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Culture

Incendie d’une installation d’«art» contemporain dans un quartier HLM de Nantes

Dans la nuit de mardi à mercredi, une installation prétendument artistique sur une grande place d’un quartier HLM de Nantes a été brûlée. Il s’agissait d’une voiture installée autour d’un arbre de manière à donner l’impression qu’il est encastré dedans. Cette œuvre était non-seulement une insulte à la nature, mais également d’une grande stupidité sur le plan culturel, comme tout l’« art » contemporain. Le rejet était inévitable.

Auparavant, les prétendues œuvres d’« art » contemporain étaient restreintes aux sphères les plus hautes de la bourgeoisie, surtout dans les grandes villes. Cependant, cela a aussi été une idéologie « moderniste » largement utilisée par la Gauche gouvernementale pour souligner sa rupture avec le passé.

Les bâtiments construits sous l’égide de François Mitterrand en témoignent. Un exemple connu sont les « colonnes de Buren » à Paris, dont le projet avait été stoppé par la Commission supérieure des monuments historiques, le ministre de la culture Jack Lang passant ensuite en force.

De l’eau a coulé sous les ponts et beaucoup d’argent dans l’« art » contemporain, désormais un art tout à fait officiel assumé par les institutions. Il est même vecteur de projets pour véhiculer une image moderniste, particulièrement dans la métropole nantaise. Cela fait quasiment partie de l’identité de la ville depuis un peu moins de 10 ans, avec chaque été un certain nombre d’installations dans le cadre du « voyage à Nantes ».

À ce titre, la marque de fabrique locale, la « touche » nantaise, c’est le loufoque. L’idée est de donner une image vivante et jeune, de prétendre à une vie culturelle. L’important serait de « suggérer » quelque-chose, chacun y voyant ce qu’il souhaite y voir, etc.

Tout cela est naturellement entièrement étranger au peuple, qui s’oppose fondamentalement à l’« art » contemporain, qu’il méprise. Il y a cette fameuse scène du film Intouchables où le grand bourgeois fait la leçon à un prolétaire « incapable » de cerner la prétendue profondeur de cet « art ». On peut même dire que les prolétaires portent en horreur ce genre d’installations par définition dis-harmonieuses, élitaires et intellectualisantes sur un mode individualiste subjectif.

La voiture autour d’un arbre dans le quartier HLM de Bellevue à Nantes était ainsi une sorte de happening dans le cadre d’un programme destiné aux écoliers qui dure depuis plusieurs mois… Mais aussi une terrible provocation.

D’un côté, il y avait la naïveté, la candeur propre à une activité « artistique » censée être amenée aux gens. Des personnages loufoques ont ainsi été inventés avec toute une mise en scène avec des courriers lus aux enfants, etc. Une voiture et une toile de tente géante avec un acteur dedans avaient même été installés sur deux immeubles du quartier au printemps dernier.

De l’autre, il y a la réalité concrète, totalement hermétique à ces initiatives stupides, sans valeur culturelle historique. Les tenants de l’« art » contemporain le savaient bien, d’ailleurs, et ont ainsi mené une action pour faire « peuple » – tels qu’ils imaginent le peuple, bien sûr. Mardi, le jour précédent la nuit de l’incendie, une « mémé rodéo » a ainsi débarqué sur la place du marché sur un scooter « en Y », c’est-à-dire en roulant sur la roue arrière…

Le résultat de cette dialectique fut l’incendie de cette « œuvre » qu’était le Renault Scénic blanc transpercé par un arbre. Deux hommes sont venus en voiture, se filmant, se débarrassant du vigile – car il y avait un vigile pour « protéger » cette horreur –, cassant une vitre de la voiture pour mettre le feu à l’intérieur, tout en disant des grossièretés. On a ici un mélange de patriarcat et de rejet populaire d’une conquête « spirituelle » par ce qui est extérieur.

Car tout cela est le marqueur d’une grande tensions sociale à notre époque, s’exprimant ici sur le plan culturel, en assumant une grande détermination. C’est, à n’en point douter, un épisode de la lutte des classes, de manière déformée en raison de l’absence de conscience. Mais on ne peut pas se revendiquer de la Gauche historique et ne pas voir le caractère de conquête intellectuelle que représente le grand vide qu’est l’« art »contemporain.

Il suffit par ailleurs de lire le communiqué de la Maire de Nantes pour voir en quoi ce genre d’installations est un instrument de lessivage des exigences culturelles au profit d’un divertissement stupide :

« Aujourd’hui les habitants de Bellevue sont tristes et en colère. Je veux leur dire que nous ne renoncerons ni à la culture sur l’espace public, ni à la sécurité. Oui la magie de Royal de Luxe a le droit de cité à Bellevue et au cœur de la place Mendès-France. Nous ne comptons sûrement pas renoncer ! »

La mairie bourgeoise veut imposer sa « magie » à un quartier où vit le peuple. De force ! Cela veut tout dire.

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Politique

La tribune postmoderne en faveur d’Esther Benbassa

Aux yeux d’une large partie de la Gauche, Esther Benbassa s’est totalement décrédibilisée lors de la manifestation contre « l’islamophobie ». Une tribune de soutien a été réalisée en catastrophe par la « Gauche » postmoderne afin d’allumer un contre-feu.

Il y a une phrase qui, dans la tribune de soutien à Esther Benbassa, veut tout dire :

« Née juive dans un pays musulman, la Turquie »

Aucune personne de la Gauche historique n’aurait jamais écrit ni signé une telle ligne. Jamais la Gauche historique n’a défini un pays par sa religion et encore moins la Turquie, mosaïque de peuples et de religions, avec ses Turcs, ses Kurdes, ses Arméniens, ses Lazes, ses Tcherkesses, ses Juifs, ses Assyriens, ses Grecs, etc. La fiction d’une Turquie à la fois « turque » et « musulmane » est combattue par la Gauche turque depuis plus de cent ans.

Seulement voilà, tout est bon pour essayer de sauver Esther Benbassa, symbole de la « Gauche » postmoderne. Elle est à ce titre une figure insupportable pour la Gauche historique, tout comme le sont les arguments déployés en sa faveur :

« Depuis son entrée tardive en politique, en 2011, Esther Benbassa est sur tous les fronts. Mariage pour tous, PMA pour toutes, LGBT-phobies, violences faites aux femmes, personnes prostituées, monde carcéral, migrants, violences policières, abandon des Kurdes du Rojava, justice environnementale et justice sociale. Elle agit avec la même détermination au Sénat, et sur le terrain. Auprès des cheminots, des infirmières, des étudiants. Des Gilets jaunes, aussi, qu’elle a invités au Palais du Luxembourg dès le début du mois de décembre 2018, et qu’elle n’a jamais lâchés depuis. »

Esther Benbassa est effectivement sur tous les fronts de l’ultra-libéralisme maquillé en « conquête des droits individuels ». Ce n’est pas pour rien que parmi les signataires de la tribune la défendant, on a justement Judith Butler. C’est la grande théoricienne de la théorie du genre, c’est la principale figure de la philosophie post-structuraliste de la « déconstruction » dans le domaine du « genre ».

Pour la même raison, on a l’antiautoritaire Gabriel Cohn-Bendit, frère aîné de Daniel, trotskiste puis anarchiste et enfin proche d’EELV. Il est surtout connu pour sa pédagogie « alternative » antiautoritaire et son soutien au droit à la parole pour le sinistre négationniste Faurisson.

On a les écrivains « modernistes » Edouard Louis et Annie Ernaux, qui font de l’identité la clef de leurs romans résolument tournés vers la « modernité ».

