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Écologie

Chasse à courre: «Henri Barbusse dans notre panthéon»

AVA, qui est à la pointe de la dénonciation de la chasse à courre, a publié un excellent texte d’Henri Barbusse, une grande figure de la Gauche française. Il s’agit d’Hallali, qui dénonce avec des mots d’une grande justesse et d’une grande humanité l’horreur de la chasse à courre.

On retrouvera le texte en entier sur le site d’AVA : ava-france.org/2020/11/13/henri-barbusse-hallali

Ce texte est d’une grande valeur et fait indéniablement partie du patrimoine de la Gauche, il faut le connaître, le mettre en valeurs et le diffuser !

Remarquons que c’est très bien vu de l’avoir publié le 11 novembre, puisque le parallèle est fait avec l’écrivain Maurice Genevoix, qui a été intronisé au Panthéon par Emmanuel Macron en raison de son œuvre sur la première guerre mondiale, Ceux de 14. On le sait, Henri Barbusse est également connu pour son œuvre sur la Grande guerre : Le feu, journal d’une escouade.

Il s’avère que Maurice Genevoix a également écrit sur la chasse à courre, avec un point de vue totalement opposé à celui d’Henri Barbusse. On a là deux styles, deux approches, deux visions du monde, qui se font face et ne sont absolument pas compatibles !

Voici le petit résumé d’AVA présentant cette opposition avec une grande acuité :

« HENRI BARBUSSE DANS NOTRE PANTHÉON 🏛🕊

⚫ À l’occasion des commémorations du 11 novembre, le Président de la République a choisi de faire entrer au Panthéon l’écrivain Maurice Genevoix, témoin actif de la 1ère Guerre Mondiale. D’autres voix lui préféraient Henri Barbusse.
Chez AVA, il y a un révélateur qui permet de les départager : leur rapport à la chasse à courre ! Tous les deux ont écrit sur le sujet, avec des points de vue diamétralement opposés.

🦌📯 Maurice Genevoix, dans son roman « La Dernière Harde », développe point par point toute la vision mystico-romantique des veneurs sur la Nature. On y suit un cerf sauvé plusieurs fois de la mort par le piqueux d’un équipage, un homme « juste ». S’il a été blessé au cours d’une chasse à courre, ce n’est pas du fait des veneurs mais de celui d’un cerf chassé, qui a livré son congénère à la meute pour « donner le change ». Le cerf est hébergé et soigné chez le valet, puis, repartant dans les bois, il meure volontairement par la main même de son « bienfaiteur », en se jetant contre sa dague. Bref, un pur fantasme de veneur :
« De lui-même, résolument, il a poussé sa poitrine profonde contre la pointe qui le touchait. Et en même temps il a plié les deux genoux pour se coucher sur la terre, et trouver enfin son repos. »
Genevoix (membre de l’Institut de France qui possède la forêt de Chantilly et y organise la chasse à courre) romance la chasse et la mort, comme un jeu symbolique qui mettrait en avant la dignité du monde animal, sa « liberté ». C’est tout à fait la vision des veneurs quand ils disent « Plutôt que de laisser l’opinion se focaliser sur leur mort, tachons seulement de montrer qu’ils ont une belle qualité de vie. Pour leur garantir la seule qui leur convienne, celle d’animal libre, ils doivent en payer un prix qui n’est autre que l’impôt du sang. »

🌳 De son côté, dans « Hallali » (1914), Henri Barbusse raconte un événement réel, que beaucoup d’habitants de sa forêt, celle d’Halatte, connaissent pour l’avoir vécu eux-mêmes : un équipage de chasse à courre traque un cerf jusque dans son jardin et il s’interpose pour tenter de le sauver ! 🏠🙅‍♂️
Il décrit l’impatience voyeuse de la foule des suiveurs, leur obséquiosité :
« – Il ne veut pas qu’on entre, l’insolent !
– Offrez-lui de l’argent !
Toutes ces figures portaient la marque du même instinct de meurtre, brusquement déchaîné par l’obstacle. A travers les paroles, les prétextes, les contraintes, cela se faisait jour sur leurs traits. »
🐶 Puis il se tourne vers les chiens :
« A côté des groupes si passionnément décontenancés, le hurlement des chiens prenait quelque chose d’innocent : les chiens esclaves n’avaient contre le cerf que la haine des hommes… »
Face à la pression violente de l’équipage et de sa cour, cet ancien poilu, victime de la Grande Guerre et le 1er de ses dénonciateurs, a cette révélation :
« En songeant aux cris sanguinaires qui m’assaillaient, je compris à quel point la créature humaine et animale, qui diffèrent si prodigieusement dans la vie, se ressemblent pour mourir, et que tous les êtres vivants s’en vont fraternellement. »
Il empoigne la carabine du piqueux, mais en vain, Barbusse est soulevé et projeté par la foule…

⚔🚫 De leur expérience commune de la guerre et de la mort, ces deux écrivains tirent des conclusions bien différentes.
Barbusse, lui, voit dans la chasse à courre un vecteur de brutalité primitive chez l’Homme, qu’utilisent les dominants pour les jeter les uns contre les autres.
Dans son roman « Clarté » (1919), il fait dire à un prince lors d’une curée :
« On se déshabitue trop du sang à notre époque prosaïque, humanitaire et bêlante. Ah ! Tant que les peuples aimeront la chasse, je ne désespérerai pas d’eux ! »

Pour AVA ainsi que tous les habitants victimes de la chasse à courre, aucune hésitation : c’est Henri Barbusse qui figure dans notre Panthéon ! 🕊✊  »

À nouveau, voici le lien pour lire Hallali d’Henri Barbusse sur le site d’AVA : https://ava-france.org/2020/11/13/henri-barbusse-hallali/

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Politique

Noussommespour.fr : un populisme en-dehors de la Gauche

Il existe deux formes traditionnelles d’organisation à Gauche, qui viennent d’un côté du socialisme français, de l’autre de la social-démocratie allemande et autrichienne avec son prolongement russe de type bolchevik.

Il y a la tradition socialiste française historique, de la SFIO, reprise par le trotskisme : l’organisation a plusieurs tendances, elles sont reconnues, elles ont le droit d’exprimer leur avis de manière organisée, il y a une représentation proportionnelle du poids de ces tendances au niveau de la direction.

Le Parti socialiste s’appuie sur cette démarche, notamment défendue par Léon Blum au congrès de Tours en 1920.

Il y a ensuite la tradition communiste, importée du bolchevisme, mais qui prolonge directement la social-démocratie : unité organique, homogénéité, le Parti fait bloc.

Le PCF a repris cette conception centraliste démocratique en 1920 à sa fondation, pour l’abandonner progressivement au profit d’un certain fédéralisme puis, après 1989, de courants le traversant.

Ces modes d’organisation traversent toute la Gauche historique, jusqu’aux syndicats étudiants des années 1980, puisque l’UNEF-ID liée aux socialistes et aux trotskistes reconnaissait le droit de tendance, alors que l’UNEF liée au PCF (avec de petites poches maoïstes parfois) ne le reconnaissait pas.

Dans tous les cas, les décisions prises par l’organisation sont prises dans l’organisation et ne dépendent que d’elles. C’est la notion, si on veut, d’avant-garde, ou en tout cas de minorité plus avancée en termes de conscience politique.

Le modèle Démocrate américain importé en France

Depuis une dizaine d’années, cette tradition de la Gauche historique est mise à mal par une approche calquée sur les Démocrates américains, qui sont l’équivalent de nos libéraux. L’idée n’est pas de centraliser les forces vives, mais au contraire de chercher à élargir la base à mettre en mouvement, en avalant des propositions venant de-ci de-là, afin de former une sorte d’entonnoir pour attraper des gens prêts à se bouger.

C’est pourquoi la Gauche se voulant moderne a instauré les primaires, allant bien au-delà des rangs des partis et organisation. C’est là, bien entendu, du populisme. L’idée repose d’ailleurs sur le contrat : je te soutiens si tu prends certaines de mes idées, et même si tu n’es pas le candidat choisi, lui-même va reprendre certaines de mes idées donc je vais le suivre, et ainsi de suite.

Jean-Luc Mélenchon lance noussommespour.fr

Jean-Luc Mélenchon, qui récuse la Gauche historique et assume ouvertement le populisme, a fait ce choix en proposant qu’il y ait 150 000 signatures pour le « parrainer ». Il a ouvert un site pour cela, noussommespour.fr.

Cela avait très bien marcher lors de l’élection présidentielle précédente, notamment chez les jeunes, qui se sont sentis investis d’une « mission »… pour disparaître totalement dans la foulée.

C’est que ce genre de populisme n’est qu’un fusil à un coup. Une fois qu’on a tiré, il ne reste rien, mais cela ne dérange pas ceux qui sont uniquement dans une perspective électoraliste. Jean-Luc Mélenchon a la même démarche : il suffit de lire ses propos dans sa vidéo de présentation.

On chercherait en vain un contenu et il est évident que c’est du racolage de première.

« Alors vous le savez : je propose ma candidature pour l’élection présidentielle de 2022. Mais pour déposer définitivement cette candidature, je demande une investiture populaire. C’est-à-dire 150 000 personnes signant pour me parrainer.

Pourquoi 150 000 ? En fait j’ai déjà utilisé ce nombre pour une proposition de loi déposée à l’Assemblée Nationale.

L’idée c’est que chaque personne, du seul fait qu’elle est inscrite sur une liste électorale, puisse parrainer une candidature à l’élection présidentielle. Pour l’instant ce droit est réservé exclusivement aux élus.

Alors, si vous êtes 150 000 à signer ici je me considèrerai investi par vous pour l’élection présidentielle, avec mon programme « l’Avenir en commun ». Il a déjà recueilli 7 millions de voix en 2017. Il est toujours d’actualité, il répond aux besoins du pays et du moment dans lequel nous vivons.

La suite dépend de vous. Ici, il s’agit de signer et puis vous pouvez suivre le parcours en 3 étapes.

Vous déciderez librement de ce que vous voulez faire pour aider.

Merci d’être d’avoir été là, à mes côtés, dans ce moment décisif. »

Un tel populisme peut-il fonctionner encore une fois ? Et ce d’autant plus dans une situation de crise dans tous les domaines ? Bien sûr que oui… mais à Droite. Quand on se joue à ce petit jeu là des raccourcis et des coups à trois bandes, quand on s’imagine Machiavel, on rentre dans le mur, à moins d’être un fasciste. Seule la démagogie la plus totale sait s’adapter et réussir.

Quand on est de gauche, on veut de la conscience, de l’intellect, de la raison. On cherche à élever le niveau, à arracher les gens à une société capitaliste exploiteuse et aliénante. On contribue à des analyses de fond, à une vision du monde claire et lisible, on propose des valeurs aux contours bien définis.

Jean-Luc Mélenchon n’a très clairement plus rien à voir avec la Gauche et on voit bien qu’il cherche à la torpiller. Il n’y parviendra pas.

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Société

Hommage à Samuel Paty… et attaque coordonnée fanatique à Vienne

La crise de civilisation s’impose partout. Alors qu’en France l’hommage à Samuel Paty s’est tenu sobrement mais avec dignité, une attaque coordonnée islamiste frappait Vienne. L’époque est prise de spasmes.

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C’est une bien belle lettre de Jean Jaurès que le gouvernement a fait lire par les enseignants à leurs élèves, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, l’enseignant assassiné par un fanatique islamiste. Cela souligne la force de la question de l’éducation dans notre pays, une véritable tradition nationale avec, surtout, la figure de l’enseignant visant à élever le niveau des élèves sur le plan moral. L’engagement du professeur qui veut bien faire, sans briser les esprits mais en les faisant avancer, est quelque chose de connu et d’apprécié dans notre pays.

Non pas que tous les professeurs soient ainsi, très loin de là, ni que l’Ecole telle qu’elle existe soit agréable et épanouissante. Mais justement il y a quelques figures émergeant toujours, ici et là, faisant qu’on se souvient avec émotion de tel ou tel enseignant, qui s’est donné pour les élèves. La lettre de Jean Jaurès est donc bien choisie et on sait d’ailleurs à quel point Jean Jaurès fut un ardent républicain et un orateur extraordinaire. La finesse de ses propos, le choix méticuleux des termes et du ton, la vivacité dans la répartie… font qu’il était pratiquement un représentant de l’esprit français.

Jean Jaurès était, également et évidemment, un socialiste, de l’aile droite historiquement, ce qui ne change rien au fond car les socialistes sont en France en général des républicains de Gauche, éloignés des traditions pro-marxistes social-démocrates allemande, russe, autrichienne, bulgare, etc. On ne peut donc guère parler de récupération par le gouvernement et de toutes façons la question n’est pas du tout là. Ce qui compte, c’est de voir l’honneur du professeur, du passeur de savoir face au fanatisme.

On doit ici qualifier d’abject les diverses critiques anti-gouvernementales cherchant la petite faille pour un populisme vraiment déplacé. Profiter d’un tel événement pour accuser le ministre de l’Éducation de prôner une réforme du baccalauréat que Jean Jaurès aurait réfuté, comment dire… C’est absurde. Les terribles attentats dans la capitale autrichienne montrent d’ailleurs où est le problème.

Les attaques coordonnées dans le centre de Vienne en Autriche, en différents endroits, visant à tuer, à blesser, à terroriser, montrent que le mal est profond, qu’à côté de la machinerie capitaliste détruisant la planète on a des crises de folies réactionnaires meurtrières.

