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Le PCF et Die Linke rendent hommage à Jean-Pierre Timbaud en plaidant en faveur d’une Europe de la paix

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et le secrétaire général du parti allemand de gauche Die Linke, Jörg Schindler, étaient réunis ce mardi 7 mai 2019 à Paris pour rendre hommage à Jean-Pierre Timbaud. C’était l’occasion de dénoncer l’Europe guidée par « la coopération militaire et l’armement », et de plaider en faveur de la paix.

Jean-Pierre Timbaud est une grande figure communiste de la Résistance, fusillé par les nazis en octobre 1941. Il est connu pour avoir crié « Vive le Parti communiste allemand » au moment de sa mort, ce qui fut un acte d’internationalisme prolétarien d’une grande valeur.

Le discours de Fabien Roussel publié ci-dessous va pleinement dans ce sens, en rappelant « le combat commun des classes ouvrières française et allemande » contre le nationalisme et le fascisme, cette « bête immonde ».

Les deux partis siègent ensemble au Parlement européen et ont eu plusieurs initiatives communes dans le cadres des élections européennes. Il est question ici de leur combat en faveur d’une «Europe de la paix », alors que la course à l’armement est de plus en plus folle et grande.

Il est critiqué, conformément aux valeurs historique de la Gauche, l’« Europe de la défense que Macron et Merkel appellent de leurs vœux » et « l’industrie de l’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, toutes les bonnes guerres ».

Voici le discours de Fabien Roussel du PCF :

« Initiative PCF – Die Linke
Hommage à Jean-Pierre Timbaud :
Pour une Europe de la paix, contre l’Europe du surarmement

Chère Maryse Veny petite fille de Jean-Pierre Timbaud,
Chère Michèle Gauthier, fille d’Henri Gauthier,
Chère Carine Picard Niles, petite fille d’Odette Niles, représentant  ici l’Amicale Châteaubriant Voves Rouillé Aincourt
Cher Claude Ven représentant la Fédération CGT Métallurgie ainsi que son Institut Histoire Sociale qui est installée ici même dans leur Maison des Metallo
Mesdames et messieurs les représentants des organisations et associations militant pour la paix
Mesdames et messieurs les parlementaires
Mesdames et messieurs les élu·es de Paris
Cher·es ami·es, cher·es camarades

Je suis heureux de nous voir réunis ici en cette veille du 8 mai et des célébrations de la Victoire contre le nazisme, avec notre camarade Jörg Schindler, secrétaire général de Die Linke.

C’est une initiative à laquelle je tenais particulièrement et dont nous avons convenu fin avril avec Berndt Riexinger, le co-président de Die Linke que j’ai eu le plaisir de recevoir à Paris, au siège du Parti.

Il est pour nous très important  à la fois de faire vivre la mémoire de la Grande Victoire de 1945 contre le fascisme, de rendre hommage aux héros morts en déportation et exterminés, Juifs, Tsiganes, homosexuels, communistes, progressistes.  Mais aussi de rendre hommage aux héros de la Résistance tombés dans toute l’Europe, du maquis des Glières aux actions de la résistance allemande.

Ce n’est pas uniquement une question de mémoire. La lutte continue aujourd’hui contre le fascisme, contre la montée des idéologies nauséabondes, racistes et des idéologies de guerre en Europe. Les appels à la haine s’entendent aujourd’hui à nouveau partout en Europe.

Comme l’a écrit Berthold Brecht, « Le ventre est encore fécond d’où est sorti la bête immonde ».

Nous sommes ici pour dire ensemble que le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui renforce véritablement la fraternité et la solidarité entre les peuples dans le respect de leur souveraineté – et non leur mise en concurrence exacerbée ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui défend les intérêts des classes populaires et des travailleurs –et non ceux des banquiers et des multinationales ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui fait de la construction de la paix et d’une culture de paix son axe essentiel et sa priorité absolue.

C’est cette ambition-là que nous voulons porter, à rebours du modèle ultra-libéral dont Emmanuel Macron et Angela Merkel veulent intensifier la marque, au nom d’un« couple franco-allemand » autoproclamé moteur de l’Union européenne.

Un couple tellement centré sur la domination qu’il passe son temps à s’affronter pour savoir qui est le plus fort des deux !

Nous, les communistes, nous formons avec Die Linke un autre couple franco-allemand ! Un vrai couple, dont les relations sont fondées sur les principes d’égalité, de solidarité et d’épanouissement respectif.

Notre « couple franco-allemand », c’est celui qu’incarnait le syndicaliste et dirigeant politique communiste, Jean-Pierre Timbaud, auquel nous voulons rendre un hommage fraternel ce soir.  Bien d’autres avec lui ont porté ce combat pendant la guerre, le combat commun des classes ouvrières française et allemande, le combat commun des communistes français et allemands ; le combat commun des démocrates, femmes et hommes, militant-es de l’émancipation humaine et sociale – français et allemands- qui s’engagèrent dans la Résistance et ont abattu nazisme et fascisme il y a 75 ans.

Notre couple franco-allemand, c’est celui qui se lève pour s’opposer à l’augmentation indécente des budgets de Défense, sur ordre de l’OTAN, pour atteindre 2 % du PIB d’ici 2024. L’OTAN exige en outre que 20% de ces budgets faramineux soient consacrés à l’achat d’armement neuf.

La France va dépenser 295 milliards d’euros au total pour sa défense entre 2019 et 2025 alors que toutes les politiques publiques sont privées de l’argent indispensable pour rénover et développer nos infrastructures et nos services publics de santé, d’éducation, de transport, de culture. Sur le nucléaire, pour la même période, le budget de la modernisation est en hausse de 60% par rapport à la période précédente ! Il passera de 23 milliards à 37 milliards d’euros. 14,5 millions d’euros par jour !

A-t-on besoin d’investir 14,5 millions d’euros par jour dans la modernisation nucléaire quand notre pays a tant besoin d’hôpitaux, d’écoles, de services publics ?

Savez-vous ce que cet argent représente ?

Nos amis du Mouvement de la paix ont fait le calcul, c’est simple : 1 missile M51 c’est l’équivalent de 100 scanners médicaux mais des départements entiers du pays se transforment en déserts médicaux ; 1 Mirage, c’est l’équivalent de deux collèges en milieu rural mais nos campagnes, notre ruralité se meurt un peu plus chaque jour

Tout le monde appelle à la paix mais les dépenses mondiales d’armement explosent à nouveau : 1 700 milliards de dollars pour 2017 dont la moitié pour les seuls pays membres de l’OTAN.

Non seulement nous nous emprisonnons dans la stratégie belliciste de l’OTAN mais nous en « rajoutons » quand Macron et Merkel cherchent, à relancer le projet d’« une Europe de la Défense » .

Cette « Europe de la défense » qu’ils appellent de leurs vœux en agitant toutes les peurs, les haines possibles, ces 13 milliards d’euros de dotation, prévu pour 2021-2027, pour le « Fonds européen de la Défense », c’est le « cadeau » qu’ils réservent à l’industrie d’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, les bonnes guerres…

« Qui veut la paix, prépare la paix » et c’est pour cela que nous appelons l’Europe, la France et l’Allemagne à ne pas vendre d’armes aux pays en guerre, aux dictatures, aux pays qui entretiennent des conflits coloniaux, expansionnistes, soutiennent le terrorisme international ; la France ne doit pas vendre des armes à l’Arabie saoudite, 11 milliards d’euros en 9 ans, et prétendre que ces armes ne sont pas utilisées au Yemen !

Nous appelons à interdire toutes les opérations militaires extérieures en dehors des résolutions de l’ONU ; nous appelons à redonner tout son rôle à cette organisation internationale au lieu de promouvoir le devoir d’ingérence.

Et nous appelons à signer et à ratifier le traité international d’interdiction des armes nucléaires ;

Nous disons NON à l’« Europe de La Défense » et  oui à la dissolution de l’OTAN. Et sans attendre, la France doit quitter l’OTAN.

L’ « Europe de la défense » et l’OTAN doivent être remplacés  en Europe par un traité de coopération et de sécurité collective qui implique tous les pays du continent en mettant un terme aux stratégies de tensions et de surarmement ; nous opposons à l’idée de militarisation sans fin du continent l’idée de sécurité collective, principe qui est un des fondements de la charte des Nations Unies selon lequel les mesures de défense prises par un État ne doivent pas compromettre la sécurité d’un autre état.

La tenue, sous l’égide de l’ONU, d’une conférence pan-européenne de paix et de sécurité collective est urgente et nécessaire pour faire baisser les tensions entre l’UE et ses voisins. Ce qui a été possible en pleine guerre froide, avec la conférence d’Helsinki, l’est d’autant plus aujourd’hui.

Nous appelons à abroger les accords de libre-échange pour les remplacer par des accords de maîtrise des échanges avec les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique…

Nous appelons à réinvestir l’ONU et ses agences pour qu’elles soient de véritables outils au service de la prévention des conflits et du développement humain.

Nous appelons à bannir les racismes, les discriminations, et à restaurer la justice et l’égalité des droits, à conquérir de grandes avancées sociales pour les travailleuses et travailleurs du monde entier.

L’Europe de la paix, chers amis, chers camarades, c’est celle qu’a portée Jean-Pierre Timbaud au moment mourir.

C’est notre vision à nous aujourd’hui, c’est celle d’une union de peuples et de nations libres, souverains et associés.

« C’est le plus grand des combats », nous exhortait Jaurès et nous ne cesserons jamais d’en faire notre priorité car elle donne tout son sens à une Europe des gens, une Europe qui n’a d’autre visée que l’humain d’abord.

C’est dans cet esprit que nous nous battons pour faire élire au parlement européen, le 26 mai, le plus de députés communistes, de Die Linke et de la gauche européenne. »

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Politique

Le Royaume-Uni participera aux élections européennes

Le chaos politique du Brexit ne s’arrête pas. Sa source est il est vrai intarissable : c’est l’accroissement de la compétition internationale pour le repartage du monde. Les alliances se font et se défont, alors que les dépenses d’armement explosent. Avoir un pied dedans et un pied dehors est le plus grand luxe qu’on puisse se fournir.

Personne ne peut comprendre pourquoi le Royaume-Uni va participer aux élections européennes, alors que son gouvernement est très clair sur sa sortie prochaine. Si encore il y avait un doute, un nouveau référendum, mais non, ce n’est pas le cas. Le pays va sortir, c’est une certitude. Mais qu’est-ce qui est sûr alors que ces derniers jours, Donald Trump a relancé la guerre commerciale avec la Chine et que son armée aurait un plan d’invasion de l’Iran assez précis ? La tendance n’est-elle pas également à une production d’armement toujours plus grande, toujours plus sophistiquée ?

Si l’on prend les critères de la Gauche historique, la chose est très claire : on va à la guerre. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais sous quelle forme. Il est cependant clair pour tout le monde que les deux principaux protagonistes seront les États-Unis, à l’immense potentiel militaire, et la Chine, qui a comme horizon de devenir la plus grande puissance mondiale d’ici 30 ans. Les tensions entre les deux pays ne peuvent qu’augmenter, jusqu’à la confrontation.

La France n’est pas en reste. On accuse souvent et avec raison la Russie de se militariser, mais la France la dépasse en ce domaine. Plus personne ne s’arrête dans la militarisation, en fait. Un jour, l’un est plus puissant, un autre jour, c’est l’autre. C’est ce contexte instable par définition qui fait que le Royaume-Uni tergiverse. Dans le fond, il n’en a rien à faire de l’Union européenne et de son inévitable moteur franco-allemand. Il dispose de son « Commonwealth » et il est bien connu que stratégiquement, c’est pratiquement un État américain.

Mais qu’y a-t-il de mieux que de faire en sorte que la manière de sortir de l’Union européenne se déroule de la manière la plus adéquate pour ses intérêts ? Et pour cela, il faut gagner du temps. Et comment gagner du temps, si ce n’est en ayant des élus européens fraîchement élus ? Il faut voir le chaos provoqué par la participation du Royaume-Uni. Normalement, les postes pour ses députés auraient dû être dispatchés à d’autres. Là, ce ne sera pas le cas. Il faudra le faire par la suite, mais à quoi va ressembler la suite ?

