre c’est le nombre de manifestants. Ils ont été moitié moins nombreux partout en France que la semaine dernière. Le ministère parle de 339 000 manifestants et la CGT de 855 000 (d’après Le Parisien). Dans tous les cas, moitié moins.

Cela marque un essoufflement, alors que la grève du 5 décembre avait déjà déçu beaucoup de grévistes pour son manque d’impact, mis à part dans les transports franciliens et à la SNCF.

Selon la SNCF, 77,3% des conducteurs de trains étaient en grève hier, ainsi que 55,4% des contrôleurs et 23,9% des aiguilleurs, ce qui fait un taux officiellement de 24,7% de grévistes pour l’entreprise. À la RATP, le taux de gréviste n’est pas communiqué, mais il est évidement très important, car le trafic est très faible voire inexistant depuis jeudi dernier.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres, la grève était significative dans le transport aérien, ce qui a engendré des annulations de vols, plus ou moins importantes selon les compagnies et les aéroports.

Dans de nombreuses entreprises, et notamment dans l’industrie, les quelques personnes ayant fait grève la semaine dernière ont été encore moins nombreuses cette fois, se limitant encore plus que jeudi dernier aux syndiqués et à leur entourage immédiat.

On remarquera ainsi de nombreuses poches de grévistes, réelles mais très minoritaires, un peu partout dans le pays comme chez Michelin à Clermont-Ferrand ou chez PSA Hordain (Sevelnord), près de Valenciennes où une cinquante de syndicalistes, de l’usine et de l’union locale, ont mené un barrage filtrant qui a un tout petit peu retardé la production.

Les dockers du Grand port maritime de Marseille, où la grève d’hier était suivie et devrait l’être à nouveau demain jeudi 12 décembre, ont également fait un blocage en fin de journée. Il y a aussi des grèves dans la plupart des raffineries françaises, dont 7 sur 8 sont bloquées, avec des mouvements reconduits ou arrêtés à différents moments depuis la semaine dernière, de manière dispersée.

Il faut noter par ailleurs dans le nombreuses communes des grosses mobilisations des personnels de cantine scolaire, sans qu’il y ait de chiffre général. Chez les enseignants, la grève était moins importante que la semaine dernière, avec un taux de grévistes d’après le ministère de 12,41% dans le primaire et 19,41% dans le secondaire (contre respectivement 50 % et 40 % le 5 décembre).

Chez EDF, où la CGT est encore très implantée, la grève a été suivie, avec 21,8 % de grévistes (contre 36,5 % la semaine dernière) pour l’entreprise, mais beaucoup plus pour ce qui concerne les ouvriers, sans que l’on ait de chiffre. On sait cependant que dans certaines unités de production, par exemple la centrale de Cordemais en Loire-Atlantique, les grévistes étaient 92 % la semaine dernière et ont encore bloqué la production cette semaine.

Il y a eu quelque actions de la part d’agents EDF, tantôt biens vues comme à Lyon où la CGT a revendiqué le basculement de 80 000 foyer en tarification heures creuses, tantôt plus discutables comme à Perpignan où le centre-ville a été privé d’électricité pendant une partie de la journée.

On notera également la continuation du mouvement dans les hôpitaux, et notamment les services d’urgence où le mouvement de grève/contestation en cours depuis plusieurs mois connaît un nouveau rebond.

En ce qui concerne la jeunesse, c’est le calme plat dans les lycées et les universités, malgré quelques jeunes radicalisés dans certains établissements qui tentent de forcer les choses avec les habituels « blocus » de lycées ou occupations d’amphithéâtres dans certaines facultés.

Soulignons pour finir la grande grève des éboueurs de Brest (90% de grévistes) depuis la semaine dernière à cause de la durée des tournées et pour réclamer une prime de pénibilité, ainsi que de meilleurs équipements de protection individuelle. Une grève des éboueurs à Martigues près de Marseille, qui dure depuis la semaine dernière, a elle été suspendue hier soir.

Il n’y a ainsi ni mouvement général, ni même une hypothétique agglomération de différentes luttes cloisonnées. On est dans la pente descendante à moins qu’un élément ne vienne s’ajouter dans la dynamique en cours.