Le fanatisme islamiste est le produit d’une époque sans cœur ni esprit, où tout esprit constructif, démocratique, s’efface devant un marché capitaliste tout puissant accompagné de poches de romantismes ultra-réactionnaires idéalisant un passé romancé. Comment affirmer la Culture, la Connaissance, la Démocratie dans un tel cadre historique ? Là est le défi de notre époque et évidemment, seul le Socialisme peut porter cela.

Lire également : La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Le drapeau de la Démocratie, du peuple organisé au niveau de la société, de l’État, est la condition impérative pour sortir d’une crise de civilisation toujours plus folle. La peur et la réflexion se combinent dans des situations nouvelles, inquiétantes et d’envergure. Il faut contribuer à être à la hauteur des questions, il faut savoir souligner les bonnes réponses. Il faut être là. Qui se met de côté dans une telle époque n’a pas saisi ce qui se passe – mais comment ne peut-on pas le saisir ?

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Politique

Jean-Luc Mélenchon veut être le Cincinnatus de la Gauche

Les tambouilles-magouilles ont repris en cette rentrée et Jean-Luc Mélenchon dit ouvertement qu’il doit être le dictateur temporaire à Gauche pour rétablir celle-ci.

Fondée en février 2016, La France Insoumise s’est tout de suite posé comme objectif de siphonner tout ce qui relève de la Gauche en terme d’associatifs, de syndicalistes, de militants. Usant d’arguments populistes et démagogiques, le mouvement a alors permis à Jean-Luc Mélenchon de faire 19,58 % aux présidentielles d’avril 2017. L’ennemi, c’était en apparence le réformisme, mais en pratique surtout tout ce qui relevait de la Gauche historique.

Le mouvement est depuis retourné à sa source, se résumant à des activistes sans impact notable à part en certaines places fortes électorales et la question est bien entendu désormais de savoir que faire. Jean-Luc Mélenchon a envie de retenter les présidentielles, mais il sait que désormais il ne peut plus y aller frontalement. Il a un petit capital électoral et compte en profiter. Il s’ensuit un rapprochement discret et délicat entre une partie des socialistes et Jean-Luc Mélenchon.

C’est Lionel Jospin qui a servi pour cette articulation, une amabilité entre ex-trotskistes (du courant lambertiste, historiquement tourné vers le PS et la CGT-FO). Dans son livre Un temps troublé, sorti début septembre 2020, Lionel Jospin ne tarit pas d’éloges : Jean-Luc Mélenchon y est valorisé comme un brillant orateur, un admirateur de François Mitterrand, un homme réaliste sachant faire des compromis, intelligent, mais victime de son tempérament, etc.

Dans le Nouvel Obs (du 3 au 9 septembre 2020), Lionel Jospin dit encore de Jean-Luc Mélenchon qu’il a :

« su conquérir ce qu’il désirait : être reconnu, hors des bornes du Parti socialiste, pour son talent, ses intuitions politiques, son sens du verbe, et il a créé son propre mouvement, un mouvement qui compte. »

Cela a amené, dans le numéro suivant (du 10 au 16 septembre 2020), une discrète petite interview, en page 44. Discrète, mais un symbole très important : le Nouvel Obs est l’organe de la « gauche caviar », des cadres et banquiers de gauche, où les conceptions de Keynes et l’action sociale est valorisée entre des publicités et articles de consommation upper class (restaurants, montres, propriétés, voitures, habits, etc.).

Pourquoi ouvre-t-il la porte à Jean-Luc Mélenchon ? Par tentative évidemment d’aller à un compromis. Les socialistes auraient bien besoin d’une figure de proue pour imposer quelque chose aux élections et faire face à EELV. Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas après tout passé toute sa vie au Parti socialiste ?

Le Nouvel Obs ouvre donc la porte et même deux fois, puisque l’interview publiée est une version largement remaniée d’une version publiée au préalable en ligne (« En réponse à Jospin, Mélenchon évoque une « nouvelle force politique » pour 2022 »).

Voici comment Jean-Luc Mélenchon propose un compromis aux socialistes :

« Dans le monde militant, les personnalités attentives comme lui sont rares ; encore plus dans les milieux dirigeants. Il [= Lionel Jospin] force le respect. Je ne me suis jamais senti en opposition avec lui, mais en divergence (…).

Au fond, Lionel Jospin est le premier dirigeant socialiste à vous dédiaboliser. Qu’avez-vous ressenti en le lisant ?

Une grande émotion. Il ouvre peut-être une nouvelle séquence, celle du dialogue et du débat respectueux.

Je ne cherche pas à l’instrumentaliser, à lui faire dire en ma faveur ce qu’il ne dit pas. Il existe des différences entre son point de vue, qui est celui d’un social-démocrate avancé, et le mien, celui d’un républicain écologiste anticapitaliste.

Il plaide pour la lucidité. Quelle différence avec tous les autres qui veulent mettre en parenthèses les dix dernières années, sans tirer les leçons ni de leurs effroyables déroutes ni de notre progressive ascension, et qui n’ont jamais répondu à aucune de mes offres d’ouverture !

Lionel Jospin nous voit « sans effroi ». Et il ouvre le dialogue, quoi de mieux ?

(…) Vous opposez le peuple à l’oligarchie, dont Lionel Jospin décrit l’hétérogénéité…

On ne parle pas de la même chose. J’admets la différence entre le patronat national et l’oligarchie. Le patronat national rend possible un compromis social.

C’est impossible avec l’oligarchie qui est consubstantiellement liée à la forme financière et transnationale du capital. Or c’est l’oligarchie qui domine. Elle a mis à son service une caste, c’est-à-dire tout un personnel dans les superstructures de la société qui se voue à la perpétuation du système.

(…) Que proposez-vous ?

C’est une majorité d’adhésion qu’il faut construire. C’est pour ça que je crois aux campagnes longues qui se donnent le temps de convaincre en profondeur. D’autant qu’il s’agit de gouverner dans la catastrophe climatique et la dislocation économique et politique du monde qui sont en cours.

Si je suis candidat, j’arriverai fort de mon bilan électoral, de mon expertise, muni d’un programme ouvert, d’une brillante équipe soudée idéologiquement, et décidée à fonder avec ceux qui l’auront voulu une nouvelle force politique.

Cette force sera celle de la génération suivante. Elle se construira en reformulant le programme et en menant la campagne. Gagnant ou perdant, rien n’aura été fait en vain. Il faut imaginer Cincinnatus heureux. »

Lucius Quinctius Cincinnatus relève de la légende historique romaine : la république est en danger et par deux fois, en 458 et 439 avant notre ère, on cherche un pauvre paysan qui devient dictateur pour rétablir l’ordre face aux ennemis de la République et dès qu’il a fini tout abandonner pour redevenir paysan.

Jean-Luc Mélenchon se propose en Cincinnatus. Il dit en fait : nommer moi candidat et je vous fonde un nouveau Parti socialiste, même si je perds vous en profiterez car moi je ne serai alors plus là. En attendant, de toutes façons je suis le seul « socialiste » à avoir une aura de masse.

Il veut rééditer le coup de François Mitterrand, qui vient du centre-droit mais qui en s’opposant à De Gaulle s’est placé comme la seule figure « populaire » de la Gauche. Il sait aussi qu’il pourra profiter, pour une tel projet, des différents courants trotskistes du NPA soucieux de se sortir de leur bourbier et, qu’à l’inverse, le PCF comprendra que cela ne peut se faire qu’à ses dépens, puisque l’idée, c’est une sorte de congrès de Tours à l’envers, afin de prendre le dessus sur EELV.

Cela se tient. Mais il n’en reste pas moins que c’est une sorte de lecture électoraliste-activiste en vue d’un programme de gestion, autour d’une figure connue, à rebours de la Gauche historique et de sa lecture historique des questions sociales, sur la base de valeurs portées par des partis.

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Société

Tour de France: le maire EELV de Lyon méprise les classes populaires

Le nouveau maire EELV de Lyon, à l’image de son parti, n’a rien à voir avec la Gauche. Il fait partie d’une frange de la bourgeoisie violemment hostile aux classes populaires et sa critique méprisante du Tour de France en est un bel exemple.

Dans un pays, il y a des monuments. Cela peut être un bâtiment, une sculpture, un tableau, de la musique, une façon de faire certaines choses, ou bien encore un événement sportif. Le Tour de France fait partie des monuments français, du patrimoine de la France.

Cela ne veut pas dire que cela est figé et qu’il est interdit de le faire évoluer. Mais cela nécessite de connaître les choses de l’intérieur, en étant lié de manière organique au peuple, car le patrimoine par définition est porté par le peuple.

C’est tout le contraire d’EELV, qui représente la bourgeoisie cosmopolite vivant dans de riches appartements de centre-villes et s’imaginant écologiste en allant chercher son pain à bicyclette le dimanche matin.

Ainsi, quand Grégory Doucet le nouveau maire EELV de Lyon critique le Tour de France de manière méprisante, cela ne passe pas, car on ne peut pas s’en prendre au patrimoine populaire sans susciter de la réprobation.

Alors que la 14e étape de l’édition 2020 de l’épreuve arrive à Lyon samedi 12 septembre, il a en effet qualifié le Tour de « machiste et polluant ». Sa critique est ici typique du bourgeois de grande métropole, vivant dans sa petite bulle, raisonnant avec des concepts universitaires hors-sol et méprisant la vie quotidienne du peuple.

Cela est particulièrement flagrant quand il interroge de manière hautaine :

« Combien de véhicules à moteur thermique circulent pour faire courir ces coureurs à vélo ? »

En France, ainsi que dans de nombreux pays, des millions de gens adorent le Tour de France. Et comme à chaque fois qu’il y a quelque chose de populaire et massif, cela est fait avec beaucoup de sérieux.

Les coureurs sont donc des professionnels et ils ont logiquement avec eux tout un staff, lui aussi professionnel, engagé de manière très aboutie sur la course, qui est préparée pendant de longs mois.

Comme celle-ci a lieu sur la route, en parcourant une très grande distance quotidienne, cela nécessite des voitures pour suivre les coureurs, afin de leur porter assistance, les ravitailler, changer de roue en cas de crevaison, etc. C’est aussi simple que cela et il faut vraiment tout le mépris du bobo de centre-ville pour ne pas comprendre la raison de la présence de ces « véhicules à moteur thermique » pour suivre « ces coureurs ».

C’est la même chose pour les autres voitures et motos, que ce soit de l’organisation, des médias, des médecins, de la publicité, etc. Tout cela s’explique pour une raison simple : le professionnalisme de l’événement, d’autant plus important en raison de son caractère massif, extrêmement populaire.

Mais le peuple, les gens d’EELV n’en ont rien à faire. Tout ce qui compte pour eux est de calquer des concepts sur la réalité, pour se donner un genre moderne. Là encore, c’est particulièrement flagrant quand Grégory Doucet affirme de manière délirante :

« D’abord, le Tour de France continue à véhiculer une image machiste du sport. Quand on défend les valeurs du sport, on défend l’égalité femmes-hommes. Il devrait y avoir un Tour de France féminin depuis longtemps. C’est la dernière épreuve d’envergure à ne pas avoir franchi le pas. »

Qu’est-ce que cela peut bien lui faire qu’il n’y ait pas de Tour de France féminin ? Et d’ailleurs, pourquoi n’y a t-il pas d’équivalent féminin du Tour de France ? Tout simplement car il n’y a pas beaucoup de femmes cyclistes pratiquant ce sport avec le même niveau de professionnalisme que les hommes cyclistes. Point. Ce n’est ni bien, ni mal, c’est une simple réalité historique, un simple cheminement de l’évolution de la vie du peuple.

Depuis quand d’ailleurs l’horizon des femmes serait de faire forcément la même choses que les hommes ?

De toutes façons, cela ne signifie pas que les femmes sont en dehors du cyclisme masculin. Mais pour savoir cela, il faut faire partie du peuple et s’être déjà rendue sur une course cycliste amateur… où les femmes sont extrêmement nombreuses. Ce sont par exemple presque toujours des femmes qui prennent les photos sur les courses amateurs, de manière très sérieuse. Les mères des coureurs sont très présentes et impliquées, tout comme les femmes qui sont bénévoles dans l’organisation, pour distribuer les dossards par exemple ou servir à la buvette, ou encore dans l’arbitrage où il y a très souvent des femmes, etc. Il y a également les podiums où la tradition veut que ce soient des jeunes femmes qui donnent un bouquet au vainqueur de la course et lui fassent la bise, même sur la plus petite course de village.

On peut trouver cela ringard éventuellement, ou bien déplacé, caricatural, etc. mais cela ne donne pas pour autant le droit de critiquer avec mépris, et encore moins celui de prétendre pouvoir parler à la place des femmes participant à cela.

Mais nous ne vivons pas dans une société démocratique, et donc le peuple n’a jamais la parole. À la place, ce sont des bourgeois comme Grégory Doucet qui s’arrogent la prétention de savoir ce qui est bon ou mauvais. Les bourgeois comme Grégory Doucet d’EELV représente ici tout l’inverse de la Gauche historique, qui au contraire est liée organiquement au peuple en incarnant le meilleur de la tradition populaire dans tous les domaines.

Et on voit que le masque d’EELV tombe de plus en plus, alors que son espoir est de démolir définitivement la Gauche, de la cannibaliser pour devenir un parti politique majeur. Outre que son écologie est toujours plus au service d’un renouveau du capitalisme, son opposition à ce qui est le noyau de la Gauche populaire est toujours plus agressive.