On voit également comment la Gauche est ici coincée. D’un côté, pour renforcer l’Union européenne, si on a l’espoir de la tourner dans un sens démocratique ( ce qui est discutable bien entendu ), il faudrait dire que le Royaume-Unis fait du sabotage. De l’autre, pour refuser l’esprit international de division, il faudrait saluer le fait que le Royaume-Uni soit resté jusque-là, et l’encourager à continuer…

Dans tous les cas, la Gauche est perdante. La raison en est que l’agenda est à la fois national et international, et que la Gauche est très différente selon les pays, notamment en France où elle est majoritairement post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale. Il n’y a pas le poids international qu’il y avait de par le passé, lorsque le mouvement ouvrier réussissait, au moins en partie, à exercer une pression à l’échelle de plusieurs pays. Si demain, il y avait une tension menant ouvertement à la guerre, il n’y aurait même pas les moyens d’une protestation internationale, si ce n’est symbolique.

> Lire également : nos articles sur le Brexit

Le Royaume-Uni est conscient de cela, tout comme il sait qu’au sein de l’Union européenne, il y a de nombreuses divisions. Il a donc les coudées franches. Il ne fait pas face à une opposition anti-guerre, anti-nationaliste, ni à l’extérieur, ni en son sein. Il ne fait pas non plus face à un front uni des pays de l’Union européenne. Il peut donc se balader, prolonger la bataille pour ses propres intérêts. Ce faisant, il renforce d’ailleurs ses contradictions internes, mais il s’en moque. On voit bien que le Brexit a été décidé par en haut et que l’avis des gens ne compte pas.

Tout cela est très mauvais et la situation va bien finir par être intenable à un moment. L’esprit anti-guerre doit absolument se renforcer, se généraliser à Gauche, sans quoi les vents mauvais qui arrivent seront meurtriers.

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Politique

La Gauche américaine se relance en parlant « working class » sur Netflix

À l’occasion du premier mai, Netflix a sorti un documentaire présentant l’arrivée en politique de quatre femmes américaines très à Gauche, dont la figure new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, plus jeune élue de l’histoire du Congrès. Intitulé Knock Down The House, il est traduit en français sous le nom de Cap sur le Congrès.

Le documentaire montre la campagne électorale de quatre femmes ayant brigué l’investiture démocrate pour le Congrès dans leur circonscription en vue des élections de mi-mandat à l’automne dernier. Leur candidature s’opposait directement à des figures du Parti démocrate très ancrées, mais n’assumant plus les valeurs démocratiques fondamentales.

Ce qui s’est passé est très simple. Dans la foulée des succès obtenus par Bernie Sanders contre Hilary Clinton lors de la primaire démocrate en 2016, des organisations de la Gauche américaine sont allées puiser directement dans les classes populaires pour faire émerger de nouvelles figures. Il y avait la possibilité pour des novices de s’inscrire pour briguer l’investiture aux primaires démocrates dans diverses circonscriptions, afin de se présenter ensuite aux élections législatives.

Les gens des associations en question, Brand New Congress et Justice Democrats, sont montrés dans le documentaire comme des jeunes assumant l’engagement politique et voulant faire élire des travailleurs pour représenter le peuple, à la place de gens riches et déconnectés des préoccupations populaires, en lançant une grande vague démocratique.

Les quatre femmes présentées dans le documentaire de Rachel Lears y mènent leur première campagne et sont issues des classes populaires, avec des préoccupations se voulant ancrées dans le quotidien.

Amy Vilela ( image ci-dessus ), candidate dans le Nevada, milite notamment pour l’accès populaire à la santé. Le système américain est une véritable horreur pour les gens qui ne sont pas riches – sa propre fille est morte de ne pas avoir été prise en charge en raison d’un défaut d’assurance.

Cori Bush ( image ci-dessous ), candidate dans le Missouri, habite tout près de Ferguson, là où le jeune noir Michael Brown avait été tué par la Police – elle a elle-même aidée les jeunes émeutiers, en proposant des soins médicaux, car elle est infirmière et souhaitait que justice soit faite.

Paula Jean Swearengin ( image ci-dessous ) de Virginie de l’Ouest s’inscrit pour sa part directement dans la tradition de la classe ouvrière et mène un combat pour la reconnaissance des maladies liées aux mines. Fille d’une famille de mineurs depuis plusieurs générations, elle porte la dignité et la révolte des habitants de sa région, l’une des plus pauvres du pays dont elle dit qu’on pense avec mépris que les gens n’y ont ni dents, ni chaussure, ni cerveau.

Sur des images très jolies et très denses, on l’entend expliquer de manière saisissante comment la classe ouvrière est le « dommage collatéral » de la société, mais que cela va changer.

Elle puise directement dans la combativité historique de la classe ouvrière locale, en rappelant les grands combats des mineurs.

Alexandria Ocasio-Cortez ( image ci-dessous ) est quant à elle la figure de proue du documentaire, et de l’initiative démocrate elle-même. Le succès de sa campagne puis son investiture ont été très suivis dans les couches intellectuelles du pays. Il y a donc un grand intérêt pour connaître ses débuts et c’est pour cela que Netflix a dépensé 10 millions de dollars pour les droits du reportage, ce qui est une somme très élevée pour un tel sujet.

On la voit dès ses débuts, lors de la réunion de sélection des candidats par les associations, puis dans son petit appartement du Bronx et à son travail dans un bar l’année dernière. Membre du Democratic Socialists of America, une scission de Gauche du Parti socialiste d’Amérique, elle assume un discours social-démocrate très appuyé :

« On se présente contre un candidat qui a reçu trois millions de dollars par an de Wall Street, de sociétés immobilières et pharmaceutiques. On doit avoir le courage de défendre les travailleurs et de lutter contre les intérêts des grandes entreprises. »

C’est qu’une partie de la Gauche américaine a saisie que la question du travail était centrale, traumatisée qu’elle est par la victoire de Donald Trump ayant justement fait la différence grâce au vote ouvrier.

Il est donc beaucoup question de la « working class », que l’ont traduit souvent par « classe ouvrière » mais qui a un sens plus générique, évoquant plutôt les travailleurs salariés dans leur ensemble, la classe laborieuse : « On nous appelle la classe ouvrière, car nous travaillons non-stop », dit Alexandria Ocasio-Cortez.

Elle est devenue en quelques mois une figure populaire new-yorkaise et nationale, apportant une grande fraîcheur en même temps qu’une véritable vigueur politique. Sa réussite a été d’assumer un discours très à Gauche tout en étant profondément ancrée dans la réalité populaire locale, bénéficiant alors de la vigueur de la société civile américaine et de sa grande culture démocratique.

Il ne s’agirait pas en France de recopier son style abstraitement, comme l’a fait le candidat Ian Brossat du PCF aux Européennes en recopiant littéralement son affiche de campagne, ce qui relève ni plus ni moins que de l’escroquerie politique. Son parcours doit néanmoins être connu car c’est un marqueur politique évident pour les générations de Gauche à venir.

Le documentaire est lui-même très intéressant, car provenant de l’intérieur, tout en ne commettant pas l’erreur de focaliser uniquement sur la réussite d’Alexandria Ocasio-Cortez. Ce sont des femmes très calmes, organisées, qui sont montrées en train de mener un travail de fond, long et fastidieux. Ce qui est mis en avant n’est pas la gloire et la réussite personnelle, mais un combat de longue haleine, presque aride, avec sur les images souvent très peu de monde autour des candidates.

Comme en Europe, la Gauche américaine s’est depuis longtemps effacée au profit d’opportunistes assumant le libéralisme et un style bourgeois, totalement déconnectés des classes populaires. Il y a maintenant un retour de bâton venant de la base, qui exprime le besoin d’un retour aux fondamentaux de Gauche et de ses valeurs liées au mouvement ouvrier.

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Politique

Un premier mai 2019 viennois comme tour de force social-démocrate

La social-démocratie autrichienne a connu la même crise que le Parti socialiste en France aujourd’hui. Repartie sur les fondamentaux, elle s’est totalement relancée.

Sur l’image ci-dessus, on voit la dirigeante de la social-démocratie autrichienne avec deux pins. Le premier montre le logo du parti entouré des étoiles de l’Europe. Le second indique « cent ans de Vienne la rouge, SPÖ », avec en logo un dessin représentant la cité Karl Marx, le plus grand HLM construit dans les années 1920 par la mairie social-démocrate, bastion ouvrier et lieu de la résistance au coup d’État austro-fasciste de 1934.

C’est un double positionnement qui témoigne d’une remise en question fondamentale, que le Parti socialiste a de son côté raté en France.

Il y a quelques temps, la social-démocratie autrichienne était pourtant pratiquement aussi mal que le Parti socialiste de notre pays. Les raisons étaient les mêmes, à ceci près que le SPÖ était qui plus est imbriqué dans l’appareil d’État depuis 1945, participant à des gouvernements de coalition avec la Droite. Autant dire que sa légitimité était brisée.

L’arrivée au gouvernement de la Droite et de l’extrême-Droite aurait donc pu porter le coup de grâce. Seulement, le SPÖ a fait le contraire du Parti socialiste en France : il est reparti puiser dans ses sources. N’ayant jamais abandonné ses traditions, il a pu relancer sa base, comme en témoigne le premier mai 2019.

Ce sont plus de 100 000 personnes, pour un pays d’un peu moins de neuf millions d’habitants, qui ont convergé de toute la ville vers la mairie. Celle-ci est un bastion social-démocrate depuis toujours, avec une grande majorité de la ville qui fut membre du parti dans les années 1920, diffusant un austro-marxisme multipliant les initiatives de grande ampleur, notamment dans la question du logement.

Voici la liste des points de rassemblements des 23 arrondissements de la ville. Vienne a une superficie de 414,89 km², contre 105,4 km² pour Paris intra-muros ; avec quasi deux millions d’habitants, elle est la seconde ville germanophone la plus peuplée. Pour cette raison, les habitants du 23e arrondissement sont venus en bus, étant trop éloignés du centre. Les autres sont venus par contre en cortège, parfois avec des orchestres, depuis les 22 autres arrondissements.

Voici une image de propagande du SPÖ, avec le maire de la ville. Sur la pancarte au fond à gauche, un peu floue, on lit : « Dépassement du capitalisme ! » Derrière le maire, le drapeau avec les trois flèches, entourés du cercle de l’unité, symbole de la social-démocratie autrichienne après 1945 ( il n’y avait auparavant pas le cercle ).

Sur cette autre affiche du SPÖ, largement propagée dans la ville de Vienne, on lit le slogan « Ensemble, nous sommes Vienne » et on voit Victor Adler, Autrichien juif qui fut le premier grand dirigeant de la social-démocratie, à partir de 1888. On notera que le SPÖ ne mentionne cependant jamais Otto Bauer, autre Autrichien juif, qui dirigea le parti durant les années 1920, mais défendait une ligne qui était alors la plus à gauche dans toute la social-démocratie européenne d’alors.

Le message du SPÖ sur les réseaux sociaux à l’occasion du premier mai. « Vive le premier mai », « L’être humain au lieu du monopole », « Le cortège de mai d’aujourd’hui se situe sous le signe des votes pour les élections européennes – toi aussi fais en partie. Ici la liste des rendez-vous ». Le slogan principal est « Vive le premier mai », « Liberté, égalité, justice ». En dessous : « Partage cette image si tu places les intérêts des employés avant ceux de ceux des monopoles ! ».

La photographie du grand rassemblement devant la mairie. Aux drapeaux du SPÖ et de ceux de l’Union européenne, s’ajoutait une variante de celui de l’UE, mise en rouge et avec les trois flèches.

La photographie de la mairie, avec le symbole des trois flèches au-dessus du podium, ainsi que des hommes en rouge sur la toile protégeant la réfection de la tour principale.

Le podium en gros plan, avec les trois flèches.

Le maire de la ville et la dirigeante de la social-démocratie autrichienne, Pamela Rendi-Wagner, tous deux avec des fanions rouges. Celui de la dirigeante est frappé du cercle et des trois flèches.