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La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

La journée du 10 décembre 2019 contre le plan gouvernemental de réforme des retraites n’a pas amené le monde du travail à se mobiliser massivement. Comment peut-on alors prétendre le contraire ? Entre les « on lâche rien » syndicalistes et les fantasmes anarchistes du grand soir, on est dans un déni complet de la réalité. Il faut que ces gens s’effacent devant la Gauche politique.

Il faut vraiment nier la réalité pour raconter que le « monde du travail » et la « jeunesse » s’est massivement mobilisée le 10 décembre. Ce n’est tout simplement pas vrai. Le dire, c’est mentir. Et, à la suite de la mobilisation du 10 décembre, la CGT ment. Son communiqué intitulé « L’opposition à la réforme des retraites se confirme ! » relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Comment peut-on écrire la chose suivante ?

« Avec 1 million de manifestants dans plus de 200 manifestations organisées ce mardi 10 décembre, c’est une nouvelle journée de mobilisation réussie alors même que cette date est apparue très récemment dans le calendrier après une première journée d’ampleur historique (…).

L’excès de communication déployé par le Gouvernement pour tenter de désamorcer la situation est un échec, force est de constater que le monde du travail, de la jeunesse et des retraité.e.s se sont de nouveau massivement mobilisés ce jour pour exprimer leur volonté de bénéficier d’un régime de retraite solidaire et intergénérationnel à l’opposé du projet présidentiel. Allant même jusqu’à entraîner la mobilisation de secteurs professionnels peu enclin à la manifestation à l’instar des syndicats de la Police Nationale. »

Comment peut-on parler de date « surprise » alors que c’est censé être un mouvement de grève commencé il y a plusieurs jours ? Rien qu’avec cela on comprend que la CGT cherche simplement à faire du bruit autour des cheminots, de EDF et de la RATP, au moyen des retraités et des jeunes, avec quelques bases ouvrières.

Sauf que les ouvriers en général restent tous à l’écart, que la jeunesse fait d’ailleurs pareil, sans parler des travailleurs du secteur privé en général.

Et les grèves, d’ailleurs, où en est-on ? Parce que tout le silence syndical à ce sujet en dit long. C’est un flop. Ce flop vient du fait que les gens n’ont pas fait confiance ni aux syndicats, ni aux anarchistes. Ni d’ailleurs aux cheminots, aux travailleurs de la RATP et à ceux de l’Éducation nationale, qui ne s’imaginaient tout de même pas que la France allait faire une grève générale rien que pour eux quand même !

Il serait peut-être temps que les travailleurs concernés assument de mener une lutte corporatiste, pour se remettre en cause et alors chercher à gagner la confiance de l’ensemble des travailleurs. Ce qui implique bien plus dure, on le devine… Et justement les cheminots, les travailleurs de la RATP, d’EDF et ceux de l’Éducation nationale ne le veulent pas. Leur raisonnement c’est : foutu pour foutu du côté des travailleurs, tirons notre épingle du jeu.

Qu’on ne s’étonne pas donc si tout plante et si les ouvriers restent à l’écart… comme ils sont restés à l’écart des gilets jaunes.

Et c’est pour cela que toute cette mobilisation actuelle n’a pas d’âme, comme bien d’autres ! Et c’est pour cela que la Gauche politique est totalement à plat, avec les syndicalistes et les anarchistes, devant qui tout le monde capitule pratiquement à gauche.

Ce qui revient à faire semblant d’apprécier les commerçants itinérant du XIXe siècle vendant leur camelote en prétendant que c’est un remède miracle. Alors que la classe ouvrière va réémerger sur la place historique… Et que tout va être alors fondamentalement différent.

Bien malin seront alors ceux qui auront valorisé le syndicalisme, l’anarchisme, les gilets jaunes, en pensant que la Gauche politique, la Gauche historique, c’était du passé !

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«La retraite, une affaire de jeunes»

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«Appel à une candidature unique de la gauche à l’élection présidentielle 2022»

Une initiative a formé une plate-forme pour qu’en 2022, la Gauche ne présente qu’un seul candidat aux prochaines élections présidentielles, sur la base d’un dénominateur commun à la fois social, humaniste et écologiste. Si le dénominateur commun en question peut évidemment se discuter, dans tous les cas c’est une évidence qui s’affirme d’elle-même alors que les menaces ultra-libérales et d’extrême-Droite ne cessent de se renforcer.