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Lionel Jospin, figure du recul de la Gauche depuis 2002

Il est la principale figure de la Gauche française de la seconde partie des années 1990, jusqu’à sa terrible défaite à la présidentielle de 2002. Lionel Jospin refait surface aujourd’hui avec un livre, mais il ne peut que constater les dégâts, c’est-à-dire l’effondrement de sa perspective politique. C’est le prix à payer pour avoir isolé la Gauche historique en réfutant la lutte des classes.

Lionel Jospin est un homme lucide. Quand il fut éliminé dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2002, il s’est immédiatement retiré de la vie politique, conscient de la dimension historique de son échec.

Il était alors à la tête du gouvernement depuis juin 1997 avec une large coalition. Son mandat fut celui de la modernisation du capitalisme français : réduction de la base légale du temps de travail à 35 heures hebdomadaires, « emplois jeunes », prime pour l’emploi, lois sur la parité homme/femmes et les « discriminations », épargne salariale, libéralisation du secteur public de l’électricité, PACS, extension de l’IVG, limitation du cumul des mandats, etc.

Tout cela a créé un élan à l’époque, avec une sympathie populaire indéniable. Toutefois, il n’y avait pas de fondement solide à cela, si ce n’est l’aspiration quasi hégémonique dans les classes populaires à devenir soi-même un petit bourgeois, voir un bourgeois tout court.

Les classes populaires peuvent céder à cette chimère, mais elles ne peuvent pas la porter elles-mêmes. Cela fait que, malgré la grande force électorale de la « gauche plurielle », Lionel Jospin ne disposait pas d’une réelle base populaire, capable de le porter historiquement.

Ainsi, la Droite l’a emporté facilement en 2002, avec un second tour où il a fallu voter pour l’immonde Jacques Chirac contre l’abject Jean-Marie Le Pen. Lionel Jospin s’est retrouvé dévasté alors, car sa réussite avait été en même temps son échec.

En tant que chef du gouvernement, il avait réussi à pacifier la société française comme jamais avec le mensonge d’un capitalisme équitable et indépassable. Le problème, c’est que quitte à croire en ce mensonge du capitalisme, il n’y a plus de raisons de croire en le Parti socialiste et ses alliés.

Tel est le terrible dilemme de la Gauche des années 2000, que François Hollande a cru pouvoir résoudre en 2012, alors qu’il n’a fait qu’enfoncer encore plus la Gauche.

Lionel Jospin est un homme lucide, ce qui fait qu’aujourd’hui en 2020, il constate encore l’étendu de son échec. Dans un long entretien à L’Obs à l’occasion de la sortie de son livre Un temps troublé, il montre très bien tout cela.

Quand il fait le constat très habile d’un pays « insatisfait, tendu et sceptique », il sait très bien que c’est là l’expression de l’échec de la Gauche, qui n’incarne plus rien en France. Bien sûr, il y a de l’amertume et il reste persuadé qu’il aurait fait mieux si son élection n’avait pas été confisquée (notamment par Christiane Taubira, faut-il le rappeler) :

« Si les choses avaient tourné autrement, nous aurions peut-êtres servi notre pays mieux que cela n’a été fait ».

Il faut bien remarquer cependant que la critique est très molle, car il sait très bien qu’il s’agit avant tout de son propre échec à incarner quelque chose. La preuve de cela, c’est que Lionel Jospin n’a absolument rien à dire aujourd’hui, il n’a strictement rien à apporter au débat en 2020.

Ses propos sont d’un vide incroyable pour celui qui était censé avoir le rang d’un François Mitterrand, voire plus tant les défis historiques du 21e siècle s’annonçaient déjà en 2002 comme immenses.

Lionel Jospin n’a rien à dire, car la seule chose censée qu’il pourrait dire, ce serait de reconnaître que ce fut une erreur d’isoler la Gauche historique en réfutant la lutte des classes. Ce serait reconnaître que c’était là courir tout droit à la catastrophe en s’aliénant les classes populaires, qui en matière de capitalisme préfèrent finalement les originaux plutôt que leurs copies version « bourgeoisie de gauche ».

Mais Lionel Jospin ne le fait pas, il préfère croire, ou feindre de croire, que le marxisme appartient au passé :

« Le marxisme était centré sur la lutte entre les classes sociales. L’écologie a dévoilé les effets désastreux de l’action des hommes sur leur milieu naturel, la Terre. »

Ce ne sont pas les hommes en général qui décident pourtant des choix effectués… Ce ne sont pas des hommes en particulier non plus d’ailleurs, mais le capitalisme qui décide pour les hommes en général, par l’intermédiaire de quelques uns. Lionel Jospin le sait très bien, mais il préfère se voiler la face plutôt qu’admettre que l’époque est au retour de la Gauche historique, de la grande utopie socialiste avec la bataille contre la bourgeoisie.

On oubliera très vite cette fausse gauche des années 1990, 2000 et 2010, dont l’insipide Lionel Jospin a été la seule véritable figure.

 

 

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La lettre de démission d’un cadre du MJS et adhérent au Parti socialiste

Voici la lettre de démission d’un membre du bureau national du MJS (les Jeunes Socialistes) et adhérent au Parti socialiste, Doriann Maillet-Praud. Il explique avec des mots très durs pourquoi il quitte ces organisations, qui sont liées. Bien qu’il se définisse finalement comme « centriste », on retrouvera largement dans sa critique les arguments de la Gauche historique. Il y a l’idée, au fond, que le PS est un immense gâchis, parce qu’il est rongé par l’opportunisme politique et la mollesse des convictions de beaucoup de ses membres, surtout quand ils deviennent élus.

Voici la lettre de Doriann Maillet-Praud :

« Une amie qui me connaît bien me disait il y a quelques temps « mais c’est normal que les gens ne te comprennent pas, en cinq ans tu en as fait plus que certains en tout une vie ». Sur le moment j’ai trouvé ça excessif. Et en y repensant… depuis cinq ans je suis fortement engagé. Très fortement. On peut même dire que j’ai tout donné, rognant sur mes études et ma vie privée, le tout dans une loyauté totale, autant envers mes valeurs qu’envers le parti qui, j’ai longtemps pensé, les représentait et les défendait.

L’engagement politique m’a apporté des rencontres formidables (Roxane Aksas Lundy), des amitiés durables (Baptiste Menard Guillaume Seris Damien Picot Margaux Rouchet) et des compétences incroyables. J’y ai plus appris que n’importe où ailleurs, humainement et professionnellement. Des moments de joie, de larmes et de stress. Des réalisations dont je suis fier. J’ai appris la vie en équipe, la pensée de groupe. J’y ai développé ma propre pensée en me confrontant au terrain, au contact direct des citoyens.

En ça j’ai été heureux d’être un militant socialiste.

Mais mon engagement n’a rien apporté politiquement, ni dans le concret ni dans le positionnement de mon parti ou des élus que j’ai soutenue, un parti qui aujourd’hui ne représente plus mes idées (ni quasiment aucune idée d’ailleurs). On ne peut pas être engagé aussi fortement aussi longtemps sans que cela ne porte rien.

Que mon parti préfère mettre sa confiance dans des personnes issus d’un même moule, des technocrates, plutôt que dans des profils militants et ayant essuyé les plâtres sur le terrain, connaissant la réalité du français moyen, ne peut que remettre en question mon engagement en son sein.

Il est loin le temps où le Parti socialiste formait ses militants sur le fond pour qu’ils deviennent ensuite de bons élus, sûrs de leurs valeurs. La dérive de ce dernier vient de là en grande partie, nous nous sommes coupés de la France du quotidien.

Il est loin le temps où le Parti socialiste faisait élire des enfants d’ouvriers ou de petits salariés. Parce qu’eux ne faisaient pas que parler du quotidien qu’il fallait améliorer. Ils l’avaient dans le ventre.

Nous sommes devenus une machine de reproduction sociale. Une de plus.

Le Parti socialiste est devenu un parti qui n’a plus aucune reconnaissance pour ses militants, encore moins ses jeunes.

Durand tous mes mandats partisans, notamment en tant qu’animateur national de la Fabrique du Changement, l’un des plus grand, si ce n’est le plus grand courant du MJS à l’heure actuelle, j’ai fait en sorte de garder debout la vieille maison socialiste.

En contribuant à la fondation de nouvelles fédérations jeunes socialistes et au maintien de certaines en grande difficulté, abandonnées. En faisant en sorte de former certains militants novices, abandonnés à eux-mêmes en l’absence de véritable structure partisane. Nos militants savent qu’ils ont pu compter sur moi matin et soir chaque jours de ces cinq dernières années. Je peux partir la tête haute car j’ai accompli plus que ma part de responsabilité, j’ai accompli ce qui était mon devoir envers mes camarades.

A mes camarades Jeunes Socialistes, je veux vous dire de continuer à vous battre pour vos idéaux, mais ne considérer jamais le parti ou un mandat comme une finalité. Ils ne sont que des moyens.

Membre du bureau national des Jeunes Socialistes et adhérent au Parti socialiste, j’ai décidé après mûre réflexion de démissionner de mes engagements politiques.

Je ne peux appartenir à un parti qui n’entrevoit sa politique que par le prisme du meilleur moyen de se faire élire ou par le biais des citadins de centre ville, ces personnes qui sont déjà parmi les plus favorisées du pays, plutôt que par celui d’un véritable projet de société fondé sur des valeurs républicaines et sociales, en lien direct avec la réalité du quotidien.

En réfléchissant sur les raisons de mon engagement ( la défense des territoires, la laïcité, les droits humains, la démocratie, l’amélioration des conditions de vie, en somme les valeurs de la République), j’estime que ce n’est plus au sein du Parti socialiste qu’est ma place.

Parce que l’on ne s’engage pas en politique pour une course folle vers le pouvoir mais pour défendre des valeurs, parce que lorsque l’on s’engage en politique il n’y a qu’à nos valeurs et nos idéaux que nous devons être fidèles.

Après toutes ces années j’en viens à la conclusion que si je souhaite toujours être engagé en politique, le monde politique français tel qu’il est à l’heure actuelle n’est pas fait pour moi. Ma vision de la politique repose sur le dialogue, la juste représentation des citoyens et la recherche de consensus fort. Le jeu politique français a comme règle de chercher à écraser l’ennemi. On ne cherche pas, ou trop peu, le meilleur pour le collectif, on cherche le meilleur pour un camp, en opposition systématique avec un autre.

Si mes idées et valeurs politiques sont bien de gauche ma méthode est résolument centriste. Je souhaite que tout le monde prenne sa responsabilité dans les décisions, que celles ci ne soient pas réduites à des prises de guerre mais à un accord prenant chacun en compte et qui est là pour durer plus que le temps d’un mandat. Ce n’est pas toujours faisable mais nous nous devons d’essayer. C’est ça la démocratie.

Parce que j’en vois trop rester par opportunité, je décide de partir par conviction. »

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Guerre

Guerre contre la Turquie: les positions de la Gauche en Grèce

Dans le contexte de tension extrême entre la Grèce et la Turquie, il est important de se pencher sur la gauche grecque, historiquement très puissante.

La Gauche de Grèce est historiquement une composante très importante du mouvement ouvrier ; la résistance victorieuse à l’occupation nazie puis l’affrontement avec la Grande-Bretagne et les États-Unis après 1945 ont manqué de faire basculer le pays. Si par la suite il y a un écrasement du mouvement ouvrier par une répression sanglante, il y a un redémarrage régulier dans la formation de courants se revendiquant de la Gauche. Quelle sont leurs positions dans la situation actuelle ?

Déjà, ont signé une déclaration commune contre la guerre le KKE (Parti communiste de Grèce) et son équivalent turc le TKP (Parti communiste de Turquie), qui sont liés au PCF en France historiquement (le KKE étant toutefois désormais proche du Parti Communiste Révolutionnaire de France). Cela tranche résolument avec le nationalisme exacerbé caractérisant les deux pays. Ce sont leurs bourgeoisies respectives qui sont visées par le texte, de même que l’OTAN, l’Union européenne et les États-Unis. Il y a une dénonciation de la transformation de la Hagia Sophia en mosquée comme étant une manœuvre fanatique destinée à alimenter la haine et à mobiliser les masses turques dans un affrontement avec la Grèce.

Plus généralement, il est considéré que le cœur du problème est une « concurrence inter-capitaliste » pour le contrôle des hydrocarbures de la méditerranée orientale. En appelant à la classe ouvrière, les deux partis affirment qu’au-delà du pacifisme, c’est pour le socialisme qu’il faut lutter. Ils rappellent en effet que « la seule garantie de coopération et de fraternité entre les peuples » est liée à la prise du pouvoir des travailleurs et à l’établissement de relations sincères, solidaires et internationalistes.

On retrouve le même genre de position du côté des organisations issues du maoïsme que sont le KKE-ML (Parti communiste de Grèce – marxiste-léniniste) et le ML-KKE (Parti communiste marxiste-léniniste de Grèce). Elles dénoncent des intérêts « impérialistes » et « capitalistes » dans la région, ainsi qu’une tendance à la guerre et au nationalisme dans les deux pays. L’agression turque est dénoncée, mais il est considéré qu’il ne faut pas être dupe à propos du « capitalisme » et de « l’État grec » dans cette affaire.

L’organisation ANTARSYA, assez proche de notre NPA en France, dénonce également les « intérêts capitalistes » et le conflit opposant « les bourgeoisies grecque et turque », tout en rejetant le « droit international » comme étant bourgeois.

En apparence, il y a un peu la même logique avec les organisations SYRIZA en Grèce et son équivalant en Turquie, le HDP (Parti démocratique des peuples). Ils ont produit une courte déclaration commune dénonçant « la transformation de musée en mosquée de la Hagia Sophia, haut lieu du patrimoine de toute l’humanité et de toutes les religions ». Dénonçant le nationalisme, les deux organisations parlent de « culture partagée » entre les peuples grecs et turcs, en promouvant une « coexistence ».