Au moyen de ballons, une banderole a été soulevée par la jeunesse du SPÖ, appelant à aller plus loin : « Cela suffit avec le silence, en avant pour l’opposition ! »

On notera qu’une section locale du SPÖ a fait une bannière pour rejeter Thomas Drozda, figure opportuniste : « Drozda, tu as regardé l’heure ? Il est temps de partir ! ». Il en est de même pour une autre section dont la bannière disait : « Il est cinq minutes avant minuit, y compris sur ta Rolex ! »

Naturellement, on pourra critiquer le programme, l’opportunisme, l’hypocrisie, etc. ; en attendant, il y a une Gauche, forte, puisant aussi dans ses traditions historiques. Et cela sans être à la remorque des syndicats. Il est vrai que ce qui aide, c’est qu’il n’y a en a qu’un et que les élections à la chambre du travail se font pas fractions. La fraction social-démocrate écrase tout le monde en faisant 60%, les autres étant au mieux très loin derrière.

Et cela sans les fonctionnaires, qui ne participent pas au vote de la dite chambre. Imagine-t-on en France la Gauche politique obtenir 60% dans les votes pour les syndicats du privé ? Et pourtant, c’est à cela qu’il faudra parvenir !

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Politique

Victoire du PSOE en Espagne

Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol a connu une victoire importante lors des élections législatives ce dimanche 28 avril 2019, dans un climat extrêmement tendu alors que les forces franquistes se réaffirment parallèlement aux velléités indépendantistes catalanes.

Les élections espagnoles ont largement attiré l’attention internationale. En effet, la bourgeoisie catalane avait tenté de mettre en place son indépendance, ce qui a été repoussé par l’État central, qui en même temps ne parvenait pas à faire cesser l’instabilité gouvernementale. La balance allait-elle pencher franchement à droite ou bien la Gauche saurait stabiliser la situation ? Le franquisme allait-il se réactiver, lui qui restait tapi dans l’État profond, l’armée, la haute-bourgeoisie ?

> Lire également : Les élections du 21 décembre 2017 en Catalogne

En ce sens, c’est une grande victoire du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, avec près de 29% des voix, accompagnées d’un un taux de participation massif (75,78 %). Cela fait 123 députés, contre 85 en 2016, et même s’il en faut 176 sur 350 pour une majorité absolue, la progression est notable et facile à interpréter.

C’est clairement une réponse populaire notamment à l’affirmation du parti d’extrême-droite VOX ces derniers temps, qui reçoit 10 % des voix alors que son orientation est néo-franquiste. Son dirigeant Santiago Abascal ne cesse de faire un travail de fond pour réactiver les fondamentaux franquistes, notamment national-catholiques (« Ce que nous défendons n’est pas moderne, ce sont les valeurs éternelles »).

Le PSOE assume de rejeter cela de manière frontale et c’est un marqueur important. Le slogan des partisans antifascistes ¡No pasarán! ( « Ils ne passeront pas ! » ) est scandé, dans un esprit de Front populaire. Tout comme la social-démocratie autrichienne qui mène un véritable travail de sape de l’alliance Droite / extrême-Droite, la social-démocratie espagnole parvient à se maintenir et à empêcher un basculement. On peut regretter son réformisme et son acceptation de la monarchie, son abandon de l’affirmation de la République, et même on doit le faire. Cependant, cela reste un frein significatif pour un basculement à droite.

Il faut comprendre pareillement le passage des libéraux de 32 à 57 députés, alors que le Parti Populaire, avec la Droite héritière du franquisme passe de 137 députés en 2016  à 66. L’Espagne résiste à une vague qui aurait pu être très brutale. La société aurait pu être fondamentalement décontenancée par tout le chaos provoqué par la possible sortie de la Catalogne. Il y aurait pu y avoir un retour général à une célébration de l’Espagne éternelle, catholique, royale, centralisée, etc. Cela n’est pas le cas, du moins seulement dans les marges de la société.

        « Nous sommes la Gauche »

Cela ne veut pas dire qu’il ne reste pas une quantité astronomique de questions et on voit mal comment la Gauche ne pourrait pas reprendre le drapeau de la République populaire et fédérale comme dans la seconde moitié des années 1930. C’est la seule sortie positive possible à une crise de l’État espagnol qui, à force de s’aggraver, ne pourra qu’aboutir à un renforcement massif des forces réactionnaires.

On notera également que si bizarrement Jean-Luc Mélenchon salue Podemos qui aurait fait une « magnifique remontada en Espagne », ce parti populiste passe en fait de 71 à 42 députés. Il a collé justement au PSOE et a perdu son aura revendicative. N’ayant pas de contenu lié à l’histoire espagnole, il s’efface. La social-démocratie, elle, avec ses solides traditions, l’emporte. Et de fait, seules les traditions de la Gauche de la période de la République espagnole peuvent tenir le choc.

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Yémen : une tribune politique réclame un meilleur contrôle des ventes d’armes françaises

Une tribune signée par de nombreuses personnalités de gauche réclame un meilleur contrôle des ventes d’armes par la France, notamment via le Parlement.

En arrière plan, il y a bien sûr la question du Yémen, avec cette note « Confidentiel-Défense » dévoilée par le site Disclose, en partenariat avec d’autres médias, qui prouverait que le gouvernement est au courant d’un usage massif d’armes françaises par la coalition dans la guerre qui sévit au Yémen.

Entre temps, la ministre des Armées Florence Parly a affirmé à la radio que les armes vendues par la France « ne sont pas utilisées de façon offensive dans la guerre au Yémen », et qu’elle n’a en tous cas « pas d’éléments de preuve permettant de dire ça, que des armes françaises sont à l’origine de victimes civiles au Yémen ».

Voici la tribune, initialement publiée dans Libération ce lundi 15 avril 2019 :

« Depuis 2015, la coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, soutenue par les Etats-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne et la France a engendré «la pire crise humanitaire au monde» selon l’ONU. Le bilan est terrifiant, 10 000 morts selon les chiffres officiels, et plus de 70 000 d’après les ONG. Du fait de l’embargo et de la destruction des infrastructures civiles, une famine sans précédent touche 16 millions de Yéménites. Cinq millions d’enfants sont touchés par la malnutrition retardant ainsi leur développement physique, mental et cognitif. Un enfant meurt au Yémen toutes les cinq minutes, une génération entière s’éteint.

Au service de l’industrie de l’armement

La communauté internationale détourne le regard. La France n’échappe pas à cette règle, tiraillée entre les ventes d’armes aux membres de la coalition, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis en tête, et ses engagements internationaux. Le président de la République a beau affirmer qu’«il est faux de dire que l’Arabie Saoudite est un grand client aujourd’hui de la France», elle se hisse pourtant à la deuxième place en matière d’exportations d’armes.

Le gouvernement a connaissance de la gravité de la situation mais refuse toute responsabilité. Le président de la République justifie sans complexe cette stratégie, considérant que «c’est pure démagogie que de dire d’arrêter de vendre des armes à Riyad». Lorsque des milliers de Yéménites meurent et que des millions d’autres sont menacés par la famine, le dilemme n’est plus économique mais moral.

Au mépris du droit international

Cette politique d’exportation, rentable financièrement, se fait au mépris des traités internationaux, et engage, comme lors des quinquennats précédents, la responsabilité de notre pays. L’article 6 du Traité sur le commerce des armes, ratifié en 2014 par la France, interdit en effet toute vente d’armes dès lors qu’elles sont susceptibles d’être utilisées contre des populations civiles. Et pourtant ce sont près de 3,4 milliards d’euros d’armement qui ont été livrés à l’Arabie Saoudite entre 2015 et 2017, au plus fort du conflit. En vendant ces armes (chars Leclerc, avions ravitailleurs A330 MRTT, corvettes Gowind, canons Caesar, systèmes de ciblage pods) la France s’est même engagée auprès de l’Arabie Saoudite à assurer leur maintenance sur plusieurs décennies. Malgré le conflit, notre pays maintient sa coopération militaire avec Riyad.

Si le Parlement européen – comme d’autres pays européens tels que la Finlande, les Pays Bas, la Suisse – s’est prononcé en faveur de la suspension des livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis en décembre 2018, le gouvernement reste inflexible. Les récents votes du Sénat et de la chambre des représentants sur l’arrêt du soutien militaire, dont les ventes d’armes, n’auront pas non plus suffi à infléchir la stratégie américaine.

Contrôle opaque et antidémocratique

Ce commerce lucratif pour les industries de défense s’appuie sur des règles opaques, excluant de fait tout contrôle démocratique. En effet, l’attribution des licences d’exportation est entièrement aux mains de l’exécutif. Les règles d’attributions ainsi que les décisions prises par la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), chargée de conseiller le Premier ministre en la matière, sont protégées par le secret-défense. Le Parlement est totalement absent de ce processus décisionnaire. La seule information dont disposent les citoyens se fait sous la forme d’un, très sommaire et peu précis, rapport au Parlement publié chaque année. Ni l’intitulé précis du matériel vendu, ni le nom du fabricant, ni la quantité du matériel ne sont indiqués. Malgré la demande des ONG françaises depuis 1997 de la création d’un office parlementaire, le contrôle des exportations a posteriori, notamment la traçabilité, est quasi inexistant.

Dans d’autres pays européens, une plus grande implication du Parlement permet un meilleur contrôle des autorisations d’exportations d’armes. Pour que cette situation cesse, nous demandons la mise en place d’une délégation parlementaire qui participera au processus de décisions pour l’attribution des licences d’exportation. L’urgence commande de telles mesures, pour que la France mette sa diplomatie au service de la paix, et cesse de se rendre complice de puissances criminelles.

Alexis Corbière député France insoumise, Christian Hutin, député socialiste, Jean-Paul Lecoq député Gauche démocrate et républicaine, Sébastien Nadot député non-inscrit, Esther Benbassa sénatrice Europe Ecologie-les Verts, Frédérique Dumas députée UDI, Jean Felix Acquaviva député Liberté et territoires, Manon Aubry candidate France insoumise aux élections européennes, Clémentine Autain députée France insoumise, Joël Aviragnet député socialiste, Marie-Noëlle Battistel député socialiste, Marie-George Buffet députée Gauche démocrate et républicaine, Ugo Bernalicis député France insoumise, Alain Bruneel député Gauche démocrate et républicaine, Moetai Brotherson député Gauche démocrate et républicaine, Erica Bareigts députée socialiste, Gisèle Biémouret députée socialiste, Christophe Bouillon député socialiste, Guy Bricout député socialiste, Luc Carvounas député socialiste, André Chassaigne député Gauche démocrate et républicaine, Eric Coquerel député France insoumise, Alain David député socialiste, Pierre Dharreville député Gauche démocrate et républicaine, Jean-Paul Dufrègne député Gauche démocrate et républicaine, Laurence Dumont députée socialiste, Elsa Faucillon députée Gauche démocrate et républicaine, Olivier Faure député socialiste, Caroline Fiat députée France insoumise, Guillaume Garot député socialiste, Raphaël Glucksmann candidat Place Publique aux élections européennes, David Habib député socialiste, Régis Juanico député socialiste, Sébastien Jumel député Gauche démocrate et républicaine, Marietta Karamanli députée socialiste, Manuéla Kéclard-Mondésir députée Gauche démocrate et républicaine, Jean Lassalle député non-inscrit, Michel Larive député France insoumise, Jerôme Lambert député socialiste, Bastien Lachaud député France insoumise, Serge Letchimy député socialiste, Josette Manin députée socialiste, Jean-Luc Mélenchon député France insoumise, Jean Michel Clément député Libertés et territoires, Paul Molac, député Libertés et territoires, Danièle Obono députée France insoumise, Younous Omarjee France insoumise aux élections européennes, Mathilde Panot députée France insoumise, Georges Pau-Langevin député socialiste, Stéphane Peu député Gauche démocrate et républicaine, Christine Pires-Beaune députée socialiste, Dominique Potier député socialiste, Loïc Prud’homme député France insoumise, Adrien Quatennen, député France insoumise, Valérie Rabault députée socialiste, Jean-Hugues Ratenon, député France insoumise, Muriel Ressiguier députée France insoumise, Fabien Roussel député Gauche démocrate et républicaine, Sabine Rubin députée France insoumise, François Ruffin député France insoumise, Bénédicte Taurine députée France insoumise, Sylvie Tolmont députée socialiste, Hervé Saulignac député socialiste, Hélène Vainqueur-Christophe députée socialiste, Boris Vallaud député socialiste, Michèle Victory députée socialiste, Hubert Wulfranc député Gauche démocrate et républicaine. »

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Les 150 ans de la démocratie directe suisse

Les gilets jaunes ont comme leitmotiv le référendum d’initiative citoyenne (RIC), qu’ils considèrent comme la panacée pour résoudre les problèmes liés à la domination d’une « caste » technocratique. Ce 18 avril 2019, on célèbre justement les 150 ans de la démocratique directe à Zurich, ce qui a ouvert la voie au « style » référendaire à la suisse. C’est l’occasion de voir que ce que demandent les gilets jaunes n’est pas original, ni par ailleurs conforme aux exigences populaires.