Le site uniondesgauches2022.org propose un embryon de programme et une pétition pour, en amont, contribuer à une candidature unique de la Gauche aux présidentielles de 2022. Parmi les idées mises en avant, il y a le passage suivant qui est très bien tourné et qui parlera de manière naturelle à tous les gens de gauche :

« Le sentiment d’appartenance à une société commune, prérequis indispensable à la vie démocratique, a été brisé par une double peine.

D’une part, le modèle libéral dominant impose une compétition permanente au citoyen/consommateur dont la réussite est mesurée à l’aune de son enrichissement par rapport aux autres.

D’autre part, le discours réactionnaire et omniprésent de l’extrême droite enferme notre société dans une vision communautariste qui oppose les citoyens, à mille lieues de nos valeurs universalistes historiques.

Face à cette menace, la gauche se mobilise pour défendre une société du commun. »

On ne dira pas : c’est beau, parce que tout cela est dramatique. On dira donc : c’est bien. Très bien même ! Rien que ces quelques lignes devraient suffire à établir la base de l’union, permettant de débattre, proposer, discuter ensuite de comment faire, comment interpréter la situation, etc.

L’initiative mise en place cherche cependant directement à aller plus loin. On a donc plusieurs thèmes, avec à chaque fois un petit résumé et les liens vers les positions d’Europe Écologie-Les Verts, du Parti socialiste, de La France Insoumise et du PCF. On a donc :

– en finir avec la monarchie présidentielle pour remettre le citoyen au coeur de la décision publique ;

– reprendre le contrôle sur les banques et la finance ;

– redistribuer plus justement les richesses ;

– refonder une société du commun et du vivre-ensemble ;

– défendre nos services publics pour préserver le modèle social français ;

– accueillir et intégrer dignement les réfugiés ;

– passer au 100% renouvelable ;

– encourager une économie verte et relocalisée.

L’idée est bien sûr de ne pas en dire trop peu et d’essayer de dynamiser le tout le plus rapidement possible… De par l’état des forces de la Gauche, d’ici les élections présidentielles en 2022 mieux vaut s’y prendre tôt, effectivement !

On peut toutefois – pour faire quelques remarques tout de même – regretter des incohérences.

Dire qu’il faut en terminer avec la monarchie présidentielle est par exemple excellent, c’est le cœur de la Gauche historique d’ailleurs. Notons tout de même en passant que tous les partis de Gauche ayant été au gouvernement s’en sont finalement bien accommodés, de cette Ve République née d’un coup d’État militaire…

Mais passons, le souci vient du fait qu’il est demandé que soit renforcé le pouvoir des villes et régions, et réinventé le rôle des députés. Cela ne marche pas, car est ici oublié le Sénat, ce bastion des forces réactionnaires s’appuyant sur les élus des collectivités territoriales, cet arrière-pays réactionnaire… Soit on renforce les députés (aux dépens du Sénat), soit on renforce le local, mais les deux en même temps, ce n’est pas possible.

C’est pourquoi, finalement, une vraie Gauche ne peut qu’aller dans le sens de la disparition du sénat et des préfets, ces avant-postes relevant obligatoirement de la Droite. Ce qui amène au vrai problème de fond, d’ailleurs. Il n’est en effet pas possible de combiner :

– la décentralisation, les concertations citoyennes, le renforcement du local… comme le veut la tradition de la seconde Gauche rejointe finalement par le PCF,

– avec l’affirmation politique de la Gauche, qui ne peut exister que dans le dépassement des particularismes locaux et la proposition au niveau de tout le pays.

Ce nécessaire besoin de la Gauche d’exister au niveau national, sans quoi elle se dilue dans l’arrière-pays réactionnaire, dans la France profonde, a été vrai pour tous ses marqueurs : la Commune de Paris de 1871, le Front populaire de 1936, mai 1968, tout comme évidemment l’union de la Gauche en 1981.

On voit mal comment l’union des gauches en 2022 pourrait éviter de proposer quelque chose de fort sans se faire littéralement massacrer par les libéraux d’un côté et l’extrême-Droite de l’autre. Il y a de sacrés défis qui nous attendent !