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Marine Le Pen, Jordan Bardella et le National Front Disco

Nous sommes en juillet 1992 et le chanteur Morrissey sort la chanson « The National Front Disco ». Auparavant chanteur du groupe The Smiths, il est connu pour son sens de l’empathie, sa quête de la réciprocité à rebours de tout rapport unilatéral. Il est de Gauche assumé, sa chanson « Meat is murder » est emblématique, etc.

Pourtant, la chanson « The National Front Disco » a été totalement incomprise alors. Elle était trop subtile et les journalistes bobos lui sont tombés dessus.

Elle raconte de manière interne la motivation qu’a une personne pour rejoindre le British National Front, un parti raciste, mais qu’il faut plutôt voir comme l’expression d’un violent ressentiment social populaire tournant au racisme.

C’est typique du Royaume-Uni des années 1970, avec le mouvement skinhead alors (pourtant au préalable tourné vers la musique ska et la Jamaïque, et devenant punk conformiste et raciste). La clef, c’est que celui qui rejoint le National Front espère ainsi accélérer la venue du jour où les comptes seront réglés.

Cette expression populiste à la base, cette formulation propre à des ouvriers vivant au cœur des pays riches tout en étant marginalisés culturellement, cette rancœur… Naturellement, c’est la clef pour comprendre pourquoi les prolétaires français, pour beaucoup, ne se tournent pas vers la révolution et le Socialisme, mais vers l’extrême-Droite.

Et Morrissey dénonce dans la chanson ceux qui ne comprennent pas la dignité de cette rancœur. Comment des gens vivant aussi mal, avec la même vie, ne comprennent pas ceux qui, désespérés, espèrent renverser la table ?

C’est tout à fait vrai : jamais l’antifascisme bobo ne fera rien. C’est le prolétariat qui fait l’Histoire, et s’il se trompe, il ne peut se rétablir qu’en sortant de son détour corrompu, pour assumer toute la violence qu’il porte en lui.

Voici la chanson, et les paroles.

David, the wind blows
The wind blows
Bits of your life away
Your friends all say
« Where is our boy?
Oh, we’ve lost our boy »
But they should know
Where you’ve gone
Because again and again you’ve explained that
You’re going to

Oh, you’re going to
Yeah, yeah, yeah, yeah
England for the English!

David, the winds blow
The winds blow
All of my dreams away
And I still say
« Where is our boy?
Ah, we’ve lost our boy »
But I should know
Why you’ve gone
Because again and again you’ve explained
You’ve gone to the

National, ah
To the National
There’s a country; you don’t live there
But one day you would like to
And if you show them what you’re made of
Oh, then you might do

But David, we wonder
We wonder if the thunder
Is ever really gonna begin
Begin, begin
Your mom says
« I’ve lost my boy »
But she should know
Why you’ve gone
Because again and again you’ve explained
You’ve gone to the

National
To the National
To the National Front disco
Because you want the day to come sooner
You want the day to come sooner
You want the day to come sooner
When you’ve settled the score

Oh, the National

David, le vent souffle
Le vent souffle
au loin des morceaux de ta vie
Tes amis disent tous
« Où est notre garçon ?
Oh, nous avons perdu notre garçon »
Mais ils devraient savoir
Où tu es parti
Parce que, encore et encore, tu as expliqué que
Tu vas au

Oh, tu vas aller au
Ouais, ouais, ouais, ouais
L’Angleterre pour les Anglais !

David, les vents soufflent
Les vents soufflent
tous mes rêves au loin
Et je dis malgré tout
« Où est notre garçon ?
Ah, nous avons perdu notre garçon »
Mais je devrais savoir
Pourquoi tu es parti
Parce que tu as expliqué encore et encore
Tu es allé au

National, ah
Au National
Il y a un pays, tu n’y vis pas
Mais un jour tu aimerais bien
Et si tu leur montres de quoi tu es fait
Oh, alors tu pourrais peut-être le faire

Mais David, nous nous demandons
Nous nous demandons si le tonnerre
Ne commencera jamais vraiment
Commencera, commencera
Ta mère dit
« J’ai perdu mon fils »
Mais elle devrait savoir
Pourquoi tu es parti
Parce que, encore et encore, tu as expliqué
Tu es allé au

National
Au National
A la disco du Front national
Parce que tu veux que le jour vienne plus tôt
Tu veux que le jour vienne plus vite
Tu veux que le jour vienne plus vite
Quand les comptes seront réglés

Oh, le National

On a ici une vérité évidente, une vérité de classe, qu’aucun bourgeois ne peut comprendre ou reconnaître.

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Mélenchon contre Blum

Jean-Luc Mélenchon n’est, pour agauche.org, plus une figure de gauche depuis bien longtemps. C’est un populiste, qui est sorti du cadre de la Gauche historique fut-elle réformiste.

Et il a tenu des propos sur Léon Blum qui en disent long sur son rejet des concepts fondamentaux de la Gauche historique. Il a en effet considéré que Léon Blum… n’avait pas d’envergure historique !

C’est là exemplaire de la question du rapport qu’il faut avoir – à la classe, ou bien à l’État bourgeois. Comment faut-il comprendre le rapport entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre le nouveau et l’ancien ?

Voici les propos de Jean-Luc Mélenchon, tenus lors d’une interview à 20 minutes le 15 juin 2024.

« Aujourd’hui, vous ne faites plus « consensus », n’est-ce pas la preuve d’un changement du rapport de force ?

La stratégie politique des insoumis c’est l’union générale et le programme des ruptures avec le système. En douze ans, c’est devenu celle de toute la gauche. Donc là, pour moi, carton plein avec cet accord.

Matignon n’est pas un sujet existentiel. Je ne suis pas en train de construire une carrière. Les insoumis ont produit des dirigeants capables.

Quand Léon Blum devient chef du gouvernement en 1936, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard, ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté, il était critique d’art et dirigeant marxiste du Parti socialiste. »

C’est très clair : selon Jean-Luc Mélenchon, être un « dirigeant marxiste du Parti socialiste » ne fournit pas un niveau qualitatif pour gouverner qui soit le plus haut possible. Bien au contraire, même, puisqu’on a des figures « politiques » opportunistes qui seraient bien mieux qualifiées.

Qui sont en effet Manuel Bompard, Mathilde Panot et Clémence Guetté ?

Manuel Bompard est quelqu’un qui a fait une thèse de mathématiques appliquées en aéronautique, monté une start-up. En 2009, il rejoint le Parti de Gauche, et l’année d’après il en devient le secrétaire national ! Il devient ensuite un cadre de La France insoumise, surtout pour les élections.

Mathilde Panot a un master en relations internationales à Sciences Po, avant de devenir cadre dans le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Clémence Guetté a un master de sociologie politique à Sciences Po, avant pareillement de devenir une cadre de Jean-Luc Mélenchon.

Les trois sont nés respectivement en 1986, 1989, 1991. Ce sont des cadres classiques des mouvements électoralistes, qui après avoir fait des études participent comme organisateurs, sont élus.

Et Léon Blum ne serait « pas au niveau » de tels opportunistes, sans caractère ni profondeur ?

Rien que l’âge, déjà. Léon Blum, en 1936, était bien plus âgé puisque né en 1872. En soi, cela ne suffit pas à expliquer un meilleur niveau, sauf qu’il a d’ailleurs lui une intense activité.

Il a eu un vrai parcours institutionnel, puisqu’il a été chef de cabinet du socialiste Marcel Sembat, ministre des Travaux publics, de 1914 à 1916, commissaire du gouvernement à plusieurs reprises.

Il est surtout, c’est cela qui compte pour nous, le chef de file des socialistes, organisés dans la Section Française de l’Internationale Ouvrière. Depuis 1920, c’est un dirigeant ouvrier, organisant, écrivant – et effectivement, c’est un littéraire de formation.

Léon Blum au congrès socialiste de 1932

Léon Blum a à ce titre mené deux combats fondamentaux. Tout d’abord, il est en première ligne pour dénoncer les « néo-socialistes », qui sont une fraction des socialistes qui devient fasciste. Ensuite, il soutient le Front populaire dont il devient une figure.

Et donc, Léon Blum, qui a bataillé politiquement pour le Socialisme, avec un très haut niveau idéologique, depuis 1920 dans la classe ouvrière, vaudrait moins que des aventuriers de la politique bourgeoise en 2024 ?

Jean-Luc Mélenchon ne peut pas ne pas savoir tout cela. Et pourtant, il prétend que ses cadres seraient mieux. « Quand Léon Blum devient chef du gouvernement en 1936, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard, ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté. » Comment, pourquoi ?

Parce qu’il considère que le populisme vaut, finalement, mieux que la Gauche historique. Même une expérience de masse d’une envergure formidable comme le Front populaire ne vaut pas, pour lui, la politique « immédiate », la démarche populiste. C’est un signe de démesure que de voir les choses ainsi, mais il en va ainsi de l’opportunisme qu’il se croit réellement avoir une signification.

Comme la bourgeoisie aide cet opportunisme, forcément, les opportunistes se sentent pousser des ailes. Historiquement, pourtant, le Socialisme balaie tout cela ! Le prolétariat porte le nouveau, qui s’allie sur la bourgeoisie bascule dans l’ancien ! Au-delà des détours, la Gauche historique l’emportera !

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Les fictives élections européennes 2024

La quasi totalité des élus du Parlement européen ont voté, le 29 février 2024, des appels au démantèlement de la Fédération de Russie, à soutenir militairement le régime ukrainien. Si on omet quelques personnes, cela a été l’unanimité, de l’extrême-droite à la « gauche de la gauche ».

La raison est simple à comprendre : le capitalisme européen est puissant, il permet un niveau de vie élevé, la société de consommation y est très développée. Bien entendu, mieux vaut vivre en France qu’au Portugal, au Portugal qu’en Slovaquie.

Néanmoins, de manière tendancielle, il y a des opportunités individuelles qui existent. On peut faire carrière, de manière relativement difficile mais cela reste très largement faisable. On peut accéder à la propriété, pour le coup beaucoup plus facilement.

Bien entendu, tout cela est davantage valable au centre d’une grande ville que dans une ville intermédiaire, et dans une ville intermédiaire qu’à la campagne.

Mais enfin, il y a ici deux options politiques, pour faire pression dans un sens ou dans un autre. Il y a les modernistes, les bobos, LGBT, libéraux culturellement mais pour un filet social… pour les « gagnants », ceux qui profitent le plus de la situation et en veulent encore plus. Et il y a les nationalistes, les conservateurs… pour les « perdants », les aigris ayant la nostalgique des années 1980.

Linkedin et Twitter pour les uns, Facebook et les SMS pour les autres, et Instagram et Tiktok pour tous. Cela correspond aux « Républicains » et aux « Démocrates » aux États-Unis.

Maintenant, il y a deux possibilités : soit on accepte cette situation et on tente de faire quelque chose en son sein, soit on dit que cette situation est artificielle, qu’elle est le fruit du capitalisme à son apogée.

Soit on dit que les choses vont rester ainsi longtemps et on fait avec, on s’agite notamment sur les réseaux sociaux, pour les élections, pour du « militantisme »… Soit on se dit que ce château de cartes va s’effondrer, que l’occident décadent va à la catastrophe.

Nous pensons la seconde option et plutôt que de perdre du temps à des choses secondaires, nous disons qu’il faut préparer le grand chambardement, lorsque l’Europe va être en agitation complète alors qu’au niveau mondial, l’affrontement entre la Chine et les États-Unis pour l’hégémonie mondiale va battre son plein.

Les élections européennes de 2024 font partie de ces choses secondaires, même fictives d’ailleurs. C’est une photographie politique de populations aliénées, ayant perdu le fil, vivant dans des bulles individuelles. On peut et on doit balayer cela du revers de la main.

Les élections européennes de 2024 ne changeront pas le mode de vie, elles n’auront même aucune influence sur lui. Les voitures continueront d’être de plus en plus lourdes et grandes, le dérèglement climatique continuera de s’approfondir, la condition animale ne cessera pas d’être apocalyptique, l’égocentrisme continuera à être la règle, etc.

Ce qu’il faut faire, c’est assumer la rupture, intellectuelle, morale, politique, idéologique, et assumer le Socialisme. C’est cela qui est réel, qui a du sens, qui est à la hauteur des enjeux. C’est cela, l’esprit de Parti.

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Les Français sont des fragiles qui ont la flemme

La France de la fin mai 2024 est ignoble. Les Français suivent le cours des choses, sans avoir l’énergie de rien, et surtout pas de participer à quelque chose de collectif, ne serait-ce que sur un plan culturel, esthétique ou musical.

