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Vie quotidienne

L’affaire Nahel ou la France américaine

La France est devenue comme les États-Unis, un pays où la lutte des classes est niée. Il n’y aurait plus que des individus, disposant de droits plus ou moins importants, que la société accorderait (c’est le « droit positif », par opposition au droit naturel revendiqué par la Gauche historique). Interpréter quelque chose au sein de la société revient ainsi à nier l’Histoire, les classes, pour ne se tourner que vers l’individu.

Toutes les réactions concernant l’affaire Nahel ont reflété cette américanisation de la société française. L’arrière-plan social n’est plus pris en compte, pas plus que le contexte. Tout caractère social est « oublié » et c’est vrai tant pour la question du crime organisé que de la police. De la même manière que dans les livres d’Histoire, ce sont des individus qui feraient l’Histoire – Napoléon, Hitler, de Gaulle, Poutine… – dans la vie de tous les jours, tout ne serait affaire que d’individus.

Les Français, pour dire simple, raisonnent comme des Américains. Lessivés par le capitalisme, les gens en France ne voient les choses qu’individuellement – pourquoi en serait-il autrement ?

Emmanuel Macron, le premier président français au style américain assumé

Oubliant qu’il s’agissait d’un jeune de 17 ans en grosse cylindrée ayant fui la police pendant pratiquement une demi-heure, les tenants de la « bavure policière » sont scandalisés de l’atteinte à la vie d’une personne. Peu importe qu’il s’agisse d’un délinquant multirécidiviste, car les droits de l’individu sont sacrés ! La « gauche » américaine n’aurait pas dit les choses différemment. La « gauche » française est devenue l’équivalent du Parti démocrate américain.

Les tenants de « l’ordre public » ont de leur côté réagi exactement comme l’aurait fait le Parti républicain américain. Là aussi, on raisonne en termes d’individus et de droits. Sauf qu’on considère que les droits acquis sont ce qu’il y a de plus important : il faut les préserver. Il faudrait donc avant tout fermer la porte à tout changement institutionnel, car c’est risquer de remettre en cause les droits individuels. Partant de là, les institutions doivent être rigides, la police doit appliquer les règles frontalement, afin de bloquer la moindre remise en cause individuelle des règles.

Tout cela n’a rien à voir avec l’opposition Gauche/Droite. C’est en réalité une opposition entre le capitalisme « à l’ancienne » et le capitalisme « moderniste ». Ce sont les deux aspects de la même pièce capitaliste. Le capitalisme reste lui-même tout en se modernisant. Pour cela, on a les « conservateurs » qui privilégient ce que le capitalisme a déjà mis en place, et les « progressistes » qui font la promotion de l’élargissement du libéralisme.

Le rappeur Jul avec Nahel dans la vidéo de la chanson Ragnar

Il serait d’ailleurs plus facile de formuler directement les choses en disant que tous, conservateurs comme progressistes, sont des libéraux. Tous raisonnent en termes d’individus et de droits individuels. Le panorama politique français est entièrement devenu libéral.

Pas forcément économiquement, car on trouve encore des gens pour promouvoir une intervention étatique dans l’économie. D’ailleurs, l’État français joue un rôle très actif dans l’économie du pays. Mais sur le plan idéologique, des idées, le libéralisme prédomine totalement. C’est l’idéologie de l’Union européenne, dont l’idéologie LGBT est un aspect majeur.

C’est la négation de la lutte des classes et dans cette négation, il faut toujours trouver le moyen de nier les classes au profit d’une identité. Un tel est gay avant d’être ouvrier, et comme cela ne suffit pas on va faire sauter la définition même de gay afin d’encore plus diviser, et on va également ajouter la question de la couleur de peau, etc., à l’infini.

Le but du capitalisme est de faire en sorte qu’on se définisse par la consommation seulement, alors il faut d’autant plus d’identités, d’autant plus de prêt-à-porter pour des gens aliénés, notamment par les réseaux sociaux.

Notre but est inversement la recomposition du prolétariat à partir de la production, par l’affirmation du collectivisme, du caractère historiquement inévitable du Socialisme !

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Culture Culture & esthétique

Iriedaily X Union Berlin, la fraîcheur et les valeurs

« Nebeneinander, miteinander, füreinander ».

Iriedaily, la marque de vêtement berlinoise à l’esprit alternatif, produit une collaboration avec l’Union Berlin, le club de football populaire de l’Est de la ville. Plus précisément, c’est une collaboration entre Iriedaily, le 1.FC Union Berlin et Adidas, l’équipementier du club, pour soutenir le projet Mellowpark.

Voici la présentation du projet.

« Bonjour les amis,

Lors du match à domicile contre le Bayer Leverkusen lors de la 30e journée, les Unioners joueront dans un maillot destiné à aider les enfants de Berlin à faire du skateboard.

Pour cette raison, le Mellowpark, un centre culturel pour les jeunes à proximité immédiate du stade « An der Alten Försterei », orne la poitrine du maillot spécial pour un jour de match.

Adidas et ses partenaires utilisent une partie du produit de la vente du maillot limité pour financer la construction d’une nouvelle skate plaza à Mellowpark.

Celle-ci sera inaugurée le dimanche 30 avril 2023, avec un événement pour tout Köpenick [le quartier de Berlin où est situé le stade].

À l’avenir, les nouveaux espaces offriront un espace pour des ateliers et des projets liés au skateboard, en particulier aux initiatives sociales du sud-est de Berlin – fidèle à la devise :

« Les uns à côté des autres, les uns avec les autres, les uns pour les autres [Soit en allemand : Nebeneinander, miteinander, füreinander] ».

Voici la vidéo, où l’on reconnaît immédiatement la touche apportée par la marque Iridaily, dans un esprit qui colle tout à fait avec celui de l’Union.

Nebeneinander, miteinander, füreinander !

Tout cela est d’une grande fraîcheur, indéniablement populaire, et surtout fortement assumé comme relavant de la Gauche historique. Il y a des usines en fond sur le maillot ! Ce n’est clairement pas à Paris que l’on verrait cela, ni même à Marseille, Saint-Étienne, Lens, Nantes, ou Saint-Ouen.

L’Union Berlin d’ailleurs lui-même un club très populaire avec une identité ouvrière et alternative entièrement assumée.

C’est clairement le feu quand cela fusionne avec le style urbain et moderne d’Iriedaily.

C’est le genre de choses que l’on veut en France ! Et agauche.org paye très cher par l’isolement le fait de promouvoir ce genre de valeurs et de style, bien loin du ronflement syndicaliste et des errements de la fausse gauche française !

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Politique

Lénine contre la grève générale

Un point de vue qui est celui de la Gauche historique.

Toute la gauche de la Gauche parle en ce moment en France de la grève générale comme grand espoir. Le mouvement contre la réforme des retraites aurait une perspective de victoire par la grève générale, qui ferait reculer le gouvernement.

Ce n’est pas le point de vue de la Gauche historique, avec raison.

La grève générale est une fiction anarchiste. Elle ne prend pas en compte la politique. Ce n’est pas par là que passe la victoire.

Le jeune Lénine, figure déjà éminente de la social-démocratie russe, résume cette conception de la Gauche historique de la manière suivante en 1899, dans son article A propos des grèves.

Les grèves apprennent aux ouvriers à s’unir ; elles leur montrent que c’est seulement en unissant leurs efforts qu’ils peuvent lutter contre les capitalistes ; les grèves apprennent aux ouvriers à penser à la lutte de toute la classe ouvrière contre toute la classe des patrons de fabrique et contre le gouvernement autocratique, le gouvernement policier.

C’est pour cette raison que les socialistes appellent les grèves « l’école de guerre », une école où les ouvriers apprennent à faire la guerre à leurs ennemis, afin d’affranchir l’ensemble du peuple et tous les travailleurs du joug des fonctionnaires et du capital.

Mais « l’école de guerre« , ce n’est pas encore la guerre elle-même.

Lorsque les grèves se propagent largement parmi les ouvriers, certains d’entre eux (et quelques socialistes) en viennent à s’imaginer que la classe ouvrière peut se borner à faire grève, à organiser des caisses et des associations pour les grèves, et que ces dernières à elles seules suffisent à la classe ouvrière pour arracher une amélioration sérieuse de sa situation, voire son émancipation.

Voyant la force que représentent l’union des ouvriers et leurs grèves, même de faible envergure, certains pensent qu’il suffirait aux ouvriers d’organiser une grève générale s’étendant à l’ensemble du pays pour obtenir des capitalistes et du gouvernement tout ce qu’ils désirent.

Cette opinion a été également celle d’ouvriers d’autres pays, lorsque le mouvement ouvrier n’en était qu’à ses débuts et manquait tout à fait d’expérience. 

Mais cette opinion est fausse.

Les grèves sont un des moyens de lutte de la classe ouvrière pour son affranchissement mais non le seul ; et si les ouvriers ne portent pas leur attention sur les autres moyens de lutte, ils ralentiront par là la croissance et les progrès de la classe ouvrière.

En effet, pour assurer le succès des grèves, il faut des caisses afin de faire vivre les ouvriers pendant la durée du mouvement.

Ces caisses, les ouvriers en organisent dans tous les pays (généralement dans le cadre d’une industrie donnée, d’une profession ou d’un atelier) ; mais chez nous, en Russie, la chose est extrêmement difficile car la police les traque, confisque l’argent et emprisonne les ouvriers.

Il va de soi que les ouvriers savent aussi déjouer la police, que la création de ces caisses est utile et nous n’entendons pas la déconseiller aux ouvriers.

Mais on ne peut espérer que ces caisses ouvrières, interdites par la loi, puissent attirer beaucoup de membres ; or, avec un nombre restreint d’adhérents, elles ne seront pas d’une très grande utilité.

Ensuite, même dans les pays où les associations ouvrières existent librement et disposent de fonds très importants, même dans ces pays la classe ouvrière ne saurait se borner à lutter uniquement par des grèves.

Il suffit d’un arrêt des affaires dans l’industrie (d’une crise comme celle qui se dessine actuellement en Russie) pour que les patrons des fabriques provoquent eux-mêmes des grèves, parce qu’ils ont parfois intérêt à faire cesser momentanément le travail, à ruiner les caisses ouvrières.

Aussi les ouvriers ne peuvent-ils se borner exclusivement aux grèves et aux formes d’organisation qu’elles impliquent.

En deuxième lieu, les grèves n’aboutissent que là où les ouvriers sont déjà assez conscients, où ils savent choisir le moment propice, formuler leurs revendications, où ils sont en liaison avec les socialistes pour se procurer ainsi des tracts et des brochures.

Or ces ouvriers sont encore peu nombreux en Russie et il est indispensable de tout faire pour en augmenter le nombre, pour initier la masse des ouvriers à la cause ouvrière, pour les initier au socialisme et à la lutte ouvrière.

Cette tâche doit être assumée en commun par les socialistes et les ouvriers conscients, qui forment à cet effet un parti ouvrier socialiste.

En troisième lieu, les grèves montrent aux ouvriers, nous l’avons vu, que le gouvernement est leur ennemi, qu’il faut lutter contre lui.

Et, dans tous les pays, les grèves ont en effet appris progressivement à la classe ouvrière à lutter contre les gouvernements pour les droits des ouvriers et du peuple tout entier.

Ainsi que nous venons de le dire, seul un parti ouvrier socialiste peut mener cette lutte, en diffusant parmi les ouvriers des notions justes sur le gouvernement et sur la cause ouvrière.

Nous parlerons plus spécialement une autre fois de la façon dont les grèves sont menées chez nous, en Russie, et de l’usage que doivent en faire les ouvriers conscients.

Pour le moment, il nous faut souligner que les grèves, comme on l’a dit ci-dessus, sont « l’école de guerre » et non la guerre elle-même, qu’elles sont seulement un des moyens de la lutte, une des formes du mouvement ouvrier.

Des grèves isolées les ouvriers peuvent et doivent passer et passent effectivement dans tous les pays à la lutte de la classe ouvrière tout entière pour l’émancipation de tous les travailleurs.

Lorsque tous les ouvriers conscients deviennent des socialistes, c’est-à-dire aspirent à cette émancipation, lorsqu’ils s’unissent à travers tout le pays pour propager le socialisme parmi les ouvriers, pour enseigner aux ouvriers tous les procédés de lutte contre leurs ennemis, lorsqu’ils forment un parti ouvrier socialiste luttant pour libérer tout le peuple du joug du gouvernement et pour libérer tous les travailleurs du joug du capital, alors seulement la classe ouvrière adhère sans réserve au grand mouvement des ouvriers de tous les pays, qui rassemble tous les ouvriers et arbore le drapeau rouge avec ces mots : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Tant que les travailleurs n’assumeront pas la politique, ce sera l’échec. Il ne sert à rien de pleurer que l’intersyndicale ne lutte pas assez, car une telle chose est normale. Les syndicats accompagnent le capitalisme. Ce qu’il faut comprendre, c’est le caractère central de la politique.