Cependant, ces deux organisations ne relèvent pas de la Gauche historique et n’ont aucune base idéologique solide pour assumer réellement l’opposition à la guerre. Mardi 25 août, le président de SYRIZA Alexis Tsipras s’est entretenu directement avec le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas pour lui demander d’intervenir pour « la défense des droits souverains de la Grèce et de Chypre », réclamant même une « perspective de sanctions fortes » contre la Turquie. C’est là faire le jeu du nationalisme grec, avec l’option d’une soumission à l’Allemagne comme grande puissance « protectrice ».

D’ailleurs, SYRIZA gouvernait encore récemment en alliance avec un parti d’extrême-droite ouvertement nationaliste, militariste et raciste, ayant une perspective d’affrontement avec la Turquie.

On retrouvera le même genre de position avec le groupe « Unité populaire », issue de l’aile anti-Union européenne au sein de SYRIZA. Il est appelé pour la Grèce à se séparer de l’OTAN, des États-Unis et de l’Union européenne (un trio décrit comme étant « l’impérialisme ») et à se défendre de manière indépendante face à la Turquie. C’est du nationalisme, mais avec l’objectif affiché d’assurer la paix.

Du côté de « Cap vers la liberté », l’autre scission de SYRIZA, fondé par Zoé Konstantopoulou qui est très proche de Jean-Luc Mélenchon en France, il est prétendu que le responsable des tensions actuelles avec la Turquie serait… Israël ! En conséquence, ce parti ouvertement nationaliste (qui a soutenu des manifestations anti-Macédoine) veut libérer le pays de « l’israélisation de sa politique » et lui redonner les moyens « de se défendre face à la Turquie ». C’est la même logique nationaliste que « Unité populaire », avec un arrière-plan franchement antisémite (l’antisémitisme étant très répandu en Grèce).

Pour finir, il faut parler du KINAL, le « mouvement pour le changement », qui est le successeur du PASOK (Mouvement socialiste panhellénique), équivalent et allié du Parti socialiste en France. Ce mouvement, devenu très faible en Grèce, a demandé à plusieurs reprises au gouvernement de droite de Kyriakos Mitsotakis de « se montrer ferme » face à la Turquie, tout en appelant l’Union européenne à appuyer la Grèce dans cet affrontement.

Le KINAL échoue ici honteusement à s’allier avec le CHP en Turquie (le Parti républicain du peuple), alors qu’ils sont censés appartenir à la même « internationale socialiste » (la même que celle du PS en France), ainsi qu’au Parti socialiste européen (le CHP en est un « membre associé »). Il faut dire que de son côté le CHP, qui dirige la municipalité d’Istanbul, est tout autant nationaliste et aussi peu de gauche que le KINAL. Dans la plus pure tradition kémaliste, il s’affiche moderniste, mais prône un nationalisme très agressif, menaçant régulièrement de faire « respecter » la Turquie en mer Egée face à la Grèce.

Les prises de positions anti-nationalistes de la véritable Gauche en Grèce et en Turquie sont très importantes dans un tel contexte. Elles ne préjugent pas forcément du meilleur : on se rappelle comment à la veille de la guerre de 1914 toute la Gauche d’Europe était contre la guerre, avant de passer en majorité dans l’autre camp à la suite de la déclaration de guerre. Néanmoins, elles sont une contribution importante à la tâche essentielle qui est l’opposition à toute guerre, dans un contexte de crise renforçant d’autant plus la bataille pour le repartage du monde.

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Politique

Le programme du «RDV de la gauche d’après» du Parti socialiste (28, 29, 30 août)

Ce vendredi 28 août et jusqu’à dimanche 30 août, le Parti socialiste organise un « RDV de la gauche d’après », en guise d’universités d’été 2020. L’événement est ouvert aux sympathisants du PS, sur inscription, et a lieu à Blois dans le Loir-et-Cher.

Le programme est très dense en discussions et formations, avec une orientation se voulant écologiste. On notera cependant l’absence criante de la question des animaux dans les débats, comme si finalement l’écologie ne les concernait pas, et comme si le socialisme ne les concernait pas non plus. C’est pourtant un sujet brûlant, alors qu’une toute petite partie des parlementaires socialistes, dont Olivier Faure, soutiennent le Référendum pour les animaux des associations de protection animale, mais que les autres contribuent par contre avec la Droite à le bloquer.

C’est d’autant plus choquant que pour le repas il est proposé une option « sans gluten », une lubie bobo, mais aucune option végétalienne ! On ne peut alors que se demander de quel « après » cette gauche se veut le nom, car cette ignorance des animaux ressemble terriblement à « l’avant »… Faut-il rappeler que la crise du Covid-19 provient directement d’un rapport destructeur de l’humanité avec les animaux ?

Notons également que le Parti socialiste ne semble pas considérer qu’une grande crise économique soit en cours : c’est étrangement absent des débats, tout comme d’ailleurs la question de la guerre (et donc du pacifisme), alors que c’est d’une intense actualité… Il y a ici la question du rapport à la Gauche historique ; le Parti socialiste semble se tourner vers un modernisme à la EELV plus qu’autre chose.

Voici le programme (les inscriptions se font sur le site lagauchedapres.fr ) :

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Écologie

L’alliance d’EELV et d’Éric Dupond-Moretti contre la Gauche et les pro-animaux

Cherchant à racoler, les responsables d’EELV ont invité le ministre de la Justice à leurs journées d’été. Celui-ci a été très content de chercher à diviser les anti-chasse. On devine l’arrière-plan : un accord politique.

Un accord, un partage des discours, au profit des uns et des autres, aux dépens d’autres. Le principe est le suivant : Éric Dupond-Moretti vient le 22 août 2020 aux journées d’été d’EELV pendant trente minutes, juste le temps de poser quelques mots et qu’il n’y ait pas de réels débats.

EELV, avec Julien Bayou et Sandra Regol, se la joue force d’opposition face à lui, posant des questions qui fâchent mais sans qu’on aille dans le contenu, avec un public applaudissant ou huant de manière irrationnelle. Éric Dupond-Moretti, lui, apparaît comme posé, démocratique, sérieux, constructif, ouvert aux propositions. C’est du donnant donnant.

Aux dépens de qui ? Aux dépens des « extrémistes » dénoncés par Éric Dupond-Moretti avec le soutien tacite d’EELV.

Qui sont ces extrémistes ? Ce sont, on l’aura compris, ceux qui posent la question animale dans le sens contraire de la Droite, sans rentrer pour autant dans le cadre d’EELV. C’est, pour nous, la Gauche de demain, la Gauche historique reconstituée.

Tant la Droite qu’EELV ne le veut pas. Leur objectif commun est ainsi d’isoler, de criminaliser, de dénoncer.

Le but direct d’Éric Dupond-Moretti, c’est d’isoler le plus possible les tenants de la cause animale. C’est un partisan complet de la chasse, de la ruralité ; c’est un populiste et il a été nommé ministre pour s’insérer dans un mouvement de « casse » des tenants de la cause animale.

> Lire également : Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti en duo avec le chef des chasseurs Willy Schraen

Le but d’EELV, c’est de ratisser le plus largement possible, d’avoir une image d’opposition à la chasse, d’opposition à la situation de la condition animale, d’opposition aux écocides. Mais EELV n’a aucun système de valeurs, aucune utopie à proposer ; c’est une association de bobos n’ayant que des objectifs électoraux et cherchant à un capitalisme à visage humain, une chose absurde en général, et d’autant plus alors que la crise est là.

Il faudrait être naïf pour croire qu’il n’y a pas eu, en amont, une savante discussion entre EELV et le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, pour que la première invite le second et que le second accepte. Pour que le ministre vienne, il a d’ailleurs obligatoirement fallu l’acceptation du premier ministre Jean Castex, et vue l’affaire forcément également celle du président Emmanuel Macron. On est ici dans l’orchestration, la mise en scène. Il est évident qu’il y a eu un accord.

Ce n’est même plus un accord, d’ailleurs, mais bien une alliance. Qui est le plus ignoble dans tout cela ? C’est difficile à dire. Éric Dupond-Moretti a été lors de ses interventions un excellent avocat, c’est-à-dire un comédien efficace. Il n’aurait jamais insulté tous les écologistes, il serait pour la discussion, il invite d’ailleurs à relire la préface qu’il a faite pour l’ouvrage du chef des chasseurs Willy Schraen, il n’a jamais fait que dénoncer une petite minorité d’extrémistes et des extrémistes il y en a partout, etc.

C’est ignoble. Mais est sans doute encore plus ignoble le metteur en scène ayant invité ce comédien, et c’est un metteur en scène lui-même comédien. EELV n’est en effet pas anti-chasse, elle ne soutient pas concrètement les initiatives anti-chasse. Ce thème n’est pas un drapeau pour elle. Ce qu’elle veut, c’est comme le dit son programme :

« l’instauration a minima du dimanche sans chasse chaque semaine assortie de la création d’espaces forestiers sans chasse et de zones de tranquillité »

Mais EELV a besoin des anti-chasses afin de se donner une image écologiste. C’est nécessaire non seulement au niveau national, mais également au sein d’EELV, composé de petits-bourgeois croyant en leurs propres mensonges.

On a ainsi eu les représentants d’EELV reprochant à Éric Dupond-Moretti sa fameuse préface pro-chasse de l’ouvrage du chef des chasseurs, Willy Schraen… mais sans jamais aborder la question de la chasse, à part pour dire que, tout de même, ce n’était pas normal qu’on ne puisse pas se balader en forêt en raison des risques causés par une minorité désireuse de chasser. Les chasseurs avec leur démarche, leur idéologie ? Pas un mot !

Les représentants d’EELV ont tout fait pour ne surtout pas se poser comme anti-chasse, tout en donnant l’image d’une contestation anti-chasse. Même lorsque la question de la chasse à la glu a été brièvement posée, EELV s’est cachée derrière les règlements de l’Union Européenne. C’est d’une extrême hypocrisie.

Mais EELV ne parviendra pas à son but de dévoyer les forces anti-chasse. Car dans la question animale, on ne peut pas faire semblant. C’est une question de mode de vie et d’ailleurs ce qui s’affirme toujours davantage, c’est le besoin d’une réelle alternative dans le mode de vie et pas un capitalisme modernisé dans un sens ou dans un autre, en admettant que cela soit possible.

Cela signifie la Gauche contre la Droite. L’opposition entre EELV et Emmanuel Macron n’est qu’une querelle entre libéraux plus ou moins modernistes, elle est artificielle.

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Société

Tribune anti-prostitution: «Sous le Strass, le corporatisme d’un monde libéral et antiféministe»

Le journal L’Humanité a publié vendredi 28 juillet 2020 une tribune très intéressante, dénonçant les défenseurs de la prostitution qui se prétendent féministes. Les arguments sont pertinents et revendiquent la Gauche historique… mais on se demande où étaient ces gens pendant toutes ces années. Car toute cette offensive libérale sur le plan des mœurs ne date pas d’aujourd’hui, et ne se limite pas qu’à la défense de la prostitution.

Voici la tribune et sa liste de premiers signataires :

« Sous le Strass, le corporatisme d’un monde libéral et antiféministe

Depuis quelques années, les médias de gauche ouvrent leurs colonnes à une obscure association corporatiste se présentant comme syndicat des « travailleuses du sexe » (STRASS). Cette association, portée par un projet profondément libéral vise à soumettre l’ensemble des activités humaines aux logiques du marché capitaliste.

Leur projet s’oppose à toutes les femmes qui luttent contre les violences qui leur sont faites au premier rang desquelles se trouvent les violences sexuelles. Les positions du STRASS sont en opposition radicale avec les organisations qui défendent le droit des salarié-e-s.

La position de la CGT et de la gauche majoritaire est très claire à l’égard de la prostitution.

« Dans la prostitution, la personne est engagée tout entière ; il n’y a plus de séparation entre elle et la fonction qu’elle occupe. Pour nous, la force de travail physique ou intellectuelle est à distinguer de l’intimité. Le sexe doit rester une barrière, il est du domaine de l’inaliénabilité. Tout ne se vend pas. »

Voilà en substance la position de la CGT concernant l’activité prostitutionnelle. Cette position est historiquement celle portée par la gauche française qui soutiendra dans sa grande majorité la campagne de Joséphine Butler pionnière de la lutte abolitionniste à la fin du XIXe siècle.

Le Parti Communiste a lui aussi affirmé maintes fois son positionnement abolitionniste et s’est prononcé en faveur de la pénalisation des clients. Du côté de Marx, la prostitution est une activité qui n’ouvre pas sur une contradiction porteuse d’émancipation comme c’est le cas pour l’ouvrier mais une activité seulement destructrice de l’individu.

Alors que le nombre de personnes se trouvant sous le seuil de pauvreté ne cesse d’augmenter dans ce pays, les médias de masse ne cessent de faire la promotion de la prostitution. Ils recourent au vocabulaire de la « travailleuse du sexe » et soutiennent que la prostitution serait un « travail comme un autre » en donnant régulièrement la parole au STRASS.

Or, ce « syndicat » est en réalité une association Loi 1901. Il est signataire de la charte du GLOBAL network of sexwork project (NSWP) lobby mondial en faveur du système prostitutionnel. La charte du NSWP prévoit d’inclure à la fois les femmes prostituées, les « intermédiaires » et les « managers » (autrement dit des proxénètes) sous le vocable de « travailleurs du sexe ».

