Catégories
Politique

Marion Maréchal contre « mai 68 »

 

« Mai 68 » a profondément marqué la société française et sa critique est toujours un thème majeur pour la Droite conservatrice. Impossible donc de ne pas parler de mai 68 sans porter son attention également sur le camp des ennemis de la Gauche.

Ainsi, dans l’esprit réactionnaire d’une jeune femme comme Marion Maréchal (anciennement Le Pen), la vague de contestation de mai et juin 1968 représente quelque-chose d’important, même cinquante ans après en 2018. C’est le cœur même de l’idéologie de son école de sciences politiques qui doit ouvrir dans quelques jours à Lyon.

L’ancienne députée du Front National était ainsi l’invitée d’honneur d’une soirée-débat le 31 mai 2018 qui avait pour thème « Débranchons Mai-68 ». Organisée par le magasine « L’incorrect » et l’association « les Éveilleurs d’Espérance », issue du mouvement catholique traditionaliste « la Manifs pour tous », le discours y était assez classique : références à la spiritualité chrétienne, défense de valeurs « traditionnelles », critique des Lumières et caricature des éventements de mai 1968 comme étant simplement une aventure individuelle petite-bourgeoise.

Il n’est pas nouveau que « Mai 68 » soit un thème pour Marion Maréchal. C’est une sorte de symbole qui lui permet de synthétiser sa pensée, en le critiquant.  Dans un texte qu’elle avait publié en mai 2017, qualifié de manière grandiloquente de « testament politique », elle expliquait que la jeunesse d’aujourd’hui doit :

« payer les abus de la génération 68, qui a joué la cigale tout l’été et nous laisse des déficits incommensurables, des privilèges de classe intenables et irréformables… ».

Elle affirmait également que :

« Macron accomplit Mai 68. Avec lui, c’est l’idéologie du progrès, le culte du renouveau, qui implique nécessairement de faire table rase du passé. C’est l’idée soixante-huitarde selon laquelle l’homme ne peut s’émanciper que s’il se délie de tout héritage, de toute autorité, de tout cadre culturel. Je pense que c’est une erreur fondamentale. »

L’inverse de « mai 68 »

Marion Maréchal représente en quelque sorte l’inverse de « mai 68 ». Il s’agissait d’une jeunesse remettant en cause l’ordre établit en voulant avancer à grands pas vers le futur, cherchant le progrès partout, bien que de manière trop idéaliste souvent et dénaturée parfois.

Elle reflète pour sa part une jeunesse assumant un conservatisme des plus outranciers, un conformisme terrible et une soumission totales aux valeurs dominantes. La religion, le patriarcat, le nationalisme, la division de la société en classes et l’entreprenariat capitaliste sont pour elle des horizons indépassables.

C’est précisément avec ces valeurs qu’elle entends former de « futures élites », de Droite, via son École de science politique, l’ISSEP, qui ouvre dans quelques jours à Lyon.

La subtilité, si l’on peut le dire ainsi, est que Marion Maréchal pense pouvoir faire passer la critique des valeurs dominantes comme étant justement la norme, la valeur dominante. Elle tente de renverser le problème.

C’est ainsi qu’elle disait dans un entretien à Valeurs Actuelles paru en février 2018, critiquant en filigrane l’héritage de « mai 68 » :

« Depuis le début de la Ve République, l’ensemble des vecteurs de pensée est détenu par la gauche. Elle infuse sa domination culturelle quasi hégémonique à travers la presse, l’éducation et la culture. Il est temps, pour nous aussi, d’appliquer les leçons d’Antonio Gramsci. »

Son point de vue est bien sûr absurde puisqu’il est évident que la société française est largement marquée en 2018 par la pensée religieuse et l’esprit catholique, par le patriarcat et le sexisme, par le nationalisme béat, par la pression économique des plus riches sur les classes populaires.

La Gauche existe, mais son champ est limité, et d’ailleurs se dégrade. Ce que ne supporte pas l’esprit étriqué de Marion Maréchal, c’est qu’il y a malgré tout des progrès, que la société avance et ne se fige pas, que certaines valeurs ou exigences démocratiques s’affirment ou tendent à s’affirmer.

« C’était mieux avant »

Plutôt que de remettre en cause les obstacles sociaux et culturels qui empêchent la société de devenir meilleure, elle prétend que le salut se trouve dans le passé. Que « c’était mieux avant ». Son conservatisme est un idéalisme, une vision romantique du passé. C’est le contraire de « mai 68 » qui était surtout une vision romantique de l’avenir.

En fait, Marion Maréchal profite pour sa critique réactionnaire des limites de la contestation de mai et juin 1968. Si elle a été démocratique et populaire, cette vague de contestation n’a pas été dirigée par la classe ouvrière mais confisquée par une partie de la bourgeoisie voulant moderniser le pays, sans parler des intellectuels des classes moyennes prétendant s’approprier voire représenter les idées de mai.

Marion Maréchal n’a pas tord quand elle critique l’ultra-libéralisme et qu’elle le lie à « mai 68 ». Son mensonge est cependant de prétendre qu’une autre partie de la bourgeoisie, celle qui est plus traditionnelle et conservatrice, porterait un horizon meilleur pour les classes populaires et la société tout entière.

Les errements de la Gauche

Les conservateurs comme Marion Maréchal profitent des errements de la Gauche qui sombre dans l’ultra-libéralisme, le post-modernisme et la décadence culturelle, pour apparaître au contraire comme représentants la morale populaire.

Ses propos devant les conservateurs américains en février 2018 en était une parfaite illustration avec sa critique du libéralisme-libertaire à partir du point de vue de la Droite conservatrice :

« Sans nation et sans famille, le bien commun, la loi naturelle et la morale collective disparaissent cependant que perdure le règne de l’égoïsme.

Même les enfants sont devenus une marchandise ! Nous entendons dans le débat public « nous avons le droit de commander un enfant sur catalogue ». « Nous avons le droit de louer le ventre d’une femme ». « Nous avons le droit de priver un enfant de mère ou de père ».

Non, vous ne l’avez pas ! Un enfant n’est pas un droit.

Est-ce cela, la liberté que nous désirons ? Non, nous ne voulons pas de ce monde atomisé de l’individu sans genre, sans père, sans mère et sans nation.
[…]

Je suis venu vous dire qu’il y a aujourd’hui une jeunesse prête pour cette bataille en Europe : une jeunesse qui croit au dur labeur, qui croit que ses drapeaux signifient quelque-chose, qui veut défendre les libertés individuelles et la propriété privée.

Une jeunesse conservatrice qui veut protéger ses enfants de l’eugénisme et des délires de la théorie du genre. Une jeunesse qui veut protéger ses parents de l’euthanasie et l’humanité du transhumanisme. »

Marion Maréchal est la figure de proue d’une tentative de révolution conservatrice, concept formé dans les milieux allemands nationaliste dans les années 1920-1930. Il faut savoir porter son attention sur ce phénomène dangereux, relevant du fascisme, et cela d’autant plus que la Gauche est torpillée de l’intérieur par les partisans de la post-modernité.

Catégories
Politique

Le journal Action en juin 1968

Après le numéro du 10 juin 1968, Action a été publié plusieurs fois au mois de juin 1968 ; voici les exemples suivant au format pdf :

numéro 7 du 11 juin 1968 ;

numéro 8 du 12 juin 1968 ;

numéro 9 du 13 juin 1968 ;

numéro 10 du 14 juin 1968 ;

numéro 11 du 17 juin 1968 ;

numéro 12 du 18 juin 1968 ;

numéro 13 du 19 juin 1968 ;

numéro 14 du 20 juin 1968.

La publication de ce journal lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars cessera au mois de juillet, une tentative de quotidien étant faite à partir de mai 1969 jusque début juin.

Catégories
Politique

Décret du 12 juin 1968 portant dissolution d’organismes et de groupements

Le 12 juin 1968, l’État procède à la dissolution des organisations ayant joué un rôle significatif durant mai 1968. En voici le décret.

Il est à noter qu’à ce moment-là, l’UJCML (maoïste) a déjà implosé, une partie donnant par la suite la Gauche Prolétarienne, et que les trotskistes du courant dit lambertiste (Organisation communiste internationaliste, Fédération des étudiants révolutionnaires, comité de liaison des étudiants révolutionnaires) demanderont l’annulation du décret par le conseil d’Etat pour ce qui les concerne, ce qui sera obtenu le 21 juillet 1970 : en voici le texte.

Texte intégral

1° REQUETE DU SIEUR BOUSSEL PIERRE Y… A… PIERRE TENDANT A L’ANNULATION POUR EXCES DE POUVOIR D’UN DECRET DU 12 JUIN 1968 EN TANT QU’IL A PRONONCE LA DISSOLUTION DU GROUPEMENT DIT L' »ORGANISATION COMMUNISTE INTERNATIONALISTE » ;
2° REQUETE DU SIEUR Z… TENDANT A L’ANNULATION POUR EXCES DE POUVOIR D’UN DECRET DU 12 JUIN 1968 EN TANT QUE LEDIT DECRET A DISSOUS LE GROUPE « REVOLTES » ;
3° REQUETE DU SIEUR STOBNICER DIT BERG CHARLES TENDANT A L’ANNULATION POUR EXCES DE POUVOIR D’UN DECRET DU 12 JUIN 1968 EN TANT QUE LEDIT DECRET A DISSOUS LA « FEDERATION DES ETUDIANTS REVOLUTIONNAIRES » ;
VU LA LOI DU 10 JANVIER 1936 ; L’ORDONNANCE DU 31 JUILLET 1945 ET LE DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 ; LE CODE GENERAL DES IMPOTS ; LA LOI DU 26 DECEMBRE 1969 ;
CONSIDERANT QU’IL RESULTE DES INDICATIONS FOURNIES PAR LE MINISTRE DE L’INTERIEUR DANS SES OBSERVATIONS SUR LES REQUETES DES SIEURS X…, Z… ET B… ET QUI SONT CORROBOREES PAR LES PIECES DES DOSSIERS QUE L’ « ORGANISATION COMMUNISTE INTERNATIONALISTE », LE GROUPE « REVOLTES » ET LA « FEDERATION DES ETUDIANTS REVOLUTIONNAIRES » ETAIENT ANIMES PAR LES MEMES DIRIGEANTS ET ONT MENE UNE ACTION COMMUNE LORS DES MANIFESTATIONS QUI SE SONT PRODUITES EN MAI ET JUIN 1968 ; QUE CES REQUETES PRESENTENT A JUGER DES QUESTIONS SEMBLABLES ; QU’IL Y A LIEU DE LES JOINDRE POUR Y ETRE STATUE PAR UNE SEULE DECISION ;
SUR LA RECEVABILITE DES REQUETES : – CONS. QUE, SI LE MINISTRE DE L’INTERIEUR CONTESTE L’INTERET DES SIEURS X…, Z… ET B… A DEMANDER L’ANNULATION DU DECRET DU 12 JUIN 1968 PORTANT DISSOLUTION D’ORGANISMES ET DE GROUPEMENTS, IL RECONNAIT QUE LES REQUERANTS ETAIENT MEMBRES DES ASSOCIATIONS OU GROUPEMENTS DE FAIT DISSOUS PAR LEDIT DECRET ; QU’AINSI, LES REQUERANTS ONT INTERET ET, PAR SUITE, QUALITE POUR DEMANDER AU CONSEIL D’ETAT L’ANNULATION DUDIT DECRET EN TANT QU’IL A DISSOUS LES ASSOCIATIONS OU GROUPEMENTS SUSMENTIONNES ;
SUR LA LEGALITE DE LA DISSOLUTION DE L’ « ORGANISATION COMMUNISTE INTERNATIONALISTE », DU GROUPE « REVOLTES » ET DE LA FEDERATION DES ETUDIANTS REVOLUTIONNAIRES » ; SANS QU’IL SOIT BESOIN D’EXAMINER LES AUTRES MOYENS DES REQUETES : – CONS. QU’IL RESSORT DES OBSERVATIONS PRESENTEES PAR LE MINISTRE DE L’INTERIEUR EN REPONSE A LA COMMUNICATION QUI LUI A ETE DONNEE DES POURVOIS QUE, POUR PRONONCER LA DISSOLUTION DE L’ « ORGANISATION COMMUNISTE INTERNATIONALISTE », DU GROUPE « REVOLTES » ET DE LA « FEDERATION DES ETUDIANTS REVOLUTIONNAIRES », LE GOUVERNEMENT S’EST FONDE SUR LES DISPOSITIONS DES ALINEAS 1 ET 3 DE L’ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 10 JANVIER 1936, EN VERTU DESQUELLES : « SERONT DISSOUS PAR DECRET … TOUTES LES ASSOCIATIONS OU GROUPEMENTS DE FAIT … 1° QUI PROVOQUERAIENT A DES MANIFESTATIONS ARMEES DANS LA RUE … 3° OU QUI AURAIENT POUR BUT … D’ATTENTER PAR LA FORCE A LA FORME REPUBLICAINE DU GOUVERNEMENT » ;
CONS. QU’IL NE RESSORT PAS DES PIECES DU DOSSIER PRODUIT DEVANT LE CONSEIL D’ETAT QUE LES ASSOCIATIONS OU GROUPEMENTS DE FAIT SURENUMERES AIENT PROVOQUE A DES MANIFESTATIONS ARMEES DANS LA RUE OU AIENT EU POUR BUT D’ATTENTER PAR LA FORCE A LA FORME REPUBLICAINE DU GOUVERNEMENT ; QU’AINSI LE DECRET DU 12 JUIN 1968, EN TANT QU’IL A PRONONCE LEUR DISSOLUTION, MANQUE DE BASE LEGALE ET SE TROUVE, PAR SUITE, ENTACHE D’EXCES DE POUVOIR ;
ANNULATION DU DECRET DU 12 JUIN 1968 PORTANT DISSOLUTION D’ORGANISMES ET DE GROUPEMENTS EN TANT QU’IL A DISSOUS L’ « ORGANISATION COMMUNISTE INTERNATIONALISTE », LE GROUPE « REVOLTES » ET LA « FEDERATION DES ETUDIANTS REVOLUTIONNAIRES » DEPENS MIS A LA CHARGE DE L’ETAT ; L’EXPEDITION DE LA PRESENTE DECISION SERA TRANSMISE AU PREMIER MINISTRE ET AU MINISTRE DE L’INTERIEUR.

