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Ensemble ! : « Réflexions sur les jours d’après »

La reconstruction de la Gauche exige de poser les choses, en assumant une réflexion profonde qui aille dans le sens de l’unité. C’est précisément l’objet de ce document écrit par Jean-Claude Mamet et publié sur le site de l’organisation de gauche « Ensemble ! », dont il est porte-parole.

Le point de vue défendu par Jean-Claude Mamet dans le texte ci-dessous est différent à plusieurs égards des positions défendues habituellement ici, mais ces divergences relèvent du débat à l’intérieur de la Gauche. Il absolument nécessaire de mener ce débat.

Il faut confronter les points de vue, fraternellement, démocratiquement, en visant l’unité pour un nouveau Front populaire, en ayant à cœur de défendre les intérêts des classes populaires et de la planète, en voulant vraiment changer la vie !

« Réflexions sur les jours d’après

L’après 26 mai 2019 pourrait être simple : les gauches qui ont postulé aux suffrages pour les élections européennes ont été tellement en concurrence (alors qu’une partie des listes disaient des choses semblables ou non contradictoires) qu’elles devraient raisonnablement en tirer la conclusion qu’il faut discuter. Notamment face au danger des droites extrêmes et des néolibéraux. Mais l’effort subjectif pour dépasser les postures qui durent depuis plus d’un an sera vraiment considérable et coûteux.  Selon toute vraisemblance, une médiation sera nécessaire pour parvenir à un débat constructif.

On peut aussi espérer que dans Ensemble, les clivages s’apaisent et qu’Ensemble ! dans son entier puisse jouer un rôle passerelle. Le pire serait qu’on pousse au rassemblement, et qu’on continue à s’entredéchirer dans Ensemble !

Aucune des forces et organisations qui étaient en compétition à gauche le 26 mai ne peut à elle seule prétendre incarner une solution d’avenir. Mais ces forces (je ne parle pas du PS ici, mais il faudra le faire aussi) ont dans leur sillage ou leurs propositions des richesses de propositions, d’innovations et de militantisme qui, mises en commun, pourraient devenir attractives pour faire du neuf. Encore faut-il le vouloir. Mais aussi définir une méthode.

Quelles pourraient être les pistes de méthode pour avancer ?

J’en voit quatre.

* La première serait donc d’accepter l’échange et le débat.

a) Dans un premier temps, l’échange devra se faire d’abord entre des courants proches par leur histoire ou par affinités pour reconstruire une confiance commune.

b) Pour un projet plus large, à la hauteur de la situation, on connait l’argument ressassé sur l’alignement des sigles qui ne produirait rien de bon. Après cette campagne européenne, cet argument devient presque évident : pourquoi un rabibochage par un cartel de sigles serait-il d’un seul coup crédible alors que tout a été fait pendant des mois pour discréditer au maximum toute pratique unitaire (et certains l’ont fait au nom de l’unité !). Il conviendrait donc dans un premier temps de dire modestement : parlons-nous et débattons. Sans forcément en faire une publicité tapageuse, pour ne pas créer de faux espoirs, voire des tromperies sur la marchandise. Et en distinguant le court terme et le long terme : que faire ici et maintenant, puis quelle stratégie pour les années à venir (il vaut mieux …ne pas commencer par 2022).

* La deuxième piste serait donc l’action commune doublée de propositions politiques communes. Certains répondent à cela : mais on le fait déjà ! Ou encore : ce n’est pas cela qui définit un projet politique. Il faut donc bien clarifier ce dont on parle. Les forces politiques de gauche et écologistes soutiennent en général des luttes, ou des exigences, chacune séparément. Il leur arrive de le faire ensemble : par exemple au printemps 2018 pour soutenir par des conférences de presse la lutte des cheminots. Ou encore bien plus difficilement pour soutenir en commun les manifestations de Gilets jaunes, agir contre la répression. Ou plus rarement pour s’afficher dans les manifestations climat.

Mais ces cadres communs de solidarité ne font pas évènement, parce que rares sont les composantes qui veulent leur donner un sens politique réel. La question est : est-ce que cela suffit d’être solidaires ? Le vrai engagement politique commun serait de prolonger la solidarité élémentaire par des propositions politiques : sur les services publics européens, sur les priorités écologiques, sur la démocratie. Mais là, il n’y a plus personne ! Chacun reste dans son couloir : la place est jalousement gardée et protégée. Alors que bien souvent, les propositions des uns et des autres pourraient au minimum converger ou alors susciter publiquement des controverses utiles. Mais c’est précisément cela que certaines forces ne veulent pas partager.

Car admettre un cadre pluraliste convergent avec des débats publics profitant à tout le monde, c’est admettre que l’on construit un espace socio-politique commun. C’est renoncer à son pré-carré. Voilà pourquoi l’action commune prolongée de propositions communes sont en réalité très engageantes pour faire voir au quotidien qu’un projet politique est possible. L’offre politique doit être enracinée dans l’action, sinon elle court le risque du projet en surplomb auquel il faut se rallier, sans être appelé à coconstruire. L’émancipation implique la participation à la fabrique du politique.

Exemples concrets :

– Cédric Durand et Razmig Keucheyan ont écrit une tribune (parue dans Le Monde) avec des propositions sur la place de l’intervention publique pour définir une transition écologique, avec des axes hiérarchisés. Voilà ce dont il faut discuter.

– Ou encore : quelle proposition alternative à la retraite par points dite « universelle » de Macron ?

– Ou sur l’assurance-chômage avec bonus-malus ?

Si les forces de gauche et écologistes n’ont rien de commun à construire sur ces sujets, en lien si possible avec les acteurs-trices directement engagés, alors quelle est leur crédibilité politique ? On peut répondre : mais cela se fait déjà souvent à l’Assemblée nationale, voire au Parlement européen. Cela se fait parce qu’il y a contrainte : empêcher des projets, rendre plus audibles des sujets. Pourquoi cette contrainte parlementaire (parfois purement formelle) ne pourrait-elle pas se déployer dans l’arène publique ? Il conviendrait donc de mettre en place des groupes de travail thématiques.

* La troisième piste nécessite justement de construire des espaces démocratiques citoyens ou populaires, impliquant non seulement les forces ou courants politiques organisés, mais d’emblée des animateurs-trices de luttes ou d’associations, et les personnes volontaires.  On rejoint par là la forte exigence démocratique que nous observons partout. Il s’agirait de mettre en place une sorte d’agora démocratique et ouverte, des assemblées citoyennes ou populaire. Certains parlent de « processus constituant ». Pourquoi pas ? C’est là la médiation à mettre tout de suite en chantier. Si on vise une alternative émancipatrice à vocation majoritaire, il faut chercher à faire en sorte que la politique implique le plus grand nombre. Les forces et courants politiques doivent être partie prenante du partage d’expérience sans en faire un enjeu de concurrence passant par-dessus l’intérêt collectif.

Il faut en somme mobiliser les personnes de plus en plus nombreuses qui ont le désir de faire de la politique de manière directe, sans appartenance à priori, et qui tâtonnent dans cette direction depuis Nuit Debout, les groupes d’action FI (pour partie), les Collectifs Marée populaire, pour partie les Gilets jaunes, les citoyens des mobilisations climatiques, etc. Certes, cela ne règle pas par magie les problèmes d’incarnation, de représentation personnalisée (inévitables, car la société ne peut jamais être d’emblée transparente à elle-même).

Mais cela les encadre de bonne manière. Et cela nécessite aussi de livrer bataille vers les médias pour imposer du pluralisme représentatif plutôt qu’une mise en scène des egos et des présidentiables. Certains médias marcheront si cela est porteur de vie.

* La quatrième piste, corollaire de la précédente, est la nécessité vitale pour les mouvements sociaux, les syndicats, les associations, d’assumer la portée politique pluraliste de leurs luttes.  Ce qui bien sûr ne va pas de soi, et implique de réviser des certitudes mal apprises, ou déformées (Charte d’Amiens entre-autre).

Des débats à poser

Une fois cette méthode de travail acquise (ce qui ne sera pas facile, au vu des habitudes prises), il ne fait aucun doute qu’il faudra aussi remettre sur le métier bien des notions dont le sens n’a plus rien d’évident, du moins à large échelle.

* Ainsi la notion de gauche. Alors que toutes les études de politologie montrent que les personnes continuent à se classer individuellement selon le clivage gauche/droite (y compris, j’en ai fait l’expérience, chez les Gilets jaunes), la force de propulsion politique de ce clivage s’est émoussée, à force d’être combattue de tous côtés, à gauche et à droite. Le résultat en est plutôt un déplacement de l’axe politique vers une droite culturellement hégémonique (on le voit dramatiquement sur les enjeux sociaux, avec par exemple la disqualification du salariat), doublée à l’opposé d’un radicalisme verbal souvent vain (dégagisme, colère, raccourcis, sectarisme prétendument « lutte de classe » …).

C’est ce qui reste une fois que la gauche accepte de disparaitre comme enjeu ou intériorise sa ringardisation. On n’ose plus se dire de gauche : c’est une vraie victoire de la confusion dominante. Tout se vaut. Mais reconnaissons que pour réinsuffler du sens, il faudra faire de la pédagogie et savoir comment prendre en compte le besoin d’audace (Gilets jaunes, cortèges de tête…) dans l’action.

La société est clivée : le clivage social, bien connu, le clivage des valeurs et du sens, le clivage des stéréotypes de genres et des effets d’oppressions, le clivage du rapport à la nature et au vivant. Gauche et écologie sont intriqués dans le combat anticapitaliste, ou alors se dilueront l’un et l’autre. Mais l’intrication n’est pas spontanée, elle peut produire des conflits de priorités, difficiles à maitriser (exemple : emploi et industrie nucléaire, ou agro-alimentaire). Le clivage social ne produit plus, ou pas mécaniquement, un imaginaire progressiste. Le conflit sur le sens et les valeurs est orthogonal au clivage social, lequel peut suivre plus facilement une pente « nationale-sociale » de repli.

Nous avons donc tout un travail d’élaboration à faire.

* Il en va de même avec la lutte des classes et c’est lié. Mais il faut reconnaitre qu’un nouveau débat théorique est nécessaire sur ce qui structure les sociétés. Les rapports sociaux, de classe, de sexe, et de racisation, s’imbriquent. Mais ils ne s’imbriquent pas de la même façon sous le capitalisme qu’avant le capitalisme. La structure de classe introduite par le capitalisme mondialisé remodèle les sociétés, les oppressions millénaires, les conflits dits ethniques.

C’est un processus. L’imbrication n’est pas la même en Europe ou en Inde par exemple, ou dans des sociétés culturellement très différentes, même si la globalisation capitaliste tend à homogénéiser les modes de vie et le règne du tout marchand. Il nous faut donc tendre à universaliser (internationaliser) nos références et schémas de valeurs tout en étant attentifs au pluralisme des peuples et cultures (exemple type, le voile : l’acuité du problème, la manière de l’aborder, n’est pas la même selon que l’on vit en Iran, en Arabie Saoudite ou en France ; mais nous devons d’abord avoir un point de vue le plus universel possible, tout en admettant que l’universel n’est pas une entité figée).

* L’écologie est un défi anthropologique gigantesque, irréductible par bien des aspects aux conflits historiques connus. Les manifestations de jeunes sur le climat expriment cette radicalité nouvelle : « je veux pouvoir vivre comme être humain, en compagnie du vivant et de la biodiversité ». Cela semble transcender tout le reste. Et le temps presse !  Mais en même temps, sans renversement des puissances capitalistes, la bataille sera perdue.  Nous avons besoin de hiérarchiser des objectifs de lutte, et d’inventer une forme démocratique pour ce mouvement. C’est d’ailleurs étrange : le mouvement climat n’est pas démocratique dans ses modes de décision, mais cela semble peu inquiéter celles et ceux qui y participent, alors que la soif de démocratie est grande.

* Le défi démocratique :  Comment s’articule l’invention démocratique dans l’action, dans les luttes (qui produisent leurs institutions) avec une transformation radicale de la représentation citoyenne, qui reste incontournable ? Comment articuler démocratie (processus vivant) et république (chose commune) ?

Sur toutes ces questions comme sur celles énumérées par le texte collectif dit « stratégique » qui a circulé dans Ensemble !, nous avons besoin d’avancer dans le dialogue démocratique.

Jean-Claude Mamet (01-06-2019) »

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La lettre de Charlotte Girard quittant la France insoumise

L’universitaire Charlotte Girard a annoncé son départ de la France insoumise, dont elle était une figure appréciée, ainsi que la responsable du programme. Dans une lettre à ses camarades, elle pointe les nombreux dysfonctionnements de ce mouvement populiste, qui voit actuellement le sol se dérober sous ses pieds.

La déception suite au score de la France insoumise aux élections européennes a engendré une grande instabilité dans le mouvement. Cela ne pourrait pas arriver de cette manière dans une formation de gauche structurée de manière démocratique, autour d’idées fortes, avec des gens engagés sur le long terme dans une bataille qu’ils savent difficile.

Seulement voilà, la France insoumise n’est pas une structure de gauche justement, mais un mouvement populiste. Il est porté par des gens s’imaginant qu’il suffirait d’une sorte de spontanéité « populaire », dans un grand élan « fourre-tout » aux contours vaguement sociaux, pour aller forcément dans le bon sens, et ce rapidement.

C’est exactement la même démarche que des mouvements comme « nuit debout » ou les gilets jaunes. Sauf que cela ne mène à rien à rien du tout, si ce n’est à renforcer les frustrations et l’irrationalisme d’extrême-droite.

En l’occurrence, c’est exactement ce qui arrive à la France insoumise. Il lui aura suffi d’un mauvais score à une élection, qui somme toute n’a pas un très grand intérêt politique, pour que tout vacille, avec des gens s’en allant de partout ou d’autres ne s’exprimant plus, etc.

La lettre à ses camarades de Charlotte Girard, que nous reproduisons ci-dessous, est très intéressante de ce point de vue là. Il ne s’agit pas bien sûr de tirer sur une ambulance en moquant les défections, mais de profiter de cette réflexion utile, de cette tentative de bilan.

Ce que montre cette lettre, qui raconte assez succinctement, mais de manière précise le fonctionnement de la France insoumise, c’est qu’on a des gens qui ont cru inventer l’eau chaude, en faisant fi du patrimoine historique de la Gauche, de ses structures, de ses idées, de ses principes.

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

Il y a eu un élan autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2017, mais la suite a montré que c’était une coquille vide. Non pas que ces gens n’ont rien à dire ou n’aient pas d’idées, bien sûr. Mais ce que personne n’a vu, ou voulu voir, c’est que ce succès n’a pas reposé sur une identité propre, mais précisément sur le fait qu’il n’y avait pas d’identité clairement définie.