On les philosophes Daniel Borrillo (du Laboratoire d’études sur le genre et les sexualités) et Geoffroy de Lagasnerie (un adepte de la « French Theory »). Ce dernier a notamment pu dire au sujet des terroristes du 13 novembre 2015 :

« Au fond, vous pouvez vous dire qu’ils ont plaqué des mots djihadistes sur une violence sociale qu’ils ont ressentie quand ils avaient 16 ans. »

On ne sera pas étonné non-plus de trouver parmi les signataires tout ce que la fausse Gauche a produit ces dernières années de petit-bourgeois parisiens radicaux s’imaginant dans le camp du peuple, tels Clémentine Autain, David Belliard, Olivier Besancenot, Elsa Faucillon, Thomas Porcher ou encore Danièle Obono.

Cette tribune est un modèle du genre, qui contribue à dessiner la fracture déjà immense au sein de la Gauche entre les populistes prêts à tous les renoncements et ceux qui sont attachés à leurs valeurs de gauche, entre ceux qui ont succombé à la thèse de « l’islamophobie » et ceux qui ne sont pas dupes de cette manipulation politique.

Voici la tribune, publiée sur huffingtonpost.fr :

« Esther Benbassa fait honneur à la République

“Youpine!”, “métèque!”, “la trinationale dehors!”… Réseaux sociaux, courriels, lettres. Esther Benbassa croyait peut-être avoir déjà tout vu en termes d’injures, de menaces, menaces de mort comprises. Elle se trompait. Désormais les insultes sont d’une autre nature. “Antisémite!”, “négationniste!”, “islamocollabo!”…

Elle est assurément loin d’être la seule, en cette circonstance, à subir des attaques indignes. Mais il est clair que certains ont décidé de lui faire payer au prix fort sa participation à la marche contre l’islamophobie, le 10 novembre dernier. Dans une formule d’une rare violence, Sabine Prokhoris vient même, sur le monde.fr, de la comparer à ces Français qui, hier, n’ont “rien vu” quand on a déporté leurs voisins juifs.

Sa faute? Avoir twitté une photographie prise sur le parcours de cette marche, où on la voit au milieu d’un petit groupe de manifestants brandissant fièrement des drapeaux tricolores.

Son crime? N’avoir pas remarqué, sur le moment, sur les vestes de ces personnes, et sur celle de la fillette qui les accompagnait, un autocollant associant une étoile à cinq branches, un croissant de lune et le mot “Muslim”, le tout en jaune sur fond blanc.

Son péché mortel? Avoir refusé de considérer a priori cette possible appropriation musulmane du symbole de l’étoile jaune comme un sacrilège. Comme la captation indigne d’une mémoire de souffrance.

Esther Benbassa ne nie pas que la simple existence de ce badge ait pu blesser des gens. Ni que l’on puisse y voir une maladresse. Reste que la focalisation sur ce badge et sur l’envoi de cette photo est d’abord l’effet visible d’une convergence d’intérêts politiques divers autour de cette manifestation. Elle sert de leurre, elle fait diversion. En détournant l’attention de la crise sociale qui secoue notre pays. Et en empêchant toute réflexion un tant soit peu équilibrée sur la réalité du racisme anti-musulman.

Esther Benbassa sait parfaitement que le port imposé de l’étoile jaune ne fut que l’une des dernières étapes d’un mouvement long et continu de stigmatisation des Juifs depuis le XIXe siècle. Elle n’a jamais assimilé la condition des musulmans dans la France d’aujourd’hui à celle des Juifs pendant la Shoah. Et pour cause. Elle est historienne. Elle a pour métier de distinguer, autant que de comparer.

Ses accusateurs d’aujourd’hui font mine d’ignorer qu’elle est l’auteure d’un essai déjà ancien, datant de 2004, couvrant une période longue (depuis la Révolution), La République face à ses minorités. Les Juifs hier, les musulmans aujourd’hui, et d’une étude importante parue en 2007, La Souffrance comme identité. Sur la concurrence mémorielle, ses causes et ses dérives, sur les difficultés de la France à vivre sereinement sa diversité, Esther Benbassa a écrit des pages qui suffisent à réduire à néant les accusations aujourd’hui portées contre elle.

Ces accusations sont ineptes. Et scandaleuses. Elles font comme si Esther Benbassa n’avait pas de passé. Née juive dans un pays musulman, la Turquie, ayant vécu les premières années de sa jeunesse en Israël, elle est arrivée en France au début des années 1970. Pendant quinze ans, elle a enseigné en lycée et en collège en Normandie puis en banlieue parisienne dans ce qu’on appelle parfois avec une pointe de mépris “nos quartiers populaires”.

Elle est entrée au CNRS comme directrice de recherche en 1989, et en 2000, elle a été élue sur la chaire d’histoire du judaïsme moderne de l’École pratique des hautes études (Sorbonne). Ses champs de recherche sont connus: histoire des Juifs en terre d’Islam, du sionisme, du judaïsme français, histoire comparée des minorités. Elle a écrit et dirigé une trentaine d’ouvrages sur ces sujets, lui ayant valu une reconnaissance internationale.

Que reproche-t-on, en fait, à Esther Benbassa? Ses engagements. Comme intellectuelle publique, d’abord, comme militante associative ensuite, comme politique enfin. Forte de son expertise, libre de toute attache communautaire, hermétique à toute forme de radicalité idéologique, et gardant en toute circonstance une franchise et une clarté sans faille, lauréate 2006 du prix Seligmann contre le racisme, Esther Benbassa se bat depuis des décennies contre l’antisémitisme et tous les racismes, islamophobie comprise, contre toutes les formes de discrimination, pour le respect des droits des minorités. Pour une solution juste du conflit israélo-palestinien et pour retisser les liens d’un dialogue judéo-musulman.

Depuis son entrée tardive en politique, en 2011, Esther Benbassa est sur tous les fronts. Mariage pour tous, PMA pour toutes, LGBT-phobies, violences faites aux femmes, personnes prostituées, monde carcéral, migrants, violences policières, abandon des Kurdes du Rojava, justice environnementale et justice sociale. Elle agit avec la même détermination au Sénat, et sur le terrain. Auprès des cheminots, des infirmières, des étudiants. Des Gilets jaunes, aussi, qu’elle a invités au Palais du Luxembourg dès le début du mois de décembre 2018, et qu’elle n’a jamais lâchés depuis.

Alors bien sûr, Esther Benbassa casse les codes et dérange les petits échanges feutrés ordinaires. Elle n’a pas peur du peuple. Elle est là pour les gens, les pauvres, les précaires, les racisés et les autres. Elle les écoute, elle leur parle. Et eux au moins la comprennent. Et respectent l’écharpe tricolore dont certains voudraient la dépouiller.

L’erreur d’Esther Benbassa est en fait de croire que tous ces combats n’en font qu’un. C’est d’incarner, avec d’autres et autant qu’elle le peut, cette “convergence des luttes” à laquelle une partie de la gauche a renoncé et qui fait peur à beaucoup d’autres, de LREM au RN. On pourra toujours se moquer de son accent. Esther Benbassa est une grande voix. Parce qu’elle est d’abord l’une des voix des sans-voix.

Les signataires de ce texte n’adhèrent pas forcément à toutes ses prises de positions, y compris sur la marche du 10 novembre. Ils ont pu avoir hier des débats avec elle. Ils en auront demain. Mais tous savent une chose. Cette voix-là ne doit pas se taire. Elle ne se taira pas.

