« S’exerçant élégamment le corps comme ils s’étaient auparavant exercé l’esprit. »
L’histoire de France est riche de centaines de jeux et d’activités d’adresse, de boules, de quilles, de crosse, de mail, de billard, de sarbacane, etc. Mais de manière générale, ces jeux et activités ne sont pas « physiques » en ce sens où ils n’induisent pas une grande dépense énergétique, contrairement au sport.
Le terme sport est diffusé depuis l’Angleterre au 19e siècle et est d’origine française : c’est le desport ou déport, qui est communément traduit par « divertissement ». Issu du latin deporto, qui signifie emporter, rapporter, transporter, ce terme induit la notion de mouvement.
Il y a là forcément un rapport au corps en tant que matière vivante en mouvement et il est tout à fait logique de retrouver ce mot dans la littérature humaniste française. Celle ci s’est intéressé à l’activité physique, en opposition à la religion qui focalisait sur l’esprit.
Plus précisément, les humanistes voulaient allier le corps et l’esprit. Ils ont développé une combinaison des deux avec le sport, comme cela est présenté dans l’article « Le matérialisme dialectique et le sport » par le site Matérialisme dialectique.
« Les aristocrates représentent le corps développé, le peuple le jeu ; les humanistes, qui veulent allier le corps et l’esprit, les épanouir, cherchent ici une combinaison. »
On peut ainsi lire dans la version originale de Gargantua de François Rabelais :
« Ce faict, yssoient hors, tousjours conferens des propoz de la lecture, et se desportoient en Bracque ou es prez, et jouoient à la balle, à la paulme, à la pile trigone, galentement se exercens les corps comme ilz avoient les ames auparavant exercé. »
Le Grand Braque était une salle parisienne de jeu de paume. Ce passage est traduit en français moderne de la façon suivante :
« Cela fait, ils sortaient, toujours en discutant du sujet de la lecture, et allaient se divertir au Grand Braque ou dans les prés, et jouaient à la balle, à la paume, à la pile en triangle, s’exerçant élégamment le corps comme ils s’étaient auparavant exercé l’esprit. »
Dans le chapitre 23 intitulé « Comment Gargantua fut éduqué par Ponocrates de telle façon qu’il ne perdait pas une heure de la journée », François Rabelais insiste longuement sur l’importance de l’activité physique en plus du travail intellectuel :
« Tous leurs jeux se faisaient librement, car ils abandonnaient la partie quand cela leur plaisait, et ils cessaient d’ordinaire lorsque la sueur leur coulait par le corps ou qu’ils étaient las. Ils étaient alors très bien essuyés et frottés. Ils changeaient de chemise et, en se promenant doucement, allaient voir si le dîner était prêt. »
L’activité physique par le jeu est considérée de grande valeur et tout à fait bénéfique pour l’humanité. Sont listées dans cette œuvre de 1534 un certain nombre d’activités ressemblant à des sports actuels (sans qu’il n’y ait forcément de filiation historique par ailleurs). Ce passage, relativement long, est passionnant à lire.
« Il courait le cerf, le chevreuil, l’ours, le daim, le sanglier, le lièvre, la perdrix, le faisan, l’outarde. Il jouait au ballon et le faisait rebondir en l’air, autant du pied que du poing. Il luttait, courait, sautait non avec trois pas d’élan, non à cloche-pied, non à l’Allemande car, disait Gymnaste, de tels sauts sont inutiles et ne servent à rien à la guerre, mais d’un saut, il franchissait un fossé, volait par-dessus d’une haie, montait six pas contre une muraille et parvenait de cette façon à une fenêtre de la hauteur d’une lance.
Il nageait en eau profonde, à l’endroit, à l’envers, sur le côté, de tout le corps, des seuls pieds, une main en l’air, laquelle tenant un livre, traversait toute la Seine sans le mouiller, et tirant son manteau par les dents, comme faisait Jules César. Puis, à la seule force du poignet, il montait dans un bateau.
De celui-ci, il se jetait derechef à l’eau, la tête la première, sondait le fond, creusait les rochers, plongeait dans les abîmes et les gouffres. Puis il manœuvrait le bateau, le dirigeait, le menait rapidement, lentement, au fil de l’eau, à contre-courant, le retenait en pleine écluse, le guidait d’une main, de l’autre s’escrimant avec un grand aviron, hissait la voile, montait au mât par les cordages, courait sur les vergues, ajustait la boussole, tendait l’écoute, tenait ferme le gouvernail.
Sortant de l’eau, il gravissait la montagne et la dévalait aussitôt. Il grimpait aux arbres comme un chat, sautait de l’un à l’autre comme un écureuil, abattait les grosses branches comme un autre Milon. Avec deux poignards acérés et deux poinçons à toute épreuve, il montait en haut d’une maison comme un rat, puis en descendait de telle façon que ses membres ne souffraient aucunement de la chute.
Il lançait le dard, la barre, la pierre, la javeline, l’épieu, la hallebarde, bandait l’arc, tendait à coups de reins les fortes arbalètes de siège, visait de l’arquebuse à l’œil, affûtait le canon, tirait à la butte, au perroquet, de bas en haut, de haut en bas, devant, de côté, en arrière comme les Parthes. On lui attachait à quelque haute tour un câble pendant à terre. Il y montait avec deux mains, puis dévalait si rapidement et avec tant d’assurance que vous ne feriez pas mieux dans un pré bien plat.
On lui mettait une grosse perche soutenue par deux arbres ; il s’y pendait par les mains, allait et venait sans rien toucher des pieds, si bien qu’à grande vitesse, on n’eût pu l’attraper.
Et, pour s’exercer le thorax et les poumons, il criait comme tous les diables. Une fois, je l’ai entendu appelant Eudémon, depuis la porte Saint-Victor jusqu’à Montmartre. Stentor n’eut jamais une telle voix à la bataille de Troie.
Et, pour fortifier ses nerfs, on lui avait fait deux gros saumons de plomb, pesant chacun huit mille sept cents quintaux, lesquels il appelait haltères. Il les soulevait de chaque main, les élevait en l’air au-dessus de la tête, et les tenait ainsi, sans bouger trois quarts d’heure et davantage, ce qui révélait une force sans pareille.
Il jouait aux barres avec les plus forts, et, quand le point arrivait, il se tenait sur les pieds si solidement qu’il s’abandonnait aux plus aventureux parvenant à le faire bouger de sa place, comme faisait jadis Milon, à l’imitation duquel il tenait aussi une pomme de grenade dans sa main et la donnait à qui pourrait la lui ôter. »
« Je veux que la bienséance extérieure, et l’entre-gent et la disposition de la personne se façonne quant et quant [en même temps que] l’âme ».
Ou plus précisément :
« Les jeux mesmes [même] et les exercices seront une bonne partie de l’estude : la course, la luicte [lutte], la musique, la danse, la chasse, le maniement des chevaux et des armes. »
« Quel plaisir d’avoir de l’appétit, quand on a la certitude de faire bientôt un excellent repas. »
Esprit français oblige, c’est à travers la littérature qu’est née la gastronomie française. On doit cela à Jean Anthelme Brillat-Savarin avec sa Physiologie du goût (1825), qui est une œuvre incontournable du patrimoine culturel français.
Le succès fût immense lors de la parution et il y eu plusieurs rééditions, notamment une en 1838 contenant un appendice brillant écrit par Honoré de Balzac.
La première édition, datée de 1826 mais parue en décembre 1825, porte le sous-titre « méditations de gastronomie transcendante ». C’est que, sur la forme, le texte semble extravagant. L’auteur est un magistrat âgé (il meurt en février 1826), conseiller à la Cour de cassation, chevalier de la Légion d’honneur (1804), chevalier de l’Empire (1808), ayant connu l’exil (il fût premier violon au théâtre de New-York) ; son récit est celui d’un parisien flânant dans les dîners mondains.
Sentant qu’il se produisait dans ces dîners et autour de ces dîners quelque-chose de significatif historiquement et culturellement, il se mît à prendre des notes. De là, il produisit une grande réflexion sur la gastronomie, dont son livre en est la première définition.
« Son but est de veiller à la conservation des hommes, au moyen de la meilleure nourriture possible. »
Par « meilleure », il faut entendre tant la qualité gustative que la qualité nutritive. L’auteur est clairement épicurien, il relève du matérialisme philosophique et considère la gastronomie comme une science naturelle.
« Le goût, qui a pour excitateurs l’appétit, la faim et la soif, est la base de plusieurs opérations dont le résultat est que l’individu croît, se développe, se conserve et répare les pertes causées par les évaporations vitales. »
Il dit également, ce qui résume probablement le mieux l’idée de son ouvrage :
« Le goût paraît avoir deux usages principaux :
1° Il nous invite, par le plaisir, à réparer les pertes continuelles que nous faisons par l’action de la vie. 2° Il nous aide à choisir, parmi les diverses substances que la nature nous présente, celles qui sont propres à nous servir d’aliments. »
On comprendra qu’on est bien loin de la cuisine pseudo-gastronomique du 21e siècle, qui est un formalisme décadent et élitiste, loin de toutes considérations naturelles.
De la même manière, Jean Anthelme Brillat-Savarin critiquait vigoureusement la tendance à faire des festins décadents, coupés de la nécessité naturelle.
Il annonce cela dans ses aphorismes dès l’introduction.
« Ceux qui s’indigèrent ou qui s’enivrent ne savent ni boire ni manger. »
Ni gueuleton indigeste, ni cuisine conceptuelle et prétentieuse, la gastronomie est au contraire un art de vivre. C’est le développement historique des Arts de la table à la française, se démocratisant à l’ère des restaurants bourgeois au début du 19e siècle.
Cela reflète un arrière plan historique. L’homme moderne ne craignant plus la faim, il peut cultiver son appétit : telle est l’idée de la gastronomie. Pour le dire autrement, c’est la façon française de se nourrir ; la gastronomie est un raffinement à la française.
Jean Anthelme Brillat-Savarin imaginait le développement de la gastronomie avec une Académie :
« Heureux le dépositaire au pouvoir qui attachera son nom à cette institution si nécessaire ! »
Cela arrivera forcément, tant il y a une nécessité française à réfléchir au bien mangé, par la combinaison du bon et du nourrissant. La lecture de la Physiologie du goût, aussi daté que puisse-être l’ouvrage, est une contribution très inspirante en ce sens.
Ce passage très sympathique reflète très bien l’esprit du livre !
« Le potage est une nourriture saine, légère, nourrissante, et qui convient à tout le monde ; il réjouit l’estomac, et le dispose à recevoir et à digérer. Les personnes menacées d’obésité n’en doivent prendre que le bouillon.
On convient généralement qu’on ne mange nulle part d’aussi bon potage qu’en France ; et j’ai trouvé, dans mes voyages, la confirmation de cette vérité. Ce résultat ne doit pas étonner ; car le potage est la base de la diète nationale française, et l’expérience des siècles a dû le porter à sa perfection. »
Aujourd’hui en Ukraine, dans une trentaine d’endroits différents dans le pays, vous pouvez prendre le bus pour aller… à Moscou. Le bus passe par la Pologne ou la Lituanie. Tels sont les liens si forts entre les Russes et les Ukrainiens.
Ce sont ces liens que l’alliance du nationalisme ukrainien et de la superpuissance américaine veut supprimer. Encore de nouvelles lois sont passées en Ukraine cette semaine pour supprimer tout ce qui a un rapport avec l’Empire russe dans l’espace public : noms de rues, de places, etc.
L’un des principaux vecteurs de cette narration, c’est l’Holodomor. C’est un concept élaboré dans le milieu universitaire américain et britannique durant la guerre froide. L’URSS aurait organisé une famine pour provoquer un génocide en Ukraine, durant les années 1930.
Cela ne tient pas debout une seule seconde, puisque c’est l’URSS qui a reconnu l’Ukraine et a procédé à son « ukrainisation »: reconnaissance et systémisation de la langue, développement de la culture nationale, etc.
Nous avions déjà parlé de la statue de Taras Chevtchenko, la grande figure nationale ukrainienne, protégée par des sacs de sable à Kharkiv… et mise en place en 1935 par l’URSS. Cela contredit totalement la thèse de « l’effacement » de l’Ukraine.
D’ailleurs, le président russe Vladimir Poutine dénonce à chaque fois l’Ukraine comme une « invention » soviétique.
Les nationalistes ukrainiens cherchent à nier cette réalité historique, et l’Holodomor est un outil en ce sens. Il a été conceptualisé aux États-Unis afin de soutenir les nationalistes ukrainiens pour affaiblir l’URSS (et depuis son effondrement, la Russie).
Forcément, les satellites occidentaux de la superpuissance américaine s’alignent sur cette narration. Le 28 mars 2023, l’Assemblée nationale en France a reconnu l’Holodomor.