Chacun a donc pu y voir ce qu’il avait envie de voir.

Les gens de gauche déçus par François Hollande ont pu se dire qu’en tant qu’ancien socialiste se revendiquant de François Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon était leur homme. Pareil pour les gens ayant une sensibilité communiste, puisque le PCF lui avait quasiment donné les clefs de la maison les années précédentes. À cela se sont ajouté des gens quasiment d’extrême-droite, mais n’assumant par le FN, qui appréciaient le nationalisme affiché ou encore la critique de la finance flirtant avec l’antisémitisme, etc.

> Lire également : De la FI au RN, Andréa Kotarac : l’inévitable convergence des populismes

Ce genre d’amas populiste semble fonctionner tant que c’est nouveau, mais très vite cela fait flop, inévitablement.

Au contraire de cela, la Gauche a besoin de se reconstruire sur des bases solides, en assumant son héritage historique plus que centenaire, avec des réussites ô combien plus grandes qu’un simple score à la Présidentielle et quelques députés dans la foulée.

Ces quelques mots de Charlotte Girard sont donc une contribution utile, pour en quelque sorte savoir ce qu’il ne faut justement pas faire pour reconstruire la Gauche…

 

« Les chemins

Mes cher.e.s camarades,

Je n’ai jamais voulu déranger. J’ai été élevée comme ça. Quand les désaccords sont venus, j’aurais beaucoup donné pour pouvoir partir sur la pointe des pieds. On m’a dit alors que ça n’allait pas être possible.

Se rendre à l’évidence : ni vous, ni les journalistes n’auraient laissé faire. Vous, parce que vous auriez voulu comprendre davantage ; les journalistes, parce qu’on ne va tout de même pas laisser passer une telle occasion de montrer les dissensions dans la France insoumise.

Comment faire alors pour dire ce qu’il y a à dire …et pour partir ? Surtout quand il n’y a pas de lieu permettant de s’adresser aux insoumis.es sans qu’une nuée de caméras et de micros fasse écran entre vous et moi.

J’avais d’abord pensé venir avec d’extravagantes lunettes noires comme maître Gims et lire ce texte à l’Assemblée représentative. Puis j’ai pensé faire lire le texte par mon amie Manon Le Bretton à la même Assemblée. Mais là encore c’était perdu d’avance : mes cheveux m’auraient trahie et puis c’était risquer de déranger davantage les débats à venir dans l’Assemblée. Autant que vous puissiez travailler en pleine connaissance du nouveau contexte et sans surprise.

Alors pourquoi je quitte mes fonctions de coordination du programme et pourquoi j’arrête ma participation à la France insoumise ?

La question de ma mise en retrait n’est plus posée. C’est un fait acquis. Mais être là sans être là, ce n’est une situation confortable pour personne ; ni pour la France insoumise, ni pour moi. Toute la difficulté était de trouver la bonne distance : la distance respectueuse.

Respectueuse vis-à-vis des camarades pleinement engagés et sincères, qui, en particulier, faisaient la campagne des européennes. Ne pas exprimer de divergences sur la ligne comme sur la stratégie au risque d’ajouter encore plus de trouble et de difficulté. Et puis ce n’est pas quand la campagne est lancée qu’on jette le doute, surtout depuis une dernière place. Or ces doutes exprimés lors de la constitution de la liste et de la rédaction chaotique du programme n’ont pas trouvé de cadre où être travaillés et élaborés suffisamment pour qu’il en sorte une perspective claire et partagée ; en l’occurrence une véritable stratégie politique qui oriente à proprement parler la campagne et, au-delà, le mouvement lui-même.

Respectueuse vis-à-vis de moi-même aussi. Ne pas battre les estrades avec des directives au mieux brouillées, au pire contraires à mes préférences et mes raisonnements. Il n’en sortirait rien de bon et rien du niveau de conviction qui avait été celui de la présidentielle. Souvenons-nous de la présidentielle. Des interventions toujours fondées sur l’explication, jamais sur l’invective. Une anticipation précieuse qui avait permis que tout le monde s’approprie les contenus chemin faisant. Parler à l’intelligence. Mes camarades des ateliers des lois et des méthodes d’éducation populaire savent bien de quoi il s’agit.

La campagne est passée. Les camarades sont restés avec leurs questions pendant tout ce temps, quoique certains, dont je suis, ont alerté, à plusieurs reprises, au sujet du fonctionnement – juste le fonctionnement – de la France insoumise. Il avait été dit que des réponses seraient données après les Européennes. C’est ce qui devrait avoir lieu lors et à la suite de l’Assemblée représentative. C’est une bonne chose si ça arrive.

Mais pour ma part, le chemin fléché par la France insoumise s’arrête. J’ai donné tout ce que je pouvais tant que je pensais que l’outil – le mouvement – était conforme au but – la révolution citoyenne. Mais je n’en ai plus la certitude et je n’ai pas la certitude non plus que les efforts qu’il faudrait fournir pour obtenir la refondation interne de l’outil seront au rendez-vous. Que ma défiance ne soit pas un obstacle à l’aspiration au changement et à l’effort de réflexion collective qui aura lieu. De toutes façons il n’y a pas d’autre voie que le collectif. Allons au bout de l’explication.

Ma défiance porte sur l’outil d’abord. La désorganisation que je ne suis pas seule à déplorer produit une telle perte d’énergie que c’en est désespérant. Or les voies pour y remédier demeurent opaques et difficiles à emprunter. Il n’y a pas de mode d’emploi, ni pour utiliser, ni pour réparer. Il est donc aussi usant de faire que de chercher un moyen de faire. Résultat : tant qu’on est d’accord tout va bien. Mais il n’y a pas de moyen de ne pas être d’accord.

Or une dynamique politique – surtout révolutionnaire – dépend de la capacité des militants à s’approprier des raisonnements, c’est-à-dire potentiellement à les contester. Cette option est obstruée pour le moment, d’autant plus que dernièrement, on a eu parfois du mal à identifier avec quoi être d’accord ou pas. Le reproche d’inefficacité se confond finalement avec celui du manque de démocratie. J’en prends ma part. Juste après les législatives, je n’ai pas réussi à convaincre que le chantier de l’organisation était nécessaire et urgent.

Après le début de la campagne des Européennes, les Gilets jaunes ont fait irruption. Hors de tout ce que ce mouvement nous a fait découvrir sur la capacité de mobilisation vivace des gens, il nous a dit beaucoup sur notre organisation, en particulier l’écart que nous n’avons pas comblé entre le monde militant institutionnel et les gens.

C’est la seconde raison qui me conduit à penser que l’outil, trop tourné vers l’exercice institutionnel du pouvoir, en l’occurrence l’exploitation du seul contre-pouvoir parlementaire que nous avons encore, n’a pas permis de travailler à réduire cet écart. Or la révolution citoyenne dépend essentiellement du succès de la jonction entre ce que le mouvement insoumis produit idéologiquement et le peuple. Sur le fond, on a touché du doigt cette rencontre quand on a réalisé que les revendications étaient les mêmes que celles de l’Avenir en commun. Et pourtant la jonction n’a pas eu lieu.

La forme institutionnalisée de notre mouvement ajoutée à son expression électoraliste ont révélé deux handicaps auxquels il n’était pourtant pas possible d’échapper. Un mouvement même gazeux est un groupement politique régi par la constitution et la loi. Et nous présentions une liste aux élections en cours. Il n’est pas question ici de prétendre que nous n’aurions pas dû. Cet état de fait a permis de réaliser le caractère auto-contradictoire de notre situation.
L’exercice du pouvoir dans le cadre stérilisant de la Ve République – serait-ce un contre-pouvoir aussi énergiquement et brillamment investi par le groupe insoumis à l’Assemblée nationale – produit une défiance immédiate du peuple lorsqu’il prend conscience de ce que précisément ce cadre est hostile.

Lorsque la répression atteint un tel niveau de violence, non seulement la démobilisation par l’effroi augmente, mais il n’est plus possible de distinguer un consentement minimal aux règles qui permettent des expressions politiques comme la nôtre et une compromission avec le pouvoir qui menace.

Dans ce contexte de grande violence – et il n’est pas possible qu’un projet aussi alternatif que l’Avenir en commun n’y conduise pas par réaction du pouvoir oligarchique –, l’outil FI identifié à la conquête du pouvoir en Ve République ne peut suffire à produire cette jonction incontournable. J’ajoute qu’il ne faut pas confondre cette jonction avec une approbation électorale. Ce qu’il faut rechercher est un niveau de conscience populaire acquise non seulement à ce qu’il existe une oligarchie bien identifiée qui est dangereuse pour soi socialement et écologiquement, mais aussi à l’idée qu’un rôle politique légitime incombe souverainement à soi en tant que peuple. Rien de nouveau ici ; c’est la stratégie de l’ère du peuple.

Mais c’est l’instrument pour produire ce niveau de conscience menant à la révolution citoyenne qui pose problème et qu’il faut résoudre. Une piste a été suggérée, celle des « cercles constituants », ni un parti, ni une association, sans doute encore un mouvement ; à ceci près qu’ils n’ont pas d’objectif électoraliste et qu’ils ne concurrencent donc pas l’outil FI tourné vers la conquête du pouvoir d’État en Ve République. Et s’il s’agissait au fond de distinguer la perspective constituante et la perspective électorale sans pour autant les opposer ?

C’est ce questionnement qui gît sous les demandes de réflexion sur le fonctionnement ; pas une minable demande de reconnaissance individuelle.
Comme il ne m’apparaît pas qu’on ait bien perçu cet enjeu soit en niant avec constance la dimension centrale de l’objection relative au fonctionnement, soit en persévérant dans une ambition de sauvetage à court-terme de l’outil, je préfère me libérer des préoccupations et projections qui m’éloignent de cette recherche.

En attendant, nos chemins se séparent ici pour les raisons que j’ai dites avec la certitude que rien n’a été vain.

La suggestion poétique est de Manon Le Bretton.

Voici cet extrait de Caminante no hay camino du poète républicain espagnol Antonio Machado.

Caminante, son tus huellas [Toi qui marches, ce sont tes traces]
el camino y nada más; [qui font le chemin, rien d’autre ;]
caminante, no hay camino, [toi qui marches, il n’existe pas de chemin,]
se hace camino al andar. [le chemin se fait en marchant.]
Al andar se hace camino [En marchant on fait le chemin]
y al volver la vista atrás [et lorsqu’on se retourne]
se ve la senda que nunca [on voit le sentier que jamais]
se ha de volver a pisar. [on n’empruntera à nouveau.]
J’ajouterais le vers qui précède et que Manon ne m’avait pas suggéré :
Nunca perseguí la gloria. [Je n’ai jamais cherché la gloire.]

À vous, camarades de lutte.
Charlotte. »

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La colère qui monte dans les services d’urgence

Les services publics de santé en France se dégradent de manière importante et se sont les personnels qui, en première ligne, doivent malgré tout « gérer », tant bien que mal, car ils sont la conscience professionnelle.

La situation est particulièrement difficile dans les services d’urgence, où la colère est grande avec un mouvement de contestation prenant de l’ampleur.

Suite à la manifestation nationale des urgentistes ce jeudi 6 juin 2019, voici le communiqué du collectif inter-urgences, qui organise la mobilisation des personnels urgentistes de nombreux établissement :

D’après le collectif, ce sont actuellement (vendredi soir) 83 établissements qui connaissent un mouvement de grève, comme le montre cette carte (mise à jour automatiquement) :

Légende de la carte :
– en bleu, les SAU (Service d’accueil et traitement des urgences) connaissant un mouvement de grève ;
– en vert les contacts en cour.

Sur un registre plus politique, voici également le communiqué du groupe Sénateurs Communistes Républicains Citoyens et Écologistes qui dénonce la complicité de la Droite avec le gouvernement sur le projet de loi santé auquel s’opposent les urgentistes mobilisés :

« LA MAJORITÉ SÉNATORIALE COMPLICE DU PROJET DU GOUVERNEMENT DE RÉDUIRE LES HÔPITAUX DE PROXIMITÉ À DES COQUILLES VIDES

Alors que l’examen du projet de loi « organisation et transformation du système de santé » vient de s’achever au Sénat, ce texte entérine notamment la disparition des hôpitaux de proximité en les vidant de leurs services essentiels : gériatrie, maternité, plateau technique, et chirurgie.

Depuis près de 30 ans, les politiques successives ont attaqué ce qui constitue la colonne vertébrale de notre système de santé : l’hôpital public. Et aujourd’hui, ce projet poursuit et aggrave les recettes qui ont échoué. Au nom de la pénurie médicale, il accélère les Groupements Hospitaliers Territoriaux et instaure la gradation des soins, privant certains territoires d’établissements de proximité au bénéfice de superstructures plus éloignées et donc moins accessibles.

Avec la complicité bienveillante de la majorité sénatoriale de droite, tous les articles ont été votés au mépris des souffrances des personnels qui se mobilisent dans l’intérêt général.

Ainsi, alors que les urgences sont, à juste titre, en grève, le projet de loi ne contient ni recrutement ni augmentation de salaires, pas plus que d’ouvertures de lits d’aval dont les suppressions sont en nombre exponentiel.

Les difficultés d’accès aux soins sont liées entre elles, et seule une politique globale peut les résoudre. Pour y parvenir, un investissement financier est indispensable.

Notre groupe s’est battu pied à pied pour une autre logique : augmentation des moyens des universités pour former davantage d’étudiantes et d’étudiants, expérimentation, dans les zones sous denses volontaires, de l’installation de jeunes médecins pendant deux années suivant l’internat, préservation du statut des centres de santé et carte hospitalière totalement différente.

Nous pensons, en effet, que le maillage d’hôpitaux de proximité doit être maintenu et développé avec des services d’urgence 24h/24h, de médecine, de chirurgie, d’unité obstétrique, de soins de suite et de structures pour les personnes âgées en lien avec la médecine de ville, le réseau de centres de santé et la psychiatrie de secteur.

Le gouvernement répond au personnel hospitalier en grève « soigne et tais- toi », et aux parlementaires qui proposent une autre vision de la politique de santé, avec le recours aux ordonnances : « vote et tais- toi ». Nous ne nous tairons pas et nous voterons contre ce projet de loi Mardi 11 juin lors du scrutin solennel !

