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Politique

« Comment Joseph Staline a soutenu la création de l’État d’Israël »

Le média Révolution permanente lance une polémique idéologique.

Manifestation du Parti Communiste d’Israël à Tel-Aviv, 1948

« Comment Joseph Staline a soutenu la création de l’État d’Israël » est le titre d’un article du média Révolution permanente, qui lance une polémique opposant concrètement Trotsky à Staline, au sujet de l’État israélien. En effet, le premier État à avoir reconnu Israël est l’URSS de Staline et l’État israélien n’a tenu que grâce aux livraisons d’armes tchécoslovaques, soit d’un pays républicain traditionnel mais avec une immense influence communiste et soviétique.

D’où la condamnation par Révolution permanente :

« Staline a commis de multiples crimes contre la classe ouvrière dans le monde entier. Un de ses crimes fut le soutien apporté à la fondation de l’Etat d’Israël, à l’époque où les trotskystes dénonçaient le sionisme et ses conséquences pour les populations arabes comme pour les travailleurs juifs. »

C’est très étrange comme positionnement, pour deux raisons assez évidentes. La première, c’est que cette polémique est vide, sans aucune actualité. Il y a un côté gratuit, comme pour se présenter plus anti-sioniste que les anti-sionistes, avec au passage une dénonciation de Staline (ou l’inverse, on ne sait pas trop).

La seconde, plus secondaire mais néanmoins importante, est que cela ne rime à rien. Tout le monde sait très bien que le mouvement ouvrier, dans son histoire, a rejeté le sionisme, étant donné que c’est un nationalisme faisant un choix identitaire « au-delà des classes », même s’il y a eu de fortes tendances pro-communistes. Dans l’Internationale Communiste, il a été demandé à ces forces pro-communistes de faire un choix et Staline n’a jamais eu d’autres positions, comme d’ailleurs le prouvent les campagnes d’arrestations de gens accusés d’être des agents sionistes en URSS, après 1948, alors qu’Israël avait choisi le camp américain.

Le mouvement communiste pro-Staline en Israël avait une ligne similaire de dénonciation du sionisme comme idéologie.

« La lutte contre le sionisme n’a rien à voir avec l’antisémitisme. Le sionisme est l’ennemi de l’ouvrier, tant de celui de confession hébraïque que celui qu’il ne l’est pas » Joseph Staline

Alors pourquoi l’URSS a-t-il reconnu l’État israélien ? Tout simplement en raison de la destruction des Juifs d’Europe. En 1945, 250 000 Juifs sont sans abri en Europe de l’Ouest et ne savent pas où aller, sortant pour la plupart des camps. 10 000 choisissent de rester en Allemagne, 80 000 de partir aux États-Unis qui décident de les accueillir, 130 000 de partir en Israël. La problématique juive devient un thème incandescent de la politique internationale. L’ONU décide d’une partition, que l’URSS soutient, considérant qu’il y avait une perspective démocratique.

On peut considérer que cela a échoué et que cela ne pouvait qu’échouer, de par la nature du projet sioniste. Mais l’URSS n’a pas reconnu le sionisme, il a reconnu des gens vivant à un endroit, dans un contexte historique particulier, ce qui n’a rien à voir. L’article de Révolution permanente dit qu’il ne fallait pas une telle reconnaissance, au nom de la ligne de la « révolution permanente ». Mais il n’y a pas de « révolution permanente », il y a la réalité. Et cette réalité indiquait que dans la population juive mondiale, Staline avait un immense prestige en 1945, les communistes apparaissant comme ceux ayant vaincu les nazis.

Encore faut-il reconnaître les Juifs comme des êtres de chair. Et c’est là le problème : de par les traditions antisémites, les Juifs sont aisément une « abstraction ». D’où l’étonnement par exemple des anti-sionistes de papier devant la passivité des Israéliens face aux bombardements sur Gaza, alors qu’en même temps le Hamas leur envoie des centaines de roquettes. A un moment, il faut être sérieux et analyser la réalité, en suivant deux lignes : la démocratie et le peuple. Là on voit facilement que la révolution palestinienne sans les femmes palestiniennes et sans toucher les travailleurs israéliens, cela ne marchera jamais.

Mais les phraseurs n’ont pas besoin d’analyser la réalité. Ils ont juste besoin de phrases.

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Guerre

Le fiasco de la Gauche israélienne

En se soumettant au sionisme, la Gauche israélienne s’est effacée.

Il est bien connu que les supporters du club de football de l’Hapoel Tel Aviv assument une identité de Gauche extrêmement offensive. C’est l’un des grands marqueurs en Israël, ou plutôt pratiquement le seul, qui subsiste grâce à sa dimension culturelle alternative. Tout le reste de la Gauche s’est fait liquider.

La raison de ce fiasco, gigantesque si l’on pense à la force historique de la Gauche dans ce pays, tient à la soumission progressiste au sionisme. En lieu et place de l’affirmation d’une solution démocratique judéo-arabe, il y a eu l’affirmation de la nécessité de deux États, au nom du maintien de l’idéal sioniste. Grâce à cela, la Droite a pu se présenter comme la seule réaliste, tout en prétendant une solution à deux États et en réduisant, en morcelant toujours plus le territoire palestinien.