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Politique

La France se décompose en mars 2023

La société française est totalement pourrie.

Les Français sont des hypocrites ; ce n’est pas pour rien qu’ils n’ont jamais assumé le protestantisme pourtant né chez eux avec Jean Calvin, et qu’ils ont toujours préféré le catholicisme où, au moins, on pouvait se repentir après avoir fait le contraire de ce qui était demandé.

Quiconque regarde par la fenêtre, dans la rue, au travail, à l’école, où qu’il veuille, ne peut pas ne pas voir que la France se décompose, que plus rien ne tient. Le niveau culturel s’effondre, les gens se contentent du superficiel et développent même un goût pour le superflu. Chaque Français rêve de gagner des millions au loto pour se contenter de se laisser vivre en profitant du luxe.

Autre constat : la violence dans la société s’est effondrée. La violence directe, l’agressivité des années 1970-1990 a pratiquement disparu, mais la violence sociale a explosé. On ne risque plus de se faire tabasser au commissariat, mais toute la société tabasse la psychologie, les nerfs, les sentiments. La vie quotidienne est méchamment ardue.

Mais les Français ne l’assument pas. Ils masquent la réalité, car ils comptent encore profiter jusqu’au maximum d’être au chaud en occident. Le pays se tiers-mondise ? Qu’importe si « moi » je peux encore en profiter. Tant pis pour les autres !

C’est cela qui explique cette ambiance années 1930 qui suinte du mouvement actuel contre la réforme des retraites. On n’y trouve strictement rien relevant de la Gauche historique. C’est la Droite qui s’exprime partout. Marches aux flambeaux… Incendie d’effigies de personnalités politiques… Anti-parlementarisme avec ciblage de permanences d’élus… Virilisme des « minorités agissantes » lors des manifestations… Esprit ouvertement corporatiste avec un refus catégorique d’élargir le champ des revendications…

On voit mal comment Marine Le Pen ne va pas profiter de manière prononcée de la séquence en cours. Nous vivons pratiquement un Février 1934 conforme à l’esprit de notre époque : sur un mode syndical occidental, mou, aigri, délétère, acide. On pensait qu’avec les gilets jaunes, ces chemises noires ne s’assument pas, on ne pouvait pas vraiment faire pire… Eh bien si ! Les beaufs du syndicalisme ont réalisé cet exploit.

Ce qui nous pend au nez, c’est le scénario italien des années 1920. L’agitation sociale échoue, et même si elle n’a pas été « révolutionnaire », elle fait suffisamment peur à la bourgeoisie qui craint une progression du niveau de conscience historique des masses. Alors, ce qui s’ensuit, c’est la victoire électorale de l’extrême-Droite. Puis un tour de vis massif et l’instauration d’un régime, à peu près le même, et pourtant différent, pour aller à la guerre.

On dira qu’il n’y a pas de milices d’extrême-Droite aujourd’hui. C’est vrai, il n’y a que quelques regroupements totalement déconnectés de la réalité. Mais il n’y a même pas besoin de telles milices, car la Gauche historique – la seule réelle menace pour la bourgeoisie – est inexistante ou presque en France. Ce n’est pas La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon qui va prendre l’Élysée par les armes et instaurer le Socialisme. Et de toutes façons les masses ne veulent rien savoir, elles ne veulent pas de la politique, elles veulent qu’on les laisse tranquilles et que chacun puisse continuer sa petite vie.

Le mouvement contre la réforme des retraites auquel on assiste est une infamie, une insulte aux exigences de l’Histoire. Nous l’avions dit dès le départ. Et il n’a pas fini de continuer à s’enfoncer. Cela va empirer.

Rien de toute ça n’empêchera toutefois la résurgence inéluctable de la Gauche historique ! C’est la crise générale, la France s’effondre, les compteurs sont remis à zéro, et il faut boire le calice de la corruption occidentale des masses jusqu’à la lie, voilà tout. Demain sera entièrement différent politiquement.

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Politique

La Gauche historique ne fantasme pas sur la « grève générale »

L’anarchisme, l’anarcho-syndicalisme : une plaie dans notre pays.

Ce 7 mars 2023, les syndicats visent à organiser en France une vaste grève. Cette grève n’est pas organisée selon les principes de la Gauche historique. Elle relève de l’économisme, du trade-unionisme, c’est-à-dire du réformisme, dans son alliance à l’anarcho-syndicalisme qui rêve qu’une « grève générale », soit le prélude du « grand soir ». On est là dans le mythe mobilisateur théorisé par Sorel et tous les « socialistes français » rejetant le marxisme.

Rosa Luxembourg rappelle, dans Grève de masse, parti et syndicat, écrit en 1905, que la Gauche historique ne conçoit le mouvement ouvrier qu’à travers le prisme de la conscience politique. Elle nous dit de la position historique de la social-démocratie, du marxisme :

« Elle est dirigée contre la théorie anarchiste de la grève générale qui oppose la grève générale, facteur de déclenchement de la révolution sociale, à la lutte politique quotidienne de la classe ouvrière.

Elle tient tout entière dans ce dilemme simple : ou bien le prolétariat dans son ensemble ne possède pas encore d’organisation ni de fonds considérables – et alors il ne peut réaliser la grève générale – ou bien il est déjà assez puissamment organisé – et alors il n’a pas besoin de la grève générale.

Cette argumentation est, à vrai dire, si simple et si inattaquable à première vue, que pendant un quart de siècle elle a rendu d’immenses services au mouvement ouvrier moderne, soit pour combattre au nom de la logique les chimères anarchistes, soit pour aider à porter l’idée de la lutte politique dans les couches les plus profondes de la classe ouvrière.

Les progrès immenses du mouvement ouvrier dans tous les pays modernes au cours des vingt-cinq dernières années vérifient de la manière la plus éclatante la tactique de la lutte politique préconisée par Marx et Engels, par opposition au bakouninisme : la social-démocratie allemande dans sa puissance actuelle, sa situation à l’avant-garde de tout mouvement ouvrier international est, pour une très grosse part, le produit direct de l’application conséquente et rigoureuse de cette tactique. »

Dans ce même ouvrage, Rosa Luxembourg constate qu’en Russie un nouveau phénomène est apparu, qui exige de recalibrer la notion de grève. Il y avait en effet, dans toute la période menant aux deux révolutions russes de 1917, de multiples grèves. Mais elles avaient un caractère contestataire visant le régime et c’est pourquoi Rosa Luxembourg parle de « grève politique de masse ».

Ce qui se passe en France n’a rien à voir avec un tel mouvement secouant le régime. On est dans le réformisme, purement et simplement.

La Gauche historique, celle qui s’appuie sur la social-démocratie et le marxisme, refuse d’accorder une valeur à un tel réformisme qui rejette le Socialisme comme objectif incontournable.

Elle n’accepte pas non plus une ligne populiste visant à « manipuler » les travailleurs pour qu’ils passent sans s’en apercevoir de revendications au camp du socialisme – comme si une telle chose était possible.

Cette conception d’amener les travailleurs comme malgré eux dans le camp du Socialisme est celle, trompeuse, mensongère, du réformisme à prétention « révolutionnaire », du trotskisme avec le « programme de transition ». C’est une négation de l’importance de la conscience, et ce d’autant plus dans un pays comme la France où règne le 24 heures sur 24 du capitalisme.

La Gauche historique affirme que tout dépend du niveau de conscience. Dans son fameux ouvrage Que faire?, en 1902, Lénine salue comment le dirigeant de la social-démocratie Karl Kautsky valorise la conscience, lui reconnaissant le rôle central. Et il pose que :

« Du moment qu’il ne saurait être question d’une idéologie indépendante, élaborée par les masses ouvrières elles-mêmes au cours de leur mouvement , le problème se pose uniquement ainsi : idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste.

Il n’y a pas de milieu (car l’humanité n’a pas élaboré une « troisième » idéologie ; et puis d’ailleurs, dans une société déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d’idéologie en dehors ou au-dessus des classes).

C’est pourquoi tout rapetissement de l’idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l’idéologie bourgeoise.

On parle de spontanéité. Mais le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l’idéologie bourgeoise, Il s’effectue justement selon le programme du Credo, car mouvement ouvrier spontané, c’est le trade-unionisme, la Nur-Gewerkschaftlerei ; or le trade-unionisme, c’est justement l’asservissement idéologique des ouvriers par la bourgeoisie.

C’est pourquoi notre tâche, celle de la social-démocratie est de combattre la spontanéité, de détourner le mouvement ouvrier de cette tendance spontanée qu’a le trade-unionisme à se réfugier sous l’aile de la bourgeoisie, et de l’attirer sous l’aile de la social-démocratie révolutionnaire. »

La question est politique, toute question est politique. Une grève sur une base économique peut exister, mais en dernier ressort elle dépend d’une orientation politique : les syndicats sont une courroie de transmission du Parti menant au Socialisme.

Sinon, tout se joue dans le cadre du capitalisme et, en dernier ressort, sert le capitalisme pour trouver des manières de se ré-impulser, de se relancer!

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Guerre

Allemagne : 50 000 personnes contre la guerre en Ukraine

Avec Alice Schwarzer et Sahra Wagenknecht.

Nous avions déjà parlé en mai 2022 de la Lettre ouverte au chancelier Olaf Scholz, lancée par la revue féministe historique EMMA avec Alice Schwarzer. Depuis, un vrai travail de fond a été mené, avec notamment également et bien entendu Sahra Wagenknecht, la principale figure de la Gauche historique en Allemagne.

Sahra Wagenknecht et Alice Schwarzer

Leur manifeste pour la paix mis en ligne le 10 février 2023 a ainsi obtenu plus de 650 000 signatures. Il demande l’arrêt de l’escalade militaire de la part des pays occidentaux et la mise en place d’une véritable diplomatie pour la paix. Il met en avant un appel à manifester comme « soulèvement pour la paix ».

50 000 personnes se sont rendus à Berlin à la suite de cet appel, le 25 février 2023, manifestant sous la neige, exigeant la cessation de l’envoi d’armes au régime ukrainien.

Quel contraste avec la France où toutes les forces politiques, de La France Insoumise au Rassemblement national sont sur la ligne du gouvernement et de l’Otan, même si parfois avec certaines « réserves »!

Le drapeau du mouvement pacifiste (et non pas celui LGBT)

Là on voit la différence, avec une vraie position sur celle de la Gauche historique. Disons le, c’est exemplaire. Cela fait chaud au cœur !

C’est d’autant plus brillant qu’en Allemagne, contrairement à en France et à en Italie, l’extrême-Droite est opposée aux États-Unis. Les médias ont ainsi essayé de dénoncer le mouvement anti-guerre en l’assimilant à l’extrême-Droite, dans un matraquage ininterrompu dans tous les médias.

Mais l’entreprise a échoué ! L’intelligence politique et la légitimité d’Alice Schwarzer et de Sahra Wagenknecht ont permis l’émergence d’une vraie opposition, sur une ligne relevant de la Gauche historique.

« Bas les armes ! La guerre en Ukraine peut et doit être terminé au moyen de la diplomatie »
Bas les armes ! est une allusion au titre d’un ouvrage éponyme majeur dans les pays de langue allemande au début du 20e siècle, écrit par l’activiste Bertha von Suttner

Sahra Wagenknecht a avec justesse souligné d’ailleurs que ceux qui dénoncent l’extrême-Droite feraient bien de voir l’Ukraine et ses représentants, alignés sur le bandérisme !

Quel contraste avec la France où, le même jour, à Paris, le Parti socialiste, La France Insoumise, Ensemble et bien d’autres manifestaient avec les bandéristes !

En Allemagne, il y en a qui assument de se confronter avec leur propre militarisme !

1812 Napoléon 1914 L’empereur Guillaume 1941
Hitler 2023 Scholz / Baerbock?

Et il ne faut pas croire qu’en Allemagne, il n’y ait pas d’ailleurs en général le même matraquage qu’en France, bien au contraire ! L’Allemagne a même placé un… tank russe détruit il y a quelques mois devant l’ambassade de Russie à Berlin ! Les couleurs ukrainiennes ont été hissées sur les bâtiments officiels, etc.

C’est le même bourrage de crâne, la même guerre psychologique, la mobilisation pour l’Otan, pour la guerre américaine contre la Russie.

Les camarades allemands montrent l’exemple : c’est un mouvement démocratique et populaire qu’il faut générer contre la guerre !

Pas d’armes pour le régime ukrainien, et pression maximale sur les gouvernements pour forcer à aller dans le sens de la diplomatie !