Nous continuerons à défendre, comme nous nous y sommes engagés lors du tour de France des hôpitaux et EHPAD, des propositions alternatives en faveur d’une santé de qualité et de proximité pour toutes et tous. »

> Lire également : Communiqué du mouvement Génération-s sur la colère dans les services hospitaliers

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Le compte-rendu d’une assemblée de la section PCF Paris 18e

La section PCF du 18e arrondissement de Paris organisait une assemblée générale faisant office de debriefing de la dernière campagne européenne et de questionnements pour la suite. Un compte rendu très intéressant a été fait, que nous reproduisons ci-dessous car c’est un travail collectif de qualité.

C’est tout à fait le genre de démarche démocratique qui permet d’aller de l’avant dans la reconstruction de la Gauche : partir de la base en se posant sur le terrains des idées plutôt que de simples discutions entre appareils pour des accords électoraux.

Les problématiques évoquées lors de cette assemblée sont typiques de celles des militants de gauche un peu partout en France. Il y a le constat d’une situation assez catastrophique pour la Gauche, avec une population française largement dépolitisée. Les préoccupations sont l’écologie, l’extrême-droite, la définition de la Gauche, le capitalisme et les classes populaires.

 

« La dépolitisation est immense ! »

Une semaine après l’élection européenne, les communistes du 18e arrondissement de Paris débriefent à chaud. 35 présents, l’ambiance est studieuse. Dans une courte introduction, Alain Wlos, le secrétaire de la section, pointe une abstention en baisse, même si logiquement elle se concentre dans les quartiers les plus populaires quand on fait le détail par bureau de vote. Un fait marquant : celui d’une défaite idéologique de la gauche. Pour Alain, le bilan de la campagne du PCF est décevante. Pas d’élus et pas de remboursement. Mais il note un état d’esprit positif, la très bonne conduite de notre tête de liste, Ian Brossat, relevée par tous les observateurs.

« Nous avons franchi une étape qualitative dans la communication numérique comme dans des tâches militantes plus traditionnelles tel le porte-à-porte. Mais nous n’avons pas été identifiés comme une force capable de porter la transformation qu’attend la population. »

Le débat s’engage sur une interpellation venue de la salle : « C’est quoi la gauche ? » « EELV n’est pas de gauche, car elle ne s’en réclame pas », observe Françoise. « Il y a une confusion qui est entretenue. Si on ne met pas en numéro un la question de la planète, on ne sera pas entendus. Il faut dire que si on ne sort pas du capitalisme, on est foutus ! On est trop timides sur cette question. »

« Il faut réarmer idéologiquement la gauche pour convaincre, trier les bouteilles ne suffira pas », interpelle Philippe. Lounis, lui, est plus circonspect. « Il y a la question du climat, du coût de l’énergie, de la transposition de la directive européenne. Sur toutes ces questions, nous avons un programme mais le combat est très difficile. Le vote s’est cristallisé dans la dernière semaine où nous avons été écartés des médias comme par exemple lors de l’émission de France 2. »

Pour Gérald, « c’est un résultat qui doit nous interroger avec beaucoup d’humilité. Nous avons affaire à un résultat plein de contradictions. Si notre score s’est maintenu par rapport aux législatives de 2017, nous avons tous observé dans la campagne l’arrivée de nouveaux électeurs communistes. Ça veut dire qu’on en a perdu d’un autre côté. » Et il pointe la question du « mouvement des gilets jaunes où notre carton rouge à Macron n’a pas eu l’effet escompté ».

« Il y a un effet de mode sur la question écologique, il ne faut pas être naïfs », doute Nina. Pour qui « l’élection européenne est un terrain naturel pour Europe écologie ». « Notre priorité c’est ceux qui ne votent pas », défend-elle.

Dominique témoigne d’un « électorat qui ne comprend pas nos divisions à gauche. On est bien accueillis à la Goutte d’or, vus comme proche des gens, anticapitalistes, mais nous manquons de crédibilité ». « La question écologique monte. On a raté quelque chose avec le mouvement des gilets jaunes, qui témoigne d’une fracture sociale, de classe, comme d’ailleurs le mouvement syndical. Ça dit quelque chose de notre rapport à la société. »

Catherine nuance : « On est partis d’un rejet des partis politiques aux manifestations de gilets jaunes à un début d’acceptation. Le vote d’extrême droite est devenu le vote crédible anti-Macron. il faut aller plus dans les quartiers. » Et non pas, comme le dit Dominique, « seulement pendant les élections ».

Catherine est perplexe : « On a vu des gens qui se sont décidés au dernier moment, alors qu’on les avait convaincus en porte-en-porte mais qui ont finalement choisi un autre bulletin. »

Pour Jean, « malgré notre excellent candidat, c’était une campagne très difficile qui portera ses fruits. Beaucoup de gens à gauche ne veulent pas des communistes, c’est ainsi. Pour eux, nous ne sommes pas crédibles. Pour eux, c’est impossible de changer les choses. Il faudra beaucoup de discussions pour faire reculer cette pression idéologique. Les mensonges anticommunistes ont fini par porter. »

Jean-Pierre observe que « même ceux qui n’ont pas voté pour Ian ont apprécié sa campagne. On a une faiblesse sur ce qui s’est passé dans les pays de l’Est et le bilan de cette période n’a toujours pas été tiré. Notre faiblesse sur les lieux de travail demeurent. On existe dans les quartiers mais pas suffisamment. »

« La dépolitisation est immense !, dit Marie-France, il y a besoin de se poser, de faire le bilan de notre activité, sur notre rayonnement. On a un atout, notre candidat. Il ne faut pas se replier. »

Pour Pierre, « le PCF ne doit pas céder aux sirènes du capitalisme vert ». Matthieu relativise : « On a marqué des points, tout s’est joué dans les derniers jours. On ne peut pas se limiter à faire l’écho de la “colère populaire” comme l’a fait la France Insoumise. »

Malgré les résultats, et en forme de clin d’œil, nombre de présents ont invité à la défense de leur journal l’Humanité, et insisté sur les abonnements et le paiement des vignettes de la Fête. Incorrigibles communistes !

Gérald Briant

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L’appel « Convergeons ! » pour l’unité des Verts et de la Gauche

Voici un nouvel appel à l’unité à gauche, qui cette fois défend l’idée d’une « nouvelle maison commune » entre la Gauche et les écologistes, sur la base du bon score aux élections européennes d’Europe Écologie-Les Verts.

L’appel est initié justement par des membres d’Europe Écologie-Les Verts, mais de ceux qui ne souhaitent pas se couper de la Gauche, comme l’a fait au contraire Yannick Jadot.

On retrouve parmi les signataires Clémentine Autain, à l’origine hier d’un appel au Big bang à Gauche, ainsi que des membres du mouvement Génération-s et quelques personnes liées au PCF, ou biens des personnalités politique non-associées à un parti actuellement. Il y a des personnalités non directement politiques comme les réalisateurs Coline Serreau et Robert Guédiguian ou l’acteur Jean-Pierre Darroussin.

Tout cela sonne très « bobo » évidement et n’est pas une initiative venant de la Gauche historique, celle qui croit encore en le Socialisme et la primauté de la classe ouvrière.

Ce n’est pas un projet précis et concret, mais un appel à faire, comme sait très bien le faire la Gauche avec ce genre de tribunes, très nombreuses dans l’histoire politique récente. Néanmoins, il y a la volonté saine et indispensable de vouloir confronter les points de vue tout en ayant à l’esprit la recherche d’unité.

On pourra regretter cependant que l’appel ne réussisse pas à dépasser l’horizon immédiat des prochaines élections municipales. L’alliance électorale immédiate apparaît finalement comme un horizon indépassable, alors que cela ne résoudra rien aux problèmes de fond de la Gauche, et que c’est peut-être même l’un des problèmes de fond les plus évident de la Gauche.

Voici donc l’appel :

« Convergeons !

« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat »
Louis Aragon, la Rose et le Réséda.

Les résultats des élections européennes confirment la poussée des forces nationalistes et d’extrême droite, un effondrement des partis sociaux-libéraux, ainsi que le recul important des forces de gauche de transformation. La responsabilité dans ces bouleversements du social-libéralisme au pouvoir, en avalisant et en encourageant toutes les politiques néolibérales et antiécologiques, est manifeste.

Par ailleurs les écologistes, comme dans plusieurs pays européens, réalisent une poussée significative. Ce résultat montre que l’enjeu écologique est devenu primordial et que le cEcoutons-nous ! Trouvons les formes qui nous permettront de bâtir ensemble : assises, états généraux, constituante, archipels, actions communes ou autre fédération populaire autour de combats communs, à l’échelle locale, régionale, nationale, européenne… Rien ne doit être par avance écarté. Mettons tout sur la table sans tabous, nos projets, nos analyses, les incompréhensions réciproques comme les combats partagés ces dernières années.livage productivisme libéral-écologisme social prend corps.

Pour autant, les écologistes doivent prendre garde au péché d’orgueil et d’isolement.

Chaque élection est différente, nous le constaterons rapidement pour les élections municipales qui se profilent. Une hirondelle de 13,5% de voix ne fait pas le printemps de la transformation sociale et écologique et ne met personne en capacité de peser sérieusement dans le débat public et de représenter une alternative au capitalisme néolibéral.

Ce score confère au parti écologiste une responsabilité historique accrue. Aujourd’hui, il doit plus que jamais être à la hauteur des enjeux, participer activement à la reconstruction d’un grand mouvement populaire, écologiste et social, engager une démarche qui s’adresse aux forces politiques de la gauche d’émancipation et plus largement à toutes celles et ceux qui veulent s’engager dans un tel projet.

Alors que le mouvement des gilets jaunes et les marches pour le climat ont exprimé une volonté de changer de modèle de développement, de société et de vie politique, les forces politiques de l’écologie sociale, de la gauche d’émancipation, des mouvements citoyens et alternatifs, syndicaux et associatifs restent divisées, enfermées dans des habitudes usées, incapables de construire et défendre un projet commun.

Nous pensons que la division et la dispersion des forces qui se situent dans une perspective d’émancipation et qui font de l’écologie un point central de leur projet sont mortifères au moment où l’immense majorité des vivants est confrontée au réchauffement de la planète, à la perte de la biodiversité, à la sixième extinction des espèces, à la déforestation, au pillage des ressources de la planète, au creusement des inégalités sociales, à l’augmentation de la pauvreté dans le monde, à la souffrance animale, aux discriminations sous toutes leurs formes.

Plutôt que les méfiances, les rancœurs, nous devons confronter avec bienveillance nos points de vue et abandonner l’esprit de clocher ou d’hégémonie, dépasser nos «petites» différences qui ont fait tant de mal ces dernières années aux millions d’individus en colère qui cherchent une solution politique au désastre environnemental, social et démocratique.

Ecoutons-nous ! Trouvons les formes qui nous permettront de bâtir ensemble : assises, états généraux, constituante, archipels, actions communes ou autre fédération populaire autour de combats communs, à l’échelle locale, régionale, nationale, européenne… Rien ne doit être par avance écarté. Mettons tout sur la table sans tabous, nos projets, nos analyses, les incompréhensions réciproques comme les combats partagés ces dernières années.

Faisons tomber nos murs pour construire une nouvelle maison commune !

La préparation des élections municipales peut être l’occasion d’inverser le cours des choses. Il faudra rassembler dès avant le premier tour le camp écologiste et social, construire ensemble listes et programmes, pour prétendre gagner des milliers de municipalités. En effet, les politiques qui seront menées par les collectivités territoriales représentent une formidable opportunité de recréer de la justice sociale et d’engager la transition écologique indispensable.

Nous avons plus à partager, nous avons plus de désirs et de projets qui nous rassemblent que de différends qui nous séparent. Ne laissons pas le fossé se creuser entre les forces écologistes, les forces de gauche et nos concitoyens, qui un peu partout expérimentent, cherchent de nouveaux chemins, œuvrent dans leurs engagements citoyens, associatifs, mouvementistes, syndicaux et politiques pour une société plus juste et plus résiliente construite autour d’un axe écologiste, féministe, populaire et social.

Parce que nous partageons l’essentiel du diagnostic, parce que nous en avons assez de la désunion des forces de gauche et écologistes, nous, signataires de ce texte, nous engageons à favoriser et à participer à toutes initiatives politiques, syndicales, altermondialistes, culturelles, citoyennes, allant dans le sens du rapprochement de nos forces autour de la responsabilité écologique, de la justice sociale et de l’exigence démocratique.

La multiplicité de nos engagements et de nos parcours politiques ne doit plus être un frein mais une ressource dans laquelle puiser pour bâtir la cité écologique, la cité sociale et des justices que toutes et tous nous voulons.

A toutes celles et ceux qui déclarent vouloir se battre pour la planète et l’humanité, nous disons :

Cela ne peut plus durer, écoutons-nous, bâtissons, convergeons ! »

La liste des signataires est disponible sur la page de l’appel.

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Gauche : l’appel « pour un big bang »

Clémentine Autain, qui évolue en marge de la France insoumise, avait annoncé une initiative en faveur de la reconstruction et de l’unité de la Gauche. La voici, nommée « pour un big bang », avec un appel, relayé ci-dessous, et une date, le 30 juin, pour un rendez-vous au Cirque Romanès à Paris (qui est un cirque sans animaux).

C’est une démarche nécessaire, politique, qui part du constat essentiel que la Gauche n’arrivera à rien temps qu’elle est divisée et qu’elle refuse le débat d’idée, alors qu’il y a urgence à s’organiser face au libéralisme et au nationalisme, face à la Droite et l’extrême-droite.

La députée PCF Elsa Faucillon qui défendait l’initiative de ce « big bang » hier soir à la télévision a eu tout à fait raison de dire qu’il faut assumer à Gauche de « s’engueuler », de manière constructive, en pointant le risque de « disparition des idées et du corpus de valeurs de la Gauche ».

On retrouve parmi les premiers signataires mis en avant surtout des universitaires, ainsi que quelques élus, du PCF, du Parti de Gauche ou de Génération-s.

Ce n’est pas la Gauche historique bien sûr, qui se revendique du mouvement ouvrier et du Socialisme, mais une Gauche des valeurs, plutôt urbaine et intellectuelle, qui a en tous cas le mérite de vouloir assumer le débat d’idée, en partant de la base.

Voici le communiqué, publié sur pourunbigbang.fr :

« BIG BANG Il est minuit moins deux. L’urgence nous oblige.

Où sont passés la colère sociale et l’esprit critique qui s’aiguisent depuis des mois dans notre pays ? Ils demeurent dans les têtes, dans les cœurs et dans la rue. Mais la situation politique est catastrophique. Au lendemain des élections européennes, le bon résultat de l’écologie politique ne peut masquer le fait que la gauche est en miettes, désertée par une très grande partie des classes populaires. La gauche et l’écologie politique sont loin de pouvoir constituer une alternative alors même que le pouvoir en place et la droite fascisante dominent la scène politique dans un face à face menaçant où chacun se nourrit du rejet de l’autre et le renforce. Le pire peut désormais arriver. Nous n’acceptons pas ce scénario. Nous devons, nous pouvons proposer un nouvel horizon.