Analyse

Abstrats : 01-05-02 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS – VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS – MOTIFS – ERREUR DE FAIT – Existence – Dissolution d’une association.
10-01-04-01 ASSOCIATIONS ET FONDATIONS – QUESTIONS COMMUNES – DISSOLUTION – ASSOCIATIONS ET GROUPEMENTS DE FAIT – LOI DU 10-01-1936 – Conditions non remplies.
26-03-01-01 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS – LIBERTES PUBLIQUES – LIBERTE D’ASSOCIATION – DISSOLUTION D’ASSOCIATION OU DE GROUPEMENT DE FAIT – Loi du 10 janvier 1936 – Conditions non remplies.
49-05-05 POLICE ADMINISTRATIVE – POLICES SPECIALES – POLICE DES ASSOCIATIONS ET GROUPEMENTS DE FAIT [LOI DU 10-01-1936] – Dissolution – Conditions non remplies.
54-01-04-02 PROCEDURE – INTRODUCTION DE L’INSTANCE – INTERET – EXISTENCE D’UN INTERET – Membres d’associations ou groupements de fait dissous en application de la loi du 10 janvier 1936.

Résumé : 01-05-02, 10-01-04-01, 26-03-01-01, 49-05-05 Pour prononcer la dissolution de l' »Organisation communiste internationaliste », du groupe « Révoltes » et de la « Fédération des étudiants révolutionnaires » le gouvernement s’est fondé sur les dispositions des alinéas 1 et 3 de l’article 1er de la loi du 10 janvier 1936. Il n’est pas établi que ces organisations aient provoqué à des manifestations armées dans la rue ou aient eu pour but d’attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement. Illégalité du décret prononçant leur dissolution.
54-01-04-02 Les personnes, dont il n’est pas contesté qu’elles aient été des membres d’associations ou groupements dissous par un décret pris en application de la loi du 10 janvier 1936, ont intérêt et, par suite qualité pour demander l’annulation de cet acte.

Catégories
Politique

UJCML : Un camarade est mort (Gilles Tautin)

L’annonce de la mort de Gilles Tautin, membre de l’Union de la Jeunesse Communiste Marxiste-Léniniste, fut l’un des événéments marquants du soulèvement de mai 1968.

Un camarade est mort. Un jeune lycéen, Gilles TAUTIN du lycée Mallarmé. Un militant du mouvement de soutien aux luttes du Peuple. Un militant de l’Union des Jeunesses Communistes (marxiste- léniniste).

Il est mort à FLINS. Il est mort matraqué par les flics, noyé. D’autres camarades ne sont pas encore revenus. Des centaines de jeunes toute la journée ont été pourchassés, traqués, arrêtés.

Et le prolétaire de FLINS, oui ou non a-t-il été tué? Nous le saurons. Des centaines de prolétaires blessés. Gilles témoigne pour tous.

Qui a tué notre camarade ?

Les flics, la dictature Gaulliste. Ce gouvernement d’assassins fait horreur a peuple. Fondé de pouvoir des exploiteurs, ce gouvernement est honni par les ouvriers, les paysans, les intellectuels, par toute la population laborieuse.

Notre Peuple s’est soulevé contre ce gouvernement. La force des millions de prolétaires se rendant maîtres des usines a ébranlé le pouvoir des exploiteurs : les capitalistes ont tremblé.

Aujourd’hui leur gouvernement voudrait faire payer le peuple, lui faire oublier qu’il est une force invincible, il voudrait le diviser, le réprimer. Il ne le pourra pas.

Le gouvernement gaulliste espérait que tout rentrerait dans « l’ordre », N’avait-il pas promis des élections législatives ? Oui, des élections pour que la travail reprenne. Pour que le travail reprenne avant LA SATISFACTION DES REVENDICATIONS OUVRIERES.

Des élections pour que les ouvriers rentrant dans leurs usines sous la pression des jaunes, des flics, des C.D.R.

Des élections pour vaincre le peuple. Et quand les ouvriers résistent comme à CITROEN, à RENAULT, le gouvernement d’assassins envoie ses C.R.S..

Mais comme tous les réactionnaires, le gouvernement gaulliste sous- estime la force du peuple : la classe ouvrière résiste et le jeunesse, la population, soutiennent les bastions de la résistance prolétarienne.

A FLINS, ouvriers, étudiants, et toute la population sont unis, unis pour la victoire d’une même cause, le cause du peuple. Qui a aidé le gouvernement dans sa besogne de division et de répression? Les politiciens anti-ouvriers et anti-populaires.

Les larges masses de notre pays les ont vus à l’oeuvre : la direction de FO, léchant les bottes des ministres, la direction de le CFDT., qui signait tous les accords de capitulation et trouvait le moyen, quand la classe ouvrière se battait pour la satisfaction de toutes ses revendications et pour un gouvernement populaire, de présenter SON candidat, un politicien anti-communiste à la retraite, MENDES-FRANCE.

Enfin, la DIRECTION CONFEDERALE de le CGT, et la clique de politiciens du PCF. L’attitude de le direction confédérale de la CGT a été IGNOBLE.

Elle a appelé è la reprise du travail à coups de votes à bulletins secrets et de mensonges.

Elle a saboté l’auto-défense des usines.

Elle a ouvert les portes de FLINS aux CRS POUR QUE LES ELECTIONS se DEROULENT, ELLE A DESARME LA CLASSE OUVRIERE. ET ELLE A ARME LES BRAS DES ASSASSINS à FLINS.

Que disait le bureau confédéral de la CGT et l’HUMANITE, le 7 Juin 1968 ? « Le gouvernement a omis de désigner les véritables fauteurs de troubles et de provocations dont les agissements, y compris contre la reprise du traveil, sont couverts par une singulière complaisance du pouvoir ».

Le gouvernement a répondu à cet appel il a tué notre camarade. Notre camarade est mort.

Les responsables de son assassinat sont le gouvernement gaulliste et SES COMPLICES DU BUREAU CONFEDERAL de la CGT et de le DIRECTION du PCF.

Notre camarade est mort pour SERVIR LE PEUPLE.

Pour l’Union du Mouvement de le Jeunesse et du Mouvement Ouvrier. Il est allé à FLINS se mettre sous l’autorité des travailleurs et des syndicalistes prolétariens de la CGT.

Perce qu’il faisait partie d’une organisation politique qui naît au coeur des masses ouvrières.

L’organisation est fière de compter parmi ses membres les défenseurs de la CGT des prolétaires.

C’était un jeune militant qui défendait la cause ouvrière et la cause de la grande CGT de lutte de classes, indissolublement liées.

Il ne confondait pas les traîtres du bureau confédéral et les centaines de milliers de militants cégétistes ardents défenseurs de la cause ouvrière.

Il faut savoir POUR QUOI, POUR QUI, il est mort : POUR LA CLASSE OUVRIERE, POUR LA C.G.T. de LUTTE DE CLASSES, POUR LE PARTI des REVOLUTIONNAIRES PROLETARIENS qu’il aidait à édifier, POUR LE PEUPLE.

Dans son esprit il avait gravé l’instruction du grand guide de le Révolution mondiale, le camarade Mao Tsé-toung : SERVIR LE PEUPLE.

CAMARADE, ton nom est désarmais inséparable de la révolution populaire, du printemps de notre peuple !

Nous te faisons le serment de suivre la voie que tu as tracée de ton sang.

Le sang des prolétaires, le sang de notre camarade lycéen, de ceux qui sont morts SANS QUE LE PEUPLE LE SACHE, est pour nous tous LE SANG des MARTYRS.

Des martyrs de la REVOLUTION POPULAIRE. Il soulève notre haine qui est immense, à la mesure des souffrances infligées au peuple par ses exploiteurs.

Camarades, autour du drapeau rouge de le résistance prolétarienne, de le Révolution Populaire, du communisme, UNIS JUSOU’A LA VICTOIRE!

– Syndicalistes prolétariens C.G.T.
– Mouvement de Soutien aux Luttes du Peuple.
– Union des Jeunesses Communistes (marxiste-léniniste) et Organisations sur la ligne de SERVIR LE PEUPLE.

Catégories
Politique

Le sixième numéro d’Action

Le sixième numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

Catégories
Politique

Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « J’ai déjà voté sur les barricades »

Le 10 juin 1968, alors que des élections sont annoncées, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire annonce une ligne combattive.

Catégories
Politique

Le canard enchaîné et mai 1968

Voici deux articles du Canard enchainé datant de mai 1968. Avec les grèves, la diffusion des numéros du 22 mai et du 6 juin avaient été toutefois très problématiques et celui du 29 mai n’est carrément pas sorti.

Catégories
Politique

Cinéma, cafés… l’orgie de tabassage policier en mai 1968

Mai 1968 a-t-il donc pu être un détonateur parce que le régime s’est posé comme intransigeant, alors qu’il aurait pu tenter de pacifier et d’endormir les étudiants, empêchant qu’ils servent de vecteur contestataire?

Il faut croire que oui puisque la cinquième république s’est maintenue. En même temps, le régime n’a pas réprimé mai 1968 dans le sang, avec l’armée, il s’est appuyé sur la police et les forces para-militaires comme les CRS.

Dans tous les cas, cela a marqué ceux et celles ayant une conscience sociale.

Il faut vraiment souligner que ce qui a permis aux étudiants de se galvaniser, c’est le haut-le-coeur de la population face à la répression brutale ayant eu lieu dès le début.

C’est à ce moment-là que le discours révolutionnaire de la gauche contestataire, auparavant marginale, conquière dans la nouvelle situation un écho significatif.

La tension était immense. Voici des témoignage du terrible 6 mai, point de départ de la tentative d’écrasement immédiate des protestations suite au 3 mai ayant été marqué par l’évacuation policière de la Sorbonne.

Cela doit permettre une réflexion sur la nature des événements de début comme détonateur. D’ailleurs, un fétiche existera à partir de ce moment-là, avec l’idée qu’un mouvement cherchant à s’affirmer doit justement provoquer la répression pour exister en tant que tel.

Une démarche ridicule qui deviendra cependant le fond de commerce d’une certaine extrême-gauche en France.

La répression, en effet, est toujours un choix tactique et stratégique de la part d’un régime. Si les cinémas, cafés… sont des cibles et les policiers sont pris dans une orgie de tabassage, c’est que le régime voulait régler les choses vite. Il a échoué, mais par la suite il a su pacifier, preuve qu’il pouvait faire l’un ou l’autre.

« Le lundi 6 mai, vers 23 h 30, rue Monsieur Le Prince, cherchant à regagner mon domicile après avoir dîné dans un restaurant du quartier Saint-Michel, les C.R.S. qui bloquaient le haut du boulevard Saint-Michel n’ont pas voulu me laisser passer; bien au contraire, ils ont chargé rue Monsieur-le-Prince des passants qui n’étaient manifestement pas des manifestants, d’autres C.R.S. qui se trouvaient à l’intersection de la rue Vaugirard et de la rue Monsieur-le-Prince les ont pris à revers; j’ai vu des C.R.S. marteler de coups des passants qui étaient tombés.