Cela se comprend aisément à la lecture d’une tribune publiée dans Le Monde à l’initiative d’Ilan Greilsammer, un professeur de sciences politiques à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv. C’est une tribune intelligente, mais hors sol, intellectualiste, typique de ce qui reste de la Gauche israélienne :

« J’écris ces lignes en précisant que j’appartiens à la gauche israélienne qui, c’est vrai, est très minoritaire, mais peut s’enorgueillir de compter dans ses rangs la quasi-totalité des intellectuels israéliens.

Et je suis de ceux pour qui il n’y a qu’une seule solution possible, raisonnable et logique du conflit, deux Etats pour les deux peuples, car sinon c’est soit la fin du rêve sioniste, soit un Etat binational d’apartheid.

Pour nous, pour le camp de la Paix, ce qui est en train de se passer à l’intérieur d’Israël entre citoyens juifs et citoyens arabes est absolument dramatique. Lynchages, incendies de synagogues, coups et blessures, peur de ses voisins de palier, pillages, destructions… L’explosion de violence incontrôlée, non seulement dans les villes « mixtes », mais aussi dans tout le reste du pays, paraît sonner le glas de ce que nous croyions honnêtement être une forme de coexistence pacifique et de bon voisinage.

Où nous sommes-nous trompés ?

Nous tous, politologues et sociologues israéliens, nous nous sommes endormis car nous nous plaisions à croire que la coexistence se développait et ne faisait que se renforcer. Nous parlions de l’intégration croissante des jeunes Arabes à la société israélienne, nous aimions croire à leur « israélisation » accélérée. Leur vie n’était-elle pas beaucoup plus « facile » en Israël que dans nombre de pays arabes ?

Le grand nombre d’étudiants arabes dans nos universités et nos collèges universitaires, leur accession à des postes importants, dans le public comme dans le privé, l’étroite coopération judéo-arabe dans la lutte contre le Covid-19, avec le travail remarquable des médecins et infirmiers arabes aux côtés de leurs collègues juifs dans les hôpitaux, la présentation des villes « mixtes », Acre, Lod, Ramle ou Jaffa, comme des modèles exceptionnels de cohabitation et d’entraide, etc.

De l’autre côté, nous étions certes parfaitement conscients de l’existence d’une extrême droite raciste en Israël, mais nous aimions la considérer comme marginale, concentrée dans quelques organisations brutales, voire folkloriques, du genre « La familia », le noyau dur du club de football Betar de Jérusalem. Même Itamar Ben Gvir, chef du groupe d’extrême droite Otzma Yehudit, n’était pas considéré comme vraiment dangereux, tant ses résultats électoraux passés étaient insignifiants.

Or ce qui s’est passé les jours derniers dans tout le pays, parallèlement au cycle militaire avec le Hamas, a pris de court tous les spécialistes de la société israélienne. La soi-disant « israélisation » des jeunes Arabes israéliens, sans cesse représentée comme un succès, était une vision fausse, superficielle et surtout autosatisfaite de ce qui se passait en réalité.

La réalité, c’est d’abord et surtout le sous-développement économique et social et la pauvreté persistante d’une grande partie de cette population, le manque criant d’infrastructures de base dans les villages et les quartiers arabes, la discrimination évidente engendrant l’amertume et la jalousie, et aussi, comme dans bien d’autres sociétés arabes, l’impact croissant du militantisme religieux et l’influence de l’islamisme constamment diffusé dans les mosquées. Sans compter la montée de la violence interne et du gangstérisme dans les villes et les villages arabes.

C’est un peu comme si Israël, étourdie par la réussite de son high-tech et les lumières de Tel-Aviv, avait préféré fermer les yeux. Plus encore que le sous-développement, l’appel de la religion et les fantasmes autour de Jérusalem ont joué le rôle du plus puissant détonateur.

La police israélienne montant en force sur l’esplanade des Mosquées et lançant des bombes lacrymogènes dans Al-Aqsa, l’expulsion programmée d’habitants arabes du quartier de Cheikh Jarrah, la danse des drapeaux annoncée dans la Vieille Ville pour la Journée de Jérusalem [qui marque la conquête de la partie orientale de la ville par Israël, en 1967]… On voit surtout la stupidité, le manque de réflexion, de subtilité et, surtout, de prudence des autorités israéliennes en plein ramadan, période toujours très problématique à Jérusalem.

Quant à notre société juive, prise de court, comme lors de l’assassinat de Yitzhak Rabin [premier ministre israélien, tué le 4 novembre 1995], elle a découvert avec stupeur, mais beaucoup trop tard, que le kahanisme [courant créé par le rabbin américano-israélien Meir Kahane, assassiné en 1990] et le racisme s’étendaient bien au-delà des petits cercles très surveillés de l’extrême droite, des enragés des clubs de foot et des colons extrémistes impatients d’en découdre avec les Arabes.