Premiers signataires:

  • Clémentine Autain, députée FI de Seine-Saint-Denis
  • Guillaume Balas, coordinateur national Génération•s
  • Julien Bayou, porte-parole d’EELV
  • David Belliard, conseiller de Paris, EELV
  • Olivier Besancenot, NPA
  • Judith Butler, professeure à l’Université de Berkeley
  • Damien Carême, député européen
  • Aymeric Caron, journaliste et écrivain
  • Luc Carvounas, député PS du Val-de-Marne
  • Gabriel Cohn-Bendit, retraité de l’Education Nationale
  • Éric Coquerel, député FI de Seine-Saint-Denis
  • David Cormand, eurodeputé, secrétaire national d’EELV
  • Sergio Coronado, ancien député EELV
  • Rokhaya Diallo, journaliste, réalisatrice
  • Cécile Duflot, ancienne ministre
  • Didier Eribon, philosophe
  • Annie Ernaux, écrivaine
  • Elsa Faucillon, députée communiste des Hauts-de-Seine
  • Geneviève Garrigos, défenseure des droits humains
  • Cédric Herrou, Emmaüs Roya
  • Mémona Hintermann-Afféjée
  • Geoffroy de Lagasnerie, sociologue et philosophe
  • Sandra Laugier, professeure de philosophie à l’université Panthéon Sorbonne, membre de l’Institut universitaire de France
  • Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice Gauche Républicaine & Socialiste
  • Édouard Louis, écrivain
  • Noel Mamère, ancien député
  • Caroline Mecary, avocate au barreau de Paris
  • Frédéric Mestdjian et le Ralliement d’Initiative Citoyenne
  • Edgar Morin, sociologue, philosophe
  • Thomas Porcher, économiste
  • Sandra Regol, porte-parole d’EELV
  • Aron Rodrigue, professeur d’histoire, Stanford University
  • Malik Salemkour, président de la LDH
  • Danielle Simonnet, conseillère de Paris, FI
  • Sophie Taillé-Polian, sénatrice Génération•s du Val-de-Marne 
  • Mateo Alaluf, sociologue, professeur honoraire, Université Libre de Bruxelles
  • Arié Alimi, avocat au barreau de Paris
  • Pouria Amirshahi, président et directeur de Politis
  • Henri Arevalo, Bureau exécutif EELV
  • Mehdy Belabbas, Adjoint au Maire EELV d’Ivry
  • Annie Benveniste, anthropologue, Université Paris 8
  • Francine Bolle, docteure en histoire, maîtresse de conférences, Université libre de Bruxelles
  • Daniel Borrillo, maître de conférences, Université Paris 10
  • Etienne Bourel, anthropologue
  • Thierry Brochot, Trésorier, EELV
  • Marco Candore, auteur, réalisateur
  • Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités
  • Pascal Cherki, ancien député
  • Myriam Chopin, maîtresse de conférences en histoire médiévale
  • Jérémy Clément, Gilet jaune (de Montargis, Loiret)
  • Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var
  • Antoine Comte, avocat
  • Alain Coulombel, secrétaire national adjoint, EELV
  • Laurence de Cock, enseignante
  • Christelle de Cremiers, vice-présidente du conseil regional Centre-Val de Loire, EELV
  • Priscilla De Roo, économiste
  • Catherine Deschamps, professeure d’anthropologie à l’ENS d’architecture de Nancy
  • Josy Dubié, sénateur honoraire (Belgique)
  • Sophie Ernst, agrégée de philosophie
  • Éric Fassin, professeur de sociologie, Université Paris 8
  • Bastien François, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Alexandra Galitzine-Loumpet, anthropologue
  • Guillaume Gontard, sénateur Gauche-écolo de l’Isère
  • José Gotovitch, professeur honoraire, Université Libre de Bruxelles
  • Bernard Hours, anthropologue
  • Heinz Hurwitz, professeur émérite, Université Libre de Bruxelles
  • Alain Joxe, directeur d’Etudes (H) à l’EHESS
  • Cecilia Joxe, militante écologiste
  • Gaëtane Lamarche-Vadel, Revue Multitudes
  • Mathilde Larrère, historienne
  • Stéphane Lavignotte, théologien protestant
  • Hinda Lewi-Férault, psychiatre, psychanalyste
  • Valérie Marange, psychanalyste
  • Danièle Obono, députée FI de Pars
  • Anne Querrien, co-directrice de la rédaction de la revue Multitudes
  • Caroline Roose, eurodeputée
  • Monique Selim, anthropologue
  • Pierre Serne, conseiller régional d’Île-de-France
  • Denis Sieffert, journaliste à Politis
  • Philippe Stanisière, Bureau exécutif EELV
  • Michel Staszewski, professeur d’histoire retraité, membre de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB), Bruxelles
  • Marie Toussaint, eurodeputée EELV
  • Dan Van Raemdonck, professeur, Université Libre de Bruxelles 
  • Françoise Vergès, politologue, militante féministe antiraciste, auteure
  • Dominique Vidal, journaliste et historien
  • Jean Vogel, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles, Président de l’Institut Marcel Liebman
  • Salima Yembou, eurodeputée
  • Karoline Zaidline, artiste lyrique, Gilet jaune »
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Politique

La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

La revue réactionnaire Valeurs Actuelles a publié un hors-série sur l’Algérie française au mois d’octobre. L’historien Benjamin Stora y subit un portrait assassin. Il vient de rétorquer en dénonçant l’article à son sujet et une campagne « antisémite ». Le souci, c’est que l’article ne dit que des vérités : Benjamin Stora est bien « l’historien officiel » de l’Algérie française, passant savamment sous silence tout ce qui déplaît tant aux institutions qu’à la « seconde gauche ».

 

Benjamin Stora a dû être profondément vexé par les premières lignes de l’article de Valeurs Actuelles. C’est un assassinat politique :

« On a beau se promettre « pas le physique ! », la comparaison est édifiante. Sur la photo prise à l’université de Nanterre en 1970, le jeune militant d’extrême-gauche Benjamin Stora, âgé de vingt ans, ressemble aux innombrables Che Guevara peuplant alors les facultés : visage émacié, regard déterminé allure féline.

Près d’un demi-siècle plus tard, c’est un tout autre Stora, affichant désormais des allures de gros chat, et n’aimant rien tant que de poser pour la postérité dans une époque faite pour lui, et pour cause : il est de ceux qui l’ont façonnée. »

Il est en effet difficile de mentionner toutes les institutions auxquelles participent Benjamin Stora, il faudrait des pages. Lui-même en a beaucoup écrit : 50 ouvrages (et une dizaine de films). Cet enseignant universitaire est Officier de l’ordre national du Mérite, Officier de l’ordre des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’honneur, membre du jury du Prix du livre d’Histoire décerné par le Sénat, membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, président du Conseil d’orientation de l’Établissement public du Palais de la Porte dorée qui inclut la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (il va en démissionner pour se focaliser sur ses recherches), etc. etc.

Tout cela est bien éloigné de son engagement révolutionnaire comme membre de l’Organisation Communiste Internationaliste, dont il fut l’un des hauts dirigeants. Pas étonnant que Valeurs Actuelles se focalise dessus pour utiliser la figure du style de la prétérition (amenant à parler de quelque chose après avoir dit qu’on allait pas le faire) :

« Depuis, l’homme n’a pas seulement fait du gras, il a enflé. Un poussah pontifiant. Gonflé, au risque d’exploser, de cette mauvaise graisse ayant prospéré à la proportion de vanité qui n’a cessé de croître en lui à mesure que s’élevait son statut social. »

Tout cela est agressif – c’est du Valeurs Actuelles, tout simplement. La revue est célèbre pour son ton voltairien de droite utilisant des informations bien trouvées, ce qui en fait somme toute un Canard enchaîné inversé (et tout aussi vaniteux).

Benjamin Stora s’est donc fendu d’un long message, intitulé « A propos d’un article paru dans le hors-série de « Valeurs actuelles », octobre 2019 ». Il accuse l’article d’antisémitisme, ce qui est absolument ridicule.