​La raison essentielle de ce désastre est l’absence d’une perspective émancipatrice qui puisse fédérer les colères et les aspirations autour d’un projet politique de profonde transformation de la société. Un big bang est nécessaire pour construire une espérance capable de rassembler et de mobiliser.

Il y a du pain sur la planche : réinventer nos modèles et nos imaginaires, rompre avec le productivisme et le consumérisme qui nous mènent au chaos climatique, à la disparition des espèces et à une dramatique déshumanisation, substituer le partage des richesses, des pouvoirs et des savoirs aux lois de la finance et de la compétitivité. L’enjeu, c’est aussi d’articuler les différents combats émancipateurs pour dégager une cohérence nouvelle qui s’attache aux exigences sociales comme écologiques, à la liberté des femmes comme à la fin de toutes les formes de racisme, aux conditions et au sens du travail comme au droit à la ville, à la maîtrise de la révolution numérique comme à l’égalité dans l’accès à l’éducation et à la culture, à la promotion des services publics comme au développement de la gratuité. Nous n’y parviendrons qu’en assumant des ruptures franches avec les normes et les logiques capitalistes. Ce qui suppose de nous affranchir des logiques néolibérales et autoritaires qu’organisent les traités européens et de donner à nos combats une dimension internationaliste.

Et pour cela, ce big-bang doit aussi toucher aux formes de l’engagement. La politique est en crise globale. La défiance est massive à l’égard des représentants et des partis politiques, et plus généralement à l’égard de toutes les formes délégataires de représentation. Il est impératif d’inventer la façon de permettre, à toutes celles et ceux désireux de s’engager, de vivre ensemble et d’agir avec des courants politiques constitués qui doivent intégrer dans leurs orientations les expériences alternatives en cours. Et cela suppose de repenser les lieux et les modalités du militantisme autant que les rouages de la délibération collective. L’exigence démocratique se trouve dans toutes les luttes de notre époque, sociales, écologistes, féministes, antiracistes…, des nuits debout aux gilets jaunes. Elle implique de penser les médiations, de favoriser des liens respectueux, loin de toute logique de mise au pas, avec les espaces politiques, sociaux, culturels qui visent l’émancipation humaine. Puisque nous prônons une nouvelle République, la façon dont nous allons nous fédérer dira notre crédibilité à porter cette exigence pour la société toute entière.

Le pire serait de continuer comme avant, de croire que quelques micro-accords de sommet et de circonstances pourraient suffire à régénérer le camp de l’émancipation, que l’appel à une improbable « union de la gauche » à l’ancienne serait le sésame. Nous sommes animés par un sentiment d’urgence et par la nécessité de briser les murs qui se dressent au fur et à mesure que la situation produit des crispations et des raidissements. Il est temps de se parler et de s’écouter, de se respecter pour pouvoir avancer en combinant le combat pour les exigences sociales et écologiques. Nous pensons bien sûr aux forces politiques – insoumis, communistes, anticapitalistes, socialistes et écologistes décidés à rompre avec le néolibéralisme. Mais ce dialogue entre mouvements politiques constitués ne suffira pas à soulever les montagnes pour redonner confiance et espoir. C’est plus largement que les portes et les fenêtres doivent s’ouvrir aux citoyens, à la vitalité associative, au monde syndical, aux espaces culturels et intellectuels critiques, aux désobéissants du climat, à celles et ceux qui luttent au quotidien contre les oppressions et les violences policières.

Il y a urgence. Nous savons la disponibilité d’un grand nombre de citoyen.ne.s et de militant.e.s à unir leurs énergies pour ouvrir une perspective de progrès. Ces forces existent dans la société mais elles n’arrivent pas à se traduire dans l’espace politique. C’est ce décalage qu’il faut affronter et combler. Sans raccourci. Un travail patient autant qu’urgent de dialogue, d’ouverture, d’expérimentations est devant nous si nous voulons rassembler pour émettre une proposition politique propulsive. Il faut de la visée, du sens, de l’enthousiasme pour qu’une dynamique s’enclenche, pour qu’elle se fixe l’objectif d’être majoritaire. C’est d’une vision plus encore que d’une juxtaposition de colères et de propositions dont notre pays a aujourd’hui besoin. Loin du ressentiment et de la haine pour moteur, nous devons faire vivre un horizon commun de progrès pour l’humanité. La réussite de cette entreprise tient en grande partie à la capacité à assumer un pluralisme authentique tout en dégageant de nouvelles cohérences partagées. Toute logique de ralliement, de mise au pas derrière un seul des courants d’idées qui composent ce large espace à fédérer, se traduira par un échec à court ou moyen terme.

C’est pourquoi nous appelons au débat partout pour la construction d’un cadre de rassemblement politique et citoyen, avec l’objectif de participer activement à la réussite de cette invention à gauche que nous appelons de nos vœux. Nous savons la difficulté de l’entreprise. Mais elle est indispensable. Et beaucoup de voix s’élèvent pour en affirmer l’exigence. Faisons converger nos efforts. Engageons-la ensemble le 30 juin prochain au Cirque Romanès. »

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Communiqué du mouvement Génération-s sur la colère dans les services hospitaliers

Voici le communiqué de Génération-s, qui reflète la grande colère qui existe dans les services hospitaliers en France face à un service qui se dégrade, avec des situations toujours plus compliquées tant pour les personnels que pour les personnes soignées.

« Après 3 mois d’une grève qui touche désormais 65 services hospitaliers d’urgence, le point de rupture est atteint.

Le mouvement Génération.s soutient l’ensemble des revendications des grévistes et participera aux deux journées d’action du 6 et du 11 juin aux côtés des personnels des hôpitaux en lutte.

Après 3 mois d’une grève qui touche désormais 65 services d’urgence, les personnels hospitaliers de Lons-Le Saulnier et de l’hôpital Lariboisière à Paris durcissent leur position. Professionnels dotés d’une incontestable conscience professionnelle, ils sont épuisés par le rythme infernal et les conditions de travail dégradées et en sont arrivés à n’avoir plus d’autre recours que d’être eux-mêmes en arrêt maladie. Cette forme de protestation peut sembler extrême. Mais c’est bien la surdité et l’absence de réponses du gouvernement qui conduisent à de telles extrémités.

Conscients du poids qui pèse sur leurs collègues réquisitionnés, les personnels restent cependant déterminés quant aux revendications communes concernant leurs conditions de travail, les effectifs et notamment la titularisation des contractuels, les revendications salariales ainsi que la création d’un statut spécifique pour les urgentistes.

À Mme Buzyn, ministre de la Santé, qui affirme : “Ce n’est pas bien, cela entraîne une surcharge de travail pour les autres”, nous disons que “ce qui n’est pas bien” c’est de mettre en cause le manque d’engagement des personnels hospitaliers alors même qu’ils se battent pour pouvoir continuer à offrir la meilleure qualité de soins possible. Pour Génération.s, l’inacceptable ce n’est pas le comportement des soignants mais bien la négligence et le mépris des pouvoirs publics face à un mouvement qui n’a d’autre souci que de préserver ce qui constitue un bien absolu : notre santé. »

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Les caractéristiques de la gauche post-industrielle, post-moderne, post-historique

La « nouvelle Gauche » qui s’est développée à partir des universités américaines a largement contribué au démanchement de la Gauche historique française. Posant des questions parfois pertinentes, ses réponses sont systématiquement la « déconstruction » et l’ultra-individualisme comme lecture du monde.

Michel Foucault

La société de consommation implique que tant qu’on n’a pas choisi, on est indépendant du reste. On choisit ce qu’on achète et ce qu’on n’achète pas, on choisit pour qui travaille et pour qui on ne travaille pas, avec qui on partage des éléments de sa vie ou pas, et tout est fixé par un contrat. La « nouvelle gauche » est le produit de cette société de consommation, dont elle a assimilé l’existence de bout en bout.

Elle raisonne ici en termes d’individus et prône l’élargissement maximal des possibilités pour l’individu de s’affirmer. Tout ce qui empêche cela doit être déconstruit. Pour la « nouvelle gauche », il n’y a donc plus de pays et de liens de l’individu avec lui, il n’y a plus non plus de données biologiques, comme le fait d’être homme ou femme, qui amèneraient l’individu à être par nature comme ci ou comme cela.

Il n’y a pas non plus de classes sociales. Il y a seulement des individus pauvres et des individus riches, les premiers connaissant des « injustices » en tant qu’individus. La société entière serait même traversée de préjugés, d’idées qui façonneraient les rapports sociaux. C’est le contraire du marxisme, pour qui les rapports sociaux donnent naissance aux idées, qu’elles reflètent.

Pour la « nouvelle gauche », farouchement opposé à tout déterminisme, il ne peut exister que des individus avec parfois des influences, mais jamais totalement décisives. C’est le libre-arbitre qui serait la substance de chaque individu, qui serait en mesure de choisir ce qu’il veut, comme il veut, d’avoir la capacité d’utiliser sa conscience en dominant tous les aspects de la réalité. L’individu serait tout-puissant.

Toute observation extérieure, toute remarque concernant un individu, serait un « truc de facho ». Chaque individu serait une micro-société, voire un micro-univers. Personne ne pourrait ni évaluer, ni juger un autre individu pour ses choix, qui seraient uniques. Chacun fabrique sa vie indépendamment des autres, ou au moyen de rapports bien choisis. Comme l’a dit Sarte, chacun consisterait en ses « choix ».

Le capitalisme propose justement les choix, mais cela la « nouvelle gauche » ne le voit pas. Elle ne peut plus le voir, car elle rejette les notions d’histoire, d’industrie, le pays comme cadre politique. Elle vit dans une « modernité » ayant dépassé tout cela, et même dans une « post-modernité ». L’impressionnisme avait déjà affirmé la modernité subjective contre le réalisme, la « nouvelle gauche » est elle même partisane de l’abstraction, de l’art contemporain, de la subjectivité la plus totale.

queer
« Cologne est colorée – La diversité au lieu de la simplicité »

L’individu serait donc au-dessus de tout, car le monde ne consisterait qu’en ses choix. Chacun serait un micro-monde façonné par ses choix : tel est l’idéal de la « nouvelle gauche », qui voit là un monde parfait. Pour elle, la société doit accorder le plus de droits et de possibilités à l’individu, pour qu’il vive de manière totalement indépendante.

Ce qui est faisable est donc possiblement à faire. Il n’y a plus de normes, tout est possible, surtout ce qui permet de s’affirmer individuellement, de « développer » son individualité, tel se prostituer, acheter des enfants à une mère porteuse, avorter à n’importe quel comment, « changer » de sexe, élever son enfant de manière « neutre » quant à son « genre », « aimer » plusieurs personnes en même temps, avoir des rapports sexuels avec autant de gens qu’on veut (y compris en même temps), prendre n’importe quelle drogue, etc.

L’individu n’est pas au-dessus des responsabilités, mais seules les responsabilités qu’il a choisies auraient un sens. Le reste serait une « construction », une « structure » oppressive pour l’individu. On retrouve ici la philosophie structuraliste née en France, qui exportée aux États-Unis a amené l’émergence de la philosophie de la « déconstruction ».

En France, c’est l’université de Paris 8 qui a alors servi de laboratoire à tout cela, puis de caisse de résonance. Elle a été fondé après mai 1968 à Vincennes en banlieue parisienne, pour rassembler les professeurs et les élèves correspondant aux exigences libérales-libertaires du moment. On y trouve notamment Michel Foucault et Gilles Deleuze, l’un « structuraliste », l’autre exprimant une ligne « désirante ». Après l’exportation des idées dans les universités américaines, Paris 8 a récupéré les idées pour les diffuser dans notre pays.

Cependant, c’est toute la couche sociale des étudiants de gauche, notamment en sciences humaines, qui a adopté la ligne de la « nouvelle Gauche ». Souvent leurs parents ont capitulé par rapport à leur engagement à Gauche, tout en gardant des espoirs, et la nouvelle génération a trouvé un nouveau terrain, plus conforme à leur mode de vie propre à la petite-bourgeoisie, résolument étrangère au peuple.

Il y a vraiment un parallèle strict entre la contamination de toute la Gauche par cette « nouvelle Gauche » et le triomphe du Front National dans les classes populaires lors des années 2000 ! C’est qu’aucun ouvrier, et encore moins un jeune ouvrier, ne peut ne serait-ce que saisir les thèses de la nouvelle gauche. C’est trop irrationnel, cela reflète trop un style de vie décadent propre aux villes d’une certaine taille, caractéristique d’une certaine oisiveté propre justement aux étudiants en sciences humaines.

Qui dans le peuple, de toutes façons, pourrait soutenir une « nouvelle Gauche » hostile à tout principe ? Quel ouvrier, quelle femme du peuple, quel employé pourrait dire : oui, supprimons tous les principes, faisons ce qu’on veut comme on veut ? C’est là simplement un rêve de bourgeois moderne, qui plein d’aisances, a envie d’être encore plus à l’aise, et de résumer sa vie à ses propres choix, dans la négation de toute collectivité, de toute société, de tout engagement, de tout devoir.

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Socialistes et communistes, l’un miroir de l’autre

Pour les communistes, les socialistes sont des communistes qui n’ont pas tout compris. Pour les socialistes, les communistes sont des socialistes qui pensent trop avoir tout compris. C’est la clef d’une différence historique, qui se maintient encore, même si de manière bien différente dans notre pays.

SPD Rosa Luxemburg

Après la révolution russe, Lénine n’a cessé de pester contre les communistes des pays occidentaux, c’est-à-dire les socialistes qui ont été d’accord avec lui. C’est paradoxal : il est mécontent des gens qui ont rompu avec ce qu’ils avaient été et qui adoptent ses propres positions ! Mais la raison de cela est très simple à comprendre. Il avait vu que la social-démocratie était un mouvement de masse et que seule une partie était devenue communiste.

Voilà pourquoi il disait aux communistes, ex-socialistes, d’aller chercher les autres. Sauf qu’évidemment, les communistes ne comptaient pas du tout le faire. Ils n’étaient tout de même pas devenus communistes pour aller avec les socialistes, qui eux justement refusaient de devenir communistes. Alors, ils ont refusé, ou bien fait semblant, ou bien traîné des pieds.