Cela s’appelle une corporation. Comme le rappelle la CGT, un syndicat doit faire preuve d’une totale indépendance à l’égard de l’employeur. Ce n’est manifestement pas le cas du STRASS puisque ses principales revendications portent sur « la dépénalisation du proxénétisme et le refus de pénaliser les clients. Autrement dit, garantir et préserver la liberté pleine et entière d’exploiter !» soulignent Sophie Binet et Sabine Reynosa de la CGT.

Le STRASS tout comme Médecins du Monde France (contrairement à Médecin du Monde Espagne qui se bat pour l’abolition de la prostitution) ont saisi le Conseil Constitutionnel en janvier 2019 pour demander la suppression du délit « d’achat d’un acte sexuel sur les enfants, les personnes handicapées, les femmes enceintes et les personnes vulnérables », arguant que ces catégories de personnes pouvaient elles aussi « consentir ».

Leur argumentaire juridique consiste à soutenir que « pénaliser le client » porterait gravement atteinte « à la liberté individuelle, la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre » ! Discours classique de l’idéologie libérale qui fait abstraction de l’atteinte à la dignité des personnes prostituées et ne dit rien des violences qu’elles subissent au quotidien.

Rappelons que 80 % des personnes qui « consentent » à subir des pénétrations sexuelles non désirées sont des personnes étrangères et que 90 % sont des femmes. L’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 ans et leur espérance de vie moyenne est 34 ans !

La prostitution est une domination de classe profondément misogyne, raciste et LGBTphobe. C’est aussi un système largement pédocriminel (enfants et adolescents étant source de plus de profit). En outre, les corporations comme le Strass veulent revenir à une conception archaïque du viol, en refusant de considérer qu’une pénétration obtenue sous la contrainte de l’argent du « client » prostitueur ou d’un proxénète soit un viol.

Pourtant l’immense majorité des viols sont commis sans violence, par le biais de stratagèmes, de rapport de force morale et de sidération psychique. Les mêmes mécanismes qui rendent possible la soumission des personnes victimes de prostitution. Ainsi sous couvert de défendre des personnes prostituées, ces corporations sont des chevaux de Troie réactionnaires, gouvernés par un projet ultra libéral et antiféministe visant à décriminaliser le viol sous contrainte morale pour permettre la régulation des rapports sexuels sous l’égide d’un marché capitaliste. Cela représenterait un recul civilisationnel considérable.

Premiers signataires: Benoît Martin, secrétaire général de l’union départementale CGT Paris; Nathalie Arthaud, porte-parole de Lune ouvrière; Laurence Cohen, sénatrice PCF; Hélène Bidard, responsable de la commission féminisme du PCF; Charlotte Pommier, Parti de gauche; Amor Bella, rédacteur en chef de la revue Progressistes; Stéphanie Roza, chargée de recherche (CNRS/ENS Lyon); Michel Étievent, historien; René Granmont, directeur-gérant du Travailleur catalan; Jean-Michel Galono, professeur de philosophie, syndicaliste et membre de la rédaction du Travailleur catalan; Lise Bouvet, philosophe et traductrice féministe; Florian Galli, agrégé de philosophie; Suzy Rojtman, Collectif national pour les droits des femmes: Claire Charlès, présidente des Effronté-es; Céline Piques, porte-parole d’Osez le féminisme, ; Nelly Martin, Marche mondiale des femmes; Anne Godard, membre de la direction nationale de Femmes solidaires: Daria Khovanka, survivante de la prostitution et militante abolitionniste; Mourad Aliaza, survivant de la prostitution ; Rosen Hicher, survivante de la prostitution. »

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Politique

Décès de Gisèle Halimi, figure du libéralisme progressiste

Gisèle Halimi a été l’avocate de la cause des femmes, sauf que cette cause ne passe pas par l’éloquence, mais par le changement réel des mœurs, des mentalités, des structures mêmes de la société.

Dans son article au sujet du décès de Gisèle Halimi, le journal Libération commence de la manière suivante :

« Avocate, femme politique et écrivaine, Gisèle Halimi, décédée mardi à 93 ans, a fait de sa vie un combat pour le droit des femmes, marqué par le procès de Bobigny en 1972, qui a ouvert la voie à la légalisation de l’avortement.

Née Gisèle Taïeb le 27 juillet 1927 dans une famille modeste à La Goulette, en Tunisie, elle est très bonne élève et ne manque pas de caractère. »

On a ici une image d’Épinal assez caractéristique, qui correspond à celle de la personne qui s’est faite « toute seule » et a contribué à faire avancer les choses. En pratique, elle a tout de même son bac à 17 ans, à une époque où l’a environ 15 % d’une tranche d’âge. Cela ne colle pas vraiment. Elle part ensuite faire des études à la Sorbonne, vivant des « cours particuliers » qu’elle a donné à Tunis auparavant et d’une bourse. Tout cela est magnifiquement romancé et France Culture en raffole bien sûr.

Ses études l’amènent à être avocate. Elle le devient à un moment où le Droit en France est chamboulé, pour une raison très simple : le FLN algérien pratique des attentats meurtriers contre les civils et l’armée française réagit par la torture, ou même le viol. Gisèle Halimi devient dans ce cadre l’avocate de Djamila Boupacha, une activiste FLN torturée et violée pour avouer avoir l’intention de déposer une bombe dans un restaurant universitaire.

Ce fut un contexte où la Gauche historique, celle du mouvement ouvrier, fut totalement dépassée en France par d’un côté un nationalisme agressif et de l’autre une « seconde gauche » littéralement pro-FLN, préfigurant celle pro-migrants et pro-LGBT aujourd’hui. Cela amena le Parti socialiste à prendre l’ascendant.

Gisèle Halimi relève de ce courant. Lors de l’affaire Djamila Boupacha elle mena une intense campagne avec Simone de Beauvoir notamment ; elle devint ensuite une figure pour le droit à l’avortement. Ce thème est également particulièrement clivant et la Gauche historique n’a jamais été pour un droit unilatéral à l’avortement, qui est le point de vue du libéralisme pour qui l’individu a des prérogatives au-delà de toute réalité naturelle.

Gisèle Halimi fut ici un outil majeur du libéralisme, en contribuant à fournir un masque démocratique aux lois françaises. Ses interventions politiques sont passées par l’intermédiaire de son activité d’avocate.

Il y eut d’abord l’affaire Marie-Claire, du prénom d’une jeune femme ayant avorté illégalement à la suite d’un viol et qui heureusement, grâce à Gisèle Halimi, obtint une relaxe en 1972. Cependant, l’affaire fut en réalité employée pour généraliser le droit à l’avortement, ce que Gisèle Halimi exigeait déjà depuis 1971.

C’est pour cela qu’elle est saluée de manière unanime : pour les limites qu’elle a posé à son engagement purement institutionnel et symbolique. Les messages présidentiels en font l’aspect principal. Emmanuel Macron dit ainsi :

« Pour Gisèle Halimi, le féminisme était un humanisme. La France perd une républicaine passionnée qui, comme avocate, militante et élue, fut une grande combattante de l’émancipation des femmes. »

François Hollande, de son côté, a affirmé que :

« Gisèle Halimi a inlassablement servi la cause des femmes donc celle de la République. Elle ajoutait le courage au talent, le génie du verbe à la science du droit, l’engagement pour la dignité des peuples à la bataille pour l’égalité. Elle restera pour toutes et tous un exemple. »

C’est la théorie à la Victor Hugo de l’éloquence pour changer le monde. Gisèle Halimi a été cohérente dans sa démarche, d’ailleurs, puisqu’elle participe à la fondation du mouvement altermondialiste ATTAC.

Elle avait soutenu François Mitterrand en 1965, elle est députée apparentée socialiste de 1981 à 1984, ambassadrice de la France auprès de l’Unesco en 1985-1986, numéro deux pour les élections européennes de 1994 sur la liste du la liste du Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement.

En 1949 elle s’était mariée à un administrateur civil au ministère français de l’Agriculture ; un de ses fils deviendra le chef du Monde Diplomatique, ce qui est ici une double référence à son parcours : institutionnel et altermondialiste. Elle s’est ensuite remarié à un secrétaire de Jean-Paul Sartre et est la marraine de Nicolas Bedos !

Toute la démarche de Gisèle Halimi, tout son milieu, absolument tout relève de la seconde gauche, celle qui rejette le mouvement ouvrier et naturellement les valeurs de la Gauche historique. Le message de Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, apparaît ainsi comme incompréhensible :

« Nous perdons aujourd’hui une grande avocate, celle des militant.es du FLN et des droits des femmes. Puisse son histoire, sa hauteur de vue et son intelligence accompagner encore et toujours nos combats pour l’égalité des droits humains #GiseleHalimi »

Incompréhensible, sauf si on comprend que la seconde gauche a pris le dessus à tous les niveaux. Mais voir un responsable du PCF saluer unilatéralement le FLN et quelqu’un qui est toujours restée entièrement extérieur au mouvement ouvrier, à tous les niveaux, est toujours choquant.

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Politique

«Engageons-nous»: Laurent Joffrin veut recomposer la Gauche par le centre

Laurent Joffrin a quitté son poste à tête du journal Libération pour lancer ce 20 juillet une initiative de recomposition de la Gauche en vue de 2022. Il représente toute une frange sociale-réformiste refusant l’effacement de la Gauche… effacement auquel cette frange a pourtant largement contribué. Toutefois, elle a conscience des réalités et voudrait maintenant se relancer, alors qu’une crise de grande ampleur se profile.

Malgré une assise indéniable dans le pays, la Gauche est en bien mauvaise posture et il existe un nombre incalculable d’initiatives visant à la liquider. Celles-ci sont d’ailleurs systématiquement lancées depuis l’intérieur, ou devrait-on dire ce qui reste de l’intérieur.

On pourrait résumer cela ainsi, avec trois sortes de fossoyeurs ces dernières années :

– une forme entièrement libérale, tournée vers la Droite et dont le président Emmanuel Macron est la force centrifuge ;

– une forme populiste, tournée vers l’ultra-gauche et le social-chauvinisme, dont Jean-Luc Mélenchon est le principal représentant ;

– une forme post-sociale, tournée unilatéralement vers les thèmes sociétaux avec l’écologie comme faire-valoir, à laquelle Olivier Faure du PS propose de se rallier.

Cela est inacceptable pour tout un tas de personnes refusant d’abandonner la Gauche et cette fois, le refus vient des centristes. On a, pour résumer, tout le courant social-réformiste autour de François Hollande (qui est décrit par beaucoup comme étant à la manœuvre). Pour reprendre le terme qui est d’usage chez les franges populaires de la Gauche, il s’agit de la « gauche caviar ». Ce sont des bourgeois assumant être des bourgeois, mais reconnaissant l’importance de la question sociale et se voulant être de bons gestionnaires intégrant cette question sociale.

On a ici des cadres politiques éprouvés, des intellectuels aux réseaux denses et influents, des artistes implantés, ou encore des chefs d’entreprises avec un poids important. L’appel de Laurent Joffrin met d’ailleurs en avant dès le départ les chefs d’entreprise et emploie même l’expression « Gauche historique » en appelant à la dépasser.

Tous ces gens des couches sociales les plus favorisées et se revendiquant de la Gauche ont beaucoup eu le pouvoir, parfois longtemps, souvent ils l’ont encore, dans des mairies, des départements, des régions, des administrations, des ministères, des grandes écoles, des universités, à la radios, avec des lieux ou des événements culturels majeurs, de grandes entreprises, etc.

Cela fait bien longtemps qu’ils ont abandonné toute référence au mouvement ouvrier. Toutefois, ils connaissent leurs classiques et, surtout, ils ont l’œil avisé pour comprendre ce qui se passe dans le pays. Cela fait toute la différence avec les fossoyeurs, d’Emmanuel Macron à Olivier Faure en passant par Jean-Luc Mélenchon, qui eux vivent pétris de leurs certitudes intellectuelles anti-populaires, de manière étrangère à la société elle-même.

Pourtant, la « Gauche caviar » n’a pas fait que tolérer des gens comme Emmanuel Macron, elle leur a donné la main pendant des années et des années. Le journal Libération, dont le comité de rédaction vient d’ailleurs de refuser à Laurent Joffrin de continuer à écrire des chroniques, a été le fer de lance du postmodernisme, des thèmes sociétaux, de l’idéologie LGBT, de l’écriture « inclusive » et ce genre d’horreurs anti-populaires. Jean-Luc Mélenchon est également un produit du Parti socialiste, tout en ayant profité du PCF pour se lancer, PCF qui s’est fait entièrement déborder et a basculé pareillement dans le post-modernisme.

Toutefois, ces gens sont éduqués et farouchement opportunistes. Comme la situation change avec l’immense crise qui se profile, il n’est plus question d’abandonner la Gauche pour les gens ayant compris l’ampleur de la catastrophe. Il y aurait trop à perdre. C’est précisément le sens de l’appel « Engageons-nous – Pour la création d’une force alternative à Gauche », lancé par Laurent Joffrin.

On y lit notamment :

« Le scrutin a montré que la droite est encore majoritaire dans le pays ; l’extrême droite peut capter la colère populaire qui ne manquera pas de se lever à mesure que les licenciements et les fermetures d’entreprises se multiplieront ; la nécessaire unité de la gauche, enfin, suppose un programme audacieux pour convaincre mais aussi crédible, pour gouverner, un projet qui ne soit pas l’addition de revendications disparates, mais qui dessine un destin commun. »

Il est affirmé ensuite, en grand et en gras :

« Le sauvetage de la planète est prioritaire, mais la question sociale, surtout dans la période qui s’ouvre, restera centrale. »

C’est une opposition claire et nette à Olivier Faure qui propose de se rallier à EELV, ainsi qu’à toute la sphère regroupant Place publique, Génération-s, et des personnalité comme comme Clémentine Autain ou Elsa Faucillon.