D’autres comme moi ont dû se réfugier dans un cinéma, ce qui n’a pas empêché les C.R.S. de casser à coups de crosse les vitres du cinéma, et d’assommer quelques innocents, repliés à côté du guichet en les traitant de « fumiers », « on aura ta peau », « vous êtes tous des salopes », « on s’en fout que vous ayez manifesté ou pas ».

Dans les salles mêmes du cinéma les spectateurs terrorisés suffoquaient, asphyxiés par les gaz lacrymogènes qui étaient entrés par les trous d’aération; des femmes pleuraient, une vieille dame, la tête dans les bras, disait : « Non, ce n’est pas possible, ce n’est pas possible. »

Il était impossible de sortir des salles : on entendait derrière les coups de crosse des C.R.S.

Ce témoignage ne traite pas d’un fait isolé. Habitant au coeur du quartier où se sont déroulées la plupart des manifestations, j’ai dû me rendre compte qu’il était absolument impossible de me rendre chez moi sans êtres systématiquement poursuivi par des corps de C.R.S. censés disperser les manifestants et qui ont fait de moi un manifestant, faute de pouvoir rentrer chez moi.

Des représentants de l’ordre guettant rue Monsieur- le-Prince un petit groupe d’étudiants et de civils qui débouchait de la place Edmond-Rostand, attaquèrent ces derniers qui s’enfuyaient par cette même rue.

Ils les matraquèrent en s’acharnant à plusieurs sur la même victime. Une de celles-ci, allongée sur le pare-brise d’une voiture en stationnement fut matraquée jusqu’à ce que le pare-brise cède.

Puis les représentants de l’ordre policier s’acharnèrent sur des civils qui soit sortaient du cinéma « le Luxembourg », soit s’enfuyaient dans la rue Monsieur-le-Prince. Ils brisèrent de plus les vitrines de l’hôtel Médicis et du cinéma « le Luxembourg » pour empêcher la population soit d’aider les blessés, soit de se réfugier.

Lundi 6 mai, vers 21 heures, alors qu’il n’y avait aucun trouble ni attroupement important, j’ai vu les forces de l’ordre lancer une grenade lacrymogène sans sommation ni raisons apparentes, contre une jeune fille qui fut atteinte à la face. »

A Saint-Sulpice également, incident grave dans un café :

« Soudain le café fut cerné par un groupe de C.R.S.et un civil frappa sur la porte de verre du café.

Le patron s’empressa d’aller ouvrir. Le civil, une longue matraque à la main, entra suivi d’un autre policier. Celui-ci, C.R.S., avait son casque à la main.

Le civil donna l’ordre d’évacuer le café en tapant sur les tables avec son bâton et sur certaines personnes peu pressées d’exécuter son ordre. Quand certaines passaient devant lui, il les désignait de son bâton, c’était essentiellement des jeunes.

Je me retrouvai derrière un homme assez jeune qui déclara en sortant avec un fort accent : « Je suis étranger et… » il fut coupé par un C.R.S. qui le frappa en lui répondant : « Ouais, et tu viens nous faire chier en France. »

Puis je fus happé par plusieurs mains et je fus frappé sur la tête et le corps par des matraques. Je tombai à genoux et un C.R.S. me donna un coup dans le ventre et je tombai donc sur le dos et fus frappé à la face. Je me relève tant bien que mal toujours sous une pluie de coups et réussis à m’enfuir dans la rue Notre-Dame-des-Champs.

Après une dizaine mètres, saignant énormément, je m’arrêtai et demandai aux gens se trouvant devant leur porte si personne ne pouvait m’aider. Deux jeunes filles nie firent entrer chez elles et m’allongèrent sur un lit, puis allèrent prévenir le secours de la Croix-Rouge qui vint me chercher et je fus emmené en ambulance.

L’ambulance m’emporta à l’Hôtel-Dieu. Là je fus reçu par le chef de service des urgences qui m’examina et m’envoya au service des radios. On me fit plusieurs radios de la face. Je remontai au service des urgences et le médecin de service, après avoir regardé les radios, déclara que j’avais une fracture du nez et sans doute une fracture du maxillaire. »

Voici deux autres témoignages, datant quant à eux du 7 juin. La situation est la même. Cela se passe ici dans le quartier de Montparnasse :

« J’ai assisté mercredi 8 mai à 1 h 30 du matin, boulevard du Montparnasse, à l’assaut donné contre « Le Select ». Ils ont chargé droit sur le café dont les grilles étaient fermées, et dont les consommateurs étaient de paisibles noctambules.

Après avoir demandé au directeur de faire sortir tous les clients, celui-ci s’y est opposé en disant qu’il n’y avait aucun manifestant. Ils ont alors cassé les glaces et ont envoyé des grenades lacrymogènes. Ensuite, ils sont partis sur les manifestants et ont forcé un autre café où d’autres personnes ont été blessées. »

Et, un autre, plus tard dans la soirée :

« Il est deux heures du matin, mercredi 8 mai je viens d’entrer avec un ami dans le café « le Rond- Point» boulevard Montparnasse. Nous sommes sur le point de nous asseoir quand un homme entre en courant; il est pourchassé par les C.R.S.

Presque immédiatement le gérant du café éteint les lumières et ferme la porte à clé; un ou plusieurs policiers brisent une partie du vitrage et lancent des grenades.

La première des grenades est tombée tout près de mon ami : c’était une grenade lacrymogène en verre. Je ne sais pas combien de grenades ont été lancées mais l’atmosphère est devenue irrespirable au point que l’on était près de perdre conscience.

Le gérant du café a évité la panique en criant de se masser au fond du café; pendant cinq à dix minutes nous sommes restés accroupis dans le silence car personne n’avait la force de bouger. Ce silence était ponctué par des toux incessantes. Certaines personnes vomissaient…

Le gérant du café a surveillé la situation à l’extérieur et quand il a vu que la densité des C.R.S. diminuait il a conseillé aux gens de sortir par un ou par deux. Nous étions encore en état de bouger et nous sommes partis ainsi. Un C.R.S. nous a poursuivis à coups de matraque. »

Catégories
Politique

Le cinquième numéro d’Action

Le cinquième numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

Catégories
Politique

Le quatrième numéro d’Action

Le quatrième numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

Catégories
Politique

Parler de mai 1968 aurait été parler des brutalités policières systématiques

"Désolation au quartier latin"Le traumatisme des affrontements du lundi 6 mai 1968 sont forcément la cause du fait que les médias, pour les 50 ans de mai 1968, ne pouvaient pas en parler librement. Si aujourd’hui une petite ultra-gauche délirante parle de violence policière, cela n’est rien du tout comparé au déchaînement de violence policier de mai 1968.

C’est qu’aujourd’hui le régime est tout sauf en crise, alors qu’à l’époque il vacillait littéralement. Les forces de police étaient mobilisés pour écraser la formation d’une contestation ; quelques centaines d’étudiants proposaient quelque chose d’autre concrètement, une alternative de gauche, révolutionnaire, un changement de mise en perspective, de mentalité.

La rudesse des affrontements du 6 mai reflètent cette confrontation, avec au moins 345 policiers atteints par des projectiles divers, plus de 500 blessés chez les étudiants, et de simples passants tabassés par la police également.

Voici un témoignage montrant bien l’ambiance régnante :

« Nous marchions tranquillement place Saint-Sulpice (déserte) lorsque trente C.R.S. et Brigades spéciales nous ont matraqués et laissés pour morts. »

Si jamais on se demande pourquoi – à tort ou à raison – l’élection de François Mitterrand en 1981 a été autant apprécié à gauche, c’est simplement aussi beaucoup pour cela. Le régime était brutal, très brutal, ne laissant aucun espace.

Parler trop de mai 1968 du côté médiatique ou institutionnel, cela aurait été raconté tout cela…

Voici un autre témoignage du même type :

« Ainsi, vers 21 heures, rue de l’Ancienne-Comédie, j’ai aperçu des forces de police. Un Policier court vers le milieu de la place de Buci et lance une bombe ; je recule à l’angle de la rue Grégoire-de-Tours.

Quelques secondes plus tard, des policiers débouchent dans cette rue et se jettent sur moi : aucun étudiant n’était à ma connaissance dans cette rue. Je hurle que je ne suis qu’une passante. A cinq, ils me jettent par terre et me matraquent. Il en est résulté une fracture du bras gauche, un traumatisme crânien avec plaies ouvertes. »

Ou encore :

« Je passais vers 23 heures place de l’Odéon, le 6 mai, quand un cordon de C.R.S. nous arrêta (nous étions en voiture).

Demandant poliment (quand même) de pouvoir passer pour rentrer chez nous, nous avons reçu pour toute réponse un coup de poing par la portière, puis sans plus d’explications nous fûmes éjectés de la voiture par une dizaine de « vrais enragés », je veux dire les C.R.S. et fûmes alors savamment matraqués ; recevant entre autres des coups de matraques sur le nez, etc.

Bilan de l’affaire : un nez cassé, visage tuméfié, cuir chevelu décollé sans compter les insultes à l’égard de nous-mêmes et des jeunes filles qui nous accompagnaient. »

France Soir donne des indications de cette violence systématique :

« Parmi les blessés, une jeune femme serrant dans ses bras un bébé de trois mois (…) Incommodé par des gaz lacrymogènes à la station Odéon, l’enfant avait été pris de vomissements et avait dû être soigné d’urgence.

mai 1968« A minuit, l’hôpital était complet et il fallut faire appel au stock de couvertures pour compléter tous les lits.

« Pas de blessés graves, explique le chef de service ; mais beaucoup de plaies dues aux coups de matraque et par les pavés, quelques fractures, et surtout beaucoup de jeunes gens aveuglés par les grenades lacrymogènes. Quelques-uns, une dizaine environ, qui avaient perdu connaissance, ont été gardés à l’hôpital en observation.

« II entrait un blessé toutes les deux minutes environ dans la salle où j’étais hospitalisé, raconte X., à sa sortie de l’Hôtel-Dieu. Rien que dans ma salle une quinzaine ont été gardés pour la nuit… »

Les gens furent particulièrement marqués par la violence acharnée de la police. Voici un témoignage :

 « Le lundi 6 mai 1968, à 6 heures de l’après-midi, de l’intérieur d’un magasin situé rue Saint-Jacques j’ai été le témoin horrifié de la brutalité avec laquelle deux policiers se sont acharnés à matraquer un étudiant depuis longtemps déjà hors d’état de se défendre, sur le trottoir d’en face, juste devant le jardin de l’église Saint-Séverin. Quelques minutes après, l’étudiant s’est relevé avec difficulté ; il avait la tête en sang ! »

En voici un autre :

« Une charge de C.R.S. se dirigeait vers des étudiants se trouvant rue Monge et place Maubert. Certains étudiants ont été rattrapés, dont deux qui ont été coincés près d’une porte cochère donnant sur le boulevard Saint-Germain (près station Maubert-Mutualité).

Ces deux jeunes gens se sont fait matraquer par la première charge de C.R.S. Ils sont tombés par terre. Par la suite tous les C.R.S. qui arrivaient leur tapaient dessus alors qu’ils étaient par terre et qu’ils ne bougeaient plus. »

C’est une politique de terreur, visant à briser. Un médecin raconte ce qu’il a vu :

« Avoir été témoin, le 6 mai 1968, vers 18 heures, boulevard Saint-Michel, à quelques mètres de la rue Saint-Séverin, des sauvages matraquages sans raison apparente, et après bousculade délibérée ayant eu pour effet de le jeter à terre, d’un jeune homme par des policiers habillés en toile kaki.

mai 1968Je vaquais à mes occupations dans cette zone alors entièrement libre, les affrontements et barrages étant au boulevard Saint-Germain. Le jeune homme, très chevelu, ne faisait rien de mal.

Il déambulait du côté des numéros impairs. Il s’est mis instinctivement à hâter le pas quand il a vu les susdits policiers, qui n’étaient pas en bleu marine mais d’aspect militaire (et que, pour ma part, je voyais pour la première fois en cette tenue insolite) traverser le boulevard en se portant dans sa direction d’un air menaçant. Ils sortaient d’un car de police qui venait de s’arrêter devant le café qui fait le coin, du côté opposé, de la rue et du boulevard.

Ils l’ont rattrapé, jeté à terre et ensuite lui ont porté des coups de matraque sur le crâne. Ces coups résonnaient de façon épouvantable sur la boîte crânienne.