Dans la compréhension, pour les éléments les plus conscients, qu’on est là dans la bataille pour le repartage du monde, et que c’est le Socialisme qui est à proposer comme horizon véritable pour empêcher ou stopper la nouvelle guerre mondiale qui se met en place !

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Politique

François Ruffin, ennemi n°1 de la Gauche historique

Il est indéniablement une tête de pont du fascisme.

La Gauche historique fait face à deux tendances qui la rongent depuis une dizaine d’années : d’un côté le post-modernisme, de l’autre le national-populisme.

Il apparait de plus en plus que le post-modernisme et son idéologie « décontructiviste » a toujours moins d’emprise sur la classe ouvrière. Son côté libéral-libertaire ne faisant plus illusions quant à ses buts : l’accompagnement du turbocapitalisme. L’alliance de la NUPES avec ses figures médiatiques telles que Sandrine Rousseau ou Danièle Obono, les récentes affaires « Adrien Quatennens », « Julien Bayou » finissent de faire craqueler l’influence du postmodernisme, qui n’est évidemment pas compris comme tel par les sympathisants populaire de la Gauche.

Mais forcément, cela laisse apparaître l’autre grande force qui a toujours saboté la Gauche de l’intérieur : le national-populisme. La figure montante de ce courant est François Ruffin. Et cela ne manque d’interpeller les éléments qui sont le plus intéressés par cette dynamique : les fascistes !

Dans le dernier numéro de la revue « Éléments pour la civilisation européenne« , revue fondée en 1973 autour de l’idée de mener une bataille culturelle axée sur la défense identitaire de type civilisationnel, on retrouve une interview de Marine Le Pen par le directeur de rédaction Pascal Eysseric mais aussi son reportage sur François Ruffin lors d’un débat à la fête de l’Humanité.

Dans une interview sur le dernier numéro de la revue par la chaine YouTube d’extrême-droite TV Libertés, on apprend de la bouche même de François Bousquet, alors rédacteur en chef, que Pascal Eysseric entretien une relation ancienne avec François Ruffin. Avant de se féliciter du fait que « la revue Éléments a accompagné beaucoup de gens qui sont passés de la gauche vers la droite, si tant est que le clivage soit encore opérant ».

Et les gens de cette revue sont d’une habileté redoutable dans leur capacité à pilonner la Gauche dans le pur style fasciste. Ainsi à la question de savoir si le « programme social du RN peut se faire l’économie de la lutte des classes », Marine Le Pen répond :

Le problème en France n’est pas qu’il y ait des riches, mais plutôt qu’il y ait des pauvres, de plus en plus de pauvres. Il ne faut pas lutter contre la richesse légitimement acquise, mais contre la pauvreté qui est incompatible avec la vision d’une société harmonieuse que, comme nationaux, nous défendons […] Nous pensons que le marxisme haineux comme le capitalisme prédateur réduisent toute la vie nationale à confrontation fratricide sur le champ de bataille économique. C’est un projet incompatible avec la conception fraternelle que nous défendons de la communauté nationale.

On comprend alors que le reportage dans ce même numéro sur François Ruffin ne relève en rien du hasard mais bien du fait qu’il est vu comme une tête de pont dans le cadre d’une offensive « métapolitique » visant à récupérer le reste des classes populaires qui n’ont pas encore été emportées par la démagogie national-sociale du RN. Derrière, il y a une opération de sabotage de la lutte des classes visant à barrer la route à toute reconstruction de la Gauche sur ses bases historiques.

Dans son reportage sur François Ruffin, Pascal Eysseric se félicite que « la grande nouveauté de la fête de l’huma […] c’est que la rédaction d’Éléments ait reçu une invitation du département de la Seine-Saint-Denis ». Puis il lance son opération idéologique par ces lignes habiles :

A Gauche, ce sont les deux seuls députés de la NUPES [Roussel/Ruffin] à parler ouvertement d’ « assistanat », de « système de revenu de substitution à vie pour certaines familles », de « cas soc' », à parler de frontières et de protectionnisme […]

Pour l’heure, Ruffin ne veut pas aller plus avant. Il s’accroche à des hochets indignes de lui sur « l’économie de guerre climatique », mais un mot, timidement , a fait son apparition « faire Nation ». Il est répété deux fois, curieuse coquille […]

Comme tous les assiégés, il se pose des questions : « sera-t-on abandonnés par les états-majors ? » Croit-il seulement à la dédicace qu’il nous a écrite en page de garde de son livre : « Pour Pascal, et pour qu’à la fin, c’est les gentils qui vont gagner »

Pour cause, François Ruffin a été réélu député aux élections législatives 2022 dans une circonscription où Marine Le Pen a atteint des sommets vertigineux lors du premier tour des présidentielles. Cette réélection est alors présentée comme une victoire de Gauche face à l’extrême droite, avec en apparence une bataille antifasciste contre la démagogie.

Sauf que non… car en fait François Ruffin et Marine Le Pen, vue comme la « Vierge Marine » dans sa circonscription, ce sont les deux faces d’une même pièce, celle de l’union nationale sur la base de la solidarité sociale.

On ne peut pas arriver avec 65,56 % des voix à Flixecourt aux législatives, seulement deux mois après après que Marine Le Pen ait obtenu 44,29 % voix au 1er tour des présidentielles, sans se demander ce qui cloche. Et en fait, il n’y a rien qui cloche car François Ruffin n’est pas sur des positions de lutte de classe, mais pratique le national-populisme.

Pour la Gauche historique, la bataille antifasciste s’est toujours effectuée dans le cadre d’un affrontement politique dans lequel des portions populaires étaient arrachés à la démagogie fasciste, et non pas dans une superposition sur fond de paix sociale.

C’est que François Ruffin développe un positionnement qui relève en apparence de la Gauche historique, mais est en réalité très proche des thèses du cercle Proudhon de 1911. Il vante ainsi la fierté du travail, mais ne parle jamais de classe ouvrière…encore moins de bourgeoisie. Parler de la « fierté des travailleurs » n’est qu’un discours para-syndical qui n’a que peu de dimensions politiques, et cela est malheureusement très français.

Comme lorsqu’il évoque de manière mielleuse le fait que ce qu’il appelle « la fierté du travail » ne se transmette pas dans les familles car le travail est caché et qu’il faudrait le photographier. Si François Ruffin était sur des positions de lutte de classes, il serait pourtant que oui lorsque l’on a pas le pouvoir sur les moyens de production, mettre en avant son travail n’est que vanité (ce qui ne signifie pas pour autant qu’on le rejette !).

La seule grande tradition du mouvement ouvrier, celle qui regorge de cartes postales et de photographies, c’est celle de la mise en avant des moments de grève, et surtout d’occupation, car c’est le moment où l’intelligence ouvrière se met au service de la politique d’émancipation.

François Ruffin formule alors des propositions sympathiques comme le « faire-ensemble » plutôt que le « vivre-ensemble » pour mieux désamorcer toute relance générale de la lutte des classes. Ce qui l’intéresse ce n’est pas la transformation de la société avec la classe ouvrière aux commandes, non ce qui le motive c’est comment garantir l’union nationale grâce au protectionnisme économique.

Pour cela, il faut que les prolétaires puissent accéder sans embûches au mode de vie bourgeois, et c’est pourquoi François Ruffin prend comme exemple de son « faire-ensemble » l’idée, toute sauf anecdotique et tout à fait fade, que pour qu’un couple tienne dans la durée il lui faudrait « un projet d’un enfant, d’une maison, de vacances, d’un film à voir ».

Le national-populisme de Ruffin qui apparaissait plus ou moins caché l’est, au fur et à mesure que la crise s’approfondit, de moins en moins. Et c’est savamment bien repéré et mis en avant par les idéologues d’extrême droite, comme ici Marc Eynaud de Boulevard Voltaire et donc Pascal Eysseric d’Eléments.

La vérité c’est que François Ruffin a besoin d’une bourgeoisie française riche, très riche, pour qu’elle soit en mesure d’aider les travailleurs les plus pauvres. En somme, François Ruffin, c’est l’héritage du catholicisme-social d’un Victor Hugo, plutôt que du marxisme d’un Paul Lafargue. Caricatural ? Il suffit de relire un passage de son livre « Je vous écris du front de la Somme » pour s’en convaincre :

À son arrivée à Matignon, en juin 1997, Lionel Jospin conditionne les allocations familiales : au-dessus de 25 000 francs par mois, les foyers ne toucheront plus rien. C’est une œuvre de justice, estime la gauche plurielle : les plus riches n’en ont pas besoin. Auteuil-Neuilly-Passy se révoltent, Versailles aussi, la Manif pour Tous avant l’heure. Mais, plus inattendu, les familles catholiques, bourgeoises, sont rejointes par… le député communiste de la Somme Maxime Gremetz ! La presse se moqua de lui, et moi avec. Jusqu’à un échange avec Serge Halimi, journaliste au Monde diplomatique : « Tu as tort de le railler. Aux États-Unis, ça s’est déroulé exactement comme ça : les plus aisés furent écartés de la sécurité sociale. Après tout, ils pouvaient se la payer. Mais du coup, au fil des années, comme ils ne touchaient rien, ils ont cotisé de moins en moins. Le système pour pauvres est alors devenu un pauvre système. »

Plus de riches = plus de contributions pour les pauvres ! Nous voilà renvoyé au début du XIXe siècle, à l’enfance du mouvement ouvrier et à son « socialisme conservateur » dont parlait le Manifeste du parti communiste… On ne s’étonnera donc guère que, comme tous les autres, François Ruffin ne dise rien sur la tendance à la guerre, encore moins sur l’OTAN et l’armée française car demain, il nous expliquera que l’armée est le grand creuset de la « communion nationale », du « faire-ensemble »…

François Ruffin n’a plus 36 000 voies possibles : ou bien il disparaît politiquement, ou bien il finit cadre du fascisme en suivant la marche nationale vers la guerre. Dans tous les cas, celles et ceux qui ont compris la tâche de reconstruire la Gauche historique doivent prendre pour acquis qu’il est indéniablement un obstacle à cette reconstruction.

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La Droite ne peut pas assumer la sortie de l’OTAN (et de l’UE)

Les forces à droite qui proclament cela font de la démagogie.

En France, le gaullisme a été une force de frappe idéologique et politique de très grande importance. Cela a permis à toute une fraction de la haute bourgeoisie de conserver une légitimité patriotique dans les années 1940 tout en étant anticommuniste, pour mieux revenir sur le devant de la scène dans les années 1950.

Le gaullisme c’est une grande synthèse idéologique pour la haute bourgeoisie française, combinant tout à la fois le corporatisme fasciste et le monarchisme dans une Ve République présidentialiste et le côté impérial du « cavalier seul » propre au bonapartisme.

C’est pour cela que les États-Unis se sont toujours méfiés du « mauvais élève » français, notamment lorsque le gaullisme a atteint son apogée dans les années 1960. C’est lorsque les États-Unis étaient engagés en pleine guerre du Vietnam que de Gaulle estime que la France doit sortir du commandement intégré de l’OTAN.

Mais cette politique d’indépendance nationale n’a été possible que parce que le gaullisme avait réussi le virage de la « décolonisation », en fait la transformation de l’empire colonial en zones néocoloniales, et que le capitalisme français connaissait un élan général, marqué par 6 % de croissance annuelle. De cette manière, le gaullisme a pu mettre en place un vaste complexe militaro-industriel notamment fondé sur une dissuasion nucléaire permise par les essais loin de la métropole.

Cet héritage gaulliste qui est devenu ensuite un néo-gaullisme a fourni un corpus politique et idéologique stratégique toujours plus porté par l’extrême droite dans les années 2000.

Le grand tournant a notamment été la réintégration en 2007 de la France dans le commandement intégré de l’OTAN décrétée par Nicolas Sarkozy, mettant fin au néo-gaullisme qui était encore assumé par la Droite comme lors du refus de l’intervention américaine en Irak en 2003.

Depuis la pandémie de Covid-19 qui a miné tous les capitalismes nationaux les faisant se dresser les uns contre les autres dans le cadre d’une nouvelle guerre de repartage impérialiste, l’idée d’une indépendance nationale française en dehors de l’OTAN (et de l’UE qui est une excroissance) est une illusion.

Les fractions minoritaires de la Droite nationaliste qui promeuvent cette stratégie ne font qu’user d’un héritage qui a un écho populaire mais qui restera lettre morte tant le capitalisme français n’a plus les moyens d’une telle orientation.

Car le capitalisme français des années 1960 ce n’est pas celui de 2022 ! Avec 0,5 % de croissance annuelle et un endettement de près de 130 % de son PIB, une société minée par les comportements individualistes-consommateurs, l’appel au retour à la France gaulliste est un mirage qui chante simplement aux esprits nostalgiques.