Le principal responsable de ce développement de l’extrême droite est le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui, pour sauver à tout prix son pouvoir, a tout fait pour renforcer les fanatiques, les extrémistes et les racistes. Ainsi, lors des dernières élections, il s’est entièrement mobilisé pour faire élire la liste d’extrême droite.

Il est largement temps que cet homme, sous le coup de trois chefs d’accusation pour corruption, quitte le pouvoir car il ne laisse derrière lui que terre brûlée. Je pense aussi qu’il ne faut pas exempter de toute responsabilité les leaders de la population arabe, et surtout les députés arabes à la Knesset, qui ont été étrangement absents du terrain et ne se sont pas servi de leur influence pour faire cesser les violences. Malheureusement, l’extrême indigence du personnel politique israélien, juif et arabe, s’est révélée de façon éclatante lors de ces émeutes.

Alors, que faire à présent ? Reconstruire, reconstruire patiemment.

Lorsque l’affrontement entre Tsahal et le Hamas prendra fin, il faudra reconstituer soigneusement le tissu de la coexistence. Après ces violences ce sera difficile, très difficile, mais pas impossible. Il y a tant à faire !

Investir massivement dans la société arabe, lutter contre le gangstérisme et la pauvreté, reconnaître les localités encore sans infrastructures, restaurer le bon voisinage… Surtout, n’oublions jamais la vision de paix du philosophe Martin Buber (1878-1965), ou, plus récemment, celle de nos aînés, les écrivains Amos Oz (1939-2018) , Avraham B. Yehoshua et David Grossman.

Un tel pacifisme puise de manière unilatérale dans une position idéalisée du sionisme de gauche de l’époque des « pionniers » ; elle ne comprend pas que depuis 1948, le pays a été financé par les États-Unis et l’Allemagne qui ont permis le « miracle » israélien et son agressivité militariste. Tout serait de la faute de la Droite jouant avec le feu… des islamistes, des gangsters…

Une telle incompréhension du caractère réactionnaire d’Israël est étonnante, surtout qu’il est bien connu qu’une partie significative de la population a basculé dans une religiosité fanatique, ouvertement alliée aux projets expansionnistes de la Droite israélienne. On peut considérer que la majorité des Israéliens se situe dans cette orbite idéologique sioniste-religieuse.

Et une telle naïveté est d’autant plus choquante qu’une partie importante de la population vit dans la grande pauvreté, dans un pays sans sécurité sociale, avec quelques familles tenant une partie importante de l’économie aux côtés des grands groupes américains. Rien qu’une telle situation montre qu’Israël n’a rien d’une démocratie, qu’une oligarchie est aux commandes.

Israël est en fait un pays du tiers-monde, voilà la vérité. Et la Gauche israélienne a disparu pour ne pas vouloir l’avoir vu, au nom du mirage sioniste, dont le militarisme est par contre tout à fait concret.

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Guerre

Un conflit Israël-Gaza reflet de la bataille pour le repartage du monde

Il y a bien plus que deux protagonistes.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu dimanche 16 mai une nouvelle réunion d’urgence sur la situation au Proche-Orient, c’est même la troisième cette semaine, mais sans parvenir à établir une déclaration commune. C’est que le conflit entre Israël et Gaza n’est qu’un aspect de la grande bataille pour le repartage du monde.

Chaque puissance plus ou moins grande place ses pions, utilise les tensions et les affrontements comme leviers, mène un jeu machiavélique appelé « géopolitique », etc. Plus simplement, chaque pays est en crise et a besoin de la guerre, de manière plus ou moins volontaire.

Cela se déroule d’ailleurs clairement à l’écart des masses. C’est une actualité unilatéralement militariste. Les manifestations en faveur de la Palestine à travers le monde ont été totalement marginales, rassemblant quelques nationalistes arabes, un peu plus d’islamistes et une petite frange d’ultra-gauche. Ce phénomène se retrouve à Paris comme à New York ou Rome. Et pareillement les manifestations pro-israéliennes sont artificielles.

Récapitulons les faits justement pour comprendre comment cette crise particulière relève d’un arrière-plan général.

Initialement, tout part de la décision d’un tribunal israélien favorable à l’expulsion de familles palestiniennes du quartier de Jérusalem-Est dénommé Cheikh Jarrah. Cela fait partie du plan de colonisation en mode « lentement mais sûrement » de l’État israélien.

Il y a des manifestations arabes en réponse, avec des heurts violents, puis une répression militaro-policière allant jusqu’à agir sur l’esplanade des Mosquées en plein mois de Ramadan, épaulée par une attaque d’extrémistes juifs contre l’esplanade elle-même.

Un groupe à Gaza lié à Al Qaida, Jaich al-Oumma al-Salafi (Armée salafiste de la nation musulmane), prend alors l’initiative de tirer plusieurs roquettes (c’est-à-dire des missiles qui ne sont pas propulsés jusqu’au bout et tombent tels des obus à la fin de leur parcours), principalement sur la ville israélienne de Sderot à moins de trois kilomètres.