Leur oeuvre faite, ils ont regagné le car sans s’occuper des réactions des passants, parmi lesquels j’étais et avec qui j’ai contribué à relever la victime qui geignait. Une touffe de ses longs cheveux était détachée. »

Un phénomène connu fut les interventions jusque dans les lieux privés. Ainsi :

« Je vous informe que on mari a été brûlé par l’éclatement d’une grenade, le lundi 6 mai vers 16 heures alors qu’il se trouvait à l’intérieur des locaux de son travail, rue Jean-Beauvais.

Des étudiants pourchassés par la police s’y étaient réfugiés. Actuellement il est toujours hospitalisé. »

Voici comment une concierge raconte comment elle s’est prise une grenade lacrymogène :

« Lundi 6 mai environ 20 h 30 – 21 heures. J’étais allée fermer la porte d’entrée. Dans le couloir il y avait un groupe de gens parmi lesquels cinq ou six locataires de l’immeuble. J’ai reçu comme un bloc de glace sur la tête, la tête s’est mise à me brûler, j’ai senti un liquide couler sur tout mon corps et une sensation d’étouffement. J’avais très mal surtout au visage, principalement aux yeux.

Le couloir s’est rempli d’une odeur épouvantable et l’évaporation du liquide remplissait l’air. Mon mari et les gens qui étaient dans le couloir pleuraient. Quelques personnes, parmi lesquelles ces locataires de la maison ont eu aussi des petites brûlures, trois locataires. »

C’est que la violence policière devait frapper vite, fort et à tout prix. Un étudiant non manifestant vit la scène suivante du haut de son balcon rue Monsieur-le-Prince :

« Le lundi 6 mai, les violences ont redoublé, nous étions suffoqués et aveuglés par les gaz lacrymogènes que la police lançait sur les manifestants et dans les vitrines.

Forces de l'ordreCe jour-là un enfant de douze ans environ qui revenait de l’école avec son cartable a été bousculé et renversé par les C.R.S. qui l’ont laissé sur place sans prendre la peine de voir s’il était blessé.

Lorsqu’un C.R.S. parvenait à s’emparer d’un manifestant, aussitôt cinq ou six autres policiers au moins venaient à la rescousse pour, s’acharner sur leur victime qu’ils laissaient ensuite au milieu de la rue dans un état plus ou moins grave.

Entre 19 heures et 19 h 30, des manifestants et des passants poursuivis par la police ont essayé de se réfugier sous le porche du 63 du boulevard Saint-Michel. La porte ne s’est pas ouverte assez vite, les C.R.S. sont arrivés, deux jeunes filles matraquées sont tombées à terre et ont été blessées.

Mais les plus gravement atteints ont été deux étudiants qui, assommés et roués de coups, ont été emmenés sans connaissance quelques instants plus tard par une ambulance. »

Parler de mai 1968 cinquante ans après aurait été parler des brutalités policières systématiques. Cela aurait été remettre en cause la cinquième République, la nature du régime. Comme la Gauche a capitulé à ce sujet, malheureusement, le patrimoine de mai 1968 n’est pas correctement défendu.

Catégories
Politique

Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « Aujourd’hui »

A partir de la fin du mois de mai 1968 et jusque la mi-juin, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire a produit un bulletin pratiquement quotidien : aujourd’hui.

Voici les bulletins regroupés au sein d’un fichier au format pdf.

Catégories
Politique

Faut-il une « désintox » pour l’affiche d’Emmanuel Macron en SS?

Qu’est-ce que la vérité, comment la comprendre ? Est-ce une chose en mouvement, ou une chose statique ? En voici un exemple bien parlant…

Car il existe une mode depuis quelques années dans les milieux journalistiques, visant à prôner un stop à « l’intox », à se lancer dans une dénonciation du complotisme. S’il peut s’agir parfois d’un vrai souci de rationalisme, bien souvent c’est un mépris des gens, du peuple en général, considéré comme trop idiot, trop inculte.

Les gens auraient besoin d’une enquête journalistique, faite par quelqu’un de diplômé, qui maîtriserait ses émotions par rapport au bon populo… Seul le journaliste sait ! Seul le journaliste comprend ! Le monde est statique, les bas peuple versatile !

Affiche Emmanuel Macron SSL’affaire de l’affiche représentant Emmanuel Macron en SS lors de la marée humaine de samedi dernier a justement été un thème de cette campagne de « désintoxication » ces derniers jours ; elle en révèle parfaitement les limites que l’on doit qualifier, sans aucun doute, de petites-bourgeoises intellectuelles.

En effet, à force de à prétendre une neutralité qui n’existe pas, en prétendant à une objectivité froide qui n’a jamais existé, on finit forcément par se prendre les pieds dans le tapis.

En l’occurrence, il est expliqué que l’insigne sur le bras d’Emmanuel Macron ne serait pas un drapeau israélien, mais bien l’insigne de destruction de blindés présent sur l’original.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleComme sur la photo originale, le logo est le même, qu’il n’a pas été changé, il y a une « désintox » de faite, par exemple par Conspiracy Watch – Observatoire du conspirationnisme, Jean-Paul Lilienfeld, etc.

Quelle naïveté ! Quelle pseudo objectivité !

Car, quand on étudie une chose, on doit la regarder dans son mouvement, dans sa réalité, en tant que processus. On ne peut pas voir les choses statiquement.

Il faut voir comment l’image a été transformée, dans quel but. Il faut regarder quelles sont les valeurs de la personne qui l’a transformée. Il faut délimiter dans quelle mesure cette personne a conscience de ses propres valeurs.

Il faut regarder les valeurs de la société à un moment donné, en saisir les codes.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleFaisons ainsi les choses sérieusement, en s’aidant d’une image présentant les images côte à côte, en faisant attention parce que l’image connaît une autre variante.

Déjà un travail sérieux aurait en effet été de trouver la source directe de ces images. Il s’agit d’une entreprise proposant des tenues de western, de Batman, de nazis, etc. Ce n’est nullement une photographie historique.

Donc, le logo SS a été changé par celui d’en marche, la tête de mort par « EM » (pour Emmanuel Macron ou En marche). L’aigle avec la croix gammée a été remplacée par « $$ », pour SS avec une allusion aux dollars (même pas à l’euro donc).

Une des épaulettes a été modifiée avec le symbole de l’entreprise Vinci. Sur l’avant-bas gauche, l’inscription « Götz von Berlichingen » a été remplacé par MEDEF. Götz von Berlichingen est un chevalier allemand ayant pris le parti des paysans révoltés à l’époque de Martin Luther, avant de finalement les trahir. Son nom a été employé pour nommer une division d’infanterie mécanisée de la Waffen-SS, la 17e Panzergrenadier Division SS.

La croix de fer (ici nazie), très connu en France, a été enlevé, pas les trois autres insignes nazis.

Affiche Emmanuel Macron SS et image originale

Affiche Emmanuel Macron SS, détail tankEt il y a donc, sur le côté gauche, sur le bras droit près de l’épaule, l’insigne de destruction des blindés, mis en place par Adolf Hitler en 1942.

Sur la photo ayant servi au montage, la couleur de cet insigne est déjà bleu, ce qui est une erreur historique de la part de ceux qui ont refait le costume.

Mais la question n’est pas là. La question est : est-ce que la personne qui a fait le montage a sciemment laissé cet insigne bleu comme une allusion au drapeau israélien, ou bien n’a pas touché en général les insignes secondaires?

Voilà la véritable question, parce que l’image a été retouchée de manière professionnelle ; il est évident que chaque aspect de ce qui a été touché ou pas a été pensé.

Et cette question demande une réponse politique, pas une réponse de journaliste. Il n’y a pas de pseudo objectivité qui tienne ici.

D’ailleurs, il ne faut pas être idiot. Le fait de déguiser Emmanuel Macron en nazi montre bien que la personne qui a fait le photomontage ne connaît rien à la Shoah et dispose d’une mentalité particulièrement malsaine.

N’importe qui voyant l’assimilation d’Emmanuel Macron non seulement au grand capital (ce qui est vrai en partie) mais également aux dollars devine aussi très bien la mentalité du photomontage : on a ici affaire à un anticapitalisme “antiimpérialiste” qui s’est largement développé ces dernières années, avec Jean-Luc Mélenchon, Alain Soral, l’ultra-gauche, le GUD, etc.

On n’a pas ici affaire à la Gauche historique. Partant de là, il est évident que l’insigne sur le côté est une allusion au drapeau israélien. Il est inévitable que le fait de l’avoir laissé sur le côté, avec sa forme et sa couleur bleue, ferait penser au drapeau israélien.

Il y a tellement ce genre d’allusions ces derniers temps qu’il n’y a pas de hasard. Pas de hasard… si l’on prend un point de vue politique.

Et le point de vue politique se moque de savoir si le choix est objectif ou subjectif. Historiquement, tout le monde a saisi cela comme une allusion. Politiquement, il y a donc responsabilité.

Ce que les partisans de la « désintox » ne prennent pas, en raison de leur « objectivité » froide, apolitique… les amenant à capituler devant cette affiche.

Catégories
Politique

Le retour de de Gaulle le 30 mai 1968

La dernière semaine de mai 1968 est marquée par le retour en force du régime. En une semaine, tout est retourné, au point que même si les accords de Grenelle ne sont pas signés en raison de la protestation d’une part significative de la base populaire, les CRS et la police peuvent reprendre le contrôle de l’ensemble.

Voici comment cela s’est déroulé. Le 24 mai, de Gaulle annonçait, sans aucun impact, un référendum sur la participation. Il essayait en effet de s’en sortir de manière technocratique, cherchant en quelque sorte à profiter de l’impulsion de mai 1968 pour moderniser le régime né du coup d’Etat de 1958.

Il n’avait pas saisi à quel point tout avait vacillé.

En voici le texte.

Tout le monde comprend, évidemment, quelle est la portée des actuels évènements, universitaires, puis sociaux. On y voit tous les signes qui démontrent la nécessité d’une mutation de notre société. Mutation qui doit comporter la participation plus effective de chacun à la marche et au résultat de l’activité qui le concerne directement.

Certes, dans la situation bouleversée d’aujourd’hui, le premier devoir de l’Etat, c’est d’assurer en dépit de tout, la vie élémentaire du pays, ainsi que l’ordre public. Il le fait. C’est aussi d’aider à la remise en marche, en prenant les contacts qui pourraient la faciliter.

Il y est prêt. Voilà pour l’immédiat. Mais ensuite, il y a sans nul doute des structures à modifier. Autrement dit : il y a à réformer.

Car dans l’immense transformation politique, économique, sociale, que la France accomplit en notre temps, si beaucoup d’obstacles, intérieur et extérieur, ont déjà été franchis, d’autres s’opposent encore au progrès. De là, les troubles profonds. Avant tout dans la jeunesse qui est soucieuse de son propre rôle, et que l’avenir inquiète trop souvent.

C’est pourquoi, la crise de l’université, crise provoquée par l’impuissance de ce grand corps, à s’adapter aux nécessités modernes de la Nation, ainsi qu’au rôle et à l’emploi des jeunes, a déclenché dans beaucoup d’autres milieux, une marée de désordre, d’abandon ou d’arrêt du travail. Il en résulte que notre pays est au bord de la paralysie.

Devant nous-mêmes, et devant le monde, nous, Français, devons régler un problème essentiel que nous pose notre époque. A moins que nous nous roulions à travers la guerre civile, aux aventures et aux usurpations les plus odieuses et les plus ruineuses.

Depuis bientôt 30 ans, les évènements m’ont imposé en plusieurs graves occasions, le devoir d’amener notre pays à assumer son propre destin, afin d’empêcher que certains ne s’en chargent malgré lui. J’y suis prêt, cette fois encore. Mais cette fois encore, cette fois surtout, j’ai besoin.

Oui, j’ai besoin que le peuple français dise qu’il le veut. Or, notre Constitution prévoit justement par quelle voie il peut le faire. C’est la voie la plus directe et la plus démocratique possible, celle du référendum.

Compte tenue de la situation tout à fait exceptionnelle où nous sommes, et sur la proposition du gouvernement, j’ai décidé de soumettre au suffrage de la Nation, un projet de loi, par lequel je lui demande de donner à l’Etat, et d’abord à son chef, un mandat pour la rénovation. Reconstruire l’université, en fonction, non pas de ses habitudes séculaires, mais des besoins réels de l’évolution du pays, et des débouchés effectifs de la jeunesse étudiante dans la société moderne.