Comment feront les Philippot, Asselineau et autre Dupont-Aignan pour assurer à la France sa base capitaliste face à la concurrence russe, chinoise et indienne sans l’appui des milliards américains, et surtout de son immense parapluie militaire dans le monde ? Avec le contexte d’inflation généralisé et les ruptures d’approvisionnements en matières premières, que feront ces patriotes pour assurer l’économie capitaliste française ? De quelle illusion se bercent-ils ?

En Italie, Georgia Meloni, supposée être pour la sortie de l’UE, négocie avec Mario Draghi pour constituer un gouvernement technique. Sans les subventions européennes, l’Italie capitaliste s’effondre, de même que sans les 770 milliards de dollars que les États-Unis injectent chaque année dans leur force militaire, l’Italie n’aurait pas les moyens de sa « défense » nationale, et donc de ses parts de marché.

Mais il faut voir aussi comment tous les députés du RN ont applaudi l’ambassadeur ukrainien le 3 octobre à l’assemblée nationale pour se convaincre que ces gens ne sont bel et bien qu’au service de la bourgeoisie et du capitalisme français, qui ne pourra se relancer sans l’appui militaire des États-Unis.

Il ne faut donc pas croire un instant les néo-gaullistes français qui s’imaginent revenir aux années 1960. Le basculement du monde dans la guerre de repartage impérialiste depuis la pandémie de Covid-19, puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, rend à la Droite nationaliste ce mot d’ordre concrètement impossible, ou si ce n’est par démagogie pour attirer les faveurs d’une partie des gens.

Car dorénavant l’idée d’une sortie de l’OTAN (et de l’UE) n’est plus une simple option de politique internationale sur le mode d’un « choix géopolitique », mais une perspective antagonique avec l’appareil d’État lui-même et tout le mode de vie à l’américaine qui s’est réellement implanté en France à partir des années 1990.

La sortie de l’OTAN, c’est la remise en cause de la superpuissance américaine dans sa capacité à avoir orienté toute l’accumulation capitaliste au sortir de la seconde guerre mondiale, réimpulsée au tournant des années 1980-1990. En 2022, dans les puissances de second ordre comme la France, on ne peut plus vouloir un capitalisme national en dehors des positions fortifiées par les États-Unis.

Et comme on ne peut plus dissocier les deux, alors la sortie de l’OTAN exige en réalité une Gauche historique fidèle au mouvement ouvrier capable d’aller à la rupture pour réorganiser l’ensemble de la base productive. Bref, on ne peut assumer la sortie de l’OTAN si l’on assume pas également le Socialisme : le temps du néo-gaullisme est fini, place à la classe ouvrière et au socialisme.

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La gauche prise entre le marteau postmoderne et l’enclume populiste

Deux récents débats thématiques en disent long sur le délabrement intellectuel.

Si l’on conçoit la Gauche comme une proposition idéologique visant à transformer les consciences pour mieux les émanciper, alors forcément on ne peut que voir qu’il y a un gouffre entre la vie des campagnes et la vie des villes, surtout des grandes villes.

Selon la tradition marxiste du mouvement ouvrier, cette opposition forme même une contradiction qui est par nature motrice de changements, de changements sociaux et culturels. Mais actuellement, sans force de Gauche arrimée à ses valeurs, cette opposition produit surtout la forme de fuites en avant individuelles, que cela soit dans le turbo-capitalisme pour la ville, le populisme pour la campagne.

Cette réalité est récemment revenue sur le devant de la scène par le biais de deux problématiques qui agitent les éléments de Gauche alliées dans la NUPES. Il y a eu tout d’abord une interview de François Ruffin, le député de la Somme, au journal Le Monde dans lequel il s’est demandé si la gauche voulait « reconquérir l’électorat populaire ».

Puis, plus récemment, le secrétaire national et candidat PCF à la dernière élection présidentielle Fabien Roussel, a déclaré lors de la Fête de l’Humanité que « la gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minimas sociaux ».

Si François Ruffin s’est dissocié de la sortie de Fabien Roussel, surtout pour conserver son audimat à la France insoumise, on retrouve pourtant les mêmes propos dans son dernier livre intitulé pompeusement Je vous écris du front de la Somme. Ce livre qui vise à se positionner dans le paysage politique de l’après Jean-Luc Mélenchon parle de sa campagne électorale qui a vu sa réélection dans la 1ère circonscription de la Somme et où il a été entièrement assumé de manière démagogique de mettre en avant la figure de Jean-Luc Mélenchon dans les quartiers HLM d’Amiens et de le ranger au placard dans les campagnes rurales.

Et François Ruffin de constater à la manière de Fabien Roussel :

Que reste-t-il de la gauche quand, massivement, les travailleurs, et les plus modestes des travailleurs, ne la ressentent plus comme leur avocat, leur défenseur ? Quand ils affirment : « Je ne peux pas être de gauche, je suis pour le travail » ? […] La gauche est associée au RMI, aujourd’hui, plus qu’aux congés payés. Les uns relèvent de l’histoire, oubliée, méconnue, du temps de nos arrières grands-parents, des expos avec photos en noir et blanc. L’autre, devenu RSA, appartient au contraire au quotidien, il a la tête de Pierre, Paul, Jacques et Nadia. De « parti des salariés », nous voilà, dans l’esprit commun, le « parti des assistés ».

Ainsi, pour ces deux députés qui proviennent du Nord de la France, là où s’est formé une puissante expérience du mouvement ouvrier, l’idée est simple : la Gauche a délaissé les territoires ruraux où vivent les ouvriers pour se concentrer sur les quartiers HLM qui jonchent les grandes villes et leurs agglomérations.

En réponse, Jean-Luc Mélenchon a enfoncé le clou en déclarant que la LFI était au regard des résultats électoraux des dernières élections présidentielles et législatives, le « parti des chômeurs, des précaires et des jeunes », ce qui est l’éloigne de fait de la classe ouvrière qui peuple en effet majoritairement la campagne.

D’autres figures de La France insoumise sont même allés jusqu’à nourrir la fable d’une « implantation » dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, quand bien même le taux d’abstention y a été monstrueux et que le quotidien est un pourrissement social dans un mélange de lumpen-prolétaires et d’une petite-bourgeoisie carrément post-moderne.

On retrouve ici une problématique régulièrement mise en avant par le géographe Christophe Guilluy et connue pour l’idée d’une « France périphérique » laissée à l’abandon des retombées de la « mondialisation ». Et si Christophe Guilluy a loupé le coche de la Gauche historique, il en est tout autant de Fabien Roussel et François Ruffin car si tous ces constats sont justes, faut-il encore ensuite proposer une interprétation et transformation adéquate de la situation.

Et ce que ce débat appelle, c’est une compréhension de l’opposition entre la ville et la campagne. Or, si la campagne a ses caractéristiques, ce sont surtout celles de l’isolement social et de la morosité culturelle sur fond de pavillons et de zones industrielles immondes, sans même parler des valeurs chasse-pêche-nature-et-traditions qui restent dominantes, malgré leur marginalité en pratique.

Ne pas vouloir s’attaquer frontalement à tout cela, ce n’est pas être du côté du changement. Et les François Ruffin et Fabien Roussel, ce sont justement ce type de personnage qui n’a jamais remis en question la chasse pas plus d’ailleurs que le bistrot, le pavillon ou la mocheté de la zone industrielle.

Alors on peut bien parler de la campagne et du « monde ouvrier », mais si c’est juste pour en être un pseudo représentant qui n’a comme horizon que de parler de « nous contre eux », alors c’est le niveau zéro de la conscience de classe.

Car derrière ces thématiques, on retrouve une négation de la lutte des classes et de la classe ouvrière, une réalité qui n’a rien à voir avec la lecture simpliste d’une campagne à côté de la ville, et encore moins avec cette conception pyramidale du « bas contre le haut ». Sans même parler de ce concept a priori flatteur de la « gauche du travail » qui est en réalité étranger aux avancées sociales et culturelles du mouvement ouvrier au XXe siècle.

Parler de la « gauche du travail », d’une « fierté des usines et du savoir-faire des travailleurs » n’a aucun sens, car le travail n’est qu’un rouage du capitalisme dans sa folie accumulatrice, et la tâche de la gauche est de faire en sorte que les travailleurs manuels sortent de leur aliénation pour devenir une puissance dirigeante. La fierté de classe exige la conscience de classe alors que la conscience professionnelle aboutit bien souvent à la soumission au syndicalisme corporatiste…

La classe ouvrière aspire à devenir le haut de la société et pour cela, il lui faut conquérir le meilleur de la modernité et le meilleur de la sensibilité, deux choses qui se puisent dans la résolution de cette contradiction entre la ville et la campagne, et non pas dans leur juxtaposition comme le veulent, et les populistes et les post-modernes.

On ne peut pas devenir un working class hero en étant un pro-LGTBQI+, un militant de la libéralisation du cannabis et de la prostitution, un adepte du RSA pour tous, pas plus qu’en étant un beauf borné dans la consommation de viande et voyant en le travail l’unique horizon culturel possible et en l’alcool un vecteur de « sociabilité »…

On voit bien à quel point la NUPES est une entrave au progrès de la conscience car de telles thématiques devraient porter un débat sur la nature de la vie à la campagne et à la ville, de sorte à proposer un dépassement de ces deux modes de vie étrangers à l’émancipation du genre humain.

C’est que la Gauche est coincée entre le marteau du post-modernisme et l’enclume du populisme. Elle n’est nullement une force de changement, mais un acteur de la conservation sociale car il ne fait aucun doute que les idées avancées par François Ruffin et Fabien Roussel ne sont là que pour promouvoir de manière démagogique « le peuple contre les élites », jamais la classe ouvrière en lutte pour destituer la bourgeoisie du pouvoir.

Sinon il nous serait proposé une critique sérieuse de la vie des ouvriers à la campagne, de ce mode de vie qui n’a été qu’une perte de qualité de vie que cela soit par rapport à l’éloignement de tout, par à l’enfermement social, par rapport à la mentalité insupportable de petit propriétaire que cela véhicule, par rapport à l’enchaînement aux crédits et aux heures supplémentaires à n’en plus finir, etc.

Mais critiquer cela, ce serait assumer un changement d’envergure et les Ruffin et Roussel n’en veulent pas. Alors ils optent pour la protection nationale pour la paix sociale plutôt que la libération sociale.

A ce titre, voilà un autre passage de Je vous écris du front de la Somme qui en dit long sur cette perspective typique, au pire du New Deal Franklin Delano Roosevelt aux États-Unis, au pire des néo-socialistes Marcel Déat et Henri de Man, bref des propositions anti-Gauche des années 1930 :

D’où ma bataille, et depuis un bail, pour du protectionnisme. D’où ma lutte, au sein de la gauche, de la bonne gauche, pour qui une taxe à 17 % sur les pneus importés de Vietnam relèveraient quasiment du « racisme anti-asiatique », pour qui ce serait « monter les peuples les uns contre les autres », etc. 

François Ruffin et Fabien Roussel ne veulent pas remettre en cause l’esprit petit-bourgeois des ouvriers des campagnes, pas plus que les autres ne veulent remettre en cause les esprits anti-sociaux ou ultra-libéraux des lumpenprolétaires des quartiers HLM.

C’est pour cela que leur proposition, c’est une forte contribution fiscale des « riches » pour le bien de toute la nation, son cœur étant pour les populistes à la sauce Ruffin/Roussel l’ouvrier des campagnes portant le bon sens populaire, et la frange ultra-précarisée bien souvent prise dans le cannibalisme social pour les turbo-capitalistes à la sauce LFI du 93.

Ce dont la classe ouvrière a besoin, c’est d’une perspective qui ose renverser la table, d’un horizon qui ose l’utopie générale et non pas de ces débats qui ne mènent à rien si ce n’est à tout conserver comme avant grâce à cette grande diversion historique nationale-sociale. Un grand changement social sur fond de remise en question culturelle, voilà ce dont nous avons besoin !

Au lieu de proposer une sortie positive, progressiste, les forces de gauche alliées autour de la NUPES surfent sur l’une de ces deux issues culturelles possibles comme le révèlent les réactions des uns et des autres, des uns contre les autres… La NUPES montre ici comment elle est un point mort de l’Histoire.

L’Histoire, cette vieille taupe dont parlait Karl Marx est bien l’espoir sur lequel se fonde la Gauche historique pour sortir du bois et proposer enfin la grande rupture prolétarienne du monde.

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Engagez-vous contre la guerre, contre l’OTAN !

Ce 1er mai se déroule dans un contexte terrible.