Il est en effet expliqué de manière très lucide et ouvertement critique envers cette « gauche » sociétale post-sociale que :

« l’égalité n’est pas un objectif parmi d’autres. Elle est la condition de tous les autres. Sans elle, ni les classes populaires, ni les jeunes de nos quartiers, et pas davantage les oubliés de nos territoires notamment les outre-mer, ne rallieront une union aussi artificielle que bancale. Sans elle, la mutation écologique butera sur l’inquiétude légitime des Français pour leur pouvoir d’achat, leur emploi et l’avenir de leur économie. Sans elle, l’union nécessaire autour des valeurs républicaines de laïcité et d’égalité ne se fera pas et les identités dont on attise la rivalité entretiendront une suspicion mutuelle. »

Bien sûr, il faut ici savoir lire entre les lignes, car en apparence on pourrait croire qu’il dit la même chose, alors qu’en réalité la perspective est entièrement différente. Ce n’est pas pour rien que le lancement du mouvement est prévu le 30 août, soit… le même week-end que l’université d’été du PS (le « campus » prévu à Blois du 28 au 30 août) !

Parallèlement, Laurent Joffrin va publier un livre intitulé « Anti-Macron », compilant tous ses éditos contre Emmanuel Macron, pour bien marquer la différence avec le centre-droit. Toutefois, cela reste une initiative centriste ; les appels du pied aux « macronistes de gauches » ont été ouverts pendant la conférence de presse de lancement de l’initiative.

On a également Olivier Dussop, député « macroniste » issu du PS, qui commente de manière bienveillante l’initiative, ce qui ne doit rien au hasard :

« C’est une illustration de plus de la fracturation de la gauche, entre celles et ceux qui croient encore à la social-démocratie, qui essayent de s’y raccrocher, et puis celles et ceux qui se mettent dans la roue de La France insoumise et qui rentrent dans une forme de protestation »

Il explique par ailleurs que des gens comme Jean-Yves Le Drian pourraient très bien se rallier à l’initiative. En fait, on peut dire que le but de l’initiative est de siphonner les restes de la Gauche gouvernementale ne s’alignant pas sur EELV.

Il faudra alors combattre pour le 3e camp : celui de la Gauche historique, qui doit se reconstituer alors que le capitalisme bascule dans une crise terriblement profonde !

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La lutte des classes: une question ou une réponse?

La France est à un tournant historique. Soit elle décide de perdre son temps avec des écologistes de la dernière heure utilisant le mot « extinction » à tort et à travers, avec des anti-racistes qui ne sont que des racistes inversés, avec des syndicalistes masquant leurs privilèges derrière le bien commun… soit elle passe aux choses sérieuses et bascule dans la lutte des classes.

Cela implique naturellement de rompre avec toute une manière de vivre. Les Français en sont conscients et c’est pour cela qu’ils ne bougent pas. Ils sont pétrifiés. Ils ont pris l’habitude de poser la question de la lutte, même de la lutte des classes. Ils sont contestataires, ils savent protester. Seulement ils ont pris l’habitude de ne surtout pas faire de la lutte des classes une réponse.

Il suffit de regarder l’absence du mot bourgeoisie. Ce terme a disparu. Les gilets jaunes, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État. Les syndicalistes, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État. Les antiracistes version Comité justice pour Adama, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État.

Tout cela est tout à fait exemplaire. Dénoncer les travers du capitalisme, cela passe encore. Nommer la bourgeoisie, cela, par contre, c’est impossible. Quant à toucher la notion de propriété, c’est pareillement inenvisageable. Ce qu’on touche du doigt ici, c’est la fascination française pour la petite propriété. La France est un pays de gens rêvant d’être des petits propriétaires disposant d’une large autonomie. Même les ouvriers ont été contaminés par cette approche… Surtout les ouvriers, même, de par la corruption d’un capitalisme triomphant profitant d’un tiers-monde agonisant.

Alors, bien sûr, on peut faire semblant et faire en sorte qu’il y ait un peu de casse dans une manifestation, quelques slogans anticapitalistes par-ci, quelques dénonciations des riches par-là. Cela n’en reste pas moins une comédie. Et le Covid-19, de par son ampleur sociale et sanitaire, économique et culturelle, politique et juridique, met fin à cette comédie.

Et c’est là que la France ne sait pas quoi faire. Elle a pris l’habitude de déléguer, de ne pas bouger, de ne pas prendre de responsabilités. Elle ne veut surtout pas prendre de responsabilités. Elle n’est même pas prête à prendre la responsabilité de se déresponsabiliser en confiant la responsabilité à l’extrême-Droite ou l’armée. La France n’est prête à rien.

C’est naturellement dramatique. C’est en même temps une rupture fondamentale avec toute une hypocrisie et enfin le moment où, de manière inévitable, l’Histoire reprend ses droits. Nous quittons l’époque de l’éphémère et de l’apparence, pour passer dans celle où tout devient dur, concret, solide. Et le solide, cela fait mal.

La France va avoir très mal. Décrocher d’une anesthésie générale de plusieurs décennies, cela va lui être douloureux. Les choses vont être tourmentées. Mais il y a un espoir : comme la France a l’habitude de poser la question sociale, la question de la lutte, de la lutte des classes, on est en droit de s’attendre à une réponse adéquate, enfin.

Il y a de puissants leviers historiques pour aller dans le bon sens. La Gauche historique a un patrimoine immense : si elle est en mesure de le réactiver, elle peut mettre en branle des millions de personnes, passer de rien à tout, par la lutte des classes. C’est le défi historique du moment, alors que la crise se développe toujours plus à tous les niveaux et que l’impact économique commence à être dévastateur. Il faut toute une génération à la hauteur.

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Vitry-sur-Seine: la décomposition du PCF

Alors que le PCF a perdu de nombreuses communes dans la « banlieue rouge », espace municipal qui a formé sa légitimité historique, la situation à Vitry-sur-Seine vient enfoncer le clou d’un parti totalement moribond au plan politique et culturel.

Composée d’un peu plus de 90 000 habitants, Vitry-sur-Seine est la commune la plus peuplée du Val-de-Marne et est acquise au PCF depuis 1944. Elle fait donc partie de cette longue tradition du « communisme municipal » en banlieue parisienne qui, après s’être embourbée dans la spirale du clientélisme, connaît une rapide décomposition à l’issue des élections municipales 2020.

Et ce qui s’y est passé ce samedi 4 juillet forme tout un symbole de cette longue déliquescence morale, culturelle, d’un parti qui n’a plus aucun lien organique avec les traditions de la classe ouvrière.

Lors du « troisième tour électoral », c’est-à-dire l’élection lors du premier conseil municipal du maire, il est convenu que ce soit la personne ayant conduit la liste élue qui soit élue par sa majorité. Cela est d’habitude tellement une formalité que le vote se fait à main-levée, comme qui dirait « en passant ».

Ce qui s’est passé à Vitry-sur-Seine a brisé cette formalité puisque deux personnes de la liste « Vitry rassemblés », essentiellement portée par le PCF et soutenue par le PS et EELV, se sont présentées pour le siège de maire. On a la tête de liste donc, Jean-Claude Kennedy, et son cinquième colistier, Pierre Bell-Lloch, tous deux membres du PCF.

Cette situation fut tellement incongrue que le vote s’est déroulé à bulletin secret. C’est finalement Pierre Bell-Lloch, également vice-président du conseil général du Val-de-Marne et secrétaire de la section locale du PCF, qui a été lu maire de Vitry-sur-Seine, avec 27 voix sur 53. Jean-Claude Kennedy, maire sortant PCF, a quant à lui recueilli 11 voix.

Notons au passage que La France insoumise s’est positionnée totalement en dehors de la Gauche en soutenant un tout autre candidat au poste de maire, un « écologiste », ce qui reflète très bien la stratégie d’opposition à la Gauche de cette formation populiste.

Pierre Bell-Lloch justifie son élection par le fait que Jean-Claude Kennedy remettait en cause certains points d’accords avec EELV et « la section du PCF, venant fragiliser notre majorité municipale » ! On a donc des membres du PCF sur une liste construire par le PCF qui s’écharpent sur des accords qui seraient en contradiction avec la section locale du PCF. On croit rêver !

Le bureau national du PCF a déclaré qu’il « se désolidarise de telles pratiques et exprime son amitié à Jean-Claude Kennedy » alors que la section du Val-de-Marne est obligée d’affirmer :

« Mépris des communistes du Val-de-Marne, durement touchés par les pertes de dimanche et qui espéraient aujourd’hui pouvoir se réjouir de l’élection de Pierre Garzon, de Patricia Tordjman, Philippe Bouyssou, en plus de celle de Vitry (…) Pour la fédération du Val-de-Marne, un tel acte est inacceptable »

Ce « troisième tour électoral » à Vitry-sur-Seine est bien pathétique, tant il exprime un décalage profond entre le PCF et la réalité d’une élection marquée, au second tour, par une abstention de 73, 40 %. Sur 45 639 inscrits, ce ne sont que 12 142 personnes qui ont voté dans cette commune…

Dans un tel contexte local mais aussi national, il est stupéfiant qu’un parti aux manettes de la ville depuis la fin de la Seconde guerre mondiale soit incapable d’unité, de discipline, de fermeté. C’est une illustration de comment le libéralisme et les logiques postmodernes anti-politiques finissent d’achever le « communisme municipal ».

Car au-delà même de l’héritage de la Gauche historique qui met en avant les valeurs du collectivisme et de la loyauté comme vertus cardinales de l’engagement, il y a une régression anti-politique. La forme moderne du parti est précisément née de la nécessité de la discipline et de la loyauté en vue de former une discipline parlementaire.

L’affaire de Vitry-sur-Seine est donc tout à la fois un sabordage des valeurs essentielles du mouvement ouvrier, celles du collectivisme et de la fidélité à ses principes, et c’est bien là le principal, mais elle est également un révélateur de l’effondrement du politique dans l’ancienne « banlieue rouge ».

C’est la fin d’une longue tradition, celle de la « banlieue rouge «  incarnée par le PCF. Cette décomposition culturelle ne peut toutefois que favoriser en opposition la renaissance des traditions de la Gauche historique, fidèles au mouvement ouvrier.

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Marseille, une Gauche populaire, mais pas ouvrière

On a Paris la bourgeoise moderne, Lyon la bourgeoise traditionnelle. Mais où est la ville populaire, qui est le bastion de la Gauche historique ? Marseille échoue à chaque fois à se placer.

Marseille est indéniablement une ville marquée par la culture populaire et son caractère populaire. Cependant, la culture ouvrière y est finalement très faible, contrairement à d’autres villes de l’agglomération comme Martigues, Aubagne, etc.

D’ailleurs, le « Printemps marseillais » est obligé de le reconnaître. Dans les 32 pages de son programme, il n’y a qu’une seule fois le mot « ouvrier », et encore pour expliquer :

« Marseille est devenue une ville étudiante, comme toutes les grandes villes du monde. Il y a aujourd’hui plus d’étudiants (60 000) que d’ouvriers à Marseille. Effondrement de l’emploi industriel, certes, auquel nous ne nous résignerons pas. Mais aussi développement massif de l’enseignement supérieur, et c’est une immense chance. »

Aucune mention des ouvriers ou de la classe ouvrière ailleurs. Si les problématiques du programme son en général d’ordre démocratique et populaire, avec en priorité les questions des écoles et du logement, les travailleurs sont finalement très peu présents dans les préoccupations.

Nulle trace des animaux non plus dans ce programme, alors qu’on retrouve par contre la conception de type postmoderne, complètement étrangère à la Gauche, qu’est la revendication « LGBTI+ ».

C’est une véritable catastrophe, si l’on y regarde bien, car Marseille devrait être en première ligne pour l’affirmation de la Gauche. Au lieu de cela, elle apparaît comme fière et corrompue, brillante et créative, mais toujours à la traîne, incapable d’initiatives.

Marseille, c’est du consommable, en termes d’image, mais le contenu manque. Les grandes rumeurs de rachat de l’Olympique de Marseille par un consortium avec l’Arabie Saoudite en son cœur, afin d’en faire un club identitaire « méditerranéen », illustrent bien cet enjeu marseillais.

Marseille reste pourtant un espoir, d’ailleurs incontournable de par la surface de la ville, de par son importance, sa dynamique. Cependant, comment une Gauche réelle, sur une base historique, peut-elle s’y développer ? Il est évident que c’est par la morale, la morale la plus stricte, face aux mafias, face à la corruption, qui s’étend largement dans les syndicats d’ailleurs. Force Ouvrière est ainsi indissociable du système municipal depuis cinquante ans.

C’est de l’absence d’une telle Gauche qu’émerge une figure comme Samia Ghali. Rappelons ses propos dans La Provence en 2012 :

« Aujourd’hui, face aux engins de guerre utilisés par les réseaux, il n’y a que l’armée qui puisse intervenir. Pour désarmer les dealers d’abord. Et puis pour bloquer l’accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre, avec des barrages. Même si cela doit durer un an ou deux, il faut tenir. »

Son constat est réaliste, mais seul le peuple peut réaliser cela, l’armée telle qu’elle existe étant contre le peuple. Seulement, le peuple de Marseille est emprisonné lui-même dans la corruption et la décadence, dans une situation digne du Sud de l’Italie. Si cela continue, la ville va s’effondrer ! C’est cela qui explique la victoire du « Printemps marseillais », l’espoir qu’il peut susciter chez toute une partie de la population refusant cet effondrement, dont la catastrophe de la rue d’Aubagne a été un signe précurseur.