Mais il en avait besoin pour tenter de parer à la critique de Valeurs Actuelles. Cette revue sait très bien que Benjamin Stora est au cœur du dispositif idéologique de la « seconde gauche », née justement en soutien unilatéral à l’indépendance algérienne et totalement opposée au PCF comme à la Gauche historique en général.

Benjamin Stora, lui-même juif pied-noir, a été un haut cadre de l’OCI, courant trotskiste ayant fourni un appui significatif au Mouvement national algérien de Messali Hadj. Benjamin Stora a fait justement sa thèse sur celui-ci, avant de travailler en collaboration Mohammed Harbi, un historien algérien qui était un des hauts cadres du FLN et justement proche du trotskisme.

D’où l’idéologie qui en ressort, croisement des idéologies des États français et algérien, avec comme accord tacite la main-mise de la « seconde gauche » sur le plan intellectuel quant à cette question :

  • la colonisation a été un processus meurtrier ;
  • il faut une repentance, mais également un esprit de réconciliation, dont les immigrés algériens en France sont une expression ;
  • on ne parle pas des massacres et des attentats réguliers contre les civils commis par le FLN ;
  • on ne parle surtout pas des questions démocratiques (femmes, place de la religion, forme gouvernementale) ayant avant l’indépendance algérienne fait que la Gauche historique n’a pas soutenu le FLN ;
  • au sujet des colons français on ne parle pas de la toute petite minorité de grands propriétaires terriens et on fait passer la grande masse, petite-bourgeoise et populaire, pour des arriérés finalement racistes.

Il ne faut pas s’étonner qu’avec tout ça, la Droite a un boulevard – et cela depuis 1962 d’ailleurs. C’est d’ailleurs clairement une année fatidique – car, à partir de cette année-là, la Gauche historique a pratiquement totalement perdu pied sous les coups de boutoir de la seconde gauche. Jamais la Gauche historique n’aurait vu en l’Algérie des colonels la « nouvelle Mecque de la révolution ».

> Lire également : Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Et depuis cette défaite de la Gauche historique, on a un activisme massif de l’ultra-gauche, avec un anticommunisme et un anti-socialisme virulents.

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Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Benjamin Stora dénonce un article à charge de la revue réactionnaire Valeurs Actuelles comme étant antisémite. C’est pathétique et il est dramatique que son communiqué ait été beaucoup relayé à Gauche.

Valeurs Actuelles est une revue incontournable quand on est de Gauche et qu’on veut faire de la politique, car c’est l’expression peut-être la plus avancée de l’ennemi. C’est une revue de haut niveau, exprimant la Droite voulant l’alliance avec l’extrême-Droite, dans un esprit néo-gaulliste toujours prompt à espérer en l’armée un recours efficace, etc.

Qualifier Valeurs Actuelles d’antisémite n’a donc aucun sens. D’ailleurs, vue son poids social et politique, si elle était antisémite, elle l’assumerait. On a ici des intellectuels, des grands bourgeois, des gens aux plus hauts postes de la société française et il ne leur viendrait pas à l’idée de ne pas assumer.

Benjamin Stora a donc tout faux. Quels sont ses arguments d’ailleurs ? Il dit la chose suivante :

« Cet article est antisémite, voici pourquoi.

C’est le portrait d’un homme avide d’ambition et d’honneurs qui est ici dressé, hantant les couloirs du pouvoir, à la recherche de récompenses. C’est une description s’inscrivant dans la tradition classique antisémite des « juifs de cour » que l’on pouvait lire dans la presse d’extrême-droite au moment de l’Affaire Dreyfus, par exemple à propos de Bernard Lazare.

C’est une attaque fondée sur une description de mon physique. Ma prise de poids, notion qui revient à trois reprises dans l’article, s’explique non par les épreuves traversées dans ma vie (la perte de mon fille victime d’un cancer, mes crises cardiaques, ou les violentes agressions venant du monde intégriste dans les années 1990), mais par ma progression dans les couloirs du pouvoir. Cette obsession sur mon poids suggère l’expression d’un enrichissement, qui peut également se lire dans la presse antisémite, appliquée par exemple à Adolphe Crémieux ou Léon Blum.

C’est une charge contre les intellectuels qui travaillent dans un cadre universitaire, donc qui fabriquent un « Système », et des histoires officielles. Là encore, la haine des intellectuels d’origine juive est une vieille recette, déjà appliquée à des hommes comme Jacques Attali (cité dans l’article). »

Ce type est historien ? On ne le croirait pas à le lire. La thèse antisémite des « Juifs de cour » n’a jamais existé en France, elle n’est propre qu’à là où il y a une cour… Il faut donc se tourner vers la Grande-Bretagne avec Benjamin Disraeli (le grand modèle du « juif de cour » d’ailleurs seulement d’origine juive) ou l’Autriche-Hongrie (avec l’importance de certaines banquiers juifs).

La thèse de la prise de poids associée à un enrichissement est tellement forcée qu’elle est pathétique. Valeurs Actuelles présente une thèse très simple dans son article, une thèse qu’elle affirme régulièrement : les anciens révolutionnaires font carrière et sont la caricature de leur jeunesse. C’est ce qui est fait là, tout simplement.

Le troisième argument est « la haine des intellectuels d’origine juive ». Benjamin Stora est ici ridicule. Il suffit de consulter les couvertures de la revue : on y voit régulièrement Eric Zemmour et bien souvent Alain Finkielkraut. La tendance de Valeurs Actuelles est d’ailleurs bien plus de pousser à faire basculer les Juifs à Droite toute en jouant sur la peur des Arabes.

> Lire également : La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

Benjamin Stora nuit donc puissamment à la lutte contre l’antisémitisme avec ses élucubrations. Quant aux 285 membres de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) qui ont « découvert avec consternation l’attaque nauséabonde de Valeurs Actuelles » contre Benjamin Stora, ils ne sont tout simplement pas sérieux. Espérons au moins qu’à l’époque ils se soient mobilisés contre Dieudonné. Mais on peut en douter.

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Le suicide n’est pas une forme politique

La tentative de suicide d’un jeune est une chose horrible, c’est un drame qui est une expression de désespoir. Cela ne saurait être autre chose. Y voir un caractère politique, comme avec la tentative de suicide d’un syndicaliste étudiant à Lyon, c’est accorder une valeur à l’autodestruction, ce qui est totalement étranger historiquement au mouvement ouvrier.

Le syndicalisme étudiant, en cherchant à mobiliser autour de ce drame, témoigne qu’il est définitivement passé dans le camp de la « Gauche » postmoderne et qu’il n’a aucune considération pour les classes sociales.

La Gauche a des responsabilités et il faut être absolument clair : le suicide et la grève de la faim sont des formes totalement étrangères au mouvement ouvrier. C’est une autodestruction, qui a toujours été réfuté comme étrangère au mouvement de l’Histoire. Il faut donc absolument tout faire pour éviter que des gens, par désespoir, par impression de se heurter à un mur, contourne le patient travail politique de gauche au profit d’une action autodestructrice « spectaculaire ».

En ces temps troublés, de faiblesse sur le plan des idées, ce genre d’actions est d’autant plus « fascinante », sans parler des réseaux sociaux qui en amplifie « l’écho ». Il y a donc lieu pour la Gauche de réfuter catégoriquement ce genre d’approches, d’empêcher que cela devienne une forme « acceptable ».

Il y a donc beaucoup de légèreté de la part de syndicalistes étudiants de la « Gauche » postmoderne à profiter d’un acte de désespoir pour récupérer la chose politiquement et tenter de faire du bruit au sujet de la précarité étudiante. Plusieurs jours après la tentative de suicide, ils cherchent à profiter de la juste émotion pour mobiliser. C’est là un jeu extrêmement dangereux, qui peut avoir des conséquences atroces. Intégrer un acte irrationnel comme le suicide dans un dispositif à prétention politique, c’est banaliser l’acte.