A moins de se replier sur vie personnelle, sa vie privée, en se contentant de fixer son attention sur un horizon étroit, borné, il n’est pas possible de ne pas voir que les choses tournent mal, partout. La société française se désintègre socialement, le capitalisme impose une société de consommation s’accélérant et s’élargissant, le nationalisme et les religions servent de valeur refuge, la condition animale relève du martyre, le réchauffement climatique continue… et il y a la guerre.

Cette question de la guerre est primordiale. Elle contient tous les maux par essence, parce que la guerre est le produit de l’ensemble de la situation. La guerre est le fruit de la compétition, de la concurrence, de la course au capitalisme le plus puissant, de la volonté d’exploiter les autres, d’accumuler toujours plus.

Aussi, s’il est un appel qui doit être lancé le premier mai 2022, c’est bien contre la guerre, contre l’OTAN ! Car la guerre est à l’ordre du jour, car l’OTAN est la structure militaire regroupant un bloc de pays, dont le nôtre, pour exercer des pressions militaires, pour intervenir militairement, pour porter la guerre !

En deux mois, depuis l’invasion de l’Ukraine que nous avons ici annoncé dès avril 2021, il y a eu une avalanche de propagande anti-Russie et en faveur de l’OTAN. C’est une mobilisation générale de l’opinion publique, un matraquage médiatique général. Aucun candidat à la présidentielle n’a d’ailleurs profité de l’occasion pour dénoncer l’OTAN, dénoncer la transformation de l’Ukraine en base militaire géante ayant comme but de faire la guerre à la Russie.

Et cela alors que la France livre des armes à l’Ukraine, que l’OTAN dont la France fait partie dirige littéralement les forces armées ukrainiennes, que l’Union européenne veut intégrer l’Ukraine de manière accélérée.

On assiste à une fuite en avant du capitalisme pour sortir de la crise ouverte par la pandémie en 2020 ; le capitalisme se précipite dans la guerre afin de trouver le moyen de se développer malgré tout, encore et toujours, aux dépens des autres.

Face à cela, il faut lever le drapeau rouge !

Organisez-vous à votre échelle pour mettre en place des initiatives contre la guerre, contre l’OTAN, pour développer l’agitation et la propagande en ce sens. Contribuez à saboter la tendance à la guerre, la marche vers la troisième guerre mondiale !

Lancez-vous dans cette bataille, sur la base des valeurs de la Gauche historique, pour empêcher la sanglante machinerie militariste de se mettre entièrement en place, de réorganiser l’économie, la société, les mentalités, pour faire de la France l’arrière-pays d’une armée intervenant militairement dans les affrontements militaires !

C’est un devoir pour toutes les personnes ayant une conscience sociale, ayant compris l’envergure des événements qui se déroulent, et qui ne cessent de prendre une tournure toujours plus mauvaise. Levez le drapeau rouge du Socialisme contre le capitalisme et la guerre !

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La dramatique situation de la Gauche palestinienne

Les rêves et les dynamiques de la Gauche palestinienne des années 1970 ont entièrement disparu.

La Gauche palestinienne a été extrêmement forte dans les années 1970 ; le plus souvent issue du nationalisme arabe des années 1960, elle a généré toute une série d’organisations de masse, dont les plus connues sont le Front démocratique pour la libération de la Palestine et le Front populaire de libération de la Palestine.

Ces organisations sont nées dans la violence, comme réponse à la suprématie technologique d’un État israélien financé par les aides américaines et allemandes (les États-Unis et l’Allemagne étant les premiers partenaires commerciaux d’Israël depuis le départ par ailleurs). Il s’agit de nationalistes arabes se tournant vers les idéologies de gauche pour répondre au défi israélien par une mobilisation populaire.

Cortège féminin du FDLP à Beyrouth en 1979

Malheureusement, ces organisations n’ont pas tenu le choc, parce qu’elles sont restées essentiellement nationalistes arabes, les projets de gauche n’étant qu’un tremplin pour leurs objectifs. Elles ont bien maintenu une ligne de « refus » d’accords de paix sur le dos des Palestiniens, mais ont basculé dans le pragmatisme vise-à-vis de l’URSS, du nationalisme arabe (notamment avec la Syrie), voire de l’Iran.

Elles ont été mises de côté à la fois par une répression israélienne ciblée et par les interventions des États du Golfe pour massivement financer l’islamisme, dont le Hamas est le principal représentant, comme expression des Frères musulmans (tenant aujourd’hui le Qatar et la Turquie). Elles sont finalement passées entièrement dans l’ombre du Hamas.

La question de savoir pourquoi est évidemment complexe : opportunisme, incapacité de faire autrement, contexte palestinien où la religion totalement secondaire en 1948 est devenue centrale ? En tout cas, elles ont des petites sections militaires qui sont dépendantes du Hamas et surtout leurs propre activités ont d’énormes limites idéologiques en raison de l’hégémonie religieuse.

Le FDLP et le FPLP existent en fait surtout pour leur prestige historique, comme dernier bastion laïc, pour leur insistance sur le droit au retour des réfugiés palestiniens, et pour leur participation au « front du refus » exprimant l’opposition à la normalisation avec les États-Unis choisis par Yasser Arafat et son mouvement le Fatah, la principale composante de l’OLP.

Cette situation est somme toute assez logique, car ni le FDLP ni le FPLP ne se sont finalement jamais émancipées de leur matrice nationaliste arabe. Il est impossible de parvenir à une discussion d’un point de vue de Gauche avec ces organisations à moins de passer par le prisme du nationalisme. C’est terriblement dommage car leurs positions initiales de front voulant la démocratie dans une Palestine unifiée pourrait aisément avoir un écho en France. Mais le nationalisme prime, avec des accents religieux très prégnants souvent (le FPLP parle du « mois béni du Ramadan », etc.).

D’où d’ailleurs par exemple la grande valorisation par le FPLP d’Ilich Ramírez Sánchez dit Carlos, emprisonné en France depuis 1994, ou le fait qu’historiquement en France l’écho du FPLP passe par la Ligue Communiste Révolutionnaire, qui était trotskiste mais avait à la fin des années 1960 des éléments guévaristes ouverts aux mouvements « nationalitaires ». On notera d’ailleurs un renouveau romantisme d’ultra-gauche autour du FPLP ces dernières années, comme là en mai 2021 avec la Fédération Syndicale Étudiante.

Une telle image est pathétique, car la Palestine va de défaite en défaite ; elle exprime un romantisme occidental totalement éloigné de la réalité. C’est, cela étant, assez conforme à une réalité idéologique : le FPLP et le FDLP ont une rhétorique hyper-triomphaliste, alors que la situation palestinienne est catastrophique en général et désastreuse pour la Gauche palestinienne en particulier.

Cela n’en accentue que d’autant plus le caractère dramatique de l’ensemble.

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Allemagne: la Gauche historique balayée dans Die Linke

Les courants de la Gauche historique ont perdu pied dans le principal parti de la gauche de la Gauche en Allemagne.

Die Linke est le parti à gauche des socialistes en Allemagne ; il est né en 2007 des restes du parti dominant au sein de la République Démocratique Allemande et d’une scission de gauche des socialistes à l’Ouest. Sa ligne est celle d’une sorte d’alliance socialiste-communiste pour un socialisme démocratique, avec comme identité la Gauche historique. Il est à ce titre opposé au régime, même si son approche est réformiste.

Dans les sondages, Die Linke est à 8%, les Socialistes et les Verts tous les deux à 17%. La pression pour une « grande coalition » de ces partis est ainsi très grande. Les tenants de la Gauche historique refusent d’écouter les sirènes gouvernementales, au nom des principes, mais les courants post-modernes pensent pouvoir « peser » sur les questions sociétales… D’où un renversement de majorité au congrès (réalisé en ligne) de Die Linke de la fin février 2021, avec des conséquences ébranlant profondément ce parti depuis, au point que la question d’une scission est sur la table.

En effet, sur les 44 membres de la direction, aucun ne relève des courants de la Gauche historique ; en pratique cette dernière ne représente plus que 20% de Die Linke, principalement à travers :

  • la Plate-forme communiste, qui veut que le marxisme soit assumé, avec une culture très liée à celle de la RDA (Sahra Wagenknecht en est issue) ;
  • la Gauche socialiste, dont l’esprit est à peu près celui du programme commun français de 1981.

La Gauche historique a été battue par les multiples autres courants post-modernes appuyés par les « centristes » de la « gauche en mouvement » dont l’objectif est très clairement la participation à un gouvernement avec les Socialistes et les Verts. Un important soutien à cette démarche est la Gauche anticapitaliste, qui rassemble des gens très à gauche, mais dans un esprit éclectique, souvent philo-trotskiste.

Autrement dit, il y a un véritable conflit de ligne. Il y a d’un côté ceux pour qui Die Linke ce sont des valeurs bien ancrées et d’autres pour qui c’est un levier « émancipateur ». Les tenants de la Gauche historique posent de ce fait la question de la scission de manière ouverte notamment en raison de la question du militarisme et de l’OTAN. Pour eux, il est hors de question d’accepter la « neutralité » de l’État et du régime, pas question de cautionner l’armée allemande.

En théorie, le congrès ne modifie pas ce positionnement, dont les tenants de la Gauche historique se veulent les garde-fous. En pratique, le basculement est fait. Car tel n’est pas du tout l’essentiel pour les courants comme la Gauche émancipatrice, le Réseau de la gauche réformiste, etc., pour qui ce qui prime, ce sont les réformes sociétales. Entre maintenir des valeurs « passéistes » et accepter l’exigence des Socialistes et des Verts de soutenir l’armée allemande et l’OTAN, le choix est fait discrètement mais sûrement…

On trouve à l’arrière-plan l’expression d’un changement de génération. Les nouvelles générations, largement influencées par les courants post-modernes, se situent en dehors des traditions du mouvement ouvrier et sont de ce fait étrangères à la Gauche historique. Il y a également un poids croissant des milieux petits-bourgeois, au grand dam des tenants de la Gauche historique qui pensent qu’à continuer comme cela Die Linke se coupera entièrement de la classe ouvrière.

Il y a également la question Est-allemande. Il y a dix ans, la moitié des 60 000 membres vivait dans l’Est du pays, désormais ce sont 38%. Die Linke s’est toujours appuyé largement sur des bastions Est-allemands, désormais il a réussi à intégrer le paysage allemand en général, mais au prix d’être devenu un mouvement « témoignage » sans perspective stratégique.

D’où les deux options : revenir aux fondamentaux et surtout à la classe ouvrière, ou aller dans un sens de participation gouvernementale comme satellite des Socialistes et des Verts.

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Il y a cent ans au congrès de Tours naissait en France le Parti Communiste

En choisissant de demander à rejoindre l’Internationale Communiste, la majorité des socialistes français donnait naissance au Parti Communiste le 29 décembre 1920.

Au cinquième jour du congrès de Tours, il y a cent ans, se tenait le vote des socialistes français, autour d’une question essentielle à leurs yeux : fallait-il suivre l’appel de Lénine à mener une grande cassure dans les rangs des socialistes français ?

C’était un drame pour beaucoup, car la tradition socialiste française, c’était celle de la « synthèse » entre différentes tendances, allant des tenants de l’alliance avec les bourgeois éclairés aux partisans d’un anarchisme complet. Et au début de l’année 1920, les socialistes français avaient déjà refusé d’aborder en tant que tel la question. Cela les dérangeait, ils avaient toujours pensé être plus efficaces, plus honnêtes, en acceptant tout le monde.

Impossible pourtant à la fin de l’année 1920 de continuer à faire comme si la Russie soviétique n’existait pas, alors que toute l’Europe centrale a déjà connu l’ouragan révolutionnaire, que le capitalisme est instable dans toute une série de pays européens, que la pression continue de monter en France. Alors le soir du 29 décembre, le vote des délégués est très clair, les 3/4 votant pour l’adhésion du Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière à l’Internationale Communiste.

C’était un choix romantique. Des socialistes prônant l’adhésion à l’Internationale Communiste, il ne restera très vite pratiquement personne. Ils partiront ou seront éjectés dans les quelques années suivantes. Ce sont des jeunes qui vont faire vivre ce qui est désormais un « Parti Communiste », aligné sur les choix réalisés par l’Internationale Communiste. Ce sont des jeunes ouvriers du Nord, comme Maurice Thorez, né en 1900. Il deviendra ensuite le dirigeant du Parti Communiste, à l’âge de trente ans.

Ce sont surtout des jeunes ouvriers parisiens qui feront le coup de poing avec l’extrême-Droite dans les années 1930, provoquant la rébellion antifasciste de 1934 qui donne naissance au Front populaire. Au milieu des années 1930, la région parisienne forme la moitié du contingent du Parti Communiste.