On notera que Rosa Luxembourg avait constaté le même problème lors de sa fondation du Parti Communiste d’Allemagne – Spartacus. On est trop peu, on est loin d’avoir les masses avec nous, disait-elle en substance. On s’en fout, répondaient en substances les ultras. La différence est que Lénine avait lui centralisé tous les partis communistes dans l’Internationale Communiste.

Pas une, pas deux, Lénine leur force la main. Il fait donc en sorte d’éjecter des nouveaux partis communistes tous les « ultras », publie Le gauchisme, maladie infantile du communisme, force les communistes à s’allier avec autant de forces que possible, notamment en Allemagne. Ceux qui ne sont pas contents peuvent aller voir ailleurs, et le font (cela donnera les bordiguistes italiens, les conseillistes hollandais et allemands, plus tard les trotskistes français, etc.)

Les socialistes s’en aperçoivent bien, évidemment. Alors ils font monter les enchères et disent que si les communistes ne cessent de se tourner vers eux, c’est qu’au fond ils savent qu’ils se trompent. Les communistes leur répondent en les traitant de salauds ou de traîtres, ou bien les deux. Les socialistes les accusent d’être des charlatans, des autoritaires, voire pire. Tout continue ainsi, jusqu’à la catastrophe allemande, qui met tout le monde d’accord.

Front populaire

C’est alors le Front populaire, né par en bas, par la pression des socialistes et des communistes, dont les associations populaires fusionnent alors. Cela deviendra le modèle pour les communistes et pour certains socialistes, surtout après 1945 dans les pays de l’Est. D’autres socialistes considèrent par contre alors que la fracture est complète et irrémédiable et rejettent les communistes de manière formelle. Cela sera le cas dans les pays occidentaux, notamment en France, jusqu’en 1981.

Les communistes sont-ils alors les mêmes ? Les socialistes sont-ils alors les mêmes ? Et y a-t-il encore aujourd’hui, au sens strict, historique, au-delà des mots, des socialistes et des communistes ? En tout cas, on ne peut pas comprendre les uns sans comprendre les autres. Forcément, les deux relèvent du mouvement ouvrier et il n’y a qu’un mouvement ouvrier.

Il est ainsi inévitable qu’à l’avenir, les identités socialiste et communiste ressurgissent, comme fruit historique du patrimoine du mouvement ouvrier. Mais cette fois, il ne faudra pas faire les mêmes erreurs, qui ont coûté si cher. Le Fascisme n’aurait jamais gagné en Allemagne si toute la Gauche avait agi collectivement, massivement, de manière unanime. À un moment, il faut bien assumer si on veut que la Gauche gagne, et si on est prêt à assumer que pour la Gauche gagne, il ne faut qu’il y ait plus que la Gauche, car inévitablement la Droite bascule du côté de l’extrême-Droite.

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L’étape pour aller au Socialisme existe-t-elle ?

C’est un débat intéressant qui se joue à l’arrière-plan de certaines structures de Gauche. Intéressant et ô combien important sur le plan des batailles d’idée, puisqu’il s’agit pas moins de savoir comment le Socialisme peut être mis en place. Existe-t-il une étape préalable et si oui laquelle ? Si la question n’est pas d’actualité au sens strict, elle détermine la définition même d’engagement à Gauche pour beaucoup de monde.

C’est un thème vraiment intéressant, mais aussi très compliqué. Aussi est-il assez rassurant, finalement, de voir des gens se posent des questions d’un tel niveau en 2019. Cela montre qu’il y en a qui réfléchissent, cherchent à montrer des perspectives. De quoi s’agit-il précisément ?

Déjà, précisons que cela concerne la Gauche historique dans son ensemble, tant les socialistes que les communistes. Il s’agit en effet de savoir comment le Socialisme peut s’instaurer. Cela se passe-t-il directement, ou bien y a-t-il des étapes ? Historiquement, ce qu’on appelle les « gauchistes » disent : pas d’étapes, mais la révolution permanente. La très grande majorité dit : non, il y a des étapes.

Le Parti Communiste Révolutionnaire de France (PCRF), né en 2016 d’une structure de la gauche du PCF et l’ayant quitté grosso modo dans les années 1990, a publié une longue analyse de la question, qui vaut la peine d’être lu. Elle s’intitule « L’étapisme » : une question stratégique fondamentale.

Le PCRF rejette formellement la notion d’étape. En voici un extrait, qui ne résume pas toute l’approche, mais est exemplaire de l’esprit posé.

« Il n’y a pas d’autre alternative susceptible de l’emporter que la révolution socialiste. Pourquoi ? Parce que l’ère que nous vivons est celle du passage du capitalisme au communisme (étape socialiste). Nous venons (le prolétariat et son avant-garde) de subir une défaite historique, il faut reconstruire le mouvement révolutionnaire, redonner à la classe ouvrière sa confiance en elle, mais pour autant nous n’avons pas changé d’ère !

Est-ce que cela veut dire que la situation est révolutionnaire ? Non. Cela veut dire que l’objectif qui doit guider notre stratégie, c’est la révolution socialiste, et que nous ne devons pas nous préparer à une « étape » politique de transformation sociale. Ce qu’il faut, c’est avancer un programme, à plus ou moins court terme, (et à l’heure actuelle c’est plutôt moins, hélas…) programme qui mobilise la classe ouvrière et l’ensemble des travailleurs contre la politique du Capital, pour la satisfaction des revendications et des besoins fondamentaux, pour les droits démocratiques, en aidant à comprendre que pour gagner vraiment, c’est le capitalisme qu’il faut renverser.

C’est d’ailleurs dans cette perspective, dans nulle autre sur le plan purement stratégique (donc programmatique), que le PCRF se prononce pour la rupture avec l’Union Européenne.

Et pour rassurer ceux qui auraient besoin de l’être, il y aura des étapes :
reconstruire le parti, unifier les communistes, redonner son contenu de classe au syndicalisme, reconstruire un mouvement pour la paix reposant la bataille contre l’impérialisme … Mais pas d’étape genre « démocratie avancée » ou « République sociale » ouvrant la marche au socialisme, car nous pensons que c’est la voie de garage : cela part de l’idée que la gestion des affaires de la bourgeoisie (c’est son appareil d’État) pourrait assurer les intérêts du prolétariat ! »

Encore une fois, l’analyse vaut la peine d’être lue. Mais opposons là ici à deux analyses affirmant, justement, qu’il y a bien une étape nécessaire. Ces deux analyses se veulent un « retour » à la position du mouvement communiste des années 1950, mais pas de la même manière.

Commençons avec le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF). Pour lui, le « Frexit progressiste » est justement une étape nécessaire et inévitable. Cette position est souvent considéré comme relevant d’un certain souverainisme de gauche. Il y aurait l’étape nationale, et ensuite l’étape sociale, pour ainsi dire.

Voici un extrait de son argumentation, qu’il faut lire en entier pour bien saisir les tenants et aboutissants, bien entendu, et éviter tout malentendu.

« Dans ces conditions, contre Macron-MEDEF, l’UE et Le Pen, il faut réactualiser la belle alliance du drapeau rouge et du drapeau tricolore que portait jadis le véritable PCF : l’enjeu est de remettre le monde du travail au centre de la vie nationale dans la perspective du Frexit progressiste, de l’Europe des luttes et du socialisme pour notre pays. C’est pourquoi en cet anniversaire du 29 mai 2005, le PRCF appelle,

Les communistes à s’unir, indépendamment de la direction du PCF-PGE, sur une stratégie claire et nette de sortie par la gauche de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme, sans perdre de vue l’urgence de reconstruire ensemble le parti communiste de combat dans notre pays.

Les syndicalistes de classe à construire le tous ensemble en même temps ; sans craindre les directions confédérales euro-formatées, tendons la main aux gilets jaunes et osons contester radicalement la « construction » européenne du capital

Les progressistes opposés à l’UE, à s’unir pour l’indépendance nationale, le progrès social, la démocratie et la paix en combattant d’un même élan ce président radicalement illégitime, l’ « alternative » mortelle du FN et cette UE du grand capital rivée à l’OTAN qui détruit notre pays, ses libertés et ses acquis sociaux.

Les progressistes opposés à l’UE, à s’unir pour l’indépendance nationale, le progrès social, la démocratie et la paix en dénonçant cette UE atlantique de plus en plus fascisante qui détruit notre pays et ses acquis sociaux (…).

Dans cet esprit, le PRCF continuera

– A aller au plus près des travailleurs, tout particulièrement de la classe ouvrière, notamment vers les entreprises et vers les manifestations de lutte

– A dialoguer avec tous les communistes, les patriotes progressistes et les syndicalistes de classe avec des propositions pour agir

– A échanger à l’international avec tous les communistes et progressistes d’Europe qui s’opposent clairement à la fois à l’UE et aux forces néofascistes

– A débattre avec les intellectuels de plus en plus nombreux qui comprennent que l’UE n’est pas un rempart du « progressisme », mais un puissant accélérateur de la casse sociale, de fascisation et de marche aux guerres impérialistes. »

Le PRCF parle de « la belle alliance du drapeau rouge et du drapeau tricolore que portait jadis le véritable PCF », ce qui est une allusion au PCF de Maurice Thorez. Il s’agit de retourner à la ligne des années 1960. Évidemment, les maoïstes considérant que Maurice Thorez n’a pas été un grand dirigeant du tout, ils remontent plus loin dans anti-monopoliste dl’interprétation d’un PCF idéal posant correctement la notion d’étapes.

Voici comment posent la question les maoïstes du PCF (mlm) :

« La démocratie populaire, en brisant le pouvoir des monopoles et des grands propriétaires terriens, frappe le mode de production capitaliste en son cœur. Cela satisfait à la fois les intérêts de la classe ouvrière, mais également de la petite-bourgeoisie qui n’est plus alors sous le joug des monopoles.

Naturellement, la petite-bourgeoisie veut de son côté développer le capitalisme, cependant elle ne peut plus le faire de manière suffisamment ample pour devenir une bourgeoisie, avec des monopoles qui se reforment. De plus, la part principale de la production se fait par l’intermédiaire des monopoles anciens qui n’ont en effet pas été démantelés, mais socialisés. Cela présuppose bien entendu un État au service des larges masses, avec la classe ouvrière organisée comme force décisive historiquement.

La démocratie populaire se présente donc comme l’étape adéquate pour rassembler suffisamment les larges masses pour briser les monopoles et ouvrir la voie au socialisme.

Le Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste) affirme que l’objectif actuel n’est pas la révolution socialiste, mais la démocratie populaire comme étape historique obligatoire dans le cadre du capitalisme avancé (…).

Pour synthétiser :

a) la révolte de la petite-bourgeoisie n’a de valeur historique que si elle se place en décalage par rapport au mode de production capitaliste, et donc qu’elle se place dans l’orientation portée par la classe ouvrière :

b) sans cela, elle va dans le sens d’un vecteur du fascisme comme mouvement romantique de masse cherchant à la neutralisation des contradictions :

c) le Front populaire contre les monopoles, contre le fascisme, contre la guerre, est l’orientation politique des communistes ;

d) l’établissement de la Démocratie populaire est le programme politique des communistes. »

Voilà bien une question épineuse, qui a plusieurs réponses. Pas d’étapes d’un côté, de l’autre une étape, mais pas la même : Frexit progressiste anti-UE pour les uns, front populaire antifasciste anti-monopoliste de l’autre. Il y a de quoi réfléchir !

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La vague nationaliste en Europe

Si l’on regarde les résultats de ces élections européennes dans leur globalité, le constat est flagrant : les nationalistes réalisent un percée générale sur le continent. Les députés d’extrême-droite seraient 115 au Parlement européen, soit trois fois plus que pour la dernière mandature.

Les commentaires sont nombreux sur les résultats des élections européennes. Parmi les plus courants, il y a celui comme quoi la vague d’extrême-droite aurait, finalement, été moins forte que prévue. Sur 28 pays qui se rendaient aux urnes, ce ne sont « que » six d’entre eux qui placent une formation nationaliste en tête, dont la France.

La vague semble ainsi stoppée et la poussée écologiste forme un écran de fumée sur une réalité bien plus grave. En effet, il y a une tendance de fond qui devrait être analysée comme le fait principal pour la Gauche.

En Finlande par exemple, il est parlé de la percée des écologistes. Il est vrai que les Verts passent de 14 % en 2014 à 16 % en 2019. Mais, avec comme ailleurs un regain de participation (43 %), le fait que le parti des « vrais Finlandais » ait obtenu 14 % (contre 12 % en 2014) a de quoi alerter. Les « Vrais finlandais » avaient déjà réussi à obtenir 39 députés au parlement lors des élections législatives d’avril.

La situation est bien plus avancée dans de nombreux autres pays, avec une extrême-droite ayant acquis une position hégémonique.

En Grande-Bretagne, l’option nationaliste s’est concentrée sur le Brexit et portait carrément le nom de Brexit Party. Cette liste a recueilli 31,6 % des suffrages contre 14 % pour les travaillistes sur fond d’abstention élevée (63 %). C’est un coup de vis donné aux intérêts nationalistes et aux élans guerriers.

Paralysée, la société civile anglaise se réfugie dans une abstention stérile alors qu’à la fin mars, ce n’était pas moins d’un million de personnes qui défilaient à Londres pour exiger un nouveau référendum sur le Brexit. Malgré une protestation écologique naissante avec le médiatique mouvement « Extinction Rebellion », les verts anglais ne réunissent que 11 % des voix, ce qui est plus faible qu’en France.

Avec ce nouveau score très favorable pour le Brexit, il y a là un aiguisement des rapports de forces avec une probable sortie sans accords de l’Union Européenne. Cela ne peut que renforcer la tension internationale générale, et il faut penser ici en particulier à la situation de Gribaltar, l’enclave britannique qualifiée de colonie par l’Espagne et depuis récemment par le Parlement européen.

De la même manière en Italie, la Liga obtient 33 % alors qu’elle en rassemblait seulement 6 % en 2014… Son allié populiste, le « Mouvement 5 étoiles », ne recueille que 17 % des suffrages et la véritable Gauche se retrouve loin derrière, écrasée et broyée. La coalition de gauche Coal La Sinistra n’atteint que 1,74 % et le reste de la Gauche italienne s’est faite torpillée par les libéraux-centriste du Partito Democratico, qui siège avec les socialistes européens.

C’est comme si tout était a refaire, car finalement les leçons du passé n’ont pas été comprises. Pourtant, s’il y a une leçon à retenir de la tradition antifasciste, c’est bien que l’arrivée d’une force nationaliste au pouvoir n’est pas l’expression passagère d’une « crise ». Elle est surtout, et essentiellement, une expression profonde de l’état dysfonctionnel du capitalisme en route vers le repli chauvin à l’intérieur et la guerre ouverte à l’extérieure pour se relancer. C’est pour cela qu’il trouve un appui solide dans la société et pas simplement dans l’« élite ».