Les efforts sont minimalistes, il ne faut surtout pas se faire remarquer, ou bien au contraire le kitsch est assumé dans le grotesque, le ridicule, le mauvais goût, afin de passer inaperçu dans une vague bienveillance.

Des beaufs et des gens au style LGBT, voilà en quoi consiste la société française, le tout dans une acceptation d’une mentalité de fragiles, à qui on ne peut rien dire et surtout pas expliquer que c’est par les contradictions que le monde avance.

La société de consommation a triomphé, les ordures sont pleines. La bourgeoisie, ce sont désormais les bobos et les masses populaires tentent de les imiter ou au contraire de se cantonner dans la passivité, à l’écart, éventuellement avec aigreur.

On a ici le matériau humain le moins conforme possible à la possibilité d’une révolution.

Et pourtant, les choses ont leur pendant. Le mode de vie mis en place n’est réellement praticable que par quelques centaines de milliers de personnes, habitant dans les centre-villes et surtout à Paris.

Evidemment, cela suffit à en corrompre plusieurs millions, qui gravitent autour. Et la majorité des gens s’accommode tout à fait de ça, du moment qu’il reste la possibilité de devenir propriétaire, de mener sa petite vie au jour le jour, avec la certitude de faire partie des 10% les plus riches du monde.

Car là est la grande hypocrisie. Les Français peuvent bien s’agiter sur les acquis sociaux, les valeurs républicaines, la solidarité avec les démunis et tout ce qu’on voudra, ils savent très bien qu’ils sont des privilégiés au niveau mondial.

Ici, on peut raconter ce qu’on veut, se prétendre ce qu’on veut, et même faire l’idiot. Cela n’aura pas de conséquences vraiment fâcheuses. La France, ce n’est pas l’Afrique du Sud, ce n’est pas l’Inde, ce n’est pas le Brésil, ce n’est pas le Mexique, ce n’est pas la Thaïlande, ce n’est pas le Mali, ce n’est pas le Bangladesh, ce n’est pas le Paraguay.

C’est pour ça que les Français ne sont bons à rien. Ils ne sont que des occidentaux décadents. Pour eux, les « gilets jaunes » étaient vraiment une contestation, et le mouvement contre la réforme des retraites vraiment une révolte sociale. Alors que c’était insignifiant, faux, théâtral et vide.

Mais comme on dit, le triomphe de la société de consommation ne profite qu’à une petite base, et cette base se réduit. Les contradictions dans le monde entre les puissances fait que le socle de la société de consommation perd en solidité. On peut de moins en moins accepter la vie quotidienne, la soutenir, y participer.

En fait, le système s’épuise. Ce n’est pas le matériau humain qui se révolte, c’est juste que déjà passif, il ne peut même plus faire semblant de ne pas l’être en consommant aisément. On a littéralement droit à une anti-révolution depuis la pandémie, qui a précipité la crise du capitalisme.

C’est l’autre côté dialectique de la flemme et de la fragilité : le désengagement.

Naturellement, cela ne fait pas nos affaires : nous avons besoin d’abnégation et d’héroïsme, pour faire la révolution. Mais l’ennemi capitaliste est aussi ennuyé que nous : que faire avec des gens aussi inefficaces, flemmards, fragiles, sur qui on ne peut pas se compter ?

C’est dans cet espace que le prolétariat va se recomposer, pour prendre les commandes d’une société en bout de course. Le prolétariat va imposer sa dictature, et elle ne sera pas qu’économique. Il s’agit de rééduquer moralement, socialement, culturellement, politiquement des gens aliénés, déformés, corrompus par le capitalisme le plus avancé.

Et dans cette oeuvre historique, le prolétariat lui-même corrompu se corrigera lui-même – et disparaîtra en tant que classe.

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L’occupation de Sciences Po par la « gauche » américaine

Sciences Po a été brièvement occupé, à Paris, par des étudiants ayant mené une opération de grand guignol. Déguisés au moyen de keffiehs et brandissant des drapeaux de la Palestine, ces étudiants se sont imaginés l’avant-garde de la contestation mondiale, en mobilisant dans cette école depuis la mi-mars, jusqu’à finalement une occupation pour bloquer les cours.

Leur revendication : le cessez-le-feu à Gaza, alors que l’armée israélienne ravage totalement cette zone, provoquant la mort d’autour de 30 000 personnes. Il va de soi qu’on est ici dans le théâtre, puisque les occupants de Sciences Po disent en fait… exactement la même chose que la diplomatie française.

Mais ce à quoi on assiste est un théâtre justement parfaitement mis en scène. Les étudiants jouent à s’imaginer avoir une existence sociale et politique au niveau mondial. Et cette auto-intoxication vise à renforcer le camp de la « gauche » américaine.

La France insoumise, le fer de lance idéologique de cette « contestation », a ainsi été un soutien permanent, avec notamment Jean-Luc Mélenchon envoyant une vidéo de soutien :

« Je voulais à tout prix vous adresser le salut le plus reconnaissant et le plus admiratif pour le travail que vous avez engagé en occupant les lieux et puis ce matin en vous rassemblant.

Vous êtes à cet instant, pour nous, l’honneur de notre pays. L’image la plus forte que nous puissions donner du fait que les Français n’acceptent pas, ne se résignent pas, ne laissent pas faire sans agir, l’odieux, l’abominable massacre, le terrible génocide à Gaza. »

Jean-Luc Mélenchon était également présent pour un meeting à Sciences Po le 22 avril 2024, après une interdiction de s’exprimer à l’université de Lille. Jean-Luc Mélenchon avait alors rapproché le président de cette université du fonctionnaire nazi Eichmann, qui en tant que fonctionnaire avait joué un rôle essentiel dans la logistique de l’Holocauste.

Et cinq députés La France insoumise étaient à Sciences Po pour soutenir les occupants, et jouer un rôle dans la négociation avec la direction de cette école, obtenant l’arrêt de l’occupation en échange d’une amnistie.

C’est terrible pour les Palestiniens de voir leur cause utilisée par des opportunistes prompts à n’importe quelle magouille. Les Palestiniens connaissent une situation dramatique depuis 1948 et on ne les redécouvre que lors de catastrophes, comme là alors que l’État israélien détruit Gaza dans le sang à la suite de l’attaque assassine du Hamas le 7 octobre 2023.

Mais telle est cette « seconde gauche », qui utilise des causes pour contester sans remettre en cause.

La « seconde gauche », c’est cette « gauche » étrangère au mouvement ouvrier historiquement. Appuyée par le capitalisme, elle a triomphé. Pour les gens, être à gauche maintenant, c’est promouvoir la modernité du capitalisme dans sa version sociale, les migrants, les LGBT, le style de vie bobo, l’esthétique des centre-villes, l’art contemporain.

Quelle honte!

La « seconde gauche » est bourgeoise moderniste, par opposition aux bourgeois conservateurs, mais bourgeoise tout de même. C’est l’équivalent de ce qu’on a aux États-Unis, avec les Démocrates et les Républicains. Et l’occupation de Sciences Po à Paris, au nom soit-disant de la Palestine, est dans ce cadre un exemple parlant. C’est tout le rapport entre les classes qui s’y révèle.

Car la France est en effet en train d’instaurer une économie de guerre et assume de vouloir dépecer la Russie. Mais la « gauche » américaine telle qu’elle existe en France ne parle absolument jamais de cela, ou seulement pour un article ou un communiqué de temps en temps. Elle ne croit pas en la guerre de repartage du monde, elle croit seulement en la société française de consommation, où il s’agirait de s’agiter pour « déconstruire ».

La question palestinienne est alors utilisée pour masquer la réalité bourgeoise de la gauche américaine, pour donner une aura contestataire, voire révolutionnaire. C’est totalement artificiel et ouvertement populiste, puisqu’il s’agit de jouer sur le nationalisme arabe et le sentiment religieux, voire un antisémitisme qui ne s’assume pas. Quand on voit des gens de cette « gauche » américaine donner des drapeaux palestiniens à des enfants arabes, on devine l’arrière-plan manipulateur, régressif.

En réalité, la question palestinienne ne s’explique que si on voit que les puissances luttent les unes contre les autres, avec l’État israélien fanatisé et meurtrier utilisé par la superpuissance américaine, le Hamas criminel et obscurantiste utilisé par le Qatar, la Turquie et l’Iran.

Et l’Histoire n’est pas faite par les étudiants de Columbia ou de Sciences Po Paris, deux lieux de l’élite des cadres des bourgeoisies américaine et française. Mais peut-on encore les distinguer d’ailleurs, alors que les études aux États-Unis, au Canada ou en Angleterre relèvent désormais de l’habitude pour les enfants des couches supérieures une fois le bac en poche ?

Car l’imaginaire est ici totalement bourgeois. Le député LFI Carlos Martens Bilongo avait justement lancé à Sciences Po :

« Comme à Columbia, comme à Harvard, ça donne du courage de vous voir vous lever ! »

« Columbia, Sciences Po, Buenos Aires : la jeunesse montre la voie »dit pareillement Révolution Permanente, ce qui est délirant quant on sait à quel point Sciences Po Paris représente l’élite bobo de gauche.

On lit :

« De New York à Buenos Aires, ces mobilisations portent en elles la colère profonde d’une jeunesse qui refuse qu’on l’empêche d’avoir accès à l’éducation, d’aspirer à une vie meilleure ou encore que leurs études servent les intérêts des puissances impérialistes. »

Justement, pas du tout, Columbia et Sciences Po sont les élites assumées de demain. Pour Columbia, une année d’étude revient à 89 587 dollars (bien qu’il existe des aides possibles), pour Harvard, 82 866 dollars.

Le capitalisme s’effondre, et le théâtre des bourgeois de gauche contre les bourgeois de droite s’agite d’autant plus. Mais ce sont des contre-feux pour tromper les masses au moyen d’une fausse actualité, rien de plus.

La vraie actualité, c’est la marche à la guerre mondiale, avec en son cœur l’affrontement entre les superpuissances américaine et chinoise. Impossible de soutenir les Palestiniens si on ne comprend pas cela, justement.

Mais ici c’est du théâtre, seulement du théâtre. Un marché aux illusions, une foire, une sinistre farce !

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La France, simple décoration prête au crash

Les jeux sont faits ! En février 2024, on peut dire que plus rien ne sert à rien, qu’il n’y a plus qu’à attendre ce qui va se passer. Et les choses sont simples. Soit la France n’est que ce qu’elle est, c’est-à-dire pas grand chose, un territoire de petits-bourgeois rêvant de vivre replié sur eux-mêmes, sur leur couple et leur « bien-être », en ne prenant aucune responsabilité et en râlant sur tout.

Alors, les Jeux olympiques de l’été 2024 seront un succès bourgeois, et aux élections européennes, l’extrême-Droite obtiendra un très bon score. Les bourgeois gagnent encore et toujours, le peuple vote à l’extrême-Droite pour que ce soit moins brutal, moins « mondialisé », et c’est tout.

Paris continuera d’être le centre des plus riches, le reste du pays le territoire de ceux qui le sont moins, beaucoup moins ou pas du tout, mais cela ne change rien à l’affaire. La France tourne, Mondial Relay distribue, le capitalisme tourne et la Russie est chaque jour davantage l’objectif militaire.

Soit c’est l’autre option, et tout ce que la France a charrié historiquement sur le plan de la lutte de classes connaît une émergence subite. Finies les stupidités comme la pseudo protestation contre la réforme des retraites, la répétition en version nihiliste de la révolte des banlieues, ou bien les agriculteurs capitalistes prenant le masque de « paysans » en protestation.

Non, si c’est l’autre option, alors cela y va vraiment. Il y a réappropriation de tout : du patrimoine de la lutte et de la conscience du prolétariat, des valeurs de la Gauche historique. Le rapport entre les classes se voit modifié, la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat se redessine, les gens s’alignent sur des perspectives de classe.

Du jour au lendemain, des connaissances aussi ardues que celles sur Spinoza, le Capital de Karl Marx ou le matérialisme dialectique se voient étudiées, assimilées, du jour au lendemain par on ne sait qui, sorti d’on ne sait où. L’Histoire réapparaît, c’est le glissement de terrain dans l’Histoire française, et on passe du nihilisme médiocre à des consciences intenses, aiguës, tendues.

Ce n’est plus Paris qui reste le centre, cette ville embourgeoisée à tous les degrés, mais la France en tant que formation historique à bout de souffle, devant passer à « autre chose ».

Dialectiquement, les deux options sont possibles. Pour l’instant toutefois, c’est le scénario à l’américaine : les villes « civilisées » votent à « gauche » pour profiter de la « mondialisation » et les campagnes « barbares » votent à droite, car elles n’en peuvent plus de la déstructuration du pays.