Adapter notre économie, non pas aux catégories diverses, des intérêts, des intérêts particuliers, mais aux nécessités nationales et internationales, en améliorant les conditions de vie et de travail du personnel, des services publics et des entreprises, en organisant sa participation aux responsabilités professionnelles, en étendant la formation des jeunes, en assurant leur emploi, en mettant en oeuvre les activités industrielles et agricoles dans le cadre de nos régions. Tel est le but que la Nation doit se fixer elle-même.

Françaises, français, au mois de juin, vous vous prononcerez par un vote. Au cas où votre réponse serait non, il va de soi que je n’assumerai pas plus longtemps ma fonction. Si par un oui massif, vous m’exprimez votre confiance, j’entreprendrais avec les pouvoirs publics, et je l’espère, le concours de tous ceux qui veulent servir l’intérêt commun, de faire changer partout où il le faut, les structures étroites et périmées, et ouvrir plus largement la route au sang nouveau de la France. Vive la République, vive la France !

Comprenant la gravité de la situation pour le régime, Charles de Gaulle laissa Georges Pompidou organiser les accords de Grenelle. Puis le 29 mai, il ajourne le conseil des ministres pour aller voir le général Massu à à Baden-Baden en Allemagne, où il y avait une base militaire française.

Assuré du soutien de l’armée, il revient dans la journée et tient alors une allocution à la radio, dont voici le texte. De Gaulle tint le discours à 16h30, pour appuyer le rassemblement de la droite organisé pour 18h à Paris, qui va rassembler entre 300 000 et un million de personnes, selon les sources.

Il annonce la dissolution de l’Assemblée nationale, et de nouvelles élections.

« Françaises, Français, Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j’ai envisagé, depuis vingt-quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir. J’ai pris mes résolutions.

Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J’ai un mandat du peuple, je le remplirai.

Je ne changerai pas le Premier ministre dont la valeur, la solidité, la capacité, méritent l’hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraîtront utiles dans la composition du Gouvernement.

Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale.

J’ai proposé au pays un référendum qui donnait aux citoyens l’occasion de prescrire une réforme profonde de notre économie et de notre Université et, en même temps, de dire s’ils me gardaient leur confiance, ou non, par la seule voie acceptable, celle de la démocratie. Je constate que la situation actuelle empêche matériellement qu’il y soit procédé.

C’est pourquoi j’en diffère la date.

Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu’on entende bâillonner le peuple français tout entier en l’empêchant de s’exprimer, en même temps qu’on l’empêche de vivre, par les mêmes moyens qu’on empêche les étudiants d’étudier, les enseignants d’enseigner, les travailleurs de travailler.

Ces moyens, ce sont l’intimidation, l’intoxication et la tyrannie exercées par des groupes de longue main en conséquence, et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s’il a déjà des rivaux à cet égard.

Si donc cette situation de force se maintient, je devrai pour maintenir la République, prendre, conformément à la Constitution, d’autres voies que le scrutin immédiat du peuple. En tout cas, partout et tout de suite, il faut que s’organise l’action civique.

Cela doit se faire pour aider le Gouvernement d’abord puis, localement, les préfets devenus ou redevenus Commissaires de la République, dans leur tâche qui consiste à assurer autant que possible l’existence de la population et à empêcher la subversion à tout moment et en tous lieux.

La France, en effet, est menacée de dictature.

On veut la contraindre à se résigner à un pouvoir qui s’imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait évidemment et essentiellement celui du vainqueur, c’est-à-dire celui du communisme totalitaire.

Naturellement, on le colorerait, pour commencer, d’une apparence trompeuse en utilisant l’ambition et la haine de politiciens au rancart. Après quoi, ces personnages ne pèseraient plus que leur poids qui ne serait pas lourd.

Eh bien ! Non ! La République n’abdiquera pas. Le peuple se ressaisira. Le progrès, l’indépendance et la paix l’emporteront avec la liberté. Vive la République ! Vive la France ! »

Aux  élections législatives françaises de 1968, les 23 et 30 juin 1968, c’est le raz-de-marée de la droite.

Le régime avait triomphé en s’appuyant sur la France profonde et en intégrant les syndicats. Mai 1968 avait échoué.

Catégories
Politique

Retour critique sur la «marée humaine» du 26 mai 2018

La France connaît une vague de populisme sans précédent, un populisme qui est en train de balayer la Gauche dans toutes ses valeurs historiques, si ce n’est déjà fait.

C’est l’alliance de l’esprit individualiste et du corporatisme, avec un sens aigu de la paranoïa, un goût assumé pour les simplifications et les explications délirantes.

A chaque fois qu’on lit les discours anarchistes ou de la France Insoumise, on croit que la France est à deux doigts de l’insurrection, que la police matraque, torture et tue, que l’apartheid aurait été instauré, qu’il n’y aurait plus de droits sociaux.

La photographie suivante du 26 mai 2018, où Emmanuel Macron est présenté comme un SS, avec les « S » utilisant le logo du dollar, témoigne tout à fait de cela ; c’est le prolongement populiste de la pendaison de l’effigie d’Emmanuel Macron, de la mise au feu de sa marionnette, lors de précédentes manifestations.

Ce relativisme des crimes nazis est inacceptable ; il reflète bien d’une hystérie de gens des couches sociales intermédiaires utilisant un discours outrancier pour prétendre être les victimes absolues et les vrais protagonistes de l’Histoire.

On remarquera aussi ce qui semble bien être le drapeau israélien sur le bras droit, une allusion désormais classique dans la mouvance d’ultra-gauche et de la France Insoumise, avec cet antisémitisme classique comme socialisme des imbéciles.

C’est là en rupture avec toutes les valeurs historiques de la Gauche, et on ne s’étonnera donc pas que Jean-Luc Mélenchon, dans une interview accordée à Libération, récuse le terme de gauche.

– Pourquoi ne voulez-vous plus revendiquer le mot «gauche» ?

Il a été tellement faussé par la période Hollande…

– L’enjeu n’est-il pas alors de le réinvestir ?

Il est réinvesti par les contenus que nous mettons sur la table : planification écologique, Constituante, partage des richesses. Les idées sont des matières vivantes, elles deviennent des forces matérielles si les gens s’en emparent. Tant que le mot «gauche» signifiera «la bande à Hollande», il repoussera plus qu’il n’agrégera.

– Le mot «gauche» ne se réduit pas à Hollande ! Pour beaucoup de gens, la gauche, ça veut encore dire quelque chose…

Je suis un homme issu de la gauche. Tout notre groupe parlementaire de même. Parmi les responsables politiques, je suis sûrement celui qui a le plus écrit sur l’idée de gauche et qui l’a le plus nourrie. Je n’ai jamais dit que ça ne voulait plus rien dire !

Mais dans le combat que nous menons, il faut laisser de côté la fausse monnaie. La gauche, ça n’a jamais été la politique de l’offre ou la soumission aux traités libéraux de l’Union européenne. L’enjeu majeur de 1789 à aujourd’hui, c’est la souveraineté politique du peuple. Le mot «gauche» est né de cela ! Notre stratégie révolutionnaire, c’est la révolution citoyenne par la Constituante.

La Gauche, c’est le mouvement ouvrier, et certainement pas François Hollande… On ne raye pas plus de cent ans d’histoire, d’expériences, de lerçons comme cela! Jean-Luc Mélenchon est un démolisseur, un liquidateur, un fossoyeur.

Et il est terrible qu’il y a une capitulation face à lui, comme en témoigne la très longue liste des soutiens à son initiative de prétendue marée humaine :

Alternative et autogestion – Alternative libertaire – EPEIS -ATTAC – Climat social – Collectif des Associations Citoyennes – Collectif National pour les Droits des Femmes – Collectif La Fête à Macron – CGT – Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité – Convergence nationale de défense des services publics – DIDF – DIEM25 – Droit au Logement – Ecologie sociale – EELV – Les effronté.es – Ensemble – Femmes Egalité – Fondation Copernic – France Insoumise – Gauche Démocratique et Sociale – MJCF – Mouvement Ecolo – Mouvement National des Chômeurs et Précaires – Nouvelle Donne – NPA – PCF – PG – Parti Ouvrier Indépendant Démocratique – PCOF – PCRF – République et Socialisme – Résistance Sociale – Snesup-FSU – Solidaires  – Syndicat des Avocats de France  – Syndicat de la Magistrature – UEC – UNEF – Union Nationale Lycéenne (ont également appelé la FCPE et la FSU)

Mais de cela, tout le monde se fout, à part les gens liés aux syndicats et à leur corporatisme, ou bien à une sorte de romantisme anarchiste totalement hors sol. Le résultat est ainsi très clair pour la pseudo marée humaine.

La police a compté 21 000 personnes à Paris, le cabinet Occurrence travaillant pour des médias institutionnels en a dénombré 31 700, la CGT 80 000.

A l’échelle du pays, la CGT a revendiqué 250 000 personnes, le ministère de l’intérieur en a compté 93 315 (on remarquera le souci de précision).

En clair, la population française a totalement boudé cette pseudo révolte, ayant très bien compris de quoi il en retournait. Malgré le printemps et la grève des cheminots, la sauce ne prend pas, car personne n’est dupe : c’est le populisme et le corporatisme qui sont à l’oeuvre.

Ainsi que, ne l’oublions pas, le néo-libéralisme culturel, que cette photo de la sénatrice Esther Benbassa résume parfaitement. La nouvelle pseudo gauche prend entièrement l’ancienne Gauche à contre-pied sur le plan des valeurs culturelles.

C’est à cause de cela que de jeunes ouvriers vont chez les nazis, s’imaginant que la Gauche ce serait juste un néo-libéralisme où chacun peut faire ce qu’il veut, sans responsabilités ni devoirs, sans morale ni valeurs.

Une autre photographie est également emblématique : celle où un manifestant tient une pancarte où il est écrit qu’un poulet serait mieux grillé. C’est bien entendu une allusion aux policiers, avec un goût sinistrement morbide.

Cet anarchisme de pacotille – très ironique quand on voit la drapeau d’air France, depuis quand un travailleur assume le drapeau de son entreprise ? – prêterait au mieux à sourire (cela ne sera pas notre cas) si désormais la condition animale n’était connue de tous.

Culturellement, là aussi on voit bien la faillite morale et intellectuelle, au profit de la posture.

Ce populisme, cette négation du contenu, est intolérable et montre bien la nécessité d’en revenir aux fondamentaux du mouvement ouvrier.

Catégories
Politique

Mai 1968 : de la grève générale aux accords de Grenelle par les syndicats

Le même jour que le meeting de Charléty, le régime sauvait sa tête au moyen des accords de Grenelle. Face à l’agitation « gauchiste » et à la seconde gauche, tant le PCF que le gouvernement et le patronat se retrouvaient être des alliés objectifs.

C’est que depuis le 13 mai, il y a une grève générale, qui finit par toucher huit millions de personnes, soit la moitié des salariés. On est à un point où tout peut changer : les mentalités, les conceptions politiques, les pratiques, les valeurs culturelles.

Le patronat préférait la stabilité, le gouvernement ne pas se faire déborder, le PCF conservait sa position relativement forte, satisfaisant tout à fait l’URSS : l’idée de changement, de socialisme, de révolution, etc. avait disparu.

C’est pourquoi la CGT mit tout son poids pour trouver un accord. Le 25 mai, le premier ministre Georges Pompidou organise une première discussion entre gouvernement, patronat et syndicats.

Les 25 heures de discussion aboutissent le 27 mai aux accords dits de Grenelle, car signés rue de Grenelle au ministère des affaires sociales. Ils ne seront pas signés, ce qui n’empêchera pas le régime de revenir en force quelques jours après.

La contestation de mai 1968 allait bien plus loin, en effet, que la question sociale ou économique. Mais il s’agissait pour le PCF, avec la CGT, d’empêcher une nouvelle situation à tout prix. Le régime intégrait donc ouvertement la CGT, en échange cette dernière venait s’intégrer au dispositif de la cinquième république.

En stoppant toute participation à la contestation par ailleurs rejetée au départ, la CGT permettait au régime de se réaffirmer trois jours après. En fait, la CGT s’est faite entièrement acheté fin mai 1968.

Le point central du dispositif fut la mise en place d’une section syndicale d’entreprise et du délégué syndical dans les entreprises de 50 salariés et plus. C’était là un cadeau en or pour la CGT.

Et ce cadeau fut donné par la droite gaulliste qui triompha entièrement lors des élections de juin 1968, au moyen de la loi du 27 décembre 68.

C’est un compromis historique, en quelque sorte.

Cela avait évidemment un coût pour satisfaire la base : les accords de Grenelle accordent 35 % d’augmentation au salaire minimum, 10 % d’augmentation des salaires, le temps de travail devant passer à 40 heures (et 48 au maximum au lieu de 50 heures).