Le cas de la victoire triomphante de la Liga aux élections européennes de 2019 en Italie en est une nouvelle illustration, et cela ne présage vraiment rien de bon…

Et que dire de la situation polonaise où le parti « Droit & Justice », ultra-conservateurs et complaisants avec les forces néonazies, a obtenu 45, 4 % des suffrages ? Pourtant dans ce pays, une très large alliance entre libéraux, conservateurs, verts, et sociaux-démocrates s’était bâtie pour empêcher son triomphe. Ce fut peine perdue puisque cette coalition obtient seulement 38,5 % des voix, alors même que l’augmentation de la participation des polonais a été spectaculaire (45,7 % contre 23, 8 % en 2014…) En Hongrie, le parti réactionnaire du premier ministre Victor Orban a obtenu 52 % des voix (51 % en 2014), avec 35 points d’avance sur le parti libéral en seconde position. Le Parti socialiste hongrois, allié aux Verts, n’obtient que 6,66 % des suffrages.

En Autriche, la Droite, qui avait placé depuis décembre 2017 un ministre d’extrême-droite au ministère de l’intérieur (tout récemment démis de ses fonctions), arrive largement en tête avec 10 points de plus que le SPÖ qui obtient 23,40 % des voix. Le FPÖ, l’extrême-droite, qui s’émancipe de plus en plus de la Droite, est en faction juste derrière avec un score important de 17,20 %.

C’est la déroute en Grèce pour la coalition de gauche « radicale » SIRIZA d’Alexis Tsipras qui a fait campagne « contre l’extrême droite » et « pour un front progressiste ». La Droite, qui a mobilisé de manière nationaliste en s’opposant à l’accord de reconnaissance de la Macédoine du Nord, arrive en tête des élections européennes avec 10 points d’écart et fait aussi un carton aux élections municipales et régionales qui avaient lieu en même temps.

Il faut parler de la Belgique également où c’est la division avec d’un côté l’extrême-droite qui fait un carton en Flandre et de l’autre la Gauche qui se maintient en Wallonie et arrive en tête du scrutin du collège francophone (avec 26,69 % pour le Parti socialiste et 14,59 % pour le Parti du travail de Belgique).

On est donc bien loin d’un essoufflement des nationalistes. Cela d’autant plus que dans les pays où cette force dirige ou domine la vie politique, elle est écrase les autres forces à plate couture.

Comment pourrait-il en être autrement ? C’est la tendance à la guerre qui s’exprime, et s’est une fois de plus renforcée ce dimanche 26 mai en Europe. La Gauche va devoir se ressaisir en assumant le Socialisme et une identité antifasciste, anti-guerre, à la hauteur de l’époque.

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La Gauche et les européennes de 2019 : les déclarations critiques

La Gauche a réagi très différemment aux résultats des élections européennes de 2019. On peut distinguer deux tendances : il y a ceux pour qui la situation est catastrophique et pour qui un travail de fond est à mener d’urgence. Il y a ceux pour qui au contraire la situation est porteuse d’une situation de rupture. Voici la position des premiers.

Le PCF s’est exprimé par l’intermédiaire de Ian Brossat et de Fabien Roussel. Une partie de la déclaration s’adresse aux membres du PCF, appelant à ce qu’ils ne se démobilisent pas. Une autre partie s’adresse à la Gauche en général et tient somme toute le même discours qu’on peut lire sur Agauche.org : l’extrême-droite en tête c’est une catastrophe, la Gauche est à reconstruire entièrement.

Première leçon. L’extrême-droite arrive en tête de ce scrutin. Rappelons-nous, il y a encore 10 ans, la liste du Front National ne dépassait pas les 6% (…).

Deuxième leçon. La gauche a également sa part de responsabilités. Je prends ma part de responsabilité, il ne s’agit pas de se dédouaner. Ce soir, la gauche est affaiblie, tout est à reconstruire.

J’ai l’intime conviction que l’avenir passe par l’humilité, le travail collectif, le respect mutuel, le refus de la tentation hégémonique. Ecoutons-nous, respectons-nous, travaillons ensemble.

Cette gauche, cette gauche que nous devons reconstruire, que nous allons reconstruire, doit placer au coeur de son projet la justice sociale et l’urgence écologique.

Et soyons clairs: cette reconquête des coeurs et des esprits ne sera possible que dans la rupture avec le libéralisme.

Génération-s a le même positionnement : l’extrême-droite est en première place, la Gauche à reconstruire, cela va être un travail de longue haleine.

Nous n’avons jamais ignoré que notre combat prendrait du temps, exigerait de la constance dans les idées et beaucoup de travail sur le terrain. Nous poursuivrons cet engagement, au service de notre projet d’une société du partage, de la reconstruction et de l’unité de la gauche et des écologistes que le résultat de ce scrutin appelle intensément.

Le NPA tient un discours similaire. L’extrême-droite a un succès qui sonne comme un avertissement, il faut se retrousser les manches.

Plus que jamais, l’heure est à la construction des résistances, à travailler à leur convergence. Les votes ne nous protègent pas des injustices sociales, de la casse des services publics, du racisme et de la xénophobie, du réchauffement climatique, nous en avons encore la preuve ce soir.

Sur les lieux de travail et d’étude, sur les ronds-points, nous devons nous organiser, débattre de comment, ensemble, notre camp social peut reprendre la main et remporter des victoires sur nos revendications. Les résultats de ce soir, s’ils sonnent comme un avertissement, ne font pas disparaître les luttes de ces derniers mois qui doivent continuer.

Ces derniers mots sont une allusion aux gilets jaunes, considérés comme grosso modo quelque chose plus positif qu’autre chose. Ce n’est pas le cas du PCF (mlm), qui voit en eux l’expression d’un apolitisme généralisé, voyant en l’extrême-droite l’affirmation justement du rejet total de la politique.

Pour la grande masse des gens, la vie consiste uniquement à sa propre vie, entre famille et emploi, consommation de divertissement et vacances, avec l’écran de télévision, d’ordinateur ou de smartphone comme nœud central permettant de disposer d’une liaison censée être objective avec la réalité (…).

La passivité politique est la règle, et cela jusqu’à l’apolitisme. L’abstentionnisme n’est même plus un mépris, c’est simplement un dédain, et ceux qui se mobilisent consistent surtout en ceux qui justement affirment l’amertume de ne pouvoir satisfaire leur parfaite intégration dans la consommation et le style de vie capitaliste. Les gilets jaunes sont représentatifs de cette partie de la petite-bourgeoisie qui compte bien perpétuer son existence sociale (…).

Les élections européennes de 2019 sont un autre exemple de victoire du dédain et du populisme, avec la grande abstention, le succès de l’extrême-droite, l’apathie générale à ce sujet (…).

Le capitalisme est ébranlé et en même temps se renforce comme jamais en profitant de ses gigantesques vagues successives d’accumulation de capital et de marchandises. Ce n’est pas un paradoxe, c’est une contradiction et cela est propre au développement non harmonieux du capitalisme lui-même.

Cela en est au point où la notion même de société se voit étouffée. Apolitisme et populisme sont, dans les faits, indissociablement liés. Ils sont le produit du 24 heures sur 24 de la vie sous le capitalisme, tout comme de l’effondrement du niveau culturel de la bourgeoisie, qui elle-même se confond toujours plus avec les possibilités de valoriser le capital.

La position du Parti Révolutionnaire Communistes n’est pas très claire. Il s’est présenté aux élections, sans aucun résultat patent. Cependant, il voit cela comme une avancée dans un contexte interprété comme mauvais.

Le Parti Révolutionnaire Communistes remercie les électrices et électeurs qui ont voté pour la seule liste ouvrant une perspective claire : abolir le capital, l’empêcher de nuire, lui enlever tout pouvoir économique et politique pour confier au peuple la gestion de la société pour le progrès social et humain.

Malgré tous les obstacles rencontrés, liés en premier lieu au financement de la campagne électorale, l’impossibilité d’imprimer les bulletins de vote et les circulaires, les directives de quelques préfectures demandant à retirer les bulletins remis aux maires des communes, malgré l’obstruction des médias, des bulletins du Parti Révolutionnaire Communistes ont été utilisés dans plus de 60 départements confirmant ainsi notre ancrage national (…).

La « gauche » et ses nombreuses ramifications sont en échec total, la recomposition politique se poursuit visant à centrer le combat pour le pouvoir politique entre l’équipe dirigeante et l’extrême droite, phénomène déjà observé dans d’autres pays d’Europe.

Cette recomposition politique vise à marginaliser les partis traditionnels, on voit à quel point l’action des « gilets jaunes » a été utilisée pour servir les objectifs politiques des serviteurs du capital (…).

Il n’y a que les luttes pour freiner et stopper le capital, c’est le seul outil dont disposent les travailleurs pour y parvenir. L’amplification, la convergence des luttes qui n’ont pas cessé doit devenir l’objectif urgent et essentiel de la classe ouvrière pour satisfaire les revendications, augmenter les salaires, les pensions et allocations sociales… (…) Il n’y a pas de temps à perdre.

Enfin, le ton est relativement similaire à la France Insoumise (qui n’est habituellement pas considéré comme de gauche par Agauche.org). Citons ici la déclaration de Jean-Luc Mélenchon :

« Ce n’est pas une soirée heureuse que celle-ci. Pour la seconde fois en France, l’extrême-droite gagne l’élection européenne. Ainsi se confirme que la France prend une pente que nous continuerons à combattre par tous les moyens dont nous disposons.

Monsieur Macron semble avoir perdu le match qu’il avait voulu installer de façon si irresponsable. De fait, la victoire de l’extrême-droite, l’effondrement du pouvoir dans le match qu’il avait engagé et le niveau de l’abstention qui reste considérablement élevée montrent que notre pays s’enfonce dans une crise profonde.

Nul n’en aperçoit à cette heure d’issue positive. Cela restera notre responsabilité de tâcher de l’ouvrir. De continuer à tracer le chemin que nous avions d’abord inauguré si vaillamment.

Dans ce contexte, notre résultat est très décevant. Il n’est pas à la hauteur de nos espérances, cela va de soi, et encore moins de nos efforts. Mais je veux saleur Manon Aubry et ses colistières et colistiers qui ont, dans cette bataille, jeté toute leur force de conviction et d’espérance (…).

La pente qui est prise est mauvaise. Il est possible de l’inverser. Mais cela reste impossible si chacun, en conscience, ne prend pas pour lui même ses responsabilités.

C’est l’heure des combats et des caractères. La France en a toujours disposé en abondance. Je forme le vœux qu’elle sache se manifester et se rassembler pour parvenir aux objectifs qu’elle doit se donner : libérer une bonne fois le pays, le système de notre pays, de la pesanteur économique anti-écologique qui pèsent sur lui et des ombres que projette sur son destin l’extrême-droite.

Vive la République, vive la France.»

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La Gauche et les européennes de 2019 : les déclarations optimistes

Il y a une partie de la Gauche qui considère que la situation est finalement bonne, que les gilets jaunes notamment ont exprimé une forme de révolte qui correspondrait au climat général. Partant de là, il n’y aurait qu’à pousser pour que cela marche. Les élections européennes sont vues comme un échec pour tout le monde, sauf pour eux.

On notera qu’au-delà des déclarations suivantes, la majorité de ce qu’on appelle l’ultra-gauche n’a même pas fait de communiqué à la suite des élections. Il y a eu des appels au boycott avant celle-ci, mais rien à la suite de celle-ci. Ce n’est pas considéré comme une actualité. On notera au passage que dans un autre genre, le Parti socialiste n’a lui non plus pas fait de déclaration !

De tous les communiqués qu’on peut qualifier de relativement triomphalistes à la suite des élections européennes de 2019, le plus marquant est indubitablement celui de Lutte Ouvrière. Il est d’une brutalité extrême, qui tranche étrangement totalement avec la posture précédente, caractérisée par une regard très critique quant aux gilets jaunes et à la capacité de lutte des ouvriers.

Puisant dans ses racines historiquement « gauchistes », Lutte Ouvrière se réjouit ouvertement de l’effondrement de la Gauche, qui pour elle permet l’ouverture d’un espace:

Au moment où la démocratie bourgeoise est minée par la faillite du capitalisme, par la crise économique, par la menace de guerres et de catastrophes écologiques, d’aucuns ont pour ambition de reconstruire la gauche.

La gauche, tant qu’elle avait un certain crédit parmi les travailleurs, a été un moyen d’enchainer le mouvement ouvrier au système institutionnel de la bourgeoisie. Cet instrument s’est brisé en remplissant cette tâche, et tous ceux qui veulent le réparer trompent les travailleurs alors que la société est poussée vers le précipice (…).

Les résultats de Lutte Ouvrière, pour modestes qu’ils soient, confirment la présence d’un courant politique qui maintient la tradition révolutionnaire du mouvement ouvrier, l’internationalisme face à la montée des nationalismes, le drapeau rouge face au drapeau tricolore de la bourgeoisie

Du côté du PRCF, la principale structure issue de la « gauche du PCF » des années 1990, le ton est assez triomphaliste également. Il est considéré que tout le monde échoue, que l’abstention témoignerait d’un rejet et qu’il y a ainsi la place pour l’alternative : le « FREXIT progressiste ».

La vie du pays ne dépend pas (seulement) des élections mais dans le contexte actuel dans les luttes populaires convergentes dont les GJ jaunes ont donné l’exemple avec le soutien de 75 % de la population, permettant au peuple de se constituer en sujet historique collectif et pas en individus isolées dans… l’isoloir… L’euro-politique antisociale et antidémocratique va se poursuivre, les résistances aussi, à nous de construire un front de luttes en le portant par la perspective du frexit progressistes…

Plus que jamais, une seule solution s’impose : FREXIT PROGRESSISTE !

Fier d’avoir porté la voix majoritaire des travailleurs de France, celle de l’abstention citoyenne, honteusement censurée par tous les médias et d’avoir mené campagne grâce à la mobilisation entière et enthousiaste de toutes et tous ses militants, le PRCF continuera de porter les idées et les propositions communistes dans un esprit d’ouverture, mais aussi de fermeté idéologique, face aux terrifiantes euro-illusions portées par les ennemis de classe. Plus que jamais, une seule solution s’impose : FREXIT PROGRESSISTE !