Il y a 577 députés, même pas la moitié était présent. Voici les positions des 170 députés présents.
Les 53 députés du regroupement pro-président de la République « Renaissance » ont voté pour. L’ensemble des députés pro-Emmanuel Macron est signataire du texte proposé.
Les 25 députés centristes du Modem ont voté pour, ainsi que les 9 députés centristes de Horizons.
La députée de Droite dure Emmanuelle Ménard a voté pour.
Les 20 députés de la Droite classique, avec Les Républicains, ont voté pour.
La France insoumise a expliqué qu’elle était totalement d’accord avec l’esprit de la résolution, qu’elle soutenait entièrement le régime ukrainien. Elle considère toutefois que la définition de génocide est ici insuffisamment élaborée et que ce serait nuire à cette définition sur le plan international.
Les 74 députés LFI se sont donc abstenus, mais se sont focalisés sur la dénonciation absolue de la Russie, uniquement de la Russie, et revendiquent leur soumission à la ligne de l’Otan et de la superpuissance américaine !
Les 12 députés socialistes ont voté pour.
Les 8 députés EELV ont voté pour.
Les 11 députés du Groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (centristes, régionalistes corses et réunionnais…) ont voté pour.
Les 2 députés PCF ont voté contre. Ils sont expliqué que l’Holodomor n’était pas un génocide, mais le fruit de la désorganisation du régime criminel de Staline. Ils pensent que c’est aux historiens d’analyser ça, que la mise en avant du vote obéit seulement à des impératifs politiques, et que c’est mal.
Mais ils ont participé à la dénonciation de la « folie furieuse » qui serait si typiquement russe, et qui relève du discours appelant à justifier la guerre contre la Russie pour la « décoloniser ».
Voilà où nous en sommes en France – ce vote exprime littéralement que nous sommes une province de l’empire américain.
Le but de la manœuvre : dénoncer la collectivisation d’une part, trouver des prétextes pour mobiliser dans la guerre « décoloniale » contre la Russie, d’autre part.
Sabotez la guerre américaine contre la Russie !
Voici le texte voté à l’Assemblée nationale.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Entre 1930 et 1933, plusieurs régions agricoles de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) – parmi lesquelles le Kazakhstan, le Caucase du Nord et l’Ukraine – ont connu une effroyable famine. Celle‑ci a été à l’origine de la mort d’entre 7 et 8 millions de personnes.
En Ukraine, cette famine, causée artificiellement, s’est distinguée par son ampleur. Systématisée par les autorités soviétiques, elle faucha la vie d’environ 4 millions d’Ukrainiens, principalement des paysans.
L’épisode a débuté en novembre 1929, avec l’annonce par la Pravda de l’avènement du « Grand tournant », à l’origine de la collectivisation forcée et de la « dékoulakisation », décidées par Joseph Staline.
Leurs objectifs ? L’industrialisation rapide de l’URSS et le contrôle des campagnes.
La répression s’est alors mise en place : expropriations, arrestations et déportations massives des propriétaires terriens, désormais désignés sous l’appellation « koulak ». Des entreprises agricoles collectives ont été instaurées, et ont pris la forme de fermes nationalisées (sovkhozes) et de coopératives (kolkhozes). Placées sous l’autorité de l’État, environ 30 % de leurs récoltes étaient prélevées.
En Ukraine, en réponse à ces réquisitions démesurées et à une répression croissante, la paysannerie s’est soulevée dès le début de l’année 1930.
Craignant la résurgence d’un nationalisme ukrainien, les autorités soviétiques ont accusé les paysans révoltés d’être des saboteurs et des ennemis du prolétariat.
Des brigades ont alors été envoyées pour mater les émeutes, fouiller les fermes, et confisquer récoltes, bétails et semis, ce qui eut des conséquences désastreuses sur la récolte suivante.
Alors que des foyers isolés de « difficultés alimentaires » ont commencé à être répertoriés dès cette période, les autorités soviétiques ont réquisitionné près de 43 % de la récolte ukrainienne l’année suivante.
En 1932, face à une situation alimentaire aggravée, un exode rural de masse a débuté. Par ailleurs, les collectes n’ont plus atteint les niveaux fixés.
Entre fin octobre 1932 et janvier 1933, les autorités ont intensifié la répression, fermé les frontières et instauré un blocus. Des patrouilles ont ainsi été mises en place, condamnant les personnes à rentrer chez elles, à être emprisonnées ou déportées en Sibérie et dans les camps du Goulag.
La vente des billets de chemin de fer a été suspendue et les paysans privés de leur passeport. En outre, de nouvelles mesures ont été instaurées pour les districts « mis au tableau noir » : retrait des produits manufacturés et alimentaires, remboursement immédiat des crédits, arrêt du commerce, imposition exceptionnelle.
A la fin du mois de janvier 1933, la moitié des kolkhozes et villages ukrainiens – 11 000 sur 23 000 – étaient ciblés.
« Grenier de blé » devenu « terre de sang », le paroxysme de ce crime de masse a été atteint dans les premiers mois de 1933 : chaque jour, des milliers de paysans ukrainiens sont morts, affamés.
La famine instaurée artificiellement a alors pris l’appellation d’Holodomor : « l’extermination par la faim ».
En parallèle de cette tragédie, entre 1930 et 1933, plusieurs millions de tonnes de céréales ukrainiennes confisquées ont continué à être exportées. Les réserves de l’État soviétique, plusieurs millions de tonnes également, n’ont quant à elles pas été touchées.
En février 1933, les autorités soviétiques ont débloqué une aide dérisoire et destinée en priorité aux villes, également touchées par les disettes, afin d’éviter des émeutes d’ouvriers.
Bien que de rares témoignages parvinrent à l’Ouest à l’époque, la chute de l’URSS et l’ouverture de l’accès à certaines archives ont permis de lever le voile et le silence sur cette période dramatique.
Le 24 mars 2005, le ministère des Affaires étrangères français, interrogé par le sénateur Jean‑Pierre Vial sur l’absence de reconnaissance de ce crime contre la population ukrainienne, avait répondu qu’il appartenait aux États concernés de donner une interprétation historique, politique et juridique de ces événements tragiques.
Or, en 2006, le parlement de l’Ukraine a reconnu la famine ukrainienne de 1932‑1933 comme génocide contre le peuple ukrainien. Cette reconnaissance incarne le consensus au sein de la population concernant la qualification de ce crime de masse.
Le 21 octobre 2022, dans le contexte de la guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine, le ministre des Affaires étrangères ukrainien, M. Dmytro Kuleba, a appelé les parlements des nations qui soutiennent l’Ukraine à reconnaître le caractère génocidaire de l’Holodomor.
Cet appel a été repris par le Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada, le 16 novembre 2022.
Le 15 décembre 2022, le Parlement européen, dans sa résolution « 90 ans après l’Holodomor : reconnaître que le massacre par la famine constitue un génocide », a reconnu l’Holodomor comme un génocide du peuple ukrainien.
La présente résolution vise à la reconnaissance par les autorités françaises de cette famine forcée de la population ukrainienne comme génocide, et à la condamnation des actes commis, caractérisés par une extermination et des violations massives des droits humains et des libertés.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950,
Vu la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948,
Vu l’article 6 de la Convention portant statut de la Cour pénale internationale, adoptée à Rome le 17 juillet 1998,
Vu les déclarations communes sur les anniversaires de l’Holodomor adoptées lors des sessions plénières de l’Assemblée générale des Nations unies,
Vu la loi ukrainienne relative à l’Holodomor de 1932‑1933 en Ukraine, adoptée le 28 novembre 2006,
Vu la résolution 1481 (2006) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) sur la nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires,
Vu la déclaration du Président du Parlement européen, du 21 novembre 2007, à l’occasion du 75e anniversaire de la famine en Ukraine (Holodomor),
Vu la déclaration finale et les recommandations de la 10e réunion de la commission de coopération parlementaire UE‑Ukraine, adoptées le 27 février 2008,
Vu la résolution du Parlement européen du 23 octobre 2008 sur la commémoration de l’Holodomor, la famine artificiellement provoquée en Ukraine (1932‑1933) et la résolution du Parlement européen du 15 décembre 2022 « 90 ans après l’Holodomor : reconnaître que le massacre par la famine constitue un génocide » ;
Considérant que la collectivisation forcée imposée par le régime soviétique de Joseph Staline a entraîné la mort de millions de personnes, notamment parmi les minorités ethniques de l’ex‑Union soviétique ;
Considérant qu’en vertu de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, sont considérés comme des crimes de génocide les actes ci‑après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial et religieux : le meurtre de membres du groupe, l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ;
Considérant la mise en place par les autorités soviétiques d’une famine forcée en Ukraine, à l’origine de la mort de près de plusieurs millions d’Ukrainiens, pour imposer par la force et par la terreur leur politique de collectivisation ;
Constatant le caractère intentionnel de détruire en tout ou partie l’identité nationale et le peuple ukrainien, et plus particulièrement la paysannerie ukrainienne, en confisquant les récoltes et les semences, en intensifiant la répression, en fermant les frontières et en instaurant un blocus des villages ;
Considérant que les autorités soviétiques ont occulté, déformé ou supprimé des éléments d’information sur la famine et les crimes de masse perpétrés à l’encontre des Ukrainiens en 1932 et 1933, et que les autorités russes actuelles continuent de limiter l’accès aux archives mentionnant ces événements ;
Considérant que l’emploi du terme de « grande famine » passe sous silence la responsabilité du régime soviétique dans cette famine intentionnellement provoquée ;
Considérant que cette « grande famine » a été reconnue par le Parlement européen, les parlements ou d’autres institutions nationales représentatives de plus de 20 pays, comme un génocide ou comme un crime contre le peuple ukrainien et contre l’humanité ;
Considérant que la reconnaissance des génocides perpétrés au cours de l’histoire de l’Europe devrait permettre d’éviter la répétition de crimes semblables à l’avenir ;
Considérant le devoir d’honorer la mémoire des victimes de crimes de masse commis par des régimes totalitaires en reconnaissant leurs souffrances et la nature des actes commis ;
Considérant que les années 2022‑2023 consacrent le 90e anniversaire de l’un des plus grands crimes de masse du début du XXe siècle ;
Reconnaît officiellement le caractère génocidaire de la famine forcée et planifiée par les autorités soviétiques à l’encontre de la population ukrainienne en 1932 et 1933 ;
Condamne le génocide commis par les autorités soviétiques, connu sous le nom de l’Holodomor ;
Affirme son soutien au peuple ukrainien dans son aspiration à faire reconnaître les crimes de masse commis à son encontre par le régime soviétique ;
Invite le Gouvernement français à reconnaître officiellement et à condamner publiquement le caractère génocidaire de ces crimes de masse commis à l’encontre du peuple ukrainien et connus sous le nom d’Holodomor ;
Invite le Gouvernement français à rendre hommage à toutes les victimes de l’Holodomor et à exprimer sa solidarité avec le peuple ukrainien qui a souffert de cette tragédie ;
Invite le Gouvernement français à poursuivre ses initiatives diplomatiques visant à la reconnaissance internationale de l’Holodomor ;
Invite le Gouvernement français à encourager sur la scène internationale un libre accès aux archives relatives à l’Holodomor, plus particulièrement en Fédération de Russie, afin de permettre aux historiens de poursuivre leurs recherches visant à établir et documenter les faits.
Un point de vue qui est celui de la Gauche historique.
Toute la gauche de la Gauche parle en ce moment en France de la grève générale comme grand espoir. Le mouvement contre la réforme des retraites aurait une perspective de victoire par la grève générale, qui ferait reculer le gouvernement.
Ce n’est pas le point de vue de la Gauche historique, avec raison.
La grève générale est une fiction anarchiste. Elle ne prend pas en compte la politique. Ce n’est pas par là que passe la victoire.
Le jeune Lénine, figure déjà éminente de la social-démocratie russe, résume cette conception de la Gauche historique de la manière suivante en 1899, dans son article A propos des grèves.
Les grèves apprennent aux ouvriers à s’unir ; elles leur montrent que c’est seulement en unissant leurs efforts qu’ils peuvent lutter contre les capitalistes ; les grèves apprennent aux ouvriers à penser à la lutte de toute la classe ouvrière contre toute la classe des patrons de fabrique et contre le gouvernement autocratique, le gouvernement policier.
C’est pour cette raison que les socialistes appellent les grèves « l’école de guerre », une école où les ouvriers apprennent à faire la guerre à leurs ennemis, afin d’affranchir l’ensemble du peuple et tous les travailleurs du joug des fonctionnaires et du capital.
Mais « l’école de guerre« , ce n’est pas encore la guerre elle-même.