Cette question du romantisme est très importante, car le Parti Communiste est en France avant tout une passion, et une passion localisée. Elle n’a pas touché tout le pays, elle n’a pas réussi à s’ancrer dans l’Histoire française. Il y a des lieux où le Parti Communiste a été un formidable lieu de socialisation. Mais il a été comme parallèle à la société française, qui a continué son chemin sans lui.

Contrairement à d’autres pays où le niveau culturel était élevé, avec ainsi une culture façonnant la société au moins en partie, les communistes ont en France toujours considéré que le communisme c’était avant tout un élan, le Parti Communiste une sorte de syndicat, mais politique. Et cette conception doit beaucoup au congrès de Tours de décembre 1920.

Le congrès de Tours de 1920 est donc un événement marquant, mais s’il fut sincère, il reflète une problématique de fond qui est la difficulté de la Gauche en France à dépasser une conception minoritaire et syndicaliste/électoraliste de l’action politique. Encore faut-il d’ailleurs souligner qu’il ne s’agit pas tant de politique que de culture. La Gauche française aime à se précipiter, à être dans le feu de l’action, et pour cette raison le monde entier la regarde souvent. Mais hors ces actions, il y a une incapacité à prolonger le tir, à ancrer une culture, à établir des perspectives.

Tout le mal de la Gauche française se lit bien dans le congrès de Tours de 1920, avec son élan sincère mais volontariste.

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Politique

Le monde court à sa perte, mais la petite-bourgeoisie «de gauche» manifeste contre la police

La Gauche va mal, très mal en France. Et quand on voit que pour une grande partie d’entre elle, l’actualité est de s’imaginer que le pays serait en passe de devenir une dictature avec la police s’arrogeant le droit de tabasser en toute impunité, on comprend tout à fait que les classes populaires ne veuillent pas entendre parler d’elle… L’agitation hystérique autour de l’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, avec des manifestations dans plusieurs grandes villes samedi 21 novembre, en dit long sur le décalage terrible entre la Gauche et la société française.

La France, comme tous les grands pays capitalistes, connaît une désagrégation majeure de son tissu social. La société craque de partout avec une violence de plus en plus prégnante, notamment à l’égard des femmes, et ce jusque dans les moindres interstices de la vie quotidienne. La police est clairement en première ligne face à cette décomposition, mais avec des moyens très faibles et une hiérarchie de plus en plus déconnectée de sa base. Une base qui s’est largement prolétarisée, en perdant au fil des années ses traditions autoritaires-paysannes faisant du policier un sympathisant naturel de l’extrême-Droite.

La colère est d’ailleurs, dans un tel contexte, très grande dans les rangs de la police, avec des fonctionnaires ayant de plus en plus le sentiment de ne pas pouvoir assurer leur mission de protection de la population, tout en étant en même temps jetés en pâture face à des délinquants dont l’arrogance n’a d’égale que l’impunité dont ils bénéficient.

Alors, quand en plus de cela les policiers se sentent menacer dans leur vie privée… forcément qu’ils ne sont pas contents. Rien de plus naturel. La réalité est qu’en France, l’État n’est même pas en mesure de garantir la sécurité de sa propre police. Les policiers prennent de plus en plus l’habitude de cacher leur profession, notamment avec leurs enfants pour qui il devient préférable de ne pas dire qu’ils sont fils ou filles de policier.

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin n’entend aucunement changer les choses dans un sens démocratique, en mettant le Droit au cœur de la société. En bon populiste, il prétend avec une petite mesure qu’il va pouvoir contourner les problèmes et garantir la sécurité des policiers. C’est le sens du fameux article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, voté en première lecture par l’Assemblée nationale vendredi 20 novembre 2020.

Voici ce qu’il dit :

« Article 24

I. – Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :

« Art.35 quinquies. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »

II. – L’article 35 quinquies de la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication, aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale. »

Cela ne rime pas à grand-chose et n’importe qui n’étant pas de mauvaise foi se dira que si l’État en est à devoir faire une telle loi pour empêcher que les policiers ne soient menacés individuellement, c’est qu’il ne tient vraiment plus grande chose…

Mais tel n’est pas le raisonnement de la petite-bourgeoisie hystérique, prétendument « de gauche », qui voit tout l’inverse et a manifesté dans les grandes villes samedi 21 novembre pour crier au loup totalitaire, parlant de menace sur les « libertés », de « droit à l’information », voire même de fascisme pour certains.

On a ici un cinéma strictement parallèle à l’excitation petite-bourgeoise face aux mesures collectives exigées par la situation sanitaire. Aux États-Unis, la petite-bourgeoisie crie au communisme, ici elle crie au fascisme, mais cela revient au même, car le mot fascisme est employé de manière démagogique : c’est l’idéologie individualiste, anti-collectivisme, qui s’exprime.

On peut également noter que tout cette agitation est portée à l’origine par quelques journalistes pour qui le summum est de filmer les fins de manifestations, les arrestations, et plus généralement toutes les interventions des forces de l’ordre. Il y a ici tout un petit milieu très marqué par l’ultra-gauche, par l’anti-étatisme primaire, par la conception de la minorité (intellectuelle) agissante, etc.

Tout cela n’intéresse bien entendu personne en réalité, car les gens des classes populaires en France n’en ont strictement rien à faire des gilets jaunes et autres « black block » se faisant arrêter ou matraquer parce qu’ils ont trouvé amusant de jeter des pavés, des cocktails molotov ou du matériel de chantier sur des forces de l’ordre. Tout cela n’a tellement rien à voir avec la vie quotidienne des gens ou même l’idée de révolution, que c’en est anecdotique.

Sans parler de ce constat qu’on doit faire : on a de tels manifestations… en plein confinement sanitaire ! C’est totalement délirant, et ce ne peut être que l’œuvre d’une « Gauche » profondément déconnectée des réalités de la société française et des priorités du moment.

Le monde connaît une crise sanitaire majeure, qui est l’expression d’une catastrophe écologique considérable et il y a à l’arrière plan de cela une crise économique monstrueuse qui se profile, sur fond de délitement moral et culturel de la société. Ce à quoi à il faut ajouter des tensions guerrières qui sont de plus en plus prégnantes dans le monde, notamment de la part de la France qui participe activement à la course au militarisme.

II se trouve cependant des gens qui, pour détourner l’attention de la crise, prétendent que l’important aujourd’hui est de pouvoir filmer les policiers en manifestation ! C’est inacceptable et il saute aux yeux que c’est une caricature. Il faut vite renverser la table et en revenir à la Gauche historique, celle du mouvement conscient et organisé de la classe ouvrière menant la lutte des classes. L’époque exige des gens sérieux et il en est assez de l’hégémonie de la petite-bourgeoisie et des conceptions anarchistes sur la Gauche !

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Politique

Jean-Christophe Cambadélis annonce le républicanisme de gauche

Jean-Christophe Cambadélis est un cadre socialiste historique. Il propose une idéologie clef en main, de centre-gauche et affirme que c’est lui ou bien les libéraux et les nationalistes.

Jean-Christophe Cambadélis est connu pour être l’un des cadres socialistes les plus éprouvés, les plus politiques, alliant rigueur et opportunisme, clairvoyance et coups à trois bandes. C’est l’exemple même du cadre passé par l’extrême-gauche étudiante trotskiste, habitué aux mouvements des masses et aux coups fourrés, pour rejoindre le Parti socialiste et obtenir ainsi une stature étatique.

Pour cette raison, il a expliqué au Journal du Dimanche qu’il ne se sentait pas hors-jeu pour 2022, et c’est vrai. C’est un homme mesuré dans tous les domaines, il n’a pas perdu sa crédibilité comme François Hollande même s’il dit finalement la même chose, c’est un homme de réseaux.

Jean-Christophe Cambadélis a d’ailleurs fondé en septembre le réseau « Nouvelle Société » et le jeudi 19 novembre il a tenu une conférence de presse pour annoncer un projet de ce réseau, intitulé « La République impartiale – Mémorandum pour un républicanisme de gauche ».

Ce qu’on y trouve est une savante cuisine. Il y est dit la chose suivante : c’est nous ou bien le populisme, ou bien les libéraux. Nous sommes les seuls crédibles, ce sera nous ou un avatar français de Donald Trump, nous ou un Emmanuel Macron au libéralisme débridé.

Comme il faut rassembler, il faut être de centre-gauche : c’est la thèse des 51 % de François Hollande, pour qui la Gauche ne peut pas être majoritaire. Comme il faut être crédible, il faut se la jouer républicain dur : c’est la thèse de Manuel Valls. Comme il faut tout de même donner des gages à la Gauche, il faut parler de défendre les acquis et revendiquer l’opposition au nationalisme et à la guerre.

Comme il faut légitimer tout ce bric-à-brac, il y a la République comme concept traditionnel chez les socialistes depuis Jean Jaurès et on lit dans le mémorandum :

« La gauche, occupée à la question sociale et à l’extension des libertés individuelles a, petit à petit, délaissé la défense et l’approfondissement de la République. Elle n’a voulu voir que ses insuffisances, ses trahisons, ses limites.

Elle a pensé révolution, évolution, libération. Ce qui fut nécessaire. Mais elle a relégué la République au magasin des accessoires. Et aujourd’hui, voici la République remise en cause, attaquée de toutes parts. »

Répétons-le encore une fois : François Hollande ne peut qu’être d’accord, Manuel Valls aussi. On a du mal à penser qu’ils n’ont pas été consultés ou qu’ils ne sont pas, d’une manière ou d’une autre, de la partie. Au minimum ils convergent avec Jean-Christophe Cambadélis.

La ligne de celui-ci est très clairement radicale de gauche et évidemment on ne trouvera rien sur la classe ouvrière et le peuple, à part une dénonciation des communistes ici et des maoïstes là-bas. Pas de socialisme, pas de capitalisme, pas de bourgeoisie, pas de propriété, etc. Les concepts employés ont de ce fait un côté à la fois flou et poétique assumé : « égalité réelle », « liberté ordonné », « fraternité laïque ».

Quel est donc le message passé ici à la Gauche ? C’est, en quelque sorte : c’est nous ou le fascisme. C’est à peu près clair. Le message, c’est : vous ne parvenez rien, vous ne pouvez pas parvenir à quelque chose. Nous sommes les seuls crédibles dans le cadre d’institutions que vous n’aimez pas, mais que vous ne pouvez pas remplacer. De plus, les mouvements populaires partent dans le populisme et le nationalisme : vous devez donc défendre ces institutions pour survivre vous-mêmes.

C’est très fin, c’est très politique, c’est très Jean-Christophe Cambadélis. Mais c’est trotskiste aussi, c’est-à-dire unilatéral et calculateur, fabriqué en laboratoire. La vie est bien plus complexe que ces plans sur la comète et il est parlant que le mémorandum ne parle pas des animaux, ce qui en 2020 est aberrant. Au-delà même de son absence de « croyance » en les chances de la Gauche historique, cette absence en dit long sur un certain côté hors-sol.

Si on ajoute à cela la crise et le retour politique de la classe ouvrière, alors le projet de Jean-Christophe Cambadélis apparaît comme tout à fait réaliste… et en même temps un rêve parisien coupé des réalités. La France va au conflit, c’est inévitable et aucun pompier « républicain » ne peut empêcher les contradictions de s’exprimer. L’heure de François Hollande est passé : l’heure est à l’Histoire.

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Écologie

Chasse à courre: «Henri Barbusse dans notre panthéon»

AVA, qui est à la pointe de la dénonciation de la chasse à courre, a publié un excellent texte d’Henri Barbusse, une grande figure de la Gauche française. Il s’agit d’Hallali, qui dénonce avec des mots d’une grande justesse et d’une grande humanité l’horreur de la chasse à courre.

On retrouvera le texte en entier sur le site d’AVA : ava-france.org/2020/11/13/henri-barbusse-hallali

Ce texte est d’une grande valeur et fait indéniablement partie du patrimoine de la Gauche, il faut le connaître, le mettre en valeurs et le diffuser !

Remarquons que c’est très bien vu de l’avoir publié le 11 novembre, puisque le parallèle est fait avec l’écrivain Maurice Genevoix, qui a été intronisé au Panthéon par Emmanuel Macron en raison de son œuvre sur la première guerre mondiale, Ceux de 14. On le sait, Henri Barbusse est également connu pour son œuvre sur la Grande guerre : Le feu, journal d’une escouade.

Il s’avère que Maurice Genevoix a également écrit sur la chasse à courre, avec un point de vue totalement opposé à celui d’Henri Barbusse. On a là deux styles, deux approches, deux visions du monde, qui se font face et ne sont absolument pas compatibles !