En agissant ainsi, on donne de la valeur à un tel acte, on reconnaît qu’il aurait été déclencheur, révélateur. On le reconnaît comme jouant un rôle socialement, ou sur le plan des idées. C’est une véritable catastrophe, un déni total de la raison.

Surtout que dans le peuple la règle est très claire : quand on a une famille, on ne se suicide pas. Dans le peuple on assume ses responsabilités, quitte à souffrir, toute sa vie. C’est ce que font 35% d’Argentins vivant dans le dénuement, pour qui la moindre chose est un luxe, dont 10 % qui ont basculé dans cette misère d’un coup ces dernières semaines. Et c’est ce que font des millions et des millions de personnes en France également, dans des conditions moins difficiles matériellement mais avec autant de souffrance morale.

Car la vie quotidienne dans cette société est, objectivement, un cauchemar. Et la réponse n’est jamais le suicide, toujours la lutte. La classe ouvrière ne se suicide pas. Qui dans le monde accordera un sens au suicide d’une personne jeune, qui a des parents qui peuvent l’héberger, qui a une petite amie, qui a la sécurité sociale grâce aux avantages sociaux, qui a disposé d’une bourse les années précédentes ? Qui plus est dans l’un des pays les plus riches du monde… Non ce n’est pas possible d’accorder une valeur à un tel acte. Il ne faut pas valoriser des actes aussi destructeurs ; rien ne peut en sortir de bon.

Et il ne s’agit pas de « précarité » étudiante ou de passer au 32 heures pour supprimer le chômage. C’est de toute la société qu’il s’agit, dans son rapport au travail, à la nature, à la vie elle-même. Cela va bien plus loin que de voir en la source des problèmes François Hollande. Ce dernier devait être présent à Lille et des étudiants de la « Gauche » post-moderne en ont profité pour déchirer les exemplaires de son dernier livre. Déchirer un livre ! Comment peut-on, en France, déchirer un livre ? Mais qui sont ces gens !

Il est vraiment terrible de voir comment en ce moment la France refuse la lutte des classes, comment on demande à l’État d’améliorer les choses et comment on trouve dans quelques gouvernants des bouc-émissaires. Les gilets jaunes sont un terrible exemple et les suicides « argumentés » récents  – comme celui d’une directrice de maternelle à Pantin – en sont un autre exemple, dramatique.

Il faut impérativement une sortie par en haut, ce que seuls les ouvriers peuvent apporter en rentrant dans la bataille. Sans eux, rien ne peut bloquer cette spirale du négatif.

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Le suicide politique d’Esther Benbassa

En mettant sur les réseaux sociaux une image de manifestants avec une étoile jaune version « musulmane », la sénatrice EELV Esther Benbassa a provoqué une levée de boucliers contre elle. En effet, il y a là une dimension relativiste de ce qu’a été la politique nazie d’extermination.

Esther Benbassa a cherché à s’expliquer, notamment à la télévision, mais en niant entièrement le problème, au nom d’une lecture anti-historique de la réalité : il faudrait assimiler tous les racismes sous toutes ses formes et donc tout serait permis.

Si l’on considère qu’il n’y a que des individus, alors il n’y a pas de phénomène historique, il n’y a que des situations. C’est le point de vue de la « Gauche » post-moderne et donc d’Esther Benbassa. Elle a donc benoîtement expliqué la chose suivante :

« Cette étoile jaune, c’est une forme d’identification au sort des juifs. En tant que juive, je ne suis pas absolument pas choquée. Je pense que ce que les juifs ont subi devrait continuer à servir d’exemple pour qu’on puisse tous nous battre contre le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie. »

Intellectuellement, cela se tient. C’est même le point de vue qui prédomine de plus en plus. Chacun est différent et ce qui compte, c’est le ressenti. On ne peut pas juger en général, ce qui compte c’est la lecture individuelle des choses.

C’est là, très concrètement, un point de vue correspondant à la décadence du capitalisme marqué par l’ultra-individualisme : tout se vaut, ce qui compte c’est le choix, comme on s’identifie, etc. C’est donc un point de vue aplanissant toute la réalité historique et comme celle-ci est en l’occurrence ni plus ni moins que la destruction des Juifs d’Europe, forcément cela provoque de profonds troubles.

Les réactions sont très nombreuses, voyant dans le déni d’Esther Benbassa une stupidité sans nom, au mieux. On se dit : elle fait semblant, même si elle reconnaît que les deux situations n’ont rien à voir, il faut qu’elle reconnaisse qu’il y a ici une manipulation politique, une tentative de trafiquer l’histoire.

Surtout qu’elle a multiplié hier les errements, expliquant tantôt que c’était une étoile à cinq branches et pas une étoile de David (alors qu’en fait le croissant et l’étoile musulmans visaient justement à remplacer symboliquement celle-ci), tantôt que finalement le rapprochement se voyait, mais que c’était juste « maladroit », que « il n’y a pas de mal à cela en soi », voire que c’était une bonne chose, etc.

Elle avait d’ailleurs déjà une grosse casserole, avec sa position au moment de l’affaire Leonarda :

« Moi qui pensais que la France n’avait pas perdu la mémoire de sa sombre histoire, j’étais loin d’imaginer qu’en 2013, en tant que parlementaire, élue du peuple, je serais témoin d’une rafle. Car oui, il faut bien le dire, c’est une rafle. »

EELV est intervenue à sa rescousse dans un long communiqué, expliquant qu’Esther Benbassa ne pouvait pas être antisémite puisqu’elle était juive, ce qui n’a aucun sens.

« Cette polémique indigne ne peut pas conduire commentatrices et commentateurs cherchant surtout à décrédibiliser et salir cette manifestation à traiter Esther Benbassa d’antisémite et de négationniste, elle qui a été titulaire de la prestigieuse chaire d’histoire du judaïsme moderne jusqu’en 2018, qui a enseigné à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne et qui a écrit de nombreux ouvrages sur l’histoire des juifs. »

Son mari, Jean-Christophe Attias, a pris aussi sa défense dans un long message d’une niaiserie totale de la part d’une personne qui est tout de même directeur d’études à l’École pratique des hautes études, titulaire de la chaire « Pensée juive médiévale (VIe – XVIIe siècles) ».

Il est évident que dans les faits, Esther Benbassa ne veut pas poser les choses rationnellement, car elle ne le peut pas, son style étant le populisme et le clientélisme, afin de faire tourner la machine du relativisme et de l’individualisme. Esther Benbassa n’a qu’une seule cohérence : celle d’avoir entièrement adopté la philosophie du capitalisme complet, qui réduit tout à des individus isolés cherchant à promouvoir leurs « intérêts » par tous les moyens qu’eux-mêmes trouvent adaptés.

Cependant, comme le capitalisme n’a pas encore lessivé tous les esprits, elle a commis un véritable suicide politique.

 

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Le 10 novembre, l’immense fracture dans la Gauche

La manifestation « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019 a provoqué une fracture complète à Gauche. Ceux qui ont soutenu la manifestation voient l’autre camp comme composé d’arriérés n’ayant pas saisi la nature coloniale, raciste de l’État français. Les autres sont à juste titre horrifiés de comment ce qu’on doit appeler la « Gauche » post-moderne est populiste, clientéliste et n’hésite pas à balancer par-dessus bord le moindre acquis de l’héritage historique de la Gauche.