Le 18 avril 1869, ce fut à Zurich le triomphe des populistes, comme Johann Caspar Sieber, qui entendaient réduire le parlement à une sorte de commission préparatoire. 60 % des voix se portèrent sur une réforme constitutionnelle, établissant le référendum comme base des décisions, supprimant donc la démocratie représentative pour la remplacer par ce qui sera par la suite appelé la « démocratie directe ».

Quelques années plus tard, la Suisse dans son ensemble effectuait un pas décisif dans cette direction ; rappelons qu’il s’agit d’une confédération, avec donc une très importante décentralisation. Mais c’est là justement le problème : comment le peuple peut-il s’exprimer dans son ensemble, si on le découpe en tranches ? Ou bien faut-il alors rejeter le principe de la souveraineté populaire à l’échelle nationale ?

Cette problématique a également beaucoup marqué le mouvement ouvrier, par exemple avec l’opposition entre Rosa Luxembourg et Lénine en 1917. Rosa Luxembourg était pour le maintien d’élections et d’un parlement, alors que Lénine était pour le pouvoir des soviets, c’est-à-dire des comités populaires organisés à la base.

Le système suisse, qui s’est ensuite également développé surtout dans l’Ouest américain sous l’impulsion des « populistes », n’a évidemment rien à voir avec les soviets. Il correspond en fait au rêve anarchiste de décentralisation absolue, où des individus décident de ce qui leur semble individuellement le plus adéquat. De nombreux penseurs socialistes utopiques en furent d’ailleurs une source idéologique locale.

À partir donc du 18 avril 1869, à Zurich, 5 000 citoyens peuvent appeler à un vote pour modifier une loi ou la constitution. Toute modification de la constitution ou des lois exige également un référendum, tout comme les dépenses supérieures à 250 000 francs suisses. La composition du gouvernement et les conseils communaux sont pareillement élus directement.

De manière très intéressante par rapport aux gilets jaunes, Zurich mit également en place une banque cantonale, pour faciliter l’obtention de crédits. Le parallèle est ici flagrant. Dans une même perspective, les impôts deviennent désormais progressifs, avec les riches devant payer davantage.

L’objectif est ici de souder la communauté, sur une base libérale solidaire, et de mettre de côté les patriciens, c’est-à-dire les capitalistes fortement développés et exerçant une pression conservatrice très forte. Leur grande figure était Alfred Escher, qui fut responsable du conseil d‘État, président du conseil d’administration du Crédit Suisse, président de la direction de différentes sociétés de chemins de fer, etc.

Il s’agissait ni plus ni moins que d’empêcher que les grands capitalistes fassent passer les institutions et l’administration sous leur coupe. C’est un peu la même chose avec l’opposition entre républicains et démocrates aux États-Unis. Mais c’est uniquement un conflit entre riches et ceux qui vont le devenir, tout comme Emmanuel Macron représente la nouvelle vague de riches contre l’ancienne.

Et il n’y a aucune expression politique populaire ni aux États-Unis ni en Suisse, car les bourgeois nouveaux combattent les bourgeois du passé en mobilisant le peuple contre ceux-ci, les accusant de tous les maux dans les institutions et l’administration. Comme en plus le système est particulièrement décentralisé, les mentalités se réduisent à des perspectives locales, empêchant toute envergure dans le raisonnement.

Impossible surtout de voir des classes sociales dans un tel découpage localiste, dans ces considérations individuelles et cette volonté de chasser les anciens pour mettre des nouveaux, sans qu’il n’y ait aucune considération sur le contenu. Tout serait une question de personnes, de nouvelles personnes contre les anciennes personnes.

C’est la raison pour laquelle la Gauche historique ne peut pas accepter cette logique populiste. La Gauche historique raisonne en termes de parti politique avec un programme établi par ses membres, avec une fonction d’avant-garde pour exprimer les intérêts du peuple. Le populisme propose lui un remplacement formel d’individus pour que le « système » se remette à fonctionner.

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« Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co »

Depuis de nombreuses années, tous les bobos d’Europe de l’Ouest se précipitent à Berlin. Cependant, cette capitale a la particularité historique d’être populaire, avec historiquement un nombre très importants de squats portés par la gauche alternative des « autonomes », qui aujourd’hui sont légalisés ou ont disparu.

Cet embourgeoisement de la ville a donc provoqué de larges soubresauts politiques, et cela d’autant plus que Berlin étant redevenu la capitale de l’Allemagne, car cela impliquait une énorme série d’achats par les entrepreneurs, voyant ici une cible facile.

Ils ont d’ailleurs été soutenu par la mairie qui, il y a quinze ans, leur a vendu 65 700 logements. À l’époque, Berlin n’était pas encore frappée par la « hype » actuelle.

Il existe pour cette raison en ce moment une campagne à Berlin pour un référendum, appelé « Spekulation bekämpfen – Deutsche Wohnen & Co. Enteignen » – Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co.

L’objectif est l’expropriation des entreprises possédant plus de 3 000 appartements. « Deutsche Wohnen » est particulièrement ciblé, car ce géant capitaliste possède 160 000 appartements en Allemagne, dont 112 000 à Berlin. Ses bénéfices en 2018 ont été de 1,9 milliard d’euros.

Ce référendum est soutenu par les écologistes, Die Linke, ainsi qu’une partie du SPD, notamment Kevin Kühnert. Ce dernier, âgé de 29 ans, est le responsable des jeunes socialistes et un opposant fervent à la grande coalition alliant la Droite et la Gauche. Lors d’un débat télévisé, il n’a pas hésité à affirmer :

« De quel droit quelqu’un aurait-il plus de vingt appartements ? Je trouve cela juste de se positionner à ce sujet. »

Cet épisode est marquant, car au contraire d’en France, la Gauche en Allemagne s’est largement réactivée en puisant dans ses traditions, ce qui par ailleurs est également le cas en Autriche. S’appuyant sur les traditions social-démocrates du 19e siècle ayant permis un puissant enracinement, la Gauche se relève malgré des années de corruption lors de la participation au pouvoir.

Si cela ne signifie pas nécessairement qu’elle pourra réellement avancer, il y a là en tout cas quelque chose de totalement différent d’en France, où la gauche post-moderne, post-industrielle, ou populiste, ne cesse de chercher à enterrer la Gauche historique et ses valeurs.

En ce qui concerne l’expropriation elle-même qui est demandée, elle est censée passer par un dédommagement. Celui-ci serait à hauteur de 36 milliards d’euros, une somme énorme, dont le paiement est peu vraisemblable de la part de la ville de Berlin. D’ailleurs, l’expropriation est censée par ailleurs s’appuyer sur la constitution allemande ; or, cette dernière parle de biens communs à protéger, mais pas des logements, évidemment.

Cependant, on voit qu’en fait c’est la question de la propriété qui est surtout mise en avant, au-delà de la possibilité de concrétisation d’un tel référendum. C’est là quelque chose de normal à Gauche, mais malheureusement cela a totalement disparu en France depuis bien longtemps. À la Gauche historique de réactiver cela.

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MJS : Génocide contre les Tutsi, la France doit reconnaître sa responsabilité

Communiqué du Mouvement des jeunes socialistes :

« Génocide contre les Tutsi, la France doit reconnaître sa responsabilité

À l’occasion de la 25ème commémoration du génocide contre les Tutsi au Rwanda, les Jeunes Socialistes rappellent leur combat pour la vérité, la justice et contre le révisionnisme.

Alors que deux historiens ont été écartés de la commission chargée de faire la lumière sur le rôle de Paris concernant ce génocide, Emmanuel Macron refuse de participer aux commémorations à Kigali.

Toute la famille socialiste doit désormais reconnaître le rôle de plusieurs de ses responsables, placés au plus haut niveau de l’appareil d’Etat à la fin du second septennat de François Mitterrand.

Les Jeunes Socialistes s’associent à la tribune rassemblant 280 universitaires, enseignants et intellectuels qui dénoncent la composition de cette commission et réclament les conditions d’un examen indépendant des archives nationales.

La France doit reconnaître sa responsabilité dans la collaboration avec le pouvoir Hutu avant, pendant et après le génocide contre les Tutsi.

Les Jeunes Socialistes continueront d’exiger la vérité par respect pour les rescapés et pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus jamais. Nous appelons notre famille politique à participer officiellement aux commémorations. »

La tribune dont il est question dans le communiqué : le courage de la vérité

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La ligne « François Mitterrand » du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD)

Le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) vient de terminer sa grande convention pour établir sa plate-forme en vue des élections européennes. La différence est marquante par rapport au Parti socialiste en France, puisqu’on a quelque chose de très ouvert sur le plan des décisions, avec des compte-rendus et les documents proposés par les sections à la base, etc.

Sur le plan du contenu, cela reste dans les normes de la social-démocratie allemande, avec donc toujours une insistance sur la modernisation de l’économie et des sécurités pour les travailleurs, le refus des démantèlements sociaux et de la logique du militarisme.

On peut bien entendu critiquer cela comme hypocrite, vide de sens ou bien vain ; il n’en est pas moins vrai que le SPD assume une posture très François Mitterrand des années 1980, ce que le Parti socialiste ne parvient même pas à faire dans notre pays, ni même d’ailleurs Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon.

Voici également des extraits des différentes propositions qui ont pu y être faites, qui n’ont pas été choisi au hasard. De par leur contenu, ils font passer le PCF pour une sorte de mouvement de centre-gauche. Cela montre bien l’incroyable glissement à Droite de la politique française depuis une vingtaine d’années au minimum.

Voici ce que dit notamment le SPD de Berlin :

« Nous avons conscience que la prétendue « eurocrise », tant eu égard aux discussions sur le sens et la valeur d’un moyen de paiement européen unitaire, qu’à l’état et les possibilités de développement d’un niveau de structuration démocratique bourgeois, n’est en réalité qu’une crise des banques.

La discussion quant à une « crise de l’Union Européenne » est une manœuvre de diversion par rapport à la crise d’accumulation du capitalisme dans sa phase mondialisé, néo-libérale. La crise, en tant que telle, est immanente au système économique capitaliste.

Cette fois, les capitaux sont parvenus de manière quasi parfaite à socialiser les coûts de la crise. Les réflexes de défense de groupes inquiets dans la population, qui se sentent menacés par des pratiques néo-libérales comme la monétarisation dans tous les domaines de la vie, aboutissent au renforcement des forces nationalistes, dont le summum est le Brexit.

Le renforcement du nationalisme dans certains États et certaines régions de l’Union européenne ne se produit ainsi pas seulement au sens de stratégies d’entreprises pour s’assurer des structures de type monopolistes. Il s’agit également, en plus de cela, de détruire la base pour la solidarité et en même temps de masquer les véritables causes de la crise.

Les mouvements nationalistes actuels sont unis dans l’objectif de former un État sans droits pour la majorité de la population dépendante d’un salaire. C’est pour cette raison un devoir de la social-démocratie internationale, comme mouvement internationaliste, d’opposer une union sociale européenne au néo-libéralisme mondialisé. »

Voici un extrait de la proposition du SPD de Braunschweig :

« Le nationalisme, c’est la guerre ! Cette phrase connue de l’ancien président français François Mitterrand est toujours valable.

Les pères et mères fondateurs de l’Europe avaient directement sous les yeux ce qu’amènent le nationalisme et le fascisme : la mort, la souffrance, la haine et la destruction étaient encore présentes dans toutes les têtes des années après la guerre.

Il y avait besoin de courage et de vue à long terme pour aborder ensemble les problèmes urgents comme la faim, la reconstruction des infrastructures, ou le contrôle des biens importantes pour la guerre, et pour ainsi poser les fondements pour une Europe avec une paix durable. »

Voici un extrait de la proposition du SPD Unterbezirk Ennepe-Ruhr (Nordrhein-Westfalen) :

« Un capitalisme de plus en plus autoritaire, une démocratie vidée de son contenu et les peurs sociales existentielles, tout comme la perte de contrôle social et individuel, sont le terrain sur lequel fleurit la mentalité nationaliste.

Le processus de renationalisation et le renforcement de partis autoritaires ethno-patriotiques et nationalistes n’ont pas du tout encore été bloqués et fait reculer, bien que les partis de droite comme récemment en France ou aux Pays-Bas sont restés en-deçà des croissances de voix attendues (…).

La retombée dans le nationalisme – en particulier allemand – correspond à une pensée et une politique qui a aboutit à deux catastrophes désastreuses lors du dernier siècle.

Le SPD est dans son histoire tourné programmatiquement international et pro-européen, comme politiquement pour la paix et la solidarité. La voie va de la revendication « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » du Manifeste communiste, à celle des « États-Unis d’Europe » du programme de Heidelberg, jusqu’à la politique de désescalade et de paix de Willy Brandt ou son rapport Nord-Sud sur la situation catastrophique dans le pays du Sud. »

 

https://www.youtube.com/watch?v=yUYaZmFJd3A

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Politique

La fin de l’État islamique et les islamistes

L’État islamique a perdu le dernier territoire contrôlé. Quelle va être la conséquence sur la mouvance islamiste ? C’est une seconde vague terroriste qui se profile, tout à fait différente.

L’État islamique a perdu hier son dernier territoire, en Syrie, à la frontière avec l’Irak. Ce sont les forces kurdes, dans le cadre d’un front « démocratique » avec le soutien américain, qui ont mis fin à ce régime de terreur et exportateur de terrorisme. De par son importance en tant que phénomène monstrueux et de par son impact en France, il y a lieu de porter un regard approfondi sur les islamistes dans leur rapport à cette perte de territoire.

Les islamistes ont, en effet, des réactions très diverses par rapport à tout cela et cela va juger de manière très forte sur leurs dynamiques. Il va de soi que pour des raisons d’ordre pratique – à la fois par souci de clarté et pour éviter d’aider intellectuellement les islamistes en question – l’article ne rentrera pas dans les détails sur les plans des références.

Il faut bien ici avoir en tête que la mouvance islamiste est évaluée à 20 – 25 000 personnes en France (comme par ailleurs en Allemagne ou en Grande-Bretagne). Cela amène à évaluer la base sympathisante au sens très large au double ou au triple ; la part de gens prêts à basculer dans le terrorisme est estimée à 4000 personnes (qui sont censés à ce titre être surveillés de près par les services secrets français). C’est énorme.

Quand on parle des islamistes, on peut voir qu’il existe trois blocs. Il y a les salafis de type piétiste, qui veulent vivre à l’écart du monde moderne ; il y a Al-Qaïda ; il y a l’État islamique. Leurs perspectives sont très différentes, leurs sensibilités et leurs théologies sont en apparence les mêmes, mais les démarches n’ont rien à voir.

Ainsi, les piétistes ne considèrent pas qu’il soit possible de faire de la politique, il faut organiser une vie à l’écart. La fin de l’État islamique va indubitablement les renforcer, au sens où cela signifie que la politique islamiste n’a aucune chance de réussir et qu’il faut donc passer par un sectarisme culturel, un communautarisme virulent et strict, un refus catégorique du monde moderne sur lequel il faudrait grignoter des espaces. Ce n’est pas une bonne nouvelle.

Al-Qaïda, en toute logique, devrait profiter de la fin de son principal concurrent. Depuis le départ, Al-Qaïda dit que la conquête d’un territoire centralisé est voué à l’échec. Il devrait donc en découler un certain prestige pour cette « clairvoyance » et cette organisation criminelle devrait en profiter. Cela ne sera pas le cas.

Al-Qaïda a d’énormes problèmes internes sur le plan de la direction. L’un de fils de Ben Laden est en train d’être stylisé comme chef à venir, mais rien n’est fait. À cela s’ajoute un gros problème de structures et Al-Qaïda a choisi de rester, coûte que coûte, sous la coupe des talibans afghans, afin de disposer d’une base géographique protectrice. Cependant, les talibans ont un agenda islamo-nationaliste, ce qui est différent d’Al-Qaïda.

Il en va de même avec les forces syriennes « révolutionnaires », qui soutiennent Al-Qaïda dans leur majorité, mais ont rompu leur allégeance par souci pratique dans le cadre syrien. Seul un tout petit groupe a maintenu une allégeance formelle. Ce n’est pas bon pour le prestige. Et c’est d’autant plus problématique que l’État islamique a siphonné la plupart de ses propres réseaux historiques. Al-Qaïda est donc en perte de vitesse générale, notamment dans sa production médiatique, et n’est pas en mesure d’assumer le « jihad mondial » qu’il propose. Il ne reste que l’attente ou une tentative de fuite en avant particulièrement sanglante.

Reste l’État islamique. Peu de gens le savent, mais de très graves dissensions le caractérisent depuis environ deux ans. À la base, l’État islamique est une théocratie et son justificatif idéologique est très simple : sans califat, on ne peut pas être musulman, car il faut un calife pour gouverner les croyants. Tant qu’il y avait l’empire ottoman, cette nécessité religieuse de l’Islam pouvait passer au second plan, mais depuis 1918, cette question est un serpent de mer qui a fini par parvenir sur le devant de la scène.

Face à la pression extérieure, les religieux ont cependant vécu de manière surtout cachée et ce sont les forces militaires – organisées en clans, avec des chefs de guerre – qui ont pris le dessus. À l’arrière-plan, il y a également les chefs d’origine irakienne qui ont pris le dessus. De par l’absence de hiérarchie claire et par les espaces laissés aux chefs de guerre, à quoi s’ajoute une idéologie fanatique, tout cela a provoqué une vaste corruption et des liquidations en série, de torture généralisée dans une atmosphère de paranoïa, notamment chez les lettrés se préoccupant de théologie et chez les militants venant des pays occidentaux.

Depuis deux ans, un vaste mouvement de critique interne est donc apparu dans l’État islamique. Pour cette raison, la fin de l’État islamique est évaluée de manière très différente par les deux fractions. Celle qui est légitimiste considère que l’échec actuel est une épreuve : Dieu est là pour vérifier l’authenticité de l’engagement de l’élite musulmane. Selon ces islamistes du « canal habituel », la situation est simplement là pour les éprouver. Il n’y a rien à changer, même si en pratique la seule légitimité de l’État islamique était sa territorialisation.

En revanche, pour les autres, ce qui se déroule est une « punition divine ». L’État islamique n’a pas été à la hauteur et c’est pour cela qu’il a été puni. Il a beaucoup été parlé d’une jeune femme britannique désireuse de retourner dans son pays, car elle avait un enfant, et qui a tenu des discours très favorables à l’État islamique, regrettant juste une fin chaotique et sa défaite finale. Eh bien c’est exactement représentatif de la ligne néo-romantique de ce qui est en quelque sorte un « canal historique ».

Il y a là quelque chose de terriblement dangereux. On a ici affaire à une démarche non plus simplement apocalyptique, comme avec l’État islamique qui s’imaginait mener la bataille quasi finale, mais post-apocalyptique. Le seul parallèle possible, pour saisir l’esprit de tels gens, est avec la posture du dernier carré d’islamistes lors de la guerre civile algérienne. Après avoir attendu le caractère de mouvement de masse avec le FIS et son bras armé, les défaites ont abouti à des groupes islamiques armés basculant dans un terrorisme criminel tout azimut, tout à fait en écho d’ailleurs avec les tendances régulières du FLN pendant la guerre d’Algérie à frapper indistinctement, y compris dans ses propres rangs.

Ce qui amène à un autre problème : les durs des durs de la première génération du jihad viennent d’Algérie, mais ce pays est un territoire perdu. En 2018, il n’y a pas eu un seul attentat à la bombe islamiste en Algérie, pour la première fois depuis vingt ans, alors qu’en même temps il y a eu de très nombreuses arrestations, mille armes (pistolet, mitraillette, grenades, etc.) confisquées. La frénésie criminelle des islamistes pendant la guerre civile des années 1990 a « vacciné » une large partie de la population et les manifestations contre le président algérien Bouteflika ne prennent pas du tout un virage pro-religieux, malgré la force énorme du piétisme-quiétisme islamiste en Algérie.

Or, les « néo-romantiques » auraient largement espéré un prestigieux « retour aux sources », afin de combler leurs besoins en termes d’images symboliques. Ils ne peuvent pas l’avoir : ils seront par conséquent obligés de se tourner vers la France – si l’on considère que l’idéologie islamiste est aussi, voire largement dans sa genèse historique, le produit de l’absence d’identité nationale bien définie au moment de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, aboutissant pour combler ce manque à l’utilisation massive et mystique d’un Islam identitaire et néo-féodal.

Dans tous les cas, l’émergence d’un islamisme « néo-romantique » des décombres de l’État islamique semble inévitable ; dans les faits, la scission est déjà faite et l’affrontement idéologique existe depuis deux ans déjà. La guerre d’interprétation entre la thèse de « l’épreuve » et celle de la « punition divine » ne peut qu’aboutir à une scission déjà réalisée dans les faits.

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Ce que montre le chaos du Brexit sur le capitalisme

Loin d’être quelque chose d’organisé, le capitalisme est profondément chaotique. Les crises sanitaires, sociales, économiques, etc. sont le pendant inévitable d’un système fondé sur une compétition acharnée. L’expansion du capitalisme se ralentissant, ces crises vont s’exprimer de manière plus abrupte, mais les gens seront-ils en mesure de les interpréter correctement ?

« Vote Leave », Londres, 7 juin 2016

En Grande-Bretagne, les personnes avec des maladies chroniques ont été très inquiètes du fait que certains médicaments risquent de ne plus être disponibles. C’est en effet possible, mais aucune administration n’est capable d’évaluer cela, pas plus que les entreprises. Cette absence de maîtrise d’une chose aussi importante est très grave. Elle montre cependant une chose très importante : le capitalisme ne contrôle rien du tout.

Cela pose un double problème. D’abord, il y a le fait que les gens ont pris l’habitude de pouvoir consommer comme ils l’entendent, dans le cadre d’une société de consommation où une forme d’abondance est la règle. Si jamais il y a des manques, des choses devenant inaccessibles, les gens vont très mal le prendre. Ils ne vont pas se dire que le capitalisme est dépassé, ils vont simplement se dire qu’il y a du sabotage, des gens empêchant le capitalisme d’être lui-même. Les gilets jaunes ne disent pas autre chose, même si chez eux ce n’est pas le chaos du marché, mais l’affaiblissement du pouvoir d’achat qui joue.

Ensuite, il faut voir que cela implique des crises sévères, dont la nature ne peut pas être déterminée à l’avance. Il y a l’exemple de la crise des lasagnes produites illégalement avec de la viande de cheval, celle de la crise des pestes aviaire, porcine… celle des déchets plastiques dans l’océan, des déchets dans l’espace… Il y a le réchauffement climatique, les couches pour bébés contenant des produits dangereux… Le capitalisme s’occupant de tous les aspects de la vie, tous les aspects de la vie sont menacés.

Certains en ont conscience et disent, à l’instar du PCF ou de Benoît Hamon, qu’il faut renforcer l’État, les institutions européennes, les institutions internationales. Cela présuppose deux choses : tout d’abord que ces forces aient la capacité de rectifier le capitalisme, ensuite qu’elles aient le moyen de comprendre ce qui se passe pour organiser de telles rectifications. Or, bien malin celui qui est capable d’entrevoir un semblant de logique dans le chaos général qui se profile de plus en plus. Rien que l’incapacité à faire face au Brexit montre qu’une telle chose n’est pas possible. Si les meilleurs cadres d’un État moderne comme le Royaume-Uni ne parviennent pas à gérer une chose si importante, qui peut prétendre le faire à l’échelle mondiale ?

Et, de toutes façons, le capitalisme met toujours devant le fait accompli. Prenons l’exemple du chantier de l’EPR de Flamanville. Il fait partie de quelque chose de très surveillé, puisque le domaine du nucléaire exige beaucoup de sécurité. L’administration est donc aux aguets, surtout que le nucléaire fait partie des exportations « à la française ». Or, que voit-on ? Que le chantier, qui a débuté en 2007, va être prêt en 2020, ce qui l’amène à avoir… dix ans de retard. Une centrale nucléaire avec dix ans de retard, alors que les ingénieurs, les techniciens, l’État, etc., y accordent une attention extrême, sont censés tout planifier à la virgule près ? C’est dire le problème.

Dans tous les cas, de toute façon, la vérification, la surveillance, la supervision… demandent des moyens, et il n’y en a pas. Les États tout comme les grandes institutions sont en faillite. Dans de nombreux milieux d’ultra-gauche on fantasme sur un État de surveillance totale : non seulement ce n’est pas encore réalisable techniquement, mais surtout cela coûterait trop cher, alors que les États ont déjà des dettes gigantesques. Il faudrait un doublement, un triplement de l’activité économique et ce pendant des années pour que les États renflouent leurs caisses, et encore.

Il n’y a donc pas 36 solutions. Soit on rationalise à la hache ce qui relève du chaos, soit on se fait déborder par lui, en espérant que cela passe sans trop de casse. Il faut ici noter cette chose terrifiante quand on y pense : la société britannique attend de manière totalement passive de voir ce que va donner le Brexit. Elle ne manifeste nullement son mécontentement, son inquiétude ; elle attend sans rien faire, ne dépassant pas les murmures. C’est quelque chose de très grave, témoignant d’un déficit démocratique total.

Cela doit inquiéter, car quand on est de Gauche, on est démocratique, et donc on veut que la rationalisation soit faite par le peuple. Mais s’il n’y a pas de peuple à la hauteur pour prendre les choses en main ? Eh bien en ce cas, on a le grand risque que l’on connaît par le passé : la rationalisation se fait par une minorité démagogique s’appuyant sur le nationalisme pour rationaliser dans le sens du protectionnisme et de la guerre. Cela s’appelle le fascisme, qui au moyen du « corporatisme », du « socialisme » national… remet le capitalisme « en ordre », au moyen de « plans » qui ne sont que l’établissement d’une industrie au service de la guerre.

Il est d’autant plus dommage qu’à Gauche, beaucoup de gens aient abandonné la conception selon laquelle le capitalisme, c’est le chaos. Ils pensent surtout que le capitalisme est quelque chose d’organisé, mais dans un sens mauvais. Tout serait une question d’organisation « différente ». Ce n’est pas le cas du tout ; cela ne peut pas être le cas dans une forme sociale fondée sur la compétition, la concurrence. Et cela aboutit à l’illusion comme quoi le capitalisme obéirait aux lois, voire disposerait d’une certaine morale, de certains principes, ce qui est très grave, comme totalement illusoire.

Le capitalisme est chaos et si cela ne se voit pas lors de son expansion, car les déséquilibres ne durent pas longtemps, cela va être de plus en plus flagrant. Ne pas assumer son dépassement, ce serait laisser le champ libre au fascisme comme « réorganisation », « rétablissement », « rationalisation » en apparence du capitalisme, pour en faire une machine de guerre.

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Guerre

L’effondrement des investissements chinois en Europe et aux États-Unis

La Chine monte en puissance sur le plan technologique et industriel, et les États-Unis ne comptent pas accepter d’abandonner leur position de force. On va vers un conflit armé pour le repartage du monde et l’effondrement des investissements chinois en Europe et aux États-Unis est un reflet de cette montée de tension à l’échelle mondiale.

Les journaux économiques mondiaux ont beaucoup parlé ces derniers jours des chiffres concernant les investissements chinois aux États-Unis et en Europe. On sait en effet que Donald Trump a lancé la guerre commerciale américaine contre la Chine ; tous les observateurs de « géopolitique » ont compris que les États-Unis ne comptaient pas attendre passivement que la Chine devienne une grande puissance militaire, ce qu’elle n’est pas encore.

La situation est donc de mauvaise augure et savoir si les investissements chinois se prolongent ou pas est un bon critère pour savoir quelle est la tendance de fond. Va-t-on vers la guerre ou bien les échanges continuent-ils comme avant, indiquant par conséquent qu’il y a au mieux des frictions ?

Il apparaît qu’on va au désastre : les investissements chinois aux États-Unis et en Europe se sont effondrés de 73 % par rapport à l’année dernière, passant de 111 à 30 milliards de dollars. La Chine ne se désengage pas : elle a des positions très fortes dans certains pays comme la Grèce. Sa présence continue également de croître en France, en Espagne, en Allemagne, ainsi qu’au Canada (de 80 % l’année dernière).

Mais elle sait qu’il n’est pas dans son intérêt de mettre l’accent de ses investissements dans ce qui risque de se retourner contre elle. La preuve de cela apparaît quand on sait que 66 % des investissements chinois vont en Asie, 12 % en Amérique latine, qu’il y a une présence chinoise massive en Afrique.

L’Europe et les États-Unis ne sont que des choix secondaires pour les investissements chinois et le repli chinois montre bien qu’on va vers un affrontement pour le repartage du monde.

Les États-Unis ne comptent évidemment pas attendre que la Chine se soit renforcée au point de parvenir à un éventuel équilibre militaire. D’où la guerre commerciale américaine contre la Chine, d’où l’arrestation d’une dirigeante de Huawei au Canada (et sa libération sous caution au bout d’un certain temps), d’où l’arrestation d’un cadre de Huawei en Pologne pour espionnage.

Huawei est en termes financiers la sixième plus grande entreprise de technologie, avec 170 000 employés ; les États-Unis ne comptent pas laisser cette entreprise continuer sa croissance. Il faut également penser à ZTE, qui fournit des entreprises de télécoms et des gouvernements dans 160 pays.

C’est parce qu’il représente la ligne de l’affrontement que Donald Trump a été élu, de même que Bolsonaro a été élu au Brésil, que le Brexit est devenu la ligne du Royaume-Uni, que des forces isolationnistes – protectionnistes – nationalistes sont au pouvoir ou au gouvernement en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Pologne, etc. Il faut bien entendu aussi prendre en compte la Russie, qui met de l’huile sur le feu. On aurait tort d’ailleurs de penser que la France ne relève pas de ce petit jeu, surtout avec sa présence massive en Afrique.

Dans un tel panorama, ne pas voir que la guerre est une tendance inexorable serait de la naïveté. Penser que la France, avec l’Union Européenne, pourrait éviter la guerre, serait également du cynisme, ou bien un espoir vain.

Il appartient à toutes les forces de Gauche de prendre conscience de ce à quoi amène la compétition mondiale sur le plan économique, et de prendre l’initiative pour faire face à la guerre qui vient. Il y a ici une responsabilité historique et ne pas l’assumer serait un crime !

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Politique

Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

Le Parlement britannique a massivement rejeté hier soir l’accord négocié par Theresa May avec l’Union Européenne pour organiser le Brexit, alors qu’il ne reste que quelques semaines avant l’échéance du 29 mars. Comment un tel chaos est-il possible alors que ce qui se passe est d’une très grande importance sociale, culturelle, et bien sûr économique ? Ce qui se révèle ici, c’est la quête exacerbée de chaque pays à tirer les marrons du feu, c’est-à-dire le renforcement du nationalisme.

Le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a parlé d’une « défaite catastrophique » pour le gouvernement de Theresa May, la « plus grande depuis les années 1920 ». Le vote avait en effet été reporté depuis le 11 décembre pour éviter un tel camouflet. Il était considéré qu’à moins de 100 voix d’écart entre les pour et les contre, la ministre aurait une marge de manœuvre pour renégocier avec l’Union Européenne, mais il y a eu 230 voix d’écart.

Le résultat du vote était attendu tellement la situation est tumultueuse au Royaume-Unis, la seule question était celle de l’ampleur de ce rejet. Celui-ci fut donc très grand, avec 432 voix contre et seulement 202 voix pour, ce qui plonge le pays dans une grande instabilité.

Ce rejet massif relève lui-même d’une grande confusion, car les votes contre ont exprimé des opinions diverses, soit pour dire qu’il ne fallait pas d’accord du tout, soit pour dire qu’il fallait rester dans l’Europe, avec bien-sûr toutes les nuances intermédiaires.

C’est là quelque chose de très chaotique et le bon sens voudrait qu’on procède à un nouveau référendum pour savoir si vraiment il y a une majorité pour le Brexit dans le pays. Cependant, les énormes conflits d’intérêts économiques existant au sein des couches sociales dominantes britanniques empêchent toute rationalité.

Cette proposition d’accord était d’ailleurs elle-même très irrationnelle, parce qu’inacceptable par nature pour un pays. Elle consistait pour le Royaume-Unis, de fait, à garder les règles européennes tout en perdant son pouvoir de décision vis-à-vis des pays membres de plein droit. C’était un bricolage pour faire face à l’urgence, pour tenter de gérer une situation ingérable au vu des différentes contradictions que posent cette sortie de l’Union Européenne.

Il faut bien se douter en effet de l’importance d’un vrai problème de fond, pour que l’une des principales puissances mondiales ne sache pas à ce point si elle veut être ou non dans l’Union Européenne. Il y a au sein des couches dominantes britanniques des partisans d’une alliance avec les États-Unis, d’autres d’un repli sur le Commonwealth, enfin encore d’autres d’une ouverture à l’Union Européenne, sans parler des différentes variantes plus ou moins intermédiaires entre ces options.

On ne sait pas trop qui a le dessus et l’Union Européenne elle-même aimerait bien le savoir, pour savoir si elle doit laisser ouverte la porte, si elle doit la fermer lentement ou carrément brutalement. En clair, avec les événements d’hier soir, puisqu’il n’y a pas d’accord, on peut même imaginer que le Brexit soit repoussé jusqu’aux élections du printemps… à moins que les frontières soient subitement reformées de manière stricte dès le 29 mars avec un « hard-Brexit » !

La question des frontières est d’ailleurs un grand problème ayant empêché tout accord cohérent puisque la question de l’Irlande est très complexe. S’il n’y a plus l’Union Européenne, alors il faut d’une manière ou d’une autre une frontière physique, et donc une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, qui entend de son côté plus que jamais rester dans l’Union Européenne. Sauf que personne n’imagine concrètement une telle frontière, même chez les plus ardents partisans du Brexit, cela d’autant plus que la question nationale irlandaise est encore très brûlante.

Il est évident qu’aucun décideur économique ne peut apprécier une telle situation, sans parler des gens normaux pour qui tout cela est très troublant. La société britannique ne peut qu’en être par ailleurs profondément tourmentée et divisée. Cela renforce l’ambiance anxiogène mondiale qui, avec Trump, Poutine, Erdogan, etc., n’en avait pas besoin.

Mais c’est malheureusement le sens de l’histoire. La Gauche n’a pas écrasé les forces faisant de la guerre un moyen de solution aux problèmes économiques et sociaux. On a beaucoup parlé du racisme comme vecteur d’une régression culturelle et sociale. Cela est juste, mais cela n’est jamais qu’une composante de la pratique de « diviser pour régner » allant de pair avec le principe comme quoi c’est par la guerre que se résolvent finalement tous les problèmes.

La mobilisation de la population vers de fausses solutions est un levier classique pour profiter d’énergies souvent sincères et aller plus efficacement dans le sens de la confrontation économique, politique, militaire. La question du Brexit, c’est évident, ne peut être comprise que dans son rapport avec la notion de guerre, de nationalisme, de bataille pour le repartage du monde.

Il faut souligner ici, pour ce qui nous concerne en France, le rôle absolument néfaste d’un Jean-Luc Mélenchon qui s’est empressé de saluer le résultat du vote :

« Accord Brexit rejeté à la chambre des Communes. L’Union européenne décompose les gouvernements qui pactisent avec elle »

« Le pire accord de libre-échange jamais accepté par la France vient d’être battu au Parlement anglais : pas de regrets »

Lui dont le succès est issu d’une vague de fond nationaliste ayant suivit le référendum sur la Constitution européenne en 2005, participe directement de ce climat délétère, voir franchement nauséabond, tendant à la guerre.

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Politique

Adam Andruszkiewicz, un fasciste au gouvernement polonais

Depuis 2015, la Pologne est gouvernée par le parti Droit et Justice, un parti réactionnaire et nationaliste. Le 28 décembre 2018, le réactionnaire Morawiecki, premier ministre polonais et membre du parti Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwosc), a appelé Adam Andruszkiewicz pour devenir le vice-ministre des affaires digitales.

Comme on l’apprend sur le site officiel du gouvernement polonais, Adam Andruszkiewicz en tant que nouveau Secrétaire d’État aura comme missions d’être le représentant du ministère au Parlement polonais et sera chargé de la mise en place de la 5G (la technologie télécoms succédant à la 4G) ainsi que des affaires de cyber-sécurité pour le pays.

Ce point est très important, car si l’on se penche sur son parcours, on comprend que c’est un véritable fasciste. Il y a donc largement de quoi craindre pour les donnés informatiques des militants de Gauche, qui pourraient « fuiter » dans les prochaines semaines… Cela, bien sûr, fait craindre directement pour leur sécurité.

Pendant ses études en relations internationales dans l’est de la Pologne à Bialystok, Adam Andruszkiewicz a rejoint le mouvement clérico-fasciste Młodzież Wszechpolska (MW), que l’on peut traduire par « jeunesse de Toute la Pologne ».

Ce nom est par ailleurs inspiré de l’organisation fasciste Związek Akademicki Młodzież Wszechpolska (union académique de la jeunesse de Toute la Pologne), créée par le théoricien « national-démocrate » Dmowski, connu dans les années 1930 pour ses actions antisémites.

Adam Andruszkiewicz est devenu le leader de l’organisation MW entre le 21 mars 2015 et le 2 juillet 2016, et a rejoint en 2014 le Ruch Narodowy (Mouvement National), la branche adulte de ce mouvement se voulant un rassemblement de nationalistes, puisque les fascistes de Oboz Narodowo-Radykalny en faisaient partie jusqu’en fin d’année 2015.

Lors du premier congrès du Mouvement National étaient présents les représentants du parti néo-nazi hongrois Jobbik, les fascistes italiens de Forza Nueva, ainsi que les franquistes espagnols de Democracia Nacional.

Sur directive stratégique de son parti, Adam Andruszkiewicz s’est présenté aux élections législatives de 2015 sous l’étiquette du mouvement populiste Kukiz ‘15, lancé par un chanteur populaire polonais.

Il a remporté son siège de député dans sa circonscription. Il démissionne alors du Mouvement National en 2016, et quelques jours après de la direction du MW, pour se consacrer à son nouveau mouvement, en créant une association à l’intérieur de celui-ci nommé  Endecja, qui se veut dans le prolongement idéologique du Związek Akademicki Młodzież Wszechpolska.

En rentrant au gouvernement, il a marqué un virage encore plus à droite, et avec le poste qu’il occupe maintenant, les personnes progressistes polonaises doivent véritablement craindre pour leur sécurité, puisqu’il y a quelque temps, il rendait hommage au NSZ, l’organisation fasciste anti-allemande et anti-communiste polonaise qui a tué des innocents après-Guerre.

Il arborait aussi fièrement des tee-shirts de cette organisation. À l’époque où il dirigeait MW, il voyait des communistes partout en Pologne et incitait à « tuer les ennemis de la Patrie » (Śmierć wrogom ojczyzny) – ce slogan étant repris par l’ensemble des forces réactionnaires et fascistes polonaises.

Depuis plusieurs semaines, Adam Andruszkiewicz avait montré son soutien à l’actuel premier ministre Morawiecki, notamment via des messages sur les réseaux sociaux. Le nouveau vice-ministre a montré à de nombreuses reprises sa haine de la Gauche et du progrès, son ascension au gouvernement et les moyens techniques qui vont être à sa disposition sont donc de terribles nouvelles pour les progressistes de Pologne et du monde entier.

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Société

Il y a 80 ans, la Nuit de Cristal

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 se déroule la progromnacht, connue en France sous le nom de nuit de cristal. Il s’agit d’un véritable pogrom à l’échelle du 3e Reich entier.

Synagogue de Karlsruhe, après la nuit de cristal

Ce progrom a été présenté comme réaction spontanée à la mort du diplomate nazi Ernst von Rahm tué courageusement par un jeune juif allemand d’origines polonaises de 17 ans à Paris. En effet Herschel Grynszpan, tua un des secrétaires de l’ambassade nazi à Paris en s’écriant : « vous êtes un sale boche et au nom de douze mille Juifs persécutés, voici le document. ». Les nazis ont joué de cela pour lancer leur campagne antisémite de la Nuit de Cristal.

Ce sont pas moins de 200 synagogues détruites, plusieurs milliers de commerces saccagés pour la seule raison qu’ils étaient exploités par des personnes juives. Plusieurs centaines de Juifs sont tués par les barbaries nazies, d’autres se suicident ou décèdent des suites de leurs blessures.

Les nazis cherchaient un prétexte depuis quelque temps pour lancer leur projet antisémite et ont maquillé leur projet en une révolte populaire, comme le présentera Goebbels le 10 novembre :

« Je présente les faits au Führer. Il décide : laisser les manifestations se poursuivre. Retirer la police. Les Juifs doivent sentir pour une fois la colère du peuple. C’est justice. Je donne aussitôt les consignes correspondantes à la police et au Parti. Puis je fais un bref discours en conséquence devant les dirigeants du Parti. Tempêtes d’applaudissements. Tout le monde se précipite immédiatement sur les téléphones. Maintenant, c’est le peuple qui va agir. »

Les nazis ont organisé cette nuit là

Il y aura à la suite de la Nuit de Cristal plus de 20 000 déportations. Rappelons cependant, que la Nuit de Cristal n’est pas non plus spontanée chez les dignitaires nazis, et elle s’inscrit dans un véritable projet :

  • Le programme de 1920 du NSDAP stipule déjà que les Juifs ne sont pas des citoyens, car n’étant pas des « camarades de race ».
  • Dans Mein Kampf, Adolf Hitler parle à plusieurs reprises d’une « Allemagne sans Juifs », « libérée des Juifs ».
  • Il y a un lynchage ainsi qu’un boycott des Juifs avant même que le NSDAP n’arrive au pouvoir.
  • En 1933, des premières lois antisémites sont mises en places, jusqu’en 1935 où sont mises en places les dites « lois de Nuremberg ».
  • En 1937 est diffusé « der Ewige Jude » dans les cinémas allemands, l’année d’après les passeports des Juifs sont confisqués, leurs prénoms réglementés, etc.

Le déroulement de la progromnacht

Goebbels finit son discours à Munich en début de soirée puis les membres de la Stosstrupp Adolf Hitler se déchaînent contre une synagogue à Munich. Dans les heures suivantes, la plupart des villes et villages allemands sont atteints par le pogrom.

Dans certaines petites villes des SS se font passer pour des civils et assassinent des Juifs supposés influents. Dans certaines villes la population assiste à des autodafés. Les Juifs sont humiliés publiquement, on les force à baiser le sol en étant frappés, à danser, à chanter, etc.

Cette nuit fut d’une cruauté…

La grande partie des masses populaires allemandes eut un comportement passif.

Cela ne doit plus jamais se reproduire. Alors que l’antisémitisme se fait de plus en plus virulent à notre époque, il faut connaître et reconnaître ce qui s’est déroulé en cette tristement célèbre nuit du 9 au 10 novembre 1938.

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Politique

Présidentielles brésiliennes : le succès ultra-réactionnaire de Jair Bolsonaro

Jair Bolsonaro a été élu avec un large succès à la tête de l’État brésilien. Fanatique anticommuniste, chantre de la religiosité, grand nostalgique de la dictature militaire, anti-écologiste primaire, il est un exemple de plus du grand repli nationaliste et militariste de chaque pays dans le monde.

Jair Bolsonaro a été élu ce dimanche de manière tout à fait nette, avec 55,1% des voix, soit 57,8 millions de votes, contre 44,9% soit 47 millions de voix à Fernando Haddad, qui tentait de maintenir en vie le cycle d’hégémonie du Parti des Travailleurs, qui prônait une Gauche engagée mais n’a dans les faits jamais cherché une quelconque rupture, provoquant un désenchantement profond dans la population.

Et permettant donc à quelqu’un comme Jair Bolsonaro de prendre la tête d’un mouvement de défense de la religion, de la famille et de la propriété privée, avec un véritable engouement en sa faveur. Poignardé lors d’un bain de foule durant la campagne présidentielle, il n’en est devenu que davantage la figure quasi christique du sauveur venant rétablir les valeurs originales, essentielles, d’un Brésil totalement idéalisé.

Ce n’est en effet pas un homme fort plaçant l’armée au centre du jeu qui pourra supprimer une violence sociale endémique à une société déséquilibrée socialement et paralysée économiquement, pourri par les grands propriétaires terriens qui sont d’ailleurs les grands soutiens de Jair Bolsonaro.

Un feu d’artifice a été tiré à Rio pour fêter la victoire de Jair Bolsonaro, alors que le lendemain de celle-ci, le lundi, la bourse de São Paulo connaissait un record, avec l’indice boursier Bovespo gagnant 2,4% dès l’ouverture, l’entreprise pétrolière Petrobras 3,6%, le réal prenant 1,4% face au dollar américain. Jair Bolsonaro est considéré comme l’homme adapté à la nouvelle étape.

Député depuis 28 ans, il aura de fait adhéré en tout à neuf partis différents afin de parvenir à se positionner comme l’homme de la situation, le chef autoritaire d’une énième restructuration du pays. Après la tentative d’une modernisation sociale avec le Parti des Travailleurs de Lula (désormais en prison pour corruption), qui entendait faire du Brésil une grande puissance avec l’appui de la population et à travers l’État, cela sera désormais une stratégie plus traditionnelle, par en haut, sans mobilisation de la base du pays.

Naturellement, Donald Trump s’est réjoui de cette victoire de Jair Bolsonaro et annonce un travail étroit avec lui. Marine Le Pen l’a félicité. Le parti d’Emmanuel Macron, qui est lui modernisateur – libéral, en fait par contre une cible. Une manière de résumer le monde à un affrontement entre libéraux libertaires et nationalistes ultra-réactionnaires.

On voit ainsi encore une fois ce que ne comprennent pas les libéraux. Les médias ont  ainsi largement repris en France les nombreux propos agressifs de Jair Bolsonaro, ses propos odieux sur les femmes notamment, en particulier son « Je ne te violerai pas. Tu ne le mérites même pas »  visant, en décembre 2017, Maria do Rosário, députée du Parti des travailleurs (PT), juste après qu’elle ait rendu hommage aux travaux de la Commission nationale de la vérité sur les crimes commis par la dictature militaire.

Cela est tout à fait inacceptable, mais si Jair Bolsonaro a gagné, c’est surtout parce qu’il a dit qu’un bon bandit est un bandit mort. En cela, il correspond aux attentes d’une population ne pouvant plus vivre dans l’ultra-violence caractérisant le Brésil. Jair Bolsonaro pose le principe d’un Etat de droit, ce qu’une véritable Gauche devrait faire, mais cela signifie accepter le principe de révolution, car seul un nouvel État peut réellement établir l’ordre dans un Brésil corrompu et possédé par les plus riches.

En s’entourant de généraux et en prétendant rétablir un ordre qui en réalité n’a jamais été là, Jair Bolsonaro a mis en place un romantisme capable d’ensorceler une partie majoritaire du pays.

L’avenir du Brésil s’annonce bien sombre et c’est un pays de plus qui tombe dans le giron des partisans du repli nationaliste et du militarisme. Le processus est général et correspond à la mise en place de nouveaux rapports de force, de nouvelles perspectives de guerre, pour le repartage du monde.

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Guerre

États-Unis : fin du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire

Donald Trump a annoncé que les États-Unis annulaient le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. C’est un pas de plus vers une situation de crise militaire mondiale, avec en arrière-plan la compétition américaine avec la Chine, afin d’empêcher un repartage du monde.

Number of warheads / year (USA, USSR/Russia)

Les années 1980 ont été extrêmement difficiles sur le plan psychologique pour les populations européennes, car la menace d’une guerre était omniprésente, d’autant plus que des missiles atomiques étaient disposés de part et d’autres des deux camps en présence. L’URSS avait à l’est disposé des missiles SS-20, tandis que les États-Unis plaçaient à l’ouest des missiles Pershing ainsi que des camions porteurs de missiles, les BGM-109G Gryphon.

De très nombreux films, notamment de science-fiction, reflètent cette angoisse apocalyptique (2010 le premier contact, Abyss, Wargames…), alors que de nombreux pays connaissaient de très nombreux mouvements d’opposition. L’Angleterre notamment a connu un énorme mouvement anti-armes atomiques et l’Allemagne un énorme mouvement anti-guerre, alors qu’également des attentats anti-OTAN ou anti-guerre se multipliaient en Belgique, en Allemagne, en Italie, en France, etc.

La situation a connu une rupture totale avec le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, qui mit de côté ces missiles à partir de 1988. Cela correspondait à l’effondrement de l’URSS sous le poids économique monstrueux de son gigantesque complexe militaro-industriel ; le nombre de têtes atomiques soviétiques dépassait largement celui des États-Unis, par exemple.

En supprimant les missiles dont la portée était entre entre 500 et 5 500 km, on sortait de la confrontation violente offensive, pour en revenir à une ligne de friction et de menace nucléaire générale en cas de conflit ouvert. Cet équilibre de la terreur empêchait une confrontation franche, mais non totale.

En annonçant la fin de ce traité, Donald Trump retourne à la position offensive, visant de manière implicite la Chine. Celle-ci n’a jamais signé le traité, n’étant à l’époque pas du tout concerné. Comme l’affrontement américano-chinois est à l’ordre du jour, les États-Unis prennent l’initiative, même s’ils prennent comme prétexte que la Russie n’obéirait plus au traité.

D’ailleurs, on ne s’y est pas trompé il y a déjà un peu plus d’un mois, lors de l’université d’été de la défense. La ministre des armées Florence Parly a donné le ton lors du discours de clôture, à l’École militaire, résumant la question stratégique :

« Le doute s’est installé : pourrons-nous toujours compter, en tous lieux et en toutes circonstances, sur un soutien américain ? »

Car les États-Unis ont une obsession : empêcher l’émergence de la Chine, qui compte remplacer les États-Unis comme puissance dominante du capitalisme mondial. Les États-Unis veulent conserver leur hégémonie, la Chine veut un repartage du monde. C’est la guerre qui se profile.

Les capitalistes d’Europe s’inquiètent donc de tout cela. Le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, a qualifié d’urgent et de clair l’objectif d’une « autonomie stratégique européenne » ; la ministre de la défense allemande, Ursula von der Leyen, présente à l’ouverture, a appuyé cette exigence d’une « Europe souveraine ».

En arrière-plan, il y a l’idée de former un troisième bloc, capable d’avoir bien plus de puissance que des pays seuls. Tout dépend ici du « couple franco-allemand », dont Emmanuel Macron est un partisan absolu, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen étant les représentants de la ligne du « cavalier seul ».

La seule position de Gauche possible ici ne peut être que l’affirmation du refus catégorique de la guerre et du militarisme, des valeurs guerrières et de l’esprit expansionniste, depuis les jouets sous la forme d’armes au budget de l’armée. Les peuples du monde veulent la paix, le capitalisme amène la guerre : il faut choisir son camp.

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Société

Où en est le meurtrier « État islamique » ?

Les attentats sanglants en France ont profondément marqué les esprits, et pourtant l’État et les médias en France font comme si la question de l’État islamique était réglée. Tout comme « Je suis Charlie » a été effacé des marqueurs culturels, une réflexion critique sur le fanatisme religieux est censée passer à la trappe. Or, l’évolution de l’État islamique laisse entrevoir une contribution future directe et indirecte de celui-ci à la confusion et au meurtre.

L’État islamique a disposé d’un grand prestige dans une partie significative des musulmans du monde, pour une plusieurs raisons très simples :

– il proposait un « retour » fictif à des mœurs datant de l’époque suivant immédiatement l’émergence de l’islam ;

– il proposait un « retour » à une base territoriale considérée comme le patrimoine « naturel » de l’islam ;

– il concrétisait la nécessité dans la religion musulmane de vivre sous un califat.

Quelle que soit l’interprétation de l’islam des musulmans sunnites, ils ne pouvaient que considérer que ces points avaient au moins une certaine valeur. L’État islamique n’est cependant plus en mesure de conserver intact ces promesses à la communauté musulmane mondiale.

À son apogée, l’État islamique revendiquait 35 wilayas, c’est-à-dire des provinces. 19 se trouvaient en Syrie et en Irak, 16 dans d’autres pays. Le terme sous-entendait une idée d’administration et l’État islamique menait une intense propagande médiatique pour souligner sa capacité d’organisation étatique au niveau local et régional. Désormais, l’État islamique ne revendique plus pour l’Irak et la Syrie que la Wilayat al-Sham et la Wilayat al-Iraq. Les trois provinces qu’il revendiquait en Libye ont également été condensées en une seule.

Dans le Sinaï, l’État islamique est très fortement actif, bien plus que les groupes alignés sur Al Qaïda, comme le Jamaat Jund al-Islam, mais ses perspectives sont bloquées par l’État égyptien, dans une région de toute façon isolée. En Afghanistan, il réalise encore des attentats comme à Kaboul et dispose d’une petite enclave dans le Khorasan, mais il reste absolument marginal comparé aux Talibans qui allient de leur côté un discours islamiste combiné à un patriotisme très affirmé excluant toute perspective mondiale à court terme.

En Arabie Saoudite et en Algérie, l’État islamique ne semble plus véritablement actif. Le territoire gagné au Nigéria en mars 2015 a été perdu dès août 2016 et qui plus est son dirigeant, celui de la Jamaat Ahl al-Sunnah lil-Dawa wa al-Jihad (connu comme « Boko Haram »), a fait sécession, ce qui aboutit à des affrontements internes alors que l’État islamique tente de se maintenir dans le nord-est du Nigéria et autour du lac Tchad.

Rappelons ici qu’au Mali, la grande offensive islamiste avait été menée non pas par l’État islamique, mais Al Qaïda, encore active surtout avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Il y a désormais 12 000 soldats de l’ONU actifs, 4500 Français pour l’opération « Barkhane », alors que l’État malien dépense désormais 23% de son budget pour son armée.

Et c’est là que le problème commence à se poser justement. L’État islamique a échoué dans sa perspective territoriale, que justement Al Qaïda considérait comme impossible à mener. L’échec de l’un va profiter au second. Non seulement l’État islamique, dans son effondrement, va continuer à semer la confusion et le malheur, jusqu’à son extinction… mais son échec va profiter à son concurrent direct, qui lui raisonne en termes de terrorisme mondial.

A l’ultra-centralisme de l’État islamique – tout est décidé par le noyau dur, de manière absolue – va succéder une relative décentralisation du terrorisme islamiste, par Al Qaïda. Qui plus est, Al Qaïda raisonne en termes de cadres, et non pas en termes de recrutement rapide de personnes en rupture. Cela pose donc une menace terrible pour le futur.

Il serait en effet absurde de considérer que, malgré l’absurdité des religions en général et l’échec de l’islam à réaliser un projet social positif (que ce soit avec l’Arabie Saoudite wahhabite ou l’Iran chiite, deux théocraties, ou bien l’Algérie militaro-musulmane actuelle, la Libye et le « livre vert » de Kadhafi, l’État islamique, etc.), il ne reste pas le romantisme. En fait, il ne restera justement plus que ce romantisme ! Et il y a là matière à beaucoup d’irrationalisme, y compris meurtrier.

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Politique

Aufstehen et la reconquête en Allemagne du peuple passé à l’extrême-droite

L’un des objectifs de la Gauche est de reconquérir les secteurs populaires qui sont passées à l’extrême-droite, en considérant non pas que ces gens sont « débiles », mais qu’ils expriment quelque chose qui a été dévié dans une mauvaise direction.

Sahra Wagenknecht

Les événements de Chemnitz à l’est de l’Allemagne ont rappelé le caractère vital de cette question. La mort d’une personne tuée par un migrant à coup de couteau a provoqué des rassemblements en série à l’appel de l’AFD, avec une forte présence de nazis et une série d’incidents, d’agressions racistes. Des milliers de personnes ont participé à ces rassemblements, happés par la dénonciation populiste, tendanciellement pogromiste.

Sahra Wagenknecht n’a pas participé au rassemblement de 65 000 personnes à Chemnitz contre les initiatives nazies, considérant que l’objectif n’est pas de marquer le coup, mais bien de reconquérir la base populaire. Voici comment dans une interview au média Watson, elle explique la démarche de son mouvement Aufstehen à ce sujet.

« Je ne pense également pas qu’on renforce sa position contre le radicalisme de droite et le néo-fascisme en étant dans une ville particulière, un jour précis (…). Des initiateurs d’Aufstehen étaient à Chemnitz [au rassemblement anti-nazi] (…).

Il ne s’agit pas de la question des nazis, qui font le salut hitlérien dans la rue et traquent les gens ayant l’air différent. Ils concernent l’État de droit. Il en va de beaucoup de gens qui votent AFD aujourd’hui et vont en partie également aux manifestations organisées par l’entourage de l’AFD.

Qui les catalogue comme nazis se rend la vie trop facile, car beaucoup d’entre eux votaient encore il y a quelques années SPD ou Die Linke (…). Je veux qu’on reconquiert la rue à Pegida et aux gens de droite. Actuellement, le gouvernement est en permanence soumis à une pression de droite. Nous avons besoin d’avoir enfin de nouveau un mouvement avec des revendications sociales dans les rues (…).

Je veux empêcher que par colère et mécontentement, des gens se fassent piéger par les droites. C’est un développement qui fait peur lorsqu’une manifestation à laquelle participent des nazis parvient à regrouper 7000 personnes. Il n’y avait pas cela auparavant et je ne veux pas accepter une telle évolution (…).

Quand je vois qu’une majorité en Allemagne veut une politique plus sociale, alors je trouve cela très encourageant. Cela montre que l’esprit de l’époque n’est pas de droite. Que nous avons une majorité qui soutient ce qui était de par le passé une politique classique de gauche.

Le souci est que malgré ce rapport, cette majorité, nous avons dans les parlements [national et régionaux] toujours des droites toujours plus fortes. L’AFD n’a aucunement l’intention de s’impliquer pour davantage de justice en Allemagne. Ce n’est pas du tout dans son agenda. C’est pourquoi il faut faire face à cette tendance (…).

Nous défendons le droit d’asile, et ce sans conditions, qui est pourchassé doit recevoir une protection. Pour le reste, l’immigration doit être régulé et limité. Pour la migration économique, il faut faire attention à ce que cela n’aboutisse pas au dumping des salaires (…).

Il n’y a pas seulement comme alternative des frontières totalement ouvertes ou une fermeture totale. Une position raisonnable se tient naturellement entre les deux. Et nous devons toujours avoir en tête les conséquences de notre politique dans les pays d’origine.

Pour le moment, il se passe que nous engageons les couches moyennes qualifiées des pays pauvres, que nous amenons par exemple ici leurs médecins, comme s’il n’y avait là-bas pas de malades.

Nous renversons les frais de formation vers les pays pauvres. C’est quelque chose sans aucune responsabilité et cela n’a rien à voir avec l’internationalisme (…).

Les plus pauvres de ce monde n’obtiennent rien de frontières ouvertes. Qui crie famine au Yémen, qui crie famine au Sahel, n’a aucune chance d’arriver en Europe. Au lieu de cela, ce sont les couches moyennes qui viennent. Cela rend ces pays encore plus pauvres. Et cela permet à l’économie ici de faire des économies sur les formations et de comprimer les salaires. »

Die Linke