Lorsque les grèves se propagent largement parmi les ouvriers, certains d’entre eux (et quelques socialistes) en viennent à s’imaginer que la classe ouvrière peut se borner à faire grève, à organiser des caisses et des associations pour les grèves, et que ces dernières à elles seules suffisent à la classe ouvrière pour arracher une amélioration sérieuse de sa situation, voire son émancipation.
Voyant la force que représentent l’union des ouvriers et leurs grèves, même de faible envergure, certains pensent qu’il suffirait aux ouvriers d’organiser une grève générale s’étendant à l’ensemble du pays pour obtenir des capitalistes et du gouvernement tout ce qu’ils désirent.
Cette opinion a été également celle d’ouvriers d’autres pays, lorsque le mouvement ouvrier n’en était qu’à ses débuts et manquait tout à fait d’expérience.
Mais cette opinion est fausse.
Les grèves sont un des moyens de lutte de la classe ouvrière pour son affranchissement mais non le seul ; et si les ouvriers ne portent pas leur attention sur les autres moyens de lutte, ils ralentiront par là la croissance et les progrès de la classe ouvrière.
En effet, pour assurer le succès des grèves, il faut des caisses afin de faire vivre les ouvriers pendant la durée du mouvement.
Ces caisses, les ouvriers en organisent dans tous les pays (généralement dans le cadre d’une industrie donnée, d’une profession ou d’un atelier) ; mais chez nous, en Russie, la chose est extrêmement difficile car la police les traque, confisque l’argent et emprisonne les ouvriers.
Il va de soi que les ouvriers savent aussi déjouer la police, que la création de ces caisses est utile et nous n’entendons pas la déconseiller aux ouvriers.
Mais on ne peut espérer que ces caisses ouvrières, interdites par la loi, puissent attirer beaucoup de membres ; or, avec un nombre restreint d’adhérents, elles ne seront pas d’une très grande utilité.
Ensuite, même dans les pays où les associations ouvrières existent librement et disposent de fonds très importants, même dans ces pays la classe ouvrière ne saurait se borner à lutter uniquement par des grèves.
Il suffit d’un arrêt des affaires dans l’industrie (d’une crise comme celle qui se dessine actuellement en Russie) pour que les patrons des fabriques provoquent eux-mêmes des grèves, parce qu’ils ont parfois intérêt à faire cesser momentanément le travail, à ruiner les caisses ouvrières.
Aussi les ouvriers ne peuvent-ils se borner exclusivement aux grèves et aux formes d’organisation qu’elles impliquent.
En deuxième lieu, les grèves n’aboutissent que là où les ouvriers sont déjà assez conscients, où ils savent choisir le moment propice, formuler leurs revendications, où ils sont en liaison avec les socialistes pour se procurer ainsi des tracts et des brochures.
Or ces ouvriers sont encore peu nombreux en Russie et il est indispensable de tout faire pour en augmenter le nombre, pour initier la masse des ouvriers à la cause ouvrière, pour les initier au socialisme et à la lutte ouvrière.
Cette tâche doit être assumée en commun par les socialistes et les ouvriers conscients, qui forment à cet effet un parti ouvrier socialiste.
En troisième lieu, les grèves montrent aux ouvriers, nous l’avons vu, que le gouvernement est leur ennemi, qu’il faut lutter contre lui.
Et, dans tous les pays, les grèves ont en effet appris progressivement à la classe ouvrière à lutter contre les gouvernements pour les droits des ouvriers et du peuple tout entier.
Ainsi que nous venons de le dire, seul un parti ouvrier socialiste peut mener cette lutte, en diffusant parmi les ouvriers des notions justes sur le gouvernement et sur la cause ouvrière.
Nous parlerons plus spécialement une autre fois de la façon dont les grèves sont menées chez nous, en Russie, et de l’usage que doivent en faire les ouvriers conscients.
Pour le moment, il nous faut souligner que les grèves, comme on l’a dit ci-dessus, sont « l’école de guerre » et non la guerre elle-même, qu’elles sont seulement un des moyens de la lutte, une des formes du mouvement ouvrier.
Des grèves isolées les ouvriers peuvent et doivent passer et passent effectivement dans tous les pays à la lutte de la classe ouvrière tout entière pour l’émancipation de tous les travailleurs.
Lorsque tous les ouvriers conscients deviennent des socialistes, c’est-à-dire aspirent à cette émancipation, lorsqu’ils s’unissent à travers tout le pays pour propager le socialisme parmi les ouvriers, pour enseigner aux ouvriers tous les procédés de lutte contre leurs ennemis, lorsqu’ils forment un parti ouvrier socialiste luttant pour libérer tout le peuple du joug du gouvernement et pour libérer tous les travailleurs du joug du capital, alors seulement la classe ouvrière adhère sans réserve au grand mouvement des ouvriers de tous les pays, qui rassemble tous les ouvriers et arbore le drapeau rouge avec ces mots : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Tant que les travailleurs n’assumeront pas la politique, ce sera l’échec. Il ne sert à rien de pleurer que l’intersyndicale ne lutte pas assez, car une telle chose est normale. Les syndicats accompagnent le capitalisme. Ce qu’il faut comprendre, c’est le caractère central de la politique.
Le terme de robot est tiré d’une pièce de théâtre tchèque, dont la première a eu lieu le 21 janvier 1921.
Nous sommes dans les années 1920 en Tchécoslovaquie. Ce petit pays composé de Tchèques, de Slovaques et d’Ukrainiens est déjà perdu en Europe centrale. C’est en effet une république, dans une Europe centrale où il n’y a que des régimes autoritaires. La partie tchèque est puissamment développée, le capitalisme y est bien ancré. Le Parti Communiste aussi d’ailleurs et proportionnellement à sa population, il sera toujours le Parti Communiste le plus nombreux du monde. La question, c’est donc l’avenir du monde : capitalisme ou socialisme?
L’entrepreneur Tomáš Baťa avait son idée là-dessus : dans son building, sa pièce de travail de 6m2 était un ascenseur lui permettant d’accéder aux différents étages pour superviser. De son côté le président de la République Tomáš Garrigue Masaryk avait développé toute une philosophie libérale-démocrate-existentialiste. C’est dans ce contexte qu’a lieu à Prague le 21 janvier 1921 la première de la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robots), écrite par Karel Čapek.
Ce dernier avait la même approche : le capitalisme permet la démocratie mais en même temps il y a le fascisme qui est une menace semblant en venir, pourtant le communisme n’est pas acceptable. C’était intenable et la Tchécoslovaquie sombrera dans le drame de la seconde guerre mondiale.
La pièce R.U.R. n’est guère fameuse en tant que tel, son scénario « anti-totalitaire » c’est-à-dire très violemment anti-communiste étant aussi caricatural que celui d’Orwell avec 1984. Une entreprise fabrique des robots, qui sont des humains artificiels. Car, naturellement, ces esclaves se révoltent, forment un bloc unifié et anéantissent l’humanité pour la remplacer. On est dans la peur du travail et du collectif, avec une appréhension de la machine remplaçant l’être humain. On connaît bien en France cette conception pétainiste-zadiste, dont le romantique français Georges Bernanos se fit l’écho dansLa France contre les robotsen 1947.
Là où les choses sont plus intéressantes, c’est que les robots ne sont pas des machines au sens mécanique, mais des copies d’êtres humains, comme les réplicants du film Blade Runner, au scénario s’appuyant sur R.U.R. Et l’inventeur de ces répliques d’êtres humains est monsieur Rossum – Rozum signifiant intellect en tchèque. Et, à la fin de R.U.R. certains robots découvrent l’amour et le dernier être humain leur confie le monde. C’est que l’œuvre est anti-science, mais considère que c’est en fait le capitalisme qui pervertit la science, même si en même temps le collectivisme est inacceptable pour qui veut maintenir l’esprit libéral.
On aura compris, l’œuvre reflète toute une époque… Qui est d’ailleurs encore la nôtre.
Le terme « robot » inventé pour la pièce a eu le succès qu’on connaît. Le mot a été inventé par le frère de l’auteur, l’artiste moderniste Josef Čapek, par ailleurs mort en camp de concentration pour son refus de l’occupation du pays par l’Allemagne nazie. Le mot « robot » se fonde sur le mot vieux slave rab, esclave, ainsi que sur le tchèque robota, travail forcé, avec une racine commune à la langue slave (rabotat signifie travailler en russe, robotnik signifie ouvrier en polonais et en slovaque, etc.).
Son succès mondial a été immédiat. Et la problématique aura une immense résonance dans l’Est de l’Europe. Il suffit de penser à la chanson The Robots de Kraftwerk où les musiciens ont leurs répliques robotiques, ou les réplicants du roman Solaris du polonais Stanislas Lem (et immortalisé par le film de Andreï Tarkovski). Le titre de l’album de Kraftwerk de 1978 est The Man-machine (pour la version en anglais et Die Mensch-maschine pour la version allemande) et rappelons qu’il existe une œuvre française ayant ce titre : L’Homme-machine écrit par le matérialiste français Julien Offray de La Mettrie en 1747.
C’est qu’on ne peut pas avoir peur des robots quand on est de gauche, car on sait qu’on est des robots – des robots naturels, mais des robots quand même. La prétention au libre-arbitre n’est qu’une fantasmagorie religieuse ou capitaliste post-moderne.
Au-delà des questions de réforme et de révolution, le congrès de Tours c’est surtout le point de départ de l’introduction du marxisme en France.
Le marxisme, au début du XXe siècle, est considéré en France comme une philosophie allemande et si les socialistes français apprécient la critique économique du capitalisme, ils ne vont pas plus loin. Même après le congrès de Tours, les socialistes français devenus des communistes relevant de l’Internationale Communiste n’en ont pas grand chose à faire. Ils préfèrent Lénine en qui ils voient un type rentre-dedans et pragmatique, cherchant des moments décisifs.
Marx ? C’est bien, mais c’est surtout comme référence justifiant le socialisme. Lénine, c’est mieux, il y a un côté rentre-dedans, tout à fait conforme à un esprit socialiste français largement marqué par le syndicalisme révolutionnaire et ses actions coup de poing pour avancer vers la « grève générale ». D’ailleurs, Lénine était d’autant plus pratique que cela permettait aussi bien de se passer de Marx, avec l’idée que l’action remplaçait la théorie.
Le résultat ne se fit pas attendre, comme c’est bien connu : au congrès de Tours les socialistes sont pratiquement 180 000, en 1921 les communistes sont moins de 110 000, en 1923 ils ne sont plus que 55 000, et encore peut-on encore abaisser ces chiffres si l’on compte les gens réellement actifs. Et, surtout, les gens présents sont pratiquement tous nouveaux, tous jeunes.
L’Internationale Communiste a en effet fait comprendre aux socialistes français devenus communistes que désormais, il fallait passer au marxisme. Et il ne s’agissait pas d’un marxisme comme une inspiration, mais bien d’un dogme. On a coutume de dire que cela relève d’une « stalinisation » du marxisme, ce qui est une erreur grossière. Le marxisme était déjà un « dogme » dans la social-démocratie allemande, avec comme figure tutélaire Karl Kautsky. Ce dernier était considéré comme le successeur de Friedrich Engels, ce dernier étant considéré lui-même comme le successeur de Karl Marx.
Karl Kautsky
C’est si vrai que Lénine, pour se légitimer, dut écrire un ouvrage intitulé « La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky ». Lénine ne dit pas le réformiste Kautsky, il dit le renégat, car pour lui Karl Kautsky c’était très bien. D’ailleurs, lorsque Lénine explique dans « Que faire ? » le principe de ce qui sera appelé la conception léniniste de l’organisation, il s’appuie directement sur Karl Kautsky.
Le congrès de Tours marqua ainsi une orientation vers le marxisme d’une partie de la Gauche française, avec les communistes. Ce n’est toutefois pas le seul effet du congrès de Tours.
De la même manière, les socialistes restés dans la « vieille maison » comme le formula Léon Blum se tournèrent vers la social-démocratie autrichienne, qui était incroyablement massive dans la ville de Vienne formant son bastion. Son dirigeant, Otto Bauer, était ni plus ni moins qu’un avatar de Karl Kautsky. C’est à Vienne que siégea l’Union des partis socialistes pour l’action internationale, fondée en 1921 et qualifiée par les communistes d’Internationale deux et demie, avec les socialistes français, suisses et espagnols, les sociaux-démocrates allemands et autrichiens, les travaillistes indépendants britanniques.
Cela fit que les socialistes français passèrent également sous l’influence du marxisme. Inconnu au début du siècle, le marxisme devient au début des années 1930 une vraie question de fond en France et cela encore plus au début des années 1950. Dans les années 1960 commença toutefois l’émergence d’une « seconde gauche » cherchant à modifier, dépasser ou réfuter le marxisme, avec Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, etc. Ce fut la grande période des « intellectuels », qui dans les faits contrecarraient le marxisme depuis les universités et le Quartier latin parisien.