Le PRCF a également souligné l’importance qu’il y a selon lui du fait qu’Emmanuel Macron a mis en place un « duel » entre lui et Marine Le Pen, qu’il s’agirait d’un piège. C’est là-dessus que s’exprime surtout le PCOF, qui dit que l’extrême-droite est très loin d’avoir l’hégémonie dans les masses populaires.

La Gauche républicaine et socialiste s’est contenté d’un simple tweet :

La @Gauche_RS prend acte de la sanction infligée à la gauche. Nous félicitons notre animateur national @emmanuelmaurel pour sa réélection, aux côtés de @ManonAubryFr. Parlementaire de combat et de gauche, son action aura pour horizon la rupture avec le néolibéralisme de l’UE !

Le Courant communiste révolutionnaire du NPA  voit en les élections un simple aléa dans un vaste parcours historique de lutte.

Ce n’est donc qu’en apparence que cette dernière semaine et la séquence post-élections auront permis d’effacer les Gilets jaunes du paysage médiatique et politique. Les 7 mois de contestation historique qu’a connu le pays ne risquent pas de disparaître comme ça, et pourraient au contraire annoncer de nouveaux épisodes de luttes de classe qui n’en ont pas fini de mettre des bâtons dans les roues des projets du gouvernement et du patronat.

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Le « départ » de Benoît Hamon

Benoît Hamon filait un mauvais coton avant les élections. Ses propos négatifs étaient nombreux. Dépassant 3 %, Génération-s est remboursé de ses investissement pour les élections et est sauvé de ce point de vue-là. Lui préfère prendre un peu de champ, tout en soutenant le mouvement.

Benoît Hamon a multiplié les signaux négatifs juste avant les élections, reflétant ses inquiétudes. Une semaine avant le vote, il déclarait en « off » à des journalistes la chose suivante :

« C’est fou, on est à une semaine de l’élection, et j’ai l’impression d’apprendre aux gens que je suis candidat, ça me laisse pantois. »

Peu après, sur France 2, il expliquait :

« Je tirerai les leçons d’un deuxième échec majeur au suffrage universel et les idées que je porte, naturellement, elles disparaîtront et de la reconstruction de la gauche et du paysage politique (…).

Je veux le dire aux électeurs et notamment aux indécis : si je ne passe pas les 5%, les idées que j’ai défendues, le revenu universel, la taxe sur les robots, la transition écologique telle que je l’ai défendue avec la justice sociale, ces idées s’évanouiront aussi. »

Il a hier soir annoncé sa décision à la suite de l’échec de Génération-s à atteindre 5 %: il se met en retrait. Voici son message à Génération-s.

« Chères amies, chers amis,

Ces élections européennes nous ont déçu par leur résultat mais nous avons fait une incroyable campagne, à moyens financiers minuscules, mais à énergie humaine (et propre) incroyable.

C’est une des campagnes dont je suis le plus fier. Partout vous avez déployé engagement et arguments pour convaincre. J’ai eu écho des mille initiatives prises sur le terrain, des nuits de collage, des petits matins de tractage dans les gares, des après midi de porte-à-porte. Ce sont des jours heureux dans nos mémoires. Nos idées grandissent, c’est l’essentiel.

Maintenant s’ouvre une nouvelle étape pour la gauche qui doit se reconstruire et se rassembler, d’une part, et pour notre mouvement qui prépare déjà les prochaines élections municipales, d’autre part.

D’ici là, nous aurons l’occasion de débattre, de faire le bilan de notre jeune existence et de cette première épreuve du feu et de décider comment nous inscrire dans l’avenir de la gauche : construction d’un lobby citoyen ; participation à la réalisation d’une maison commune de la gauche et de l’écologie… Le collectif national prendra des initiatives bientôt.

Je participerai à cette nouvelle étape, fidèlement à vous et à notre projet. J’ai cependant besoin de prendre du recul, de m’éloigner des médias notamment. Cela fait presque trois ans et le lancement de la primaire de la gauche, que je bats campagne sans interruption. J’ai besoin de retrouver un peu mon souffle, de penser, lire, croiser de nouveau regards. Génération·s est le mouvement de l’intelligence collective. Soyez sûrs qu’elle nous portera loin.

On ne se quitte donc pas.

Merci.

A bientôt.

Benoît Hamon »

Cela est fort dommage, car Benoît Hamon est une figure connue de la Gauche. Cela sonne comme une capitulation, même si cela en est pas une. Ce n’est dans tous les cas pas dignes de la politique. Vus les défis attendus, il faut des gens connus, avec de l’expérience, ayant fait preuve de leur engagement. On ne se met pas de côté au moment où les batailles terribles s’annoncent.

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La Gauche en France comme cabinet des curiosités

Les Français ne font rien comme tout le monde, du moins c’est ce qu’ils pensent. Cela a pu être vrai parfois, mais ils sont désormais une caricature, une simple curiosité. La France moisit et sa jeunesse se sent de plus en plus en décalage avec son environnement.

Les Français savent qu’ils sont connus en Europe pour leur habileté à protester et ils se sentent pour cette raison plus vifs d’esprit, plus concrets, plus ancrés dans le réel. La protestation pour la protestation n’est cependant qu’une vanité mécaniquement répété et avec les gilets jaunes, tout le prestige des Français s’envolent. Car auparavant, on savait que les Français transportaient de grandes idées.

La Révolution française, les soulèvements démocratiques du 19e siècle, le Front populaire… et bien sûr mai 1968, tout cela a marqué de par son ampleur, son ingéniosité toute française dans la mise en place, mais aussi et même surtout de par les idées véhiculées, les comportements transportés. Il faut bien admettre ici que la figure romantique de l’étudiant parisien révolté de mai 1968 et celle de l’ouvrier en grève générale en juin 1968, c’est autre chose que le gilet jaune faisant des grillades sur son rond-point…

La capacité contestataire des Français s’est ainsi transformé en curiosité. C’est une terrible perte. Pour les Français, d’abord, car cela empêche l’émergence de vraies luttes. Par exemple, chaque années les lycéens espèrent un mouvement où ils pourront bloquer leur lycée. C’est cependant du folklore, le contenu ne les intéresse pas, ils veulent « leur » événement. Cela a dépolitisé massivement. Pour l’étranger, ensuite, car il n’est pas faux que l’esprit français d’initiative a pu permettre de lancer des choses qui ont été exemplaires, comme le Front populaire de 1936 ou la contestation étudiante de 1968.

Mais les Français se sont trop reposés sur leurs lauriers. Au point d’ailleurs, finalement, de préférer la Droite. La France est un pays de contrastes : il y a le pays d’oïl et le pays d’oc, le premier prédomine, le second affirme son style, en tant que « midi ». C’est pareil pour la Droite et la Gauche. La première dirige le pays, sur le plan des valeurs, des habitudes, des normes, et la Gauche s’affirme parfois, posant un style qui influence, sans changer en profondeur.

La Gauche passe, les chasseurs restent. La Gauche gouverne, l’expérimentation animale continue. La Gauche dirige, les riches restent riches et le sont même plus qu’avant. La Droite possède la France profonde et qui la possède est inébranlable. La Commune de Paris de 1871 s’est brisée là-dessus, tout comme le mouvement de mai-juin 1968. Cela fait qu’en réalité, la Gauche elle-même est dans notre pays une curiosité.

Pas sur le plan des idées, bien sûr, car tout le monde sait ce qu’être de gauche. N’importe qui sait ou devine ce qu’est un communiste. Ce n’est pas le cas en Angleterre, voire en Allemagne ! Mais sur le plan de son existence même, la Gauche est une curiosité. Le Parti socialiste a toujours été une petite structure électorale, et ce dès le début du 20e siècle. Le Parti communiste a eu une base de masses de très grande importance, mais totalement sectorisée. Les syndicats n’ont jamais eu d’ancrage de grande ampleur, réel et prolongé chez les travailleurs.

C’est là qu’est un problème essentiel. Car le manque de présence de la Gauche sur tout le territoire a fait d’elle une curiosité et au moyen de l’ingéniosité française, cela a été contourné. Il y a eu les éclats de génie du Front populaire, des FTP-MOI activant véritablement la Résistance, la révolte étudiante pour ébranler gaullisme. Même le Programme commun de 1981 procède de la même démarche.

L’ampleur a bien été gigantesque, mais cela a abouti à une certaine logique machiavélique. Au lieu du travail de fond, il a été espéré une répétition. Il a été cherché la même configuration, au lieu d’avoir une Gauche de masse. Pourtant, seule la massification permet d’avoir des forces réelles, une évolution conforme aux exigences de la base populaire. Là est la véritable démocratie. La Gauche française paie en fait le prix de n’avoir jamais donné naissance à une réelle social-démocratie comme mouvement de masse, ancrant à grande échelle les valeurs, la culture, les principes de la Gauche.

Le maintien de l’opposition Droite / Gauche en Angleterre ou en Allemagne doit tout à cette tradition historique du mouvement ouvrier, solide dès le départ. Il faut vraiment avoir cela en tête, pour ne pas tomber dans le piège d’espérer de simples répétitions d’une configuration historique où la Gauche a pu s’exprimer. Au-delà de cela, il faut ancrer la Gauche, pour qu’elle ne soit pas en France une curiosité, quelque chose d’utopiste, de sympathique mais décalé, sans réelle validité.

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France : l’extrême-droite en tête des Européennes de 2019

Pour la seconde fois, l’extrême-droite est en France en tête des Européennes. Et le tête de liste, Jordan Bardella, a 23 ans ! Avec Marion Maréchal, il appartient à un mouvement de fond, celui de la constitution de cadres dirigeants. C’est la marche vers le pouvoir qui s’orchestre. L’avenir va amener des situations politiques d’une tension extraordinaire.

Après le débat du second tour des présidentielles, Marine Le Pen avait été enterrée par les médias et les commentateurs superficiels de la politique. Elle aurait été trop agressive, trop incapable de nuance, trop décalée. Quelle naïveté ! C’était un ballon d’essai pour voir jusqu’où il était possible d’aller. Elle a compris que les Français ne voulaient pas sortir de l’Union Européenne, mais elle a su en même temps se positionner pour le long terme comme la critique la plus radicale de sa forme actuelle.

D’où le résultat à ces Européennes de 2019, avec pratiquement un quart des électeurs. C’est un chiffre énorme. Énorme parce qu’il est stable, porté politiquement par un courant politique organisé et structuré, qu’il fédère encore et toujours des secteurs populaires entiers. Dans le Pas-de-Calais, si populaire, c’est 38 % des voix, soit le double de la liste suivante, celle de la liste de soutien à Emmanuel Macron, battue d’ailleurs au niveau national. Et cela aussi c’est significatif.

Le Rassemblement National se profile de plus en plus comme le principal mouvement d’opposition, le seul capable de fédérer, de par son poids, une alternative politique. La Droite va céder toujours davantage à son appel, à ses pressions. Bloquée par le Centre, elle va chercher des alliances à l’extrême-droite, tel un besoin vital, ne serait-ce que sur le plan électoral.

Et parlons de l’effet gilets jaunes. On se demandait à qui allait profiter leur mouvement. Eh bien voilà, on le sait désormais. Car on se doute bien que les gens pro-gilets jaunes n’ont pas voté EELV. Ils se sont abstenus ou bien basculent dans la dénonciation d’extrême-droite. Tous ceux qui ont prétendu le contraire doivent se remettre profondément en question. Ils n’ont servi qu’à encore plus déboussoler, désorienter, contribuer à ce que les thèses nationalistes s’installent.

Et appelons quand même ici que LFI, l’ultra-gauche et encore bien d’autres nous promettaient une grande révolte sociale à l’échelle du pays, un bouleversement sans précédent ! Ces gens-là ont été une catastrophe pour la Gauche.

Alors que faire ? La réponse est simple : repartir à la conquête des masses neutralisées par l’extrême-droite. C’est un travail gigantesque. Car, déjà il faut être capable de proposer des choses de gauche aux gens. C’est loin d’être simple. Il faut retrouver les valeurs de la Gauche. Il faut être en mesure de les diffuser. C’est un double travail énorme.

Mais, en plus, il va falloir réussir à briser la démagogie sociale et nationaliste de l’extrême-droite. Et là franchement, cela rajoute un obstacle immense. Comment va-t-on réussir à démolir ce qui est désormais une tradition dans une large partie de la population ? Et une tradition grandissante, s’amplifiant partout, qui plus est ? La Gauche va ici devoir disposer d’un très haut niveau intellectuel, culturel, moral !

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Résultats des Européennes de 2019 : tout reste à faire à Gauche

La Gauche a politiquement disparu : tel est l’enseignement des élections européennes. Il aurait fallu l’unité pour rassembler les forces vives et permettre de relancer quelque chose. Désormais, la défaite est une combinaison d’échec culturel et de déroute politique.

Selon la manière avec laquelle on prend les choses, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Mais cela implique qu’on voit soit le verre en train de se vider, soit en train de se remplir. Les listes de Gauche au sens le plus large possible, si on les combine, donnent un chiffre relativement important. LFI et la liste autour de Raphaël Glucksmann font chacun autour de 6 %, Génération-s autour de 3 %, le PCF moins de 3 %, Lutte Ouvrière moins de 1 %, et si l’on ajoute EELV avec autour de 12-13 %, on a alors quelque chose qui tourne autour de 30 %.

Seulement voilà, il s’agit de 30 % des électeurs, et la moitié des Français n’est pas allée voter. De plus, EELV a largué les amarres avec la Gauche pour devenir « ministérialiste » et La France Insoumise l’a fait pour prôner le populisme. Et La France Insoumise est même en chute libre : on est passé de 19,58 % de Jean-Luc Mélenchon au premier tout des présidentielles à 11,03 % aux législatives en 2017, à désormais presque moitié moins.

À cela s’ajoute que la liste de Raphaël Glucksmann était composée du Parti socialiste, de Nouvelle Donne, du Parti Radical de Gauche et de Place publique. Pour au moins la moitié de ces structures, voire plus même en réalité, on a un courant de centre-gauche. Et du côté de la Gauche assumée, ni le PCF, ni Génération-s, ni Lutte Ouvrière n’auront des députés européens. Politiquement, cela reste fondamentalement marginal.

Après les résultats, Raphaël Glucksmann a affirmé la chose suivante :

« La gauche éparpillée et morcelée n’arrive pas à s’imposer comme une alternative crédible. »

Ce n’est pas vrai. C’est l’inverse qui est vrai. Le morcellement, l’éparpillement, sont la conséquence de l’incapacité à se poser comme alternative crédible. Ce n’est pas en regroupant des structures en perdition, sans contenu ni culturel ni politique et encore moins idéologique, sans base de masses, qu’on peut parvenir à quelque chose. La seule démarche possible est de refaire une Gauche de masse d’un côté et de relancer de l’autre le débat d’idées, l’enseignement des points de vue fondamentaux de la Gauche.