Le Djihad Islamique tire ensuite une roquette anti-char sur un véhicule israélien, à Sderot également. Le Hamas, depuis Gaza qu’il contrôle, décide alors d’intervenir en lançant massivement des roquettes sur Israël .

L’étroitesse de Gaza et d’Israël fait du lancement de roquettes une menace pratiquement immédiate

En une semaine, le Hamas a lancé 3 100 roquettes, dont environ 450 sont directement retombés à Gaza, 1210 étant interceptés par les missiles anti-missiles du « dôme de fer » israélien. En réponse, Israël mène des raids aériens contre les bases et locaux du Hamas. Le bilan est pour l’instant de 192 Palestiniens tués et de 1200 blessés, de 10 Israéliens tués et de 282 blessés.

Les roquettes du Hamas sont fabriquées au Soudan et financées par l’État iranien ; les avancées technologiques israéliennes s’appuient sur le fait que ce pays est un satellite américain jouant un rôle de gendarme régional et de test militaire.

La Chine soutient naturellement le Hamas et en fait on a une répartition de chaque pays dans tel ou tel camp selon les intérêts et les alliances. On est ici dans une absence complète de démocratie pour le peuple. Et cela a été la même chose pour la gigantesque tension entre l’Ukraine et la Russie (d’ailleurs toujours en cours), ainsi que le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

On assiste à des prises d’initiatives militaristes rapides, débordant les esprits. Et ce n’est qu’un début.

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Guerre

La guerre Israël-Gaza, une expression de plus de la tendance à la guerre

Des centaines de missiles artisanaux ont été lancés depuis Gaza, alors que les forces israéliennes frappent durement dans des représailles d’ailleurs en fait espérées et calculées.

Les forces israéliennes ont annoncé être intervenu à Gaza durant la nuit, une information reprise par certains médias, avant que finalement aucune confirmation ne soit venue.

En même temps, les vidéos de missiles traversant le ciel n’ont pas cessé pendant des heures et c’est là bien l’horreur de la guerre moderne : il est difficile pour les gens de savoir ce qu’il en est. Ils ne peuvent que subir ou être très loin, dans l’ignorance.

L’aviation israélienne a utilisé 160 avions simultanément contre 450 cibles alors qu’à la frontière avec Gaza, l’artillerie israélienne frappait aidée de tirs de 50 tanks. Le Hamas parle de 115 morts dont 27 enfants ; de son côté, le mouvement palestinien a lancé 1 700 missiles depuis le début des troubles.

Il ne s’agit plus seulement de soldats tirant des coups de feu. On parle de missiles, de tanks, de drones, d’hélicoptères, de soldats en civils… bref de toute une série d’opérations spéciales, où l’intoxication de l’opinion publique joue aussi un rôle important, puisqu’il s’agit de maintenir le moral d’un arrière-pays utile à une armée composée de professionnels désormais.

Telle est la marche à la guerre dans le cadre de la crise et, d’ailleurs, des forces d’Azerbaïdjan viennent également de pénétrer de plusieurs kilomètres en Arménie, sans qu’on sache pareillement précisément ni comment ni pourquoi. La guerre psychologique est un facteur essentiel aux militaristes, au Proche-Orient comme au Caucase, comme à la frontière russo-ukrainienne.

Cette guerre psychologique est une terreur contre la population. Il est facile de voir que ni les forces israéliennes ni le Hamas ne veulent mobiliser leur propre peuple. Ce qui compte, c’est la brutalité, la force de frappe, l’intimidation. C’est le rapport de forces permanent, sans perspective autre que la logique expansionniste. C’est hors du peuple, hors de la démocratie, simplement une tendance destructrice, conquérante.

Un exemple de la série d’objectifs visés par les missiles lancées depuis Gaza dans la nuit du 13 au 14 mai 2021

Il ne faut donc pas faire de géopolitique, il ne faut pas s’imaginer qu’un tel puisse être utile contre un tel, il ne faut pas tomber dans le pragmatisme. Dans les milieux du PCF, on pense souvent désormais que la Chine serait « socialiste » à sa manière et formerait un rempart face aux États-Unis, d’autres pensent que c’est la Russie « eurasienne », d’autres notamment dans les milieux anarchistes ou post-modernes sont fascinés par les forces arabo-musulmanes…

Tout cela est erroné, car non fondé sur les deux seuls critères : le peuple et la démocratie. On est soit une partie du problème, soit une partie de la solution, et il est évident que ni l’État israélien, ni le Hamas ne sont une partie de la solution. Ils montrent bien qu’ils s’intègrent parfaitement dans le parti de la guerre, que leurs démarches convergent avec la tendance à la guerre.

Alors ce qu’il faut, c’est dénoncer la tendance mondiale à la guerre, et soutenir les forces démocratiques et populaires cherchant, dans chaque cas particulier, à s’extirper des situations.

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Société

La France a horreur de l’Orient compliqué

D’où l’interdiction du rassemblement parisien pro-Palestine du 15 mai 2021.

