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Le PCF en 1970 : « un sacré bout de chemin »

Le texte « un sacré bout de chemin » trace le bilan du PCF pour son cinquantenaire en 1970 et annonce les perspectives à espérer alors.

Le PCF a publié en 1970 une petite brochure à l’occasion de son cinquantenaire. Intitulée « un sacré bout de chemin… », elle contient un petit historique se concluant par un texte présentant le PCF en 1970, avec ses perspectives. Voici cette partie, qu’il est intéressant de voir depuis décembre 2020, cinquante ans après. Surtout que ce texte de conclusion s’intitule « le but si proche ».

La brochure a été publié comme supplément aux « Cahiers du communisme » de novembre 1970 et sa rédaction par le comité central a eu comme principal acteur Rober Lechêne. Né en 1927, celui-ci a rejoint le PCF en 1946, devenant un des principaux cadres de sa presse. Il fut notamment le rédacteur de la revue Nous les Garçons et les Filles, une sorte de tentative populiste de se tourner vers la jeunesse en gommant toute identité à la jeunesse communiste.

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Benoit Hamon lance SensTV

Benoit Hamon a annoncé le lancement d’une plateforme streaming nommée SensTv, avec comme slogan « mettons-nous d’accord sur nos désaccords ! ». L’accès est payant, avec un abonnement « sans engagement » à 4€99 par mois.

Voici la lettre de présentation :

« Cher.e.s toutes et tous,

Au croisement d’une année éprouvante et d’une année nouvelle que nous voulons fabriquer plus juste, écologique et bienveillante, je vous annonce que je me lance dans une aventure inédite avec ma chaîne SensTV.

À travers un média qui donne une grande place à l’intelligence collective, à l’argumentation, à la science, à la rigueur intellectuelle, j’ai choisi de poursuivre différemment et compléter une vie d’engagements. SensTV est l’antidote aux chaînes infos et aux réseaux sociaux qui rugissent du tumulte des polémiques et des préjugés.

Témoigner des injustices, montrer des solutions, changer la perspective, ouvrir des débats pour infléchir la trajectoire au désastre vers laquelle glissent nos sociétés productivistes et liberticides, voilà la raison d’être de SensTV.

SensTV est surtout une chaîne qui propose de ralentir le temps, de nous asseoir pour réfléchir, de nous arracher à la tyrannie de l’urgence et de voir si nous pouvons nous mettre d’accord sur nos désaccords.

Joyeuses fêtes de fin d’année à chacun.e d’entre vous.

Fidèlement.

Benoît Hamon »

La plateforme est disponible ici : senstv.fr

Sont déjà mis en avant des « grands entretiens » vidéos, ce qui donne une idée du contenu et de l’orientation du projet :

« 1er Grand Entretien avec Nora Lakheal

Je reçois Nora Lakheal pour le premier entretien sur le thème « La police et la République ». Cette officière est la première femme à avoir rejoint les renseignements généraux, au sein du « groupe islam radical » de la Section Opérationnelle et Recherche Spécialisée (SORS).

2ème Grand Entretien avec Mgr. Matthieu Rougé

Pour le second entretien, j’ai choisi d’échanger sur « Le travail et le christianisme ». J’ai reçu pour cela Mgr. Matthieu Rougé, Évêque de Nanterre et membre du conseil permanent de la conférence des Évêques de France.

Prochains invités pour les Grands Entretiens de janvier :

Lilian THURAM

Alice COFFIN

Michel-Edouard LECLERC »

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La vision du monde du PCF pour son centenaire: les sympathisants

Le Parti Communiste Français, ce n’est pas que des cadres et des adhérents, c’est aussi une hypothèse : celle « du Parti ».

Il y a les cadres du PCF, avec leur hypothèse d’une démocratie avancée utilisant l’État pour contrer le capitalisme ; il y a la base du PCF, issue d’une socialisation de masses par la contre-société liée au PCF et ses organismes de masses. Mais il y a également les sympathisants, qui forment au sens strict ce qui fait vivre le PCF.

Il y a en effet en France des gens dont les yeux s’illuminent quand on parle « du Parti ». Cela ne veut pas dire que pour eux le PCF soit « le Parti », mais ils vivent pour autant dans cette culture. Ils diffusent une culture « Parti » qui joue un rôle essentiel dans l’existence du PCF.

C’est très paradoxal, car le PCF ne se veut pas du tout « Le Parti » et ce depuis longtemps. Et les gens qui ont cette culture « Parti » sont parfois à l’extérieur du PCF, voire totalement contre lui. Mais le PCF est irradié par cette culture voulant que l’absence « du Parti » est considéré comme impossible. Ayant encore un poids suffisant en termes de membres et d’élus, le PCF surnage en tant que l’hypothèse « Parti », même bancale. S’il disparaissait, un autre « Parti » réapparaîtrait, tellement ce besoin est porté par beaucoup de gens.

Une affiche du Parti Communiste Français de 1958

Il faut bien faire attention à ne pas confondre ceux qui veulent « le Parti » et ceux qui disent qu’ils veulent le construire. Ce n’est pas du tout pareil. La tradition « communiste révolutionnaire » dit qu’elle veut fonder « le Parti » mais elle considère que ce sera un aboutissement. On est là historiquement dans l’approche trotskiste (Lutte Ouvrière, des courants du Nouveau Parti Anticapitaliste, etc.) et assimilé (Voie Prolétarienne, UPML, UC Lyon, etc.).

Cette tradition repousse ce qui fait justement « Le Parti »: une idéologie bien déterminée, une lecture immédiate en termes de pouvoir, d’appareil d’État, bref une ambition politique extrêmement poussée. Elle parle du Parti comme produit de luttes futures, d’assemblages de gens en résistance, etc. Ce n’est pas du tout la tradition « du Parti » qui implique l’ambition de présenter une direction politique, dans le sens d’une révolution.

Le PCF n’a plus cette ambition, mais il n’a pas changé de nom et il profite de cette aura. Les sympathisants du PCF l’entrevoient de cette manière et le valorisent pour cette raison. Le PCF, c’est l’hypothèse historique du Parti, un espoir, une attente. Il y a d’ailleurs beaucoup de concurrence sur ce plan. Si on part d’un point de vue historique, il y a deux tendances oppositionnelles générales, se subdivisant elles-mêmes.

Le canal habituel : PRCF et PCRF

On parle ici de gens directement issus du PCF, où ils forment une tendance oppositionnelle organisée en 1991 avec la Coordination communiste. En 2000, la majorité décide de vivre sa vie de manière indépendante, ce qui donne l’Union des Révolutionnaires-Communistes de France devenant le Parti Communiste Révolutionnaire de France. La minorité décide de garder un pied dans le PCF, un pied dehors, pour ne pas se marginaliser, ce qui donne le Pôle de renaissance communiste en France.

Le canal historique : PCOF et PCF(mlm)

On parle ici de gens qui sont totalement coupés du PCF et de ce qui s’associe à lui depuis les années 1960. Le PCF est considéré comme ayant perdu sa nature dans les années 1950, en s’alignant sur les positions soviétiques « révisionnistes ». Il s’agit ainsi de relever le drapeau en réaffirmant l’hypothèse communiste, quitte à être très minoritaire : il en va du flambeau, de la possibilité d’une affirmation communiste. D’où le terme de Parti du côté du Parti Communiste des Ouvriers de France et du Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste).

Pour faire court, le PRCF a la nostalgie du PCF des années 1980, il est très marqué par un côté patriotique. Le PCRF regrette celui des années 1960, avec le romantisme cubain notamment. Le PCOF, lié à la tradition dite « pro-albanaise » (avec Enver Hodja), se tourne en quelque sorte vers celui des années 1940, avec des résistances populaires de masse à développer. Le PCF(mlm), lié à la tradition « pro-chinoise » (avec Mao Zedong) veut un Parti Communiste assumant la révolution culturelle, raisonnant en termes de vision du monde.

Le siège du PCF à Paris, en 1953

Le PCF, pour son centenaire, est ainsi difficile à appréhender. Il y a celui des cadres, celui de la base, celui des sympathisants de l’hypothèse « du Parti ». Lequel est dans le vrai ? On va rapidement le savoir, dans un tel contexte de crise, tellement les différences sont marquées.

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La vision du monde du PCF pour son centenaire: la base

La base du PCF vit séparée de ce qui se passe au niveau de la direction ; elle est nostalgique d’une socialisation de masses.

Il existe un grand décalage entre la base du PCF et les cadres. Ces derniers ont un véritable bagage idéologique, une vison du monde bien déterminée, se fondant sur une accumulation commencée dans les années 1960. La base ne comprend rien à tout cela et ne s’y intéresse pas.

La base du PCF, ce sont les restes d’une immense socialisation de masse, car en plus du PCF, il y avait toutes les structures liées à la vie quotidienne. Cellules d’entreprises, Confédération nationale des locataires, Union des femmes françaises, Mouvement de la paix, Fédération sportive et gymnique du travail, Union des étudiants communistes, UNEF, Secours populaire français, vente de l’Huma dimanche, Fête de l’Humanité, les municipalités, les comités d’entreprise, etc.

Pour des centaines de milliers de gens, le PCF a été le moyen de rencontrer son conjoint, ses amis, de partir en vacances, de se cultiver.

Pour les cadres, le PCF du passé mène jusqu’à eux, c’est-à-dire des intellectuels proposant une voie démocratique pour avancer au communisme ; pour la base, le PCF c’est un passé glorieux d’une socialisation de masses.

Cela n’a rien à voir. Par conséquent les cadres n’essaient pas de former la base, seulement de la conserver. Voici un excellent exemple avec les propos de Fabien Roussel, l’actuel dirigeant du PCF. Ses propos sont outrancièrement populistes, avec même une faute au mot « rênes » ; on est à mille lieux de la prose savamment construite et élaborée dans les publications pour les cadres.

On a ici quelque chose d’assez exemplaire d’une cassure entre les cadres et la base qui, si on y regarde bien, contient à l’arrière-plan une problématique tout à fait particulière. Lorsque se fondent les partis communistes dans les années 1920, l’Internationale Communiste avec Lénine leur dit : vous devez être composés de cadres efficaces, vous devez être un parti de masses. Mais comment être à la fois l’un et l’autre ? C’était un véritable casse-tête.

Pour le PCF, c’était encore plus vrai, car il y a eu trois moments le transformant totalement sur le plan numérique. Le premier, ce fut le mouvement antifasciste de février 1934 conduisant au Front populaire. Le PCF passa alors en quelques années d’un peu plus de 30 000 membres à plus de 230 000 !

En 1939 le PCF est interdit, il est littéralement broyé par la répression, il se reconstruit sur le tas pendant la Résistance et en 1946 il resurgit tel le phénix avec 800 000 membres ! Retombé ensuite à 250 000 membres, il profite paradoxalement de mai 1968 auquel il s’est opposé, pour atteindre 500 000 membres en 1977 !