Mais cet espoir a besoin de moyens. Et comment faire alors qu’une crise dévastatrice se met en place ? Le « Printemps marseillais » n’aura pas le choix : il faudra basculer dans la Gauche historique, celle du mouvement ouvrier, pour trouver les ressources… ou bien se faire broyer.

> Lire également : Marseille: une victoire municipale attribuée à la Gauche, et beaucoup de questions pour l’avenir

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Marseille: une victoire municipale attribuée à la Gauche, et beaucoup de questions pour l’avenir

Michèle Rubirola est-elle une maire EELV ayant profité d’une dynamique unitaire à Gauche pour se faire élire ? Ou au contraire, est-elle le produit d’une dynamique unitaire à Gauche ayant su écarter localement la tentative de liquidation par EELV ? C’est une question essentielle, qui pourrait déterminer beaucoup de choses pour l’avenir immédiat de la Gauche en France.

Pour bien comprendre ce qu’il s’est passé à Marseille avec la victoire du « Printemps marseillais » et l’élection de Michel Rubirola au poste de maire, il faut remonter quelques mois en arrière.

Marseille est une ville très endettée, largement en retard sur le plan de sa « métropolisation » et marquée pendant des années par une Droite souvent qualifiée d’affairiste et de corrompue. En face, il y a une Gauche de type « humaniste », peu liée à la classe ouvrière, mais bénéficiant d’une certaine dynamique démocratique et populaire, ayant par exemple une culture « bobo » beaucoup moins prononcée que dans les autres grandes villes françaises.

L’effondrement d’immeubles rue d’Aubagne dans le quartier de Noailles, « le ventre de Marseille », a d’ailleurs été un véritable choc en novembre 2018. Il y eut 8 morts ce jour-là, alors que plusieurs milliers d’habitants furent ensuite évacués en raison de la vétusté de leur logement. Le quartier se situe pourtant dans le premier arrondissement, mais est largement délabré, avec aucune école et une population très précaire, souvent immigrée, à la merci de « marchands de sommeil » laissant littéralement pourrir les immeubles, sans que la mairie ne fasse quoi que ce soit.

Cela donne une idée du panorama local, très différent des autres grandes villes françaises. Le refus de cette situation a lancée toute une dynamique de gauche, liée à des structures associatives et syndicales. Le « Printemps marseillais » en est directement le produit, avec une perspective politique unitaire pour les municipales. Elle a été largement portée par le PCF et le Parti socialiste s’y est rapidement rallié, abandonnant sa propre stratégie électorale.

> Lire également: «Ma seule ambition, c’est Marseille»: la démarche unitaire de Benoît Payan du PS

Tel ne fut pas le cas d’Europe Écologie-Les Verts, qui a préféré jouer sa propre partition avec une approche similaire aux autres grandes villes françaises comme Paris, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Nantes, Lille, etc. EELV était donc présent au premier tour de ces municipales, en concurrence avec les listes du « Printemps marseillais ».

C’était toutefois un pari risqué, qu’avait refusé Michèle Rubirola, conseillère départemental EELV, elle-même issue de la Gauche, et plus précisément de l’extrême-Gauche. Dans les années 1970, elle était membre de l’Organisation Communiste des Travailleurs et elle fait partie de toute une génération ayant rejoint « Les Verts » au début des années 2000 avec l’idée de remplacer le Socialisme par l’écologie (une vraie tendance, allant de l’AREV à une partie importante de l’OCML Voie Prolétarienne).

En 2019, elle expliquait son choix de rallier la dynamique du futur « Printemps marseillais » plutôt que la liste « solo » de son organisation :

« le temps doit être au rassemblement, à la construction d’une coalition écologiste, progressiste, humaniste et citoyenne capable de changer Marseille. Pas aux divisions, pas au repli partisan dans sa chapelle, pas à la guerre des égo auto-proclamés ».

Elle fut logiquement suspendue d’EELV pour cette raison.

De manière unanime, la victoire à Marseille pour ces municipales 2020 est alors attribuée à la Gauche par tous les commentateurs, et pas à EELV. Reste cependant à savoir de quelle « Gauche » il s’agit, alors qu’il y a en arrière-plan de cette élection toute une tentative de démantèlement de la Gauche au nom de l’écologie, notamment de la part d’Olivier Faure, le dirigeant du PS.

En raison de la particularité du scrutin à Marseille, qui se fait d’abord par secteur, puis au suffrage indirect pour l’ensemble de la ville (comme à Paris et Lyon), le « troisième tour » a été très animé.

Les élus de la liste du « Printemps marseillais » n’avaient pas à eux seul une majorité absolue pour diriger la ville et des tractations largement médiatisées ont eu lieu. C’est Samia Ghali, « élue des quartiers nord », qui fut la clef de l’élection, avec tout un psychodrame pour savoir qui allait lâcher quoi à qui, puis de grandes embrassades finales. Ces tractations ne sont pas intéressantes en elles-mêmes, mais elles révèlent par contre une grande complexité sur le plan politique, qui est très significative.

Samia Ghali est une sorte d’électron libre, ancienne membre du PS, se présentant tantôt comme proche des idées de la France insoumise, apparaissant parfois plutôt réceptive à la majorité présidentielle, et est d’autres fois dénoncée comme étant liée en sous-main à la Droite marseillaise, avec qui elle menaçait de négocier (ou en tous cas le laissait volontiers sous-entendre).

Au second tour en tous cas, elle l’a emporté dans son secteur face à l’extrême-Droite, mais aussi face au « Printemps marseillais » qui maintenait sa liste, menée par la figure locale du PCF Marc Coppola. Rien que cette situation en dit long de la faiblesse de la Gauche marseillaise, car il est inacceptable politiquement d’avoir plusieurs listes liées à la Gauche lors d’un second tour face à l’extrême-Droite. Cela d’autant plus que l’élection s’est faite dans ce secteur très populaire avec une abstention gigantesque, ce qui signifie une élection sans réel élan populaire.

> Lire également : Municipales: tribune de Jean-Marc Coppola du PCF pour «Le Printemps Marseillais»

Dans le même temps, la liste de Samia Ghali, opposée au « Printemps marseillais », a été soutenue au second tour par EELV, alors qu’EELV se ralliait officiellement au « Printemps marseillais » pour l’ensemble de la ville. Cela en dit cette fois très long sur la nature d’EELV et sa stratégie consistant à torpiller la Gauche dès que possible.

Pour ajouter de la complexité à tout cela, il faut voir enfin que « le Printemps marseillais » a réussi à dégager une majorité pour diriger la ville à une voix près seulement, et cela grâce à une voix venant de la Droite.

La nouvelle maire de Marseille Michèle Rubirola se retrouve donc à la tête d’une coalition regroupant « le Printemps marseillais » (lui-même très disparate politiquement) + EELV + Samia Ghali et 7 élus la suivant + une personne dissidente de la Droite locale. En face, il y a une Droite disposant de quasiment autant de voix, ainsi qu’un Rassemblement national disposant de quelques voix.

Et c’est là qu’on se demande : comment la Gauche va-t-elle s’en sortir au milieu de tout cela ?

Il y a d’un côté EELV, prêt à tout pour faire sombrer la Gauche, soit en tirant la couverture à soi, soit en torpillant l’élan unitaire.

Il y a également le populisme de La France insoumise, qui cherche là aussi à s’attribuer une partie de la victoire électorale et à repousser la Gauche, alors que Jean-Luc Mélenchon est député d’une circonscription marseillaise.

Il y a le Parti socialiste, au cœur de la démarche unitaire localement, mais dont le dirigeant national veut liquider la Gauche au profit d’un « bloc social-écologiste ».

Il y a la Droite, qui sera prête à tout pour récupérer la ville et empêcher la Gauche d’avancer.

Il y a l’extrême-Droite, qui ne manquera pas de profiter de la situation.

Et puis il y a Samia Ghali, prête à tous les opportunismes, mais en même temps qui bénéficie d’une indéniable aura populaire, notamment en raison de ses positionnements contre la délinquance qui gangrène la ville.

> Lire également : Marseille, une Gauche populaire, mais pas ouvrière

Marseille se retrouve littéralement au cœur de tout un faisceau de contradictions définissant bien la situation politique française.

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La tribune des organisations de jeunesse pour liquider la Gauche au nom de l’écologie

Des organisations de jeunesse ont publié une tribune appelant à l’unité politique, avec comme perspective ni plus ni moins que l’enterrement de la Gauche historique. Après avoir confisqué la Gauche pendant des années, les bourgeois et petit-bourgeois « progressistes » assument maintenant de vouloir la faire disparaître. L’écologie est pour eux un formidable prétexte.

La victoire électorale d’EELV dans quelques grandes villes aux municipales a été un grand succès pour toute une frange bourgeoise urbaine d’inspiration libérale-libertaire, s’imaginant avoir le monopole de la Gauche. Tous ces gens ont fait beaucoup de dégâts pendant des années en imposant leurs préoccupations, leur vision du monde et leurs aspirations, au sein même de la Gauche.

EELV a été un incubateur pendant des années de toutes cette démarche, consistant à la fois en une OPA sur la Gauche et en une liquidation de la Gauche, avec un public de plus en plus ouvertement bobo et « démocrate » à l’américaine, assumant tout un ensemble de thèmes sociétaux à la place du Socialisme. Pour ces gens, le « social » n’est qu’un thème parmi d’autres et les ouvriers n’existent plus, tandis qu’ils s’imaginent qu’avoir un peu de compassion pour leur caissière au supermarché fait d’eux des gens de gauche.

C’est une des grandes raisons de l’effondrement de la Gauche, avec surtout l’isolement par rapport aux classes populaires et particulièrement le mouvement ouvrier, alors que c’en est historiquement le cœur.

Il est clair qu’un cap a été passé récemment et c’est au nom de l’écologie que ces gens pensent maintenant pouvoir enterrer définitivement la Gauche, en tous cas la Gauche historique.

Une nouvelle tribune est parue en ce sens et largement relayée, où il est expliqué qu’elle est portée par des jeunes en tant que « représentant.e.s d’une génération qui vient à la politique pour sauver les conditions d’existence terrestres ».

Ces « jeunes » sont issus de différentes organisations (Jeunes Ecologistes et d’EELV, de Génération.s et des Jeunes Génération.s, de la France Insoumise, du Parti Communiste Français, de la Gauche Républicaine et Socialiste, du Mouvement des Jeunes Socialistes et du Parti Socialiste), mais ils assument ouvertement leur propre effacement politique. Il est ainsi expliqué que les signatures sont individuelles, sans juxtaposition du nom de l’organisation politique.

C’est une opération de liquidation de grande ampleur, car effacer cette affiliation, c’est liquider tout un cheminement historique et toute une filiation à la Gauche historique, y compris pour EELV qui n’en fait pas partie, mais qui en a longuement profité.

Il s’agit donc pour tous ces gens, pour tous ces « jeunes », de mettre à la remorque d’EELV tout ce qu’il reste de lié à la Gauche dans ce pays :

« Les résultats des municipales marquent une étape supplémentaire dans la recomposition de l’échiquier politique, actant l’intégration du paradigme écologique par les différentes forces de la gauche. L’écologie, loin d’être une pensée déconnectée de notre histoire politique, reprend et restructure l’imaginaire progressiste et humaniste propre à la gauche ; elle réencastre les luttes sociales dans le système-Terre. L’écologie propose un nouveau modèle de société, qui n’est pas un socialisme amendé d’écologie, ni le modèle libéral productiviste aveugle défendu par l’actuel gouvernement. L’écologie politique considère en premier lieu les ressources finies de notre environnement pour en proposer une utilisation équilibrée et une juste redistribution.

L’enjeu du moment est de consolider la transformation écologique de la gauche, dont EELV est désormais une composante essentielle, en vue de la prise de pouvoir d’une écologie de rupture. La pandémie planétaire et le confinement ont eu un effet de sidération qui en dernière instance conforte la revendication chez le grand nombre d’un changement de paradigme profond. Cette crise creuse la fracture entre celles et ceux qui, la vue courte, ne jurent que par la relance aveugle de la croissance économique, et celles et ceux qui exigent la reconstruction écologique de notre société. »

Ce discours n’a absolument rien de nouveau, c’est ce que dit EELV (et anciennement Les Verts) depuis des années et des années. C’est l’idée que la Gauche historique serait dépassées car « productiviste », alors qu’il faudrait selon eux mettre les individus et les thèmes sociétaux au centre de tout.

Dire cela est, sur le plan philosophique, une vaste escroquerie. La Gauche historique, qu’elle vienne du communisme ou du socialisme, provient elle-même de toute une filiation historique ayant eu une réflexion sur la nature, car c’est le propre même de l’intelligence humaine que de s’intéresser à la nature. Les philosophes grecs, de manière contradictoire souvent, n’ont jamais fait au fond autre chose que cela, puis les religions, puis toute l’histoire de la pensée, dont la Gauche se propose d’être un aboutissement propre à l’époque du capitalisme, pour dépasser le capitalisme.

Seulement, la Gauche n’a jamais rejeté l’industrie, car la classe ouvrière ne veut certainement pas d’un monde sans industrie, ce qui serait une utopie réactionnaire. Ce qui compte pour la Gauche historique, et là encore, qu’elle soit communiste ou qu’elle soit socialiste, c’est la collectivisation des moyens de production, à commencer par l’industrie, pour la planifier dans un sens conforme aux besoins.