La situation au Proche-Orient est explosive, pour une raison très simple : la crise sanitaire, qui a une immense dimension économique (et écologique) met à nu les fondements des régimes. Il n’est plus possible de cacher la réalité, on voit ce qui se passe vraiment, ce qui est essentiel, ce qui prime, comment les choses fonctionnent.

L’heure est donc grave.

Le régime israélien, fondé sur le sionisme, a besoin d’agressivité militariste afin d’unifier une base nationale profondément instable, divisée entre Russes et non-Russes, ashkénazes et séfarades, modernistes et passéistes, non-religieux et religieux et ultra-religieux, expansionnistes et autoritaires et pacifistes, etc.

Qui plus est, il est ouvertement un satellite américain jouant un sale rôle au Moyen-Orient et l’extrême-Droite sioniste-religieuse est devenue ultra-puissante ces dernières années. D’où les expressions de racisme fanatique qui s’affichent ouvertement et un État prêt à l’intervention militaire chaque jour, au nom de situations qu’il a lui-même créé.

Quant au régime politique à Gaza, il est porté par le Hamas, c’est-à-dire plus concrètement les Frères musulmans, dont l’argentier est le Qatar. Le Qatar vise à renforcer son influence coûte que coûte, le Hamas fait partie du dispositif et le misérable peuple palestinien enfermé dans Gaza sert ici de chair à canon.

Ceux qui cherchent plus loin et s’imaginent qu’on parle d’une « résistance palestinienne » feraient bien de voir que le peuple est absent, que la démarche est religieuse-patriarcale avec des moyens techniques, des missiles, visant justement à contourner le peuple en action.

On a donc, avec la crise, la libre expression de deux mobilisations irrationnelles sur une base nationaliste (et religieuse), qui ont une onde de choc immense, comme en témoignent les tensions très importantes qui en découlent sur le territoire israélien lui-même, entre les populations juive et arabe qui vivent souvent de manière imbriquée (comme à Lod, Acre, Haïfa, Nazareth, Ashdod, etc.), alors que par exemple 50% des pharmaciens israéliens sont arabes.

Or, de tout cela, les Français ne veulent pas entendre parler. Seuls les gens des minorités juives et arabes sont ici interpellés, et encore seulement de manière relative, le plus souvent de manière romantique.

Mais pour l’écrasante majorité des gens d’un pays passé par les Lumières, aux mœurs policés et qui déteste les guerres de religion pour les avoir connues, ces agitations orientales semblent vaines, pittoresques et meurtrières. Cela sent trop le fanatisme.

Pour les Français, l’Orient compliqué est ainsi loin et il est prié d’y rester (la situation provient des Mémoires de guerre de Charles de Gaulle : « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples »). D’où la décision du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin d’interdire le rassemblement pro-Palestine de samedi 15 mai 2021:

« A Paris, j’ai demandé au Préfet de police d’interdire les manifestations de samedi en lien avec les récentes tensions au Proche-Orient. De graves troubles à l’ordre public furent constatés en 2014. Consigne a été donnée aux Préfets d’être particulièrement vigilants et fermes. »

On peut le regretter, en considérant qu’une considération sur ce que trament les grandes puissances est nécessaire… Que le drame palestinien dure depuis 1948 et qu’il n’en finit pas… C’est certain. Mais les Français sont des Français et il faut faire avec. Il faut donc un travail démocratique adéquat et non pas faire en forçant n’importe comment.

On peut bien entendu nier cette réalité française… et considérer que la France est une fiction, qu’il est utile de faire de la démagogie avec des drapeaux palestiniens pour toucher des gens d’origine arabe dans les milieux populaires… Mais enfin cela ne rime à rien sur le plan populaire et démocratique.

Et c’est pourtant bien d’un soutien populaire et démocratique dont ont besoin les Palestiniens et, par ailleurs, les Israéliens enfermés dans leur horizon sioniste également.

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Guerre

Birmanie, Colombie, Israël… le militarisme à l’offensive

Avec la crise, les pays sont plombés les uns après les autres.

Les pays riches ont décidé de généraliser les crédits d’État pour faire face à la crise économique liée à la crise sanitaire, ce qui retarde les échéances. Mais pour les autres pays la situation est dramatique et la bataille pour le repartage du monde se systématise. La crise entre l’Ukraine et la Russie a ainsi été le principal aspect de cette fuite en avant vers le militarisme, avec toujours plus d’ampleur dans ses implications.

Et toute une série de pays connaissent des crises internes terribles. L’État colombien a cherché à faire payer la crise aux pauvres, avec une hausse des impôts pour les revenus bas et moyens, ainsi qu’une hausse de la TVA sur l’alimentation. La résistance s’est levée, notamment à Bogotá et Cali, il y a des centaines de milliers de protestataires dans les rues depuis le 28 avril et la répression a déjà fait au moins 37 morts et 1 500 blessés.

En Birmanie, cent jours après le coup d’État d’une armée refusant de perdre ne serait-ce qu’un millimètre de son immense pouvoir politico-économique, il y a encore et toujours une résistance populaire. Au moins 780 personnes ont été tuées et près de 4 000 arrêtées, alors que la Russie et surtout la Chine soutiennent le régime.

Et il y a la question palestinienne qui refait surface, dans le sang. Les affrontements entre palestiniens et forces israéliennes de répression ont fait des centaines de blessés (520 Palestiniens et 32 policiers israéliens) le week-end du 8-9 mai 2021 sur l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem. Lundi 10 mai des roquettes ont été tirées sur Israël depuis Gaza et l’aviation israélienne a riposté, visant 130 cibles et détruisant notamment un édifice d’une douzaine d’étages, tuant 28 personnes dont une dizaine d’enfants, faisant 125 blessés. En réponse de nouvelles roquettes sont lancés depuis la bande de Gaza, cette prison d’un peuple à ciel ouvert.

Tout cela, c’est une terrible convulsion, et ce n’est qu’un début. C’est la fin d’une époque et les déséquilibres se systématisent, ils déchirent les tissus sociaux, ils provoquent le chaos, alors que les contradictions se renforcent. L’humanité est à la croisée des chemins et doit s’extirper du chaos de la concurrence capitaliste.

Tout cela tranche totalement avec une situation française où il ne se passe strictement rien. Le contraste est saisissant. Et il ne doit pas tromper : l’incendie qui se déclenche dans les pays en périphérie du centre du capitalisme ne sera pas circonscrit. La crise est mondiale et exige des réponses à la hauteur.

La réaffirmation des valeurs de la Gauche historique, dans ce contexte nihiliste, est d’autant plus impératif. Certains voudront jouer les petits malins à faire de la géopolitique, à soutenir telle ou telle puissance, à idéaliser tel ou tel aspect. C’est erroné. Il faut de la conscience, il faut des valeurs bien délimitées, il faut des principes. C’est cela qui permettra de renverser la situation de manière constructive.

Le spontanéisme est la pire des choses en quoi croire en cette période !

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Guerre

Les Palestiniens, grands perdants de la crise mondiale

S’il est à la mode à l’ultra-gauche de profiter de la question palestinienne pour se faire valoir, la situation en Palestine même se dégrade toujours plus et un soutien démocratique se fait urgent.

L’élection de Donald Trump avait ouvert une nouvelle séquence très difficile pour les Palestiniens, mais l’irruption de la crise rend la situation intenable. Pour preuve, on a la normalisation avec l’État israélien de la part des Émirats arabes unis et du Bahreïn. C’est une fissure dans un front du refus du côté arabe et la tendance ne peut aller que dans ce sens là.

En effet, alors que les affrontements entre États vont se faire de plus en plus violents, qui va penser à aider les Palestiniens, alors que ceux-ci sont divisés qui plus est ? Les Palestiniens risquent littéralement de se retrouver totalement isolés et d’être écrasés, lentement mais sûrement, par vagues successives. C’est d’ailleurs ce qui se passe depuis 1948.

Cette pression est tellement grande que, ces derniers jours, l’OLP (bureaucratique et corrompue) et le Hamas (islamiste et féodal) ont entamé des discussions. Or, comme on le sait, l’OLP (avec sa principale composante, le Fatah) domine l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas Gaza. Leur capacité à s’unir est terriblement faible, voire inexistante.

Les deux sont en fait prêts à s’unir… mais à condition de prendre la direction. Cela n’a rien de nouveau : depuis 2017 pour le Hamas et 2018 pour le Djihad islamique, il y a l’acceptation d’une nouvelle OLP, avec les factions laïques et religieuses cette fois. Cependant, là, tout s’accélère, la crise fait que la Palestine doit exister vide, ou ne pas exister du tout.

Le grand problème, on le sait bien, c’est que les Palestiniens ne parviennent pas à trouver une unité populaire qui leur conférerait l’élan nécessaire. La Gauche palestinienne, auparavant si puissante notamment à Gaza, a été balayée et si le FDLP et le FPLP subsistent, ils n’ont pas la dynamique pour s’extirper du pétrin où ils se retrouvent depuis 1989 (ils avaient en effet choisi de se situer dans le camp soviétique).

On pourrait penser que la Gauche française, si tournée vers la Palestine, pourrait aider à débloquer la situation. Malheureusement, pour elle, la question palestinienne est un outil. Il y a des aides humanitaires, un soutien politique en général, parfois un soutien à telle ou telle organisation, mais il n’y a aucune mise en perspective et c’est un choix, un choix opportuniste. L’idée est simple : pourquoi faire de la politique, parce que c’est de cela qu’il s’agit, alors qu’on peut faire du clientélisme en se donnant une bonne image auprès des gens d’origine arabe simplement en arborant un drapeau palestinien ?

Pourquoi s’ennuyer à analyser la situation et à chercher un espace démocratique, alors qu’il suffit de dénoncer « les sionistes » pour acquérir automatiquement une image « anti-impérialiste »? Pourquoi chercher le dialogue avec la Gauche palestinienne alors que, de toutes façons, l’important n’est pas de dialoguer, mais d’obtenir une aura ?

Ce qui est dramatique, c’est que si l’on regarde la situation depuis 1948, la Palestine perd toujours du terrain. Si l’on omet la période des années 1960-1970, où par la force la question palestinienne s’est imposée à l’opinion publique mondiale, c’est à la fois l’isolement et le recul face à un État israélien dépendant économiquement et militairement de la puissance américaine omniprésente dans le pays.

Les prochaines années, les prochains mois même, vont être véritablement décisifs. Si les Palestiniens ne parviennent pas à relancer leur processus d’affirmation et d’unité, ils vont se faire broyer par une crise mondiale consistant en une compétition toujours plus armée des grandes puissances. C’est d’ailleurs évidemment le rêve israélien que de se débarrasser définitivement de la question palestinienne en la remplaçant par la question de confettis territoriaux.

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Politique

Le reconfinement israélien, symbole d’une faillite

Les pays cherchent tous à éviter, à tout prix, un nouveau confinement en leur sein. Israël, censé être un pays organisé, a en fait sombré et est le premier à céder sous la pression.

Lorsque le covid-19 est entré sur la scène de l’histoire, l’État israélien a beaucoup été valorisé pour ses capacités d’organisation, de prévention, etc. etc. En réalité, c’était simplement qu’il est très militarisé. Pour preuve, Israël est le premier pays à remettre en place un confinement, et ce pour trois semaines. Symbole de cette faillite, le confinement commencera le vendredi 18 septembre, veille du nouvel an juif (Rosh Hashana), une période importante de fêtes (Yom Kippour est notamment concerné).

C’est un coup au cœur de l’État israélien, qui a fait en sorte, ces quarante dernières années, de modifier l’idéologie sioniste en la transformant en idéologie sioniste religieuse, religion et sionisme étant désormais les deux facettes de la même pièce. Ce qui a d’ailleurs provoqué le reconfinement est le fait que les 10 % de la population vivant dans l’obscurantisme religieux n’en ont eu rien à faire des exigences sanitaires.

Vivant dans leur bulle, avec l’appui de l’État, les ultra-religieux ont littéralement précipité le désastre. D’ailleurs, la folie religieuse autour de la fin du monde, du retour imminent du Messie, etc. etc. se développe à grands pas… dans un contraste marquant avec la ville de Tel-Aviv, îlot de décadence libérale-libertaire. Israël est littéralement le capitalisme mondialisé en modèle réduit, avec les décadents d’un côté, la fuite romantique dans un passé idéalisé de l’autre, dans un climat de compétition et de concurrence sociale acharnée.

Il ne faut pas non plus, bien entendu, surestimer l’économie israélienne. Israël est un pays du tiers-monde, dont le « miracle » dans la construction ne doit qu’au capital investi depuis les pays riches (en 1956 pratiquement 90 % des revenus de l’État viennent des réparations allemandes). Les entreprises américaines sont omniprésentes, quelques grandes entreprises et grandes fortunes ont l’économie du pays en leurs main, alors que le pays profite de la main d’œuvre palestinienne bon marché, tout en étant intégré au dispositif militaire américain de contrôle du proche et moyen-orient, avec par conséquent un complexe militaro-industriel très développé.

Si l’on ajoute à cela un pays terriblement divisé en son sein, entre Arabes et Juifs, mais également entre Juifs ashkénazes et séfarades, religieux comme-ci et religieux comme-ça, religieux et non religieux ou moins religieux, sans parler d’une forte communauté de Russes restant russe coûte que coûte, tout comme d’ailleurs bien souvent les Français, etc. etc., alors on a une société schizophrène, divisée, désorganisée. Il y a même eu des Juifs russe formant… un groupe néo-nazi, faisant en Israël même la promotion de l’antisémitisme et cherchant à mener des attentats !

En vérité, il se passe en Israël ce qui se passe aux États-Unis : la société civile a implosé avec la crise. L’unité sociale, le maintien d’une norme dominante, des valeurs communes… tout cela ne peut pas être maintenu par une économie à bout de souffle, un État anti-populaire, une idéologie dominante en total décalage avec la réalité.

La crise balaie les pays un par un et on peut être certain que tout comme la Turquie, Israël cherchera à s’en sortir de manière agressive militairement, afin de parvenir à tenir les rangs au sein du pays. Il est en tout cas absolument évident que le reconfinement est la faillite d’un État se voulant « à la pointe » d’à peu près tout et n’importe quoi sur le plan de l’organisation. Toute la vanité du régime apparaît au grand jour.

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Guerre

Le plan de Trump pour le conflit israélo-palestinien

Donald Trump a présenté, en compagnie des dirigeants israéliens mais d’aucun palestinien, une solution dite à deux États pour la région. Dans les faits, les zones palestiniennes sont encore plus réduites géographiquement et avec comme seul horizon de pouvoir de servir de réserves de main d’œuvre et de consommation.