Il faut beaucoup d’efforts pour se sortir de là et les gens n’ont rien fait. Ils ne vont pas commencer non plus maintenant, c’est trop tard. Non, maintenant, il n’y a plus que le crash qui va jouer. Naturellement, chaque personne se dit que ce crash n’arrivera pas, tout tiendra, d’une manière ou d’une autre, comme ça l’a toujours fait.

Sauf que non. La France d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle d’il y a cinq ans, qui elle-même est foncièrement différente de celle d’il y a dix ans, et pareil à l’horizon de 15, 20, 25, 30 ans ! L’essor inexorable du capitalisme entre 1989 et 2020 a fondamentalement modifié le cadre des choses – même si le capitalisme n’a quant à lui pas changé de nature.

Les petits-bourgeois peuplant la France ont-ils réussi à être tellement corrompu que plus rien n’est possible, à part râler, éventuellement sur les réseaux sociaux ? Ou bien les choses vont mal tourner, révélant en 2024 le crash ?

Tout déraille, tout le monde fait semblant que ça tienne, cela continuera-t-il de suffire pour que les s’enfoncent et s’enfoncent, sans effondrement général ? Ou bien y aura-t-il un ressort, un saut dialectique, une déchirure historique ?

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La victoire du capitalisme, c’est l’écrasement de l’Histoire

Quand on pense au Capital de Karl Marx, on a souvent en tête une œuvre « économique » qui vise à la critique scientifique du mécanisme d’exploitation proprement capitaliste. C’est là une vue réduite, simpliste qui masque son envergure idéologique générale.

Car le fil conducteur de l’œuvre est contenu dans son sous-titre, très souvent effacé : critique de l’économie politique. Ce simple rappel démontre à lui seul combien Karl Marx ne visait pas un travail « économique », mais un travail de critique qui, par définition, ne peut-être qu’idéologique, et donc historique.

Le Capital, c’est la découverte des processus historiques dans le mécanisme de l’Histoire. Ce n’est pas simplement que l’Histoire se fonde sur la transformation de divers modes de production, mais que l’Humanité, de l’individu jusqu’aux rapports collectifs, s’entrecroise dans des dynamiques contradictoires pour satisfaire des besoins qui sans cesse s’approfondissent.

Ainsi, lorsque par-exemple il est analysé la « journée de travail », il n’est pas analysé seulement un rapport momentané d’exploitation, mais une mise en relation au long terme, non pas entre deux individus, mais entre des conjonctures historiques prenant la forme de classes sociales, constituées sur le long terme.

De la même manière que la critique de la marchandise se clôt par le passage bien connu sur son fétichisme qui dévoile précisément le fait que toute marchandise est avant tout le produit d’une interconnexion prolongée de milliers de personnes.

Karl Marx a ouvert le champ de l’Histoire à tous les étages de la vie humaine en en dévoilant sa clef essentielle : le développement toujours plus accru des capacités productives pour la satisfaction des besoins humains. Une clef qui se devrait d’être mise en exergue partout dans les arts, mais qui dans le capitalisme arrivé à pleine maturité est savamment effacée.

Car dans une société où le fétichisme de la marchandise règne de toutes parts, c’est l’usage du neuralyzer des Men in black qui se généralise : tout impact sur la conscience doit être effacé, écrasé. C’est vrai dans la politique, mais aussi dans l’art et dans les relations sociales, sentimentales.

Il suffit de voir une personne sur Tiktok. Que reste-il sinon une approche immédiate du présent dans le présent lui-même ? Ou bien encore, une personne qui flirte sur une application de rencontre, qu’y a t-il si ce n’est une médiation directe avec autrui sans égard pour le passé, et surtout pour l’avenir ?

Il y a aussi cette disparition, si caractéristique de notre temps, des ornementations sur les bâtiments. L’ornementation d’un édifice a toujours été l’illustration d’une époque, sa mise en perspective historique. Le fait de n’avoir plus que de simples cubes en béton illustre comment la bourgeoisie en décadence a balancé par-dessus bord toute mise en perspective d’elle-même, mais donc aussi de la société toute entière. Il ne reste plus qu’une fonctionnalité immédiate, sans ancrage dans un processus au long court.

Car l’Histoire, ce n’est pas seulement la lecture du passé dans le passé, c’est avant tout l’avenir contenu dans le passé et le passé lu dans l’avenir. On saisit les tendances lorsqu’on embrasse l’ensemble du mouvement, et cela est vrai autant du point de vue collectif qu’individuel. On ne peut pas avancer soi-même sans avoir une lecture de son propre avenir dans l’avenir collectif et cela nécessité forcément une approche de son passé, de ses erreurs, de ses avancées, etc.

L’Histoire ce n’est donc pas la séparation comme le veut la bourgeoisie du passé avec le présent et avec l’avenir, mais c’est inversement la synthèse à un moment du passé dans l’avenir et de l’avenir dans le passé.

Évidemment une telle conception, si utile pour le développement du genre humain, est impossible dans le capitalisme qui fige un présent illusoire pour mieux dérouler le tapis de la consommation dans l’océan des intérêts privés. Il ne faut ni passé, ni futur car l’un comme l’autre place la conscience individuelle devant la morale et l’universel. Et comme on le sait, morale et universalisme sont à l’opposé même de la société marchande développée…

C’est la raison pour laquelle l’enjeu du XXIe siècle est la bataille pour l’Histoire. L’Histoire non pas formellement, non pas seulement du point de vue de la critique de l’économie politique, mais dans son noyau essentiel, c’est-à-dire le mouvement contradictoire universel pour tous les phénomènes de la vie.

Si le capitalisme isole et mutile dans un présent illusoire, alors la révolution ne peut que connecter et émanciper dans un futur qui se saisit dans la lecture du passé. De fait, le présent n’existe pas et le Socialisme a ce rôle de généraliser cette manière de voir les choses à travers la planification des moyens de satisfaire et d’élargir les besoins sur une base harmonieuse.

C’est dans ce sens que les maoïstes du PCF (mlm) ont proposé récemment une nouvelle orientation partisane, celle du Parti matérialiste dialectique.

Si on regarde justement l’Histoire, on ne peut que constater que toute bataille révolutionnaire ou démocratique se situe dans l’affirmation de l’histoire comprise comme mouvement de transformation des anciennes choses en de nouvelles. C’est vrai pour les démocrates de la réforme protestante, mais aussi pour les idéologiques des Lumières, cela ne se limitant pas à la seule forme des régimes politiques mais aussi à toute les choses de la vie quotidienne.

Et cela ne peut être que d’autant plus vrai devant la question écologique qui place la classe révolutionnaire devant une responsabilité d’envergure, celle d’introduire son histoire particulière dans le grand tout de l’Univers et de la planète-terre considérée comme Biosphère.

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Le contrôle bourgeois du style des villes

Des journalistes avaient demandé à ChatGPT la perception d’eux que donnaient les habitants de plusieurs villes. ChatGPT est, comme on le sait, un supercalculateur; il prend des données partout où il peut, il compile, il mélange, il associe, et il résume. Il fournit toujours une réponse pleine de consensus, neutralisant toutes les contradictions, en faisant en sorte que cela soit conforme à l’idéologie dominante et que personne ne soit choqué. Et voici ce que cela donne.

Parisarrogants
Lillediscourtois
Lyonbourgeois
Nantesbobos
Bordeauxsnobs
Marseilleimpulsifs
Toulousenonchalants
Cannessuperficiels
Niceélitistes

Ce qui est très dérangeant dans ce tableau, c’est qu’il est tendanciellement juste. ChatGPT n’est pas un programme intelligent, on a juste à faire à un nombre immense de données, et le programme compare, prend ce qui est majoritaire et le recrache. Et c’est là qu’on s’aperçoit du poids gigantesque du style bourgeois propre à chaque ville.

Au-delà des contradictions de classe, il y a un style à chaque ville, car les gens vivent ensemble. Mais normalement, les contradictions de classe devraient agir sur ce plan malgré tout. Or, en France, il n’y a rien de tout cela. Il y a dans chaque ville un style dominant et il est accepté tel quel, il est repris tel quel. C’est qu’il faut bien vivre et on s’adapte. Pour autant, on devrait constater que les luttes de classe déchirent l’équilibre donnant naissance au style urbain. Ce n’est pas le cas.

La marque Sézane est emblématique du style parisien dominant, bobo sans audace

Il ne s’agit pas du tout de prôner un contre-style imaginaire. Cela ne marche pas. Le PCF a d’ailleurs tenté de le faire dans les années 1920-1930 avec le style ouvrier à béret. Comme cela n’a pas marché, il a fini par accepter les conventions dominantes pour contribuer à la mise en place du Front populaire.

Pour autant, il y a un problème à ne pas voir de contradiction de classe jouer au niveau des villes. C’est d’ailleurs très français. On sait comment, dans de nombreuses villes d’Europe, il y a deux clubs de football, avec une différence de classe au niveau de l’attirance et du style (Inter et AC à Milan, City et United à Manchester, Sparta et Slavia à Prague, Rapid et Austria à Vienne, etc.). En France, cela n’a jamais été le cas.

Cela a certainement comme source que les villes d’importance, en France, sont peu nombreuses, qu’elles centralisent beaucoup et qu’il y a une telle richesse d’activités que tout le monde est emporté dans l’élan, dans le style urbain local. C’est en tout cas un sujet d’importance.

Il faut ici remarquer plusieurs choses. En Allemagne, ou même en Italie, la Gauche est historiquement organisée dans tout le pays, également dans les zones isolées – qui ne le sont pas tant que ça, en raison du maillage important des petites villes. On n’a rien de tout cela en France.

Un problème en découle. La Gauche a un style bien différent dans chaque ville importante, avec des mentalités différentes, des types d’action très différents. Il n’y a pas d’unité, pas d’action politique d’envergure nationale. Une telle action n’existe que pour les campagnes électorales. Il y a là un vrai souci, cela empêche de générer quelque chose qui ait un niveau réel.

Il n’y a pas non plus de communication réelle entre la Gauche des différentes villes. C’est comme si on avait différents petits royaumes. A Nantes et Paris, les anarchistes peuvent casser des vitrines comme ils veulent et s’imaginer les rois du monde, ils ne le peuvent que parce que localement on le tolère pour pacifier. Pendant ce temps-là, à Marseille, la Gauche n’existe pas, alors qu’à Lyon elle est tout à fait en phase avec le style bourgeois prenant de haut.

La question du style des villes est d’une grande signification. Le 24h sur 24 du capitalisme uniformise les styles, mais en même temps il y a une hégémonie de la bourgeoisie adaptée à chaque situation locale. Tant que les verrous ne sont pas brisés à ce niveau, il y a un poids immense qui joue sur les mentalités.

Comment le Socialisme, comment la Révolution vont-ils se frayer un chemin? Cela ne viendra pas tout seul, pas du tout. Il faut trouver les solutions, et les mettre en pratique. C’est une composante de la grande bataille pour la recomposition du prolétariat en tant que classe, dans le contexte de la crise du capitalisme et de la tendance à la guerre.

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Le capital de Marx: l’intelligence ou rien

Le capital de Karl Marx est un ouvrage à la fois très long et très complexe. La question se pose ainsi : cette œuvre était-elle nécessaire ou non ? La réponse est bien évidemment oui. Tous les gens de gauche en France le reconnaîtront. C’est un minimum.

Cependant, il y a une incohérence qu’on voit tout de suite. Tout d’abord, Le capital de Karl Marx n’est pas lu. Les gens de gauche ne s’y intéressent pas. L’œuvre est considérée comme de nature trop économique ou philosophique, et bien trop longue. Tout le monde sait que lire cette œuvre représente un travail prolongé et acharné, et personne ne veut s’y mettre.

Ensuite, strictement rien n’est fait pour aller dans le sens de l’intelligence de l’œuvre. Le capital de Marx est vu comme une œuvre abstraite, qu’il faudrait opposer au travail concret. Par conséquent, il est dit qu’il faut faire du syndicalisme… Ou bien unir un maximum de principes sur quelques principes de base, pour ne pas être sectaires… On peut lire Le capital de Marx si on veut, mais cela ne peut être qu’un à-côté, quelque chose d’éventuellement utile, mais à la marge. L’intelligence est mise de côté.

Ce qui se reflète ici, c’est une position de classe. Le refus de l’intelligence, c’est le refus petit-bourgeois d’assumer une pensée systématique, une démarche complète, une idéologie parfaitement développée. Le petit-bourgeois se prétend humble, alors qu’il est sceptique ; il s’imagine ouvert d’esprit, alors qu’il est borné.