Voici le petit résumé d’AVA présentant cette opposition avec une grande acuité :

« HENRI BARBUSSE DANS NOTRE PANTHÉON 🏛🕊

⚫ À l’occasion des commémorations du 11 novembre, le Président de la République a choisi de faire entrer au Panthéon l’écrivain Maurice Genevoix, témoin actif de la 1ère Guerre Mondiale. D’autres voix lui préféraient Henri Barbusse.
Chez AVA, il y a un révélateur qui permet de les départager : leur rapport à la chasse à courre ! Tous les deux ont écrit sur le sujet, avec des points de vue diamétralement opposés.

🦌📯 Maurice Genevoix, dans son roman « La Dernière Harde », développe point par point toute la vision mystico-romantique des veneurs sur la Nature. On y suit un cerf sauvé plusieurs fois de la mort par le piqueux d’un équipage, un homme « juste ». S’il a été blessé au cours d’une chasse à courre, ce n’est pas du fait des veneurs mais de celui d’un cerf chassé, qui a livré son congénère à la meute pour « donner le change ». Le cerf est hébergé et soigné chez le valet, puis, repartant dans les bois, il meure volontairement par la main même de son « bienfaiteur », en se jetant contre sa dague. Bref, un pur fantasme de veneur :
« De lui-même, résolument, il a poussé sa poitrine profonde contre la pointe qui le touchait. Et en même temps il a plié les deux genoux pour se coucher sur la terre, et trouver enfin son repos. »
Genevoix (membre de l’Institut de France qui possède la forêt de Chantilly et y organise la chasse à courre) romance la chasse et la mort, comme un jeu symbolique qui mettrait en avant la dignité du monde animal, sa « liberté ». C’est tout à fait la vision des veneurs quand ils disent « Plutôt que de laisser l’opinion se focaliser sur leur mort, tachons seulement de montrer qu’ils ont une belle qualité de vie. Pour leur garantir la seule qui leur convienne, celle d’animal libre, ils doivent en payer un prix qui n’est autre que l’impôt du sang. »

🌳 De son côté, dans « Hallali » (1914), Henri Barbusse raconte un événement réel, que beaucoup d’habitants de sa forêt, celle d’Halatte, connaissent pour l’avoir vécu eux-mêmes : un équipage de chasse à courre traque un cerf jusque dans son jardin et il s’interpose pour tenter de le sauver ! 🏠🙅‍♂️
Il décrit l’impatience voyeuse de la foule des suiveurs, leur obséquiosité :
« – Il ne veut pas qu’on entre, l’insolent !
– Offrez-lui de l’argent !
Toutes ces figures portaient la marque du même instinct de meurtre, brusquement déchaîné par l’obstacle. A travers les paroles, les prétextes, les contraintes, cela se faisait jour sur leurs traits. »
🐶 Puis il se tourne vers les chiens :
« A côté des groupes si passionnément décontenancés, le hurlement des chiens prenait quelque chose d’innocent : les chiens esclaves n’avaient contre le cerf que la haine des hommes… »
Face à la pression violente de l’équipage et de sa cour, cet ancien poilu, victime de la Grande Guerre et le 1er de ses dénonciateurs, a cette révélation :
« En songeant aux cris sanguinaires qui m’assaillaient, je compris à quel point la créature humaine et animale, qui diffèrent si prodigieusement dans la vie, se ressemblent pour mourir, et que tous les êtres vivants s’en vont fraternellement. »
Il empoigne la carabine du piqueux, mais en vain, Barbusse est soulevé et projeté par la foule…

⚔🚫 De leur expérience commune de la guerre et de la mort, ces deux écrivains tirent des conclusions bien différentes.
Barbusse, lui, voit dans la chasse à courre un vecteur de brutalité primitive chez l’Homme, qu’utilisent les dominants pour les jeter les uns contre les autres.
Dans son roman « Clarté » (1919), il fait dire à un prince lors d’une curée :
« On se déshabitue trop du sang à notre époque prosaïque, humanitaire et bêlante. Ah ! Tant que les peuples aimeront la chasse, je ne désespérerai pas d’eux ! »

Pour AVA ainsi que tous les habitants victimes de la chasse à courre, aucune hésitation : c’est Henri Barbusse qui figure dans notre Panthéon ! 🕊✊  »

À nouveau, voici le lien pour lire Hallali d’Henri Barbusse sur le site d’AVA : https://ava-france.org/2020/11/13/henri-barbusse-hallali/

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Politique

Noussommespour.fr : un populisme en-dehors de la Gauche

Il existe deux formes traditionnelles d’organisation à Gauche, qui viennent d’un côté du socialisme français, de l’autre de la social-démocratie allemande et autrichienne avec son prolongement russe de type bolchevik.

Il y a la tradition socialiste française historique, de la SFIO, reprise par le trotskisme : l’organisation a plusieurs tendances, elles sont reconnues, elles ont le droit d’exprimer leur avis de manière organisée, il y a une représentation proportionnelle du poids de ces tendances au niveau de la direction.

Le Parti socialiste s’appuie sur cette démarche, notamment défendue par Léon Blum au congrès de Tours en 1920.

Il y a ensuite la tradition communiste, importée du bolchevisme, mais qui prolonge directement la social-démocratie : unité organique, homogénéité, le Parti fait bloc.

Le PCF a repris cette conception centraliste démocratique en 1920 à sa fondation, pour l’abandonner progressivement au profit d’un certain fédéralisme puis, après 1989, de courants le traversant.

Ces modes d’organisation traversent toute la Gauche historique, jusqu’aux syndicats étudiants des années 1980, puisque l’UNEF-ID liée aux socialistes et aux trotskistes reconnaissait le droit de tendance, alors que l’UNEF liée au PCF (avec de petites poches maoïstes parfois) ne le reconnaissait pas.

Dans tous les cas, les décisions prises par l’organisation sont prises dans l’organisation et ne dépendent que d’elles. C’est la notion, si on veut, d’avant-garde, ou en tout cas de minorité plus avancée en termes de conscience politique.

Le modèle Démocrate américain importé en France

Depuis une dizaine d’années, cette tradition de la Gauche historique est mise à mal par une approche calquée sur les Démocrates américains, qui sont l’équivalent de nos libéraux. L’idée n’est pas de centraliser les forces vives, mais au contraire de chercher à élargir la base à mettre en mouvement, en avalant des propositions venant de-ci de-là, afin de former une sorte d’entonnoir pour attraper des gens prêts à se bouger.

C’est pourquoi la Gauche se voulant moderne a instauré les primaires, allant bien au-delà des rangs des partis et organisation. C’est là, bien entendu, du populisme. L’idée repose d’ailleurs sur le contrat : je te soutiens si tu prends certaines de mes idées, et même si tu n’es pas le candidat choisi, lui-même va reprendre certaines de mes idées donc je vais le suivre, et ainsi de suite.

Jean-Luc Mélenchon lance noussommespour.fr

Jean-Luc Mélenchon, qui récuse la Gauche historique et assume ouvertement le populisme, a fait ce choix en proposant qu’il y ait 150 000 signatures pour le « parrainer ». Il a ouvert un site pour cela, noussommespour.fr.

Cela avait très bien marcher lors de l’élection présidentielle précédente, notamment chez les jeunes, qui se sont sentis investis d’une « mission »… pour disparaître totalement dans la foulée.

C’est que ce genre de populisme n’est qu’un fusil à un coup. Une fois qu’on a tiré, il ne reste rien, mais cela ne dérange pas ceux qui sont uniquement dans une perspective électoraliste. Jean-Luc Mélenchon a la même démarche : il suffit de lire ses propos dans sa vidéo de présentation.

On chercherait en vain un contenu et il est évident que c’est du racolage de première.

« Alors vous le savez : je propose ma candidature pour l’élection présidentielle de 2022. Mais pour déposer définitivement cette candidature, je demande une investiture populaire. C’est-à-dire 150 000 personnes signant pour me parrainer.

Pourquoi 150 000 ? En fait j’ai déjà utilisé ce nombre pour une proposition de loi déposée à l’Assemblée Nationale.

L’idée c’est que chaque personne, du seul fait qu’elle est inscrite sur une liste électorale, puisse parrainer une candidature à l’élection présidentielle. Pour l’instant ce droit est réservé exclusivement aux élus.

Alors, si vous êtes 150 000 à signer ici je me considèrerai investi par vous pour l’élection présidentielle, avec mon programme « l’Avenir en commun ». Il a déjà recueilli 7 millions de voix en 2017. Il est toujours d’actualité, il répond aux besoins du pays et du moment dans lequel nous vivons.

La suite dépend de vous. Ici, il s’agit de signer et puis vous pouvez suivre le parcours en 3 étapes.

Vous déciderez librement de ce que vous voulez faire pour aider.

Merci d’être d’avoir été là, à mes côtés, dans ce moment décisif. »

Un tel populisme peut-il fonctionner encore une fois ? Et ce d’autant plus dans une situation de crise dans tous les domaines ? Bien sûr que oui… mais à Droite. Quand on se joue à ce petit jeu là des raccourcis et des coups à trois bandes, quand on s’imagine Machiavel, on rentre dans le mur, à moins d’être un fasciste. Seule la démagogie la plus totale sait s’adapter et réussir.

Quand on est de gauche, on veut de la conscience, de l’intellect, de la raison. On cherche à élever le niveau, à arracher les gens à une société capitaliste exploiteuse et aliénante. On contribue à des analyses de fond, à une vision du monde claire et lisible, on propose des valeurs aux contours bien définis.

Jean-Luc Mélenchon n’a très clairement plus rien à voir avec la Gauche et on voit bien qu’il cherche à la torpiller. Il n’y parviendra pas.

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Société

Hommage à Samuel Paty… et attaque coordonnée fanatique à Vienne

La crise de civilisation s’impose partout. Alors qu’en France l’hommage à Samuel Paty s’est tenu sobrement mais avec dignité, une attaque coordonnée islamiste frappait Vienne. L’époque est prise de spasmes.

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C’est une bien belle lettre de Jean Jaurès que le gouvernement a fait lire par les enseignants à leurs élèves, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, l’enseignant assassiné par un fanatique islamiste. Cela souligne la force de la question de l’éducation dans notre pays, une véritable tradition nationale avec, surtout, la figure de l’enseignant visant à élever le niveau des élèves sur le plan moral. L’engagement du professeur qui veut bien faire, sans briser les esprits mais en les faisant avancer, est quelque chose de connu et d’apprécié dans notre pays.

Non pas que tous les professeurs soient ainsi, très loin de là, ni que l’Ecole telle qu’elle existe soit agréable et épanouissante. Mais justement il y a quelques figures émergeant toujours, ici et là, faisant qu’on se souvient avec émotion de tel ou tel enseignant, qui s’est donné pour les élèves. La lettre de Jean Jaurès est donc bien choisie et on sait d’ailleurs à quel point Jean Jaurès fut un ardent républicain et un orateur extraordinaire. La finesse de ses propos, le choix méticuleux des termes et du ton, la vivacité dans la répartie… font qu’il était pratiquement un représentant de l’esprit français.

Jean Jaurès était, également et évidemment, un socialiste, de l’aile droite historiquement, ce qui ne change rien au fond car les socialistes sont en France en général des républicains de Gauche, éloignés des traditions pro-marxistes social-démocrates allemande, russe, autrichienne, bulgare, etc. On ne peut donc guère parler de récupération par le gouvernement et de toutes façons la question n’est pas du tout là. Ce qui compte, c’est de voir l’honneur du professeur, du passeur de savoir face au fanatisme.

On doit ici qualifier d’abject les diverses critiques anti-gouvernementales cherchant la petite faille pour un populisme vraiment déplacé. Profiter d’un tel événement pour accuser le ministre de l’Éducation de prôner une réforme du baccalauréat que Jean Jaurès aurait réfuté, comment dire… C’est absurde. Les terribles attentats dans la capitale autrichienne montrent d’ailleurs où est le problème.

Les attaques coordonnées dans le centre de Vienne en Autriche, en différents endroits, visant à tuer, à blesser, à terroriser, montrent que le mal est profond, qu’à côté de la machinerie capitaliste détruisant la planète on a des crises de folies réactionnaires meurtrières.

Le fanatisme islamiste est le produit d’une époque sans cœur ni esprit, où tout esprit constructif, démocratique, s’efface devant un marché capitaliste tout puissant accompagné de poches de romantismes ultra-réactionnaires idéalisant un passé romancé. Comment affirmer la Culture, la Connaissance, la Démocratie dans un tel cadre historique ? Là est le défi de notre époque et évidemment, seul le Socialisme peut porter cela.

Lire également : La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Le drapeau de la Démocratie, du peuple organisé au niveau de la société, de l’État, est la condition impérative pour sortir d’une crise de civilisation toujours plus folle. La peur et la réflexion se combinent dans des situations nouvelles, inquiétantes et d’envergure. Il faut contribuer à être à la hauteur des questions, il faut savoir souligner les bonnes réponses. Il faut être là. Qui se met de côté dans une telle époque n’a pas saisi ce qui se passe – mais comment ne peut-on pas le saisir ?