On peut ajouter à notre époque, « y compris aux besoins de la Terre », car c’est possible de le formuler ainsi aujourd’hui, mais cela n’a rien de nouveau en soi. Et si la Gauche a des progrès à faire sur le plan culturel pour comprendre cela, elle n’a pas besoin de gens et d’idées extérieures à elle pour cela.

Par contre, dire cela à propos de la production n’est pas entendable par toute cette mouvance bobo, libérale-libertaire et « écolo », qui tourne autour d’EELV et du rejet du « productivisme ».

Ce n’est pas entendable pour eux, car ils savent bien que cela signifie le Socialisme et donc la primauté de la société, de l’organisation sociale et de l’intérêt collectif, sur les perspectives individuelles. Au contraire, tous ces gens ne veulent que des perspectives individuelles, qui s’agenceraient par rapport à des thèmes sociétaux. C’est la raison pour laquelle ils défendent en général la légalisation du cannabis, l’ouverture des frontières et l’idéalisation de l’immigration, la PMA, la GPA, l’hystérie anti-policière, le racialisme, les idéologies queer et LGBTQ+, etc.

Cela va d’ailleurs de pair avec le refus systématique de mettre sur la table la question du rapport aux animaux. Le postmodernisme s’accompagne toujours d’une négation du véganisme.

Pour justifier leur démarche, ces gens, qui sont des « jeunes », s’inventent une vie comme c’est l’usage de le dire chez les jeunes, en inventant que leurs idées seraient majoritaires dans la société :

« Des gilets jaunes aux marches pour le climat jusqu’aux mobilisations contre la réforme des retraites et plus récemment encore les mobilisations contre le racisme et les violences policières, l’appel à un changement de système est désormais majoritaire. »

Rien n’est plus faux pourtant, car l’abstention a été immense, car les classes populaires n’en ont rien à faire de leurs élucubrations, car leur « vague verte » ne concerne qu’un public bourgeois restreint à des quartiers de centre-ville de grandes métropoles.

Au passage, EELV n’a pas lésiné sur les moyens pour éjecter la Gauche aux municipales quand elle le pouvait, comme à Poitiers… ou encore à Marseille. La tribune évoque Marseille, mais se garde bien de dire qu’EELV a par exemple soutenu Samia Ghali de manière opportuniste dans les quartiers nord de la ville au second tour, mais pas le candidat du « Printemps marseillais » et dirigeant local du PCF.

« Il y a des murs à faire tomber », dit la tribune en conclusion, sans préciser que ces murs, ce sont ceux de la Gauche historique. À la Gauche historique de réagir, de s’assumer, de se reconstituer et de bâtir une forteresse. Il faut des murs rouges et solides, contre ces liquidateurs de l’intérieur, et contre l’offensive bourgeoise en général, libérale, de Droite et d’extrême-Droite.

Le président Emmanuel Macron a expliqué hier dans la presse que « la rentrée sera très dure ». Reste maintenant à savoir pour qui elle sera dure, si c’est pour la bourgeoisie qui devra mettre la main à la poche pour réparer ses propres dégâts, ou si c’est pour les travailleurs qui seront mis sous pression pour relancer la machine à profit. Seul la Gauche historique est à même d’être à la hauteur de cette actualité, mais certainement pas les élucubrations de bourgeois de centre-ville voulant liquider la Gauche, car ils imaginent une « vague verte » dans le pays.

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Saint-Denis qui tombe, c’est le municipalisme PCF qui tombe

La banlieue rouge parisienne formait tout un réseau procurant des moyens immenses au PCF. La défaite électorale à Saint-Denis annonce la fin de ce système, et ainsi la chute du PCF.

On lit dans la presse que la ville de Saint-Denis avait une mairie PCF depuis 1945. C’est faux. Saint-Denis est la clef même du PCF. Ce parti ne s’est en effet jamais développé dans toute la France, mais dans des poches bien circonscrites. Il y a le Nord-Pas-de-Calais, cependant il y avait également là-bas une forte base socialiste. Le vrai bastion, c’est la région parisienne, la ceinture rouge autour de Paris, la « banlieue rouge », avec Saint-Denis comme grande base dès la fondation du PCF.

C’est d’ailleurs là que Doriot, le renégat du PCF passé au fascisme, formera son Parti Populaire Français, surfant sur l’esprit syndicaliste-révolutionnaire de la région parisienne et surtout de Saint-Denis. Saint-Denis, c’est une grande ville, un élément d’importance capitale dans la région parisienne. La bourgeoisie a développé d’ailleurs un contre-poids avec Boulogne-Billancourt, transformé en bastion du conformisme bourgeois alors qu’historiquement l’identité de la ville est ouvrière.

Le PCF s’est pris au jeu de cette bataille municipaliste. Il n’est pas possible de nier la sincérité de l’engagement de ses adhérents, de ses membres pour beaucoup. Pourtant, à partir des années 1960 la corruption municipale se généralise et dans les années 1980 c’est littéralement la fête ! Les vases communicants entre le PCF, la CGT, les mairies voient circuler littéralement des sacs d’argent, avec des magouilles à tous les niveaux.

Cela a joué énormément pour le prolongement d’un PCF relativement puissant encore après 1989 : il y avait trop de réseaux pour disparaître. La perte de Saint-Denis est ainsi une catastrophe et ne peut que produire une vague de panique dans les réseaux restants. Surtout que le PCF a également perdu Arles, Saint-Pierre-des-Corps, Champigny, Seclin, Givors, Fontaine. Si de tels bastions, des forteresses municipales existant depuis des décennies tombent, alors tout peut tomber.

Ainsi, si le PCF a encore Malakoff, Bagneux, Fontenay-sous-Bois, Bonneuil-sur-Marne, La Courneuve, Stains, Tremblay-en-France, Gentilly, Ivry-sur-Seine, Vitry-sur-Seine, Bobigny, Montreuil… ce n’est plus le même PCF pour autant.

Ce n’est plus le PCF profitant d’une base populaire puissante, de relais syndicaux massifs, capable ainsi de façonner toute une économie locale tout en la ponctionnant, en plaçant ses gens, en formant un véritable petit écosystème. Ce n’est plus le PCF comme appareil. C’est un PCF comme… on ne sait pas trop quoi et c’est pour cette raison que l’instabilité va prédominer, jusqu’à sa disparition.

En effet, un réseau municipal est par définition monopoliste. Or, si un basculement peut se faire, il n’y aura plus de soumission au PCF. Dans une mairie imprenable, les entreprises se soumettent, l’administration se soumet. Dans une mairie qui peut changer de bord, on évite les dossiers trop compromettants. La chute de Saint-Denis, c’est la chute de toute un socialisme féodal.

Désormais le PCF est celui de Ian Brossat : post-moderne et un appendice du PS, qui est lui-même devenu un appendice de la « social-écologie ». Finalement en termes de structure il n’y a plus trop de raisons d’exister et il y aura un dépassement « unitaire » qui est en réalité une liquidation de tout ce qui relève de la Gauche historique.

Il y a évidemment encore des tenants d’une ligne historique. Il y a ainsi le PRCF, qui veut faire redémarrer le PCF sur la base des années 1980. Il s’agit de la minorité du mouvement dont la majorité a quitté le PCF en 1999, pour former en 2016 le PCRF (sur une ligne PCF pro-Cuba des années 1960, les maoïstes considérant à l’instar du PCF(mlm) que le PCF est « révisionniste » depuis le milieu des années 1950, puis social-impérialiste).

Et le PRCF aurait pu réussir, d’une manière ou d’une autre, si le courant de la CGT qui lui est lié avait réussi son opération de harcèlement syndicaliste révolutionnaire durant le mouvement contre la réforme des retraites. Comme cela a été un échec, il n’y a cependant pas de base réelle. Et de toutes façons la démarche est syndicaliste, alors que le PCF a une base municipaliste avant tout. Il y a là une situation plus que délicate et le PCF ne peut que chuter alors que ses fondements concrets vacillent.

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L’opération de démantèlement de la Gauche par Olivier Faure du Parti socialiste

La stratégie du premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure est très claire : la Gauche doit s’effacer face à « l’écologie ». L’enjeu est selon lui la consolidation d’un nouveau « bloc social-écologiste », avec l’idée assumée à demi-mot de se ranger derrière un candidat « écologiste » pour les élections de 2022.

Cela fait longtemps que la direction du Parti socialiste a tourné le dos aux classes populaires au profit d’un cosmopolitisme bourgeois-moderniste, largement libéral sur le plan des valeurs. L’opération de liquidation du patrimoine historique de la Gauche, relevant du mouvement ouvrier, connaît un nouveau bond à l’occasion de ces élections municipales 2020.

Avec la victoire d’Europe Écologie-Les Verts dans de nombreuses grandes villes, victoire portée par les bobos métropolitains, le premier secrétaire du Parti socialiste s’imagine qu’il y a un « immense élan » auquel il faudrait se rattacher, acceptant par là de solder le compte de la Gauche. Ce n’est pas dit aussi ouvertement, car Olivier Faure aimerait faire du PS une force importante de ce « bloc », mais la perspective est évidente.

De son côté, se voyant en position de force, EELV assume ouvertement son rejet de la Gauche depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années. Grégory Doucet, victorieux à Lyon, explique par exemple que « l’écologie est l’alliée de l’économie » et qu’elle est au-delà du clivage Gauche/Droite, ne reconnaissant simplement que des « éléments » pouvant accessoirement venir de la Gauche. C’est un point de vue strictement équivalent à celui d’Emmanuel Macron, trustant la Gauche par le centre, pour ensuite tout ramener vers le libéralisme sur les plans économique et culturel.

Cela fait un moment qu’EELV ne fait plus semblant d’être de Gauche, à quelques exceptions près. Ce parti n’a eu aucun scrupule à vouloir rafler la mairie de Lille au PS, manquée de peu, ou bien à Poitiers et à Strasbourg, où là ce furent des réussites. À Marseille, où EELV revendique la victoire (qui n’est pas acquise au conseil municipal d’ailleurs, en raison de la spécificité locale du scrutin), la tête de liste Michèle Rubirola avait été suspendue de la formation écologistes alors qu’elle se rangeait du côté de la Gauche, ou en tous cas d’une dynamique largement portée par la Gauche pour les municipales.

Olivier Faure n’y voit aucune contradiction et explique au contraire qu’il se bat depuis deux ans pour « rassembler et fédérer ces forces qui ont tellement en commun ».

Ses propos dans médias, retranscrits sur le compte Twitter du PS avec l’écriture « inclusive » histoire de bien s’assumer bobo, sont ainsi d’une grande limpidité :

« Si nous ne voulons plus du duo #LePen / #Macron, il faudra nous rassembler. Il faudra un·e candidat·e du bloc social-écologiste. Peut [sic] importe d’où il vient. La seule question est de savoir où il va. »

C’est ni plus ni moins que l’affirmation de la liquidation de la Gauche, de ses principes, de ses valeurs, de sa tradition, au profit d’autre chose. Cet autre chose en l’occurrence, consiste en un libéralisme tout à fait classique, s’imaginant légitime à représenter à lui-même « l’écologie », comme si cela était une orientation politique en soi.

D’ailleurs, il ne faut vraiment rien connaître, ou ne rien vouloir connaître des mouvements écologistes en France (très faibles et marginaux), pour s’imaginer qu’EELV a une quelconque hégémonie sur la question. Ce parti n’a par exemple rien à voir avec ce que peuvent être les Verts en Allemagne, avec une véritable culture alternative et un ancrage indéniable dans tout un tas de mouvements. En France, EELV a surtout une culture de type « ONG », c’est-à-dire de grande structures institutionnelles, tout à fait bourgeoises tant dans l’expression que dans le fond même de leur démarche.

De son côté, le Parti socialiste est largement passé à côté de la question écologique pendant de nombreuses années et s’imagine maintenant pouvoir se moderniser à moindres frais en se mettant à la remorque d’EELV.

Olivier Faure croit pouvoir contourner la question, en expliquant par exemple :

« je suis d’accord pour dire qu’il y a une écologie de droite et une écologie de gauche »

C’est incohérent. Il n’y a pas d’écologie « de gauche », car la Gauche est une conception totale, c’est-à-dire embrassant en elle-même tous les sujets et prétendant être la seule à pouvoir résoudre les problèmes.

Il n’y a pas d’écologie « de gauche », car il y a une conception générale portée par la Gauche, consistant en la prise du pouvoir populaire pour dépasser le capitalisme par le Socialisme, ce qui inclut par définition l’écologie, comme question propre à notre époque. Cela signifie également, par définition, que seule la Gauche est à même d’être à la hauteur en matière d’écologie.

Pour la Gauche, l’écologie ne relève pas d’une coloration politique comme chez Emmanuel Macron ou bien chez EELV, mais d’une conception matérialiste de la nature, des choses naturelles en général. Tel n’est pas le cas chez Olivier Faure, pour qui l’idée de mettre la nature au-dessus de tout est une idée réactionnaire qui musellerait les gens, comme il l’a expliqué à la télévision hier. Spinoza, Denis Diderot ou Karl Marx apprécieront !

En attendant, tout cela est bien loin des préoccupations populaires et la Gauche en France continue de s’enfoncer, de s’isoler, de s’effriter au profit de bourgeois libéraux piétinant toutes ses valeurs, toutes ses conceptions, tout son patrimoine.

La Gauche historique doit se reconstruire par l’unité, mais cette unité ne sera possible et fructueuse qu’en écartant franchement des liquidateurs de la Gauche tels Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste.