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Les manifestations du samedi sont-elles surtout antipass ou antivax ?

Quel est l’aspect principal du mouvement actuel contre le pass sanitaire ? Le pass est-il vraiment central ou bien est-ce que celui-ci n’est qu’un prétexte et un moyen de ne pas assumer un positionnement anti-vaccin ?

manifestation anti pass sanitaire

Bien que les deux cas de figure sont catastrophiques, il est essentiel pour la Gauche d’analyser en profondeur ce mouvement de fond : la question est de savoir à quel vitesse ce mouvement va s’assumer comme fasciste. Si le vaccin est une question secondaire, cela pourrait laisser un tout petit plus de temps à la Gauche pour y faire face ; dans le cas contraire, les choses risquent de s’envenimer très vite.

Un mouvement né suite à l’annonce du pass sanitaire

L’argument principal pour la première hypothèse est de dire que les manifestations font suite aux annonces quant à l’arrivée du pass. La question du vaccin était présente depuis plusieurs mois, mais aucun mouvement véritable n’avait réellement pris jusque là.

En plus de cela, nombre de figures politiques et médiatiques n’ont cessé d’affirmer qu’elles n’étaient ni contre la vaccination en général ni contre ces vaccins, seulement contre les contrôles qu’impliquent ce nouveau dispositif.

Seulement cette vision est trop réductrice : elle rate un aspect fort qui est l’obligation vaccinale.

Les soignants anti-vaccins : des résistants en chemises brunes

L’image de l’infirmière qui va perdre son travail parce qu’elle refuse de se faire vacciner est loin d’être anecdotique et est un argument souvent repris par les opposants au passa sanitaire. Pourtant, on sait très bien aujourd’hui que des soignants ont transmis le virus à des personnes dans des EHPAD ou des hôpitaux depuis le début de l’épidémie, et que les gestes barrières ne sont pas suffisants, surtout avec un variant delta particulièrement contagieux.

Le refus de la vaccination dans ces cas est anti-social au possible : ces personnes nient la réalité et savent au fond qu’elles risquent de contaminer des malades. Sans même parler du fait que les hôpitaux français manquent déjà cruellement de personnel : ces départs seront des véritables trahisons et autant de coups de poignards dans le dos.

Et que voit-on chez les anti-pass sanitaire ? Une défense sans faille de ces personnes. Au nom du refus du pass. L’argument ? Populiste au possible : ces personnes vont perdre leur emploi, le pass serait un régime d’apartheid…

Rappelons que des vaccins sont déjà obligatoires pour exercer certaines professions, il y a donc déjà ce qu’ils appellent une « discrimination », mais encore faut-il ne pas avoir sombré dans l’irrationalité fasciste pour l’accepter. Sont obligatoires pour les professionnels de santé, de secours et de la petite enfance et des personnes âgées notamment les vaccins contre le tétanos, la diphtérie, la polyomélite…

Le personnel des établissements pénitentiaire doit être vacciné contre le tétanos, le personnel des laboratoires d’analyses de biologie médicale doit être vacciné contre la fièvre typhoïde…

Il y a donc bien la vaccination comme problème de fond également, puisque même des syndicats ont assumé de faire grève pour défendre des personnels médicaux qui refusent de se faire vacciner.

Nous avons un mouvement qui se concentre en apparence avant tout sur le pass, mais qui aime tout particulièrement cette image de l’infirmière qui va sombrer dans le chômage et la misère à cause de Macron et de son pass sanitaire, ce qui est une manière de mettre la question du vaccin en avant.

Un silence complice en manifestation

Pour mieux comprendre le problème faisons en parallèle avec les manifestations dites pro-palestiniennes que la France a connu ces dernières années : toute la Gauche répétait à tout bout de champ l’idée que ces manifestations n’ont jamais eu la moindre connotation antisémite. A chaque pancarte où l’étoile de David au cœur du drapeau d’Israël est remplacée par une croix gammée, tous ces aveugles complices répondaient en chœur que cela n’était pas représentatif et qu’ils condamnaient bien entendu…

Seulement, il ne s’agissait jamais que d’une pancarte problématique, mais d’un certain nombre, ainsi que de slogans islamistes, de mouvements de foule vers une synagogue, de fans de Dieudonné prompt à effectuer la « quenelle » à tout va, etc.

A chaque fois la Gauche, qui est systématiquement écrasée par les islamistes depuis fort longtemps, essaie de croire à ses propres mensonges.

Même si les éléments ouvertement antisémites étaient sûrement très minoritaires, le problème est que ces personnes se sentaient drôlement à l’aise dans ces manifestations ! Mais toute la Gauche préférait répéter en boucle les mêmes discours vains.

Aujourd’hui, beaucoup d’anti-pass sanitaire se disent certainement pour l’idée de vacciner contre la Covid, tant que cela n’est pas forcé bien entendu (sinon cela impliquerait un pass sanitaire). Ils tiennent à rassurer et montrer qu’ils sont raisonnables et que leur critique et pleine de raison. Pourtant, les plus anti-sociaux se sentaient drôlement à l’aise dans les manifestations de ces dernières semaines.

Ne parlons même pas des pancartes antisémites qui fleurissent doucement : logique de la part d’un mouvement proto-fasciste.

Anti-pass sanitaire, anti-collectivité

Le problème de fond des anti-pass en ce qui concene le pass est son caractère collectif, presque totalitaire : ils veulent vivre sans que l’État vienne les déranger, chacun devrait avoir le choix de faire ce qu’il veut, etc. C’est beauf et violemment anti-social.

La question de savoir si l’aspect principal de cette réaction anti-collectif est le pass en lui-même ou bien la vaccination est alors très importante.

Le vaccin en lui-même ravive de nombreux discours anti-scientifiques et complotistes. Avec la question des soignants, des discours totalement hallucinants et anti-sociaux ont été assumés et défendus publiquement. Que des syndicats appellent à faire grève contre une obligation vaccinale en période de crise sanitaire en dit long sur le pourrissement de la France et sur les années à venir.

Tout cet irrationalisme puise énormément dans les discours anti-vaccins et il est fort à parier que les masques tombent rapidement et que le fond anti-vaccin soit de plus en plus ouvertement assumé.

Le rejet du pass sanitaire revient vite à des discours petits-bourgeois paranoïaques classiques : il y a matière à fantasmer, à jouer les héros et les intellectuels bière-merguez mais il n’y a pas autant de matière ésotérique que ceux des anti-vaccins. Ces derniers embrassent beaucoup plus volontiers le complotisme et le rejet de la science.

Ils sont un matériau de choix pour toute une base qui va nécessairement chercher des images fortes et mobilisatrice, un irrationalisme toujours plus assumé, etc. Sans même parler de théories vitalistes (il faudrait laisser faire le système immunitaire, pas besoin d’un vaccin, etc). En bref, c’est un terreau de choix pour le fascisme et c’est déjà le cas dans les autres pays occidentaux.

Et si ces discours délirants restaient marginaux jusque là, force est de constater qu’ils prennent place et infusent au sein des mouvements anti-pass sanitaire.

La question pour la Gauche est de savoir s’ils ont déjà pris, s’ils vont prendre ou s’ils vont échouer à se placer au coeur de la dynamique actuelle.

A la Gauche de produire et de faire vivre le débat afin de se préparer. Nous sommes au début des années 1930 : la machine est enclenchée et le temps est compté. L’importance de la logique anti-vaccin chez les anti-pass sanitaire doit être correctement évaluée !

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Société

Le pass sanitaire est-il une mesure machiavélique ?

L’ultra-gauche a largement diffusé sa conception d’un État qui « pense ».

Depuis l’allocution du 12 juillet 2021 d’Emmanuel Macron, un grand débat existe chez les gens de gauche : le pass sanitaire est-il une mesure anti-populaire, et même directement hostile à l’encontre des travailleurs ? La question s’est posée avec d’autant plus d’acuité qu’une partie importante des masses laborieuses, dans ce qu’elles ont de plus large, a eu un véritable haut-le-cœur à l’annonce des mesures étatiques.

La lassitude dans la crise sanitaire et la fatigue du salariat ont amené bon nombre de travailleurs à exprimer un refus de suivre une exigence décidée de manière unilatérale. Il y a un sentiment diffus de ne plus vouloir suivre les règles imposées. Tout cela est très confus, évidemment, vue la nullité complète du niveau de conscience sociale, politique, idéologique, culturel. Il y a cependant quelque chose, et c’est suffisant pour avoir été remarqué.

Comme on le sait, il y a en effet en France une grande tradition syndicaliste révolutionnaire ; à vrai dire, on considère même qu’être à gauche de la gauche serait d’exprimer la colère populaire revendicative. D’où une vague de refus du pass sanitaire exprimée politiquement de manière ouverte.

Il faut cependant prendre garde à ne pas rater la question de fond. En effet, les travailleurs refusant le pass sanitaire ont pris cela pour eux, au sens de : « on va encore nous ennuyer, nous agresser ». Ils ont une vision machiavélique d’Emmanuel Macron, comme de Nicolas Sarkozy hier. Il y aurait un calcul, ce serait un coup fourré, un coup de Jarnac, etc.

Or, que voit-on ? Que les dénonciations du pass sanitaire se placent à ce niveau. Elles ont toutes comme arrière-plan intellectuel d’imaginer le capitalisme organisé, avec des gens savant pertinemment ce qu’ils font. Il est pourtant évident que l’État est débordé et que le pass sanitaire est le minimum objectif à réaliser pour essayer que la société sorte la tête de l’eau.

C’est là qu’on voit comment prédomine la conception d’ultra-gauche d’un État « calculateur », d’un État à la « 1984 », d’un capitalisme conscient et cynique, calculateur et machiavélique. C’est une vraie paranoïa, qui s’exprime très largement. Lutte Ouvrière, par exemple, est formelle dans son article Passe sanitaire et vaccination forcée : c’est non ! : c’est une mesure calculée, un coup machiavélique.

« Qu’arrivera-t-il aux salariés qui n’auront pas de passe sanitaire à jour ou à ceux qui ne voudront pas se plier à l’obligation vaccinale ? Seront-ils mis à l’amende, suspendus, licenciés ? La non-vaccination est devenue un nouveau motif de licenciement, eh bien voilà une attaque anti-ouvrière de plus à combattre ! 

La vaccination est un moyen puissant pour combattre l’épidémie, mais Macron s’en sert comme une arme politique pour dissimuler sa propre responsabilité. Il s’en sert pour cacher combien la gestion capitaliste des hôpitaux est criminelle. Il s’en sert pour faire oublier le manque de moyens humains et matériels du système de santé.

Macron est en campagne et il utilise la crise sanitaire pour resserrer les rangs derrière lui, en dressant les vaccinés contre les non-vaccinés. Il aimerait que nous passions le temps à nous dénigrer, nous déchirer et nous contrôler les uns les autres, plutôt que juger de son action et lui demander des comptes. »

L’idée de fond, c’est que le pass sanitaire serait une mesure afin de diviser pour régner, avec aux commandes un super-calculateur prévoyant les coups à l’avance. Le PCRF parle de « Macron l’autocrate jupitérien » réalisant une « avalanche continue des mesures liberticides et réactionnaires ». Le PRCF parle du « tyranneau Macron« , qui empile les mesures liberticides :

« Préparées par un intense pilonnage médiatique, les annonces de Macron sont inadmissibles sur toute la ligne. Plus arrogant que jamais alors même que le parti macroniste LREM a obtenu moins de 4% des inscrits aux régionales et aux départementales, le “libéral” Macron institue à la fois l’obligation vaccinale pour les soignants et le passe sanitaire individuel obligatoire pour une interminable série d’activités : ce qui revient de fait quasiment à assigner à résidence, voire à interdire de vie sociale, politique et culturelle toute une partie de la population!

Cette approche ultra-autoritaire et diviseuse, typique des mesures liberticides empilées sans fin par les présidents et par les gouvernements maastrichtiens successifs, fait l’impasse sur l’euro-casse austéritaire de l’hôpital, qui continue de plus belle, et sur le désintérêt total du pouvoir pour les politiques de soin et de prévention. »

Le média Lundi.am, porte-parole d’une ultra-gauche spontanéiste et intellectuelle, parle pareillement de contrôle et de répression :

« Emmanuel Macron l’a annoncé lundi dernier, la stratégie de lutte contre la 4e vague épidémique s’articulera autour de valeurs phares : la menace et le chantage, le contrôle et la répression. Il y a beaucoup à dire et à penser de ce que va produire le Pass sanitaire et les mille frontières invisibles qu’il va faire exister autour de nous, de la division entre bon citoyen et marginal co-responsable de l’épidémie. »

Révolution Permanente, courant du Nouveau Parti Anticapitaliste en phase de fonder un nouveau parti, formule cela de la manière suivante dans Pass sanitaire : un autoritarisme made in Macron pour masquer l’échec de sa stratégie vaccinale :

« Lundi 12 juillet, Emmanuel Macron a annoncé l’extension du pass sanitaire à l’ensemble des bars, restaurants, centres commerciaux et trains. A travers cette mesure, Macron cherche à faire peser le poids des restrictions sur les non-vaccinés, créant ainsi des citoyens de seconde zone. Si la généralisation de la vaccination est une nécessité, cette mesure est intrinsèquement autoritaire et liberticide. Pire, loin de créer de la confiance envers la vaccination, elle va accentuer la défiance. »

Tout cela est bien erroné et rate le vrai fond du problème: que le capitalisme a fait le tour de lui-même, que l’État est débordé, que tout se fait au jour le jour… Croire que les couches dominantes, totalement décadentes, peuvent gérer quelque chose, c’est « croire » en un capitalisme qui peut se comprendre lui-même, ce qui est absurde. Le pass sanitaire n’est pas une mesure machiavélique : c’est simplement une réponse objective d’une société essayant de traverser la crise sanitaire. Et loin de parler de mesures liberticides, il faudrait au contraire se plaindre que ces mesures ne le sont pas assez!

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Politique

La gauche du PCF totalement dans l’orbite chinoise, quitte à usurper Mao

Une incohérence révélant beaucoup de choses.

C’est à la fois anecdotique et très important, parce que deux choses sont concernées. La première concerne l’histoire des idées. Le maoïsme, c’est Mao Zedong et c’est une opposition complète à l’URSS des années 1960-1970. Pourquoi donc la gauche du PCF, fascinée par l’URSS de la même période, valorise-t-elle subitement Mao Zedong ? C’est totalement incohérent avec toute son histoire et ses valeurs (voir La vision du monde du PCF pour son centenaire: les sympathisants).

La seconde, c’est le rapport à la Chine, qui comme on le sait vise à devenir la puissance hégémonique en remplacement des États-Unis. Or, toute la gauche du PCF est devenue pro-chinoise ces dernières années, de manière ouverte. Mao Zedong est en fait intégré comme référence fictive pour gagner en prestige « révolutionnaire » et justifier de valoriser une Chine populaire autrefois honnie.

Comprenons ce qu’il en est, en commençant avec une interview de Georges Gastaud, co-secrétaire national du PRCF par Initiative Communiste, le média internet du PRCF.

Le PRCF, c’est la gauche du PCF et de la CGT, avec une valorisation complète de l’URSS jusqu’à 1991. Et comme on le sait, les maoïstes apparaissent en France dans les années 1960, considérant que le PCF a trahi, que la CGT s’est intégrée au capitalisme, que l’URSS est social-impérialiste et même la première menace de guerre pour le monde. Inversement, le PCF et l’URSS considéraient la Chine maoïste comme une dictature militaire, un pays monstrueux, etc. Rien de plus opposé, donc.

Pourtant, dans l’interview, en date du 2 juillet, Georges Gastaud dit la chose suivante :

« Le sombre tableau que je viens de brosser serait cependant erroné et désespérant si l’on omettait de voir que, comme le disait Mao, « là où il y a oppression, il y aura résistance » : bref, si l’on oubliait ce que Hegel appelait le « patient travail du négatif » et l’existence incontournable de la contradiction dialectique. » 

On croirait lire le PCF(MLM), certainement pas le PRCF. Le PRCF n’utilise jamais le matérialisme dialectique comme référence idéologique pour ses points de vue, encore moins avec Mao Zedong. Car le matérialisme dialectique est une idéologie « totale », de type « stalinienne », ce que rejette formellement le PRCF, qui se revendique d’un matérialisme à la « méthode » dialectique sur le mode « soviétique » version années 1970-1980.

Pourquoi la référence à Mao alors ? Déjà, parce que le PRCF cherche à racoler, en se donnant une image qui ne soit pas anti-maoïste, malgré que sur le plan des idées ou de la culture cela n’ait strictement rien à voir (et ce depuis plus de cinquante ans, tout de même). Il profite par ailleurs dans cette tentative d’une tentative d’un petit groupe n’existant plus, le « parti communiste maoïste », de mener un coup de force sur un forum internet du PRCF (sur Discord) après avoir feint un rapprochement. Le PRCF s’est dit qu’il y avait un coup à jouer, un style dont on pouvait profiter, etc.

C’est là une mauvaise tambouille politicienne de la part du PRCF. Mais c’est là qu’on tombe sur un aspect bien inquiétant. La Chine actuelle, que les maoïstes rejettent totalement au nom de la « Grande Révolution Culturelle Prolétarienne » démantelée en 1976 à la mort de Mao, est devenue une référence incontournable au sein de la gauche du PCF, et jusque dans le PCF. Même la revue du PCF Cause commune a fait un éloge de la Chine (n° 22 • mars/avril 2021, à lire ici avec les autres articles en suggestion sur le côté) : il y aurait tout à apprendre de l’expérience chinoise.

Mao a alors vite fait d’être intégré dans cette valorisation chinoise, même si dans la pratique il était totalement contre une telle évolution. C’est une sorte de vaste opération de récupération, de formation d’une nouvelle idéologie… en se mettant de manière assumée dans l’orbite des ambitions chinoises. C’est une sorte de « gauche » française qui veut progresser en affirmant que les progrès des ambitions chinoises seraient des avancées contre le capitalisme.

Autrement dit, Mao et la Chine n’existaient pas auparavant pour la gauche du PCF, il faut donc renverser absolument toutes les positions et subitement les intégrer dans un dispositif idéologique bricolé dont la seule fonction est de se placer comme satellite de la Chine visant l’hégémonie mondiale.

Même le Rassemblement communiste, qui vient comme le PRCF de la gauche du PCF des années 1990, qui est historiquement on ne peut plus anti-maoïste, se lance dans une telle opération. Le document qu’elle a produit est vraiment exemplaire d’une aberration intellectuelle. Mao Zedong y est assimilé à Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, alors que n’importe qui s’intéressant à la question sait que la révolution culturelle chinoise reflète justement leur affrontement complet à tous les niveaux.

L’éloge du régime chinois est complet, totale, absolu. C’est l’idéologie de l’État chinois qu’on retrouve ici, littéralement :

« Parti Communiste Chinois: 100 ans de combat pour le développement et le socialisme !
à l’occasion du centenaire du PCC

Le premier juillet 1921 le PCC convoquait son premier Congrès fondateur à l’initiative des premiers communistes chinois inspirés par l’exemple de la Révolution d’Octobre 1917 qui a engendré l’URSS. Les Communistes chinois étaient 13 à la fondation, puis 58.000 au moment du massacre de la Commune de Shanghai en 1927 par la bourgeoisie antipatriotique du Kuomintang et 92 millions aujourd’hui pour poursuivre l’œuvre d’édification du « socialisme à la chinoise » conçu comme une étape vers le Communisme.

C’est vers le milieu du 19éme siècle que la Chine féodale a perdu sa souveraineté nationale pour être mise sous domination impérialiste suite aux deux guerres de l’opium.

En 1911, la Révolution bourgeoise renversa la monarchie féodale mais échoua à débarrasser la Chine des seigneurs de guerres féodaux et des occupations territoriales des impérialistes anglais, français, allemands, japonais et états-uniens.

L’alliance du PCC et du Kuomintang avait pour objectif de sortir le pays du semi-féodalisme et du semi-colonialisme. A la mort du leader de la Révolution et de la République bourgeoise, Sun Yat Sen, son Parti le Kuomintang mit fin à l’alliance avec le PCC pour stopper son influence grandissante.

Le PCC théorisa « l’encerclement des villes par les campagnes » et lança la longue marche sur 9.000 km en établissant des Soviets paysans et soldats dans les différentes provinces chinoises libérées pour y appliquer la liquidation des régimes semi-féodal et semi-colonial par la mise en pratique du slogan « la terre à ceux et celles qui la travaillent. »

Une fois l’occupation militaire japonaise vaincue suite à la seconde guerre mondiale antifasciste gagnée principalement par l’URSS, le PCC continua la lutte révolutionnaire contre le Kuomintang jusqu’à la Révolution d’Octobre 1949 qui élargissait ainsi le camp socialiste à l’Asie.

La Démocratie Nouvelle chinoise était ainsi partie prenante des Démocraties Populaires qui constituaient avec l’URSS le camp socialiste qui sera rejoint ensuite par la Corée du Nord, le Vietnam et Cuba.

L’aide internationaliste de l’URSS à la Chine prit fin après le Grand Bond en Avant dans un contexte de divergences idéologiques sur les questions de l’appréciation de Staline par le rejet de la « déstalinisation » considérée comme une trahison, de la « coexistence pacifique » considérée comme un abandon de la lutte des classes et de l’anti-impérialisme, de la « dictature du prolétariat » considérée comme un opportunisme anti-marxiste-léniniste, etc.

Bien que signataires comme le PCUS de l’URSS des deux déclarations de Moscou de 1957 et de 1960, le PCC par le biais de la lettre en 25 points rédigée par Mao Ze Dong développa une ligne générale du MCI critique du « révisionnisme khrouchtchévien » avec le soutien solidaire du Parti du Travail d’Albanie (PTA).

C’est aussi dans ce contexte que sous la houlette de Mao lui même fut lancée la « Grande Révolution Culturelle (GRCP) » dont l’objectif affiché était de faire régler par la « base » ouvrière, paysanne et intellectuelle les « contradictions antagoniques » manifestées par la bureaucratisation et l’embourgeoisement minant le parti et l’Etat. La « base » était appelée à « bombarder le quartier général » pour assainir le parti et l’Etat.

Toutefois, mis à part les cas Lui Shao Shi, Lin Biao et de la « bande des quatre », les « contradictions » internes au PCC furent le plus souvent traitées comme des « contradictions non antagoniques au sein du peuple. »

La théorie des « contradictions antagoniques et non antagoniques » est une permanence dans l’histoire du PCC et de la Révolution Nationale Démocratique Populaire. C’est ainsi que l’alliance avec le Kuomintang fut d’abord définie comme « contradiction non antagonique au sein du peuple » qui doit se régler par la méthode de « l’unité, critique, unité ». Après le massacre de la Commune de Shanghai la contradiction avec le Kuomintang devint « antagonique », puis après l’attaque et l’occupation nippone de 1937, cette contradiction principale contraint à une nouvelle alliance temporaire que le PCC géra avec vigilance avant de lancer l’assaut final qui vit la fuite de la bourgeoisie pro-impérialiste du Kuomintang sur l’Île de Taïwan.

Par contre le PCC a toujours considéré les fractions patriotiques de la bourgeoisie comme parties prenantes de la Démocratie Nouvelle. C’est ainsi que les classes sociales porteuses de cette forme d’Etat révolutionnaire transitoire sont la classe ouvrière, la paysannerie, les Intellectuels et la bourgeoisie nationale par opposition à la bourgeoisie compradore.

Le PCC est à l’avant-garde de ces classes sociales dans le processus de l’émancipation anti-féodale, de la libération nationale et même de l’édification du socialisme vers le communisme. Tous les dirigeants historiques du PCC, de l’Etat de Démocratie Nouvelle et de l’édification du socialisme chinois sont d’accord sur ces quatre classes sociales révolutionnaires, sur la coexistence de longue durée des secteurs économiques socialistes, capitalistes, des moyennes et des petites entreprises privées et familiales, etc. Ce consensus va de Mao Ze Dong, Zhou En Laï, Deng Xiao Ping et Xi Jinping pour ne citer que les plus illustres dirigeants du PCC et de l’Etat.

Liu Shao Shi a clairement synthétisé la base théorique consensuelle de ces choix stratégiques de tous les dirigeants du PCC : « En raison des particularités du développement social et historique de la Chine et de son retard scientifique, c’est une tâche unique et difficile d’appliquer systématiquement le marxisme à la Chine et de le transformer de sa forme européenne en une forme chinoise… Nombre de ces problèmes n’ont jamais été résolus ou soulevés par les marxistes du monde, car ici, en Chine, la principale section des masses n’est pas constituée d’ouvriers mais de paysans, et la lutte est dirigée contre l’oppression impérialiste étrangère et les survivances médiévales, et non contre le capitalisme intérieur » (Liu Shaoqi).

Pour tous les dirigeants successifs du PCC, l’application du Marxisme-Léninisme à la Chine doit se faire d’abord pour vaincre les survivances du féodalisme et le retard économique, scientifique et technique consécutif au joug impérialiste pour jeter ainsi les fondements du socialisme vers le communisme.

On peut vérifier cela dans ces propos de Deng Xiaoping : « Le marxisme attache la plus grande importance au développement des forces productives… [Aller vers le communisme] exige des forces productives hautement développées et une abondance écrasante de richesses matérielles. Par conséquent, la tâche fondamentale de l’étape socialiste est de développer les forces productives. La supériorité du système socialiste est démontrée, en dernière analyse, par un développement plus rapide et plus important de ces forces que dans le système capitaliste. À mesure qu’elles se développent, la vie matérielle et culturelle du peuple s’améliore constamment… Le socialisme signifie l’élimination de la pauvreté. Le paupérisme n’est pas le socialisme, et encore moins le communisme. »

Même logique chez Mao lui même qui, dès 1949, fait ce lien dialectique entre développement des forces productives et élévation du niveau de vie sociale des travailleurs et du peuple : « Si nous sommes ignorants en matière de production, si nous ne pouvons pas saisir rapidement le travail de production … afin d’améliorer les moyens de subsistance des travailleurs d’abord, puis ceux des autres personnes ordinaires, nous ne serons certainement pas en mesure de maintenir notre pouvoir politique : nous perdrons notre position et nous échouerons. » Le pragmatisme de cette démarche est synthétisé par Deng Xiaoping ainsi : « Peu importe la couleur du chat, l’essentielle est qu’il attrape les souris. »

On retrouve enfin le même raisonnement chez Xi Jinping, l’actuel Secrétaire Général du PCC, lorsqu’il invite l’ensemble du PCC à faire preuve de créativité et d’innovation dans l’application du Marxisme – Léninisme aux réalités évolutives nationales chinoises : « Le marxisme se développe toujours en même temps que les réalités sociales et la technologie de l’époque. Le marxisme ne peut pas stagner. Après le début de l’ouverture, le socialisme n’a fait que continuer à progresser. Soutenir le développement du socialisme aux caractéristiques chinoises, c’est un peu comme un grand livre. Pour établir les principes et les idées fondamentales, le camarade Deng Xiaoping y a gravé sa part. La troisième génération du Comité central du Parti, avec le camarade Jiang Zemin comme noyau et le camarade Hu Jintao comme secrétaire général, a ajouté ses propres chapitres brillants à ce livre. La responsabilité de cette génération de membres du Parti communiste est d’écrire le prochain chapitre de ce grand ouvrage.

Pendant une période assez longue encore, le socialisme à son stade primaire existera aux côtés d’un système capitaliste plus productif et plus développé. Au cours de cette longue période de coopération et de conflit, le socialisme doit tirer les leçons des bienfaits que le capitalisme a apportés à la civilisation. Nous devons faire face à la réalité que les gens utiliseront les forces des pays occidentaux développés pour dénoncer le développement socialiste de notre pays. Nous devons faire preuve ici d’une grande détermination stratégique, en rejetant résolument tous les faux arguments selon lesquels nous devrions abandonner le socialisme. Nous devons corriger consciemment les différentes idées qui ne correspondent pas à notre stade actuel. Plus important encore, nous devons concentrer nos efforts sur l’amélioration de nos propres affaires, sur l’élargissement continu de notre puissance nationale globale, sur l’amélioration de la vie de notre peuple, sur la construction d’un socialisme supérieur au capitalisme, et sur l’établissement des bases d’un avenir où nous gagnerons l’initiative et aurons la position dominante.

Cette analyse nous permet de mieux apprécier le fait que la voie idéologique que nous choisissons de suivre est le problème central qui déterminera la victoire ou la défaite du travail de notre Parti, le destin même du Parti. Comme le camarade Mao Zedong l’a dit un jour : «Un parti révolutionnaire est le guide des masses. Dans les révolutions, il n’y a jamais eu de parti révolutionnaire qui ait conduit son peuple sur la mauvaise route et dont la révolution n’ait pas échoué. »

Les faits montrent que la longue marche planifiée du socialisme de marché dirigé par le PCC a engendré une puissante Chine Populaire économique, scientifique, technique, écologique, culturelle et sociale. La longue NEP chinoise qui rappelle celle courte de l’URSS apparaît de plus en plus comme l’antithèse des diktats libéraux du capitalisme impérialiste broyeurs des conquis sociaux, démocratiques et fascisants.

Les impérialistes qui ne cessent de propager qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme impérialiste se confrontent de plus en plus à l’alternative du « socialisme chinois » alors que leur système prédateur prend l’eau de toutes parts.

Alors que les pays rescapés camp socialiste que sont la Chine, Cuba véritable puissance médicale, la Corée du Nord puissance nucléaire défensive, Vietnam puissance économique et sociale en devenir, font la démonstration de l’efficacité économique, scientifique, écologique et sociale du choix socialiste. La pandémie du covid accélère la prise de conscience planétaire de la barbarie sociale inhumaine, anti-démocratique et anti-environnementale du capitalisme impérialiste.

Les révolutions populaires et socialistes du XXéme siècle nées de la matrice qu’est la Révolution socialiste d’Octobre 1917 sont en train de faire la démonstration que la solution alternative au capitalisme impérialiste est le socialisme scientifique appliqué comme guide de l’action des communistes organisés en Parti aux conditions et particularités nationales nationales.

Les Communistes doivent partout œuvrer à réévaluer leur appréciations du PCC et de la Chine populaire, de l’ensemble des pays rescapés du camp socialiste (Cuba, Corée, Vietnam, Laos) à la lumière des faits, des rapports des forces évolutifs, de la lutte des classes et des peuples contre le capitalisme impérialiste au plan national et international. »

Le bricolage est évident. Au lieu de réfléchir sur la société française et le capitalisme, la gauche du PCF a trouvé le moyen de remplacer l’URSS des années 1980 par la Chine des années 2020. C’est un décalque pur et simple. Et vu le caractère de la Chine actuelle, peut-on encore considérer la gauche du PCF comme relevant de la Gauche ? Ou faut-il simplement en voir les représentants français des ambitions chinoises, les satellites de l’État chinois dans sa lutte pour remplacer les États-Unis comme puissance hégémonique ?

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La crise de la police dans la France de mai 2021

Cette crise exprime surtout une contradiction entre la police et les policiers.

La Gauche historique n’a jamais eu la position anarchiste (ou républicaine-radicale) d’assimiler la police aux policiers, ni les policiers à la police. Les policiers sont en effet des gens happés dans un appareil d’État, ce qui est de plus en plus vrai : ces vingt dernières années, les policiers ce sont pratiquement tout le temps monsieur tout le monde. Finie l’époque où le policier était par définition un réactionnaire patenté propice à cogner ce qui est de gauche.

La crise des policiers est ainsi inévitable alors qu’on les jette sur le front social pour réparer les dégâts en gérant par un mélange de prévention, de répression, des gestion des liens humains. D’où la manifestation parisienne mercredi 19 mai 2021 des policiers, qui a réuni 35 000 personnes selon les chiffres des syndicats. C’est à la fois beaucoup, et en même temps sans grande valeur à part symbolique, d’ailleurs le ministre de l’Intérieur lui-même a pu venir manifester à leurs côtés, ce qui est on ne peut plus baroque.

Dans le genre, il faut noter également la présence de Fabien Roussel, le candidat PCF à la présidentielle 2022, qui s’imagine soutenir les policiers… alors qu’il est en même temps un fervent soutien (et depuis les débuts) d’Assa Traoré, dont quasiment chaque prise de parole consiste en une insulte envers les policiers !

C’est anecdotique certes, mais cela en dit long sur l’absence d’une véritable mobilisation populaire et démocratique dans les rangs de la police, malgré une colère allant en ce sens par la base sociale des policiers. Mais l’institution asphyxie toute pensée en ce sens, avec naturellement l’extrême-Droite qui, depuis la manifestation, ne cesse d’en rajouter en expliquant que lorsqu’elle arrivera au pouvoir, tout changera.

La question est de savoir si les policiers suivront ou pas. Les gendarmes le feront, car ce sont des militaires et que l’extrême-Droite correspond à leurs valeurs (rappelons que les pompiers professionnels relèvent relativement, et même entièrement pour ceux de Paris et de Marseille, de l’armée). Pour les policiers, c’est totalement différent. Que vont penser ces gens qui sont issus du peuple et ont rejoint la police afin de servir et de protéger la population, mais qui se retrouvent confrontés chaque jour à une société en pleine décomposition qui leur explose à la figure?

Car c’est de cela qu’il s’agit. Il est de bon ton chez les gens urbains de gauche (pour ne pas dire bourgeois) de critiquer l’attitude parfois hautaine et directive des policiers. Cela s’entend, car forcément quand on est de gauche on aspire à une société apaisée. Mais c’est toutefois totalement décalé par rapport à la réalité de ce que vivent les policiers. S’ils peuvent se montrer durs, c’est qu’ils n’ont pas le choix : c’est le seul moyen qu’ils ont pour tenir face à la pression qu’ils subissent.

En fait, les policiers font face dans leur travail à une contradiction insurmontable en apparence. D’un côté ils se sont engagé avec l’idée que les institutions en place sont légitimes quoi qu’on en pense et qu’il faut les défendre comme un rempart face au chaos social, mais de l’autre ils constatent avec toujours plus d’amertume à quel point ces institutions ne fonctionnent pas, à quel point ils ne sont là que pour « gérer » les excès et les débordements, sans que rien ne soit fait pour résoudre les problèmes.

Les policiers devraient alors logiquement se tourner vers la Gauche, pour changer les institutions dans un sens démocratique et populaire.

Ils en sont pour l’instant incapables… à l’image des classes populaires dans leur ensemble, rongées par l’apolitisme et l’immobilisme social-culturel.

Alors il y a les syndicats policiers, pour faire du bruit, pour faire dans le symbole, pour faire parler sans rien changer. C’était le sens de la manifestation du 19 mai. Mais tout cela est vain, et ne tiendra pas le choc le jour où les classes populaires, dont la bases policière fait partie, assumeront enfin de prendre les problèmes à bras-le-corps et de changer les choses.

Et là les policiers devront comprendre que soit ils rejoignent les valeurs de la Gauche historique pour écraser la décadence de la société bourgeoise, pour anéantir le cannibalisme social des éléments anti-sociaux, soit ils rejoignent la logique militaire de l’extrême-Droite en devenant un appendice de l’armée.

La Gauche doit travailler pour les faire pencher du bon côté.

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Le fiasco de la Gauche israélienne

En se soumettant au sionisme, la Gauche israélienne s’est effacée.

Il est bien connu que les supporters du club de football de l’Hapoel Tel Aviv assument une identité de Gauche extrêmement offensive. C’est l’un des grands marqueurs en Israël, ou plutôt pratiquement le seul, qui subsiste grâce à sa dimension culturelle alternative. Tout le reste de la Gauche s’est fait liquider.

La raison de ce fiasco, gigantesque si l’on pense à la force historique de la Gauche dans ce pays, tient à la soumission progressiste au sionisme. En lieu et place de l’affirmation d’une solution démocratique judéo-arabe, il y a eu l’affirmation de la nécessité de deux États, au nom du maintien de l’idéal sioniste. Grâce à cela, la Droite a pu se présenter comme la seule réaliste, tout en prétendant une solution à deux États et en réduisant, en morcelant toujours plus le territoire palestinien.

Cela se comprend aisément à la lecture d’une tribune publiée dans Le Monde à l’initiative d’Ilan Greilsammer, un professeur de sciences politiques à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv. C’est une tribune intelligente, mais hors sol, intellectualiste, typique de ce qui reste de la Gauche israélienne :

« J’écris ces lignes en précisant que j’appartiens à la gauche israélienne qui, c’est vrai, est très minoritaire, mais peut s’enorgueillir de compter dans ses rangs la quasi-totalité des intellectuels israéliens.

Et je suis de ceux pour qui il n’y a qu’une seule solution possible, raisonnable et logique du conflit, deux Etats pour les deux peuples, car sinon c’est soit la fin du rêve sioniste, soit un Etat binational d’apartheid.

Pour nous, pour le camp de la Paix, ce qui est en train de se passer à l’intérieur d’Israël entre citoyens juifs et citoyens arabes est absolument dramatique. Lynchages, incendies de synagogues, coups et blessures, peur de ses voisins de palier, pillages, destructions… L’explosion de violence incontrôlée, non seulement dans les villes « mixtes », mais aussi dans tout le reste du pays, paraît sonner le glas de ce que nous croyions honnêtement être une forme de coexistence pacifique et de bon voisinage.

Où nous sommes-nous trompés ?

Nous tous, politologues et sociologues israéliens, nous nous sommes endormis car nous nous plaisions à croire que la coexistence se développait et ne faisait que se renforcer. Nous parlions de l’intégration croissante des jeunes Arabes à la société israélienne, nous aimions croire à leur « israélisation » accélérée. Leur vie n’était-elle pas beaucoup plus « facile » en Israël que dans nombre de pays arabes ?

Le grand nombre d’étudiants arabes dans nos universités et nos collèges universitaires, leur accession à des postes importants, dans le public comme dans le privé, l’étroite coopération judéo-arabe dans la lutte contre le Covid-19, avec le travail remarquable des médecins et infirmiers arabes aux côtés de leurs collègues juifs dans les hôpitaux, la présentation des villes « mixtes », Acre, Lod, Ramle ou Jaffa, comme des modèles exceptionnels de cohabitation et d’entraide, etc.

De l’autre côté, nous étions certes parfaitement conscients de l’existence d’une extrême droite raciste en Israël, mais nous aimions la considérer comme marginale, concentrée dans quelques organisations brutales, voire folkloriques, du genre « La familia », le noyau dur du club de football Betar de Jérusalem. Même Itamar Ben Gvir, chef du groupe d’extrême droite Otzma Yehudit, n’était pas considéré comme vraiment dangereux, tant ses résultats électoraux passés étaient insignifiants.

Or ce qui s’est passé les jours derniers dans tout le pays, parallèlement au cycle militaire avec le Hamas, a pris de court tous les spécialistes de la société israélienne. La soi-disant « israélisation » des jeunes Arabes israéliens, sans cesse représentée comme un succès, était une vision fausse, superficielle et surtout autosatisfaite de ce qui se passait en réalité.

La réalité, c’est d’abord et surtout le sous-développement économique et social et la pauvreté persistante d’une grande partie de cette population, le manque criant d’infrastructures de base dans les villages et les quartiers arabes, la discrimination évidente engendrant l’amertume et la jalousie, et aussi, comme dans bien d’autres sociétés arabes, l’impact croissant du militantisme religieux et l’influence de l’islamisme constamment diffusé dans les mosquées. Sans compter la montée de la violence interne et du gangstérisme dans les villes et les villages arabes.

C’est un peu comme si Israël, étourdie par la réussite de son high-tech et les lumières de Tel-Aviv, avait préféré fermer les yeux. Plus encore que le sous-développement, l’appel de la religion et les fantasmes autour de Jérusalem ont joué le rôle du plus puissant détonateur.

La police israélienne montant en force sur l’esplanade des Mosquées et lançant des bombes lacrymogènes dans Al-Aqsa, l’expulsion programmée d’habitants arabes du quartier de Cheikh Jarrah, la danse des drapeaux annoncée dans la Vieille Ville pour la Journée de Jérusalem [qui marque la conquête de la partie orientale de la ville par Israël, en 1967]… On voit surtout la stupidité, le manque de réflexion, de subtilité et, surtout, de prudence des autorités israéliennes en plein ramadan, période toujours très problématique à Jérusalem.

Quant à notre société juive, prise de court, comme lors de l’assassinat de Yitzhak Rabin [premier ministre israélien, tué le 4 novembre 1995], elle a découvert avec stupeur, mais beaucoup trop tard, que le kahanisme [courant créé par le rabbin américano-israélien Meir Kahane, assassiné en 1990] et le racisme s’étendaient bien au-delà des petits cercles très surveillés de l’extrême droite, des enragés des clubs de foot et des colons extrémistes impatients d’en découdre avec les Arabes.

Le principal responsable de ce développement de l’extrême droite est le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui, pour sauver à tout prix son pouvoir, a tout fait pour renforcer les fanatiques, les extrémistes et les racistes. Ainsi, lors des dernières élections, il s’est entièrement mobilisé pour faire élire la liste d’extrême droite.

Il est largement temps que cet homme, sous le coup de trois chefs d’accusation pour corruption, quitte le pouvoir car il ne laisse derrière lui que terre brûlée. Je pense aussi qu’il ne faut pas exempter de toute responsabilité les leaders de la population arabe, et surtout les députés arabes à la Knesset, qui ont été étrangement absents du terrain et ne se sont pas servi de leur influence pour faire cesser les violences. Malheureusement, l’extrême indigence du personnel politique israélien, juif et arabe, s’est révélée de façon éclatante lors de ces émeutes.

Alors, que faire à présent ? Reconstruire, reconstruire patiemment.

Lorsque l’affrontement entre Tsahal et le Hamas prendra fin, il faudra reconstituer soigneusement le tissu de la coexistence. Après ces violences ce sera difficile, très difficile, mais pas impossible. Il y a tant à faire !

Investir massivement dans la société arabe, lutter contre le gangstérisme et la pauvreté, reconnaître les localités encore sans infrastructures, restaurer le bon voisinage… Surtout, n’oublions jamais la vision de paix du philosophe Martin Buber (1878-1965), ou, plus récemment, celle de nos aînés, les écrivains Amos Oz (1939-2018) , Avraham B. Yehoshua et David Grossman.

Un tel pacifisme puise de manière unilatérale dans une position idéalisée du sionisme de gauche de l’époque des « pionniers » ; elle ne comprend pas que depuis 1948, le pays a été financé par les États-Unis et l’Allemagne qui ont permis le « miracle » israélien et son agressivité militariste. Tout serait de la faute de la Droite jouant avec le feu… des islamistes, des gangsters…

Une telle incompréhension du caractère réactionnaire d’Israël est étonnante, surtout qu’il est bien connu qu’une partie significative de la population a basculé dans une religiosité fanatique, ouvertement alliée aux projets expansionnistes de la Droite israélienne. On peut considérer que la majorité des Israéliens se situe dans cette orbite idéologique sioniste-religieuse.

Et une telle naïveté est d’autant plus choquante qu’une partie importante de la population vit dans la grande pauvreté, dans un pays sans sécurité sociale, avec quelques familles tenant une partie importante de l’économie aux côtés des grands groupes américains. Rien qu’une telle situation montre qu’Israël n’a rien d’une démocratie, qu’une oligarchie est aux commandes.

Israël est en fait un pays du tiers-monde, voilà la vérité. Et la Gauche israélienne a disparu pour ne pas vouloir l’avoir vu, au nom du mirage sioniste, dont le militarisme est par contre tout à fait concret.

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François Mitterrand: 40 ans après le 10 mai 1981

L’élection de François Mitterrand à la présidence à la République est un important fait historique.

Il n’y a guère eu de grandes émissions ou de grandes déclarations à l’occasion des quarante ans du 10 mai 1981, même si on pouvait sentir que les différents médias auraient aimé en faire bien davantage. C’est que pour toutes les personnes au-dessus de 14 ans en mai 1981, l’élection de François Mitterrand a été un des faits les plus marquants de leur vie.

Du côté des gens de gauche, la joie était immense. Tout apparaissait comme possible. Du côté des gens de droite, c’était la fin d’un monde, puisque cela faisait 40 ans que la tête de l’État était entre leurs mains. Le désespoir des gens de droite était aussi grand que l’engouement incroyable à gauche.

Quarante après, il ne reste cependant rien de tout cela, puisque les principaux organes de l’histoire commencée en 1981 n’existe pratiquement plus. Le Parti socialiste, l’UNEF-ID, SOS racisme, le Parti Communiste Internationaliste… ne sont plus que les ombres d’eux-mêmes.

Surtout, leur patrimoine s’est dilapidé ici ou là, les gens abandonnant ou partant dans différentes carrières. Quarante après, une figure de l’époque comme Julien Dray n’a plus rien de socialiste à proposer. Jack Lang a disparu de la circulation, tout autant que Laurent Fabius ou Lionel Jospin.

Cela résulte tant d’une inscription dans les milieux aisés que d’une faillite intellectuelle. Car François Mitterrand c’est avant tout le mitterrandisme, c’est-à-dire un réel pragmatisme.

Cadre du régime de Pétain, François Mitterrand finit par rejoindre la résistance ; de centre-gauche il est devenu le principal opposant à de Gaulle, prenant la tête d’un Parti socialiste reconstitué au congrès d’Épinay en 1971. Puis il y eut l’alliance avec le PCF, pour le programme commun. Ses deux septennats ont pareillement été des coups de barre à droite, à gauche, au centre, selon les intérêts du moment et non selon une doctrine.

On arguera que ni Jean Jaurès, ni Léon Blum n’en avaient, de doctrine, justement. Mais c’est là qu’est le problème. La Gauche de tradition socialiste cherche en permanence une figure capable de conjuguer les forces du moment, sans exiger de contenu, et le résultat est connu : c’est François Hollande et l’ultra-pragmatisme.

On ne peut pas se relever d’un succès qui se caractérise par une absence de cimentation du socle. Il suffit de penser d’ailleurs à toutes ces organisations, petites ou grandes, qui décident de passer à l’action, récoltent un petit succès, puis finissent par s’effondrer, car il n’y a pas de valeurs approfondies, de pensée développée, de vision cohérente du monde. Bref, sans doctrine, on ne peut arriver à rien.

Et une doctrine, il faut du temps et de l’énergie pour en développer une. En faisant face à un isolement fort puis relatif pendant un long temps, aux moqueries des actionnistes, aux opportunistes qui préfèrent les succès rapides présentés comme ouvrant une nouvelle époque, etc.

Aussi, sans nul doute, l’avenir appartient à ceux qui mènent le travail de fond afin d’être prêt à formuler la vision du monde nécessaire quand il le faut, pas à des gens passant leur temps à « agir » on ne sait comment, on ne sait pourquoi, sans perspective prolongée ni critères évaluant leurs actes.

L’élection de François Mitterrand a donc été un fait marquant, mais sans mitterrandisme il n’en reste rien ; sans doctrine il n’y a rien.

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Politique

Les déclarations du 1er mai 2021: la Gauche activiste

L’état d’esprit de la Gauche activiste – syndicaliste pour le 1er mai 2021.

Le premier mai est un marqueur de la Gauche et toujours une occasion de fournir un point de vue sur l’actualité ou bien de rappeler sa vision du monde. En cette période de crise sanitaire, de crise économique, et d’ailleurs de crise morale, de crise culturelle, de crise écologique… bref, dans cette situation tourmentée, c’est d’autant plus important.

La Gauche activiste considère, dans ce panorama, que ce qui compte c’est le rentre-dedans, et que les choses se débloqueront ensuite d’elle-même. Elle est optimiste, entrevoit une grande révolte sociale à court terme et, en apparence, les 100 000 personnes ayant défilé hier sont une preuve de combativité.

Il va de soi que l’aspect syndical est ici principal, puisque les manifestations du premier mai sont en France de nature syndicale et non politique en tant que tel. La CGT, dans sa déclaration du premier mai, souligne bien sûr cette dimension non politique.

« 1er-Mai : ensemble pour les droits sociaux et les libertés

Le 1er-Mai est une journée qui unit internationalement les travailleurs et travailleuses avec leurs organisations syndicales. Le progrès des droits sociaux et des garanties collectives est conditionné à ce que tous les peuples puissent vivre en paix et disposent des libertés individuelles et collectives indispensables à leur développement.

Depuis plus d’une année, la pandémie liée à la Covid bouleverse la vie, le travail, les libertés individuelles et collectives des populations sur tous les continents (…).

De trop nombreux plans sociaux, de restructurations injustifiées, de délocalisations d’activités avec leur cortège de suppressions d’emploi sont en cours. Beaucoup d’entreprises ont pourtant bénéficié d’aides publiques importantes sans aucune contrepartie.

La précarité et la pauvreté gagnent du terrain en particulier chez les jeunes et les salariés fragilisés par des contrats à durée déterminée. De plus en plus, émerge le sentiment d’une génération sacrifiée. 

La réforme de l’assurance chômage, rejetée par toutes les organisations syndicales et qui n’a d’autre but que de faire de nouvelles économies, est poursuivie.

Elle pourrait pénaliser plus 1,7 millions de demandeurs d’emploi, parmi eux les plus précaires et particulièrement les plus jeunes.

Nos organisations CGT, FO, FSU et Solidaires appellent toutes les travailleuses et travailleurs à se saisir du 1er-Mai, partout en France, pour en faire une journée de mobilisation et de manifestation, pour s’engager avec détermination pour l’emploi, les salaires, les services publics, la protection sociale, les libertés et la paix dans le monde. »

Exemplaire de cette approche activiste en ce moment, le Courant Communiste Révolutionnaire du Nouveau Parti Anticapitaliste, dont l’organe est Révolution permanente, appelle à un « plan de bataille à la hauteur de la crise », suivant sa ligne visant à constituer à court terme un « Parti révolutionnaire des Travailleurs ».

L’éditorial du premier mai 2021 de Révolution permanente mentionne donc les récentes luttes, considérant qu’elle forme un nouveau patrimoine qu’il s’agit de cimenter par un « programme d’urgence » (ce qui est en fait la ligne explicitée par Léon Trotski dans Le programme de transition).

« Ce 1er mai et les échéances à venir doivent constituer des points d’ancrages pour penser la suite des opérations. C’est une nécessité à l’heure où les conséquences de la crise vont continuer à s’intensifier. Les mesures de contentions mises en place ne vont pas durer et annoncent des lendemains terribles pour notre camp social. De plus, le gouvernement compte bien chercher à finaliser son calendrier de réforme, en s’appuyant notamment sur les leviers autoritaires renforcés au fil des dernières années.

Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est relever la tête et poser des perspectives à la hauteur. À partir d’un programme d’urgence qui vaille la peine de se battre, en s’appuyant sur le meilleur des méthodes de luttes de ces dernières années en France et dans le monde. »

On notera que ce courant du NPA généralise les initiatives activistes, telle une « précandidature présidentielle », la mise en avant de personnes ayant joué un rôle dans des grèves récentes, une organisation étudiante « le Poing levé » ayant un certain succès, ainsi qu’une structure féministe dénommée « Du pain et des roses », et cela au grand dam du NPA lui-même, toujours plus marginalisé.

L’autre grand courant de la Gauche activiste, ce sont bien sûr les anarchistes, ou plus exactement les « libertaires » puisqu’il y a un refus des idéologies. L’appel « Pour un 1er mai festif et chamailleur » est tout à fait représentatif de cet état d’esprit, avec une farouche opposition aux mesures anti-covid.

« Plus d’un an que la vie sociale s’est arrêtée. Interdite et punie par les administrateur.rice.s de ce monde.
Plus d’un an que l’on ne peut plus se retrouver entre ami.e.s, en famille ou même entre inconnu.e.s. (…)

Aujourd’hui, c’est en Belgique que le ton est donné avec l’annonce de la «BOUM 2» au bois de la Cambre (Bruxelles). Le 1er avril 2021, la Belgique toute entière s’était réunie dans un grand parc pour imposer la liberté et la tolérance pour cette société au bord du burn-out. Une semaine plus tôt, Marseille organisait son traditionnel Carnaval de la Plaine qui a réuni 6000 personnes dans un esprit de révolte et de fête. Au nouvel an 2021, une free-party a rassemblé 2500 personnes en Bretagne sans créer de cluster selon l’ARS. Tous ces exemples sont devenus le théâtre d’une répression policière et judiciaire disproportionnée quand elle n’est pas sanguinaire.

Dans un contexte où l’état policier s’installe et se renforce, épaulé par un état d’urgence sanitaire qui n’en finit plus de ne plus finir. Dans un monde où s’amuser est proscrit… sauf pour les riches. La lutte des classes angoisse les riches et autres puissants, alors donnons leurs raison.

À l’image de nos voisin.es belges, faisons la fête pour célébrer notre aspiration à la liberté, allumons la mèche contestataire par un feu de joie! Réapproprions-nous les espaces publics (balcon, courée, jardins, parcs, rues, quartiers…), organisons des repas, des concerts, des manifestations : soyons inventif.ves et visons large pour faire vivre toutes formes de contestation, festives et révolutionnaires! »

Enfin, du côté de cette Gauche activiste, on a également un document très intéressant, même si assez triste dans la forme, de la part de l’OCML Voie Prolétarienne. Cette structure issue des années 1970 a maintenu une approche « marxiste-léniniste » adoptant dans les années 1990 un tournant mêlant, pour parler à traits grossiers, altermondialisme, esprit communiste libertaire, activisme syndicaliste, initiatives anti-impérialistes, etc.

L’OCML Voie Prolétarienne a alors proposé un style qui a irradié, même à petite échelle, la scène de la Gauche activiste. Mais les forces centrifuges ont eu raison de la démarche. Le premier mai 2021 a été rendu public la résolution du 11e congrès de l’organisation, expliquant qu’entre 2016-2019 cela a été l’effondrement, avec la réduction au niveau d’un cercle, et un bilan pour aller de l’avant.

C’est un bon exemple des soucis de la Gauche activiste, qui souvent, lorsqu’elle réussit quelque chose, perd sa base en raison de fondamentaux non cimentés.

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Liquidation de la Gauche: la réunion de Yannick Jadot d’EELV, le Emmanuel Macron « vert »

Europe Ecologie-Les Verts mène depuis plusieurs années une opération systématique et structurée de liquidation de la Gauche. Elle est bien aidée en cela par les dirigeants actuels du Parti socialiste et du mouvement Génération·s de Benoît Hamon. La réunion de plusieurs personnalités politiques samedi 17 avril dans un hôtel parisien à l’initiative de Yannick Jadot apporte une pierre à cet édifice.

EELV, ce sont des « bobos » de centre-ville qui ne connaissent rien à la vie du peuple, un peuple qu’ils méprisent d’ailleurs. EELV, ce sont des libéraux-libertaires dont les mœurs et les valeurs s’opposent fondamentalement à celles de la classe ouvrière, valeurs portées historiquement par la Gauche. EELV, ce sont des libéraux-centristes se donnant une image sociale alors qu’ils ne critiquent jamais la bourgeoisie ni le capitalisme… Et pour cause, ils en sont l’aspect le plus moderne.

Enfin, et surtout, EELV ce sont des politiciens opportunistes qui n’ont en réalité aucune pratique concrète et de terrain de l’écologie, de la défense des espaces naturels, des zones humides, des animaux. Rien que ce dernier point dit tout.

La Gauche, la vraie Gauche, ne peut qu’être horripilée face à de tels gens. Comme dit ici en juillet 2020, il est du devoir de la Gauche de barrer la route à quelqu’un comme Yannick Jadot, qui se positionne comme un Emmanuel Macron « vert » en vue de la Présidentielle 2022.

Yannick Jadot sait très bien que la vraie Gauche le combat et il a donc tout intérêt à jouer la carte de « l’unité », pour empêcher toute critique, en se positionnant comme incontournable, reconnu médiatiquement, constructif, etc. C’est exactement ce qu’il a fait en convoquant une réunion médiatique samedi 17 avril.

Et cela est une immense réussite pour lui dans sa perspective de neutraliser la Gauche. Il le dit très clairement en se félicitant à l’issue de sa réunion qu’elle ait débouché sur « le respect mutuel », précisant que dorénavant « on ne disqualifie pas les autres à gauche ».

Et d’ailleurs c’est lui qui donne le ton pour la suite, en convoquant une nouvelle réunion pour la fin du mois de mai et en décidant de son ouverture à de soi-disant collectifs « citoyens ».

La manœuvre est grossière et jamais de véritables dirigeants de gauche n’auraient accepté de se rendre dans un hôtel parisien, à huis clos, pour discuter pendant plusieurs heures d’on ne sait quoi, sans aucune base démocratique, dans l’unique but de prendre une photo autour de Yannick Jadot en sortant.

Mais c’est que tous les gens qui ont répondu à la convocation n’ont aucune base démocratique justement, car ils n’ont aucun attachement à la Gauche historique ni aucune perspective politique de gauche.

Il y a donc eu une réunion de plusieurs heures, et beaucoup d’articles de presse parlant d’une abstraite « unité » de la gauche et des « écologistes ». En réalité, personne ne sait ce que ces gens se sont dit, personne ne sait d’ailleurs vraiment qui était présent au côté de Yannick Jadot, à part les personnalités les plus connues comme Anne Hidalgo, Benoit Hamon, Olivier Faure, Julien Bayou, Eric Coquerel ou Corinne Lepage.

Il faut pointer ici la responsabilité particulièrement grande de l’actuel dirigeant du Parti socialiste Olivier Faure, qui après n’avoir présenté aucune tête de liste PS aux élections européennes de 2019 (au profit du bobo libéral-libertaire Raphaël Glucksmann), fait en sorte que le PS se range pour 2022 derrière EELV.

Tout cela n’a rien à voir ni de près ni de loin avec la Gauche. Et c’est tellement éloigné des classes populaires et des enjeux de notre époque que c’est un véritable cadeau pour la Droite et l’extrême-Droite, trop contentes d’avoir affaire à de telles caricatures « bobo » de gauche.

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PCF: un premier pas pour la présidentielle de 2022

Le Parti communiste français joue son va-tout.

Les délégués du PCF ont validé la stratégie d’une candidature de leur parti à la présidentielle, la base devra approuver ou non ce choix d’ici mai. Voici le communiqué (inintéressant) de présentation du vote effectué le 11 avril avec Fabien Roussel qui sera le candidat dans l’état actuel des choses, et le (très intéressant) bulletin de vote pour le choix de la base :

« PCF/Candidature à la présidentielle : Aux militant-es communistes de décider les 8 et 9 mai prochains !

Le PCF a réuni ce week-end plus de 1000 délégué-es lors de sa Conférence nationale.

Dans un contexte de pandémie, l’organisation de cette conférence, avec des protocoles sanitaires stricts et un système de visioconférence totalement inédit, a permis aux délégué-es de travailler à la façon dont le PCF allait participer aux échéances électorales stratégiques de 2022.Le PCF se félicite de la réussite technique de cette conférence nationale. Un grand défi démocratique a été relevé, avec les interventions des délégué-es depuis les locaux de leurs fédérations et sections permettant un débat politique serein et de grande qualité.

Non la pandémie ne peut être prise comme prétexte pour étouffer la démocratie et l’intervention politique.

Durant une journée et demi, plus de 100 interventions ont nourri un débat particulièrement riche et fraternel.

Samedi 10 avril, la conférence nationale a largement adopté (à plus de 66 %) le principe d’une candidature présentée par le PCF à l’élection présidentielle, qui aura pour but de notamment s’adresser au monde du travail et à la jeunesse, qui proposera une alternative aux politiques macronistes et en rupture avec la mondialisation capitaliste.

Ce dimanche 11 avril, à plus de 73 %, (95% des votes exprimés), la conférence nationale a décidé de proposer au vote des adhérents, Fabien Roussel, secrétaire national, comme candidat présenté par le PCF à l’élection présidentielle de 2022.

Ce sont au final, les adhérent-es qui valideront ces choix lors d’une consultation du 7 au 9 mai prochains.

Parti communiste français,

Paris, le 11 avril 2021. »

Le bulletin pour la consultation est le suivant :

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Gauche pour le Parti: trois lignes programmatiques

Voici trois exemples d’affirmation idéologique affirmant être à la hauteur d’une époque vue comme nouvelle.

La crise a estomaqué une large partie de la Gauche et de nombreuses structures ont disparu du jour au lendemain (tel en juillet 2020 le Rassemblement Organisé des Communistes Marxistes-Léninistes et le Parti Communiste Maoïste). C’est qu’il y avait trop de questions, trop de pression. Les choses se virent attribuer une dimension nouvelle, poser une ligne idéologique de gauche était trop compliqué. D’où un repli encore plus grand vers le côté « pratique », avec des initiatives « militantes », mais sans assumer un positionnement réel sur le plan des idées.

On peut citer néanmoins trois exemples, avec trois structures qui, comme le dit l’expression, « envoient du lourd », puisqu’il s’agit pas moins que de refonder « le Parti ». Profitant d’un arrière-plan idéologique développé, la crise a littéralement alimentés ces structures sur le plan des idées, leur accordant un réel optimisme au sujet d’une nouvelle affirmation programmatique. Leurs approches sont cependant évidemment très différentes.

La tendance Révolution Permanente du Nouveau Parti Anticapitaliste pose ainsi une nouvelle approche militante, conforme selon elle à un changement d’époque et de mentalités. Il y aurait un nouveau profil aux luttes et il faut s’y conformer. Voici des extraits du document du 30 mars 2021 La nouvelle génération ouvrière et la nécessité d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs, dont le titre résume parfaitement la conception.

« Depuis plus d’un an, la pandémie de coronavirus a ouvert une situation de crise aux conséquences durables. De fait, pour assurer le remboursement de la dette publique contractée et restaurer le taux de profit des entreprises capitalistes, les classes dominantes se préparent en effet à faire payer les travailleurs à coup de réformes néo-libérales, d’augmentation de la productivité et de mesures d’austérité. Or, face à cette sombre perspective, aucun projet politique à même de défendre les intérêts des travailleurs avec une stratégie à la hauteur ne semble émerger.

Une situation en profond décalage avec la politisation et les luttes intenses qui se sont enchaînées ces cinq dernières années en France.

En 2016 contre la Loi Travail, en 2018 dans le cadre du mouvement contre la réforme ferroviaire et de la lutte contre la sélection à l’université, en 2018-2019 avec le mouvement historique des Gilets jaunes, en 2019-2020 avec le mouvement contre la réforme des retraites et la grève historique du secteur des transports francilien. Dans différents secteurs on a en parallèle assisté à un renouveau des luttes, comme dans l’Éducation Nationale ou du côté des personnels des universités (…).

En ce qui concerne le NPA, un tel recul de sa capacité d’intervention est évidemment en lien avec la crise profonde que traverse le parti et qui fait aujourd’hui peser sur lui une menace d’implosion. Mais cela n’est que le dénouement d’un long processus, initié par la LCR dans les années 1980-1990, d’abandon d’une stratégie centrée sur le rôle de la classe ouvrière (dont le néo-libéralisme avait proclamé la mort), au profit de l’intervention dans les « mouvements sociaux », avant de se dissoudre dans un parti large non délimité stratégiquement, le NPA.

Du côté de Lutte Ouvrière, qui possède encore des bastions dans des secteurs stratégiques, règne une forme de scepticisme, accompagnée d’une dose de nostalgie du vieux mouvement ouvrier français, façonné par le PCF.

Ce scepticisme, qui rejette toujours la faute sur les travailleurs qui ne voudraient pas lutter, couvre en réalité le refus de prendre une part active au travail d’organisation des couches les plus avancées de la classe et d’une nouvelle génération ouvrière en gestation, ainsi que de combattre la politique néfaste des directions syndicales bureaucratiques (…).

Le mouvement ouvrier a vu notamment émerger une nouvelle génération qui pourrait être le levier de la construction d’une organisation de ce type. Nous l’avons vu pour la première fois en 2014, dans la grève de la SNCF, où, ne partageant pas les codes de la gauche politique et syndicale, voire partageant de façon peu consciente ceux de personnages confusionnistes comme Dieudonné (nous étions au sommet du phénomène des « quenelles »), ils et elles ont été souvent boudés par les militants d’extrême-gauche.

Depuis, nous les avons vu prendre leur place dans chacune des grandes mobilisations qui ont traversé le pays, avec des profils très variés : souvent racisés et issus de l’immigration dans les grandes agglomérations, ouvriers et ouvrières gilet-jaunisés dans la France périurbaine, militantes et militants syndicaux combatifs ou travailleurs du rang… (…)

Au NPA – Révolution Permanente, nous avons eu le mérite relatif d’avoir saisi l’émergence de cette nouvelle génération ouvrière assez tôt et d’avoir essayé de fusionner avec elle.

Que ce soit dans le cadre de la « Bataille du Rail » de 2018 avec la construction de la rencontre Intergare, de la grève victorieuse d’Onet, du mouvement des Gilets jaunes, du mouvement des retraites au travers de la coordination RATP-SNCF, où actuellement des grèves de Grandpuits et des agents d’entretien des voies (Infra-pôle) de Gare du Nord, nous sommes intervenus avec une même logique : celle de déployer dans chaque bataille un arsenal stratégique et programmatique qui permette de pousser ces expériences le plus loin possible, en sortant du cadre imposé par la routine syndicale.

C’est au travers de ces expériences que nous avons pu faire entrer dans nos rangs de nombreux jeunes militants ouvriers, parmi lesquels de véritables figures dans leur région ou branche, à l’image d’Anasse Kazib à la SNCF, d’Adrien Cornet chez Total, de Gaëtan Gracia dans le bastion toulousain de l’aéronautique, de Christian Porta chez Neuhauser (industrie agro-alimentaire) en Moselle, mais aussi de jeunes militants comme Rozenn à Chronodrive ainsi que d’autres camarades dans le privé ou dans le public, à la RATP, dans la Santé, la Culture ou l’Éducation Nationale.

C’est aux côtés et au travers de ces militants que nous souhaitons aujourd’hui lancer une campagne autour de la nécessité d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs. »

La tendance Révolution Permanente du NPA affirme ainsi, pour résumer, qu’elle a réussi à attirer à elle une nouvelle génération, que cela donne du sens à un nouveau projet. De manière intéressante, c’est l’inverse qui est vrai pour le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF). Lui dit qu’il a réussi à attirer à lui l’ancienne génération et que cela donne du sens à un ancien projet. Il s’agit en effet de refonder le Parti Communiste Français tel qu’il a existé dans les années 1970-1980.

Le PRCF a historiquement un pied dans le PCF et un pied dehors, désormais la ligne est celle de prendre sa place. En ce sens, le PRCF vise à présenter un candidat à la prochaine présidentielle, afin d’établir un réel socle pour un « Frexit progressiste ». Voici un extrait de la Déclaration du Secrétariat national du PRCF du 1er avril 2021.

« Voilà pourquoi, pour sortir rapidement et définitivement de ce cauchemar sans fin, il est vital de proposer la seule alternative en mesure d’empêcher un nouveau scénario catastrophe en 2022 que serait un faux « duel » et vrai duo Macron-Le Pen, entre le tyran nostalgique de la monarchie qui déroule un tapis brun à la fascisation en célébrant Maurras et Pétain à longueur de temps, et la mensongère « souverainiste » du prétendu « Rassemblement national » qui ne veut sortir de l’euro, ni de l’UE – dont la responsabilité dans le désastre sanitaire est immense, à l’image de la Commission européenne appelant à 63 reprises les États-membres, entre 2011 et 2018, à « réduire les dépenses de santé » –, ni de l’espace Schengen, ni de l’OTAN, ni du capitalisme. 

Cette alternative franchement communiste et franchement insoumise ne peut être que rouge-tricolore, nécessitant une rupture définitive et totale avec l’euro, l’UE, l’OTAN et le capitalisme exterministe.

Elle ne peut pas s’incarner dans une resucée d’« union de la gauche » associant les faux « socialistes » et « écologistes » et les « communistes » et « insoumis » édulcorés, autant de forces discréditées aux yeux des classes populaires – et notamment de la classe ouvrière – et faisant miroiter une impossible « Europe sociale ».

Cette alternative rouge-tricolore, patriotique et populaire, antifasciste et internationaliste – en cela diamétralement opposée à l’utopique et dangereuse « union des souverainistes des deux rives », qui sert de marchepied au RN –, écologiste et anticapitaliste, est portée par le PRCF et son porte-parole désigné Fadi Kassem.

Partout en France, de nombreux militants sont actifs dans la campagne auprès des communes rurales et populaires, des travailleurs – dont ceux de la classe ouvrière – et des citoyens attachés à la République une et indivisible, sociale et laïque, souveraine et démocratique, fraternelle et pacifique, alors que le risque d’effondrement de la France et de fascisation mortelle pour le mouvement ouvrier et les forces progressistes, à commencer par les communistes, ne cesse de s’accroître.

Plus que jamais, il est temps d’en finir avec le pseudo « Nouveau Monde » de Macron et ses laquais et l’Ancien Monde incarné par le RN et ses satellites. Afin qu’adviennent les « nouveaux Jours heureux » dont nous avons urgemment besoin, rejoignez le PRCF et menons, tous ensemble en même temps, la campagne en faveur de la seule alternative en mesure de faire gagner le monde du travail en 2022, celle de l’alternative rouge-tricolore pour une souveraineté nationale et populaire pleine et entière. Plus que jamais, Frexit progressiste, et vite ! »

Enfin, à rebours du terrain « militant » trotskiste de la tendance Révolution permanente du NPA et de l’affirmation électorale du PRCF, qui sont très concrètes, on trouve l’option maoïste, bien plus abstraite ou bien plus conceptuelle. Dans la perspective de la révolution culturelle, il y a chez le PCF(mlm) l’idée de suivre l’époque « avec de la hauteur » et de considérer qu’il faut l’idéologie au poste de commande, pour tout révolutionner. Voici ce qu’on lit notamment dans Le marxisme-léninisme-maoïsme est l’idéologie communiste de notre époque, du 1er avril 2021.

« Mao Zedong a affirmé dans les années 1960 que les 50-100 années à venir seraient celles d’un bouleversement comme l’humanité n’en a jamais connu. Cette position découlait de sa compréhension des contradictions propres à notre époque, des tendances en développement, des nécessités historiques.

Et aujourd’hui, au début des années 2020, l’humanité toute entière sait que plus rien ne peut être comme avant. Il y a le constat du rapport destructeur à la Nature, avec des contre-coups tel le COVID-19 et le dérèglement climatique, mais en général il est flagrant que le modèle de vie proposé par le capitalisme est à bout de souffle moralement et culturellement.

C’est la raison pour laquelle les gens sont tétanisés : ils sentent que le changement doit être complet, qu’il va falloir révolutionner les modes de vie, modifier les conceptions du monde, changer les rapports aux animaux, à la Nature en général, et bien entendu transformer l’ensemble des moyens de production et des manières de consommer.

Le défi est d’autant plus immense qu’il exige une réponse mondiale. En ce sens, nous affirmons que la position communiste est de parvenir à une révolution dans un pays donné, afin d’en faire l’exemple à tous les niveaux pour le reste de l’humanité (…).

Les années de référence doivent être 1948-1952 pour l’URSS et 1966-1976 pour la Chine populaire, ces deux périodes formant l’aboutissement le plus développé de l’expérience communiste (…). Le marxisme-léninisme-maoïsme n’est pas une méthode, il ne fournit pas des recettes : il est une vision du monde et par conséquent il doit être une réalité pour tous les aspects de la vie (…).

Nous affirmons que l’irruption de la crise du COVID-19 correspond à l’affirmation de la seconde crise générale du capitalisme, que l’idéologie marxiste-léniniste-maoïste doit en comprendre tous les aspects et fournir les réponses à la crise, à tous les niveaux.

C’est le sens de la révolution mondiale que d’être un bouleversement à tous les niveaux, dans tous les domaines ; la guerre populaire est la systématisation des réponses communistes à tous les niveaux, dans tous les domaines. »

On a là trois perspectives bien différentes, avec trois structures présentant certainement les économies politiques les plus développées à gauche. La raison en est bien entendu qu’on a ici trois traditions bien françaises : le trotskisme, le PCF, le maoïsme. Ancrées dans leurs traditions, elles se relancent. De manière fictive ou réelle ? Il est évident qu’une seule de ces mises en perspective peut se concrétiser.

Aussi différentes qu’elles soient, ces lignes programmatiques sont en effet opposées dans leur fond. Et pas simplement sur le plan des idées : dans leur démarche même, cela n’a rien à voir. La tendance Révolution permanente du NPA propose un activisme militant dans l’air du temps pour un Parti de lutte, le PRCF vise à la mise en place d’un Parti de masse pour une affirmation patriotique et sociale, les maoïstes proposent une introspection idéologique pour s’élancer culturellement à travers un Parti de cadres.

Cela reflète, dans tous les cas, une maturation de fond de la société française. Si on ne peut pas encore parler ici de résurgence, car c’est somme toute très marginal, il y a en tout cas une sorte de réaffirmation, comme si les dés de l’Histoire s’étaient remis à rouler.

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Fabien Roussel du PCF imagine pouvoir rafler la mise à Gauche

Constatant la faillite de la Gauche, le PCF va tenter une candidature de Fabien Roussel pour la présidentielle de 2022 et il tient à le faire savoir. Mais le PCF a été une composante de la Gauche gouvernementale, est-il encore crédible aux yeux des gens ?