On se doute que de telles transformations numériques exigeaient un énorme travail de formation, que le PCF n’a pas mené et il s’est produit une cassure entre les intellectuels et les manuels pour ainsi dire. Les uns pensaient, les autres faisaient. Et en décembre 2020, du côté de la base du PCF, cela donne donc ça : du kitsch culturellement rétrograde, dans un esprit nostalgique…

Rappelons… qu’on est ici dans le Pas-de-Calais, où l’alcool tue deux fois plus que la moyenne nationale ! Qu’historiquement le mouvement ouvrier met de côté l’alcool. Que dans les Hauts-de-France la jeunesse boit plus d’alcool qu’au niveau national. Bref c’est vraiment la faillite à tous les niveaux.

Mais c’est que la base du PCF n’est pas politique, elle est nostalgique d’une socialisation. C’est d’ailleurs le sens de la Fête de l’Huma, où on se retrouve entre « camarades » pour se goinfrer et picoler. La base du PCF est de culture syndicale, elle hyper-réactionnaire culturellement. Le PCF a été un bastion pro-chasseurs pour bloquer la tentative d’un référendum sur les animaux en septembre-octobre 2020. Cet exemple parisien en dira long aussi :

Le PCF en décembre 2020 fait ainsi face à un problème majeur. La cassure entre les cadres et la base est complète. Il n’y a rien à voir entre un Ian Brossat, élu parisien au style bourgeois assumé, et un adhérent de base basculé dans la beauferie mais s’arc-aboutant sur une socialisation passée glorieuse. Les tensions ne peuvent que devenir explosives et c’est pour cela que Fabien Roussel promet une candidature PCF pour 2022 : afin de neutraliser la base. S’il y parvient ou pas, cela va dépendre des sympathisants du PCF, qui vont faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

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La vision du monde du PCF pour son centenaire: les cadres

Le PCF a plusieurs visages et ici est présentée la vision du monde de ses cadres.

Il existe trois PCF aujourd’hui, dont les contours sont très délimités. Le premier PCF, c’est celui des cadres et de la direction. Ils ont une véritable vie intellectuelle, une véritable identité culturelle, avec souvent une trajectoire familiale. Ils ont leur manière bien à eux de voir les choses. Le second PCF consiste en la base, qui a une lecture romantique des choses ; le troisième tient en les sympathisants et tout ce qui s’y rattache, avec bien entendu la fête annuelle de l’Humanité comme cadre unitaire.

Voici un exemple du point de vue des cadres, qui surprendra sans doute beaucoup de monde, puisqu’il y a une dénonciation ouverte du capitalisme. Quand on pense au PCF, bien souvent, on a en tête une logique gouvernementale de conquêtes des droits sociaux, on pense aux élus, on le voit comme une sorte d’aile gauche du Parti socialiste et d’ailleurs il y a depuis plusieurs années le serpent de mer du congrès de Tours « à l’envers ».

C’est bien plus compliqué que cela comme le montre « Agir », une tentative récente d’inscrire les communistes dans une perspective par rapport aux entreprises. On y voit en effet qu’il est parlé d’affrontement de classe, de remise en cause du capitalisme et de son dépassement, tout un discours que le PCF n’a absolument nulle part… à part de manière interne.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le PCF est depuis les années 1960 – voire avant mais cela se discute davantage – le représentant politique de la CGT. C’est pour cela que dans la première page on lit des propos comme quoi il faut investir l’État et les entreprises, comme quoi la crise serait déjà là depuis plusieurs années. Il y a à l’arrière-plan la même conception que depuis les années 1960 comme quoi il serait possible de conquérir l’État pour permettre une démocratisation des entreprises en procédant à l’autogestion. Ayant cette perspective depuis plus de 50 ans, le PCF n’a donc pas été touché par l’effondrement du bloc de l’Est, parce qu’intellectuellement et culturellement, son centre de gravité c’est la CGT.

Deux revues expriment cette vision du monde et permettent de former des cadres. Il y a d’un côté Cause commune, qui aborde les questions politiques et sociales, il y a de l’autre Économie et politique, qui s’occupe comme son nom l’indique de l’économie, de l’économie politique. Dans les deux cas on est dans le monde universitaire, avec des intellectuels très propres sur eux (pour ne pas dire lisses), d’esprit post-marxiste et considérant que le communisme est une utopie qui vient s’installer d’elle-même si on s’y prend bien.

Ce premier PCF, on s’en doute, vit en vase clos. Il ne s’appuie pas politiquement sur le PCF du passé, qui tient pour lui seulement à des références à utiliser pour exister auprès de la base ; lui-même se considère comme un PCF prolongé, concrétisant le choix fait des les années 1960 de partir à la conquête de l’État, pour maîtriser l’économie et réaliser ainsi une « démocratie avancée ». Pour ce premier PCF, d’ailleurs, tout le passé n’aura eu qu’un seul sens : aboutir au PCF d’aujourd’hui. Ce premier PCF est pour cette raison extrêmement optimiste.

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Valéry Giscard d’Estaing, l’Emmanuel Macron des années 1970

Décédé à 94 ans des suites du Covid-19, Valéry Giscard d’Estaing a subi la malédiction d’avoir été un ultra-moderniste passant pour un ringard.

Valéry Giscard d’Estaing a une très mauvaise image. Il a perdu les élections en 1981 et s’est depuis coltiné l’image d’un autocrate arraché à son trône. La presse bourgeoise raconte évidemment que sa défaite a comme raison l’absence de soutien de Jacques Chirac ou bien l’affaire des diamants qui lui ont été donnés par le président de la République centrafricaine Jean-Bedel Bokassa.

En réalité, la Gauche avait réussi à mobiliser contre son libéralisme appauvrissant les masses et son identification très claire à la bourgeoisie moderne, entreprenante, magouilleuse, décadente. Valéry Giscard d’Estaing, c’est un arrière-plan terriblement douteux moralement et le choix d’une France pro-européenne, alignée sur le capitalisme américain et prônant un libéralisme culturel massif.

Car Valéry Giscard d’Estaing, en tant que président, fut un jeune président – 48 ans – partisan de la modernisation du capitalisme et de la libéralisation des mœurs, ce qu’il appelait la « société libérale avancée ».

C’est ce qu’espérait être Emmanuel Macron aujourd’hui, du moins ce que la haute bourgeoisie financière, tournée vers l’international et foncièrement cosmopolite dans son mode de vie, a espéré qu’il soit. Le quotidien Le Monde résume tout à fait bien les choses quand sa nécrologie explique de Valéry Giscard d’Estaing que :

« Il incarne le changement sans rupture et transforme – en peu de temps – la société française durablement. »

Le Figaro le note pareillement :

« Il se voulait alors l’incarnation d’une modernité triomphante, issue du centre-droit libéral et démocrate-chrétien qui a bâti l’Europe d’après-guerre. »

Valéry Giscard d’Estaing, c’est le divorce par consentement mutuel, c’est le développement du TGV, c’est le regroupement familial pour les immigrés, c’est l’absence de costume traditionnel en queue-de-pie pour son premier discours présidentiel, c’est l’absence de collier de grand maître de la Légion d’honneur pour le portrait officiel, c’est la visite chez des gens au hasard et l’invitation d’éboueurs au petit-déjeuner à l’Élysée.

Valéry Giscard d’Estaing, c’est la création d’un secrétariat d’État à la Condition féminine (confiée à une journaliste, Françoise Giroud), c’est le changement du bleu du drapeau français dans une version moins agressive, c’est le ralentissement d’une Marseillaise jouée moins forte, c’est la fin de la censure pour le cinéma.

Valéry Giscard d’Estaing, c’est la transformation de la gare d’Orsay de Paris en musée servant d’ode à la bourgeoisie de la belle époque, c’est l’initiative de faire une Cité des sciences et de l’industrie à Paris, c’est la mise en place des premières Journées du patrimoine, c’est la création du Conseil européen, c’est l’instauration avec l’Allemagne du Système monétaire européenne et de l’ECU comme unité de compte européenne.

Valéry Giscard d’Estaing, c’est la tenue en France d’une réunion des cinq pays occidentaux les plus industrialisés (en 1975 à Rambouillet et qui deviendra le G5, le G7, etc.), c’est la dépénalisation de l’avortement, c’est la fin de l’ORTF (c’est-à-dire la télévision publique et sous tutelle) et de son monopole, c’est le droit de vote à 18 ans (et non plus 21).

Valéry Giscard d’Estaing, c’est l’institution de la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et d’une loi d’orientation en faveur des handicapés, c’est la décision de construire le supergénérateur nucléaire nommé Superphénix et la mise en place la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) et l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN).

C’est là qu’on se dit : mais tout cela, la gauche gouvernementale trouve cela désormais très bien. Et on comprend alors le décalage complet vis-à-vis de la Gauche de 1981 et la joie que pouvait représenter le départ de Valéry Giscard d’Estaing. La gauche gouvernementale française s’est tout simplement transformée en équivalent des « démocrates » américains, avec le même populisme, le même libéralisme culturel, le même capitalisme accepté mais « amélioré ».

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Les réactions politiques au décès deValéry Giscard d’Estaing

C’est tout naturellement que la mémoire de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing a été immédiatement salué dans la nuit du 2 au 3 décembre 2020 par la Droite et les libéraux, suite à l’annonce de son décès. Il est unilatéralement présenté comme une figure ayant porté la « modernité ».

De La République En Marche, le parti d’Emmanuel Macron, évoquant celui qui « a œuvré pour une nation moderne », à Nicolas Sarkozy parlant d’« un homme qui a fait honneur à la France » et qui a « cherché et réussi à moderniser la vie politique », l’éloge est toujours du même ressort.

Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a parlé de celui qui « modernisa notre République », tout comme Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France et figure de la Droite, rappelant « des réformes sociétales d’envergure ». Le président de Les Républicains Christian Jacob y a lui aussi été de son petit mot sur la « conviction et détermination à la modernisation de notre société » de l’ancien président, tout comme à peu près tout le monde à Droite et au « centre ».

Du côté nationaliste, Marine Le Pen a choisi l’option opportuniste, pour saluer et ramener à elle celui qu’elle est censée honnir :

« Condoléances aux proches de Valéry Giscard d’Estaing. Président d’une France en crise, il fut l’artisan de nouvelles libertés publiques et un ardent soutien du progrès technologique. En 2018, il confessa que sa plus grande erreur fut d’instaurer le regroupement familial. MLP »

Remarquons ici pour l’anecdote que l’extrême-droite étudiante activiste se voulant sociale, les Groupes d’Action Jeunesse, qui se confrontaient physiquement au GUD, ont participé au service d’ordre de Valéry Giscard d’Estaing, une pratique courante en ce sens de la part de ceux se voulant « nationaux-révolutionaires ».

C’est en ce sens qu’il faut comprendre les propos très durs d’Eric Ciotti pour rappeler le caractère anti-communiste de Valéry Giscard d’Estaing :

« Valery Giscard d’Estaing a été un immense président L’une des plus belles intelligences de la République un héraut de la liberté et de la lutte contre le communisme Il aura vraiment changé la vie des Français Sa défaite en 1981 a marqué pour la France un tournant vers le déclin. »

Anne Hidalgo, qui espère être candidate aux présidentielles, ne peut pas ne pas le savoir, mais évidemment elle n’en a rien à faire et a sauté sur l’occasion pour renier toute considération de gauche en associant Valéry Giscard d’Estaing au « progrès » :

« Je salue cet Européen convaincu qui a œuvré pour inscrire notre pays sur la voie du progrès. Il portait Paris dans son cœur et lui a toujours voué un intérêt tout particulier. »

Olivier Faure, le dirigeant du Parti socialiste, a pareillement joué la carte du « progrès » :

« Toutes mes condoléances à sa famille et ceux qui l’ont accompagné au cours de sa longue vie politique. Les socialistes n’oublient pas la légalisation de l’IVG, le droit de vote à 18 ans, le divorce par consentement mutuel. »

Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, a quant à lui salué au nom de son parti un concurrent politique, afin de bien souligner le respect des institutions, des figures de la Droite, etc. 

« Le PCF s’incline avec respect et salue la mémoire de V.Giscard d’Estaing. C’était un homme de conviction qui a, jusqu’au bout, y compris avec le Traité constitutionnel défendu une économie et une Europe très libérale. »

De son côté, François Hollande y est allé franchement dans l’hommage à cette figure libérale « qui a modernisé la France» tout en étant incompris. Une allusion bien entendu à lui-même :

« Conscient de sa grande intelligence qu’il mettait au service de son pays, il espérait apparaître comme un président simple et proche des Français. Il n’a pas toujours été compris ».

Comme avec le décès de Jacques Chirac en 2019, on a une grande opération de lessivage idéologique et politique, avec la Droite valorisant l’un des siens, mais personne à Gauche pour assumer une critique sérieuse et profonde de la France capitaliste du XXe siècle, dont Valéry Giscard d’Estaing était une illustration moderniste.

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Protestations contre la «loi de sécurité globale»: psychodrame à la française

Malgré le confinement ou plutôt en raison de lui, l’agitation anti-État s’est vigoureusement exprimée par des manifestations contre la « loi de sécurité globale » voulue par le gouvernement.

C’est un cinéma qu’on retrouve de manière régulière depuis très longtemps en France. Notre pays est en effet très marqué par la petite propriété et pour cette raison, les discours libéraux-libertaires sont une grande tradition. Il y a une longue tradition allant de Proudhon à Michel Onfray, en passant par Céline, Camus, l’anarchisme de droite, l’anarchisme tout court, les gilets jaunes, etc.

Et c’est donc ce cinéma qu’on retrouve avec les protestations contre une « loi de sécurité globale » qui, dans le fond, n’apporte strictement rien de nouveau aux rapports sociaux. Il s’avère en effet simplement qu’à chaque progrès technique, la police systématise l’utilisation des avancées. La vidéosurveillance est un excellent exemple de cela, bien sûr.

Quiconque prend le métro, le RER, le train de banlieue, le bus en région parisienne peut ainsi être suivi par caméra de bout en bout (à part dans les rames le plus souvent, mais il y a donc les entrées, les sorties, les quais, etc.). Il y a également 293 caméras visant la circulation, ce qui signifie que si vous passez à Paris et qu’on veut suivre tous vos déplacements, on peut. Rappelons également qu’il y a le passe Navigo qui est individualisé et fournit donc tous les déplacements, leurs horaires (le pass Navigo découverte qui lui coûte cinq euros ne fournit pas l’identité).

Il y a à Nice 2 666 caméras, 411 à Nîmes, plus de 200 à Perpignan, Orléans (ville du néant), Annecy, Mulhouse…

Tout cela pour dire que les gens ayant manifesté contre la « loi de sécurité globale » sont totalement en décalage avec ce qui existe déjà. Et encore on ne mentionne pas ce qui est para-légal ou clandestin de la part des services politiques de la police – les renseignements généraux – qui d’ailleurs officiellement n’existent plus !

En Allemagne, il y a chaque année un rapport très détaillé de la police sur l’extrême-gauche qui sort, et l’extrême-gauche publie au moins une fois par moins un compte-rendu d’une tentative d’approche de gens par les services pour servir d’informateurs. Difficile de ne pas penser qu’en France on n’aurait pas le même niveau de surveillance…

La « loi de sécurité globale » accompagne ce processus enclenché depuis bien longtemps. Les policiers municipaux verront leur statut élargi grosso modo à celui des policiers judiciaires, les images des caméras-piétons des policiers pourront être lues et enregistrées en direct par les postes de commandement, il y a une légalisation de l’utilisation des drones par la police et une interdiction de la diffusion d’images de policiers dans une perspective « malveillante ».

Si on veut la révolution, ce n’est évidemment pas pratique et il aurait mieux fallu la faire en 1920, c’est certain ! Quoiqu’il faut savoir que déjà le niveau de surveillance était extrêmement élevé et qu’en 1914 il y avait une liste très détaillée des subversifs à arrêter au cas où… Mais comme ils ont tous soutenu la guerre, le problème ne s’est pas posé !

Et, de toutes façons, quand on veut vraiment la révolution, on y parvient toujours, quel que soit le mur en face. Mais la veulent-ils la révolution, les quasi 50 000 personnes ayant manifesté à Paris samedi 28 novembre 2020, les milliers d’autres dans des dizaines de villes ? Non, ils ne la veulent pas. Ils veulent protester contre l’État de manière anarchiste ou semi-anarchiste ; ils sont même tout à fait opposés à une société collective, collectivisée, car pour eux c’est le totalitarisme, c’est 1984, c’est Orwell !

Mais le plus génial dans tout cela, c’est la chose suivante : la France n’utilise pas tout son arsenal, ni toute sa surveillance. Elle laisse faire. Chaque manifestation sérieuse en France a son lot de casse et une ville comme Nantes a son centre-ville régulièrement démoli. Le nombre d’arrestations est, dans ces cas de casse, toujours extrêmement restreints comparés à ce qu’ils pourraient être de manière assez facile.

Pourquoi ? Car l’État se sert de cette protestation stérile comme d’une soupape de sécurité. X casse une vitrine, Y écrit anarchie sur un mur, Z renverse une voiture ? Parfait ! Ils croient avoir fait quelque chose et le reste du temps, ils ne militent pas, ils ne font rien, ils vivotent en s’imaginent rebelles. Et tout continue comme avant.

Arrivent alors ceux qui disent qu’il faut réformer la police ; ils profitent de l’élan trouvé pour se faire des voix aux élections. Le régime, quant à lui, n’a pas mené de répression : c’est tout bénéfice niveau légitimité. Des anarchistes, des réformistes et tout est parfait pour l’État français ! Et cela fait bien longtemps que cela dure… Alors la « loi de sécurité globale », franchement, quelle importance ? Ce n’est qu’une cerise sur le gâteau, une roue de secours si cela s’emballe malgré tout sans le faire exprès.

Comme on est loin d’un mouvement de Gauche conscient, organisé en France !

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La «loi de sécurité globale»: discours baroques pour la «transition»

À défaut de critique de la société, la dénonciation gouvernementale est de mise et la « loi de sécurité globale » offre une course dans la démagogie. Celle-ci suit en pratique le « programme de transition » de Léon Trotsky.

On a atteint le fond niveau caricature. Pour Jean-Luc Mélenchon, le fait que l’État ne soit pas capable d’établir un réel second confinement ne compte pas : ce qui compte ce sont les élections et il faut donc dénoncer, quitte à inventer.

« Un régime autoritaire se met en place. Avec la loi «sécurité globale», les macronistes sont en train de mettre la France en cage. »

Il est vrai qu’il l’a dit lors de son premier meeting numérique, qui fut un succès avec plus de 200 000 personnes. Il faut bien trouver quelque chose à dire qui porte, à défaut d’avoir une critique de la société. On ne soulève pas les foules avec les droits des animaux ou la remise en cause de la société de consommation. Alors on dénonce le gouvernement et surtout le chef de l’État, profitant de la personnalisation de la Ve République.

Une telle démagogie est très rentable dans notre pays. Elle n’engage à rien, elle permet de jouer à se faire peur, de se donner une image très offensive ; c’est une petite passion à bas prix.

Naturellement, si on charge trop la barque, cela se voit tout de même. Enfin, si cela permet d’exister… Pour le Groupe Marxiste Internationaliste, par exemple, on est d’ailleurs au bord du grand soir. Non seulement il y a des grèves… mais même des manifestations ouvrières ! Et ce n’est pas tout : elles sont violemment réprimées, à coups de matraque et même de balles en caoutchouc ! Surréaliste.

« Les migrants, les grévistes et les participants des manifestations ouvrières savent que c’est bien la police républicaine ou les compagnies républicaines de sécurité qui distribuent les coups de matraque et tirent les balles en caoutchouc ! »

Pour la fraction l’Etincelle membre du NPA, on est pareillement à la veille du grand soir :

« Les dirigeants des États pourront peut-être faire taire, un temps, des journalistes ou des militants. Mais la répression n’a jamais pu faire taire une population déterminée. Tôt ou tard, un quelconque préfet sera contraint d’envoyer un message à ses chefs, comme le fit le chef des flics du tsar en février 1917 : « L’ordre n’a pu être rétabli à Petrograd ». Le plus tôt sera le mieux ! »

Il faudrait d’ailleurs, comme le demande Combattre pour le socialisme, un « gouvernement ouvrier » immédiat de remplacement :

« Pour le retrait/abrogation de la loi Sécurité Globale dans son intégralité ! Pour l’abrogation de la LPR, deux attaques d’une rare violence contre les libertés démocratiques ! Front Unique des organisations du mouvement ouvrier (CGT, FO, FSU) et UNEF ! Pour défaire Macron, qu’elles appellent à une : grande manifestation nationale au siège du pouvoir ! »

C’est là qu’on se dit : tout de même, il y a un dénominateur commun trop clair depuis Mélenchon jusqu’à ces groupes. Ce dénominateur commun, c’est le programme de transition de Léon Trotsky, un texte classique du trotskisme, pour ne pas dire d’ailleurs le texte classique. Son sous-titre résume bien l’objectif de l’ouvrage : « La mobilisation des masses autour des revendications transitoires comme préparation à la prise du pouvoir ».

Cette transition n’est pas celle menant à la révolution, mais à la phase révolutionnaire : il s’agirait de charger à fond quelques revendications pour prendre la direction du mouvement de masse. Une fois cela fait, on passe au programme révolutionnaire.

Cela revient strictement à ajouter de l’huile sur le feu en tentant de dépasser les revendications faites, comme en ce moment où le Nouveau Parti Anticapitaliste réclame le « désarmement de la police ».

Et c’est exactement le sens de la mobilisation du 28 novembre 2020, qui est une rencontre traditionnelle entre une Gauche gouvernementale, républicaine (voire « républicaniste ») et une gauche trotskiste cherchant à déborder à coups de revendications ciblées. Le 28 novembre a été un vrai fantôme des années 1980 !

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Politique

Génération-s refuse à sa convention de devenir le satellite d’EELV

Génération-s a fait voter ses membres et la liste prônant une alliance avec EELV, et non une satellisation, l’a emporté.

Génération-s a trois ans, ayant été fondé en 2017, et cela semble être une éternité tellement le monde change. Il n’y avait guère de monde et encore moins d’organisation sur la pelouse de Reuilly à Paris pour l’acte fondateur, mais Benoît Hamon qui en était à l’origine a réussi son pari : pérenniser un mouvement post-socialiste (avec notamment une large partie des Jeunes Socialistes).

Benoît Hamon a fini par se mettre formellement en retrait, tout en continuant ses activités en faveur du revenu universel. Ce sont Guillaume Balas et Claire Monod qui ont tenu la barque alors, les deux étant à l’origine de deux motions s’opposant à la convention en ligne venant de se tenir à la fin novembre 2020.

Cela donne 69,94% de voix à la motion Utile.s pour l’avenir et 26,29% à Pour que l’écologie rassemble la gauche (avec 3,78% de votes blancs). Naturellement, le vote pour le binôme de coordination nationale est strictement équivalent : Benjamin Lucas et Sophie Taillé-Polian ont reçu 71,26% des voix, Frédéric Kalfon et Claire Monod 23,69%, avec 5,05 % des voix.

Cette élection a été marquée par deux scandales internes. Tout d’abord, une troisième liste a abandonnée une semaine avant le vote, pour soutenir Benjamin Lucas et Sophie Taillé-Polian, ce qui laisse l’idée amère que c’était prévu afin de ratisser plus large. Enfin, Benjamin Lucas et Sophie Taillé-Polian ont eu 24h avant le début du vote le soutien de Benoît Hamon.

On l’aura compris, le binôme ayant gagné avait le soutien de la direction. Il faut dire qu’il n’est pas bien difficile de comprendre que le binôme perdant roulait pour EELV. En effet, la première motion se revendique de la Gauche et elle assume l’écologie, alors que la seconde se revendique de l’écologie et assume d’être de gauche.

Ou, pour dire les choses plus franchement, les deux sont d’accord pour placer Europe Écologie les Verts au centre, mais les premiers veulent l’indépendance et une alliance avec l’espoir d’être le pôle de gauche et prendre la place du Parti socialiste, les seconds acceptent d’être un satellite d’EELV lors de son dépassement prévu pour les présidentielles.

On lit dans la première motion :

Ecologistes assumé.es, nous nous revendiquons sans complexe de la Gauche​, parce qu’elle est l’héritage mêlé des Lumières et des mouvements ouvriers, au cœur des avancées démocratiques les plus importantes de notre pays, de l’abolition de l’esclavage à celle de la peine de mort, du suffrage universel sans discrimination de genre à la liberté de la presse. Nous nous inscrivons dans un héritage de deux siècles de conquêtes sociales, de la limitation de la journée de travail à 10h aux congés payés, du salaire minimum à la semaine de 35h (…).

Génération.s est le mouvement de gauche qui pense le monde qui vient, là est notre force collective. Alors que les partis “traditionnels” sont encore divisés sur la rupture avec le productivisme, notre mouvement s’est construit précisément autour de l’hybridation entre pensée socialiste et écologiste, notamment à travers un rapport au travail fondamentalement différent, et la mise en place du Revenu Universel d’Existence. Nous portons les germes de la Gauche écologiste de demain.

Notre identité, c’est l’unité. Aujourd’hui, nous faisons le constat que l’écologie politique, et EELV singulièrement, doit occuper une place centrale dans la recomposition. L’écologie remet au centre du jeu le clivage gauche-droite et remet l’humain et la planète au cœur des projets politiques.

On lit dans la seconde motion :

L’écologie politique est devenue une force majeure, l’injonction à agir une priorité populaire et citoyenne qui embrasse les valeurs fondamentales de la gauche et invite à la reformulation des enjeux, des moyens et du projet. Le moment est venu (…).

Nous proposons de valider le principe d’engager Génération.s dans la fondation avec l’ensemble des mouvements écologistes, d’un nouveau mouvement de la gauche réinventée, la maison commune de l’écologie, sociale, solidaire, populaire et démocratique (…).

Pour Génération.s l’achèvement de ce dépassement devra necessairement se concrétiser par la consultation des adhérent.es pour la création d’un nouveau parti, la maison commune, fondée sur l’écologie sociale qui constituera le socle du champ progressiste pour les décennies à venir.

Génération-s s’est en fait préservé d’une liquidation. On ne peut que se réjouir que des gens se revendiquant de la Gauche tiennent le choc face à ceux qui veulent diluer la Gauche dans… on ne sait pas trop quoi. On notera toutefois que ce on ne sait pas trop quoi a des aspects très sympathiques : il y a un vrai souci écologiste et c’est une bonne chose. Et le souci est que Génération-s entend combiner la Gauche et l’écologie en assumant, sans le dire, les thèses des années 1970-1980 de la CFDT, du PSU, de l’Alternative Rouge et Verte, des Alternatifs… c’est-à-dire les thèses de ce qu’on appelle historiquement la « seconde gauche ».

Génération-s pare ainsi au phagocytage d’EELV en rompant par la droite avec le Parti Socialiste ; on l’aura compris, il ne s’agit pas du tout d’un retour vers la SFIO et le mouvement ouvrier, les luttes de classe et le Socialisme. On est dans une critique intellectuelle du capitalisme, à l’image des gens de Génération-s, qui sont sympathiques, mais foncièrement bourgeois, avec un côté mi-bobo mi-endimanché. Dans un contexte de crise en expansion, on peut estimer que cela ne suffira pas.

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Guerre

Le Sénat reconnaît la «République d’Artsakh» avec la complicité de la Gauche gouvernementale

Mercredi 25 novembre, l’État français, par la voie du Sénat, a pris une position dans la question caucasienne du Nagorno-Karabagh arménien : celle de prendre fait et cause pour le nationalisme arménien et de le soutenir dans sa fuite en avant suicidaire, en votant à la quasi-unanimité pour la reconnaissance d’une « République d’Artsakh » hors de toute réalité.

Maintenant donc que les combats ont cessé, maintenant que l’armée russe occupe le terrain et que la situation est verrouillée, gelée, les parlementaires français sortent de leur torpeur pour s’exprimer. Les sénateurs ont adopté à une écrasante majorité une résolution proposant la reconnaissance de l’indépendance de la dite « République d’Artsakh », soit ce qu’il reste du Karabagh arménien : sur 306 suffrages exprimés (pour un total de 336 sénateurs), il y a eu 305 pour, 1 contre, 30 abstentions.

Les abstentions relèvent du parti gouvernemental, LREM ; la résolution a été mise en place par la Droite et appuyée… par la Gauche ! Lancée par Bruno Retailleau (LR), la résolution a été signé par Hervé Marseille (centriste), Patrick Kanner (PS), Eliane Assassi (CRCE à majorité communiste) et Guillaume Gontard (écologiste).

C’est là une capitulation idéologique de la Gauche gouvernementale devant l’occidentalisme de la Droite. Rappelons d’ailleurs que la « République d’Artsakh » n’est officiellement reconnue par personne, même pas par l’Arménie qui pourtant la contrôle, ou plus exactement la contrôlait.

Cela signifie que cette reconnaissance symbolique s’insère dans l’interventionnisme français en Orient, sur un mode occidentaliste.

Toute la séance a été l’occasion pour de nombreux sénateurs de prononcer un discours, le plus souvent sur une ligne totalement romantique, flattant l’orientalisme français et sa vision d’une Arménie chrétienne, martyre et rempart de l’Occident face à l’Empire ottoman, etc.

On est là dans la posture, dans le délire romantique le plus absolu, d’autant que tous ces discours ne mènent littéralement à rien dans les faits pour le Karabagh et les Arméniens. Ils ont toutefois deux fonctions. La première, c’est de chercher à légitimer une guerre franco-turque.

Ensuite, ils flattent la communauté arménienne de France, en la piégeant dans son propre chauvinisme, et en la poussant toujours plus à tourner le dos aux nombreux Turcs de notre pays et à imaginer qu’ils servent, ou sauvent, ce qui reste du Karabagh arménien, alors qu’en fait pas du tout.

Le Karabagh est utilisé par l’occidentalisme, il est un prétexte. Dans les faits, ces discours accompagnent simplement l’occupation russe et le séparatisme arménien au Karabagh, en rejetant toute possibilité de vie commune entre Arméniens et Turcs et en installant les forces expansionnistes de la Russie, tout en appelant à les compléter avec une intervention européenne, surtout française.

Seul le sénateur Alain Richard – ex PSU, ex PS, désormais LREM – a eu l’intelligence de souligner l’importance du droit et la nécessité absolue de chercher une solution avec l’Azerbaïdjan, et avec la Turquie, et de s’abstenir sur cette base de voter pour cette résolution. Les sénateurs liés au PCF, au PS ou à EELV ont donc quant à eux voté en faveur de cette résolution. Quelle honte !

Il y a bien sûr la nécessité de protéger les populations civiles arméniennes du Karabagh et de garantir un cessez-le-feu effectif sur le terrain, comme le demande la résolution. Mais cela ne justifie pas tout et n’importe quoi. Cette proposition a largement été portée par la Droite, qui vise à quelque chose de politiquement très clair. Par la voix de Bruno Retailleau et de Valérie Boyer, la ligne a été fixé comme suit : considérer les Arméniens comme des « chrétiens d’Orient » pour lesquels la France aurait une obligation particulière, avec en arrière-plan toute une mythologie remontant aux traités dits des Capitulations conclues entre Soliman le Magnifique et François Ier au XVIe siècle.

En quoi est-il rationnel que la Gauche s’associe à cela ? Sauf à avouer qu’elle a en fait rien à proposer concernant l’Orient, voire l’international, ou plutôt rien de fondamentalement différent de ce que la Droite propose.

On voit là d’ailleurs à quel point l’ethno-différencialisme a contaminé la Gauche sur le plan idéologique, puisqu’on a ici une unanimité totale sur la validation de la ségrégation identitaire comme solution politique au conflit entre Arméniens du Karabagh et Azéris.

Bakkal Karabet’in ısıkları
yanms Affetmedi bu Ermeni vatanda
Kürt daǧlaranda babasının kesilmesini. 
Fakat seviyor seni, çünkü sen de affetmedin 
Bu karayı sürenleri Türk halkının alnına.

Les lampes de l’épicerie de Karapet brillent,
Le citoyen arménien n’a jamais pardonné
qu’on ait égorgé son père sur la montagne kurde.
Mais il t’aime, car toi non plus tu n’as pas pardonné
Ceux qui ont marqué cette infamie sur le front du peuple turc.

Nazim Hikmet (1901-1963)

À aucun moment il n’est fait mention dans la résolution de l’importance historique des Arméniens en Azerbaïdjan comme composante nationale, ce qui soit dit en passant valide complètement la propagande de guerre du régime raciste de Bakou. À aucun moment il n’est fait mention de la vie commune des peuples caucasiens et seul ici Alain Richard à nouveau, a pensé à rappeler que la Géorgie restait l’exemple d’un État multi-national, avec des Azéris et des Arméniens en son sein, et que cela pourrait être a minima un exemple à suivre…

Aucun mot aussi sur les contradictions que traversent l’Azerbaïdjan, qui n’a pas encore osé publier le bilan officiel de ses pertes humaines, et qui n’est d’ailleurs pas parvenu à atteindre fondamentalement son objectif de reconquête. Pire encore, ce pays voit sa position internationale se dégrader, alors que déclinent ses capacités d’exportations en hydrocarbures à mesure que la crise s’approfondit. Aucun mot aussi sur les contradictions en Turquie, où la position du président Recep Tayyib Erdogan est loin de faire l’unanimité au sein de la société turque.

Aucun mot non plus sur l’exode de masse que connaît l’Arménie, d’ailleurs depuis 1991, et que cette guerre va encore dramatiquement accentuer. Il y avait 3,6 millions d’habitants en Arménie, il y en a désormais moins de trois millions ; il y a même entre 10 000 et 100 000 Arméniens vivant illégalement à Istanbul comme immigrés économiques.

Le sens profond de cette campagne est de contribuer à légitimer une guerre franco-turque ! Telle est la triste réalité, avec une Droite au service des thèses géopolitiques françaises et qu’accepte la Gauche gouvernementale qui crache littéralement sur l’internationalisme, l’amitié des peuples du monde.

Rappelons les bases : le mot d’ordre historique de la Gauche, c’est de porter la paix et de rassembler les peuples… d’accompagner leur mélange. Ce n’est pas de pratiquer l’ethno-différentialisme et de célébrer les nationalismes et d’accompagner le militarisme. Il faut tracer une ligne rouge, nette et précise, affirmant la Démocratie, appuyée par l’élan de la culture et portée par le peuple… Contre le nationalisme et la guerre !

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Politique

Le populisme d’Arnaud Montebourg à propos de la dette

Arnaud Montebourg fait partie des figures politiques dont il est de plus en plus souvent parlé pour l’élection présidentielle de 2022. Chantre du « made in France », sa marque de fabrique est une sorte de nationalisme « de gauche », c’est-à-dire qu’il fait du Marine Le Pen, mais en plus « soft » si l’on veut. Son nouveau credo, pour se donner un air « de gauche », est de prôner un peu partout l’effacement de la dette publique : c’est là du populisme, dans le but d’éviter à tout prix la lutte des classes.

Structurellement, le capitalisme fonctionne depuis de nombreuses années par la dette. Les grands États modernes sont endettés et s’endettent en permanence, mais c’est également le cas des grandes entreprises mondiales. La crise sanitaire du Covid-19 a profondément accéléré ce processus tout au long de l’année 2020 et cela devient de plus en plus une source d’inquiétude.

En effet, qui dit dette, dit remboursement et à un moment donné la question se pose toujours de savoir « qui va payer ». Par divers artifices, les banques centrales arrivent à repousser le problème en déversant artificiellement de la monnaie dans l’économie. Ce n’est pas nouveau, mais là encore cela s’est approfondie durant cette année 2020.

N’importe qui ayant un esprit rationnel et connaissant la vie quotidienne dans le capitalisme sait très bien qu’il n’y a pas d’argent magique. Alors quand de l’argent est créé ou emprunté, il faut bien que cela corresponde à une certaine valeur, et donc que quelqu’un en paie le prix, si ce n’est tout de suite, au moins à un moment donné. Pour payer, il y a la monnaie bien sûr, qui est dépensée ou dévaluée, mais il y a aussi et surtout le travail (qui est de toutes manières toujours à l’origine des richesses).

La réponse de la Gauche à cela, en tout cas de la Gauche historique, est très simple : il faut mener la lutte des classes, pour que ce soit la bourgeoisie qui paie et rogne sur son mode de vie, mais certainement pas les classes populaires qui devraient être plus pauvres et travailler plus. Cela nécessite cependant d’assumer l’affrontement contre le capitalisme et ses représentants, ce dont une personne comme Arnaud Montebourg (qui se vante d’être un chef d’entreprise) ne veut surtout pas entendre parler.

On peut même dire qu’Arnaud Montebourg a une crainte profonde à l’idée que les masses puissent se révolter contre le capitalisme, comme il l’explique à la presse :

« Si quiconque est capable de me dire comment nous allons rembourser 500 milliards de dette en plus, soit sept fois le produit annuel de l’impôt sur le revenu… C’est impossible, et nous ne pourrons pas le faire sans des jacqueries et des révoltes »

Pour éviter cela, il veut acheter la paix sociale et a donc une « magnifique » idée… Annuler purement et simplement la dette ! Un coup de baguette magique de la Banque centrale européenne, abracadabra les problèmes disparaissent !

Il prône donc :

« une annulation concertée de toutes les dettes Covid de tous les pays de la zone euro, et un rachat massif par la Banque centrale européenne, qui ne spoliera personne. »

Cela n’a aucun sens, à moins de risquer un effondrement total de l’économie, par une perte de confiance généralisée engendrant une crise sans précédent. Il y a toutefois de prétendus économistes pour expliquer aux gens qu’ils n’ont rien compris et que tout est possible dans le capitalisme, tellement le capitalisme est merveilleux. C’est le cas par exemple de Gaël Giraud du CNRS, sur lequel s’appuie Arnaud Montebourg pour défendre ses thèses fantaisistes.

Ces gens-là sont des menteurs bien entendus, mais leurs prétentions sont bien formulées et peuvent avoir de l’audience, surtout dans un pays comme la France qui a décidé de s’asseoir sur la lutte des classes depuis des années et des années pour croire au capitalisme (tout en prétendant ne pas y croire, pouvoir le réformer, etc.)

Mais on n’arrête pas ainsi la roue de l’Histoire et les gens comme Arnaud Montebourg n’iront pas bien loin quand celle-ci reprendra ses droits. Il en sera alors fini des mensonges populistes et ce sera à nouveau, enfin, l’époque de la lutte des classes ! Si les classes populaires ne veulent pas payer le prix de la dette « Covid », elles doivent faire payer la bourgeoisie : c’est aussi simple que cela !

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Guerre

Gauche française sur le Karabagh: balkanisation identitaire ou démocratie portée par le peuple?

Sur toute la crise du Nagorny-Karabagh, la Gauche française a lamentablement raté son devoir : affirmer ses valeurs et ses principes, c’est-à-dire la Démocratie et la Paix entre les peuples.

À de rares exceptions près, la Gauche française et l’opinion publique favorable à la paix ont attendu bien silencieusement la fin du conflit au Karabagh pour prendre position sur le fond. C’est tellement vrai qu’on a un « appel des artistes français en faveur de l’Arménie et de l’Artsakh » mis en avant par Le Figaro, en date du 20 novembre, soit alors que tout a été déjà plié politiquement, militairement et diplomatiquement depuis dix jours !

Cet appel, qui résume les Azerbaïdjanais à des monstres envahisseurs, n’est pas sans rappeler celui du 11 novembre et publié sur L’Obs : « Haut-Karabakh : pourquoi ce silence de la gauche occidentale ? ». Rappelons qu’on était là… déjà près de 48h après la capitulation de l’Arménie !

C’est que le problème est complexe et qu’il y a grosso modo trois camps.

Il y a ceux qui ont pris partie pour les vainqueurs, soit en ne disant rien, soit en pratiquant un suivisme sans aucun sens critique. On a vu des reportages de BFMTV, des articles du Monde même, reprendre presque mot pour mot la propagande de guerre du régime de Bakou. Ce dernier a évidemment forcément fait tourner à fond ses réseaux, ses distributions de pétro-dollars pour des « partenariats », de la corruption, etc.

Il y a ceux qui ont refusé la simplicité apparente d’une telle victoire et ont regardé vers l’inévitable horizon soviétique, puisque dès les années 1920, il y avait déjà trois fois plus d’Arméniens à Bakou et dans les grandes villes d’Azerbaïdjan qu’au seul Karabagh. Un Karabagh dont les Arméniens se tournaient vers la ville de Gandjak/Gəncə en Azerbaïdjan, bien plus alors qu’à la capitale arménienne qu’aucune route ne reliait au Karabagh. Stepanakert, la capitale du Karabagh que les nationalistes turcs veulent rebaptiser Xankəndi, s’appelle également ainsi en mémoire du plus grand révolutionnaire d’Azerbaïdjan, le bolchévik arménien Stepan Chahounian.

L’idée est alors rapidement formulée que l’URSS avait réussi à neutraliser les nationalismes et à instaurer des rapports productifs entre les peuples, grâce à Staline qui était, après tout, un Caucasien expert en nationalités. C’est la ligne « caucasienne » défendue par le PCF(mlm).

À l’opposé de cette lecture soviétique caucasienne typiquement années 1930-1950, le PCRF qui valorise l’URSS également après cette période considère que la situation a désormais changé et que les Arméniens du Karabagh portent désormais un mouvement de libération nationale. Il faut donc l’auto-détermination, mais sans tomber dans les jeux « impérialistes ».

Le PCF dit quant à lui la même chose que le PCRF, mais en appelant, en plus de la reconnaissance de la « République d’Artsakh », à sa « mise en protection internationale » : il faudrait que l’Union européenne et la France s’en mêlent. C’est notamment le sénateur Pierre Ouzoulias qui a tenté d’organiser un petit mouvement, en se mettant à la remorque du nationalisme arménien et en s’appuyant sur l’orientalisme français. Il n’hésite par exemple pas à accorder des entretiens à la revue nationaliste chauvine arménienne « Nouvelle d’Arménie » (dont le site internet s’appelle « armenews »).

C’est que le PCF mène en ce moment justement, ou tente de mener, un retour sur le devant de la scène « géopolitique ». On devine qu’il s’agit d’appuyer la France contre la Russie. Le samedi 21 novembre, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou était d’ailleurs dans la capitale arménienne pour rencontrer le Premier Ministre arménien Nikol Pachinian et le chef du ministère de la Défense de la République arménienne Vagharshak Harutyunyan. Le premier ministre arménien, élu à l’origine pour s’opposer à la Russie, a naturellement expliqué qu’il fallait renforcer la coopération avec la Russie pour la sécurité, les questions militaires, etc.

Or, cet appel à l’intervention française converge avec le troisième camp, composé de ceux qui cherchent à diffuser le nationalisme et la religiosité. Il y a une vaste opération de la part de la Droite, bien aidée évidemment par les nationalistes arméniens fanatiquement pro-religieux, pour lancer des appels à soutenir « l’Arménie rempart de l’Occident chrétien ». L’idée, c’est de présenter l’affrontement ayant eu lieu au sujet du Karabagh comme le modèle réduit d’un affrontement mondial étant la seule véritable actualité.

Le résultat de toute cette stratégie, de toute cette agitation, c’est une proposition de reconnaissance de la « République d’Artsakh » enregistrée le 18 novembre au Sénat, portée par Bruno Retailleau, président du groupe républicain au Sénat. Il l’a présenté comme suit dans un message sur Twitter :

« Le 25 novembre, le Sénat examinera une résolution proposant la reconnaissance par la République française de la République d’Artsakh. Seule son indépendance peut garantir durablement les droits et libertés des populations du Haut Karabakh face à l’expansionnisme islamiste turc. »

On a ici une vraie question de fond. Faut-il, pour une raison ou une autre, soutenir la tendance à la balkanisation identitaire avec à l’arrière-plan les jeux des grandes puissances… ou faut-il croire en la Démocratie, en la capacité du peuple, de tous les peuples, à la porter ?

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Politique

Jean-Christophe Cambadélis annonce le républicanisme de gauche

Jean-Christophe Cambadélis est un cadre socialiste historique. Il propose une idéologie clef en main, de centre-gauche et affirme que c’est lui ou bien les libéraux et les nationalistes.

Jean-Christophe Cambadélis est connu pour être l’un des cadres socialistes les plus éprouvés, les plus politiques, alliant rigueur et opportunisme, clairvoyance et coups à trois bandes. C’est l’exemple même du cadre passé par l’extrême-gauche étudiante trotskiste, habitué aux mouvements des masses et aux coups fourrés, pour rejoindre le Parti socialiste et obtenir ainsi une stature étatique.

Pour cette raison, il a expliqué au Journal du Dimanche qu’il ne se sentait pas hors-jeu pour 2022, et c’est vrai. C’est un homme mesuré dans tous les domaines, il n’a pas perdu sa crédibilité comme François Hollande même s’il dit finalement la même chose, c’est un homme de réseaux.

Jean-Christophe Cambadélis a d’ailleurs fondé en septembre le réseau « Nouvelle Société » et le jeudi 19 novembre il a tenu une conférence de presse pour annoncer un projet de ce réseau, intitulé « La République impartiale – Mémorandum pour un républicanisme de gauche ».

Ce qu’on y trouve est une savante cuisine. Il y est dit la chose suivante : c’est nous ou bien le populisme, ou bien les libéraux. Nous sommes les seuls crédibles, ce sera nous ou un avatar français de Donald Trump, nous ou un Emmanuel Macron au libéralisme débridé.

Comme il faut rassembler, il faut être de centre-gauche : c’est la thèse des 51 % de François Hollande, pour qui la Gauche ne peut pas être majoritaire. Comme il faut être crédible, il faut se la jouer républicain dur : c’est la thèse de Manuel Valls. Comme il faut tout de même donner des gages à la Gauche, il faut parler de défendre les acquis et revendiquer l’opposition au nationalisme et à la guerre.

Comme il faut légitimer tout ce bric-à-brac, il y a la République comme concept traditionnel chez les socialistes depuis Jean Jaurès et on lit dans le mémorandum :

« La gauche, occupée à la question sociale et à l’extension des libertés individuelles a, petit à petit, délaissé la défense et l’approfondissement de la République. Elle n’a voulu voir que ses insuffisances, ses trahisons, ses limites.

Elle a pensé révolution, évolution, libération. Ce qui fut nécessaire. Mais elle a relégué la République au magasin des accessoires. Et aujourd’hui, voici la République remise en cause, attaquée de toutes parts. »

Répétons-le encore une fois : François Hollande ne peut qu’être d’accord, Manuel Valls aussi. On a du mal à penser qu’ils n’ont pas été consultés ou qu’ils ne sont pas, d’une manière ou d’une autre, de la partie. Au minimum ils convergent avec Jean-Christophe Cambadélis.

La ligne de celui-ci est très clairement radicale de gauche et évidemment on ne trouvera rien sur la classe ouvrière et le peuple, à part une dénonciation des communistes ici et des maoïstes là-bas. Pas de socialisme, pas de capitalisme, pas de bourgeoisie, pas de propriété, etc. Les concepts employés ont de ce fait un côté à la fois flou et poétique assumé : « égalité réelle », « liberté ordonné », « fraternité laïque ».

Quel est donc le message passé ici à la Gauche ? C’est, en quelque sorte : c’est nous ou le fascisme. C’est à peu près clair. Le message, c’est : vous ne parvenez rien, vous ne pouvez pas parvenir à quelque chose. Nous sommes les seuls crédibles dans le cadre d’institutions que vous n’aimez pas, mais que vous ne pouvez pas remplacer. De plus, les mouvements populaires partent dans le populisme et le nationalisme : vous devez donc défendre ces institutions pour survivre vous-mêmes.

C’est très fin, c’est très politique, c’est très Jean-Christophe Cambadélis. Mais c’est trotskiste aussi, c’est-à-dire unilatéral et calculateur, fabriqué en laboratoire. La vie est bien plus complexe que ces plans sur la comète et il est parlant que le mémorandum ne parle pas des animaux, ce qui en 2020 est aberrant. Au-delà même de son absence de « croyance » en les chances de la Gauche historique, cette absence en dit long sur un certain côté hors-sol.

Si on ajoute à cela la crise et le retour politique de la classe ouvrière, alors le projet de Jean-Christophe Cambadélis apparaît comme tout à fait réaliste… et en même temps un rêve parisien coupé des réalités. La France va au conflit, c’est inévitable et aucun pompier « républicain » ne peut empêcher les contradictions de s’exprimer. L’heure de François Hollande est passé : l’heure est à l’Histoire.

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Écologie

Lutte Ouvrière prend position de ne pas prendre position sur la chasse

Lutte Ouvrière fait un exposé sur la chasse, mais repousse le problème à après la révolution.

Dans son organe théorique Lutte de classe, du mois de novembre 2020, Lutte Ouvrière aborde une question très importante, celle de la chasse. L’article, très documenté, est intitulé « La chasse, son business, les chasseurs et leur défense de la nature ». Il fournit de nombreuses informations intéressantes sur la chasse depuis 1789 et donc il vaut le détour.

Il est par contre incompréhensible dans son positionnement. On a en effet ici un exemple de contorsion typique de la Gauche rejetant la vie quotidienne. Le ton est toujours le même : il y a de la vérité de part et d’autre, tout est mal fait, ce n’est qu’après la révolution que etc.

Cela n’a évidemment aucun sens, comme le révèle ce court extrait, qui est trompeur car le document de Lutte Ouvrière est le fruit d’un vrai travail, mais enfin il faut quand même une vision du monde. On lit ainsi :

« Concernant la chasse, la question n’est pas d’en être partisan ou adversaire, de même qu’il est stupide de se positionner, comme le font les porte-parole de l’écologie politique, en défenseurs de la nature en l’opposant aux activités humaines.

Comme l’écrivait Engels, « nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger ».

Et il ajoutait, en citant plusieurs exemples des conséquences désastreuses du mode de production capitaliste sur l’environnement : « Ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature, elle se venge sur nous de chacune d’elles. » (Dialectique de la nature, 1883). »

Intellectuellement, déjà, il est absurde pour des trotskistes de citer la « Dialectique de la nature », œuvre dont le concept élémentaire est à la base de l’approche du marxisme propre à l’URSS de Staline dans son interprétation de Lénine. Mais surtout la citation semble dire le contraire de ce que dit Lutte Ouvrière, car plutôt que de considérer que la chasse n’a pas d’impact sur la nature si forte, on peut très bien en déduire à l’inverse que la chasse est une prétention humaine qui va très mal terminer.

D’ailleurs, en cette période de pandémie, il est fort regrettable de ne pas aborder cette question des animaux sauvages pour chassés, sans parler des questions sautant aux yeux de l’humanité actuelle, mais apparemment pas de Lutte Ouvrière : la question de la valeur en soi de la vie sauvage, des forêts, etc.

De toutes manières, au-delà même de toutes ces questions, il y a celle de la dénonciation des beaufs, en bref de la vie quotidienne, et cela Lutte Ouvrière n’en veut pas. Pour elle, toute réponse est faussée car le capitalisme contamine tout. Il faudrait donc analyser les choses de manière neutre et se tourner vers la seule question, celle de la révolution.

Mais qu’est-ce que la révolution si ce n’est le fruit des contradictions d’une société ? Et comment peut-on être de Gauche sans considérer que le refus de la chasse est justement le produit d’une contradiction entre le passé et l’avenir ?

Lutte Ouvrière refuse d’être partisan, au nom d’une position « objective » qui n’existe pas, qui est une négation de l’existence de la société, des Français, de l’existence de ceux-ci dans leur rapport à la réalité, notamment naturelle. Exister, c’est forcément être partisan, parce que le moindre acte s’inscrit dans des rapports, positifs ou destructeurs. En refusant de prendre partie Lutte Ouvrière s’exonère d’une analyse des rapports dans la vie quotidienne… C’est une grossière erreur.

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Guerre

Novembre 2020: l’effondrement du Karabagh arménien

L’offensive turco-azérie sur le Nagorny-Karabagh était entrée dans une nouvelle phase avec la conquête de la ville de Chouchi, ancienne citadelle verrouillant la région de la capitale du territoire, Stepanakert. La prise de ce verrou et les conséquences de l’exode de masse provoqué par la guerre ont ouvert la voie à cette tragique évidence : le Karabagh arménien vit sans doute ses derniers jours en tant que tel, alors que le président arménien est parvenu à trouver un accord in extremis, satellisant l’Arménie.

Le premier ministre arménien Nikol Pashinyan, après avoir martelé pendant des semaines un discours martial et triomphaliste, a annoncé qu’un accord de cessation de la guerre avait été réalisé avec l’Azerbaïdjan, par l’intermédiaire de la Russie. C’est une double défaite pour celui qui prétendait émanciper l’Arménie de la tutelle russe et réaliser en pratique les objectifs d’une grande Arménie. C’est le contraire qui se réalise : l’Arménie devient encore plus un satellite russe, alors que le Nagorny-Karabagh rentre dans un processus de désagrégation aux dépens des Arméniens y vivant.

Le message du président est très clair sur le sens de cette défaite, même s’il prétend qu’il n’y a ni vainqueur, ni vaincu.

« Chers Compatriotes, sœurs et frères,

J’ai pris une décision personnelle grave, extrêmement grave pour moi et pour nous tous. J’ai signé avec les présidents de Russie et d’Azerbaïdjan une déclaration mettant fin à la guerre du Karabagh à une heure. Le texte de la déclaration, qui a déjà été publié, est indescriptiblement douloureux pour moi et pour notre peuple.

J’ai pris cette décision après avoir analysé en profondeur la situation militaire et sur la base de l’avis des personnes qui maîtrisent le mieux cette situation. Également en me fondant sur la conviction que vue la situation, c’est la meilleure solution possible.  »

L’accord prévoit en effet un retrait des troupes arméniennes de nombreux secteurs,  avec obligation d’un libre passage par l’Arménie entre la République d’Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan. Le tout est supervisé par l’armée russe qui sera présente dans ces zones comme en Arménie !

C’est la conséquence d’une défaite militaire. Les deux principales routes du Karabagh étaient pratiquement coupées, il y avait une offensive azérie depuis le nord (la plaine de Martuni, qui permet ensuite de rejoindre le lac Sevan) et depuis le sud vers Chouchi, cette position donnant un net avantage pour assiéger Stepanekert, déjà vulnérable à l’Est. Si de plus la route de Latchine était coupée, c’était la catastrophe complète.

Maintenant, que va-t-il se passer? En théorie le coeur du Karabagh ne connaît pas de changement et il y aura un petit corridor de connexion avec l’Arménie. Sauf que l’Arménie est affaiblie, encore plus satellisée et que l’Azerbaïdjan va étrangler le Karabagh, lentement, sûrement et discrètement. La population civile a dû fuir, la situation sur place est désastreuse, et surtout les perspectives sont bloquées.

Car s’il y a une constance dans la communication du Président de la République d’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, outre la conviction de son bon droit unilatéral sur le Karabagh, c’est que les habitants arméniens qui y vivent n’y ont pas leur place, n’ayant rien à voir avec la population de son pays. C’est tout de même une drôle de conception que de vouloir reconquérir ce territoire au nom de la légitimité des frontières soviétiques… alors qu’il est explicitement connu de tous que le Karabagh était dans la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan un oblast, un district, autonome, majoritairement et culturellement arménien. Cela sans parler bien sûr du reste des Arméniens d’Azerbaïdjan.

Ilham Aliev comme les nationalistes turcs, plus ou moins possédé par la mystique pantouranienne, veut donc le Karabagh, mais ne veut pas des Arméniens qui y vivent. L’épuration ethnique en cours selon sa perspective est une opération conforme à la base même de son chauvinisme national. Peu lui importe donc les écoles écrasées sous les bombes, peu lui importe l’héritage monumental et les sites archéologiques dévastés, peu lui importe de jeter sur les routes des femmes, parfois enceintes, et des enfants, des vieillards quand ils le peuvent, qui s’entassent désormais par milliers dans la capitale de la République d’Arménie, Yerevan.

Il faut savoir que le gouvernement arménien et les associations qui l’appuient avaient en réalité planifié la possibilité de cette attaque et d’une catastrophe humanitaire de cette ampleur. Même si l’épidémie du Covid complique ici aussi les choses, la situation est chaotique, mais néanmoins en voie d’être contrôlée, pour ce qui est des urgences les plus élémentaires du moins.

Cette conception jusqu’auboutiste reflète les préjugés terribles et lamentables dans lesquels se sont vautrés les dirigeants arméniens, et il faut le dire, avec eux les Arméniens de l’étranger et notamment en France. Depuis la fin de la guerre en 1994, rien n’a été sérieusement fait, rien n’a même été sérieusement pensé pour chercher une solution démocratique et pacifique avec l’Azerbaïdjan. Et sur ce point, le nationalisme possédé et raciste du gouvernement Aliev n’excuse rien et n’explique pas tout.

Comme si la société azerbaïdjanaise, ou comme si la société turque n’existait pas ! Combien d’Arméniens ont migré vers Istanbul durant ces années ? Combien d’occasions se sont présentées pour se rapprocher de Bakou ?

Mais tout a été bloqué en raison de la force des préjugés chauvins et d’une lamentable mentalité semi féodale semi coloniale à l’égard de la Russie, dont la défense de l’Arménie n’a jamais constituée en rien une priorité. Ce même aveuglement a permis un développement des superstitions religieuses au point où l’on voit aujourd’hui le clergé de l’Église arménienne brandir une soit-disant « relique de la Vraie Croix du Christ » comme une sorte de talisman devant protéger le Karabagh et l’armée arménienne. De même on ne compte plus sur les réseaux sociaux les images et les chansons mêlant nationalisme outrancier et militarisme débridé avec une symbolique religieuse frisant l’irrationalité la plus complète.

La vérité est que l’Arménie a cherché depuis 1991, et même avant, une base d’existence là où il n’y avait rien : dans une alliance militaire avec la Russie, dans sa religion et surtout dans ses propres préjugés nationaux. Il faut regarder cela en face aujourd’hui, car avant de basculer dans le gouffre tragique où s’effondre aujourd’hui la population arménienne du Karabagh, l’Arménie s’est précipitée dans une impasse et le sol s’est immanquablement dérobé sous ses pieds. Que pouvait-il arriver d’autre en fait ?

Il aurait fallu se tourner vers le peuple, non pas de manière mystique, mais sur une base démocratique. Même aujourd’hui, pour qui connaît l’Arménie et le Karabagh, il est impossible de discuter du passé, de l’histoire du Karabagh ou de l’Arménie sans entendre d’innombrables anecdotes sur les liens, sur les moments et les lieux communs, sur la culture qui unit Turcs et Arméniens, et plus largement les peuples du Caucase et de la Perse. Ce sont ces liens, c’est ce commun qu’il faut appuyer, c’est sur cette base qu’il faut construire.

Première version de l’emblème de la république soviétique de Transcaucasie, dans les années 1930. La transenne (l’entrelacement en grillage) fait référence aux Géorgiens, le croissant aux Azéris, le mont Ararat aux Arméniens.

Les Turcs n’ont pas plus une « essence » identitaire qui les pousseraient au nationalisme que les Arméniens. C’est de la pure haine ethnique que d’entretenir les préjugés qui vont dans ce sens. Quelques timides avancées avaient commencées à germer au sein du peuple arménien suite au soulèvement populaire de la jeunesse et des ouvriers en 2018, dont Nikol Pashinyan, l’actuel dirigeant de la République d’Arménie avait été l’incarnation, dans un sens libéral-national. Mais cela a été trop tard et trop peu, même si cet effondrement du régime nationaliste et militaire pro-russe à Yerevan et l’exemple de ce timide élan démocratique a certainement aussi joué dans la décision d’Aliev de lancer l’assaut.

Un Karabagh arménien séparé de l’Azerbaïdjan est une chose qui n’avait pas de sens, pas plus qu’une Arménie coupée de ses voisins turcs. La haine furieuse des uns est le reflet de la haine méprisante des autres. Ce sont les deux faces de la même pièce. Il y a bien sûr une montagne de préjugés à franchir de part et d’autre, mais gravir cette montagne, pour la dépasser, pour élever Arméniens et Turcs, est le sens même du combat de toute personne authentiquement à Gauche. Voilà la voie qui rassemblera pas à pas, mais avec détermination, les peuples, voilà le sentier lumineux vers la paix qu’il faut emprunter, qu’il faut affirmer.

Le mont Ararat vu depuis Yerevan

Cette situation est d’autant plus significative qu’elle a un écho dans tout l’Orient, de la Syrie aux Balkans, de la Palestine au Caucase, partout en fait où s’étend encore l’ombre pesante de l’Ancien Régime ottoman. Cet Ancien Régime n’a pas encore été complètement surmonté par ces peuples, il s’est transformé en une mosaïque atomisée d’Etats ou de prétentions semi-féodales semi-coloniales qui biaisent les revendications nationales et dévient puis ruinent l’élan de la démocratie. Le problème se pose partout ici dans des termes similaires.

Le drame terrifiant du Karabagh a aussi un écho sur la société française. N’est-il pas incroyable de ne pas voir en France de manifestations populaires appelant à la Paix et à la Démocratie dans un pays aussi avancé ? Et ce alors même que la France compte en son sein près de 600 000 Arméniens et 700 000 Turcs ? Comment est-il possible qu’aucune organisation de Gauche ne soit en mesure de proposer ou même de relayer des appels à l’unité entre Arméniens et Turcs pour affirmer ensemble, ensemble et avec le reste de la population de notre pays, ces idées qui sont le fondement même de ce qui fait la Gauche ?

Au lieu de cela, on a les articles possédés des médias arméniens et les communiqués parfois délirants de personnalités ou d’associations arméniennes, appuyés de manifestations chauvines incompréhensibles au reste de la population, même si elle les regarde néanmoins avec sympathie, mais aussi avec un sentiment de distance, de superficialité. Et bien sûr on a aussi les agressions et les tentatives brutales d’intimidation de bandes littéralement fascistes agissant sous drapeau turc et la propagande bien entendue des islamistes de type « Frères Musulmans » du bloc qataro-turc.

Sur cela aussi, il faut être à la hauteur de notre époque. L’amitié entre les peuples, la défense de la Paix, l’Internationale en un mot, n’est pas un vain mot pour la Gauche de notre pays, qui doit se mobiliser sur la bases de ses valeurs et de son héritage. L’Orient aussi a besoin d’une France socialiste.

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Politique

La Gauche réagit froidement à la candidature de Jean-Luc Mélenchon

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L’annonce par Jean-Luc Mélenchon de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 a été accueillie avec beaucoup de distance par toute une partie de la Gauche. En annonçant si tôt et de manière unilatérale sa candidature, il ne pouvait en effet que s’attirer les foudres de ceux à qui il tente de couper l’herbe sous le pied, même si peu le disent aussi ouvertement.

La critique la plus franche est toutefois venue du premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure qui a parlé d’« égoïsme », soulignant que cela servait directement Emmanuel Macron, à qui il déroulerait un tapis rouge. Il lui est logiquement reproché de menacer le rassemblement de « la gauche et [des] écologistes » et le ton employé est très dur pour le dénoncer :

« Est-ce que vous pensez que c’était le bon moment pour se déclarer ? En pleine crise sanitaire, économique, sociale, avec un terrorisme qui est aujourd’hui à son degré maximal d’alerte ».

Cette remarque est tout à fait exacte, car Jean-Luc Mélenchon fait ici un choix clairement personnel (et typiquement « 5e République »), alors que la période nécessite d’abord des choix politiques de fond, pour faire face à une crise immense, tant sanitaire qu’écologique, tant sociale qu’économique, etc.

Et ce constat est largement partagé dans les rangs de la Gauche, bien que peu de personnalités publiques aient pris la peine de réagir personnellement. On notera cependant la réaction du PCF via son secrétaire national Fabien Roussel, qui marque franchement sa distance :

« Jean-Luc Mélenchon a fait son choix. Je le respecte. Les communistes feront le leur en temps voulu. Pour l’instant, la priorité est à faire face à la pandémie, à résister et à agir pour nos concitoyens. »

La veille de l’annonce de Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel avait de toutes façons réaffirmé lors du Conseil national de son parti que le PCF avait « vocation à se présenter » et qu’il s’y préparait. D’ailleurs, sans le PCF, Jean-Luc Mélenchon pourrait avoir beaucoup de difficultés à récolter les fameuses 500 signatures d’élus locaux nécessaires à sa candidature (le PCF lui en avait procuré une très grande partie lors de la précédente élection).

Il faut remarquer également la positon d’Arnaud Montebourg, dont le destin de candidat potentiel est de plus en plus évoqué, et que La France insoumise aimerait bien attirer dans ses rangs :

« Je trouve que ce n’est pas le moment ».

Cette question du « bon moment » est toutefois une manière de botter en touche, de la part de dirigeants et figures de la Gauche qui voient très bien que la période à venir s’annonce compliqué politiquement, et qu’ils sont faibles et isolés. Mais il ne faut pas leurrer : pour se reconstruire, la Gauche n’écharpera pas à la nécessité d’une critique franche et en profondeur de Jean-Luc Mélenchon, ainsi que de toute la « proposition » populiste qu’il représente.

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Politique

2022: Jean-Luc Mélenchon candidat tente de doubler la Gauche

Dimanche 8 novembre 2020, Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa candidature pour l’élection présidentielle de 2022. C’est une façon de s’imposer dans le débat et d’essayer de prendre de cours la Gauche, qu’il espère bloquer dans son processus de reconstruction. C’est l’aboutissement de la ligne populiste anti-Gauche produite par son organisation La France insoumise.

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Jean-Luc Mélenchon n’y est pas allé par quatre chemin pour annoncer sa candidature à la présidentielle de 2022. Il s’est fait inviter au 20h de TF1 et il a expliqué qu’il était une « lumière au bout du tunnel », en mesure de « déconfiner les esprits », qu’il fallait lui faire entièrement confiance pour enfin changer les choses.

Peu importe qu’il ait déjà échoué deux fois à cette élection (en 2012 et en 2017), il faudrait le suivre et même signer pour sa candidature. Il a en effet exigé que celle-ci soit validée par 150 000 signatures (sur un site internet) et que cela lui suffirait à prouver… sa « légitimité populaire » ! C’est fort de café, d’ailleurs il a immédiatement été moqué pour cette annonce, mais cela n’embarrassera pas celui qui tente de passer en force en se la jouant sauveur suprême.

Jean-Luc Mélenchon est en dehors de la Gauche

La déclaration si tôt de sa candidature, ainsi que sa plateforme internet censée récolter des signatures constituant un « parrainage populaire », sont un moyen pour lui de torpiller les débats, les structures, les partis à Gauche. Il a donc répondu à la journaliste l’interrogeant à propos de l’unité de la Gauche que tout cela était du « temps perdu », que les discussions ne pourraient aboutir qu’à un consensus visant au « moins pire », alors que lui serait d’ores et déjà un « pôle de stabilité ».

En fait, cela fait déjà des années que la France insoumise (et la dynamique qui l’a précédé) n’a de cesse d’enfoncer la Gauche (tout en profitant de son patrimoine en mode pillage), avec un populisme anti élite moitié-social, moitié-chauvin. Le problème, c’est que cela commence à se voir et Jean-Luc Mélenchon et son entourage ont tout à craindre de l’unité de la Gauche et du débat à Gauche.

Prenons par exemple l’épisode des gilets jaunes. Cela aurait dû être l’apothéose pour Jean-Luc Mélenchon, car c’était tout à fait conforme à ce qu’il prône. Mais cela a été insignifiant dans le pays, malgré une résonance médiatique immense et même complètement démesurée. Si la Gauche se met sérieusement autour de la table avec l’idée de se tourner vers les classes populaires, elle ne peut qu’en arriver à la critique du mouvement des gilets jaunes, pour affirmer la primauté du niveau de conscience et d’organisation… et donc à rejeter le bricolage populiste de Jean-Mélenchon qui justement a tout du « gilet jaune ».

La Gauche doit rejeter le populisme de Jean-Luc Mélenchon

La première chose dont a parlé Jean-Luc Mélenchon sur TF1 juste avant d’annoncer sa candidature, c’est du confinement. Ses propos en disent long sur son populisme : bien malin celui qui aura compris sa position, tellement il sait ne rien dire pour que chacun interprète librement ce qui l’intéresse, avec des propos qui n’engagent jamais à rien. Il a dit que le Covid-19 est une maladie grave et qu’il fallait respecter les mesures sanitaires… tout en disant dans la foulée que le confinement est une prison pour les Français et qu’il ne faudrait surtout pas y rester trop longtemps à cause du gouvernement.

La Gauche doit fermement rejeter la candidature de Jean-Luc Mélenchon et son prétendu parrainage populaire de 150 000 signature. Il faut au contraire du débat politique, sur le fond, car la discussion politique de fond est la seule manière démocratique de fonctionner quand on est à Gauche. On discute, puis on choisit. Mais certainement pas l’inverse, comme tente de l’imposer le populiste Jean-Luc Mélenchon en vue de la présidentielle de 2022.

Voici ou revoici, comme contribution au débat de la Gauche, plusieurs de nos articles à propos de Jean-Luc Mélenchon :

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Politique

Deux tribunes absurdes anti-confinement à gauche

Surfant sur la dynamique petite-bourgeoise anti-confinement, deux tribunes se revendiquant de la Gauche dénonce le confinement comme une manœuvre politique sans fondement.

Ce sont deux étranges tribunes, extrêmement offensives, qui dénoncent le confinement avec les mêmes arguments que l’ultra-gauche ces dernières semaines. Le second confinement reposerait sur un mensonge gouvernemental, le but serait de faire peur, d’instaurer un État pratiquant une surveillance généralisée, décidant par en haut, etc.

C’est de la paranoïa petite-bourgeoise tout à fait traditionnelle, avec la dénonciation de l’État, des décisions centralisées, des mesures collectives, avec une lecture complotiste où les mesures relèveraient d’une opération machiavélique, avec un agenda caché, etc.


La tribune Le confinement constitue un remède pire que le mal pour la société française, parue sur Regards.fr

C’est une longue tribune, signée par des gens relevant de la bourgeoisie intellectuelle: professeur d’université, maître de conférence d’université, médecin, psychiatre, chercheur au CNRS, biologiste, vétérinaire, etc.

Ces 350 signataires disent que le reconfinement a été prévu depuis des mois, qu’on a un alarmisme qui est une construction intellectuelle afin de faire peur, que les arguments pour le reconfinement seraient un délire, que la démocratie serait mise entre parenthèses, etc.

La tribune En finir avec l’état d’urgence et d’exception, publiée par Libération

Cette tribune est portée par quelques personnes seulement, avec notamment le député LFI et ultra-populiste François Ruffin, Lenny Benbara qui est fondateur du think tank Institut Rousseau, William Bouchardon qui est responsable de la rubrique Économie du Vent se lève.

Là encore il est dénoncé une atteinte aux libertés publiques, avec des décisions par en haut donc mauvaises, pour une situation accentuant qui plus est les inégalités sociales.


On croit rêver à lire ces tribunes. Le capitalisme veut évidemment faire tourner la machine à plein régime, donc il ne veut certainement pas de nouveau confinement. S’il le fait, c’est qu’il n’a pas le choix – et d’ailleurs il le fait mal. Il n’y a pas trop de confinement, il n’y en a pas assez. Mais pour les petits-bourgeois, l’ennemi c’est l’État, donc celui-ci a toujours tort, et en même temps il faut toujours se tourner vers lui pour obtenir de l’aide. D’où cette démagogie sur les libertés publiques, les décisions par en haut, etc., comme si toutes les décisions n’étaient pas prises par en haut depuis longtemps !

Dans la situation de crise sanitaire que l’on connaît, il faut se souvenir de ces deux tribunes, car bientôt leur caractère scandaleux sautera aux yeux, leur caractère petite-bourgeois sera évident et sera source de leçons. On verra aisément qu’il s’agissait de démarches anti-collectivistes, anti-populaires, d’expressions de terreurs devant les nécessaires décisions à la fois étatiques et populaires.

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Société

Hommage à Samuel Paty… et attaque coordonnée fanatique à Vienne

La crise de civilisation s’impose partout. Alors qu’en France l’hommage à Samuel Paty s’est tenu sobrement mais avec dignité, une attaque coordonnée islamiste frappait Vienne. L’époque est prise de spasmes.

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C’est une bien belle lettre de Jean Jaurès que le gouvernement a fait lire par les enseignants à leurs élèves, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, l’enseignant assassiné par un fanatique islamiste. Cela souligne la force de la question de l’éducation dans notre pays, une véritable tradition nationale avec, surtout, la figure de l’enseignant visant à élever le niveau des élèves sur le plan moral. L’engagement du professeur qui veut bien faire, sans briser les esprits mais en les faisant avancer, est quelque chose de connu et d’apprécié dans notre pays.

Non pas que tous les professeurs soient ainsi, très loin de là, ni que l’Ecole telle qu’elle existe soit agréable et épanouissante. Mais justement il y a quelques figures émergeant toujours, ici et là, faisant qu’on se souvient avec émotion de tel ou tel enseignant, qui s’est donné pour les élèves. La lettre de Jean Jaurès est donc bien choisie et on sait d’ailleurs à quel point Jean Jaurès fut un ardent républicain et un orateur extraordinaire. La finesse de ses propos, le choix méticuleux des termes et du ton, la vivacité dans la répartie… font qu’il était pratiquement un représentant de l’esprit français.

Jean Jaurès était, également et évidemment, un socialiste, de l’aile droite historiquement, ce qui ne change rien au fond car les socialistes sont en France en général des républicains de Gauche, éloignés des traditions pro-marxistes social-démocrates allemande, russe, autrichienne, bulgare, etc. On ne peut donc guère parler de récupération par le gouvernement et de toutes façons la question n’est pas du tout là. Ce qui compte, c’est de voir l’honneur du professeur, du passeur de savoir face au fanatisme.

On doit ici qualifier d’abject les diverses critiques anti-gouvernementales cherchant la petite faille pour un populisme vraiment déplacé. Profiter d’un tel événement pour accuser le ministre de l’Éducation de prôner une réforme du baccalauréat que Jean Jaurès aurait réfuté, comment dire… C’est absurde. Les terribles attentats dans la capitale autrichienne montrent d’ailleurs où est le problème.

Les attaques coordonnées dans le centre de Vienne en Autriche, en différents endroits, visant à tuer, à blesser, à terroriser, montrent que le mal est profond, qu’à côté de la machinerie capitaliste détruisant la planète on a des crises de folies réactionnaires meurtrières.

Le fanatisme islamiste est le produit d’une époque sans cœur ni esprit, où tout esprit constructif, démocratique, s’efface devant un marché capitaliste tout puissant accompagné de poches de romantismes ultra-réactionnaires idéalisant un passé romancé. Comment affirmer la Culture, la Connaissance, la Démocratie dans un tel cadre historique ? Là est le défi de notre époque et évidemment, seul le Socialisme peut porter cela.

Lire également : La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Le drapeau de la Démocratie, du peuple organisé au niveau de la société, de l’État, est la condition impérative pour sortir d’une crise de civilisation toujours plus folle. La peur et la réflexion se combinent dans des situations nouvelles, inquiétantes et d’envergure. Il faut contribuer à être à la hauteur des questions, il faut savoir souligner les bonnes réponses. Il faut être là. Qui se met de côté dans une telle époque n’a pas saisi ce qui se passe – mais comment ne peut-on pas le saisir ?