Mais ces points de vue existent-ils ? Ici on doit voir le fond du problème. Car la gauche est devenue une « sensibilité », plus qu’une catégorie politique. On ne se définit plus comme à Gauche, mais comme de gauche, et cela ne veut plus rien dire. Quand on voit qu’il est considéré comme de gauche de légaliser le cannabis, on voit le degré de déchéance d’une culture politique tombée dans le soutien entier au libéralisme culturel. Quand on voit que le terme ouvrier est inexistant à Gauche, on a de toutes façons tout compris.

C’est pour cela qu’on ne peut être que perplexe quant au communiqué de Génération-s :

« Génération.s prendra part à la reconstruction de la gauche et de l’écologie à partir des initiatives des mouvements politiques, sociaux et citoyens qui veulent réinventer le projet de la gauche et l’unir. »

Il n’est pas possible de mettre sur le même plan les mouvements politiques, les mouvements sociaux et les mouvements citoyens. Ce qui compte, ce sont uniquement les mouvements politiques : il faut le primat de la politique. Finie la course populiste derrière des mouvements sociaux aux natures indéfinies, finie la soumission aux classes moyennes éduquées de type bobo.

Tout reste donc à faire : il faut que la Gauche politique redevienne de masse et se positionne par rapport à des fondamentaux. Et ces fondamentaux, ce sont ceux du mouvement ouvrier. C’est un travail énorme qui est à mener. Et qui pense qu’on peut contourner cela au moyen de coalitions électorales n’entend former qu’une coquille vide.

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Pour qui voter ? Un billet d’humeur

Une tentative de porter un regard concret pour un vote utile pour ces élections européennes : quelles listes à Gauche s’assument telles quelles ? Lesquelles peut-on soutenir ? Rien que le fait que la question se pose montre le problème.

Pour qui voter ? Pour cela il y a les professions de foi ! Il suffit de les lire et de faire son choix ! Il y a « En marche pour l’Europe », la liste du mouvement d’Emmanuel Macron. On dira ce qu’on voudra, c’est propre et constructif, avec l’Europe comme utopie libérale-sociale. Qui ne dirait pas non d’ailleurs à une vingtaine d’universités européennes d’ici 2024 ? À une force de protection sanitaire contre les fraudes alimentaires ?

Il ne faut pas s’étonner que des gens aient de l’espoir en cela, au-delà bien entendu de leur intérêt économique. Mais justement, le libéralisme, c’est non, alors regardons la suite.

Il y a les écologistes, avec Yannick Jadot. Après tout, la planète est en train de souffrir. Mais bon, pas certain qu’un repas végétarien optionnel dans la restauration collective change grand-chose… Ni d’ailleurs le droit de vote à seize ans ou l’accueil digne des migrants. Même pas des réfugiés : là on est carrément dans le libéralisme le plus poussé… Passons à autre chose.

Il y a Lutte Ouvrière. Sympa ! Non, ce n’est pas le mot, car c’est fade. Mais c’est digne. Le camp des travailleurs, une enseignante et un ouvrier en tête de liste, le rejet de la grande bourgeoisie, au moins c’est posé. Pas politique, car c’est la même chose depuis des décennies, mais c’est déjà ça. La profession de foi du PCF est plutôt claire aussi, elle est très propre, c’est plus politique : les salaires, l’urgence climatique, l’opposition aux traités ultralibéraux… Minimaliste, mais politique. S’il n’y avait pas en tête de liste Ian Brossat, ce dandy de la mairie de Paris, cela serait plus crédible…

Bon allons voir la liste de Benoît Hamon. Lui au moins il est sincère, et déprimé apparemment en ce moment. Il pense que ses idées vont être coulées si là son score est trop faible. En même temps, la profession de foi est tellement faible, il tend le bâton pour se faire battre. Il faut battre la Droite au pouvoir et les nationalistes, mais il n’y aucune référence à la Gauche. Alors allons voir la liste de Raphaël Glucksmann, lui voulait unir la Gauche ! Mais non, il est juste parlé d’une Europe forte, « pour peser face à l’Amérique de Trump, la Russie de Poutine et la Chine de Xiping ».

Dupont-Aignan et Debout la France ? Même plus gaulliste social, désormais c’est de droite et ce ouvertement. Les « Européens » ? Des centristes qui font la gueule à Emmanuel Macron. Les Républicains ? La même chose en plus conservateur. L’UPR ? La secte du Frexit, uniquement bonne à dire que la France serait l’esclave de l’Union Européenne. La France Insoumise ? Pareil et la base tend d’ailleurs toujours plus aux souverainistes et aux fachos.

Marine Le Pen et Jordan Bardella ? La même chose en encore plus démagogique, et son score va faire mal, très mal. Et c’est là qu’on se dit qu’il faut voter quand même. Parce que l’abstention + un carton de l’extrême-droite, cela va être difficile à digérer. En même temps, ils sont tellement nuls tous à Gauche : sans ambition, sans utopie, sans romantisme, sans socialisme. Pour les plus dégoûtés – les plus conscients peut-être, voter est impossible. Pour d’autres, plus sentimentaux, plus résignés, il y a Benoît Hamon, Ian Brossat, et la liste de Lutte Ouvrière, en sachant que seuls les deux premiers peuvent éventuellement arriver au 5 % nécessaire pour avoir un élu.

Dans tous les cas, un bulletin de vote ne suffira pas à quoi que ce soit : une liste unie à Gauche aurait pu être un vrai marqueur, un témoignage d’une recomposition qu’on soutient. Là c’est trop faible, bien trop faible, alors qu’il y a la catastrophe climatique, le capitalisme en crise et l’extrême-droite qui progresse de manière ininterrompue. Les prochaines années vont être celles de bien des exigences !

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Tribune : « L’Europe a besoin des socialistes »

Voici une tribune d’Alain Bergounioux, président de l’Office universitaire de recherche socialiste et d’Henri Weber, ancien sénateur et député européen, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, initialement publiée par Libération.

Ils appellent à une alliance large à Gauche derrière le courant majoritaire, que l’on peut qualifier de centriste et qui est incarné au parlement européen par le groupe S&D du Parti des socialistes européens (PSE).

Le PSE regroupe les grands partis de la Gauche européenne, le PS français, le SPD allemand, le SPÖ autrichien, le Labour britannique, le PSOE espagnol, le PD italien ou encore le Partij van de Arbeid néerlandais.

Une partie de la Gauche de plus en plus importante récuse le rôle et l’action du PSE qui a voté en 2017 à 90 % la même chose que la Droite (PPE) lors votes finaux, selon une étude de la fondation Robert Schumann.

Il faut néanmoins, pour être tout à fait honnête, interpréter cette de donnée dans le cadre particulier du Parlement européen, qui fonctionne par des compromis négociés longuement, y compris à l’intérieur même des groupes.

Notons pour finir qu’il est question dans cette tribune de s’opposer à l’ordo-libéralisme, à quoi est opposé traditionnellement le keynésianisme, et non pas le Socialisme. Le Socialisme s’oppose par définition au mode de production capitaliste, dont l’ordo-libéralisme et le keynésianisme sont deux aspects.

« L’Europe a besoin des socialistes

Le 26 mai, il faut conforter le Parti des socialistes européens (PSE) et son groupe parlementaire à Strasbourg, «l’Alliance des démocrates et des socialistes». Implanté de longue date dans les 28 Etats de l’Union, (la Grande-Bretagne est encore des nôtres !); fort aujourd’hui de 188 députés, le PSE est la seule force politique au Parlement européen capable de promouvoir une coalition progressiste rassemblant les sociaux-démocrates, les écologistes, et les centristes.

Une telle coalition est nécessaire et urgente, face à la montée des nationalismes d’extrême droite et des partis europhobes, crédités de 25% des sièges, dont l’objectif proclamé est la destruction de l’UE. Elle est indispensable aussi pour réorienter la construction européenne dans le sens d’une Europe plus écologique, plus sociale, plus solidaire, plus volontaire. Jamais les risques d’enlisement et de désagrégation nationaliste qui menacent l’Europe n’ont été aussi grands. Mais jamais non plus les chances de tourner le dos à l’ordo-libéralisme longtemps dominant et d’engager la transition écologique et la révolution numérique en Europe n’ont été aussi fortes.

La prise de conscience de l’urgence écologique dans la grande opinion a beaucoup progressé depuis cinq ans. Elle joue en faveur d’un «Green New Deal», une nouvelle donne écologique, en deux volets : le renforcement qualitatif des normes et règles en défense de l’environnement et de la qualité de la vie. C’est le volet défensif, auquel s’ajoute un volet offensif : la mise en œuvre de politiques industrielles volontaristes et ambitieuses en vue de réaliser les objectifs de la COP 21, la reconversion thermique des bâtiments, le développement des «mobilités propres» et des énergies renouvelables, la généralisation d’une «agriculture raisonnée»…

Cette transition écologique que chacun appelle désormais formellement de ses vœux, ne peut être le fruit du libre jeu des forces du marché, toute l’histoire du capitalisme l’atteste. Elle appelle au contraire une forte impulsion de la puissance publique, à tous ses niveaux : local, régional, national, européen et mondial, le niveau continental s’imposant toutefois de plus en plus comme l’espace stratégique. Ce retour nécessaire de la puissance publique s’affirme à un moment où les dogmes du néo-libéralisme économique, triomphants au début du siècle, ont beaucoup perdu de leur crédibilité, en raison des résultats des politiques qu’ils ont inspirés. Peu nombreux sont ceux qui croient encore dans les vertus autorégulatrices des marchés. L’idée que le monde souffre, non pas d’un excès, mais d’une carence d’organisation, de régulation, de planification, d’intervention des acteurs publics, s’est peu à peu imposée, après la crise de 2008. Elle a pris tout d’abord la forme régressive d’une montée des protectionnismes nationalistes. Mais elle peut prendre aussi, celle, progressiste, de politiques publiques coopératives et socialement inclusives, comme on dit à Bruxelles, préconisées par la social-démocratie au niveau de l’UE et de chacun de ses Etats membres.

Malgré ses déboires dans certains pays, la famille socialiste restera la principale force progressiste au Parlement européen et au Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement dans la prochaine législature (2019-2024). La seule force capable de fédérer la gauche, les écologistes et le Centre-gauche pour mettre en échec les offensives désagrégatrices des partis europhobes et de réorienter l’Europe. C’est pourquoi nous appelons à voter pour la liste «Envie d’Europe», emmenée par Raphaël Glucksmann. Le 26 mai, il s’agit d’élire le Parlement européen, non de censurer ou de plébisciter le Président de la République française. »

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La liste de l’Alliance royale pour les élections européennes

À l’occasion des élections européennes, l’Alliance royale (AR), mouvement royaliste qui a la particularité de ne se revendiquer ni de l’orléanisme, ni du légitimisme, a décidé de présenter une liste.

Il apparaît très clairement que ce n’est qu’une démarche de communication, afin de profiter d’une tribune pour faire passer le message de l’organisation. En effet, l’AR explique se présenter pour « se faire entendre comme parti politique » (elle se différencie ici de l’Action française, qui est davantage dans une logique putschiste) et « proposer une autre voie pour l’Europe ».

Pour le reste, la pauvreté du programme est ouvertement revendiquée :

« Pour faire entendre sa voix, l’Alliance royale, constituée en parti politique, a entrepris de s’exprimer régulièrement à l’occasion des diverses consultations électorales. Les royalistes doivent devenir une véritable force politique. La campagne européenne s’inscrit dans cette démarche. L’Alliance royale a déjà présenté des listes régionales en 2004, 2009 et 2014.

Nous ne voulons pas entrer ici dans le détail des mesures économiques et politiques, mais donner les grandes lignes de ce que devrait être une France royale au cœur de l’Europe. »

Pour le reste, la ligne générale est globalement assez simple : un rejet total de l’Union européenne et de toute forme politique organisée au niveau continental, au profit d’une « Communauté des Etats européens » qui ne serait qu’un cadre juridique au service des États pour les questions qu’ils ne pourraient régler seuls, et à laquelle chaque État membre pourrait proposer des « initiatives » n’engageant que les pays en accord avec celles-ci. Trois « initiatives » sont proposées par l’AR : la coopération pour favoriser les échanges économiques, la surveillance des frontières et la sécurité, ainsi que la protection de l’environnement, non pas perçu dans sa dimension naturelle, mais bien comme patrimoine, dans une vision réactionnaire et anthopocentrée.

On l’aura compris, il s’agit de renforcer la puissance française dans le monde, de manière agressive. L’AR considère en effet que la France « a des intérêts dans le monde et des alliances qui ne concernent pas ses voisins européens », évoquant la « francophonie » et l’outre-mer (qui relève de sa « compétence seule »). Comment ne pas-y voir là une volonté de renforcer la présence française dans ses ex-colonies (qui sont toujours sous dépendance) ou dans les pays d’Afrique dont elle contrôle une bonne part de l’économie ?

Le renforcement du capitalisme français est d’ailleurs le seul fond concret de l’AR. C’est là son projet de base : un capitalisme français qui se lance de manière agressive dans le monde, de façon indépendante. Évidemment, le tout est enrobé d’un habillage prétendant défendre une vision du monde.

Quelle est-elle, justement, cette vision du monde ? C’est simple : une « France capétienne » et une « Europe chrétienne ».

La république est considérée comme nationaliste et xénophobe par essence (de la part de l’AR, la chose est quand même cocasse) et trop jacobine et étatiste. Implicitement, on retrouve le vieux fond régionaliste des contre-révolutionnaires, qui rejettent l’État centralisé, tout comme l’universel, pour lui préférer une société corporatiste du « terroir », de la « France profonde » contre l’État « technocratique », dans la droite lignée d’un Maurras.

Quant à l’Union européenne, « sans consistance », elle est assimilée au « mondialisme », à une dictature supranationale qui serait coupée des nations, des « pays profonds », dirigée par une « oligarchie » de l’ « argent ». On est là, quoique de manière plus feutrée qu’à l’Action française, dans les clichés anticapitalistes romantiques propagés par le fascisme et tous les réactionnaires, menant souvent à l’antisémitisme (de Proudhon à Soral, en passant par Maurras ou Barrès, Le Pen ou Pétain).

Bref, la liste de l’Alliance royale est une variante institutionnelle et davantage opportuniste de l’Action française, avec le même fond réactionnaire, traditionaliste, nationaliste et pleinement au service des intérêts capitalistes français, dans un renforcement de la tendance à la guerre.