Le PCF ne pèse quasiment rien dans le pays, mais il y a des restes. Quand on a été le premier parti de France, quand on a eu pendant des années et des années une hégémonie quasi totale sur la classe ouvrière et les classes populaires en général, alors forcément on conserve une certaine assise. Et en tous cas une capacité à être lucide sur la situation de la Gauche.

En l’occurrence, c’est une catastrophe, car la Gauche est complètement hors-sol, elle ne pèse plus rien et en plus elle est incapable de se remettre en question. D’ailleurs, elle est en train de s’effacer du paysage politique, prise en étau par le social-libéralisme d’Europe Écologie Les Verts et le social-populisme de la France Insoumise.

La direction du PCF le voit bien, mais au lieu de renverser la table et de participer à proposer de nouvelles bases, elle s’imagine que c’est l’occasion de tenter un coup. La candidature à la présidentielle 2022 du secrétaire national du PCF et député du Nord Fabien Roussel sera donc soumise au vote des militants PCF le 9 mai prochain, avec pour cela une campagne médiatique qui est lancée déjà depuis plusieurs semaines.

Fabien Roussel ne mâche pas ses mots pour appuyer son projet, en insultant toute idée de dynamique unitaire de la Gauche, tout projet de refonte collective. Dans le Journal du Dimanche du 21 mars 2021, il explique par exemple pourquoi il ne croit pas à une « primaire » de la Gauche :

« Je n’y crois pas. Pour moi, ce n’est pas la solution. Avec ces histoires de primaire, on met des pansements sans s’attaquer à la vraie maladie : si la gauche est faible aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’elle est émiettée ; c’est parce qu’elle a déçu, qu’elle a été arrogante, en dessous de tout. C’est là-dessus qu’on doit d’abord travailler. L’événement de cette présidentielle, ce sera donc un candidat communiste. Une candidature apaisée, bienveillante et ouverte sur l’ensemble de nos concitoyens. »

Le constat de l’arrogance et de la déception est sans doute très vrai. Mais ce n’est pas en jouant les gros bras en posant sur la table une candidature « solo » que le PCF arrivera à quoi que ce soit. Pourquoi ? Car le PCF fait partie du problème, et non pas de la solution. Le PCF lui-même a participé ces dernières années à diluer la Gauche, à n’en faire qu’une caricature de ce qu’elle a pu être au 20e siècle.

C’est tellement vrai que Fabien Roussel présente sa possible candidature « communiste » sans être capable d’utiliser ne serait-ce qu’une seule fois le mot « capitalisme », ou encore le mot « bourgeoisie ». C’est ridicule.

Ce qu’il raconte est complètement insipide, d’une mollesse incroyable :

« Je souhaite porter ce combat pour que les valeurs de solidarité, de générosité et de justice redeviennent majoritaires. »

Alors qu’on est en pleine crise, c’est bien trop faible. Cela sans compter les mensonges. Si le PCF s’imagine qu’il convaincra les classes populaires en racontant que le problème des Français est la pauvreté ou encore « les jeunes qui font la queue pour manger », comme si la France était un pays sous-développé, il se met le doigt dans l’œil.

En réalité, le capitalisme est ultra développé en France, il est absolument partout. Les classes populaires sont elles-mêmes totalement intégrées à la grande marche du capitalisme. À leurs dépens bien sûr, mais pas au prix de leur pauvreté. La classe ouvrière française a bien trop d’acquis et de développement pour accepter un faible niveau de vie ; il faut vraiment être totalement déconnectée de l’Histoire et du quotidien des classes populaires pour prétendre l’inverse.

L’actualité des classes populaires, c’est qu’elles doivent assumer la démocratie pour elles seules, et mettre de côté la bourgeoisie qui mène le monde et la planète à leur perte. Mais assumer cela, c’est de l’engagement, du travail, des convictions profondes et complexes. Cela nécessite de se couper avec un train de vie et surtout un mode de vie petit-bourgeois, ce que les dirigeants du PCF n’envisage aucunement de faire.

Et pour cause : cela fait longtemps que le PCF n’est plus que le supplétif syndicaliste d’une Gauche bobo, urbaine, pro-migrants, pro-LGBTQ+, pro-art contemporain, racialiste, anti-police, anti-prolétaires, etc. Ce n’est pas comme ça qu’on arrachera les ouvriers à la passivité ou à l’extrême-Droite. Il faut un retour aux sources, aux fondements de la Gauche historique.

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Politique

Un «islamo-gauchisme» qui est en fait un clientélisme petit-bourgeois

La polémique sur « l’islamo-gauchisme » dans les milieux universitaires n’en finit pas.

L’appel de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, à enquêter sur « l’islamo-gauchisme » à l’université a provoqué une terrible onde de choc dans la petite-bourgeoisie intellectuelle. Il y a une avalanche de commentaires et de dénonciation de la ministre.

Il faut dire que c’est en quelque sorte un coup de poignard dans le dos. Les libéraux se sentaient tout à fait à l’aise avec Emmanuel Macron, ils ne comprennent pas ce qui se passe. Le Huffpost défend par exemple vigoureusement le président de la République, accusant Frédérique Vidal de s’en éloigner.

« Quels risques les travaux sur le post-colonialisme font-ils courir à la société française alors même que le Président Macron est justement en train de s’engouffrer dans ce courant en proposant une liste de nouveaux héros “issus de la diversité”, des anciennes colonies et des outre-mer pour que les maires puissent les honorer à l’avenir?

À la tête de cette commission, il nomme même l’historien spécialiste du post-colonialisme, Pascal Blanchard qui vient de rendre sa liste au Président. »

Sauf que le problème, c’est que la société française implose et l’État doit bien chercher à freiner le processus… qu’il encourage de l’autre. Le problème de l’État, ce n’est pas « l’islamo-gauchisme » comme courant de pensée post-marxiste jouant sur les identités : cela, il l’apprécie forcément, puisque c’est opposé à la lutte de classes. Il l’a toujours soutenu, laissant se développer ces courants dans les institutions universitaires.

Son souci, c’est la délégitimisation de l’ordre public par « l’islamo-gauchisme ». Car, aux États-Unis, où on est à la bourse aux idées et aux communautés, la concurrence est toujours dans le cadre des institutions. Il y a de très nombreux espaces pour cela et tout le régime américain, anti-démocratique par excellence, repose sur le principe des lobbys.

En France, ce n’est pas le cas. Cela apporte ce que le gouvernement a qualifié de « séparatisme ». Cela nuit donc aux institutions… Et il faut y mettre un frein ! D’où la position de la ministre, puisque cette nuisance vient d’une partie des institutions elles-mêmes : les universités, qui sont des bastions des conceptions « intersectionnelles », identitaires-communautaires.

Le terme d’islamo-gauchisme est d’ailleurs un concept visant à masquer cela, en limitant la question à un seul aspect, celui du rapport à l’Islam.

Au sens strict, le terme ne correspond qu’à une tradition trotskiste, celle du SWP anglais, dont la branche française « Socialisme International » / Socialisme par en bas visait par exemple au début des années 1990 à réaliser un bulletin des mosquées. Ou alors on peut prendre le philosophe Michel Foucault tombé en adoration devant la « révolution » islamique iranienne de 1979-1980.

En réalité, par islamo-gauchisme il faut comprendre l’ensemble des idéologies « post-coloniales », « décoloniales », « intersectionnelles », identitaires-communautaires, LGBTQ+, etc.

Il suffit de voir les faits. Tout au long des années 2000, la Gauche historique se fait lessiver par la « gauche » post-moderne. Il est bien connu que l’effondrement de l’UNEF, le syndicat étudiant historique de la Gauche (avec l’UNEF « SE » et l’UNEF-ID), converge avec sa transformation en « mouvement de jeunesse » post-moderne.

L’UNEF n’a pas été le seul mouvement gangrené : c’est arrivé en même temps au syndicat CNT, qui a littéralement été déstructuré par cette lame de fond, dont le « Parti des indigènes de la République » a été l’un des grands vecteurs.

Entre anticommunisme forcené et fascination petite-bourgeoise pour les séparations, les micro-entités, il y avait tous les ingrédients pour la systématisation des valeurs post-modernes.

C’est donc très différent du concept d’ « islamo-gauchisme », inventé formulé par Pierre-André Taguieff au début des années 2000, au sujet de :

« Une alliance militante de fait entre des milieux d’extrême gauche se réclamant du marxisme et des mouvances islamistes de diverses orientations (Frères musulmans, salafistes, djihadistes). »

Ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit. Cette alliance militante n’a d’ailleurs jamais vraiment existé, c’est un fantasme alter-mondialiste ou une invention de l’extrême-Droite. En réalité, il y a simplement une convergence entre les courants post-marxistes, post-anarchistes, et les mouvements identitaires-communautaires, le tout sur une base petite-bourgeoise.

C’est du clientélisme, de la reconnaissance affinitaire, de l’agitation petite-bourgeoise. Pour la « gauche » post-moderne, la lutte des classes n’existe pas : il y aurait une « lutte des places » de la part d’individus. Ces structures considèrent d’ailleurs leur public comme des clients qu’il faut gagner à coups d’actions spectaculaires, des réseaux sociaux, des mobilisations irrationnelles, etc.

Forcément, cela sort du cadre en France où le libéralisme libertaire n’est pas aussi puissant qu’aux États-Unis ! Et c’est le sens de la question actuelle de « l’islamo-gauchisme ».

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La funeste blague bobo de «2022 ou jamais»

Les bobos proposent un concours à la Miss France pour l’union de la Gauche en 2022.

Par les temps qui courent, il n’est pas rare de voir les médias annoncer telle ou telle initiative de gauche, sans qu’on ne trouve rien ailleurs. C’est comme si agir c’était disposer d’un communiqué de presse réussi.

On a ainsi un article traînant hier sur différents médias, par l’intermédiaire de l’AFP, chez 20 minutes mais aussi chez Le Figaro sous le titre « Présidentielle: création de «2022 ou jamais» pour une candidature unique à gauche ».

On se dit alors que c’est très sympathique, puisqu’il s’agir de ne pas à avoir à faire face à Emmanuel Macron et Marine Le Pen, que donc il faut l’unité. On sait bien qu’on ne peut pas laisser les choses se dérouler telles quelles, sinon on va dans le mur. L’unité à Gauche est donc incontournable.

Sauf que… on apprend dans le communiqué de presse, ou l’article, on ne sait pas trop, que « 2022 ou jamais » est une structure de six salariés, avec des fonds levés à hauteur de… 300 000 euros. 300 000 euros ! Mais où ont-ils trouvé cette somme, et pourquoi ?

Le profil des gens aux manettes le révèle. Comme « directeur général » – on est dans l’esprit corporate – on a Martin Rieussec-Fournier, qui a fondé le « mouvement de jeunes consommateurs » dénommé « Générations cobayes ».

Et à l’origine de « 2022 ou jamais », on a le collectif Rencontre des justices, fondé par Samuel Grzybowski (professeur d’économie sociale à Sciences Po), qui agit depuis la fin de 2020 et se présente comme suit :

« 400 jeunes activistes et entrepreneur·e·s de toutes les causes portent un seul message : 
nous voulons faire gagner l’écologie et la solidarité dans la décennie à venir, à commencer par 2022. »

Ce n’est pas la Gauche, mais les entrepreneurs « branchés », bref les bobos. Plus exactement :

« La Rencontre des Justices, c’est un chantier hybride et sans précédent : la réconciliation de l’activisme et de l’entreprenariat social ; l’union de la solidarité et de l’écologie. »

Mais qu’est-ce que ça ? Ces gens ne se cachent donc même plus ! Ils ont pourri la Gauche ces trente dernières années en la rongeant de l’intérieur, et là ils se disent qu’ils peuvent apparaître aussi simplement ?

Surtout pour proposer une variante Miss France de cet ignoble principe des « primaires », comme on le lit dans Le Figaro :

« Une plateforme sera lancée début mars pour initier un processus de désignation d’un candidat commun aux partis de gauche. Il se décomposera en trois phases: l’écriture d’un socle programmatique commun, de mars au début de l’été; un «parrainage populaire» où tout citoyen pourra nommer une personnalité qu’il souhaite voir concourir, en septembre; et un tour unique à jugement majoritaire où tout citoyen pourra donner une note aux 10 finalistes retenus, en novembre. »

C’est donc quelque chose opposé à la classe ouvrière, à la Gauche historique, à la lutte des classes. On est là dans le funeste triptyque LGBTQ+ – migrants – écologie sociale typiquement petit-bourgeois.

Il est impératif de dénoncer ces initiatives anti-populaires qui ne font que contribuer à décrédibiliser la Gauche et à précipiter les masses vers la Droite. L’urgence de la reconstruction de la Gauche historique et de sa confrontation avec les bobos et leurs valeurs « post-modernes » apparaît chaque jour de manière plus prégnante !

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Benoît Hamon trahit la Gauche pour EELV

L’opportunisme pro-EELV se généralise sans états d’âme.

Benoît Hamon sera candidat en juin pour les régionales sur la liste Europe Écologie-Les Verts. Ce sera dans les Yvelines et il sera même en seconde position, juste derrière Julien Bayou.

Naturellement, Benoît Hamon justifie cela en disant qu’il faut davantage d’écologie, qu’il faut une majorité clairement écologiste. Dans une interview accordée au Parisien, il assume cependant au détour d’une question ce qui est le réel arrière-plan : la liquidation de la Gauche par l’intermédiaire d’EELV.

« Vous ne craignez pas de vous faire vampiriser par Les Verts ?

Si l’on peut se diriger vers la création d’une grande formation écologiste et sociale, moi, comme Génération.s, nous nous en réjouirions. Il n’y a rien d’indépassable entre nous, le PS, les Verts et les Insoumis. »

Benoît Hamon précise d’ailleurs qu’il soutiendra le candidat de rassemblement prenant en compte son programme de revenu universel. Cela sera donc EELV.

Comment en est-on arrivé là ? C’est assez simple : Benoît Hamon est sympathique et sincère, mais il vit en bourgeois et Génération-s est composé de bourgeois. Le résultat en a été que la scission à gauche du Parti socialiste se ramène à un retournement par la liquidation. Incapable d’assumer l’orientation vers la Gauche historique, il y a l’attirance naturelle vers les valeurs post-modernes, une « écologie » pour relancer le capitalisme qui serait humanisé, etc.

Le principe du revenu universel relève tout à fait de cette approche individualiste. Il est né à l’origine dans la gauche italienne issue de l’Autonomie Ouvrière des années 1970, qui espérait dépasser le capitalisme en instaurant une sorte de communisme immédiat par le revenu universel.

Il a été repris par toute une flopée d’intellectuels de la « seconde gauche » (c’est-à-dire non liée au mouvement ouvrier), puis même par des courants ultra-libéraux de la Droite comme moyen de supprimer en échange la sécurité sociale et les assurance-chômage. Car, dans l’idée, on a une atomisation complète de la société, une société qui n’est d’ailleurs même alors plus qu’un simple mot pour désigner une myriade d’individus séparés les uns des autres, vivant chacun « différemment ».

Cependant, au-delà de cette question, ce qui compte c’est la réalité politique et il faut dire les choses comme elles le sont. Benoît Hamon poignarde la Gauche. N’ayant pas réussi à mettre en place une formation de gauche assez puissante, Benoît Hamon procède à une vente à la découpe au profit d’EELV. Les dernières élections internes de Génération-s reflètent bien ce processus.

EELV a en effet un objectif stratégique : former un appel d’air pour siphonner les cadres de la Gauche, en présentant les élections présidentielles comme incontournables et en disant que seul un candidat EELV peut parvenir à quelque chose.

C’est en appeler à l’opportunisme. C’est la lutte des places au lieu de la lutte des classes. Benoît Hamon s’est vendu tôt : il aura une bonne place. Pour EELV, il sert de poteau indicateur au reste de la Gauche : pour exister, venez à nous. Entre EELV et les populistes de La France Insoumise, la Gauche est d’ailleurs en train de se faire broyer.

Cela souligne d’autant plus la nécessité de défendre les fondamentaux et de ne pas se laisser contaminer par l’opportunisme et le populisme. Surtout à une époque où l’extrême-Droite avance à grands pas ! EELV ne fait pas le poids face au nationalisme et au militarisme et La France Insoumise n’en est qu’une sorte de variante ultra-sociale.

C’est vers le mouvement ouvrier et son histoire qu’il faut se tourner, pas vers EELV. Quant à l’excuse de l’écologie, elle ne tient pas une seule seconde. Car l’écologie passe aussi par la question animale et cette question est tellement subversive qu’elle porte directement en elle un conflit de classe. Ce n’est pas pour rien qu’EELV ne peut pas réellement en parler.

La question animale, l’écologie… c’est la question de la vision du monde pour une société entièrement nouvelle, où tout a été transformé. C’est quelque chose d’envergure. C’est donc quelque chose qui ne peut être porté que par la classe ouvrière.

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Société

François Bayrou, les 4 000 euros par mois et la gauche misérabiliste

La France est une grande puissance, et effectivement à 4 000 euros par mois on est loin encore des couches les plus aisées…

François Bayrou a mis les pieds dans le plat en rappelant une chose simple : le niveau de vie des Français est très élevé. Contrairement à une « gauche » misérabiliste qui fait semblant que la pauvreté est de rigueur, François Bayrou exerce un chantage ouvert. Ce chantage consiste à redire aux Français qu’ils vivent dans un pays capitaliste développé, que les pauvres sont pauvres par rapport aux riches, mais qu’ils ne sont pas du tout pauvres…

Eh oui, la France est un pays de petits bourgeois. Pourquoi croit-on que depuis les trente glorieuses, depuis les années 1950, il n’y a plus strictement aucune attirance des ouvriers pour la cause « révolutionnaire » ? Le tableau des logements le montre clairement. Les gens sont en majorité propriétaires et ceux qui ne le sont pas sont notamment en HLM.

Mais qu’a dit François Bayrou ? Il s’y est pris à deux fois, d’abord dimanche 7 février lors de l’émission Le Grand Jury de RTL, Le Figaro et LCI, puis le lendemain dans une vidéo pour préciser sa pensée après un début de polémique.

Celui qui est haut commissaire au plan et président du parti libéral Modem, allié à Emmanuel Macron, a appelé à un « Plan Marshall » pour sortir de la crise et à cette occasion il a critiqué François Hollande qui avait expliqué qu’à partir de 4000 euros par mois on était riche. Il a ainsi expliqué que :

 « à 4 000 euros, on n’est pas riche, mais on est dans la classe moyenne »

Puis, le lendemain, su Facebook, il a précisé sa pensée (ou enfoncé le clou), expliquant en parlant d’un couple d’infirmiers à l’hôpital que :

« Ensemble, ils gagnent entre 4500 et 5000 euros; la retraite moyenne d’un enseignant est de 2600 euros par mois et un couple d’enseignants à la retraite, ils gagnent donc un peu plus de 5000 euros par mois : est-ce qu’on peut prétendre que ces infirmiers, ces enseignants, sont riches ? »

Est-ce vrai ? C’est tout à fait exact. L’INSEE rappelle que :

« En 2016, le salaire mensuel moyen en équivalent temps plein (EQTP) d’une personne travaillant dans le secteur privé ou dans une entreprise publique est de 2 238 euros, nets des cotisations et contributions sociales. »

Alors bien sûr tout le monde n’est pas en couple, dans un couple tout le monde ne travaille pas forcément, il y a les chômeurs, il y a des gens qui gagnent moins, etc. Mais cela n’empêche pas que, grosso modo, le capitalisme tourne très bien. Pour la grande majorité des gens il est possible de profiter de la société de consommation, d’acheter une Playstation, de prendre un crédit pour un logement, etc.

Et il y a les aides sociales… et il y a le patrimoine ! Avec tout cela, la grande majorité des Français vit sa vie et regarde avec dédain toute option révolutionnaire. Ce n’est pas pour rien que les ouvriers votent Marine Le Pen, qu’Alain Soral et les Gilets jaunes ont du succès. Ce sont des manies de petits-bourgeois.

L’INSEE constate ainsi :

« Le patrimoine financier et immobilier moyen a augmenté entre 1998 et 2015 pour l’ensemble de la distribution sauf pour les 20 % des ménages les moins dotés. Les 70 % des ménages les mieux dotés ont bénéficié de la forte valorisation du patrimoine immobilier (+ 133 % en euros courants) sur la période, surtout entre 1998 et 2010.

De même, le patrimoine financier a augmenté de 75 % entre 1998 et 2015, essentiellement durant la période 2004-2010, profitant à tous sauf aux 20 % des ménages les moins dotés qui détiennent presque uniquement des comptes courants et livrets d’épargne réglementée. »

Alors un ménage est-il riche à 4 000 euros par mois ? La moyenne pour les ménages est de 3 000 euros. Avec 4 000 euros, on est dans les classes moyennes supérieures, mais encore dans les classes moyennes… Voici un tableau de l’Observatoire des inégalités.

Cet Observatoire précise :

« Selon notre classification, les personnes seules sont considérées comme pauvres si leur revenu disponible est inférieur à 800 euros mensuels (données 2018). Jusqu’à 1 300 euros, elles appartiennent aux classes populaires et entre 1 300 et 2 300 euros aux classes moyennes. Elles sont qualifiées d’aisées au-delà de 2 300 euros et de riches au-dessus de 3 200 euros par mois.

Pour les couples sans enfants, le seuil de pauvreté se situe à 1 600 euros. Ces couples appartiennent aux classes moyennes entre 2 500 euros et 4 500 euros. Ils sont riches au-dessus de 6 300 euros. Les couples avec deux enfants sont classés comme pauvres si leurs revenus sont inférieurs à 2 100 euros mensuels, comme classes moyennes entre 3 500 et 5 900 euros et comme riches au-delà de 8 400 euros. »

Voilà pourquoi le député Bastien Lachaud, de La France Insoumise, est un démagogue quand il dit que :

« Déconnexion hallucinante. Que Bayrou aille vivre avec moins de 885 euros par mois comme 44% des habitants d’Aubervilliers »

C’est même un très bon exemple, car Bastien Lachaud est membre de la commission de la défense nationale et des forces armées et il s’inquiétait même encore tout récemment des capacités militaires françaises à intervenir. C’est caractéristique d’un discours social-impérialiste digne d’il y a cent ans. Selon lui, les Français seraient tous pauvres, il faudrait soutenir les initiatives militaires, vive la France à bas les vrais riches que sont les États-Unis, etc.

En réalité, la France est une grande puissance où la grande majorité des gens est totalement corrompue par le capitalisme et où seule une bonne minorité trinque réellement. Les autres aussi, mais ils sont aliénés et acceptent la démolition, au nom de la société de consommation.

Et dans tout cela il y a une bourgeoisie qui nage dans l’opulence. C’est tellement vrai que même les gens gagnant 4 000 euros par mois ne relèvent même pas des plus riches ! Ils relèvent des gens vraiment aisés, mais certainement pas de la haute bourgeoisie.

Que tout cela va dégringoler avec la crise, c’est évident. Et cela veut dire d’autant plus refuser les hystéries petites-bourgeoises et défendre les valeurs de la Gauche historique. Il n’y a que deux classes fondamentalement, la bourgeoisie et le prolétariat. La disparition de la petite-bourgeoisie, avec la fin de la parenthèse issue des 30 glorieuses, est inévitable.

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Michel Le Bris ou le succès du renégat

Le parcours de Michel Le Bris correspond à toute une époque, celle où ceux qui ont tourné le dos à mai 1968 ont obtenu une immense reconnaissance.

Né en 1944, Michel Le Bris est décédé à la fin janvier 2021 et ses obsèques viennent de se tenir. Peu connu du grand public, son parcours est pourtant représentatif de tout un état d’esprit historique : celui des renégats de mai 1968 se fondant dans un capitalisme qu’ils dénonçaient pourtant.

Initialement, Michel Le Bris est diplômé de la meilleure école de commerce française HEC et devient rédacteur en chef de la revue Jazz Hot. Il fait donc partie des gens les plus élevés culturellement à une époque terriblement élitiste dans les possibilités d’accès à la culture.

Il est alors attiré – comme beaucoup de jeunes de la toute petite minorité étudiante – par le maoïsme. Pour en saisir l’esprit, il faut regarder le film La Chinoise de Jean-Luc Godard.

Michel Le Bris est donc un cadre de la Gauche Prolétarienne, il prend à ce titre la direction de la Cause du peuple, le journal de la Gauche Prolétarienne, alors que le précédent directeur est allé en prison pour cette activité. Il lui arrive la même chose et ses huit mois de prison lui valent un immense prestige en France, où il est considéré comme un prisonnier politique.

Il participe ensuite au journal J’accuse, qui est une Cause du peuple en totalement populiste de la Gauche Prolétarienne qui s’est auto-dissoute et abandonne tout du genre au lendemain afin de ne pas suivre une voie qui sera justement celle de ses stricts homologues allemands et italiens (la RAF et les Brigades Rouges).

Michel Le Bris, fort de l’expérience acquise, participe alors aux côtés des restes post-maoïstes à une nouvelle aventure, celle d’une rébellion intellectuelle dans le système. Il est là lors du lancement du quotidien Libération, qui vient également de la mouvance maoïste historique. Il se place même au cœur de cette mouvance post-maoïste avec ses ouvrages (Occitanie : Volem Viure !, Les Fous du Larzac, La Révolte du Midi) et sa direction, avec le philosophe Jean-Paul Sartre (lui-même un soutien de la Gauche Prolétarienne), de la collection « La France sauvage » (éditions Gallimard puis presses d’aujourd’hui).

Il est alors un intellectuel devenu post-marxiste, anti « totalitaire » et tourné vers les vrais gens se révoltant, etc. Il est à ce titre très apprécié par la seconde Gauche (celle qui ne vient pas du mouvement ouvrier), tout à fait contente d’être renforcée par ces gens ayant fait défection du maoïsme. Michel Le Bris est ainsi collaborateur du Nouvel Observateur de 1978 à 1986, l’organe de la seconde gauche.

C’est alors l’intégration complète dans le capitalisme, où Michel Le Bris agit dans le domaine culturel en faisant la promotion de l’esprit individualiste. Il est conseiller littéraire chez les éditions Grasset, directeur de programme des programmes de FR3 Ouest de 1982 à 1985, romancier (une cinquantaine de romans, d’essais, de biographies), organisateur d’un festival de littérature à Saint-Malo (Étonnants Voyageurs),  directeur du centre culturel de l’abbaye de Daoulas dans le Finistère de 2000 à 2006, etc.

Il a dans ce cadre beaucoup valorisé le romancier écossais du 19e siècle Robert Louis Stevenson (L’Île au trésor), les histoires de flibustiers, bref il a joué sur les poncifs du rebelle poète et d’une Bretagne s’imaginant, à part, encore authentique, etc. Il y a à ce titre une avalanche de salutations « bretonnes » en mémoire de Michel Le Bris, dont voici un exemple avec Anne Le Gagne, conseillère municipale de Saint-Malo et conseillère départementale : 

« Michel Le Bris, c’était l’âme bretonne, l’amour fou de la littérature, le goût de la liberté, de la fraternité, de la poésie, des autres, l’homme aux semelles de vent. »

Tout cela n’a aucun contenu à part le nombrilisme et cela en dit long sur comment la cause de la lutte de classes a été tronqué contre un narcissisme poétique à prétention existentialiste. Le capitalisme ne pouvait que saluer une telle position de renégat.

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Le cinquantième congrès de « Lutte Ouvrière »

L’organisation trotskiste Lutte Ouvrière a organisé en décembre 2020 son cinquantième congrès, dans un contexte évidemment très particulier.

Le véritable nom de Lutte Ouvrière, c’est l’Union communiste (trotskyste). Lutte Ouvrière est le nom de son journal, un nom qui vient lui-même de l’ancien nom de l’organisation, Voix Ouvrière, née en 1956 et interdite à la suite de mai 1968, comme plusieurs autres structures d’extrême-Gauche.

Cependant, c’est surtout en 1970 que cette organisation a réellement commencé à exister et à s’implanter dans le paysage français. Si les maos français ont eu énormément de mal à se structurer, malgré un grand écho avec la Gauche Prolétarienne, les trotskistes ont su se structurer de manière très rigoureuse et perpétuer leurs activités pendant longtemps.

Ce sont d’ailleurs trois organisations trotskistes qui prédominent à l’extrême-Gauche à partir du début des années 1970 et jusqu’à la fin des années 1990, et Lutte Ouvrière en fait partie. Si on voulait faire du travail syndicaliste à Force Ouvrière ou à l’UNEF, en se tournant vers le Parti socialiste, on allait dans les rangs de l’Organisation Communiste Internationaliste, la plus importante des organisations, vivant cependant à la marge des autres et étant monolithique.

Si on voulait un mode de vie décadent, avec l’amour libre, du romantisme sud-américain en appréciant Che Guevara, avec un activisme débridé en mode blouson de cuir et organisation de bons coup, avec en même temps un droit de tendances très prononcé, on allait à la Ligue Communiste Révolutionnaire.

Si par contre on voulait une approche à la fois sobre et livresque, avec une formation pratique fonctionnant par paliers, un certain sens de la conspiration, l’idée de préparer matériellement le grand soir en se tournant vers les travailleurs, c’était Lutte Ouvrière.

Dans la tête des gens, et même si c’est une caricature, l’OCI c’était une secte, la LCR un bordel efficace, Lutte Ouvrière les moines soldats. Lutte Ouvrière a usé et abusé de cette image en allant recruter à la sortie des lycées les plus prestigieux, avec l’idée de profiter de jeunes bourgeois « trahissant » leur classe.

La fête annuelle à Presles, à 30 km de Paris, relève également d’une mobilisation festive où l’image donnée est celle de quelque chose de très structurée, de très encadrée. Être à Lutte Ouvrière, c’était devoir s’habiller comme les travailleurs, sans aucune extravagance, avec un vocabulaire normé, pour se fondre dans le paysage.

C’était un moule et c’est ce qui fait que de toutes les organisations depuis les années 1970, c’est la seule à disposer d’une continuité impeccable dans sa presse avec Lutte Ouvrière, dans l’organisation des conférences Léon Trotski à Paris, ainsi que dans son organe théorique Lutte des classes ou encore la participation systématique aux élections.

Si ce moule s’est largement libéralisé, les fondamentaux n’ont pas changé. La programmatique reste entièrement fondée sur le programme de transition de Léon Trotski et les réflexes d’ultra-gauche reviennent à la moindre occasion. Lors du 50e congrès, il a été souligné que le confinement face à la pandémie n’était pas une solution, que l’État profitait de la situation pour embrigader et manipuler. De la même manière, Lutte Ouvrière est pour l’amour libre et contre le mariage, rejette la résistance armée anti-nazie pendant la seconde guerre mondiale, rejette l’idée d’un parti dirigeant au profit d’une démocratie ouvrière, etc.

En un certain sens, Lutte Ouvrière est la seule organisation qui a réussi à assurer une continuité depuis mai 1968. C’est d’ailleurs un danger pour elle, car la question qui en découle, c’est : tout ça pour ça ?

Cela n’ébranlera pas les rangs de Lutte Ouvrière, qui s’est toujours posée comme l’organisation en attente que les choses se décantent. Mais était-ce juste ou bien est-ce avoir raté la systématisation du capitalisme dans la société française ces cinquante dernières années ?

Les prochaines années, marquées par la crise, montreront ce qu’il en est : soit Lutte Ouvrière joue un rôle conforme à son orientation prise il y a cinquante ans, soit elle s’effondre pour n’avoir été qu’un accompagnement du capitalisme moderne.

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27 collectivités de «gauche» veulent aider les mafias passeuses de migrants en Méditerranée

Plus de 20 000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014 en tentant la grande traversée vers l’Europe. C’est insoutenable et il faudrait de gros moyens pour empêcher cela, en détruisant les mafias de passeurs et en dénonçant ce faux Eldorado que représentent les grandes métropoles capitalistes. Au lieu de cela, 27 collectivités locales liées à la « gauche », ont lancé une plateforme pour mobiliser de l’argent public en faveur de « SOS Méditerranée », cette organisation qui aide les mafias de passeurs dans leur entreprise criminelle.

L’organisation « SOS Méditerranée » est le dernier maillon d’une chaîne criminelle tout à fait connue et extrêmement bien documentée. Il y a des réseaux mafieux très organisés qui font miroiter l’Eldorado européen à de jeunes africains puis les entassent par centaine dans des embarcations de fortune. Cela moyennant des sommes astronomiques pour un tel « voyage », équivalentes à plusieurs milliers d’euros par personne.

Ensuite, un appel de détresse est lancé et les personnes, avec souvent des enfants, sont abandonnées en pleine mer. C’est une loterie sordide. Soit c’est la mort, soit il y a une possibilité de sauvetage, puis de passage vers l’Europe.

Un tel système est inqualifiable, sournois au possible, mais « SOS Méditerranée » ne vise aucunement à le détruire, bien au contraire. L’organisation participe pleinement de ce trafic et d’ailleurs elle devrait voir sa responsabilité criminelle reconnue. Le rôle de « SOS Méditerranée » est en effet déterminant, en faisant régulièrement de gros « coup » pour acheminer des centaines de migrants en Europe, plus de 30 000 revendiqués en 5 ans. Cela donne de la légitimité aux mafias, qui peuvent ainsi justifier de la réussite de leurs opérations de passage.

Les États européens et africains ne font absolument rien pour empêcher cela. Les premiers, car ils ont besoin de ces masses de migrants précaires ayant risqué leur vie pour venir servir le capitalisme ; les seconds, car ils sont totalement corrompus. Le rôle de la véritable Gauche alors est de dénoncer cela, en obligeant les États à intervenir contre les mafias et en faisant respecter les frontières.

La première chose à faire serait d’obliger la Libye à empêcher les embarcations de partir. Mais la Libye ne le veut pas, car la corruption y est énorme et il est profité sur place de la mise en esclavage des candidats à l’immigration, ainsi que des revenus de tout ce trafic. Et de toutes façons, il n’y a plus d’État central, tellement le pays est divisé par les grandes puissances.

La dernière chose à faire en tous cas est d’encourager cet immonde trafic en soutenant « SOS Méditerranée », qui travaille objectivement pour les mafias de passeurs de migrants.

Il faut dénoncer avec force ces collectivités soi-disant de gauche, qui veulent mobiliser de l’argent public en soutien à un tel système criminel. Ces régions, départements et villes se sont regroupés derrière une plateforme « tous sauveteurs ». En voici la liste :

– les régions Occitanie et Bretagne ;

– les départements Loire Atlantique, Hérault, Nièvre, Haute-Garonne, Pyrénées Orientales, Île-et-vilaine et Finistère ;

– Les villes de Paris, Montpellier, Villerupt, Mont-Saint-Martin, Saint-Nazaire, Lille, Grenoble, Villeurbanne, Bordeaux, Rezé, Alba-la-Romaine et Pantin.

Les dirigeants de ces collectivités prétendent aider le monde, mais ils ne font qu’appuyer le capitalisme, qui a absolument besoin de ces milliers de migrants prêt à tout pour tenter leur « rêve américain ». En soutenant « SOS Méditerranée » avec de l’argent public, la fausse Gauche montre sa nature bourgeoise et entièrement corrompue par le capitalisme, elle prouve à quel point elle n’a rien de populaire et encore moins de démocratique.

C’est un véritable désastre et il est grand temps que la Gauche historique revienne sur le devant de la scène pour remettre les choses au clair.

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Hidalgo, Montebourg et Taubira se placent pour la présidentielle de 2022

C’est de manière indirecte mais tout à fait claire que Christiane Taubira, Anne Hidalgo et Arnaud Montebourg affichent leurs ambitions pour 2022.

Les gens à Gauche veulent un seul candidat lors de la présidentielle de 2022, car ils savent que sinon il n’y a aucune chance d’arriver au second tour. La peur n’est pas tant de voir Emmanuel Macron réélu que celle de voir un succès de l’extrême-Droite ou d’une Droite radicalisée.

La situation va par contre dans le sens inverse. La France Insoumise a déjà annoncé son candidat (Jean-Luc Mélenchon), le PCF compte le faire mais c’est déjà officiellement prévu, et on a désormais trois têtes d’affiche qui mettent en place leurs pions. Sachant que ce serait mal vu de le faire ouvertement, ils agissent de manière voilée, ce qui témoigne de leur incroyable hypocrisie.

On doit ici forcément mentionner Christiane Taubira en premier. Cette ex-indépendantiste guyanaise devenue une centriste, responsable par sa candidature en 2002 de l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour, une opportuniste tellement complète qu’il est impossible de savoir par quel bout la prendre. Cela en fait une figure très utile par des institutions n’ayant cessé de la présenter comme une figure humaniste, ce qui était d’autant plus facile que Christiane Taubira ne dit jamais rien de concret. Pour annoncer sa candidature, elle est passée par une pétition en ligne, qui aurait été mise en place de manière indépendante d’elle : Appel citoyen à la candidature de Christiane Taubira pour l’élection présidentielle de 2022.

De manière également hypocrite, on a Anne Hidalgo, qui a bien souligné aux dernières élections municipales qu’elle ne serait pas candidate à la présidentielle, se mettant entièrement au service de Paris. C’était mensonger bien entendu. Elle n’a cessé d’envoyer des signaux lors de la rentrée politique de 2020 et lance une plate-forme, « Idées en commun ». Il ne faut guère s’attendre à grand chose, puisque Anne Hidalgo joue sur deux aspects : qu’elle est une femme, qu’elle a l’habitude des hautes responsabilités. En tant que maire de Paris, avec ses amabilités pour les Qataris, elle a de quoi se faire valoir en effet et le Parti socialiste, notamment par son dirigeant Olivier Faure, la soutient, au grand dam de François Hollande qui aimerait bien revenir.

Arnaud Montebourg sait d’ailleurs qu’Anne Hidalgo a placé ses hommes un peu partout dans le Parti socialiste et pour cette raison, il est dans l’optique de fonder un nouveau mouvement politique. Bien entendu il ne peut pas le faire directement, ce serait mal vu, alors des proches ont fondé « L’Engagement », mouvement reprenant le nom de l’ouvrage publié en 2020 par Arnaud Montebourg ! Aux manettes, on a Vincent Przyluski, chef d’une entreprise spécialisée en hautes technologies et conseiller d’Arnaud Montebourg lorsqu’il était ministre de l’Économie. La ligne est bien entendu un nationalisme de gauche, affirmant l’importance des entreprises nationales, etc.

Il va de soi que personne à Gauche ne peut soutenir de telles initiatives individuelles combinées à des idéologies qui relèvent d’une sorte de capitalisme libéral social au mieux, d’un capitalisme national social de l’autre. Il faut même s’y opposer fermement et l’axe est facilement trouvé. Christiane Taubira et Anne Hidalgo, c’est le retour de François Hollande sous une autre forme. Arnaud Montebourg, c’est du Jean-Luc Mélenchon délavé. Cela représente d’ailleurs les deux principales déviations du moment : la soumission au libéralisme libertaire d’un côté, le passage au nationalisme de l’autre.

Il va de soi qu’il est difficile de contribuer à quelque chose évitant ces deux déviations, car elles ont de puissants soutiens. En même temps, Christiane Taubira et Anne Hidalgo ne peuvent pas plus tenir face à Emmanuel Macron que François Hollande. Quant à Arnaud Montebourg, il ne fait pas le poids face à Jean-Luc Mélenchon. Il est donc possible de les dénoncer, même si évidemment cet important nombre d’opportunistes parasitent terriblement le paysage.

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Le congrès de Tours et l’importation du marxisme en France

Au-delà des questions de réforme et de révolution, le congrès de Tours c’est surtout le point de départ de l’introduction du marxisme en France.

Le marxisme, au début du XXe siècle, est considéré en France comme une philosophie allemande et si les socialistes français apprécient la critique économique du capitalisme, ils ne vont pas plus loin. Même après le congrès de Tours, les socialistes français devenus des communistes relevant de l’Internationale Communiste n’en ont pas grand chose à faire. Ils préfèrent Lénine en qui ils voient un type rentre-dedans et pragmatique, cherchant des moments décisifs.

Marx ? C’est bien, mais c’est surtout comme référence justifiant le socialisme. Lénine, c’est mieux, il y a un côté rentre-dedans, tout à fait conforme à un esprit socialiste français largement marqué par le syndicalisme révolutionnaire et ses actions coup de poing pour avancer vers la « grève générale ». D’ailleurs, Lénine était d’autant plus pratique que cela permettait aussi bien de se passer de Marx, avec l’idée que l’action remplaçait la théorie.

Le résultat ne se fit pas attendre, comme c’est bien connu : au congrès de Tours les socialistes sont pratiquement 180 000, en 1921 les communistes sont moins de 110 000, en 1923 ils ne sont plus que 55 000, et encore peut-on encore abaisser ces chiffres si l’on compte les gens réellement actifs. Et, surtout, les gens présents sont pratiquement tous nouveaux, tous jeunes.

L’Internationale Communiste a en effet fait comprendre aux socialistes français devenus communistes que désormais, il fallait passer au marxisme. Et il ne s’agissait pas d’un marxisme comme une inspiration, mais bien d’un dogme. On a coutume de dire que cela relève d’une « stalinisation » du marxisme, ce qui est une erreur grossière. Le marxisme était déjà un « dogme » dans la social-démocratie allemande, avec comme figure tutélaire Karl Kautsky. Ce dernier était considéré comme le successeur de Friedrich Engels, ce dernier étant considéré lui-même comme le successeur de Karl Marx.

Karl Kautsky

C’est si vrai que Lénine, pour se légitimer, dut écrire un ouvrage intitulé « La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky ». Lénine ne dit pas le réformiste Kautsky, il dit le renégat, car pour lui Karl Kautsky c’était très bien. D’ailleurs, lorsque Lénine explique dans « Que faire ? » le principe de ce qui sera appelé la conception léniniste de l’organisation, il s’appuie directement sur Karl Kautsky.

Le congrès de Tours marqua ainsi une orientation vers le marxisme d’une partie de la Gauche française, avec les communistes. Ce n’est toutefois pas le seul effet du congrès de Tours.

De la même manière, les socialistes restés dans la « vieille maison » comme le formula Léon Blum se tournèrent vers la social-démocratie autrichienne, qui était incroyablement massive dans la ville de Vienne formant son bastion. Son dirigeant, Otto Bauer, était ni plus ni moins qu’un avatar de Karl Kautsky. C’est à Vienne que siégea l’Union des partis socialistes pour l’action internationale, fondée en 1921 et qualifiée par les communistes d’Internationale deux et demie, avec les socialistes français, suisses et espagnols, les sociaux-démocrates allemands et autrichiens, les travaillistes indépendants britanniques.

Cela fit que les socialistes français passèrent également sous l’influence du marxisme. Inconnu au début du siècle, le marxisme devient au début des années 1930 une vraie question de fond en France et cela encore plus au début des années 1950. Dans les années 1960 commença toutefois l’émergence d’une « seconde gauche » cherchant à modifier, dépasser ou réfuter le marxisme, avec Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, etc. Ce fut la grande période des « intellectuels », qui dans les faits contrecarraient le marxisme depuis les universités et le Quartier latin parisien.

Cette tendance fut même présente dans le PCF. Le philosophe « officiel », Roger Garaudy, chercha à dépasser le marxisme, tout comme l’économiste « officiel » Paul Boccara remplaça la notion d’impérialisme par celle de capitalisme monopoliste d’État. D’autres cherchent à « moderniser » l’interprétation de l’État, comme Nicos Poulantzas, ou bien l’idéologie marxiste, comme Louis Althusser. Cela prit du temps mais cela donna un post-marxisme dont le PCF se veut aujourd’hui le représentant.

Cela fait que dans les années 1980, le marxisme est déjà délaissé ; à partir des années 1990, il est ouvertement rejeté à peu près partout à Gauche. C’est alors le renouveau des anarchistes et des syndicalistes. Avec en quelque sorte un retour à la case départ si l’on prend le congrès de Tours comme référence. L’alternative étant : soit ce fut un formidable détour et le PCF une aventure, populaire certes, mais une aventure, soit il faut recommencer le processus d’affirmation du marxisme en France, contre l’esprit syndicaliste « révolté ».