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Politique

Jean-Luc Mélenchon veut être le Cincinnatus de la Gauche

Les tambouilles-magouilles ont repris en cette rentrée et Jean-Luc Mélenchon dit ouvertement qu’il doit être le dictateur temporaire à Gauche pour rétablir celle-ci.

Fondée en février 2016, La France Insoumise s’est tout de suite posé comme objectif de siphonner tout ce qui relève de la Gauche en terme d’associatifs, de syndicalistes, de militants. Usant d’arguments populistes et démagogiques, le mouvement a alors permis à Jean-Luc Mélenchon de faire 19,58 % aux présidentielles d’avril 2017. L’ennemi, c’était en apparence le réformisme, mais en pratique surtout tout ce qui relevait de la Gauche historique.

Le mouvement est depuis retourné à sa source, se résumant à des activistes sans impact notable à part en certaines places fortes électorales et la question est bien entendu désormais de savoir que faire. Jean-Luc Mélenchon a envie de retenter les présidentielles, mais il sait que désormais il ne peut plus y aller frontalement. Il a un petit capital électoral et compte en profiter. Il s’ensuit un rapprochement discret et délicat entre une partie des socialistes et Jean-Luc Mélenchon.

C’est Lionel Jospin qui a servi pour cette articulation, une amabilité entre ex-trotskistes (du courant lambertiste, historiquement tourné vers le PS et la CGT-FO). Dans son livre Un temps troublé, sorti début septembre 2020, Lionel Jospin ne tarit pas d’éloges : Jean-Luc Mélenchon y est valorisé comme un brillant orateur, un admirateur de François Mitterrand, un homme réaliste sachant faire des compromis, intelligent, mais victime de son tempérament, etc.

Dans le Nouvel Obs (du 3 au 9 septembre 2020), Lionel Jospin dit encore de Jean-Luc Mélenchon qu’il a :

« su conquérir ce qu’il désirait : être reconnu, hors des bornes du Parti socialiste, pour son talent, ses intuitions politiques, son sens du verbe, et il a créé son propre mouvement, un mouvement qui compte. »

Cela a amené, dans le numéro suivant (du 10 au 16 septembre 2020), une discrète petite interview, en page 44. Discrète, mais un symbole très important : le Nouvel Obs est l’organe de la « gauche caviar », des cadres et banquiers de gauche, où les conceptions de Keynes et l’action sociale est valorisée entre des publicités et articles de consommation upper class (restaurants, montres, propriétés, voitures, habits, etc.).

Pourquoi ouvre-t-il la porte à Jean-Luc Mélenchon ? Par tentative évidemment d’aller à un compromis. Les socialistes auraient bien besoin d’une figure de proue pour imposer quelque chose aux élections et faire face à EELV. Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas après tout passé toute sa vie au Parti socialiste ?

Le Nouvel Obs ouvre donc la porte et même deux fois, puisque l’interview publiée est une version largement remaniée d’une version publiée au préalable en ligne (« En réponse à Jospin, Mélenchon évoque une « nouvelle force politique » pour 2022 »).

Voici comment Jean-Luc Mélenchon propose un compromis aux socialistes :

« Dans le monde militant, les personnalités attentives comme lui sont rares ; encore plus dans les milieux dirigeants. Il [= Lionel Jospin] force le respect. Je ne me suis jamais senti en opposition avec lui, mais en divergence (…).

Au fond, Lionel Jospin est le premier dirigeant socialiste à vous dédiaboliser. Qu’avez-vous ressenti en le lisant ?

Une grande émotion. Il ouvre peut-être une nouvelle séquence, celle du dialogue et du débat respectueux.

Je ne cherche pas à l’instrumentaliser, à lui faire dire en ma faveur ce qu’il ne dit pas. Il existe des différences entre son point de vue, qui est celui d’un social-démocrate avancé, et le mien, celui d’un républicain écologiste anticapitaliste.

Il plaide pour la lucidité. Quelle différence avec tous les autres qui veulent mettre en parenthèses les dix dernières années, sans tirer les leçons ni de leurs effroyables déroutes ni de notre progressive ascension, et qui n’ont jamais répondu à aucune de mes offres d’ouverture !

Lionel Jospin nous voit « sans effroi ». Et il ouvre le dialogue, quoi de mieux ?

(…) Vous opposez le peuple à l’oligarchie, dont Lionel Jospin décrit l’hétérogénéité…

On ne parle pas de la même chose. J’admets la différence entre le patronat national et l’oligarchie. Le patronat national rend possible un compromis social.

C’est impossible avec l’oligarchie qui est consubstantiellement liée à la forme financière et transnationale du capital. Or c’est l’oligarchie qui domine. Elle a mis à son service une caste, c’est-à-dire tout un personnel dans les superstructures de la société qui se voue à la perpétuation du système.

(…) Que proposez-vous ?

C’est une majorité d’adhésion qu’il faut construire. C’est pour ça que je crois aux campagnes longues qui se donnent le temps de convaincre en profondeur. D’autant qu’il s’agit de gouverner dans la catastrophe climatique et la dislocation économique et politique du monde qui sont en cours.

Si je suis candidat, j’arriverai fort de mon bilan électoral, de mon expertise, muni d’un programme ouvert, d’une brillante équipe soudée idéologiquement, et décidée à fonder avec ceux qui l’auront voulu une nouvelle force politique.

Cette force sera celle de la génération suivante. Elle se construira en reformulant le programme et en menant la campagne. Gagnant ou perdant, rien n’aura été fait en vain. Il faut imaginer Cincinnatus heureux. »

Lucius Quinctius Cincinnatus relève de la légende historique romaine : la république est en danger et par deux fois, en 458 et 439 avant notre ère, on cherche un pauvre paysan qui devient dictateur pour rétablir l’ordre face aux ennemis de la République et dès qu’il a fini tout abandonner pour redevenir paysan.

Jean-Luc Mélenchon se propose en Cincinnatus. Il dit en fait : nommer moi candidat et je vous fonde un nouveau Parti socialiste, même si je perds vous en profiterez car moi je ne serai alors plus là. En attendant, de toutes façons je suis le seul « socialiste » à avoir une aura de masse.

Il veut rééditer le coup de François Mitterrand, qui vient du centre-droit mais qui en s’opposant à De Gaulle s’est placé comme la seule figure « populaire » de la Gauche. Il sait aussi qu’il pourra profiter, pour une tel projet, des différents courants trotskistes du NPA soucieux de se sortir de leur bourbier et, qu’à l’inverse, le PCF comprendra que cela ne peut se faire qu’à ses dépens, puisque l’idée, c’est une sorte de congrès de Tours à l’envers, afin de prendre le dessus sur EELV.

Cela se tient. Mais il n’en reste pas moins que c’est une sorte de lecture électoraliste-activiste en vue d’un programme de gestion, autour d’une figure connue, à rebours de la Gauche historique et de sa lecture historique des questions sociales, sur la base de valeurs portées par des partis.

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Tour de France: le maire EELV de Lyon méprise les classes populaires

Le nouveau maire EELV de Lyon, à l’image de son parti, n’a rien à voir avec la Gauche. Il fait partie d’une frange de la bourgeoisie violemment hostile aux classes populaires et sa critique méprisante du Tour de France en est un bel exemple.

Dans un pays, il y a des monuments. Cela peut être un bâtiment, une sculpture, un tableau, de la musique, une façon de faire certaines choses, ou bien encore un événement sportif. Le Tour de France fait partie des monuments français, du patrimoine de la France.

Cela ne veut pas dire que cela est figé et qu’il est interdit de le faire évoluer. Mais cela nécessite de connaître les choses de l’intérieur, en étant lié de manière organique au peuple, car le patrimoine par définition est porté par le peuple.

C’est tout le contraire d’EELV, qui représente la bourgeoisie cosmopolite vivant dans de riches appartements de centre-villes et s’imaginant écologiste en allant chercher son pain à bicyclette le dimanche matin.

Ainsi, quand Grégory Doucet le nouveau maire EELV de Lyon critique le Tour de France de manière méprisante, cela ne passe pas, car on ne peut pas s’en prendre au patrimoine populaire sans susciter de la réprobation.

Alors que la 14e étape de l’édition 2020 de l’épreuve arrive à Lyon samedi 12 septembre, il a en effet qualifié le Tour de « machiste et polluant ». Sa critique est ici typique du bourgeois de grande métropole, vivant dans sa petite bulle, raisonnant avec des concepts universitaires hors-sol et méprisant la vie quotidienne du peuple.

Cela est particulièrement flagrant quand il interroge de manière hautaine :

« Combien de véhicules à moteur thermique circulent pour faire courir ces coureurs à vélo ? »

En France, ainsi que dans de nombreux pays, des millions de gens adorent le Tour de France. Et comme à chaque fois qu’il y a quelque chose de populaire et massif, cela est fait avec beaucoup de sérieux.

Les coureurs sont donc des professionnels et ils ont logiquement avec eux tout un staff, lui aussi professionnel, engagé de manière très aboutie sur la course, qui est préparée pendant de longs mois.

Comme celle-ci a lieu sur la route, en parcourant une très grande distance quotidienne, cela nécessite des voitures pour suivre les coureurs, afin de leur porter assistance, les ravitailler, changer de roue en cas de crevaison, etc. C’est aussi simple que cela et il faut vraiment tout le mépris du bobo de centre-ville pour ne pas comprendre la raison de la présence de ces « véhicules à moteur thermique » pour suivre « ces coureurs ».

C’est la même chose pour les autres voitures et motos, que ce soit de l’organisation, des médias, des médecins, de la publicité, etc. Tout cela s’explique pour une raison simple : le professionnalisme de l’événement, d’autant plus important en raison de son caractère massif, extrêmement populaire.

Mais le peuple, les gens d’EELV n’en ont rien à faire. Tout ce qui compte pour eux est de calquer des concepts sur la réalité, pour se donner un genre moderne. Là encore, c’est particulièrement flagrant quand Grégory Doucet affirme de manière délirante :

« D’abord, le Tour de France continue à véhiculer une image machiste du sport. Quand on défend les valeurs du sport, on défend l’égalité femmes-hommes. Il devrait y avoir un Tour de France féminin depuis longtemps. C’est la dernière épreuve d’envergure à ne pas avoir franchi le pas. »

Qu’est-ce que cela peut bien lui faire qu’il n’y ait pas de Tour de France féminin ? Et d’ailleurs, pourquoi n’y a t-il pas d’équivalent féminin du Tour de France ? Tout simplement car il n’y a pas beaucoup de femmes cyclistes pratiquant ce sport avec le même niveau de professionnalisme que les hommes cyclistes. Point. Ce n’est ni bien, ni mal, c’est une simple réalité historique, un simple cheminement de l’évolution de la vie du peuple.

Depuis quand d’ailleurs l’horizon des femmes serait de faire forcément la même choses que les hommes ?

De toutes façons, cela ne signifie pas que les femmes sont en dehors du cyclisme masculin. Mais pour savoir cela, il faut faire partie du peuple et s’être déjà rendue sur une course cycliste amateur… où les femmes sont extrêmement nombreuses. Ce sont par exemple presque toujours des femmes qui prennent les photos sur les courses amateurs, de manière très sérieuse. Les mères des coureurs sont très présentes et impliquées, tout comme les femmes qui sont bénévoles dans l’organisation, pour distribuer les dossards par exemple ou servir à la buvette, ou encore dans l’arbitrage où il y a très souvent des femmes, etc. Il y a également les podiums où la tradition veut que ce soient des jeunes femmes qui donnent un bouquet au vainqueur de la course et lui fassent la bise, même sur la plus petite course de village.

On peut trouver cela ringard éventuellement, ou bien déplacé, caricatural, etc. mais cela ne donne pas pour autant le droit de critiquer avec mépris, et encore moins celui de prétendre pouvoir parler à la place des femmes participant à cela.

Mais nous ne vivons pas dans une société démocratique, et donc le peuple n’a jamais la parole. À la place, ce sont des bourgeois comme Grégory Doucet qui s’arrogent la prétention de savoir ce qui est bon ou mauvais. Les bourgeois comme Grégory Doucet d’EELV représente ici tout l’inverse de la Gauche historique, qui au contraire est liée organiquement au peuple en incarnant le meilleur de la tradition populaire dans tous les domaines.

Et on voit que le masque d’EELV tombe de plus en plus, alors que son espoir est de démolir définitivement la Gauche, de la cannibaliser pour devenir un parti politique majeur. Outre que son écologie est toujours plus au service d’un renouveau du capitalisme, son opposition à ce qui est le noyau de la Gauche populaire est toujours plus agressive.