Il y a d’un côté le mépris, de l’autre un sentiment d’horreur. La « Gauche » qui a manifesté le 10 novembre a un mépris profond pour la Gauche qui a refusé de venir : elle considère qu’il fallait être là, que sinon on est déconnecté du réel, que ceux qui ne viennent pas sont méprisables, car finalement racistes au fond d’eux-mêmes.

L’autre Gauche – la vraie – est horrifiée de voir des gens manifester aux côtés de représentants de l’Islam politique, dont l’agenda est de former une ligne communautariste pour établir une contre-société parallèle. Son haut-le-cœur est immense, son rejet total.

La cassure est là et elle est partie pour rester. On ne peut pas avoir deux histoires et il n’y a pas de place pour deux parcours radicalement différents, deux sensibilités aux antipodes. La Gauche s’est cassée en deux, littéralement.

Il y a désormais deux camps indissociables et on aurait d’ailleurs tort de penser que l’un est plus fort que l’autre. Il est vrai que, à l’appel de la manifestation du 10 novembre, on trouve l’ultra-gauche (Lutte Ouvrière, le NPA, etc.), la CGT, La France Insoumise, le syndicat étudiant UNEF.

Mais il y a déjà eu des défections avant le rassemblement : Yannick Jadot d’EELV (qui n’est finalement pas d’accord sur tout), Adrien Quatennens de LFI (étant certainement la future tête du mouvement, il cherche en fait à ne pas se « griller »), François Ruffin (qui explique qu’il était en vacances à Bruxelles mangeant des frites et des gaufres avec ses enfants quand il a signé et que de toutes façons dimanche il joue au football).

Et plus sérieusement, le Parti socialiste n’a pas appelé à la manifestation, ni la Gauche républicaine et socialiste. Une partie du PCF n’a pas été de la partie et on peut se douter que c’est valable même pour une partie de la CGT. Une partie de l’extrême-Gauche a rejeté la manifestation du 10 novembre également.

Quant aux gens de gauche, ils ont refusé cette mascarade et ne se sont pas mobilisés. Très peu de monde s’est d’ailleurs mobilisé, à part une sorte de bulle intellectuelle et militante que l’extrême-Droite définit aisément comme islamo-gauchiste, tellement c’est une alliance caricaturale autour de thèmes sociaux et identitaires, dans l’esprit de la Gauche anglo-saxonne.

Politiquement, la Gauche est carbonisée, mais ses traditions existent et la manifestation du 10 novembre s’y oppose frontalement. C’était une agression caractérisée. La réponse est donc naturelle, c’est celle d’une défense des valeurs, d’une protection d’une histoire. La Gauche n’a pas fait tout cela pour se retrouver dans cette situation, pour tomber aussi bas.

La « Gauche » post-moderne a pensé enterrer la Gauche historique le 10 novembre. En réalité, elle n’a fait que contribuer indirectement à son retour, à sa maturation pour la période prochaine.

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La manifestation parisienne du 10 novembre 2019 contre «l’islamophobie»

Le battage médiatique a été très intense avant la manifestation et la grande majorité des structures de gauche ont appelé à se mobiliser. Pourtant, tout comme pour la manifestation en faveur des Kurdes de Syrie faisant face à la Turquie, la mobilisation a été faible, avec 13 000 personnes. Et surtout, elle a été totalement parisienne, dans un mélange de bobos de gauche et de petits-bourgeois musulmans cherchant à s’incruster socialement dans le panorama bourgeois. Cela n’a rien à voir avec la Gauche.

Bras dessus bras dessous, très contents d’eux, toujours prompts à poser : telle était l’attitude des gens issus de la Gauche présents à la manifestation contre « l’islamophobie », ce concept flou visant à présenter en général la religion musulmane comme une victime. C’est ici la rencontre de l’Islam politique et d’une Gauche ne raisonnant plus en termes de capitalisme ou de classe, mais en terme d’individus avec des droits. L’extrême-Droite rêvait d’un islamo-gauchisme, les courants post-modernes de la Gauche ont exaucé ses vœux.

La seule exception à l’esprit à la fois allègre et niais ayant prédominé fut Benoît Hamon, dont on comprend le manque d’emballement, au point de venir à la manifestation l’Équipe à la main (ouvert à la page 29, l’article traitant de la défaite de l’aviron bayonnais contre Pau – rappelons que l’origine de l’appel à manifester est l’attentat d’une personne âgée raciste contre une mosquée à Bayonne). Que fait-il dans cette galère?

À cette posture générale bobo de gauche battant le pavé parisien s’est ajoutée une petite-bourgeoisie musulmane clairement revendicative sur un mode identitaire. L’ancien directeur exécutif du Collectif contre l’islamophobie en France Marwan Muhammad n’a pas eu de mal à faire scander « Allahu Akbar » à la foule à la fin de la manifestation. On n’a d’ailleurs pas échappé à des comparaisons délirantes avec la persécution des Juifs par l’Allemagne nazie.

Cela a bien entendu fait scandale, car nous sommes en France et il y a une connaissance de l’histoire qui n’est pas nulle. La conscience morale est réelle, contrairement aux affirmations délirantes comme quoi les musulmans de France seraient harcelés, pourchassés, etc.

Esther Benbassa, sénatrice EELV et une grande figure de l’ultra-libéralisme dans les mœurs, s’est faite littéralement détruire pour avoir cautionné cette utilisation d’une étoile jaune en version « musulman ». Elle prétend n’avoir rien vu et que de toutes façons ce n’est pas grave, voire une allusion positive contre l’antisémitisme, etc. C’est là un relativisme inévitable de la part de gens sans valeurs.

On n’a pas échappé non plus à une action au nom des FEMEN, celles-ci niant par contre toute manifestation. Cela a bien entendu provoqué tout un remue-ménage dans le cortège, pour une revendication en faveur de la laïcité qui, d’ailleurs, a perdu son sens.

La manifestation du 10 novembre 2019 a en effet rappelé une chose que trop de monde a oublié dans une France endormie. La laïcité n’a été qu’un compromis entre la moitié de la France farouchement opposé aux religions et l’autre moitié favorable au catholicisme. Or, un compromis n’est pas fait pour durer, il est prétexte à la lutte pour un nouveau rapport de force. La marche du 10 novembre 2019 a ainsi à la fois été tout à fait religieuse, tout en se prétendant entièrement laïque.

Faut-il avoir perdu l’esprit pour participer à une telle chose quand on se dit de gauche ?

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Les réactions à l’appel pour le 10 novembre contre «l’islamophobie»

L’appel à une marche ce dimanche 10 novembre 2019 contre « l’islamophobie » génère beaucoup de remous à Gauche. Il y a en effet de nombreuses réticences à l’offensive de la « Gauche » post-moderne alliée aux courants politiques musulmans à visée culturelle et aux courants « décoloniaux ». Voici un aperçu des réactions les plus significatives.

La réaction la plus marquante a été celle du Parti socialiste mardi 5 novembre, à l’issue de son Bureau National. De part sa tradition, à la fois institutionnelle et de gauche, le PS ne pouvait en effet pas se joindre à un appel ayant une dimension communautaire et religieuse aussi évidente.

Il y a également des personnalités qui se sont particulièrement exprimées sur le sujet, comme le socialiste Amine El-Khatmi, élu PS d’Avignon. Engagé depuis longtemps contre la montée de l’islamisme et du communautarisme, il fait partie des personnes lucides sur le mot « islamophobie », qu’il sait être « imposé dans le débat public par les islamistes ».

Il a eu des propos très appuyés au sujet de la marche de dimanche :

« Lorsqu’une partie de la Gauche va manifester avec des islamistes autour d’un mot d’ordre, l’islamophobie, qui est le refus d’une critique de la religion : oui, je le dis, c’est une trahison. De l’esprit « Charlie », de l’esprit du 11 janvier 2015 et plus que ça encore, c’est la trahison des combats historiques de la Gauche pour l’émancipation des individus, pour la liberté de conscience, pour le droit aux citoyens de s’élever de l’assignation à résidence identitaire. »

Ce discours incarne largement le sentiment des gens liés à la Gauche historique en France, avec bien sûr des nuances suivant les courants. Mais ce n’est pas celui de la « Gauche » post-moderne, hégémonique dans la direction des organisations, qui ne veut plus de la Gauche historique et préfère une alliance avec des courants politiques musulmans.

> Lire également : L’appel «anti-islamophobie» pour le 10 novembre de la Gauche post-moderne

Cette contradiction génère de nombreuses tensions, visibles au PCF notamment. Sa direction, qui est plus que poreuse au post-modernisme, acceptant l’écriture inclusive ou la question des « trans », a donc dû prendre des pincettes sur le sujet.

Le premier secrétaire du PCF Fabien Roussel n’a ainsi pas signé l’appel, pour ne pas engager l’organisation, en se contentant d’expliquer benoîtement qu’il ne s’y était « pas retrouvé ». L’appel a cependant été largement diffusé dans le PCF et ce sont des personnalités individuelles qui se sont chargées de le signer et même de le défendre.

C’est le cas de Ian Brossat, évidemment, mais aussi des députés Stéphane Peu et Elsa Faucillon, qui assume jusqu’au bout l’appel à marcher contre « l’islamophobie » :

« Face aux pressions, nous ne devons pas céder mais serrer les coudes pour soutenir nos concitoyens de confession musulmane »

Les réticences des gens de gauche face à cet appel révèle aussi un opportunisme grossier de la part de certaines personnalités l’ayant signé, mais feignant ensuite de n’avoir pas bien compris ce qu’ils signaient. C’est le cas Yannick Jadot (EELV), d’Adrien Quatennens (LFI) ou encore de François Ruffin (LFI) qui explique de manière grotesque n’avoir pas porté une attention suffisante au texte car il était avec ses enfants en Belgique « en train de manger des frites et des gaufres » et que de toutes manières, il ne sera pas là dimanche car il a « foot »…

Caroline de Haas pour sa part a demandé à ce que sa signature soit retirée de l’appel, mais elle se rendra quand-même à la marche dimanche pour en profiter.

Opportunisme également, mais dans l’autre sens : Eric Coquerel de la France insoumise explique qu’il a changé d’avis sur le terme « islamophobie », qu’il rejetait avant, qu’il assume maintenant. Selon lui, la critique de l’alliance avec des courants musulmans politiques serait un « universalisme abstrait » et :

« le risque de dérive communautariste, c’est-à-dire la capacité d’une communauté de subordonner les lois de notre République aux lois d’une religion ou de ses intérêts particuliers, n’a pas aujourd’hui de réalité de masse. »

Jean-Luc Mélenchon pour sa part « persiste et signe » sur l’appel, car « il faut savoir faire bloc quand l’essentiel est en jeu». Il en profite également pour lancer une petite pic propre à satisfaire les antisémites, expliquant qu’il soutient l’appel :

« pour ce qu’il y a dans le texte et pas en raison de ceux dont je découvre ensuite qu’ils l’ont également signé. Sinon, je n’aurais jamais signé de texte dans le passé avec Bernard-Henri Lévy ni avec le Crif ».

David Cormand, dirigeant d’EELV, ne regrette « pas du tout » d’avoir signé l’appel avec lequel il n’a « aucun problème », se disant même surpris par « la fébrilité » de certains. C’est peu ou proue la même chose chez Génération-s, qui prétend que :

« Il y a une attaque continue et extrêmement violente contre les populations musulmanes en France et Génération.s sera présent dimanche »

Clémentine Autain, figure du post-modernisme en France, est en première ligne pour défendre l’appel et combattre la Gauche historique :

« Nous devons être là car il y a une responsabilité de la gauche. J’appelle à ce que les forces progressistes y soient les plus nombreuses possible, parce que c’est nous qui donnerons le la ! »

Elle justifie cela par des propos grandiloquents, d’un populisme outrancier :

« Si on continue comme ça, on va vers la guerre civile ! »

« Nous traversons une période dangereuse, dans laquelle les musulmans sont la cible d’une haine qui met en jeu les valeurs républicaines »

Enfin, du côté des organisateurs, il y a eu des réactions très virulentes aux critiques venues de la Gauche, notamment de la part de Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis :

«  Il y a une tentative de sabotage de la part de la fachosphère et de la gauche, on en prend note : les polémiques du RN sont reprises par le PS ».

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L’appel «anti-islamophobie» pour le 10 novembre de la Gauche post-moderne

L’appel « anti-islamophobie » publié dans Libération est un véritable modèle du genre, puisque ses mots ont été choisis de manière extrêmement précise afin de satisfaire tant l’Islam politique que le libéralisme anti-universaliste de la Gauche post-moderne.

C’est à croire que la société flotte au-dessus du capitalisme, qu’il n’y a pas de bourgeoisie qui entend diviser pour régner. On a un « racisme » abstrait » visant « les musulmans » comme si ceux-ci formaient une communauté déterminée, unifiée.

À la bourse on achète des actions. Pour la Gauche post-moderne, la société fonctionne pareil. Il y a des acheteurs et des vendeurs, qui sont les individus tous différents les uns des autres. Mais tous participent à une grande bourse aux idées. Le but est de gagner des parts de marché. C’est là, on le reconnaîtra aisément, la conception sociale de la Gauche américaine, qui n’a jamais connu la Gauche historique.

La Gauche post-moderne française a adopté cette démarche. En ce sens, le quotidien Libération s’est donnée comme habitude depuis quelques temps de publier régulièrement des tribunes. Le Monde l’a toujours fait de temps en temps, mais Libération connaît une crise très profonde et cherche à s’en sortir. Sa méthode est de se placer comme plaque tournante d’une Gauche post-moderne, sociale mais ultra-libérale dans les mœurs. C’est à ce titre qu’on a la tribune « Le 10 novembre, à Paris, nous dirons STOP à l’islamophobie ! », qui appelle à un rassemblement à Paris.

Le texte, ci-dessous en annexe, a d’autant plus d’importance qu’il rassemble la Gauche post-moderne dans ce qui consiste en une grande offensive. Il s’agit très clairement de procéder à une cristallisation politique qui a de nombreux précédents dans d’autres pays, telles la Grande-Bretagne et la Belgique. Il s’agit de briser la Gauche historique au moyen d’une alliance de la Gauche post-moderne et des courants politiques musulmans à visée culturelle, ainsi que des courants « décoloniaux » entre les deux.

Il suffit pour s’en convaincre de voir les signataires initiaux de la tribune :

Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la Plateforme L.e.s. Musulmans; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA); le Comité Adama; le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF); l’Union communiste libertaire (UCL); l’Union nationale des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste).

Le NPA et l’Union communiste libertaire sont farouchement post-modernes, tout comme Madjid Messaoudene et Taha Bouhafs. La direction de l’Union nationale des étudiants de France est ouvertement sur cette ligne. Le Comité Adama se veut quant à lui d’esprit décolonial. Le Collectif contre l’islamophobie en France et la Plateforme L.e.s. Musulmans sont très clairement des structures relevant de l’Islam politique.

Et les appuis à cette initiative sont très puissants, puisqu’on retrouve pas moins que Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, ainsi que Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France Insoumise. Il y a aussi David Cormand, secrétaire National d’EELV. Impossible de ne pas voir là qu’il y a donc une démarche politique très claire. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, en signant cette tribune, met d’ailleurs très clairement les pieds dans le plat, puisqu’il est censé être sur une position de réserve.

Un autre qui met les pieds dans le plat, c’est Benoît Hamon. Que Génération-s signe l’appel est plus ou moins dans l’ordre des choses. Mais Benoît Hamon était censé être en retrait. Passe encore, dira-t-on, mais il y a un souci plus grave et, on peut le dire, hautement symbolique.

En effet, lorsque le réactionnaire Alain Finkielkraut avait été insulté par des gilets jaunes, le journaliste Taha Bouhafs avait accusé celui-ci d’être un « sale sioniste », sur Twitter. Benoît Hamon, qui vient de la gauche historique, avait alors posté un message très construit, très juste :

« Je combats les idées réactionnaires et radicales d’Alain #Finkielkraut. Mais je condamne sans aucune réserve ceux qui l’ont conspué, insulté et traité d’un « sale sioniste » qui voulait dire « sale juif ». Et laissez la Palestine en dehors de cette violence antisémite gratuite. »

Ce à quoi Taha Bouhafs a répondu avec un message ignoble digne de Dieudonné et Alain Soral :

« C’est bientôt le dîner du CRIF [Conseil représentatif des institutions juives de France], et t’as pas envie d’être privé de petits fours. »

Alors comment est-ce que Benoît Hamon peut signer une tribune lancée par un tel personnage ? Non seulement, il y a une éventuelle allusion aux chambres à gaz, mais en plus il le présente comme soumis au CRIF, comme si cette structure jouait un rôle majeur dans la politique française.

Ah, mais il faut ici faire de la politique. Et malheureusement Benoît Hamon, en basculant dans la gauche post-moderne ouverte, a perdu le fil. Il veut juste bien faire.

Mais il ne s’agit pas de bien faire et de dire abstraitement : on est contre le racisme, la haine des musulmans est condamnable. Il s’agit d’avoir une lecture politique authentique : qui cherche à diviser le peuple, et pourquoi ? Et cela, seule la Gauche historique est capable de le faire, car elle sait que tout cela n’a qu’un but : empêcher l’émergence d’une conscience socialiste.

Voici la tribune, publiée dans Libération.

« Tribune. Depuis bien trop longtemps, les musulmanes et les musulmans en France sont la cible de discours venant parfois de «responsables» politiques, d’invectives et de polémiques relayés par certains médias, participant ainsi à leur stigmatisation grandissante.

Depuis des années, la dignité des musulmanes et des musulmans est jetée en pâture, désignée à la vindicte des groupes les plus racistes qui occupent désormais l’espace politique et médiatique français, sans que soit prise la mesure de la gravité de la situation.

Depuis des années, les actes qui les visent s’intensifient : qu’il s’agisse de discriminations, de projets ou de lois liberticides, d’agressions physiques de femmes portant le foulard, d’attaques contre des mosquées ou des imams, allant même jusqu’à la tentative de meurtre.

L’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre, en est la manifestation la plus récente et les services de l’Etat savent que la menace terroriste contre les lieux de culte musulmans est grande.

Il a fallu que cette violence jaillisse aux yeux de tous, à travers l’humiliation d’une maman et de son enfant par un élu RN au conseil général de Bourgogne-Franche-Comté, pour que tout le monde réalise ce que des associations, des universitaires, des personnalités, des syndicats, militants et au-delà, des habitants, dénoncent à juste titre depuis des années : l’islamophobie en France est une réalité. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il ne s’agit plus ici de débats d’idées ou de critique des religions mais d’une forme de racisme explicite qui vise des personnes en raison de leur foi. Il faut aujourd’hui s’unir et se donner les moyens de la combattre, afin que plus jamais, les musulmanes et les musulmans ne puissent faire l’objet de tels traitements.

Puisque les discours et déclarations d’intention ne suffisent plus, parce que l’heure est grave : le 10 novembre à Paris nous marcherons pour dire :

– STOP aux discours racistes qui se déversent sur nos écrans à longueur de journée, dans l’indifférence générale et le silence complice des institutions étatiques chargées de lutter contre le racisme.

– STOP aux discriminations qui visent des femmes portant le foulard, provoquant leur exclusion progressive de toutes les sphères de la société.

– STOP aux violences et aux agressions contre les musulmanes et les musulmans, qui se retrouvent progressivement déshumanisés et stigmatisés, faisant d’eux des terroristes potentiels ou des ennemis de l’intérieur.

– STOP aux délations abusives jusqu’au plus haut niveau de l’Etat contre des musulmans dont le seul tort serait l’appartenance réelle ou supposée à une religion.

– STOP à ces dispositifs de surveillance de masse qui conduisent à une criminalisation pure et simple de la pratique religieuse.

Les conséquences, notamment pour des salariés licenciés et des familles déstabilisées, sont désastreuses et ne peuvent plus être tolérées. Cette criminalisation se fait au détriment des libertés fondamentales et des principes les plus élémentaires d’égalité censés guider notre pays.

Nous, musulmans ou non, disons STOP à l’islamophobie et nous serons nombreux pour le dire ensemble le 10 novembre prochain à Paris.

Nous appelons toutes les organisations, toutes les associations, tous les collectifs, toutes les fédérations de parents d’élèves, tous les partis politiques, toutes les personnalités, tous les médias, toutes les personnes solidaires à se joindre à cet appel solennel et à répondre présent à la marche du 10 novembre prochain.

Il en va des libertés fondamentales de tous. Il en va de la dignité et de l’intégrité de millions de concitoyens. Il en va de notre unité à tous, contre le racisme sous toutes ses formes qui, aujourd’hui, menace une nouvelle fois la France.

Un appel initié par Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la Plateforme L.e.s. Musulmans; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA); le Comité Adama; le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF); l’Union communiste libertaire (UCL); l’Union nationale des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste). Premiers signataires: Action Antifasciste Paris Banlieue (AFA); Arié Alimi , avocat; Pouria Amirshahi , directeur de publication de Politis; Manon Aubry, eurodéputée; Étienne Balibar , universitaire; Ludivine Bantigny, historienne; Yassine, Belattar, humoriste; Esther Benbassa, sénatrice EE-LV de Paris; Olivier Besancenot, NPA; Saïd Bouamama, sociologue; Leïla Chaibi, eurodéputée LFI; André Chassaigne, député, président du groupe GDR; David Cormand, secrétaire National d’EE-LV; Laurence De Cock, enseignante; Caroline De Haas, militante féministe; Vikash Dhorasoo, ancien de joueur de foot, parrain d’Oxfam et président de Tatane; Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice ; Pierre Jacquemain , rédacteur en chef de Regards; Éric Fassin, sociologue; Elsa Faucillon, députée PCF; Fédération syndicale unitaire (FSU); Fianso, artiste; Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP); Geneviève Garrigos, féministe, militante des Droits humains; Vincent Geisser, politologue; Alain Gresh, journaliste; Nora Hamadi, journaliste; Benoît Hamon, Génération.s; Yannick Jadot (député europééen EELV); Mathilde Larrère, historienne; Mathieu Longatte (Bonjour Tristesse); Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT; Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France Insoumise; Marwan Muhammad, auteur et statisticien; Younous Omarjee, eurodéputé; Stéphane Peu, député PCF; Edwy Plenel, journaliste; Maryam Pougetoux et Mélanie Luce, Unef; Jérôme Rodrigues, gilet jaune; Julien Salingue, docteur en science politique; Pierre Serne (porte-parole de Génération.s); Michèle Sibony et l’Union juive française pour la paix (UJFP); Laura Slimani, élue de Rouen, direction nationale de Génération.s; Azzédine Taibi, maire PCF de Stains; Sylvie Tissot, sociologue; Aida Touihri, journaliste; Assa Traoré, comité Adama; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac; Union syndicale Solidaires; Dominique Vidal, journaliste et historien.