Mais ce qui comptait surtout, c’était la mobilisation des syndicats de manière franche dans un sens institutionnel. Et cela marcha, puisque les syndicats participèrent entièrement aux différents projets étatiques, de manière décisive, pour cinquante ans.

Voici le document des accords de Grenelle.

Le « Constat » ou les « Accords » de Grenelle Projet de protocole d’accord

Des réunions tenues les 25,26 et 27 mai au Ministère des Affaires sociales sous la présidence du Premier Ministre (Ce texte ne sera pas signé)

Les organisations professionnelles et syndicales, Confédération Générale du Travail, confédération Générale du Travail Force Ouvrière, Confédération Française Démocratique du Travail, Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, Confédération Générale des Cadres, Fédération de l’Education Nationale, Confédération Nationale des Petites et Moyennes Entreprises, Conseil Nationale du Patronat Français se sont réunies sous la présidence du Premier Ministre, en présence du ministre des Affaires sociales et du secrétaire d’Etat aux Affaires sociales chargé des problèmes de l’emploi les 25, 26 et 27 mai 1968.

1. Taux horaires du SMIG Le taux horaires du SMIG sera porté à 3 francs au 1er juin 1968.

Le salaire minimum garanti applicable à l’agriculture ne sera fixé qu’après consultation des organisations professionnelles et syndicales d’exploitants et de salariés agricoles et des confédérations syndicales nationales.

Il a été précisé que la majoration du salaire minimum garanti n’entraînerait aucun effet automatique sur les dispositions réglementaires ou contractuelles qui s’y réfèrent actuellement. Le problème posé par ces répercussions fera l’objet d’un examen ultérieur.

La question des abattements opérés en raison de l’âge et applicables aux jeunes travailleurs fera l’objet de discussions conventionnelles.

Le Gouvernement a, par ailleurs, fait connaître son intention de supprimer complètement les zones d’abattement applicables au SMIG.

2. Evolution des rémunérations des secteurs publics et nationalisés Les discussions relatives aux salaires des entreprises nationalisées se sont ouvertes dans l’après-midi du 26 mai, secteur par secteur, et sous la présidence des ministres de tutelle compétents ; la modification des procédures de discussion sera examinée ultérieurement.

En ce qui concerne les traitements des fonctionnaires, une réunion a été organisée le 26 mai après-midi à la Direction de la Fonction Publique pour préparer celle à laquelle participeront le 28 mai à 15 heures, sous la présidence du Premier ministre, les organisations syndicales intéressées.

3. Salaire du secteur privé Les salaires réels seront augmentés au 1er juin 1968 de 7%, ce pourcentage comprenant les hausses déjà intervenues depuis le 1er janvier 1968 inclusivement. Cette augmentation sera portée de 7 à 10% à compter du 1er octobre 1968.

4. Réduction de la durée du travail Le CNPF et les confédérations syndicales ont décidé de conclure un accord-cadre dont le but est de mettre en œuvre une politique de réduction progressive de la durée hebdomadaire du travail en vue d’aboutir à la semaine des 40 heures. Elles considèrent également comme souhaitable que la durée maximum légale soit progressivement abaissée.

Cette réduction progressive sera déterminée dans chaque branche d’industrie par voie d’accord national contractuel définissant les modalités et les taux de réduction d’horaires et de compensations de ressources.

En tout état de cause, et comme mesure d’ordre général, une réduction de 2 heures des horaires hebdomadaires supérieures à 48 heures et une réduction d’une heure des horaires hebdomadaires compris entre 45 et 48 heures interviendra avant le terme du Vème Plan. Une première mesure dans ce sens prendra effet en 1968.

Le principe de mesures appropriées à la situation particulière des cadres est également retenu.

Dans le secteur nationalisé le principe d’une réduction progressive de la durée du travail est admis par le Premier ministre, les discussions devant être menées au sein de chaque entreprise pour en déterminer le montant et les modalités, celles-ci pouvant prendre d’autres formes que la réduction de la durée hebdomadaire du travail.

En ce qui concerne la Fonction publique, les discussions qui auront lieu le mardi 28 mai sous la présidence du Premier ministre, comporteront l’examen du problème, compte tenu des caractères particuliers des différents services.

Le problème d’un assouplissement de l’âge de la retraite, en particulier dans la cas de privation d’emploi et d’inaptitude au travail, a été posé par plusieurs syndicats. Le CNPF a accepté l’examen de la question ainsi posée.

5. Révision des conventions collectives

1° Les représentants des employeurs se sont engagés à réunir dès la fin de la présente négociation les commissions paritaires pour :

– la mise à jour des conventions collectives en fonction des résultats de la présente négociation ;

– la révision des barèmes de salaire minima afin de les rapprocher des salaires réels ;

– la réduction de la part des primes dans les rémunérations par leur intégration dans les salaires ;

– l’étude de la suppression des discriminations d’âge et de sexe ;

– la révision des classifications professionnelles et leur simplification.

2° Les organisations de salariés et d’employeurs se réuniront à bref délai pour déterminer les structures des branches et des secteurs en vue d’assurer l’application de l’accord-cadre sur la durée du travail.

3° Le Gouvernement s’engage à réunir aussitôt après la fin de la présente négociation la commission supérieure des Conventions collectives en vue d’examiner les conditions d’application de l’ordonnance du 27 septembre 1967 concernant le champ d’extension géographique des conventions collectives et de procéder à une étude approfondie du champ d’application des conventions collectives.

6. Emploi et formation Le CNPF et les confédérations syndicales ont décidé de se réunir avant le 1er octobre en vue de rechercher un accord en matière de sécurité de l’emploi et portant notamment sur :

– les mesures de nature à assurer les reclassements nécessaires en particulier en cas de fusion et de concentration d’entreprises ;

– l’institution de commissions paritaires de l’emploi par branches professionnelles et les missions qu’il convient de donner à ces commissions devant fonctionner en principe au niveau national et le cas échéant aux niveaux territoriaux. Ils ont convenu également d’étudier les moyens permettant d’assurer, avec le concours de l’Etat, la formation et le perfectionnement professionnels.

En ce qui concerne les cadres il a été convenu que la recherche d’un accord particulier sera menée par le CNPF et les organisations syndicales.

Le Secrétaire d’Etat à l’Emploi suivra les travaux des réunions prévues et mettra à la disposition des participants l’ensemble des documents nécessaires. Par ailleurs, le Premier ministre s’engage :

– à développer les crédits affectés aux services de l’emploi ;

– à mettre en place de manière prioritaire les moyens d’un développement d’une formation adaptée des jeunes.

7. Droit syndical Le document annexé ci-après, relatif à l’exercice du droit syndical dans les entreprises, sera examiné au cours de réunions avec les organisations professionnelles et syndicales, en présence du ministre des Affaires sociales, en vue d’éliminer les points de désaccord qui subsistent. Sur la base dudit document, éventuellement amendé, le Gouvernement élaborera un projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical dans les entreprises.

Le Gouvernement, favorable à la liberté d’exercice de ce droit, entend que ce projet en règle concrètement les modalités. Il est prêt à favoriser, pour sa part, dans le même esprit, le libre exercice du droit syndical dans les entreprises publiques et la Fonction publique, sous réserve d’apporter au projet de loi les précisions et les compléments permettant son adaptation aux nécessités de ces services.

ANNEXE Droit syndical dans l’entreprise

1° La garantie de la liberté collective de constitution de syndicats ou de sections syndicales dans l’entreprise à partir des organisations syndicales représentatives à l’échelon national (les organisations syndicales demandent protection spéciale ; le CNPF estime que le droit commun suffit).

2° la protection des délégués syndicaux sera assurée dans des conditions analogues à celle des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise.

3° Les prérogatives de l’organisation syndicale dans l’entreprise et des délégués syndicaux : ses missions sont celles du syndicat dans l’organisation sociale, notamment la discussion et la conclusion d’avenant d’entreprise (addition proposée par les syndicats : et le droit de déterminer par accord les règles concernant la structure et le montant des salaires, primes et gratifications).

4° Des moyens d’expression de l’organisation syndicale et des délégués syndicaux :

a. Collecte des cotisations à l’intérieur de l’entreprise (pendant le temps de travail – syndicats) ;

b. Liberté de diffusion de la presse syndicale et des tracts syndicaux dans l’entreprise ;

c. Libre affichage des communications syndicales dans des conditions permettant une information effective des travailleurs, avec communication simultanée à la direction (réserve de la CFDT et de la CGT sur les mots soulignés).

d. Mise à la disposition des organisations syndicales d’un local approprié ;

e. Réunion : – un crédit est attribué :

o aux délégués syndicaux (CNPF),

o aux sections syndicales d’entreprise, pour répartition aux délégués syndicaux (syndicats) ;

– droit de réunir les adhérents de la section syndicale une fois par mois (pendant le temps de travail : syndicats ; en dehors des heures de travail : CNPF) ;

– droit de réunir tous les membres du personnel de l’entreprise à des assemblées générales du personnel, ce droit doit s’exercer pendant les heures de travail, une fois par mois (syndicats). 5° Bénéfice du congé éducation payé pour les délégués syndicaux (demande d’examen plus approfondi par CNPF). 6° Interdiction, en cas d’exercice du droit de grève, de tout abattement sur un élément quelconque de rémunération : prime, gratification ou autre avantage au-delà du prorata directe du temps d’absence (syndicats).

8. Sécurité sociale

Le Premier ministre a pris l’engagement d’accepter qu’un débat de ratification des ordonnances relatives à la Sécurité sociale ait lieu avant la fin de la session parlementaire en cours. Par ailleurs, il a décidé de ramener le ticket modérateur applicable aux dépenses médicales de visite et de consultation de 30 à 25%.

Le Gouvernement ne s’opposera pas à une initiative tendant à ce qu’il soit fait référence dans un texte de loi au décret du 29 août 1962 relatif aux règles d’évolution du plafond de cotisation. Le Premier ministre déclare qu’il n’est pas dans ses intentions d’augmenter le nombre de points de cotisations de Sécurité sociale portant sur la totalité des rémunérations.

Le Premier ministre a également indiqué que l’intervention des textes d’application des dispositions législatives réglementant d’une part le versement direct des prestations à des tiers et la participation obligatoirement laissée à la charge de l’assuré était suspendue, compte tenue des discussions en cours entre la Caisse nationale d’assurance-maladie et la Fédération française de la Mutualité. Le Gouvernement souhaite qu’un accord de ces deux organisations règle conventionnellement leurs rapports et rende inutile les dispositions envisagées.

9. Allocations familiales Le Gouvernement étudie un projet d’aménagement des allocations familiales en faveur des familles de trois enfants au moins et prévoyant la réforme des allocations de salaire unique et de la mère au foyer Ces textes seront mis au point à l’occasion de l’établissement du prochain budget.

10. Mesures en faveur de la vieillesse Le Gouvernement augmentera au 1er octobre prochain l’allocation minimum versée aux personnes âgées et aux grands infirmes.

11. Fiscalité Le projet de réforme de l’impôt sur le revenu, qui sera déposé à l’automne par le Gouvernement, contiendra des dispositions tendant à alléger les conditions d’imposition des revenus salariaux. Les principes de la réforme feront l’objet d’une consultation du Conseil économique et sociale, qui permettra aux représentants des organisations syndicales et professionnelles d’exprimer leurs vues avant le dépôt du projet.

Ces organisations seront à nouveau consultées par le Gouvernement sur l’avis rendu par le Conseil économique et social. Il ne sera pas proposé d’assujettir les salariés au régime de la retenue à la source.

12. Le Gouvernement réunira, au mois de mars 1969, les représentants des organisations professionnelles et syndicales, afin d’examiner avec eux, dans le cadre de l’évolution 6 économique et financière générale, l’évolution du pouvoir d’achat des salariés au cours de l’année 1968.

13. Le CNPF a demandé au Gouvernement qu’à compter du 1er juillet 1968, les entreprises françaises , ne soient pas assujetties, en ce qui concerne la détermination de leurs prix, à des contraintes plus strictes que les entreprises concurrentes établies dans les autres pays du Marché commun.

14. Journées de grève Les journées d’arrêt de travail seront en principe récupérées. Une avance de 50% de leur salaire sera versée aux salariés ayant subi une perte de salaire. Cette avance sera remboursée par imputation sur ses heures de récupération. Dans le cas où la récupération n’aurait pas été matériellement possible avant le 31 décembre 1968, l’avance ou son solde sera définitivement acquise au salarié. Ces mesures trouveront leurs répercussions dans le secteur nationalisé et la Fonction publique.

Catégories
Politique

27 mai 1968 : le meeting de Charléty

Le 27 mai 1968 est une journée importante pour la gauche qui n’est ni celle du PCF, ni celle des regroupements révolutionnaires (anarchistes, marxistes-léninistes c’est-à-dire maoïstes, trotskystes).

Cette gauche ne veut pas la révolution mais un socialisme modernisateur, elle est portée par l’UNEF, le PSU, la CFDT (qui peu de temps auparavant était encore le syndicat chrétien).

C’est ce qui historiquement nommé la seconde gauche.

Elle parvient, le 27 mai, à rassembler 30 000 personnes au stade Charléty. Pierre Mendès France est présent, mais il ne prend pas la parole. Cette figure historique de la gauche réformiste, membre alors de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste, cautionne donc le meeting, mais en ne prenant pas la parole se présente comme recours possible, garant d’un ancrage au centre-gauche.

Voici l’appel de l’UNEF fait le 25 mai pour mobiliser le 27, puis des vidéos du meeting de Charléty.

Déclaration de l’U.N.E.F.

A la suite des événements qui se sont déroulés depuis trois semaines, et particuliçrement ces derniers jours dans toutes les villes universitaires de France et notamment à Paris, compte tenu de la situation présente, des déformations apportées par l’information officielle ou contrôlée par le gouvernement nous tenons à préciser les points suivants :

I. – LES FORCES DE L’ORDRE ET LE GOUVERNEMENT PORTENT L’ENTIERE RESPONSABILITE DES INCIDENTS QUI VIENNENT DE SE PRODUIRE ET L’U.N.E.F. SE DECLARE SOLIDAIRE DE TOUTES LES VICTIMES DES FORCES DE REPRESSION

Les incidents proviennent de la volonté du pouvoir tendant à créer une situation objectivement explosive et provocatrice pour les étudiants et les travailleurs luttant à leurs côtés :l’U.N.E.F. se déclare entièrement solidaire des victimes de la répression policière, quel que soit le moment où elle s’est exercée.

II – L’U.N.E.F. PROPOSE DE FAIRE DE LA JOURNEE DU LUNDI 27 MAI UNE GRANDE JOURNEE NATIONALE DE MANIFESTATIONS L’attitude de la police rend celle-ci entièrement responsable de tous les affrontements.

Particulièrement aujourd’hui et demain, la présence de forces importantes dans le quartier latin, leurs mouvements incessants, la façon dont ils dispersent les groupes sont autant de provocations : si des incidents se produisent, que le gouvernement sache qu’il est à l’origine de ceux-ci.

L’U.N.E.F. n’appelle pas à manifester aujourd’hui et demain. En revanche, elle propose à tous les militants de Paris et de province, de faire du lundi 27 mai une journée nationale de manifestations, celles-ci se tenant à partir de 17 heures.

III. – LES LUTTES UNIVERSITAIRES N’ONT DE SENS QUE S’INTEGRANT DANS LES LUTTES D’ENSEMBLE; LE GOUVERNEMENT QUI REFUSE DE VOIR LE SENS DE CE COMBAT COMMUN NE PEUT ETRE UN INTERLOCUTEUR

Depuis longtemps l’U.N.E.F. souligne que les luttes universitaires n’ont de sens que lorsqu’elles s’intègrent dans le cadre d’une contestation et d’une lutte contre le régime capitaliste : la démocratisation de l’enseignement ne peut être réelle qu’en liaison avec un renversement des rapports de production et la transformation des structures économiques par et pour les travailleurs.

Il est bien évident que sur tous ces points le gouvernement et le général de Gaulle n’acceptent pas de prendre en considération la nature de notre combat et qu’ils ne se placent que dans une optique de préservation du système actuel. Aussi considérons-nous que le régime n’est pas un interlocuteur.

IV. – L’UNIVERSITE, DE TOUTE FAçON, PREND EN MAIN SES PROPRES AFFAIRES Le 17 mai 1968, l’U.N.E.F. proposait à l’ensemble des étudiants et des enseignants quatre points précis d’intervention sur la situation.

Les décisions prises librement par l’ensemble des étudiants vont très largement dans le sens des propositions faites par l’U.N.E.F. Il faut maintenant conclure et réaliser, là où cela est possible, en particulier dans les Facultés d’ores et déjà en gestion paritaire (Enseignants Etudiants), l’inauguration de fait du droit de veto sur les décisions prises. Seul le contrôle des décisions permet en effet d’assurer la contestation permanente de l’Université.

Là où les Universités sont autonomes il faut combattre toute déviation vers une espèce de gestion privée des facultés. L’autonomie, cela veut dire aussi l’ouverture très large de l’Université aux travailleurs. L’U.N.E.F. appelle donc l’ensemble de ses militants, et l’ensemble des étudiants à appliquer dçs maintenant leurs propres décisions. Elle appelle aussi à repousser l’ensemble des examens en septembre.

V. – POUR UNE LIAISON PLUS SOLIDE ENCORE DES LUTTES UNIVERSITAIRES, DES LUTTES OUVRIÈRES ET PAYSANNES L’U.N.E.F. se réjouit de la jonction effective des ouvriers en grève avec les étudiants : elle s’est faite à Paris le 24 mai, en province dans beaucoup de villes universitaires, dans les usines et les facultés. Dans tous ces cas des dizaines de milliers d’ouvriers en grève se sont joints aux étudiants.

L’U.N.E.F. adresse son salut chaleureux à tous les travailleurs engagés dans la bataille avec leurs syndicats.

Parce qu’elle estime qu’il est important de garder un front uni étudiants-travailleurs, elle demande aux syndicats ouvriers – de garder le même front sans faille face à la répression gouvernementale, or, l’interdiction de séjour de Daniel Cohn-Bendit est justement un élément décisif de cette répression – de se rappeler qu’elle reste sur une position simple : jamais, et en aucune façon elle n’entend donner de leçons aux organisations de la classe ouvrière, mais en revanche elle n’en acceptera aucune pour les luttes étudiantes..

Le débat permanent existe à la base entre étudiants et ouvriers, l’U.N.E.F., dans la mesure où les points précédents seront bien compris, propose que les mêmes débats s’instaurent à tous les échelons avec les organisations syndicales des travailleurs C’est dans la mesure où l’action menée à Paris a rencontré de larges échos en province, que l’extension au secteur ouvrier a été possible.

A l’heure actuelle, et dans le même souci de développement du mouvement, l’U.N.E.F. appelle tous les étudiants de toutes les villes universitaires à intensifier leur action :

– pour la poursuite de notre combat universitaire,

– pour l’unité des étudiants et des travailleurs,

– pour leur victoire commune.

Bureau National de I’U.N.E.F. 25 mai 1968.

Catégories
Politique

Le sens de l’engagement des premiers affrontements de mai 1968

L’intervention policière du 3 mai à la Sorbonne fut un profond traumatisme, avec un embryon de résistance. Mais le lundi 6 mai fut marqué par une véritable résistance, dans le sens de la confrontation avec la police.

Le régime était sûr de lui à la base, mais il n’avait pas compris qu’il faisait face pour la première fois à un bloc compact et décidé, faisant du quartier latin son bastion.

A la base c’est une protestation contre l’intervention à la Sorbonne et la répression, mais la police veut encore écraser le tout : elle s’aperçoit très vite qu’elle fait face à un bloc historique bien structuré, motivé, décidé. D’où encore plus de répression.

France-Soir note ainsi le 7 mai que « Le quartier Latin est en état de siège » car « plusieurs milliers de gendarmes mobiles et de policiers casqués et armés de mousquetons ont bouclés la place de la Sorbonne et les rues adjacentes. »

Des milliers d’étudiants se rassemblent en effet dans le quartier latin. France-Soir souligne leur unité :

« Les étudiants se révèlent toujours plus nombreux à manifester. Les forces considérables de police qui transforment le quartier Latin en une véritable place forte ont l’union sacrée chez les étudiants dont un grand nombre ne savaient pas bien, ces jours-ci, pourquoi ils manifestaient.

Maintenant, au coude à coude, rue des Ecoles, au boul’ Mich, ici et là dans Paris, ils ont en face d’eux la police, comme un défi. »

La police repousse les étudiants jusqu’au carrefour de la rue des Ecoles, mais France-Soir constate une résistance dix minutes après :

« 9 h 20. Quelques centaines d’étudiants barrent le boulevard Saint-Michel à l’angle de la rue des Ecoles. Ils crient : « Libérez les étudiants ! Roche, démission ! Des profs, pas des flics ! Presse, complice ! » »

Et :

« Leurs slogans : « A bas la répression ! » et « C.R.S., S.S. ! » énervent visiblement les policiers. Tout à coup les gendarmes mobiles avancent.

Ils serrent les manifestants, les coups de crosses sont nombreux. De l’autre côté du boulevard, des petits groupes de manifestants continuent à hurler leur mécontentement. »

Tout commence alors :

« Trois cents personnes descendent le boulevard Saint-Michel vers le carrefour Saint-Germain. Les policiers, de leur côté, remontent le boulevard. Un pavé est lancé.

Les étudiants s’enfuient devant les premières grenades lacrymogènes de la matinée. Un jeune homme, qui a reçu une grenade sur un oeil, semble sérieusement atteint.

Deux autres étudiants sont blessés – notamment une jeune fille qui a été intoxiquée par les gaz lacrymogènes. L’atmosphère est irrespirable. On compte maintenant plusieurs milliers d’étudiants dans le quartier.

 Une cinquantaine de cars de police stationnent autour de la faculté et, vers 10 h 15, les voitures des C.R.S. viennent se joindre en renfort aux gardiens de la paix et aux gardes mobiles. »

L’UNEF décide de repousser la manifestation, mais les événements se précipitent dans l’après-midi. Combat décrit les affrontements :

« A 15 heures, à l’angle de la rue Saint-Jacques et de la rue du Sommerard éclatèrent vraiment les premières échauffourées de la journée. Très vite ce fut l’émeute, pire encore que vendredi soir.

Les pavés volèrent au premier assaut, et les matraques s’abattirent. En quelques minutes, après un reflux rapide, le boulevard Saint-Germain se hérissa de barricades constituées essentiellement de voitures, les panneaux étaient arrachés et les pavés descellés.

Le front se stabilisa, les agents formés « à la tortue », boucliers en l’air sous le jet des pavés en bordure de la place Maubert. Celle-ci était transformée en no man’s land, une barricade défendait l’entrée de la rue Monge. Les combattants restèrent face à face près d’une heure et demie, échangeant des pierres et grenades lacrymogènes.

Les rues avaient un air de champ de bataille, la Croix-Rouge ramassait de part et d’autre des blessés. Aux environs de 17 heures, le service d’ordre de l’U.N.E.F. sous l’injonction du président Sauvageot tentait d’arracher les étudiants à une violence inutile.

Lentement le repli se fit vers la Halle aux vins, tandis qu’en arrière-garde quelques irréductibles déchaînés poursuivaient leur guérilla désespérée, retranchés derrière des barricades.

Un peu avant 18 heures, ce groupe se trouvait renforcé par un retour de plusieurs centaines de leurs camarades qui reprirent possession de la place Maubert. La contre-attaque des gardes mobiles et des agents de police fut violente et efficace et repoussa définitivement les étudiants hors de la place. »

L’Humanité raconte la suite :

« Boulevard Saint-Germain, au carrefour Mabillon, plusieurs centaines de policiers, gendarmes mobiles, en tenue de combat forment un barrage. Il est 19 h 30. De violents heurts se produisent rue du Four, à coups de pavés et de grenades lacrymogènes. Les forces de police attaquent, mais doivent reculer. Une voiture et une barricade flambent carrefour Mabillon.

Les manifestants crient : « A bas la répression », « Fouchet assassin », « Libérez nos camarades ». Le cortège se scinde en deux.

Tandis que deux à trois mille manifestants se heurtent aux forces de police qui doivent à nouveau reculer vers le carrefour de l’Odéon, la manifestation principale se déroule dans le calme. Il n’y a en effet aucune force policière rue de Rennes et place Saint-Germain.

 Les charges des gardes mobiles se font de plus en plus violentes et atteignent le degré de brutalité des heurts de l’après-midi. Les manifestants arrêtés sont sauvagement frappés. Aux fenêtres du boulevard Saint-Germain, des dizaines de personnes crient, révoltées : « Assez, assez ! ».

Les policiers frappent au hasard, même loin de la manifestation dans plusieurs rues adjacentes. Il y a de nombreux blessés. Des groupes de manifestants dressent plusieurs barricades avec des voitures qu’ils retournent entre Mabillon et la place Saint-Germain et la rue Bonaparte. La terrasse vitrée d’un café s’effondre.

Les gendarmes mobiles, puis des C.R.S. chargent à 20 h 40 et occupent la place Saint-Germain. Des manifestants refluent vers la rue des Saints-Pères et la rue de Rennes. L’air est irrespirable de gaz lacrymogènes. Des postes de secours de la Croix-Rouge s’improvisent dans des entrées d’immeuble. Il y a de plus en plus de blessés. Les sirènes des ambulances retentissent sans arrêt.

Tandis que des heurts très violents se produisent vers 21 heures, dans toutes les rues du quartier Saint-Germain-des-Prés, rue du Vieux-Colombier, rue Madame et à Saint-Sulpice, une nouvelle barricade est érigée sur le boulevard à la hauteur de la rue des Saints-Pères.

Deux autobus sont placés en travers à une dizaine de mètres, et c’est en s’abritant derrière ces deux barrages que manifestants et policiers se bombardent de grenades lacrymogènes, de pavés et de boulons. »

Catégories
Politique

Le sens des brutalités policières du 3 mai 1968

Si l’on peut passer aussi rapidement de l’intervention policière à la Sorbonne du 3 mai 1968 à un appel à généraliser la lutte et l’unifier comme le fait le mouvement du 22 mars le 24 mai 1968, c’est qu’en fait le 3 mai la police s’est littéralement lâchée.

Elle a voulu à tout prix écraser toute velléité de contestation et, certaine de l’hégémonie du régime, elle a cherché la casse. Si on ne saisit pas cela, on ne peut pas comprendre pourquoi Charles de Gaulle appelle, le même 24 mai, à un référendum, s’imaginant que la situation, somme toute, est sous contrôle.

C’est tout le régime qui s’est contracté et qui s’imagine que cela va passer. C’est le sens des brutalités policières généralisées dès le 3 mai 1968.

Un chercheur du C.N.R.S. raconte ce qu’il a vu ce jour-là :

« Vers 15 h 30, l’entrée du 17 rue de la Sorbonne était bloquée, et les forces de police de plus en plus nombreuses aux portes de la faculté ; on pouvait cependant entrer librement par la porte de la rue des Ecoles.

Dans la cour, les étudiants avaient décidé de transformer le meeting en une réunion de discussion sur les problèmes universitaires. A ce moment, certains étudiants quittèrent la Sorbonne.

Ceux qui restaient (à l’exception de quelques membres du service d’ordre), se regroupèrent sur les marches menant à la chapelle. Le débat, poursuivi sans haut-parleur, porta d’abord sur l’explicitation, par les étudiants de Nanterre, des buts de leur action ; bientôt une controverse s’engagea avec les représentants d’autres tendances ; je tiens à souligner que ce débat était absolument pacifique, et que tous ceux qui le voulaient avaient droit à la parole.

« Vers 16 h 45, on demanda aux membres du service d’ordre présents dans la cour de regagner leur poste ; autour de moi, on ignorait s’il s’agissait d’une attaque d’Occident, ou des renforts de la police.

La réunion sur les marches de la chapelle prit fin à ce moment ; certains étudiants tentèrent de sortir, mais l’issue de la rue de la Sorbonne semblait bloquée. Quelques minutes plus tard, nous vîmes apparaître sur toute la largeur de la galerie du fond de la cour, une rangée de gardes mobiles coiffés de casques ronds, et, je crois, armés de matraques. Les consignes données alors furent: « Sortez tous dans le calme et en silence ».

Les étudiants présents dans la cour regroupèrent autour de la sortie, mais sans pouvoir avancer. Très vite, toute la cour de la Sorbonne fut remplie de gardes mobiles qui empêchaient les étudiants d’emprunter une autre issue ; il s’agissait véritablement d’une souricière.

« Quand j’eus enfin passé l’étroit couloir qui mène à la rue de la Sorbonne je me trouvai entourée d’une double rangée de gardes mobiles protégés de boucliers carrés en métal, et armées de matraques.

« Cette haie menait les étudiants j’au car de police qui se trouvait un peu plus haut dans la rue (d’autres cars de police se trouvaient également tout le long de la rue de la Sorbonne). La lenteur de l’évacuation de la cour était liée au fait que les étudiants qui sortaient ne pouvaient se disperser librement, mais que tous étaient dirigés d’office vers ces cars de police.

« Moi-même, je fus relâchée après avoir pu montrer que je travaillais dans la rue de la Sorbonne et n’étais pas étudiante.

« Un peu plus tard, vers 17 h 30, des grenades lacrymogènes éclatèrent (je crois sur la place de la Sorbonne). L’accès de la rue de la Sorbonne était bloqué par les forces de police situées dans le bas de celle-ci. »

Voici le récit d’un étudiant coffré suite à sa participation au rassemblement contestataire à la Sorbonne :

« 15 heures : Cour de la Sorbonne. Je participe avec ma femme à la manifestation organisée. L’atmosphère est au calme. Quelques discours : Cohn-Bendit, Sauvageot, Chisseray. Le service d’ordre de l’U.N.E.F. garde calmement l’entrée de la Conciergerie ou l’entrée de la rue des Ecoles. Un orateur annonce que Paris vient d’être choisi comme siège des négociations pour le Vietnam : gros applaudissements.

Tous les occupants sont rassemblés au pied de la chapelle, assis ou debout sur les marches. Et soudain, une annonce : « Ils arrivent. » La plupart pensent qu’il s’agit de groupes Occident qui veulent pénétrer à l’intérieur de la Sorbonne.

Une voiture et un panneau sont placés le long de la porte de la galerie de la rue des Ecoles. Les participants se resserrent sur les escaliers de la chapelle. Certains ont un morceau de bois qui vient d’une Vieille table délabrée qui traînait dans un coin de la cour (et non pas de mobiliers détériorés, comme l’a dit M. Peyrefitte).

Mais surprise, par une aile latérale, pénètre une masse impressionnante de gardiens, casqués, lunettes, boucliers, tels des chevaliers teutoniques avec un côté Obélix.

L’atmosphère alors se tend, tout le monde se resserre près des marches. Le service d’ordre de l’UNEF recommande le calme et tend les mains pour canaliser les manifestants en nous demandant d’évacuer la cour de la Sorbonne.

Ce qui se fit. Mais quelle surprise ! En sortant de la cour, nous ne vîmes point les commandos Occident ou autres groupes, mais bien les gendarmes casqués qui nous font monter dans les camions blindés.

Nous montons dans le premier camion. Le policier devant nous soulève son siège avant et en sort, avec une satisfaction évidente, des barres de cuivre (je crois) qu’il passe à ses collègues qui sont à l’extérieur. Le chauffeur du car exprime que « dans un moment ça va chauffer » car des cordons de C.R.S. arrivent. Nous sommes coincés au milieu des agents et de la foule. Au bout d’un moment, le camion démarre suivi de beaucoup d’autres.

On nous emmène d’abord au commissariat de Saint-Sulpice, puis à Notre-Dame-des-Champs. Et alors, c’est la longue attente des identifications individuelles ; puis on nous entasse à la cave où bientôt nous nous retrouvons au nombre de deux cents personnes environ.

Il est 18 heures. En attendant la « libération », des groupes de discussion se forment, ce sont déjà les comités d’action. »

Voici un autre témoignage :

« Je passais boul’Mich, vers 18 heures, arrivé à proximité d’un cordon de C.R.S., un gradé m’a sommé de faire demi-tour, ce que je fis sans protester, puis je pris un coup de matraque derrière la tête, puis ils ont chargé sur les quelques personnes, dont moi, qui étaient boul’Mich, après quoi je fus emmené au poste jusqu’à une heure du matin pour un contrôle d’identité, après m’avoir copieusement injurié et menacé, je pus enfin regagner mon hôtel.

Le lendemain je fus voir un médecin puis à l’Hôtel-Dieu pour des radios. Depuis ce jour, j’ai des migraines et des saignements de nez.

J’ai essayé de déposer une plainte au commissariat d’où je fus éjecté très incorrectement. »

Un autre témoignage :

« Le vendredi 3 mai, des brigades de C.R.S. ont chargé sur tous les gens qui se trouvaient dans les rues, sans faire aucune distinction entre les manifestants et les non-manifestants. Ils ont notamment matraqué un jeune motocycliste.

« Ces faits ne sont sans doute pas parmi les plus marquants, mais je tiens tout de même à vous en faire part, car je ne peux oublier les cris des blessés de cette nuit tragique.  »

Un autre encore :

« L’un des gardes s’en prit à une jeune fille blonde, vêtue d’un tailleur bleu marine, qui s’était réfugiée sous un porche, près du cinéma « le Latin ». Il la matraqua sauvagement (dix à vingt coups violents sur la tête et le cou).

La jeune fille, chancelante, tituba jusqu’au banc qui se trouve devant le cinéma et s’écroula sans connaissance.

L’ambulance que l’on avait appelée immédiatement n’est arrivée qu’une heure plus tard. La jeune fille n’avait pas repris connaissance. Si la jeune fille vit encore et si elle souhaite porter plainte, nous sommes prêts à lui apporter notre témoignage. »

Un témoignage encore :

« Je remontais le boulevard Saint-Michel, avec dans les bras un enfant d’un an, il était environ 18 h – 18 h 30, je me suis trouvée prise dans la manifestation, je n’ai reçu aucun coup de la part d’étudiants, mais presque au niveau de la place de la Sorbonne, il y a eu une charge de C.R.S. qui matraquaient les passants sans discrimination, exemples : une vieille femme, une jeune maman ont reçu des coups. J’ai reçu un coup de matraque, le bébé caché sous ma veste a reçu aussi un choc qui a laissé un « bleu ».

Devant le café du Départ, j’ai vu à 20 h 30, le même jour, un motocycliste arrêté et matraqué par un policier qui disait « circulez-circulez ». Un monsieur âgé s’interpose « ne le battez pas, il n’a rien fait, il arrive, il ne manifeste pas. » Le monsieur est frappé par un premier C.R.S., se protège la figure, un second C.R.S. intervient et frappe : « Ça vous apprendra à toucher à mon camarade. » La femme du monsieur crie, pleure : « Ne le battez pas comme cela, laissez-le » ; elle est battue également, presque évanouie. »

Un autre témoignage encore, d’une personne de nationalité suisse :

« Je me trouvais place Edmond-Rostand, isolé sur le trottoir à l’angle du boulevard Saint-Michel lorsqu’un agent de la force publique, casqué et matraque en main, m’a frappé sur la tête à coups de matraque malgré mes vives protestations alléguant que j’étais un touriste, puis m’a intimé l’ordre de déguerpir.

J’obtempérai en descendant vers l’Odéon, mais un commando d’une dizaine de C.R.S. remontait sur le même trottoir.

Le premier policier leur cria en me désignant :  Tapez-lui dessus ! Tapez-lui dessus !

Je tentai de m’effacer pour les laisser passer, mais six ou sept d’entre eux m’assaillirent et me frappèrent sauvagement à la tête à coups de matraque et à coups de pied au bas du corps. Je réussis à m’enfuir, le nez ensanglanté. 

Je vis notamment un jeune couple et un noir qui passaient simplement rue Cujas, qui furent conduits dans un car stationné devant la place de la Sorbonne, par la rue de la Sorbonne, les bras tordus derrière le dos et à coups de matraque, le noir recevant deux fois plus de coups que les autres. »

Un dernier, soulignant le racisme :

« Le vendredi 3 mai, voulant me rendre au cinéma, je descendais la rue Cujas vers 19 h 30 et je regardais les manifestations, très calmement ; un autre individu regardait aussi, très calme également ; à un moment, la force de l’ordre nous enjoignit de remonter la rue Cujas. Nous le fimes très lentement et un agent des forces de l’ordre, avisant un curieux, assez grand, légèrement basané et coloré, le bouscula puis lui appliqua un violent coup de matraque avec ces mots : « Tiens, voilà pour toi, l’Arabe ».

Deux jeunes hommes blancs, un noir et une jeune fille se sont enfuis vers la rue Cujas. Au coin de la rue Cujas et de la rue Victor-Cousin, il y avait des forces de police. Elles les ont interpellés, les ont pris par le col et jetés dans le car. Le jeune homme noir a été tout de suite jetés dans le car. Le jeune homme noir a été tout de suite frappé, tiré par terre jusqu’au car où il est jeté aussi. Ensuite, on a entendu le bruit de matraques en frappant. Après ils sont partis. »

Catégories
Politique

Mouvement du 22 mars : « Votre lutte est la nôtre! »

Voici le tract du Mouvement du 22 mars