Cette tendance fut même présente dans le PCF. Le philosophe « officiel », Roger Garaudy, chercha à dépasser le marxisme, tout comme l’économiste « officiel » Paul Boccara remplaça la notion d’impérialisme par celle de capitalisme monopoliste d’État. D’autres cherchent à « moderniser » l’interprétation de l’État, comme Nicos Poulantzas, ou bien l’idéologie marxiste, comme Louis Althusser. Cela prit du temps mais cela donna un post-marxisme dont le PCF se veut aujourd’hui le représentant.
Cela fait que dans les années 1980, le marxisme est déjà délaissé ; à partir des années 1990, il est ouvertement rejeté à peu près partout à Gauche. C’est alors le renouveau des anarchistes et des syndicalistes. Avec en quelque sorte un retour à la case départ si l’on prend le congrès de Tours comme référence. L’alternative étant : soit ce fut un formidable détour et le PCF une aventure, populaire certes, mais une aventure, soit il faut recommencer le processus d’affirmation du marxisme en France, contre l’esprit syndicaliste « révolté ».
En choisissant de demander à rejoindre l’Internationale Communiste, la majorité des socialistes français donnait naissance au Parti Communiste le 29 décembre 1920.
Au cinquième jour du congrès de Tours, il y a cent ans, se tenait le vote des socialistes français, autour d’une question essentielle à leurs yeux : fallait-il suivre l’appel de Lénine à mener une grande cassure dans les rangs des socialistes français ?
C’était un drame pour beaucoup, car la tradition socialiste française, c’était celle de la « synthèse » entre différentes tendances, allant des tenants de l’alliance avec les bourgeois éclairés aux partisans d’un anarchisme complet. Et au début de l’année 1920, les socialistes français avaient déjà refusé d’aborder en tant que tel la question. Cela les dérangeait, ils avaient toujours pensé être plus efficaces, plus honnêtes, en acceptant tout le monde.
Impossible pourtant à la fin de l’année 1920 de continuer à faire comme si la Russie soviétique n’existait pas, alors que toute l’Europe centrale a déjà connu l’ouragan révolutionnaire, que le capitalisme est instable dans toute une série de pays européens, que la pression continue de monter en France. Alors le soir du 29 décembre, le vote des délégués est très clair, les 3/4 votant pour l’adhésion du Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière à l’Internationale Communiste.
C’était un choix romantique. Des socialistes prônant l’adhésion à l’Internationale Communiste, il ne restera très vite pratiquement personne. Ils partiront ou seront éjectés dans les quelques années suivantes. Ce sont des jeunes qui vont faire vivre ce qui est désormais un « Parti Communiste », aligné sur les choix réalisés par l’Internationale Communiste. Ce sont des jeunes ouvriers du Nord, comme Maurice Thorez, né en 1900. Il deviendra ensuite le dirigeant du Parti Communiste, à l’âge de trente ans.
Ce sont surtout des jeunes ouvriers parisiens qui feront le coup de poing avec l’extrême-Droite dans les années 1930, provoquant la rébellion antifasciste de 1934 qui donne naissance au Front populaire. Au milieu des années 1930, la région parisienne forme la moitié du contingent du Parti Communiste.
Cette question du romantisme est très importante, car le Parti Communiste est en France avant tout une passion, et une passion localisée. Elle n’a pas touché tout le pays, elle n’a pas réussi à s’ancrer dans l’Histoire française. Il y a des lieux où le Parti Communiste a été un formidable lieu de socialisation. Mais il a été comme parallèle à la société française, qui a continué son chemin sans lui.
Contrairement à d’autres pays où le niveau culturel était élevé, avec ainsi une culture façonnant la société au moins en partie, les communistes ont en France toujours considéré que le communisme c’était avant tout un élan, le Parti Communiste une sorte de syndicat, mais politique. Et cette conception doit beaucoup au congrès de Tours de décembre 1920.
Le congrès de Tours de 1920 est donc un événement marquant, mais s’il fut sincère, il reflète une problématique de fond qui est la difficulté de la Gauche en France à dépasser une conception minoritaire et syndicaliste/électoraliste de l’action politique. Encore faut-il d’ailleurs souligner qu’il ne s’agit pas tant de politique que de culture. La Gauche française aime à se précipiter, à être dans le feu de l’action, et pour cette raison le monde entier la regarde souvent. Mais hors ces actions, il y a une incapacité à prolonger le tir, à ancrer une culture, à établir des perspectives.
Tout le mal de la Gauche française se lit bien dans le congrès de Tours de 1920, avec son élan sincère mais volontariste.
Quelques articles nouveaux pour le centenaire du congrès de Tours marquant la fondation du PCF.
Voici quelques (nouveaux) documents intéressants pour contribuer aux connaissances sur le congrès de Tours de 1920, sur la question des socialistes et des communistes.
La ville de Tours présente une exposition virtuelle sur sa situation au moment du congrès. Plutôt bien faite, l’exposition permet d’avoir un aperçu sur le contexte du congrès, ainsi que en un certain sens sur la France de l’époque.
La chaîne de télévision Public Sénat, qui dépend du Sénat français, a publié un documentaire très sérieux, même si évidemment limité, présentant le sens du congrès de Tours.
La Fondation Jean Jaurès a mis en ligne une vidéo de débat présentant l’intérêt de relire Léon Blum cent ans après le congrès de Tours. Il faut se rappeler ici que Léon Blum jouait un rôle très secondaire chez les socialistes avant le congrès de Tours. En devenant l’opposant le plus acharné de l’Internationale Communiste, il est apparu au premier plan. Ses propos tenus au congrès, consistant en une défense des traditions socialistes – absence de centralisation, droit de tendance, direction reflétant les tendances – forment littéralement le catéchisme socialiste.
La Gauche républicaine et socialiste (GRS) a publié un article assez dense intitulé 100 ans de Parti Communiste Français. La GRS est notamment composée des ex-socialistes faisant le choix de s’orienter par rapport à La France insoumise. L’article résume le congrès de Tours en prenant partie pour Léon Blum, tout en réfutant une position anti-PCF, dans l’esprit du programme commun et de François Mitterrand. Il est appelé à une fusion des communistes avec la Gauche républicaine au nom de la disparition du « soviétisme ».
Le Monde Diplomatique a publié un article sur « l’essor et déclin du communisme français ». Cette revue exprime le point de vue de l’altermondialisme et l’article explique que le communisme a surtout été un mouvement populaire, qu’il a encore de nombreux restes, notamment au niveau des municipalités. C’est donc une force à prendre en compte.
L’auteur de l’article du Monde Diplomatique est interviewé à ce sujet par Solidaire, l’organe du Parti du Travail de Belgique. C’est un sociologue, publiant un ouvrage sur le centenaire du PCF ; son regard se veut neutre et objectif afin de présenter des faits. On n’y cherchera donc pas un point de vue relevant du mouvement ouvrier.
Militant, un réseau actif dans La France insoumise, a mis en ligne un mémoire de maîtrise donnant la version trotskiste de la naissance des pro-IIIe Internationale dans les rangs socialistes. Cela exprime la nostalgie sur le fait que les syndicalistes et les trotskistes ne soient pas arrivés à prendre le contrôle du jeune Parti Communiste.
=> le mémoire de maîtrise portant sur « Le Comité de la 3ème Internationale et les débuts du PC français (1919-1936) »
Le rassemblement communiste, avec différents groupes dont la coordination communiste 59/62 issue du PCF des années 1990, a publié une vidéo avec des interventions cherchant à tracer un bilan du PCF à l’occasion du centenaire du congrès de Tours. C’est la combativité sociale qui est soulignée, avec sincérité mais de manière artisanale (les gens s’allongeant sur un canapé à l’arrière-plan, tout de même!).
Le Pôle de Renaissance Communiste en France a publié un court texte, accompagné d’une vidéo, appelant à la reconstitution du Parti Communiste en France. C’est là quelque chose de nouveau, car normalement le PRCF a comme position concernant le PCF d’être un pied dedans un pied dehors. On a là une affirmation très forte, qui se voit associée une proposition d’une candidature à la présidentielle de 2022. Le PRCF entend se présenter comme le parti (patriotique) du combat de classe et considère que le moment est arrivé pour se poser comme la véritable rupture avec le réformisme, le révisionnisme, le gauchisme, etc.
Le PCF (marxiste-léniniste-maoïste) publie une série d’articles sur la nature du Parti Communiste, ainsi que les dossiers sur le congrès de Tours. On retrouve à l’arrière-plan la conception selon laquelle les communistes français n’ont pas été à la hauteur sur le plan idéologique et culturel. Il ne s’agit pas simplement de lutter ou de refuser le réformisme, tout est une question de vision du monde, qui doit être matérialiste dialectique, matérialiste historique (avec donc Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong).
Le Parti Communiste Révolutionnaire de France a publié un court article saluant la fondation du Parti Communiste en 1920, faisant référence à des extraits d’interventions au congrès de Tours en faveur de la transformation du Parti socialiste.
=> le court article avec le pdf contenant les extraits
Les Jeunesses Communistes du Bas-Rhin, des Bouches-du-Rhône et de Lyon ont réalisé une déclaration commune, appelant à s’opposer au reniement, voyant en la période 1989/1991 un mauvais tournant.
Le texte « un sacré bout de chemin » trace le bilan du PCF pour son cinquantenaire en 1970 et annonce les perspectives à espérer alors.
Le PCF a publié en 1970 une petite brochure à l’occasion de son cinquantenaire. Intitulée « un sacré bout de chemin… », elle contient un petit historique se concluant par un texte présentant le PCF en 1970, avec ses perspectives. Voici cette partie, qu’il est intéressant de voir depuis décembre 2020, cinquante ans après. Surtout que ce texte de conclusion s’intitule « le but si proche ».
La brochure a été publié comme supplément aux « Cahiers du communisme » de novembre 1970 et sa rédaction par le comité central a eu comme principal acteur Rober Lechêne. Né en 1927, celui-ci a rejoint le PCF en 1946, devenant un des principaux cadres de sa presse. Il fut notamment le rédacteur de la revue Nous les Garçons et les Filles, une sorte de tentative populiste de se tourner vers la jeunesse en gommant toute identité à la jeunesse communiste.
Le 25 décembre 1920 s’ouvrait le congrès de Tours, où la majorité des socialistes donna naissance à la section française de l’Internationale communiste.
C’est du 25 au 30 décembre 1920 que les socialistes tinrent leur congrès – le 18e – où ils décidèrent en majorité d’adhérer à l’Internationale Communiste. Le Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) devint ainsi la Section Française de l’Internationale Communiste, la SFIC. La minorité, avec notamment Léon Blum, reprit le nom de Parti socialiste Section Française de l’Internationale Ouvrière (surtout connu sous le nom de SFIO).
C’est un moment très important de l’histoire de la Gauche française, qui va alors littéralement se fracturer et ce même au niveau syndical. Avant le congrès de Tours, la Gauche française opposait les socialistes au camp des anarchistes et des syndicalistes révolutionnaires. Après le congrès de Tours, ce ne fut plus du tout la même chose ; on avait alors les communistes d’un côté, les socialistes de l’autre, avec les socialistes se tournant vers les radicaux, c’est-à-dire vers le centre.
Le centenaire de la naissance du PCF n’a pas provoqué beaucoup de productions, mais il y a des choses notables :
– le PCF a mis en place un compte facebook abordant le centenaire, avec quelques contenus, alors que des portraits artistiques de résistants ont été affichés à son siège place du Colonel Fabien à Paris et qu’une série de publications a été réalisée (le livre Cent ans de Parti communiste français, le numéro double “Cent ans d’histoire” et le numéro “Communisme” de la revue Cause commune, les catalogues d’exposition 100 ans d’histoire de France et du PCF sur les murs et Libres comme l’art) ;
– on mentionnera Fêter le centième anniversaire d’un parti, une interview de Guillaume Roubaud-Quashie, le directeur de la revue Cause commune, qui a organisé la célébration du centenaire pour le PCF ;
On notera qu’à part ces initiatives, on ne trouve rien, ce qui est pour le moins marquant. Même le réseau Action Novation Révolution, un courant du PCF tenant d’un retour à la ligne de Georges Marchais (et de l’économiste Paul Boccara), n’aborde pas le centenaire, pas plus d’ailleurs que la Coordination Communiste ou bien le Parti révolutionnaire Communistes, pourtant issu du PCF. Du côté trotskiste personne ne le fait non plus, ce qui est par contre logique, même si la Riposte se poste historiquement comme courant du PCF.
C’est que la question du centenaire révèle évidemment la question des traditions et du rapport à la notion de « Parti ».
Renaud Muselier, président Les Républicains des régions de France, a annoncé le 19 octobre 2020 que les présidents des régions de France prenaient « l’initiative de préparer la publication d’un ouvrage rassemblant les caricatures religieuses et politiques les plus marquantes parues dans la presse régionale aux côtés de celles parues dans la presse nationale », et cela afin de « témoigner de nos engagements à défendre les valeurs de la République et le droit fondamental de chacun et chacune de nos concitoyens à vivre en paix et dans la liberté ».
Cette initiative montre à quel point la bourgeoisie vit coupée des réalités quotidiennes et des besoins de l’époque.
La crise actuelle n’est perçue qu’à l’aune d’une liberté d’expression qu’il serait bon de réaffirmer. Les Républicains bon-teint ne raisonnent qu’à partir du passé et semblent ajouter encore plus de confusion au chaos ambiant. Avant toute chose, que représente la caricature ?
La caricature est un moyen polémique pour dénoncer un fait, une personne, une idéologie, en déformant la réalité, en choisissant l’outrance. C’est un artifice visant à condamner fortement la position de l’autre. On est dans le registre de l’affrontement, de la dérision.
C’est un procédé littéraire typique de l’esprit français ; à savoir la dénonciation politique teintée de sarcasme, d’ironie, voire d’un peu de vulgarité, et qui ne s’encombre pas trop de raisonnement. Le modèle historique par excellence auquel pensent les défenseurs à tout crin de la caricature est évidemment Voltaire, la figure de la critique des superstitions et de l’obscurantisme.
Cependant réduire le combat des Lumières contre l’obscurantisme à la seule ironie voltairienne, c’est refuser de voir l’immense œuvre collective de l’Encyclopédie portée notamment par Diderot et d’Alembert. Le combat des Lumières a surtout été le fait d’un effort collectif, d’une réflexion approfondie, d’un apport philosophique et intellectuel en vue d’émanciper leurs contemporains. Mais la droite préfère valoriser Voltaire, l’intellectuel isolé, figure de « l’insolence française ».
Par populisme, de nombreuses figures politiques tentent donc de faire croire que la caricature serait l’alpha et l’oméga de l’esprit philosophique et de la critique. Une telle attitude est un mensonge face à l’Histoire, et nous dirige tout droit vers le chaos. La période est à la confusion, à l’émotion médiatique et à l’hystérie sur les réseaux sociaux.
Le combat de la Gauche c’est d’affirmer des valeurs, des repères idéologiques et culturels. La critique des religions est nécessaire, et elle doit se faire par la connaissance, par l’instruction, par la réflexion intellectuelle et historique sur ce que représente réellement la religion. C’est une question démocratique et elle doit être traitée comme telle, sans céder un pouce de terrain aux extrémistes ; elle ne peut se résumer à des attaques outrancières, et à des postures démagogiques.
La maire de Nantes Johanna Roland a annoncé que le drapeau « Gwen ha du » serait hissé au fronton de l’hôtel de ville de Nantes début décembre 2020. C’est une véritable agression contre la Gauche, car il s’agit là d’un drapeau inventé par des fascistes dans les années 1920.
L’annonce a été faite dans le cadre d’un rassemblement identitaire visant à intégrer le département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne, rassemblement auquel la maire de Nantes a elle-même participé. D’ailleurs, Johanna Roland a maintenant un adjoint aux enjeux bretons, qui est lui-même un fervent activiste identitaire breton faisant dans le lyrisme pour défendre sa cause :
« Le drapeau, ce n’est pas juste un bout de tissu. Ça touche à l’intime, ça résonne fort chez beaucoup de Nantais. »
Tout ce petit monde s’active depuis quelque temps déjà pour rebaptiser officiellement les rues du centre-ville nantais avec de nouvelles plaques « bilingues », en français et en « breton ». Il y a ici des guillemets, car cette langue n’a en vérité « rien à voir avec le breton parlé par les migrants venus de Basse-Bretagne travailler aux chantiers navals ou s’embaucher comme dockers sur les quais du port », comme l’a justement fait remarqué un Nantais dans une lettre à la maire (publiée par Françoise Morvan sur son blog).
De surcroît, le breton n’a jamais été la langue à Nantes, ville située dans une région où la langue populaire des campagnes était un dialecte du français, le gallo, avant la généralisation du français moderne (généralisation qui a forcément eu lieu très tôt dans une ville aussi importante que Nantes, intégrée au Royaume de France en 1532).
N’importe qui s’intéressant réellement à la culture populaire, et à la culture en général, le sait. Comme il est bien connu que le « Gwen ha du » a été inventé par en 1923 par le militant fasciste Maurice Marchal, plus connu sous le nom de Morvan Marchal, et que c’était l’étendard d’une petite bande d’antisémites ayant activement collaboré avec les nazis pendant l’Occupation.
Pendant longtemps, cela était très connu à Gauche en Bretagne, y compris à Nantes, et jamais la Gauche n’aurait laissé flotter un tel drapeau de « collabos » sur un Hôtel de ville, encore moins si c’est une prétendue « socialiste » qui le fait hisser. Cela est d’autant plus insupportable que Johanna Roland prétend faire cela au nom de la culture populaire (elle a indiqué que le drapeau sera installé « en lien avec des événements célébrant la culture populaire bretonne à Nantes »).
En vérité, la maire de Nantes ne fait que coller à l’agenda des identitaires-régionalistes « bretons », comme le font les socialistes à la tête de la Région Bretagne depuis des années, sous la houlette de Jean-Yves Le Drian. Leur perspective est de décomposer l’État central français et il existe toute une bourgeoisie dans la région Bretagne qui a pour plan de s’arroger la Loire-Atlantique, afin de créer une grande région économique dans le cadre européen.
Cela n’a rien de populaire et ne correspond à aucun intérêt populaire !
Traditionnellement en Loire-Atlantique, le Parti socialiste est plutôt hostile à cet identitarisme-régionaliste et en décembre 2018, Philippe Grovalet le président socialiste du Conseil départemental, à majorité socialiste, avait logiquement balayé la tentative de référendum local pour le « rattachement » à la région Bretagne.
Toutefois, le Parti socialiste est surtout une machine électorale et ne brille que rarement par ses prises de positions idéologiques fermes, que ce soit pour défendre la culture populaire ou l’Histoire. Si tel était le cas, la fédération ligérienne du Parti socialiste s’empresserait de menacer d’exclusion Johanna Roland si elle en venait à hisser un drapeau identitaire issue du fascisme sur sa mairie.
C’est en tous cas ce que ferait un véritable parti de gauche, relavant de la Gauche historique, du mouvement ouvrier.
Au XVIIIe siècle, il y avait encore des dizaines de milliers de loups en France. Mais avec le triomphe général de la bourgeoisie à la fin du XIXe siècle, l’extermination de cet animal fut décrétée.
L’obsession de la traque du loup remonte à loin. Au IXe siècle, entre 800 et 813, Charlemagne fondait déjà l’institution chargée de les chasser : les lieutenants de louveterie. Toutefois, c’est à l’époque du capitalisme triomphant que l’espèce a été exterminée.
Évalués en France à encore plusieurs milliers d’individus à la fin du XIXe siècle, objet de fantasme d’horreur autant que responsables de dégâts sur les cultures agricoles, le loup devait passer sous le rouleau compresseur de l’administration bourgeoise.
L’histoire de la IIIe République (1870-1940), c’est l’histoire de l’alliance entre la bourgeoisie libérale des villes et des paysans propriétaires des campagnes contre le mouvement ouvrier et le socialisme et c’est dans ce cadre politique qu’il faut comprendre l’extermination complète des loups.
En 1875, le journal L’Avenir Républicain, dont le nom trahit son orientation politique, fustigeait la SPA fondée en 1845 dont une partie de « philosophes profonds et mystiques » :
« ils veulent conserver tous les carnassiers : ours, loups, renards, fouines, éperviers, d’abord parce que ce sont des créatures de Dieu ! et ensuite par ce qu’ils détruisent les rats, les souris, les taupes. Ils veulent conserver les taupes parce qu’elles détruisent les insectes ; ils veulent conserver les insectes parce qu’ils se détruisent entre eux; mais ils veulent que cette destruction se borne à quelques individus qui se trouvent de trop, et que la race soit maintenue. »
La SPA avait en effet ici une approche relevant de la croyance religieuse, quoi qu’elle anticipait, sans le savoir, la compréhension scientifique de Planète comme Biosphère, où chaque espèce est inter-dépendante formant une dynamique générale.
Il faudrait également mentionner le pasteur lyonnais Georges Blot qui en 1907 rappelait dans un « plaidoyer pour les loups » leur filiation avec le chien, décrivant les choses avec une grande sensibilité :
« Mais le loup, que lui avons-nous fait ? De quelle infamie humaine a-t-il été victime ou témoin pour qu’il ne veuille plus, lui, nous tendre la patte ? (…)
L’homme a choisi, voilà tout. Oui, l’homme a choisi ; mais comment ? Là est la question ! Sans doute comme font les forts, en renvoyant d’un coup de pied ou d’un coup de pierre, le méprisé. Alors, dans son cœur de bête déjà ulcéré, peut-être par ce que son frère (le chien) était plus beau que lui, mieux tacheté, mieux fourré, plus gracieux ou plus habile à plaire, le loup sentit la jalousie, la haine devenir implacables ! »
Les défenseurs du loup étaient toutefois bien trop dénigrés pour être soutenus, d’autant plus que les argumentations mystiques les isolaient à la fois de la classe ouvrière, profondément anti-cléricale, que de la bourgeoisie républicaine.
Ainsi, le 12 juin 1880, Pierre Tirard, ministre de l’agriculture, déposait un projet de loi sur « la destruction des loups » dans laquelle il était proposé de relever les primes pour la chasse de l’espèce sauvage.
Les primes instaurées sous le Directoire (1795-1799) étaient devenues trop faibles pour espérer une extermination rapide. Le projet de loi relevait donc les primes à 200 francs s’il est prouvé que le loup a tenté d’agresser un humain, à 100 francs par loup ou louve « non pleine », à 150 francs par louve pleine et à 40 francs par tête de louveteau.
L’idée était également de contourner les lieutenants de louveterie, marqués par la culture monarchiste et plus tournés vers la traque « loisir » que vers l’élimination minutieuse et totale de l’espèce. En plus, cela ne pouvait que renforcer le soutien des petits paysans à la bourgeoisie républicaine.
Le 30 août 1880, le journal régional La Mayenne saluait la mesure et forçait même le trait en liant protection des agriculteurs et défense patriotique :
« Les loups qu’il s’agit en effet de détruire sont, pour la plupart, des envahisseurs qui ont passé la frontière en 1870, à la suite des armées allemandes.
Voilà de quoi, nous l’espérons, donner du cœur au ventre aux tueurs de loups. La Société d’agriculture l’a dit, c’est une question d’humanité. Nous ajoutons, nous : c’est une question patriotique. Donc guerre aux loups, sus aux loups ! »
C’est dire comment la destruction du loup à cette époque était liée à la culture militariste et à l’esprit revanchard nationaliste anti-allemand. Le 3 août 1882, la loi sur la destruction du loup était adoptée.
Et cela va fonctionner à plein régime, avec des pratiques d’une très grande cruauté. Des louves étaient surveillées afin de tuer les louveteaux dès leur naissance, que cela soit par étouffement ou par empoisonnement à la strychnine. En août 1913, le « Journal des débats politiques et littéraires » annonçait que 2 344 loups avaient été tués pour la seule année de 1882, et près de 8 000 entre 1883 et 1894.
La population de loups en France a ainsi été exterminée en l’espace d’une décennie, et cela du fait même de l’engouement général des populations des campagnes pour l’anéantissement du-dit « nuisible ».
Cela si bien qu’en janvier 1940, « le petit Journal » pouvait affirmer que l’éradication du loup n’avait pas été le fait des chasseurs professionnels, les « lieutenants de louveterie », mais par ce qu’il appelle de manière générale la « grande gargamelle » :
« Il faut reconnaître que les loups ont aujourd’hui disparu de nos campagnes, on le doit bien plutôt à l’action de la Grande Gargamelle et de ses émules qu’à celle des veneurs qui chassaient à cor et à cri. Le système de la prime est le plus efficace. (…)
La race dès loups est à peu près éteinte chez nous. Sans la tradition administrative qui maintient toujours là fonction de lieutenant de louveterie — laquelle, d’ailleurs, ne coûte rien au Trésor — qui songerait seulement qu’il y a eu naguère, dans nos campagnes, tant de bêtes malfaisantes qui dévoraient les moutons, et même, à l’occasion, les femmes et les petits enfants ? »
La « Grande Gargamelle » faisait référence au personnage éponyme du roman « Gargantua » écrit en 1534 par le grand classique de l’époque de l’Humanisme français, François Rabelais. « Gargamelle » était l’épouse de « Grandgousier » avec qui elle enfanta « Gargantua ». Ces personnages représentaient une famille de seigneurs mangeant salement et ne respectant aucune bien-séance à table.
Si dans l’esprit de François Rabelais, c’était une manière de critiquer de manière habile et humoristique le manque de raffinement de la classe dominante (seigneurs) de son époque, cela désigna ensuite de manière péjorative les personnes rustres des campagnes.
Ainsi, cette tranche d’histoire doit-elle se comprendre en lien avec le retour actuel du loup. Vraisemblablement venu d’Italie, sa présence a été remarquée dans les Alpes en 1992, avant leur expansion à partir du milieu des années 2000. On compterait aujourd’hui environ 500 loups, avec une forte présence dans le massif des Alpes.
N’est-il pas heureux et bienvenue que cet animal sauvage, liquidé de manière infâme, soit de retour ? N’est-ce pas le signe de la persévérance de la vie sauvage à se maintenir malgré une traque organisée ? Et surtout, cela n’est-il pas une invitation à ne pas répéter les erreurs du passé ?
L’incendie survenu au cœur de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes ce samedi 17 juillet a ému le pays, ravivant la plaie encore béante de l’incendie de Notre-Dame-de-Paris il y a un peu plus d’un an. Cette fois, c’est surtout un orgue datant de 1620 qui a été ravagé par les flammes d’un incendie qui est très probablement d’origine criminelle.
Une personne se serait introduite dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes ce samedi 17 juillet en début de matinée, pour y lancer méticuleusement trois feux et créer un incendie. C’est l’hypothèse privilégiée par le procureur de la République de Nantes, qui a ouvert une enquête pour incendie volontaire. Trois foyers ont été retrouvés : « un au niveau du grand orgue, un à droite et un autre à gauche de la nef ».
Ce sont des passants qui ont alerté les pompiers en constatant les flammes à 7h45, le feu n’ayant finalement été circonscrit qu’à 10 heures. Il y a des dégâts, mais c’est surtout le grand orgue qui a été ravagé ainsi que la plateforme sur lequel il se situe.
L’instrument était d’une grande valeur et sa perte est qualifiée d’inestimable par l’administrateur diocésain en charge de la cathédrale. Sa construction avait d’abord été l’œuvre du facteur d’orgue Jacques Girardet en 1620. Il sera ensuite augmenté à deux reprises, notamment par François-Henri Clicquot dans les années 1780.
Ce dernier était facteur d’orgues du roi Louis XVI, tandis que son grand-père l’avait été pour Louis XIV, son oncle puis son père pour Louis XV. François-Henri Clicquot porta l’orgue nantais à 49 jeux sur 6 claviers, ce qui en faisant une pièce très importante.
Quatre ans après la fin des travaux de restauration, ce fut la Révolution française et l’orgue faillit être détruit, de par son rôle clef dans les offices religieux. Le site d’une association dédiée à l’ancien titulaire de cet orgue Félix Moreau (de 1954 à 2012) explique ainsi :
« Le Comité Révolutionnaire avait en effet décidé sa destruction. Mais l’habileté de l’organiste Denis JOUBERT le sauva. Il sut convaincre les autorités que l’orgue pouvait encore être utile et ajouter à l’éclat des fêtes révolutionnaires qui se déroulaient à la Cathédrale transformée en « temple décadaire ».
Voici que sous le Directoire, encore en période révolutionnaire, une circulaire, datée du « 25 prairial, an 7 de la République » (13 juin 1799), émanant du Ministre de l’Intérieur, réclamait « la conservation et l’emploi des buffets d’orgues » (sic). « Accoutumé au son de cet instrument, le Peuple s’en voyait privé avec peine : c’était d’ailleurs un moyen d’intérêt ôté aux fêtes républicaines ».
JOUBERT avait vu juste ! »
En effet, la présence de cet instrument dans les églises et les cathédrales de France est un élément majeur du patrimoine national, en raison de la grande puissance culturelle qu’a eu le catholicisme dans le pays, et qu’il a toujours largement. Aujourd’hui encore, le son de l’orgue est connue de tous et évoque forcément beaucoup d’émotion chez les gens de culture, c’est-à-dire finalement chez presque tout le monde.
Voici l’extrait d’un concert datant de 2006, illustré par des images de la cathédrale et de l’instrument :
Le grand orgue de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes avait survécu à une explosion détruisant les vitraux et les chapelles de la nef collatérale sud au début du 19e siècle. Bien qu’affecté, il avait aussi survécu aux bombardements de septembre 1943 et juin 1944 touchant l’édifice. Enfin, lors du grand incendie de la cathédrale nantaise en janvier 1972, alors qu’il venait d’être restauré, l’instument avait été sauvé in extremis comme le raconte le site internet du lieu :
« Seuls le courage et l’abnégation des compagnons de la « Manufacture Beuchet-Debierre », rappelés de nuit, Joseph Beuchet fils à leur tête, et de l’abbé Félix Moreau, lui aussi présent, agissant en concertation avec les pompiers, permirent de sauver le grand orgue ».
En 2020, l’instrument n’a cette fois pas survécu, pas plus que la tribune accessible par 66 marches sur laquelle il fallait monter pour y accéder. Penser que quelqu’un puisse être capable d’un tel crime contre l’Histoire et le patrimoine historique fait froid dans le dos, car il faut être un véritable monstre pour en arriver là. Malheureusement, on sait très bien que de notre société produit de tels monstres et qu’un tel crime n’a rien d’inimaginable.
Face à une telle décadence, face à une telle agression, c’est à la Gauche de porter hautement et fièrement le flambeau de la civilisation, en faisant vivre le patrimoine, en l’entretenant, en le défendant hardiment. La bourgeoisie pour sa part est de plus en plus incapable de le faire, après l’incendie nantais de 1972, après l’incendie de Notre-Dame-de-Paris en 2019, et alors que la grande majorité des cathédrales de France ne sont pas en bon état. Selon un rapport parlementaire récent, sur les 87 cathédrales d’État, « seules 22 peuvent être considérées comme étant en bon état, 47 dans un état moyen, et 15 en mauvais état ».
Une telle situation est inacceptable, indéfendable. Rien que cela justifie le fait qu’il faille de grands changements sociaux, un grand bouleversement politique et culturel dans ce pays à la dérive.
Le Populaire était le journal quotidien de la SFIO, l’ancêtre du Parti socialiste. On y trouve le 28 avril 1931 un article tout à fait représentatif d’une arriération culturelle pétrie de libéralisme, ici sur la question animale. C’est une petite chronique, qui est signée Jarjaille, en réalité Sixte Quenin (1870-1957).
Ayant défendu la corrida en Espagne (ainsi qu’en France) dans une chronique quatre jours auparavant, lui-même venant d’Arles, Jarjaille répond quelques jours après à une lettre ayant critiqué son positionnement. Ce faisant, il en arrive même à défendre la chasse à courre et l’aristocratie la pratiquant. Après tout, chacun peut faire ce qu’il veut selon lui et le socialisme n’aurait qu’une dimension économique.
C’est une position tout à fait caractéristique de l’incompréhension française du fait que le socialisme concerne tous les aspects de la vie. Le socialisme serait, selon cette conception erronée, simplement une meilleure répartition, mais pas une vision du monde. C’est la porte ouverte aux mœurs réactionnaires, au cynisme, à une défense des valeurs capitalistes assassines.
Tout ce que raconte Jarjaille est faux, depuis sa mise en valeur de la boxe par KO jusqu’à celle de la corrida, et son soutien au libéralisme.
La première chronique, du 24 avril 1931 :
« Pas de bêtises !
On imagine volontiers que les républicains et les socialistes d’Espagne savent ce qu’ils ont à faire et que les multiples conseils qui leur sont donnés généreusement, par des gens qui jugent les choses de loin et de haut, ne sont pas pour les influencer.
C’est pourquoi on a le droit de penser que l’invitation, que leur adresse M. Ernest Judet, de supprimer les courses de taureaux, laissera indifférents les hommes qui ont là-bas de lourdes responsabilités et qui ne vont pas s’amuser à compliquer inutilement la difficile tâche qu’ils ont à accomplir.
M. Judet – et s’est son droit – n’aime pas les corridas. Peut-être choisit-il mal son moment pour prétendre que ce spectacle écarte l’Espagne « de notre civilisation humaine ». L’attitude admirable du peuple espagnol au cours de ces derniers jours, semble plutôt prouver le contraire, ou tout au moins que les spectacles n’ont pas autant d’influence sur les spectateurs que le prétendent leurs dénigreurs ou leurs thuriféraires.
Sans quoi les Espagnols pourraient répondre à l’invite de M. Judet, qu’avant de faire la leçon aux autres, il conviendrait d’abord de se la faire à soi-même.
La vue d’un taureau piqué, ou d’un cheval encorné, émeut M. Judet. Nous comprenons cette sensibilité et nous conseillerions à M. Judet, s’il va en Espagne de ne pas assister à,une corrida. Il lui serait bien facile d’imiter les nombreux habitants de nos régions du Nord, qui craignent la vue du sang, et qui ne vont jamais voir ces combats de coqs, vers lesquels par contre se précipitent des milliers d’amateurs, qui trouveraient étrange qu’un journaliste espagnol les tienne, de ce fait, à l’écart de la civilisation humaine.
De même, il y a beaucoup de gens, à Paris, que dégoûte profondément la vue de deux athlètes demi-nus, se bourrant la figure de coups de poings Ces gens restent chez eux, cependant que des milliers d’autres payent très cher pour voir des émules de Dempsey et de Carpentier, la figure sanguinolente, s’allonger sur le tapis.
Personne, j’imagine, ne prétend que la boxe, voir le rugby, sont des spectacles propres à développer la douceur, la politesse et la passion du grec et du latin. Lorsque les travaillistes sont arrivés au pouvoir en Angleterre, ils auraient pourtant trouvé bizarre qu’un journaliste français leur dise que la première chose qu’ils avaient à faire c’était d’interdire toutes ces brutalités.
Enfin les républicains espagnols pourraient penser qu’avant que, de France, on leur demande de supprimer leur spectacle national, celui-ci devrait d’abord être interdit en France. Or, voici quarante ans qu’on redonne à Nîmes, Arles Bordeaux, Bèziers, Dàx, Perpignan et bien d’autres villes, ces corridas qui, en Espagne, indignent.
M. Judet ne le savait pas? Il ne demande qu’à voir fermer les arènes françaises? On ne lui conseille pas d’aller le dire dans le Midi !
JARJAILLE [Sixte Quenin] »
La seconde chronique, du 28 avril 1931 :
« Aujourd’hui les affaires sérieuses
Un lecteur a bien voulu me faire connaître que mon dernier papier sur les courses de taureaux n’avait pas eu l’heur [sic] de lui plaire. Et tandis que M. Judet estime que ce spectacle écarte l’Espagne de notre civilisation humaine, mon correspondant soutient qu’on ne peut pas être socialiste si l’on n’a pas pitié des animaux.
On m’a appris, il y a longtemps, que le socialisme avait pitié des êtres humains et parmi eux surtout des plus faibles : la femme, l’enfant. Mais si, pour être socialiste, il faut aussi me préoccuper des toutous à leur mémère et compatir aux souffrances du ver de terre que j’enfile sur mon hameçon, je suis, évidemment, indigne de préconiser la socialisation du sol et des moyens de production.
Mais je pense qu’il faudrait nous garder de mêler le socialisme et la civilisation à des histoires où ils n’ont rien à voir. Le socialisme est une chose, l’opinion que l’on peut se faire sur les relations de l’homme et des animaux en est une autre. Il peut y avoir d’excellents socialistes à la Société Protectrice des Animaux, on y compte aussi de parfaits réactionnaires. Et parmi les aficionados, les amateurs de combats de coqs, ou les pêcheurs à la ligne, qui trouvent leur plaisir au martyre d’animaux, gros ou petits, les opinions politiques sont bien mêlées.
Mais ce qu’il faudrait surtout c’est avoir vraiment le sens de la liberté. Que. M. Judet écrive des articles, voire des livres, pour convaincre ses contemporains que la corrida est un spectacle abominable, rien de mieux. Mais ne pourrait-on se garder de cette manie de vouloir imposer ses goûts, comme ses opinions, à son voisin? Tel spectacle ne vous plaît pas, très bien, n’y allez pas, mais s’il plaît à d’autres, pourquoi l’interdire?
J’avoue que l’étripement d’un cerf ne doit pas être quelque chose de bien ragoûtant. Pourtant, tant qu’une duchesse pourra disposer du terrain nécessaire, je ne vois pas pourquoi on empêcherait par la force, Mme d’Uzès de faire bénir par un évêque, les meutes qui vont pourchasser un malheureux animal.
Les catholiques, certes, pourraient faire observer que l’eau bénite n’a pas été inventée pour les chiens, ils ne le font même pas.
Alors qu’on laisse les républicains et les socialistes espagnols s’attaquer à des problèmes qui ont une autre importance sociale que les courses de taureaux.
En taguant « négrophobie d’État » sur le socle de la statue de Jean-Baptiste Colbert devant l’Assemblée nationale et en la maculant de peinture rouge, la « Brigade antinégrophobie » sert de provocateur fasciste afin de détourner l’attention de la crise, alors que d’intenses luttes de classe se profilent.
Le capitalisme américain se casse la figure et on en a un reflet déformé, malsain, en France. Loin de représenter une africanité passée, les « anti-négrophobie » sont à la pointe de la modernité ethno-différentialiste, avec d’ailleurs une prétendue ethnie « noire » aussi absurde que le concept de « blanc ».
Les « anti-négrophobie » argument que Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, est à l’initiative de l’édit de mars 1685 pour la police des îles françaises d’Amérique, surnommé vulgairement le « code noir », qui précise le statut des esclaves dans les colonies françaises. Cependant, résumer Colbert à cela n’a strictement aucun sens, et d’ailleurs le colonialisme est propre à une époque, pas à une personne.
Il suffit de lire le début de l’édit :
« LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À tous, présents et à venir, SALUT. Comme nous devons également nos soins à tous les Peuples que la Divine Providence a mis sous notre obéissance, Nous avons bien voulu faire examiner en notre présence les mémoires qui nous ont été envoyés par nos Officiers de nos Îles de l’Amérique […] pour y maintenir la discipline de l’Église catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l’état et la qualité des esclaves dans nos dites îles […] ».
On a un roi nommé par Dieu, qui possède des territoires et à qui tout le monde doit la soumission : c’est la monarchie absolue. Mais les « anti-négrophobie » ne sont pas là pour saisir cette question historique, ils sont là pour mettre de l’huile pour le feu.
Le comité « justice pour Adama » et la mouvance des « Indigènes de la République » en général, ont cherché avec un certain succès à surfer sur l’affaire George Floyd aux États-Unis. Maintenant que tout cela se tasse grosso modo, ils viennent en rajouter dans le chantage émotionnel.
Leur but est subjectivement de dénoncer la « négrophobie », terme ne voulant rien dire dans un pays comme la France dont la capitale est Paris. Objectivement, il s’agit de provocateurs fascistes cherchant à détourner l’attention des conditions concrètes de l’économie et du grand conflit entre les classes qui se profilent.
La « Brigade antinégrophobie » converge avec les voix qui veulent un retour à la normale, qui veulent qu’on oublie que le Covid-19 est encore là, qu’il procède d’une crise écologiste, que l’économie capitaliste va connaître une crise sans précédent.
Le but est de parler de la « lutte des races » et non de la lutte des classes, de diviser les travailleurs en faisant de questions secondaires une question principale, une obsession. Cette manière de faire jouer la couleur de peau alors qu’il faut l’unité populaire face aux restructurations capitalistes à venir rend évident le rôle politique de cette affaire. On est en train de perdre un temps fou avec ces histoires, au lieu de préparer un affrontement d’une grande brutalité qui commence à s’installer.
Il ne s’agit pas tant de considérer que la « Brigade antinégrophobie » intéresse les gens. Cependant, elle attire l’attention, elle la détourne, elle parvient relativement à faire oublier la réelle actualité, alors que déjà le Medef dit que l’économie repart. On va en réalité dans le mur et il va falloir payer la casse. Soit ce sont les bourgeois qui payent, soit ce sont les couches populaires.
La « Brigade antinégrophobie » est, avec un tel arrière-plan, clairement une partie du problème, pas une partie de la solution. C’est un outil du capitalisme pour prétendre tout changer en ne changeant rien. C’est « Babylone » cherchant à maintenir le mode de vie destructeur, c’est l’auto-défense d’un système à l’agonie.
Le capitalisme a besoin d’empêcher les luttes de classe et pour cela, il faut empêcher toute analyse rationnelle de l’Histoire. C’est donc liquidation sur liquidation : tout comme il n’y a plus l’étude des mouvements littéraires en français au lycée, on supprime les références historiques.
À Thionville, il y a l’impasse Colbert et dans cette impasse, le Lycée polyvalent Colbert. Juste à côté, il y avait le Lycée Sophie Germain, qui a fusionné avec l’autre en 2019. Sophie Germain (1776-1831) est une figure des mathématiques, Colbert c’est une figure de l’époque de Louis XIV, dont il fut contrôleur général des finances (1665-1683), secrétaire d’État de la Maison du roi et secrétaire d’État de la Marine (1669-1683).
Tout cela est français et historique, cela reflète un parcours dans un pays. Ce sont des figures importantes, reflétant tout un mouvement de progrès, de civilisation. Hors de question d’accepter cela pour le capitalisme. Par conséquent, le Lycée Colbert devient le Lycée Rosa Parks, du nom de cette activiste américaine dénonçant la ségrégation, dans les années 1950, aux côtés de Martin Luther King.
Ce qui est frappant ici, c’est que le capitalisme moderne est anti-historique, alors que le capitalisme soulignait auparavant ses grandes figures. Tant Colbert que Sophie Germain ont été l’expression d’un élan capitaliste, d’un éloignement du féodalisme. Le capitalisme, à l’époque, insistait sur la question de la civilisation.
Aujourd’hui, cela a disparu. Rosa Parks devient une figure cosmopolite : Américaine, luttant dans un contexte bien précis, elle voit sa figure colonisée par un capitalisme anonymisant le monde. Même Barbie a fait une poupée à son effigie ! Il y a une petite chaîne française de restauration de hamburgers qui s’appelle Rosaparks !
On a une rue, une avenue ou une place Rosa Parks à Lyon, Caen, Nantes, Rennes, Aubervilliers, Saint-Denis, Saint-Ouen, Vitry-sur-Seine, La Courneuve, Fleury-Mérogis, Lens… Un Espace Jeunes Rosa Parks à Besançon, un Centre Rosa Parks à Strasbourg, une école élémentaire Rosa Parks à Schiltigheim, une école maternelle Rosa Parks à Rouen, un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale Rosa Parks à Lille, une Unité d’hospitalisation Rosa Parks à Saint-Maurice, un Lycée Rosa Parks à Neuville sur Saône, un collège Rosa Parks à Marseille, etc.
Paris est évidemment le bastion de cette démarche cosmopolite : on a une gare Rosa Parks, un quartier Rosa Parks, une résidence étudiante Rosa Parks, un Centre Social et Culturel Rosa Parks, une résidence hôtelière Rosa Parks, un centre commercial Le Parks, etc.
Cette liste n’est évidemment pas du tout exhaustive et à moins d’être naïf, impossible de ne pas y voir une opération culturelle et intellectuelle. En apparence, elle vise le « vivre-ensemble ». Elle dénonce le racisme. Sauf que nous ne sommes pas aux États-Unis : là-bas, un tel nom a du sens. En France, il n’en a aucun. Il sert simplement à faire tourner à fond la machine positiviste avec une France qui planerait au-dessus du monde afin de lui donner des leçons.
Ce faisant, on amène les gens sur le terrain de l’émotion, on empêche de comprendre les spécificités historiques à la France. Ce n’est pas pour rien que, pour prendre un exemple flagrant, il puisse y avoir un nom comme Rosa Parks pour des lieux et une dénonciation du racisme en France, alors qu’en même temps tout ce qui touche le protestantisme en France est passé aux oubliettes, comme si cela n’avait jamais existé.
Les Français ont été d’un esprit colonialiste et plein de préjugés, mais pas la classe ouvrière et le racisme n’a jamais été un marqueur significatif de l’histoire française. Avec Rosa Parks, on enfonce ainsi des portes ouvertes et c’est le but. C’est une contribution à l’infantilisme, à un cosmopolitisme coincé entre McDonald’s et Coca-Cola, entre Samsung et Apple, etc.
Léon Landini, figure de la Résistance qui fut également gravement torturé par les nazis est le président du PRCF, un groupe à la fois en dehors du PCF et dans le PCF, qui entend maintenir la ligne du parti d’avant son tournant que l’on pourrait qualifier de post-communiste. Le PRCF a comme modèle le PCF des années 1980 et a une influence notable dans toute une partie de la CGT. Léon Landini s’est retrouvé dans une émission sur YouTube confronté à François Ruffin et explique qu’il s’est fait piégé, notamment en raison de la faiblesse due à son âge. Dans une lettre ouverte à François Ruffin, il remet quelques points sur les « i » tout à fait nécessaires.
« Léon Landini
Officier FTP-MOI – Président de l’Amicale des Anciens FTP-MOI des bataillons Carmagnole-Liberté de la Région Rhône-Alpes – Interné de la Résistance – Grand Mutilé de Guerre, suite aux tortures endurées par la Gestapo pendant mon internement.
Officier de la Légion d’Honneur – Médaille de la Résistance.
Décoré au titre de Résistant émérite par le Gouvernement Soviétique.
Président du Pôle de Renaissance Communiste en France (Ce que je considère comme un grand honneur).
Réponse de « Landi à Ruffian »
Il s’agit de la vidéo que tu as présentée sur YouTube le 29 avril 2020
Mon état de santé me joue des tours, c’est ce qui m’a amené à répondre avec quelque retard aux sarcasmes que tu m’as adressés au cours de l’émission, à laquelle Gilles Perret m’avait invité et qui, avec beaucoup d’égards, m’a présenté en indiquant que j’avais assassiné des soldats allemands. On m’a toujours dit que celui qui assassine est un assassin. Merci Gilles.
Au cours de cette émission, tu m’as appelé « Landi » à plusieurs reprises. Je n’ai pas apprécié, car je sais pertinemment que tu connais parfaitement mon nom, en conséquence n’aimant pas que l’on ampute volontairement mon nom, à mon tour je modifie légèrement le tien, au lieu de Ruffin je vais t’appeler Ruffian.
J’ajouterai que de la façon dont tu m’as traité au cours de cette émission, si je me laissais aller, c’est de bien d’autres noms que je te traiterais.
Dès le début de mon intervention, convaincu de bien faire, j’ai indiqué que : « Le programme du Conseil National de la Résistance n’a pas seulement été écrit qu’avec de l’encre, mais également avec le sang de toutes celles et tous ceux qui sont morts pour que nous puissions vivre libre dans un monde où il ferait bon vivre » et j’ai ajouté, « que 52 de mes proches camarades sont morts sous la torture et malgré les effroyables supplices que Barbie et ses sbires leur ont fait endurer, pas un seul n’a avoué quoi que ce soit ».
À ce moment-là, tu m’as interrompu, cherchant à me mettre dans l’embarras et si possible à me ridiculiser en me posant la question suivante :
« Cela veut quand même pas dire que pour avoir de nouveaux jours heureux, il faut se faire torturer, emprisonné et mourir ».
Question idiote et offensante, posée avec la conviction et que tu allais, tenant compte de mon âge, me désarçonner et que surpris par une pareille stupidité j’allais me mettre à bafouiller.
Tu vas te rendre compte que ce vieil homme que tu voulais ridiculiser, malgré son âge, il lui reste encore assez de verve pour répondre comme il se doit, à un petit prétentieux, qui se prend pour quelqu’un avant même d’être quelque chose.
Toutefois à cause du respect que tu devrais avoir à l’égard de celles et ceux qui ont survécu à une telle épopée, tes offenses tu aurais dû te les garder pour toi.
Lorsque Gilles Perret m’a invité à participer à cette émission vidéo, il m’a indiqué qu’il s’agissait d’évoquer le programme du CNR et les Jours Heureux, en conséquence j’ai voulu, en préambule, et surtout en tant qu’ancien résistant, mettre en évidence ce qu’était le CNR et dire, combien ceux qui se sont battus les armes à la main y sont attachés.
Comme tu le dis « on s’est fait torturer, emprisonner et malheureusement trop souvent massacrer ».
Mais pour ton éducation, il me semble utile que tu saches que si nous avons pu supporter l’insupportable et nous sublimer à notre insu, c’est qu’en nous engageant au sein des FTP-MOI et en pratiquant la guérilla urbaine, nous savions tous que nous pouvions à tout moment passer de vie à trépas.
Nous nous battions de toutes nos forces contre l’occupant et contre les sbires qui s’étaient mis à leur service. Notre courage émanait du fait que nous avions la conviction que s’il nous fallait mourir, nous n’allions pas mourir pour rien, et nous risquions notre vie avec la certitude qu’après la Libération, les survivants pourraient vivre heureux dans Une France Forte, Libre, Démocratique, Indépendante, et Souveraine. Ce qui ne peut être le cas en étant prisonnier d’une Union Européenne (dirigée par Berlin) alors que nous savons tous que l’UE est antinomique du programme du CNR.
C’est à partir de tous ces combats et de tous ces sacrifices, que le programme du CNR a pu être écrit, et appliqué entre 1945 et 1947 par des ministres communistes et, seulement par des ministres communistes.
Ce sont pour toutes ces raisons que nous, anciens FTP-MOI et militants communistes, nous en revendiquons la paternité et, dès que de sombres individus cherchent à utiliser le CNR à d’autres fins que pour ce qu’il a été créé, nous montons au créneau et nous rappelons à l’ordre celles et ceux qui cherchent à l’utiliser pour se mettre en évidence, désireux apparaître pour ce qu’ils ne sont pas.
Sarkozy n’utilisait-il pas pour se mettre en valeur le nom de Guy Môquet et voici que Macron cherche à cacher toutes ses malhonnêtetés en promettant à notre peuple « Des Jours Heureux » au moment même où il est en train de détruire les derniers conquis qu’il nous en reste.
En conclusion, je n’accepte pas au final d’avoir été utilisé comme le résistant de service qu’on écoute d’une oreille distraite pour tenter de lui faire cautionner un projet politique dont je n’avais pas été informé avant l’émission et que je ne partage pas : en utilisant le nom du CNR, tout en contournant tout ce qui fit la force du véritable, auquel nous devons les plus grandes avancées de notre histoire. Il ne peut pas y avoir de véritable nouveau CNR en contournant et en écartant les communistes et la classe ouvrière, pas de véritable nouveau CNR sans la nationalisation des banques et des entreprises stratégiques. Et surtout, pas de nouveau CNR sans rupture franche avec l’euro et l’UE.
Après cette brève mise au point, qui j’espère te servira.
Léon LANDINI.
PS : Ma fille vient de m’apprendre que tu lui as écrit, en lui disant : « Je connais un peu ton père, son parcours, ses convictions pour l’avoir interrogé durant près de quatre heures chez lui ». FAUX ! Tu n’es jamais venu chez moi. J’ai l’impression que ta mémoire te joue des tours, peut être mon cher François, serait-il bon que tu consultes un psychiatre. »
Si le 8 mai est un jour férié, de dimension nationale, la victoire sur le nazisme est considérée comme un aspect essentiel du dispositif idéologique et culturel de toute une partie de la Gauche. On peut pratiquement parler de fracture et il y a une profonde réactivation du courant communiste « historique ».
Il y a 75 ans, l’Allemagne nazie capitulait face aux Alliés. La version finale de cette capitulation arriva tard le soir, ce qui fit qu’en URSS c’était déjà le 9 mai, ce qui amène une double célébration internationale, le 8 mai pour les uns, le 9 mai pour les autres. Quant aux Allemands, tout comme étrangement les Autrichiens, ils ne célébraient rien du tout, considérant la défaite de l’Allemagne nazie comme leur propre défaite.
La Gauche allemande était terriblement choquée de ce constat et une large partie des socialistes d’Allemagne décida d’ailleurs de s’unifier avec les communistes, afin de faire face à la gigantesque tâche de réforme démocratique. Cela donna l’Allemagne de l’Est, alors qu’à l’Ouest les anciens nazis occupèrent l’ensemble de l’appareil d’État et les grandes entreprises. Le fondateur des services secrets ouest-allemands, Reinhard Gehlen, qui les dirigea jusqu’en 1968, fut d’ailleurs l’un des co-planificateurs de « l’opération Barbarossa » et ensuite le responsable des services secrets dans le cadre de l’invasion de l’URSS.
En France, la Gauche profitait à l’inverse évidemment d’une profonde unanimité. Cependant, la reconnaissance du 8 mai a toujours été une bataille. Si dès 1946, il y a une commémoration annuelle, le 8 mai n’est férié qu’à partir de 1953, à la suite d’une longue lutte.
De Gaulle supprime alors le 8 mai comme jour férié en 1959. Les commémorations restent. En 1975, Valéry Giscard d’Estaing supprime les commémorations. Toutes ces décisions reposent évidemment sur les besoins de la « réconciliation » dans le cadre de la construction européenne.
En 1981, c’est alors François Mitterrand qui rétablit à la fois les commémorations du 8 mai et cette date comme jour férié. C’était inévitable de par l’esprit et la culture de la Gauche. Mais son statut est précaire. Valéry Giscard d’Estaing avait fait du 11 novembre la journée des morts de la France et c’est de nouveau le cas depuis 2012. La suppression du 8 mai est une vraie hypothèse.
La raison de cette situation est que l’Union européenne a remplacé, pour une large partie de la Gauche, le mouvement ouvrier. Si le Parti socialiste mentionne les 75 ans de la victoire au détour d’un message twitter (et le même sur facebook), son dirigeant Olivier Faure n’en parle pas. EELV ne fait pareillement qu’ un message twitter, pour ne même pas parler des 75 ans, mais de la répression sanglante des émeutes tout aussi sanglantes en Algérie française le même jour. C’est d’ailleurs un des thèmes récurrents de la « seconde gauche », violemment anti-communiste.
Du côté de ceux assumant la tradition communiste, le 8 mai est par contre sacré et ces 75 ans forment un prétexte tout particulier de réaffirmation identitaire et culturelle, particulièrement marquée cette année. Le PCF reste sobre en saluant les 75 ans, mais dénonce tout de même la ministre des armées ne saluant que les pays alliés actuellement à la France pour leur soutien à la Libération (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Australie, Nouvele-Zélande), y voyant un plan pour « oublier » l’armée rouge.
Qu’en 2020 le PCF soit obligé de souligner l’importance de l’armée rouge en dit long sur la puissance de toute une tradition. On ne doit donc pas s’étonner de voir des initiatives encore plus hardies dans le cadre de ceux en « compétition » pour qu’un nouveau PCF émerge.
Mais en fait le PCF a signé également cette déclaration, ce qui est très intéressant ou marquant ou surprenant, comme on le voudra, car il est parlé de l’URSS comme d’un « Etat socialiste », ainsi que du « peuple héroïque soviétique et à l’Armée rouge, dirigée par le Parti communiste, dont la contribution, écrite dans des pages héroïques telles que les batailles de Moscou, de Léningrad et de Stalingrad ».
Cette notion de batailles décisives est précisément battu en brèche par les maoïstes du PCF(mlm) qui ont de leur côté publié un dossier sur « la grande guerre patriotique », comme l’URSS appelle de son côté la seconde guerre mondiale, insistant sur « l’art opérationnel » élaboré alors.
Et dans la déclaration internationale, signé par une soixantaine de partis dans le monde, on lit le même genre de discours que chez le PCF(mlm), puisqu’il est affirmé que « les secteurs les plus réactionnaires et agressifs de l’impérialisme voient de plus en plus le fascisme et la guerre comme une « sortie » de l’aggravation de la crise du système capitaliste ».
C’est là un retour en forces des thèses communistes « historiques », avec tout une gamme de rapports à Staline : un peu (PRCF), beaucoup (PCRF), à la folie (PCFmlm), pas du tout (PCF). D’ailleurs, les autres courants ne parlent pas des 75 ans de la victoire sur le nazisme, soit par désintérêt (les maoïstes « post » Staline, les anarchistes), soit par rejet historique de la Résistance (Lutte Ouvrière ne dit rien, le NPA porte quant à lui un regard très critique).
A-t-on ici un renouveau historique du Communisme comme mouvement, ou un simple rappel formel des fondamentaux ? L’avenir le dira.
Cette déclaration a été signée, pour faire simple, par ce qui reste du mouvement communiste se définissant positivement par rapport à l’URSS dans les années 1980. En France, elle a été signé par le PCF (qui ne le diffuse apparemment pas), par le PCRF (issu de l’URCF, une scission de gauche du PCF des années 1990) et par le PRCF (la gauche du PCF, très liée aux tendances les plus contestataires de la CGT).
« Déclaration internationale de Partis communistes pour le 8 mai
Au nom de la liberté, de la paix et de la vérité,
Contre le fascisme et la guerre !
La victoire sur le fascisme nazi pendant la Seconde Guerre mondiale est un événement majeur de l’Histoire, dont le souvenir doit être préservé et défendu face aux tentatives répétées de falsification historique visant à nous faire oublier le rôle décisif joué par l’Union soviétique des Républiques socialistes, par les communistes et par les antifascistes du monde entier.
Généré par le capitalisme, le fascisme nazi était la manifestation la plus violente et terroriste du capital monopoliste. Il était responsable du déclenchement de cette guerre d’agression et de pillage qui a fait près de 75 millions de morts, dont environ 27 millions de citoyens soviétiques, et des souffrances et horreurs incommensurables des camps de concentration nazis. Les peuples ne peuvent pas non plus oublier les pages sombres, comme les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki par les États-Unis, sans aucune justification militaire, qui représentaient une démonstration de puissance et de leurs ambitions hégémoniques mondiales.
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) est le résultat de contradictions inter-impérialistes de plus en plus aiguës et, en même temps, de l’intention de détruire le premier État socialiste, l’URSS, qui s’est notamment exprimée dans le soutien et la connivence entre le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, avec le réarmement et l’ambition expansionniste de l’Allemagne nazie.
En commémorant le 75ème anniversaire de la Victoire historique du 8 mai 1945, les partis communistes et ouvriers soussignés, certains de relayer les sentiments et les aspirations des travailleurs et des peuples du monde entier :
rendent hommage à tous ceux qui ont donné leur vie sur les champs de bataille contre les hordes nazies-fascistes et en particulier à l’héroïsme des mouvements de résistance et des combattants antifascistes, ainsi qu’au peuple héroïque soviétique et à l’Armée rouge, dirigée par le Parti communiste, dont la contribution, écrite dans des pages héroïques telles que les batailles de Moscou, de Léningrad et de Stalingrad, a été décisive pour la victoire sur la barbarie ;
considèrent que la victoire sur l’Allemagne nazie et ses alliés dans le Pacte anti-Komintern a été réalisée grâce à la contribution décisive de l’URSS, à la nature de classe du pouvoir soviétique avec la participation des masses populaires, au rôle de premier plan du Parti communiste, à la supériorité affichée par le système socialiste. Cette victoire est un énorme héritage historique du mouvement révolutionnaire.
mettent en valeur les avancées remarquables dans l’émancipation sociale et nationale des travailleurs et des peuples, avancées rendues possibles par la victoire et l’avancement des forces du progrès social et de la paix, étendant la sphère du socialisme dans les pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique latine ; cette victoire a créé les conditions pour l’avancée du mouvement ouvrier dans les pays capitalistes, le développement rapide du mouvement de libération nationale et la liquidation des empires coloniaux qui en a résulté ;
dénoncent et condamnent les campagnes visant à minimiser, déformer et même nier le rôle de l’URSS et des communistes dans la défaite du fascisme nazi et aussi à blâmer injustement et faussement l’Union soviétique pour avoir déclenché la Seconde Guerre mondiale, à supprimer les responsabilités du grand capital et des gouvernements à son service dans la promotion et la montée du fascisme et dans le déclenchement de la guerre, à blanchir et réhabiliter le fascisme, tout en détruisant les monuments et la mémoire de l’armée soviétique libératrice, en promouvant l’anticommunisme et en criminalisant les communistes et d’autres antifascistes ;
dénoncent et condamnent les résolutions anticommunistes de l’UE et la falsification historique calomnieuse qui tente d’assimiler le socialisme au monstre fasciste ;
soulignent que les secteurs les plus réactionnaires et agressifs de l’impérialisme voient de plus en plus le fascisme et la guerre comme une « sortie » de l’aggravation de la crise du système capitaliste, dont le caractère inhumain devient particulièrement évident lorsque, même face à la très grave épidémie de Covid-19, l’impérialisme, les États-Unis, l’OTAN, l’UE et ses puissances capitalistes alliées, poursuivent une politique criminelle de blocus et d’agression contre les pays et les peuples ;
considèrent que la lutte pour la paix, le progrès social et le socialisme sont indissociables, et s’engagent à rechercher une action commune plus forte de la classe ouvrière, des travailleurs et des peuples du monde, des forces politiques engagées dansla lutte contre le fascisme et contre l’impérialisme, contre les agressions impérialistes et la guerre.
La situation à laquelle sont confrontés les travailleurs et les peuples du monde souligne l’importance de renforcer la lutte contre l’impérialisme, pour la souveraineté des peuples et l’indépendance des États, pour les droits des travailleurs et des peuples. Il faut dépasser de manière révolutionnaire le système capitaliste, un système qui engendre le fascisme, la guerre, les injustices, les dangers et les contradictions du présent. Comme il y a 75 ans, c’est aujourd’hui la lutte des communistes et de tous ceux qui sont confrontés à l’exploitation et à l’oppression capitalistes qui ouvrira la voie à l’avenir pour l’humanité.
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