Si on accepte en effet les ressorts dialectique qu’on retrouve dans Le capital de Marx, alors rien ne laisse en effet de place au doute. Il y a la bourgeoisie, et le prolétariat, et c’est le conflit. Qui a intérêt à temporiser, à relativiser ce conflit? La petite-bourgeoisie. Qui a intérêt à atténuer l’affrontement, à arrondir les angles? La petite-bourgeoisie. Qui a intérêt à faire de l’œuvre de Karl Marx une simple inspiration, en mettant de côté l’intelligence que cela représente : la petite-bourgeoisie.

Qui a intérêt à dire : « oui, mais » ? Le petit-bourgeois français, qui relativise tout, qui ne veut surtout pas de l’intelligence. Le petit-bourgeois veut rester incomplet, il fait donc tout pour le rester.

S’il n’y avait que la bourgeoisie, les luttes de classes seraient toujours polarisés, les idées s’amasseraient d’un côté et de l’autre, dans le bon sens et dans le mauvais. Mais dans l’occident profitant du 24h sur 24 du capitalisme, il y a une immense petite-bourgeoisie, y compris de type intellectuel. Il y a une armée d’enseignants, et leur esprit est tourné vers le relativisme français, le « doute cartésien ».

Cela ne veut pas dire que les petits-bourgeois ne peuvent pas avoir une immense prétention. Ils sont vantards, comme on le sait, c’est un trait petit-bourgeois. Et il arrive souvent que les petits-bourgeois soient aisément pris de rage (comme le décrit très bien Lénine dans une fameuse citation). Ils font du bruit, parfois beaucoup de bruit, ils prétendent de grandes choses, mais dans les faits ils sont mesquins, sans profondeur, sans aucune envergure et surtout, ils n’en veulent pas.

Affiche soviétique : « deux classes – deux cultures »

L’intelligence – et l’intelligence, la vraie, est toujours une intelligence pratique – amène à contester, à se rebeller, à faire fonctionner sa matière grise de manière ininterrompue. Elle ne réduit pas à quelques dénominateurs communs, elle ne saccage pas la grandeur au profit de médiocres petits gains. L’intelligence, quand elle est vraie, s’expose, s’affirme. Elle expose les faits, elle les explique ; elle fournit les réponses, car elle sait bien poser les questions.

L’intelligence ne peut donc qu’être produite par le prolétariat, car le prolétariat exige l’Histoire et il n’y a pas d’intelligence qui ne puisse provenir du courant de l’Histoire, du flux des transformations ininterrompus à travers les siècles, les millénaires. Oui, il faut être compliqué, oui il faut la qualité, non il ne faut pas se réduire à la quantité en simplifiant, et d’ailleurs une telle démarche ne même de toutes façons pas !

Seule l’intelligence profite de la richesse inépuisable de la réalité. Seule l’intelligence permet de saisir la portée de toute situation, et de ne pas chercher une vaine fuite individuelle. La bourgeoisie veut supprimer le fond de l’intelligence : le socialisme ; la petite-bourgeoisie veut supprimer la forme du socialisme : l’intelligence. A nous d’être à la hauteur pour affirmer l’intelligence de l’époque, l’intelligence du prolétariat, l’intelligence du Socialisme.

Affiche soviétique : « Mon ami, consacrons nos âmes à la Patrie avec de merveilleux élans »
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La guerre à Gaza, reflet du crime mondial

Le monde est un vaste drame, où le sang et les larmes forment une partie assumée du quotidien. Il n’y a pas que les guerres, en effet, il y a les crimes. Le monde est une société du crime. Ce crime est à la fois banalisé et masqué, il forme un arrière-plan diffus. C’est une des raisons pour lesquelles les gens ne se rebellent pas : ils ont peur que tout soit pire ensuite, qu’on se retrouve dans une société à la Mad Max.

Le film Mad Max de 1979 dénonce le crime, mais avec une approche glauque, ouvertement d’extrême-droite, à rebours complet des suites

Naturellement, vu de France, on préfère jeter un voile pudique là-dessus. C’est vrai en occident en général, le temple de la consommation. Cela donne au mieux un mouvement comme « me too », qui tente d’arrondir les angles, à coups de protestation symbolique et ciblée. Il dénonce en effet les « débordements » d’hommes abusant de leur situation.

En réalité, le mal est bien plus diffus et ne consiste pas simplement en des acteurs connus, des producteurs de cinéma. En France, dans plus de 90% des viols commis, l’agresseur fait ainsi partie de l’entourage. C’est sordide et ce sordide se répand, dès lors qu’il n’y a pas de civilisation pour encadrer.

Cela, les gens le sentent bien, et c’est pourquoi ils appréhendent des changements sociaux de grande ampleur. Il y a le risque pour eux d’une retombée dans la barbarie. Si on prend la Jamaïque, par exemple, avec une société où il n’y a pas d’ordre fut-il capitaliste ou militaire, où prime le chaos, la grande majorité des femmes a connu des viols.

Cependant, la tendance aux viols s’approfondit dès que l’ordre dominant tombe dans la décadence. Ainsi, au Pérou, il existe un État, ce n’est pas la Jamaïque. Dans la région de Lima pourtant, la majorité des femmes a été violée ; dans la région de Cuzco, c’est autour de 70%. L’inceste est ici un phénomène largement installé.

Cela, les gens ne le voient pas malheureusement, car ils raisonnent de manière binaire. Ils opposent le présent à une situation pire, sans voir que le présent peut conduire à pire, parce que tout s’effondre. C’est en ce sens que la guerre à Gaza est le reflet du crime mondial dans un monde qui s’effondre. Israël qui bombarde Gaza pour raser tous les bâtiments, quitte à ce qu’il y ait des gens dedans, est le pendant du Hamas qui n’a pas hésité à violer et brûler vif lors de son attaque du 7 octobre 2023.


La germano-israélienne Shani Louk dont les images sordides de l’enlèvement ont fait le tour du monde, et son petit ami mexicain Orión Hernández Radoux également enlevé lors du festival le 7 octobre 2023

Il y a en ce sens beaucoup d’hypocrisie dans l’émotion autour de l’offensive israélienne à Gaza, meurtrière et dans un contexte général de barbarie. Car dans quel monde vit-on, ne le découvre-t-on que parce que c’est la « terre sainte »? Ce qui se passe à Gaza n’a aucune « originalité » et seuls les islamistes et les pseudos-gauchistes vrais antisémites y verront une spécificité « sioniste ».

Prenons la Syrie, juste à côté. La guerre civile a commencé en 2011. Elle continue encore. Combien y a-t-il eu de morts ? Plus de 600 000, avec une majorité de civils. On y retrouve la même substance que la guerre entre Israël et le Hamas : terroriser et tuer d’un côté, terroriser et tuer de l’autre. Il n’est pas besoin de souligner le caractère horrible de la violence pratiquée.

Si on prend la même période, ce nombre de morts est… l’équivalent de celui des homicides au Brésil. Il n’y a pas la guerre civile au Brésil, mais c’est le tiers-monde. La guerre terrorise et tue, le crime terrorise et tue ; la guerre et le crime se partagent à peu près le nombre d’homicides chaque année.

Le taux d’homicides dans le monde, selon l’ONU

La guerre à Gaza n’est somme toute que le reflet de la guerre mondiale contre le peuple, du crime comme monstruosité diffuse dont les masses sont toujours les victimes. Armée israélienne, Hamas, armée américaine, cartels colombiens, armée syrienne, islamistes syriens, cartels mexicains, seigneurs de la guerre de l’État islamique…

Alors on peut s’imaginer qu’on peut former pour se défendre une milice locale, comme les zadistes, les zapatistes, les Kurdes de Syrie avec le Rojava… ou qu’on peut partir loin, pour s’isoler, en se repliant sur sa famille, en mode survivaliste. Rien de tout cela n’a de sens, vraiment. L’humanité doit faire son saut, son bond en avant. Elle n’a plus le choix : on s’en sortira tous, ou personne ne s’en sortira. Le Socialisme est la seule option face à l’étalement de la Barbarie !

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La joie de vivre dans le collectivisme

La vie quotidienne dans le capitalisme est une vanité absolue, car elle prétend qu’un individu peut se suffire entièrement à lui-même. Il suffirait de disposer de la propriété privée de son logement et de biens, de suffisamment d’argent, et on pourrait avoir les moyens de trouver son bonheur.

L’Humanité, à l’échelle de la planète, se compote pareillement que cet individu capitaliste, en se comportant de manière ignoble, égoïste, tyrannique avec les animaux et la Nature.

Car, en réalité, l’être humain est un animal social et il dépend entièrement de la société. Il n’est pas possible de vivre à l’écart des gens, de la société, même dans l’opulence la plus grande. Pour remplir sa vie, il faut que la société l’emplisse, par les relations humaines, les sensations naturelles, l’action transformatrice de la réalité, les sentiments, les arts et la culture.

Tatiana Yablonskaya, Le pain

Il n’y a de joie que par et pour le collectivisme, car tout ce qu’on peut vivre est un écho. Un écho de la nature, un écho amical, un écho amoureux, un écho social, un écho culturel, un écho artistique. L’être humain n’est rien d’autre que des battements de coeur à un moment du cours de l’Histoire. Il faut donc s’insérer au mieux dans les possibilités fournies par son époque. Le collectivisme permet les réciprocités, les échanges productifs ; il permet d’accéder à soi-même et aux autres, en fournissant les moyens de s’épanouir et de développer sa personnalité.

La vie quotidienne dans le socialisme, c’est le contraire du repli sur son propre ego, avec le culte destructeur de celui-ci. Le capitalisme dissout les personnalités dans des individus façonnés par la société de consommation, tout en exploitant et en aliénant dans le travail salarié. Le socialisme affirme les personnalités construites dans une société planifiée où l’on comprend que tout est écho, et qu’il faut faire pour le mieux.

Dimitri Mochalsky, Retour de la manifestation

La classe ouvrière représente l’avant-garde au socialisme justement parce qu’elle porte la transformation, la collectivité, que sa situation est irréductiblement opposée à la bourgeoisie. Même au sein de pays capitalistes développés, « riches », la classe ouvrière est placée dans une situation où, si elle se met à réfléchir à partir de son propre point de vue, elle ne peut qu’exiger le changement, la révolution.

Et la révolution, c’est la joie de vivre, dans le collectivisme, qui la porte et qui est, dialectiquement, son objectif. Rendre la vie meilleure, organiser les choses de manière la plus adéquate possible, pour ne léser personne, pour permettre le développement de la vie en elle-même. C’est ce que porte le drapeau rouge, le drapeau de l’universel.


Tatiana Yablonskaya, Le matin

Le socialisme est à la fois une exigence de réalisme, car il faut suivre la réalité, et non pas la détourner, la défigurer par le capitalisme… Et une expression romantique, car ce qui est sous-jacent c’est qu’on ne peut que se sentir pas à sa place, dans le capitalisme.

On rejoint le socialisme par la raison, et par la sensibilité ; on voit que le réel n’est pas celui que présente le capitalisme, et en même temps on a personnellement besoin du socialisme.

La joie de vivre implique le collectivisme, et inversement !

Alexandre Gerasimov, Hymne à Octobre
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Symbolique: la CGT perd EDF

Quel coup de tonnerre ce fut !Le lundi 13 novembre 2023, la CGT s’est fait ravir la première place des organisations syndicales représentatives chez EDF, son bastion parmi les bastions.

Avec 30,31 % des voix, elle est passée derrière la CFE-CGC qui en a recueilli 33,08 %. C’est indéniablement une page de l’Histoire de France qui se tourne, la fin de toute une époque.

En pratique, on peut dire que c’est la CGT qui a fait EDF depuis sa fondation en 1946 par Marcel Paul, et à laquelle était rattachée GDF.

On parle ici de quelque chose de très particulier, une expérience sociale extrêmement puissante. Cela a consisté en deux aspects.

D’abord, sur le lieu de travail, la CGT avait son mot à dire sur toutes les grandes décisions et sur toutes les affaires courantes, à commencer par les embauches. Rien ne pouvait être fait sans la CGT et comme la CGT était partout, c’est en fait elle qui faisait tout.

Chaque travailleur, chaque « électricien » ou « gazier » pouvant très facilement rejoindre la CGT, cela faisait que des ouvriers embauchés très jeunes et sans diplômes pouvaient très rapidement et facilement gravir les échelons (tout en restant ouvrier, d’ailleurs). L’intégration des ouvriers à l’entreprise a donc été immense, voire totale. Bien au-delà du corporatisme d’ailleurs, car il y avait de manière sous-jacente toute une vision de la société et du « service public ».

L’autre chose, c’est le comité d’entreprise, la CCAS. Dès l’origine en 1946, il a été négocié quelque chose de fondamental : la CCAS (Caisse centrale des activités sociales) ne devait pas être financée à hauteur d’1 % de la masse salariale, comme c’est le cas partout ailleurs, mais avec 1 % du chiffre d’affaires. Qui plus est, c’est exclusivement aux représentants du personnel, donc à la CGT, qu’en est revenue la gestion.

On comprend toute de suite la manne que cela a pu représenter durant toute la seconde moitié du 20e siècle. La Caisse centrale d’activités sociales a été extrêmement puissante, proposant un accompagnement social exceptionnel aux travailleurs, en plus de gigantesques services de loisirs et de vacances .

Être ouvrier chez EDF ou GDF, c’était l’assurance de trouver un logement, d’être aidé pour les enfants, en cas de coup dur ou de handicap, de partir à la mer chaque été et d’envoyer les enfants au ski chaque hiver, etc.

C’était des « arbres de Noël » (fêtes de Noël) avec de grands moyens culturels en termes de spectacles et de jolis cadeaux pour les enfants, à choisir dans un large catalogue. Pour ce qui est de la culture, il y avait (il y a encore, d’ailleurs), des œuvres culturelles toute l’année, que ce soit des sorties sportives ou touristiques, ou bien des spectacles. À la fin du 20e siècle, à son apogée, la CCAS était devenue l’un des plus gros programmateur culturel estival de France, avec au moins un spectacle gratuit et de qualité par semaine dans chaque centre de vacances.

Dès 1950, la CCAS accueillait 20 000 jeunes répartis dans 62 colonies de vacances. Dès les années 1970, elle mettait en place les premières expériences d’intégration d’enfants handicapés. Depuis, elle a acquis un savoir-faire important et avec des moyens pour accueillir les enfants et adultes handicapés en vacances.

Au tournant des années 2000, la CCAS était propriétaire de plus de 200 centres de vacances, tous de qualité, dont beaucoup situés dans des endroits parmi les plus prisés de France.

Seulement voilà, cela n’a jamais consisté en le Socialisme et la lutte des classes, mais uniquement en de la cogestion du capitalisme. La CGT à EDF, c’était pour la bourgeoisie française un compromis très intéressant : des miettes en or contre la paix sociale, ainsi qu’une productivité électrique énorme et fiable.

La CGT a en ce sens entièrement et consciemment participé à cette horreur qu’est le nucléaire.

Au 21e siècle, tout cela n’a évidemment plus de sens. Le capitalisme est maintenant à son apogée, la consommation est partout, la classe ouvrière est broyée psychologiquement et éparpillée socialement. La CGT est devenue un boulet au pied d’EDF, elle-même un monstre.

Alors il y a eu la dérégulation du marché, puis l’ouverture aux capitaux privés (puis la re-nationalisation en raison de la crise). Tout ce en quoi la CGT a cru pendant plus de 50 années, ou fait semblant d’y croire pour justifier sa corruption, a fini par s’effriter.

La CGT chez EDF a donc perdu sa raison d’être, malgré un ancrage gigantesque. Les employés, qui sont maintenant surtout des cadres supérieurs et des ingénieurs, ont acté le tournant, en reléguant la CGT derrière la CFE-CGC, le « syndicat » des cadres par nature.

Pour ce qui est des ouvriers restant chez EDF, ils sont surtout chez Enedis (filiale d’EDF) et ont un travail en général très qualifié et bien payé, avec du bon matériel, des bonnes conditions. Ce sont ceux par exemple qui escaladent les pylônes pour rétablir le courant après une tempête.

Ces ouvriers sont bien loin de la CGT et de son style gueulard, merguez-saucisse et sa pratique odieuse des coupures volontaires de courant en cas de protestation.

La CGT chez EDF est maintenant clairement une relique du passé, un passé d’autant plus proche qu’il est fui à tout prix. C’est vraiment un contre-exemple sur le plan moral et culturel, et un véritable exemple de comment le capitalisme a une incroyable force de corruption.

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Le «ticket resto» comme moyen de baisser les salaires

Initialement, les titres restaurant, sont une aide au repas du midi de la part d’entreprises qui ne fournissent pas un service de restauration, mais qui veulent proposer quelque chose aux employés. Il était donc prévu de les dépenser dans un restaurant, ou bien un snack ou une boulangerie, lors d’une pause repas.

Le principe est que l’entreprise paie la plus grosse partie du titre et l’employé n’en paie qu’une petite partie. Ainsi se fait l’aide, mais donc directement pour le repas de la pause lors des jours travaillés. Les « tickets resto » ne peuvent être octroyés que pour les jours effectivement travaillés et avec une pause repas (pas seulement une coupure) ; il n’y a donc pas de titres restaurant délivrés pour les jours de congé ou d’arrêt maladie.

Les restaurateurs ont beaucoup apprécié ce principe. En effet, les détenteurs de ces « tickets resto » y voyaient une sorte de bons gratuit pour le restaurant et se permettaient des repas qu’ils n’auraient pas pris avec leur propre salaire. D’ailleurs, il y avait parfois l’idée de devoir liquider ses « tickets resto » avant qu’ils ne périment, et donc encore plus l’idée d’un repas pas cher, qui n’aurait pas été pris autrement. Cela a largement profité aux petits restaurants surtout, c’est-à-dire des fast-food et autres kebab.

On peut dire déjà qu’à l’origine, ces titres restaurants ont été un cadeau empoisonné, car encourageant la malbouffe.

En raison de la crise et particulièrement de l’inflation, il y a eu toutefois un grand changement. En 2022, une loi a permis l’utilisation de ces titres restaurant pour l’ensemble des courses alimentaires. En fait, il y avait déjà l’habitude prise par certains de payer une partie de ses courses avec ces titres, mais cela pouvait s’avérer très aléatoire en raison du fait que seuls les produits prêts à manger étaient pris en compte.

Avec cette loi, cela devenait beaucoup plus facile et cohérent de se servir de ces titres lors de ses courses, car tout l’alimentaire est devenu directement éligible. Par exemple, le sel et le poivre, l’huile d’olive, le beurre de cacahuète, la farine, etc.

Parallèlement se sont développés les cartes à puce (type carte bancaire) en remplacement des tickets classiques, détachables dans un carnet type chéquier.

Ces derniers avaient en effet le grand inconvénient d’être plafonnés par en haut et par en bas. C’est-à-dire qu’avec un ticket d’une valeur de 9 euros, il fallait forcément avoir une note supérieure, au risque de perdre la différence. Et inversement, il fallait faire le complément directement pour une somme supérieure. Cela était peu pratique à la caisse, alors que cela restait acceptable au restaurant (avec cette idée d’un ticket de réduction).

Avec les cartes de titres restaurant, c’est beaucoup plus simple : le plafond maximal est de 25 euros par jour (sauf jours fériés) et on utilise directement le crédit utile.

Si on fait 14 euros et 22 centimes de courses, on paie directement avec sa carte « tickets resto », et ce sans contact qui plus est. Si l’on fait 74 euros de courses, on paie d’abord 25 euros avec la première carte (sans contact) puis 49 euros avec la carte bancaire habituelle (toujours sans contact). C’est simple et rapide.

Ainsi, les titres restaurant ont largement changé de nature. D’une aide, tel un service concernant les pauses repas au travail, ils sont devenus directement un élément de rémunération.

En 2023, plus de la moitié des sommes titres restaurant sont utilisées ainsi.

La dérogation pour l’éligibilité de l’ensemble des produits alimentaires aux titres restaurant devait prendre fin en janvier 2024, mais cela a été repoussé. Il a donc été officiellement et durablement entériné cette utilisation détournée des titres restaurant, qui va se généraliser.

Maintenant, venons-en à la question des salaires et de leur baisse. C’est très simple : avec une rémunération normale, il y a un salaire dit brut, qui est le vrai salaire, ainsi qu’un salaire net, qui correspond à la somme que l’on reçoit sur son compte en banque.

Avant, jusqu’au début des années 2000 peut-être, les ouvriers et les employés avaient une conscience sociale élevée en France. Ils connaissaient très bien le salaire brut et considéraient que la différence avec leur salaire « net » leur revenait, comme salaire socialisé, différé. Les cotisations et contributions salariales obligatoires étaient considérés comme un acquis et une chose à défendre.

Après les années 2000, le capitalisme s’est tellement développé, il est tellement devenu un rouleau compresseur faisant que tout est marchandise et consommation, que cette conscience du salaire brut a disparu. Seul compte donc le « net », que l’on peut dépenser soi-même en tant que consommateur. Le salaire « brut » est quant à lui considéré comme une chose étrange, à laquelle on ne s’intéresse pas, si ce n’est pour critiquer « l’État » qui « se sert ».

Si on faisait un référendum en 2023 pour demander aux salariés s’ils veulent la disparition du salaire brut en le transformant en net à payer, pratiquement tout le monde serait pour ! Ce serait bien sûr une grande catastrophe sociale, mais personne n’en aurait conscience et il serait très dure de convaincre du contraire.

Eh bien c’est exactement ce qu’il se passe avec les titres restaurant. Puisqu’ils servent maintenant à faire ses courses, il sont devenus directement un élément de rémunération. Et c’est une rémunération brute, sans cotisation sociale ni prélevèrent obligatoire.

Il ne faut pas regarder que du côté du salarié. Pour l’employeur également, cela change la donne : il y a des charges à payer à côté d’un salaire brut, pas pour des titres restaurant (ou très peu) !

On ne parle pas ici de sommes anecdotiques, mais de 150 euros à 250 euros par mois. C’est extrêmement conséquent dans la rémunération.

Les titres restaurants sont donc du salaire défiscalisé, échappant largement aux cotisations sociales. C’est un moyen pour le capitalisme de baisser directement les salaires (en n’augmentant pas suffisamment en raison de l’inflation) tout en le cachant à court terme avec une rémunération nette qui semble faire l’affaire.

Même s’ils ne servent plus à aller au kebab ou au tacos, c’est encore un cadeau empoisonné !

Ainsi, les titres restaurants sont un moyen de la grande restructuration économique dans le cadre de la crise du capitalisme. Il s’agit d’augmenter la pression sur les ouvriers et les employés, pour garantir les bénéfices capitalistes ; la baisse des salaires est une forme incontournable de cette pression.

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La révolution sera t-elle une prise de conscience?

Quand on bascule dans le camp de la Révolution, on pense souvent deux choses. On se dit ou bien que les gens ne savent pas, ou bien qu’ils ne comprennent pas les enjeux du monde. Il s’agirait alors de « faire prendre conscience » sur tel ou tel évènement, telle ou telle problématique, etc.

Hier, alors que la grande masse des paysans ne savaient pratiquement ni lire, ni écrire, l’enjeu était bien de briser cette arriération pour mieux casser la dépendance au curé ou au notable. Il fallait en « prendre conscience » et quoi plus de simple quand la vie quotidienne était elle-même si pénible, si difficile ? En même temps, les difficultés de la vie, l’analphabétisme rendaient la tâche malaisée.

Aujourd’hui, il y a un fait inverse et tout à fait palpable : il n’y jamais eu autant peu de gens analphabètes dans le monde et pourtant les mouvements révolutionnaires n’ont jamais été aussi faibles. Alors qu’on comptait environ 12 % de personnes alphabétisées dans le monde en 1820, il y en a 87 % en 2021.

Il s’agit donc de réfléchir en sens inverse : et si les gens savaient ? Et si les gens avaient finalement compris les choses, au moins dans leur globalité ? Question inconfortable car cela place l’idée du « militant » dans un désert politique.

Évidemment, l’aliénation produit par le quotidien capitaliste ne permet pas de comprendre réellement les choses pour tout un chacun. Mais dans la société de consommation développée, il est évident que l’aliénation, c’est la « conscience » de ne pas vouloir comprendre et non plus simplement la seule dépossession de soi.

Ou plutôt : la dépossession de soi a atteint un tel niveau, une telle profondeur que tout processus conscient est lui-même subsumé par la marchandisation.

En réalité, cela montre que les choses avancent toujours plus vers la Révolution, car ce sont tous les espaces de la vie qu’il va s’agir de transformer.

Il faut bien voir que la majorité des expériences socialistes au siècle dernier ont eu lieu dans des pays arriérés, en majorité composés de paysans liés en grande partie à un quotidien répétitif basé en partie sur l’auto-suffisance.

La révolution se devait de passer par l’objectif socialiste du fait que la classe ouvrière était la seule classe sociale en mesure de porter le processus de formation nationale extirpé de son enveloppe féodale. L’enjeu prioritaire était la lutte contre le poids du féodalisme et, dans une perspective résolument démocratique, l’élévation du niveau d’éducation.

Forcément dans un tel schéma de vie, la révolution ne pouvait que passer par le stade d’une « prise de conscience » : il faut bien savoir pourquoi l’on se bat, au-delà même du fait d’améliorer son immédiat quotidien. Et quand il est parlé de savoir les choses, on parle de comprendre l’Histoire et ses modalités, d’appréhender sa dynamique et ses protagonistes, de se penser soi-même protagoniste etc.

Cela était encore vrai dans des pays comme la France de 1871. Raison pour laquelle Karl Marx a dit que les insurgés de la Commune de Paris « partaient à l’assaut du ciel ». La métaphore n’est pas que littéraire, elle représentait un cheminement historique évident, avec une classe ouvrière en cours de formation et péniblement émancipée d’une paysannerie rivée à la vie quotidienne d’ancien régime.

Il a fallu encore plusieurs décennies à la bourgeoisie française pour élever le niveau culturel de la paysannerie française et finir par l’arrimer à sa République. La voie socialiste de cette étape ayant échoué avec la faillite des héritiers de la Commune de Paris qui refusèrent le marxisme au profit de bricolages idéologiques.

Toujours est-il que le drapeau rouge, le marteau et la faucille, l’Internationale étaient autant de symboles qui illustraient l’idée que la révolution, c’était un peuple faisant l’Histoire en connaissance de cause. Aller parler de cela à un ouvrier aujourd’hui, il pourra trouver cela intéressant, mais espérer que cela le raccorde au fil historique de la lutte des classes est voué à l’échec.

Évidemment, tout cela est fort différent pour les pays du tiers-monde, où la question nationale encore non résolue rend nécessaire la prise de conscience d’un fil historique perdu… Comment par exemple régler la question ukrainienne sans passer par la connaissance du processus historique de formation de sa nation ? Tout comme la libération nationale palestinienne ne peut faire l’économie d’une prise de conscience de la trajectoire historique des peuples et nations constituées dans cette zone géographique, pour ne prendre que des exemples actuels.

Dans les nations riches constituées de longue date par contre, le capitalisme ce sont des ouvriers maniant des machines et procédures toujours plus complexes, des employés de service utilisant des réseaux informatiques sophistiqués, tout cela dans un mode de vie confortable exigeant donc des niveaux de connaissances et d’analyse plus qu’élevés.

De fait, ce sont des des gens épuisés par une vie quotidienne rythmée par les impératifs marchands d’un capitalisme pleinement développé à tous les niveaux de la vie.

Ce n’est donc pas que les gens ne veulent pas savoir, c’est qu’ils ne peuvent pas vouloir savoir les choses, bien qu’ils aient des dispositions cognitives plus importantes que le paysan du XIXe ou l’ouvrier des années 1920.

On ne peut être un protagoniste conscient dans telles conditions historiques. La révolution intervient alors dans un contexte de fatigue morale et psychique mais avec des capacités cognitives plus qu’approfondies.

Cette contradiction ne peut qu’impliquer des décrochages subjectifs sans « prise de conscience » vers l’engagement révolutionnaire mais dans une quête révolutionnaire en négatif, dont le carburant n’est rien d’autre que le crash généralisé de l’ancien monde.

Et c’est une réflexion incontournable à ce sujet dont nous avons besoin, aussi.

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GPA: ce lien mère-enfant qui est nié

Un sondage IFOP de 2022 établit que soit-disant 75% des Français sont pour le principe de la gestation pour autrui (GPA). C’est-à-dire qu’ils adhèreraient au fait qu’on puisse réquisitionner le corps d’une femme, contre rémunération (ou non), pour en obtenir un enfant, à l’aide d’un contrat.

Dans le Droit bourgeois, le droit individuel est à peu près au dessus de tout, c’est un prétendu consentement éclairé, c’est comme ça que sont présentées les choses aux gens.

Et surtout, pour arriver à ce résultat c’est la souffrance de la séparation mère-enfant qui est masquée. Les gens qui ont intérêt à ce que la gestation pour autrui se répande se cachent derrière la notion de contrat et de consentement.

Si la mère porteuse a bien compris que l’enfant n’est pas pour elle, alors c’est bon, il n’y aura pas de souffrance. Et puis selon les acteurs du secteur, si les ovules de la mère porteuse ne sont pas utilisés alors il y a moins de risque qu’un lien puisse se créer.

C’est faire preuve ici de beaucoup de mauvaise foi, il est clair qu’il y a un lien qui est tissé durant la grossesse, par huit à neuf mois d’échanges organiques et sensoriels. C’est cette réalité qui rattrape beaucoup de mères porteuses, qu’elles soient soi-disant « altruistes » ou motivées par des raisons financières, au moment où le lien est rompu avec la séparation juste après la naissance.

C’est ce lien rompu que propose d’exposer le livre Broken Bounds : Surrogate Mothers Speak Out (« Liens brisés : les mères porteuses s’expriment »), à travers des témoignages de mères porteuses de différents pays. Un ouvrage n’ayant eu malheureusement presque aucun écho donc n’existant qu’en anglais.

Il y est notamment souligné en introduction que lorsqu’il s’agit de la plupart des animaux on fait très attention de ne pas séparer des petits de leur mère avant le sevrage car cela crée des troubles, ou si on tue une mère ayant des petits, cela choque.

« En science animale, la séparation maternelle est considérée comme l’une des expériences négatives précoces les plus stressantes de la vie d’un animal (Récamier-Carballo et al., 2017). »

Klein, Renate. Broken Bonds : Surrogate Mothers Speak Out (édition anglaise) (p. 10). Spinifex Press.

Une compréhension et une compassion qui s’arrête malheureusement ou commence le calvaire des animaux d’élevage destinés à l’industrie alimentaire, ou de l’habillement ou encore des cibles vivantes de chasse.

Bref, là où il existe une industrie, il existe un discours visant à présenter les choses sous un jour attrayant et propre, comme dit plus haut au sujet de la GPA.

La grossesse est un processus biologique complexe, indépendamment de la question de l’origine des gamètes. Si la grossesse fonctionne, c’est bien que l’organisme féminin fait comme si c’était une fécondation naturelle.

Il y a un lien dialectique qui se forme entre deux êtres et non pas un lien unilatéral de la mère à l’enfant qui serait artificiellement évitable. Au contraire on est à la source de la vie et les choses sont faites pour que cette dernière triomphe.

La grossesse prépare une relation autant qu’elle « fabrique » un enfant.

Pour la mère c’est une préparation à accueillir un être dont elle a entendu et vu le cœur durant les échographies, dont elle a porté le poids et senti les mouvements. Même si l’attachement se construit encore après la naissance, la naissance n’est qu’un saut qualitatif dans un processus ou la grossesse et la vie de l’enfant forment une continuité organique.

Qu’on le veuille ou non le moment de la séparation est donc difficile non seulement pour la femme connaissant tous les inconvénients du post-partum, sans ses joies, mais aussi pour l’enfant.

Pour le nourrisson, le lien se matérialise très concrètement par le fait de retrouver l’odeur du liquide amniotique sur le sein de sa mère, de reconnaître sa voix et celle de ses proches, entendues pendant neuf mois, les battements du cœur maternel. Toutes ces choses sont impossibles à reproduire artificiellement, car ce que vivent mère et enfant est une synchronie physiologique, hormonale et sensorielle.

La rupture de ce lien est une immense perte de repère pour le nouveau né et est très traumatisante. Un stress précoce qui peut expliquer des troubles anxieux et dépressif chez l’adulte, ainsi que des tendances addictives.

Là où cela arrive par défaut, en raison d’une naissance prématurée, un problème de santé grave chez le nourrisson ou la mère, d’un abandon pour X raison dramatique, la GPA vient le provoquer sciemment.

La GPA contient donc une rupture physiologique et psychologique chez les femmes exploitées et les enfants qui en sont le produit pour satisfaire une vision égoïste de la reproduction.

Pour promouvoir la gestation pour autrui auprès de potentielles mères porteuses il est joué sur l’empathie et l’altruisme des femmes. Une véritable instrumentalisation ne manquant pas d’hypocrisie, comme ci-dessous, où l’on laisse penser que le fait d’être mère porteuse a quelque chose à voir avec le fait d’être mère (le texte dis « tu aimes être mère ? As-tu pensé à devenir mère porteuse »).

Le décalage entre comment la GPA est montrée comme « altruiste », une « expérience humaine unique » et la froideur de la réalité du rapport marchand est une notion qui revient dans de nombreux témoignages de mères porteuses des pays occidentaux où la GPA est autorisée.

La gestation pour autrui est une pratique moche qui ne devrait même pas être une option. L’envie de parentalité doit être reconnue comme une chose sociale et non pas individuelle.

La reproduction est la base du renouvellement de la société humaine, mais elle n’est pas la seule manière de préparer le futur. S’impliquer en adoptant ou en tant que famille d’accueil sont par exemple des manières très louables de faire partie de ce processus inexorable.

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Érosion de cadres dirigeants, délitement de la société civile

C’est un fait frappant : il n’y a plus de cadres dirigeants. Il y a toujours des gens qui dirigent, mais la présence de dirigeants qui savent où ils sont et surtout où ils vont est au point mort.

Objectivement chacun est à sa place, se pense dans sa bonne position, et cela se suffit à lui-même.

Or, un cadre c’est précisément une personne qui ne se contente pas d’un simple fait – « être là » – mais quelqu’un qui impulse, oriente, décide. Et pour cela il lui faut une capacité d’analyse et d’anticipation, pour ne pas dire de planification.

Mais évidemment, cela postule qu’il faut savoir s’engager. Être un cadre dirigeant, c’est savoir s’engager au présent pour mieux planifier les choses de l’avenir du fait d’une capacité d’analyse des tendances. Cela vaut pour n’importe quelle activité, aussi bien sportive que culturelle, politique qu’économique.

Aujourd’hui il apparaît très nettement que l’engagement est réduit au néant. De fait, les dirigeants encadrent plus qu’ils ne dirigent. La société de consommation a tellement tout englouti que les choses roulent par elles-mêmes sans que les cadres prennent la peine d’orienter quoi que ce soit.

Il n’y a pas un étage de la société qui ne vit pas cet affaiblissement des cadres dirigeants, notamment intermédiaires. Les associations sont, de manière générale, en déliquescence, minées par le manque de bénévoles. Les établissements scolaires manquent cruellement de professeurs. La fonction publique n’attire plus grand monde, les entreprises ont des gestionnaires plus que des dirigeants. Même l’armée s’alarme de l’érosion de ses cadres qui partent aussi tôt qu’ils sont arrivés.

Au centre de cette érosion, il faut remarquer l’affaiblissement de l’engagement associatif tant il a été à la base des prétentions de la bourgeoisie en matière de direction de la société. L’associatif a toujours été le corollaire de deux autres dispositifs institutionnels : l’école et la mairie.

Grosso modo, l’idéal de la citoyenneté bourgeoise c’est un processus de socialisation culturelle qui passe par l’acquisition d’une raison et d’un « libre-arbitre » à l’école. Cette formation d’un tel individu doit ensuite se concrétiser par une participation sur la scène municipale, l’engagement associatif formant un canevas essentiel au dispositif.

Lorsque la bourgeoisie française atteint son apogée, quelque part entre 1848 et 1910, elle le doit principalement à un engagement pratique au sein des communes et/ou des associations (héritières des clubs). C’est cet engagement qui a toujours généré des cadres dirigeants, non pas simplement de tel ou tel secteur administratif ou économique, mais bien de la société toute entière.

L’érosion de l’engagement dans ces espaces hante la bourgeoisie, car à l’arrière-plan ce n’est pas seulement un affaiblissement de son appareil d’État qui se produit, mais la dégradation de sa légitimité historique à gouverner, et surtout à diriger. Car à l’inverse de la société féodale, la légitimité à diriger dans la société bourgeoisie est due à sa capacité à faire sortir de toutes les couches sociales des dirigeants placés sous son hégémonie.

Dans les années 1990-2000, la bourgeoisie a eu le vain espoir que les lois de décentralisation de 1982 à 1986 favorisent la relance de tout son dispositif idéologique et culturel. Le département, la région, pour ne pas dire « le pays » seraient les futurs espaces de formation des cadres dirigeants.

L’idéal de la « démocratie participative » si répandue dans la période 2005-2015 a été la dernière tentative de réactivation de la légitimité historique de la bourgeoisie. On touchait déjà la fin : le maire, le président de département et/ou de région se devait de générer des espaces pour produire de la « citoyenneté ». C’était peine perdue.

La pandémie de COVID-19 apparaît historiquement comme un coup de massue portée sur les dernières tentatives de la bourgeoisie de réactiver sa légitimité à diriger la société. Plus rien ne tient : les espaces pratiques pour générer des cadres dirigeants se sont étiolés et ne vont manquer de se dégrader encore et encore.

Pire encore : avec l’effritement de la société civile, illustrée par les taux d’abstention si élevés, notamment lors des élections municipales et législatives, et la chute du bénévolat associatif, la bourgeoisie perd un des principaux liens organiques avec la société. Un maire, un préfet a besoin d’une vitalité civile pour s’orienter : il faut pouvoir aller sereinement à telle ou telle soirée associative pour se légitimer et parfaire sa vision des choses. C’en est fini, ou se maintient de manière fictive.

C’est la continuité organisationnelle de la bourgeoisie qui est ainsi atteinte en son cœur. D’où d’ailleurs la nécessité de raisonner en termes de prolétariat/bourgeoisie, comme forces et pôles historiques, et non pas dans les termes syndicalistes d’ouvriers/patrons, salariés/capitalistes.

Notons justement que cet assèchement donne régulièrement lieu à des débats autour du thème de la déconnexion entre les « élites » et le « peuple ». Il faut ici pointer les erreurs du populisme car si les prétentions dirigeantes de la bourgeoisie s’effondrent, c’est bien parce qu’elle est minée par les contradictions de sa propre société, devenue simple société de consommation.

Une société ne flotte pas en l’air, elle produit des comportements, des mentalités répandus dans le peuple lui-même. Dans les faits, les gens se moquent d’être impliqués dans la société civile tout à la fois par distance avec la bourgeoisie et par aliénation dans la passivité consommatrice.

La passivité reste l’élément prépondérant, car sinon il y aurait un engagement antagoniste sur la base d’une citoyenneté nouvelle, socialiste. Or, la déliquescence de la capacité dirigeante de la bourgeoisie ne va pas mécaniquement de pair avec l’éclosion de dirigeants socialistes issus du prolétariat. C’est ce qui explique la faiblesse de la Gauche historique.

C’est la grande différence entre la révolution telle qu’elle se déroulera au XXIe siècle et telle qu’elle a pris forme au XXe siècle avec une classe ouvrière née sur le terrain de la revendication de l’idéal bourgeois pour mieux le dépasser avec l’expérience communarde, soviétique.

Et cela pose une problématique centrale pour les révolutionnaires de ce siècle : quelle sera la nature du processus révolutionnaire ? La révolution sera t-elle un « assaut du ciel » avec des gens conscients de leur engagement de part un héritage historique ou bien sera-t-elle une réorganisation antagoniste, brouillonne dans le jeu immédiat des contradictions ?

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L’inflation comme moyen de pression capitaliste

La grande actualité économique de l’année 2023 est évidemment l’inflation. Celle-ci est gigantesque, particulièrement si l’on regarde en détail les postes de dépenses majeurs des familles : logement, énergie, alimentation, carburant.

L’indice des prix à la consommation de l’INSEE en France donne environ 5 % d’inflation sur un an en septembre 2023. Mais ces chiffres sont donnés de manière statistique et pondérée, en incluant une grande variété de choses. Cela ne donne qu’une idée vague de la réalité et cela minimise en général la pression financière réelle pour les familles les plus modestes, et même celles au niveau de vie moyen.

Il faut donc regarder plus en détail pour voir apparaître la réalité. Celle-ci est brutale, marquant un changement évidemment d’époque et de situation.

En septembre 2023, les prix des produits de grande consommation vendus dans la grande distribution augmentent de 10,2 % sur un an. C’est une pression constante : +14,6 % en mai, +10,9 % en août, +12,5 % en juillet, +13,8 % en juin…

En considérant l’ensemble des points de vente (pas uniquement la grande distribution), les prix des produits de grande consommation en septembre 2023 sont en hausse de 10,3 % sur un an, après +11,2 % en août.

En ce qui concerne les loyers pour le logement, les augmentations sont plafonnées par la loi à 3,5 % (ce qui est déjà beaucoup) ; sans ça, ce serait la catastrophe pour les locataires. Dans une ville comme Paris, un ouvrier ne peut tout simplement pas se loger, à moins d’accéder à un HLM.

Il en est de même pour le carburant, dont l’augmentation à été plafonnée par l’État en dessous des deux euros par litre, pour éviter des envolées stratosphériques, qui se produiront quand même à un moment.

En ce qui concerne l’électricité (la plupart des familles en France se chauffent et chauffent leur eau chaude à l’électricité), la facture va être salée pour l’hiver : les prix ont augmenté de 10 % en août 2023.

Mais pour les familles qui se chauffent au gaz, la situation n’est pas meilleure : l’augmentation est de 15 %, et encore cela est-il freiné par l’État.

Il est souvent expliqué que tout cela est la faute des Russes avec la guerre en Ukraine, ou encore de la pandémie de Covid-19. En réalité, ce sont les grandes entreprises, qui sont des conglomérats monopolisant leur secteur d’activité, qui mettent une pression gigantesque sur les prix.

Il y a une pression pour maintenir ou développer des marges immenses et garantir un niveau de vie très élevé à toute une armée de cadres dirigeants. On parle ici de millions de gens vivant dans des grandes appartements et des grandes maisons, roulant dans de grosses voitures, dépensant sans compter dans le luxe, les restaurants, les voyages, etc.

Il ne s’agit pas ici de faire dans la caricature et le populisme anti-riche de bas étage, mais bien de décrire la réalité. C’est de cela qu’il s’agit : la pression sur les prix pour les familles est inversement la possibilité de revenus immenses pour tout un tas de gens déjà riches.

Pour comprendre les choses plus en détail, on peut aller lire du côté des communistes du PCF (mlm) une analyse poussée et scientifique de la question, avec la nouvelle série d’articles « Karl Marx et l’inflation ». Il est expliqué comment les monopoles exercent et maintiennent une pression artificielle sur les prix.

« L’exemple le plus fameux de hausse artificielle est naturellement Apple, dont les produits voient leur prix ne cesser de croître, sous prétexte d’améliorations plus ou moins fictives. L’inflation s’appuie clairement sur un marché captif et la mode sert de masque pour un « progrès » provoqué artificiellement.

Ce phénomène est présenté par certains philosophes, dont Martin Heidegger est le plus connu, comme une conquête du monde par la technique. La technique envahirait la société humaine et la déformerait. En réalité, c’est l’idéologie de la technique qui est à l’œuvre, avec des modifications artificielles ou relevant de la mode pour « justifier » une inflation.

Et il y a une dimension commerciale dans la démarche qui consiste très clairement en une régression. Ce jeu sur la hausse des prix reflète une tendance au monopole associé à une logique commerciale, ce dont tout le monde s’aperçoit bien – et cela montre que d’un côté on est arrivé au monopole, et qu’en même temps le capitalisme ramène en arrière, à une logique féodale d’arrachage forcé.

Le capitalisme est mûr pour l’effondrement, à un tel stade. »

En 2023, les Français sont loin d’être pauvres. Ils ont une marge gigantesque avant de se soucier réellement de devoir se nourrir et se chauffer. Il n’en reste pas moins que le niveau de vie baisse et va baisser drastiquement. La grande promesse capitaliste de la consommation à outrance pour tous s’effrite très clairement.

On ne va pas regretter le vieux monde. Qu’il s’effondre ! Tant mieux ! Mais soyons clairs : ce sont les prolétaires ayant cru en les mirages capitalistes, avec leur pavillon de banlieue (ou de campagne devenue banlieue), leur deux voire trois voitures par foyer… qui vont payer l’addition. Et plus ils seront dans l’amertume, pour ils se tourneront vers le nationalisme et les fausses promesses populistes (de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen), et moins ils s’en sortiront.

C’est tout qui est à revoir, et pas seulement les salaires pour compenser l’inflation. Il faut chambouler la vie quotidienne, il faut renverser les grands monopoles du capitalisme. Pour cela, il faut des mentalités nouvelles, assumant ouvertement le Socialisme. Et c’est historiquement inévitable !

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La vraie question: la révolution sera-t-elle passive?

En apparence, demander si une révolution peut être passive n’a aucun sens. Une révolution, c’est l’irruption de forces armées prenant le pouvoir et modifiant le cours des choses. Il n’y a rien de plus actif. L’opposition entre socialistes et communistes, au début du 20e siècle, reposait sur la question de la dimension de ce côté actif. Les socialistes, quasiment tout le temps opportunistes en tout cas pour les cadres, prévoyaient une action peu active et à long terme, alors que les communistes étaient pour se précipiter, parfois trop et trop souvent.

Le problème est qu’alors que se termine le premier quart du 21e siècle, on ne voit des gens « actifs » nulle part. Jamais dans le monde le nombre de révolutionnaires n’a été aussi faible. Et leur dimension marginale sur le plan des idées et de la culture est parallèle à ce nombre si faible. Si l’on prend les soixante dernières années, il n’y aura jamais eu aussi peu de guérilla de gauche dans les pays du tiers-monde (ou même dans les pays « développés »), aussi peu d’organisations révolutionnaires de gauche dans le monde en général, aussi peu de contestations lancées par des révolutionnaires.

Ce qui existe par contre, c’est un syndicalisme, d’une part, afin de préserver ou conquérir des acquis parce qu’il faut bien vivre. Et, de l’autre, un populisme qui passe par les réseaux sociaux, par le militantisme étudiant, par les discours LGBT et l’écriture inclusive. La théorie, c’est que si on parvient à mobiliser un petit pourcentage de gens, l’opinion publique bascule. Ce qui compte donc, c’est le « réseau », comme le dit Jean-Luc Mélenchon de La France insoumise le 5 octobre 2023 : « l’agora moderne, la place centrale moderne, c’est le réseau ».

Nous avons concrètement un monde de gens passifs faisant semblant d’aller bien et une poignée d’agités emplissant les réseaux sociaux et des partis politiques ou des mouvements contestataires avec très peu d’adhérents ou de participants.

Le 21e siècle est pourtant plein de défis et la révolution apparaît comme inéluctable. Doit-on alors s’imaginer que les gens vont reformer des organisations de gauche, de vastes mouvements, bien structurés, bien solides ? En admettant même que ce soit possible, il est évident qu’il n’y a de toutes façons pas le temps, ni l’énergie psychique.

Même une structure politique qui racolerait sans commune mesure (et il y a en a toujours, dans chaque pays, au moins une ou deux) se retrouverait avec des gens sans envergure, ne faisant que passer. Les gens veulent bien passer dans quelque chose, mais certainement pas y rester, et plus on augmente le niveau culturel, intellectuel, historique… plus on perd tout le monde.

Vous voyez-vous aller vers un travailleur français et lui expliquer qu’il faut une révolution bien organisée touchant les domaines de l’économie, de la politique, du social, de la psychologie, des arts, de l’écologie, du rapport aux animaux, du rapport hommes-femmes, du rapport au tiers-monde, etc. ? C’est tout simplement invraisemblable, il va vous regarder avec de gros yeux ou dire que, même si c’était souhaitable, ce n’est pas prêt d’arriver.

Le bonheur ? Un luxe. Déjà on tient, c’est déjà pas mal.

C’est en sens que la question de la dimension passive de la révolution est à saisir. Déjà, dialectiquement, il n’y a pas d’actif sans passif. Croire que les gens vont être H24 en mode contestataire, inépuisable, et ce pendant… une année, deux années, cinq années, c’est ne pas être réaliste. Il y a une dynamique actif-passif : à certains moments les gens sont actifs, à d’autres ils ne le sont pas.

D’ailleurs, voulez-vous une preuve à l’intérêt de cet article ? Eh bien voyez comment la dimension passive est déjà présente. Allez dans une grande librairie au rayon « développement personnel », comme « Les quatre accords toltèques », un bestseller. Regardez ce qui y est raconté. Vous trouverez pratiquement le même discours que la « gauche » postmoderne, les zadistes, les zapatistes, les Kurdes, La France insoumise, les anarchistes, EELV, les bobos…

Le discours qui est proposé ici, c’est que la révolution est uniquement « en soi » ou qu’elle est déjà réalisée (avec les Kurdes, les Zapatistes…) ou bien pas nécessaire (avec la « gauche » postmoderne). Ce qui compte c’est par conséquent un épanouissement subjectiviste toujours individuel, une « paix intérieure » et un rapport différent aux autres. C’est de la fiction, car il n’y a aucune analyse scientifique de rien. Mais on se sent subversif en écrivant des mots spirituels sur les murs des toilettes des bars bobos au look délabré chic.

Tout cela, c’est une vaste occupation du terrain « passif » à travers une pseudo bienveillance, dont l’idéologie LGBT est le fer de lance. C’est la niaiserie amicale, masque des rapports ultra-individualistes consuméristes. « Oh, I love you so much » dit le capitaliste américain à sa prochaine victime.

Tout cela pour dire que la révolution n’aura pas forcément lieu là où on le pense. Il ne faut pas regarder uniquement ce que font les gens, ni même ce qu’ils ne font pas. Il faut regarder là où ils placent leur énergie psychique, là où ils ne la placent pas. C’est ce que font d’ailleurs les préfets. En France, un préfet a comme tâche surtout de surveiller les tendances et de voir s’il n’y a pas une partie de la population qui se prend d’engouement dans telle ou telle direction. Si c’est vain, l’État le tolère, sinon il réprime, et dans tous les cas il surveille.

C’est cet engouement qui passe les mailles du filet du 24 heures sur 24 du capitalisme qui doit être notre boussole. C’est quelque chose de passif et d’actif, et c’est seulement ça qui peut avoir un sens. Tout ce qui est lié aux institutions est cuit, carbonisé. Tout ce qui s’insère « activement » dans la société, les gens n’y croient plus et sont trop individualisés.

Il est toujours dit qu’après la révolution, il y a aura un bouleversement culturel, on changerait les mentalités, il se passerait une « révolution culturelle » comme l’ont appelé les Chinois. En fait, elle va désormais avoir lieu avant, dans des mouvements de rupture, qui peuvent être contradictoires.

On peut avoir une révolution avec des prolétaires urbains exigeant d’accéder aux marques de mode de valeur… et des prolétaires loin de la métropole qui méprisent cette course pour eux à l’éphémère. Les uns peuvent-ils être appelés actifs, les autres passifs ? Non, bien entendu, il y a une dialectique dans tout ça.

Ce qui compte, c’est de voir que la recomposition du prolétariat dans le capitalisme français qui se déclasse ne prendra pas une forme « syndicale », « populiste », mais se déroulera en autonomie avec les institutions et les vieux styles de travail. Le prolétariat va se recomposer en se détachant du capitalisme… il le fera activement et passivement. Perdre l’un des deux côtés, c’est rater ce qui va se passer et se passe déjà !

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La crise occupe tous les intervalles

Il existe une expression française qui dit qu’on doit boire le calice jusqu’à la lie. Le calice, c’est le petit vase où l’on boit le vin dans la messe chrétienne ; la lie c’est un dépôt qui se forme au fond d’un liquide fermenté. L’expression dit que quand on affronte quelque chose de compliqué, il faut en subir tous les aspects, y compris le pire et jusqu’au bout.

Cette expression prend tout son sens avec le capitalisme qui s’effondre. S’il s’effondre, c’est qu’il s’est développé. S’il s’est développé, c’est qu’il s’effondre à tous les niveaux qu’il a développé. C’est implacable. En traduit en langage commun, cela veut dire que tant que monsieur X pourra continuer d’acheter des vélos de course, madame Y de partir en République Dominicaine pour les vacances, monsieur Z de s’installer dans un cocon péri-urbain avec madame Z, tant que le jeune U pourra continuer de jouer aux jeux vidéos comme un damné, que la jeune W pourra regarder des courtes vidéos et des séries à l’infini…

Eh bien, tous ces gens seront paralysés, épuisés psychiquement et ne parviendront pas à basculer, même pas la Révolution, mais ne serait-ce que la lutte des classes. Pourquoi en effet engager sa vie en tant que telle et remettre en cause tous les aspects de la vie dans le capitalisme s’il y a une porte de sortie? Pourquoi passer pour un bizarre, en rupture, alors que tout le monde dispose d’une manière ou d’une autre d’une porte de sortie individuelle?

Vu de 2050, la pandémie de 2020 apparaîtra forcément comme une période où l’humanité a raté sa prise de conscience. Cette prise de conscience était impossible, évidemment : une humanité qui avait développé depuis 1990 les forces productives comme jamais n’allait pas abandonner du jour au lendemain son style de vie consumériste. D’une part, parce que les gens dans les pays riches ne le voulaient pas, d’autre part, parce que les gens du tiers-monde ne le pouvaient pas.

Jusque les années 1990, faire la révolution dans le tiers-monde (voire tout court), c’était surtout organiser des paysans illettrés pour qu’ils se soulèvent par les armes. Aujourd’hui, ces mêmes paysans n’en sont plus vraiment, s’ils le sont restés ils dépendent d’une agro-industrie capitaliste bureaucratisée et monopoliste… et ils ont des smartphones.

La pandémie ne pouvait donc pas pousser les gens du tiers-monde à la révolution, quant aux gens au chaud dans les pays les plus riches, ils étaient corrompus de toutes façons. Et maintenant que tout tombe, il faut attendre que vraiment tout tombe, avant qu’ils soient en mesure de se remettre en cause. Être en mesure seulement, car il faudra se débarrasser des illusions, du style de vie passé…

Autant dire que lorsque les choses vont se lancer vraiment, cela n’aura rien à voir avec aujourd’hui. La rupture va être complète. Heureusement d’ailleurs, sinon ce ne serait pas une révolution. Une révolution, c’est… une révolution, c’est le renversement des valeurs, la systématisation d’une autre vision du monde, dans tous les domaines. Sinon, c’est une réforme, d’importance plus ou moins significative.

Il faut donc, suivant cette équivalence dialectique, que le niveau soit à zéro pour que tout soit possible. Tant que le capitalisme façonne les esprits, la révolution est impossible. Lorsqu’il les a façonnés, il a triomphé… mais il s’est épuisé en même temps. Donc tout s’efface et la révolution est possible.

Il suffit de regarder les bourgeois. Ceux des années 1980 étaient cultivés et carrés dans leurs méthodes, ils avaient une véritable vision du monde, ils étaient pleins d’assurance et de maîtrise. Les bourgeois depuis 2020 sont passifs, décadents, vantards et opportunistes. C’est une classe en perdition.

Naturellement, cela entraîne aussi le peuple vers le bas. Les syndicalistes sont l’expression de cette tendance au beauf. Depuis quand les ouvriers n’ont-ils pas assumé le socialisme? Tellement de décennies… Cela laisse des traces. Le changement de mentalités va être rude!

Agauche.org parle de culture et des animaux, cela ne plaît pas au PRCF qui se comporte tel le PCF en 1968 avec la dénonciation alors du « Juif allemand Cohn-Bendit » et des « pro-chinois »

La crise du capitalisme fait de toutes façons le travail que ne font pas les partisans du Socialisme. C’est bien plus douloureux, bien sûr, cela ajoute des détours. Cela allonge le parcours de l’humanité du capitalisme au Socialisme. C’est dommage. Mais cela ne change rien au caractère inévitable de la révolution qui s’annonce. Le capitalisme ne peut plus rien faire tenir debout et chaque intervalle sociale qui se maintient encore tant bien que mal est ébranlé.

Quel dommage que chaque intervalle doit être comblée. Il en est ainsi pourtant. Et c’est aussi le garant que la Révolution sera vraiment complète.

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Rapport entre les classes

La France bientôt en faillite

L’heure est particulièrement grave pour les finances françaises, malgré l’incroyable silence médiatique. Non seulement la dette publique est abyssale (3 000 milliards d’euros au 31 mars 2023, selon l’Insee), non seulement la France produit moins de richesses que ce qu’elle doit à ses créanciers (la dette représente 112,5 % du PIB), mais en plus la France va avoir de plus en plus de mal à emprunter de l’argent pour faire face à ses dépenses.

Plus précisément, emprunter de l’argent coûte de plus en plus cher à l’État français. On parle de taux d’intérêt, dont la référence est l’obligation (OAT) à 10 ans (l’État emprunte une somme qu’il doit rembourser dans 10 ans). Jusque récemment, encore en 2021, il était systématiquement mis en avant des taux d’intérêt négatifs (une bizarrerie technique du système financier moderne) pour justifier tout et n’importe quoi. C’est maintenant de l’histoire ancienne.

En septembre 2023, le taux d’intérêt des obligations de l’État français à dix ans est de 3,3%, alors qu’il était de – 0,4% en janvier 2021. En deux ans et demi, cela fait une augmentation de 3,7 points. C’est littéralement un krach qui se dessine sous nos yeux. Il ne faudrait surtout pas s’imaginer pouvoir se rassurer en comparant avec les taux d’intérêt au 20e siècle (qui étaient plus élevés) : à l’époque, la France (et le capitalisme en général) ne vivait pas autant à crédit. La France n’a jamais été aussi dépendante que maintenant des marchés financiers.

Cela d’autant plus que la France n’est pas seule : elle est empêtrée dans la zone euro avec certains voisins tout aussi en difficulté, notamment en Italie, où le taux d’intérêt à 10 ans est de 4,5 %. Même en Allemagne, dont les comptes publics sont bien plus stables (et positifs), l’heure n’est plus à la fête au crédit. Finis les taux d’intérêt négatifs, l’Allemagne emprunte maintenant à 10 ans à 2,75 %.

Il faut bien se souvenir qu’il y a encore quelques mois, il a été rabâché qu’il n’y avait pas de crise, que les dettes des États européens n’étaient pas un problème, que ceux-ci étaient suffisaient solides pour emprunter de l’argent indéfiniment, et que d’ailleurs emprunter de l’argent ne leur coûtait rien. Mensonge !

La situation ne va faire que s’aggraver durant les prochains mois. L’inflation, qui plombe littéralement le capitalisme, est immense : proche de 6 % en France (et encore plus si l’on regarde uniquement l’alimentaire, qui est le véritable étalon). Cela n’aide en rien, et surtout cela empêche la Banque centrale européenne d’intervenir en trafiquant l’économie.

Jusqu’à présent, elle intervenait en baissant ses taux directeurs (les taux auxquelles les banques lui empruntent de l’argent, qui définissent ensuite directement tous les autres taux). Sauf qu’avec l’inflation, la Banque centrale européenne est piégée : si elle continue d’intervenir comme avant (avec des taux bas ou négatifs), elle fabrique encore plus d’inflation (en inventant de l’argent magique). Alors elle maintient et va maintenir des taux directeurs hauts (en tous cas plus élevés que ces dernières années), ce qui va continuer à pénaliser les États dans leur capacité de financement sur les marchés.

Le taux directeur de la BCE est supérieur à 4 % en septembre 2023, alors qu’il était encore à zéro il y a un peu plus d’un an. Personne n’imaginait une telle évolution il y a un an, alors que la BCE prétendait encore que l’inflation se stabiliserait. Fumisterie ou incompétence ? Toujours est-il que l’heure est grave pour le capitalisme, avec un risque de faillite généralisée de plus en plus évident.

La plus grande menace d’ailleurs vient de la contradiction existant au sein de la zone euro, avec d’un côté des pays en crise, mais avec des finances maîtrisées (l’Allemagne surtout), de l’autre des pays en crise et avec des finances totalement dans le rouge. Cet écart, qui se reflète surtout dans la capacité des États à emprunter de l’argent, crée un déséquilibre mortel pour la zone euro. On parle de spreads pour mesurer l’écart entre les différents pays : ceux-ci sont scrutés de près par les économistes (et surtout par les acteurs du marché financiers), car ils indiquent la cohérence économique, la stabilité, de la zone euro. Les spreads, notamment entre l’Allemagne et l’Italie, mais aussi entre l’Allemagne et la France (qui sont le moteur de l’Union européenne) montrent une zone malade et incohérente, avec un mélange de pays encore riches et relativement solides, et d’autres de plus en plus faibles, avec une économie (donc ici une capacité d’emprunt) relevant de plus en plus clairement du tiers monde.

De manière tout à fait pragmatique, les investisseurs, dont dépendent les États, se demandent maintenant jusqu’où les pays “sérieux” de la zone euro vont continuer à soutenir les pays malades. A l’époque de la crise de la dette de l’État grec, quand le pays avait été littéralement sauvé de la faillite par l’Union européenne (au prix d’une exploitation aggravée pour les travailleurs grecs), il s’agissait simplement de trouver 350 milliards d’euros. Aujourd’hui la dette publique italienne, c’est 2 800 milliards d’euros. La dette publique française, c’est 3 000 milliards d’euros. La donne n’est clairement pas la même.

Si la France était une entreprise, elle serait déjà en faillite. Elle va avoir de plus en plus de mal à trouver de l’argent pour assurer son train de vie monumental. Il suffit maintenant d’un rien pour que la machine déraille, comme nous l’avions vu depuis le début de la crise amorcée par la crise sanitaire de 2020. Les milliards d’euros tirés du chapeau pour sauver le capitalisme ne sont pas sans conséquence ; le système se retourne maintenant contre lui-même et est prêt à exploser.