Depuis 1948, la Gauche oscille entre plusieurs positions au sujet du conflit israélo-palestinien. Que le sionisme soit une utopie identitaire séparée de l’idéal socialiste, cela a toujours été clair pour le mouvement ouvrier. Le fait qu’une partie significative du mouvement sioniste se soit défini comme une composante elle-même du mouvement ouvrier n’y a rien changé.

Puis, la Seconde Guerre mondiale et ses crimes antisémites a modifié la donne ; il y a eu un basculement concret. Ainsi, la reconnaissance de l’État d’Israël par l’ONU n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’appui de l’URSS et des pays de l’Est lui étant liés. L’URSS est d’ailleurs le premier pays à avoir reconnu Israël. C’est également la Tchécoslovaquie qui a vendu les armes permettant à l’État israélien de tenir dans la guerre commençant dès sa fondation.

Cette guerre ne s’est jamais terminée et d’autant moins qu’Israël a immédiatement choisi de se mettre sous direction américaine. Car derrière l’image des colons transformant le pays pour le fructifier, il y a une manne financière américaine énorme, et ce jusqu’à aujourd’hui. L’économie est d’ailleurs dans les mains d’une vingtaine de familles d’un côté, des entreprises américaines de l’autre, et cela pour le commerce, les services, l’agriculture, le transport, l’industrie comme la finance, etc.

Joseph Alpher : Settlements and Borders, Centre Jaffee d’études stratégiques, université de Tel-Aviv, 1994.

Le prix de ce qu’on y achète contient une part de 20-30 % allant droit dans les poches de ces entreprises de dimension monopolistique. Il s’agit d’ailleurs même souvent de conglomérats, tel IDB Holdings, regroupant une des deux compagnies d’assurance, la plus grande chaîne de la grande distribution, le plus grand opérateur de télécom, l’un des trois plus grands propriétaires dans l’immobilier, le monopole du ciment, le monopole du papier, etc.

De manière officielle, 1,8 millions d’Israéliens (sur 9 millions) vivent sous le seuil de pauvreté et ce alors que le revenu moyen a doublé en quinze ans. C’est que l’État israélien, loin de ses prétentions utopistes initiales, fonctionne à marche forcée. Une marche forcée dans la technologie militaire, dans l’élargissement territorial, avec un nationalisme à outrance désormais ouvertement allié à la religion.

Il n’y a aucune place possible pour la Gauche dans une telle situation, et ce depuis le départ, puisque le fondement même est une fuite en avant. Le plan de paix de Donald Trump en est d’ailleurs le prolongement assumé, puisqu’il s’agit de faire pleuvoir des milliards de dollars sur une sorte de micro-Palestine satellisée et divisée, afin de la rendre fonctionnelle pour l’État israélien.

Cela a une chance de réussir, malgré tout, parce que les Palestiniens sont dans une situation dramatique. Trompée par l’opinion internationale qui fait semblant de s’intéresser à eux – en particulier avec un antisionisme irrationnel, souvent masque de l’antisémitisme – les Palestiniens sont terriblement divisés et aux mains soit d’une OLP corrompue au maximum, soit d’islamistes. Leur capacité d’affirmation démocratique unitaire est pour cette raison terriblement faible. La résistance des années 1960 et 1970 avait permis l’émergence d’une conscience nationale, mais celle-ci déjà faible est désormais désagrégée, détournée.

Entre le sionisme (désormais religieux) étouffant toute perspective démocratique et un camp démocratique pratiquement inexistant du côté palestinien, c’est un véritable drame historique. C’est là dessus que veut jouer Donald Trump, aux dépens bien entendu de tous les réfugiés palestiniens qui sont trois millions dans des camps dans les pays voisins et qui sont censés disparaître comme par enchantement.

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Politique

Gaza : le drame palestinien du 14 mai 2018

Le drame du peuple palestinien, dans le silence. Le 14 mai est passé, mais l’indignation qui a suivi d’une faiblesse extrême. Le peuple palestinien reste victime.

Victime du soutien massif des États-Unis d’Amérique à Israël, jusqu’à cette situation terrible du 14 mai, avec 62 Palestiniens tués, 2400 blessés.

Cela, en raison de l’application sanglante à Gaza, à l’encontre d’un rassemblement de masse, du règlement selon lequel toute personne dans un périmètre de 100 à 300 mètres de la barrière de sécurité serait une « menace » devant être abattue.

Victime du soutien massif des pays du Golfe à l’islamisme, avec le Hamas ayant englouti les initiatives, quand elles ne sont pas démolies par une OLP totalement bureaucratisée et corrompue.

Et prise en otage, dans sa nature, dans son humanité même, par une poignée de radicaux en Europe, qui sont bien plus proches de l’extrême-droite que des valeurs classiques de la gauche et du mouvement ouvrier.

Pendant que les Palestiniens meurent, l’étudiant occupant Sciences-Po lève le drapeau palestinien, le populiste d’extrême-gauche en fait son fond de commerce, le populiste de gauche rêve d’un interventionnisme français impérialiste mais « pour la bonne cause ».

Une situation odieuse, terrifiante même de par le rythme où vont les choses. Car, bien loin des fantasmes sur une résistance palestinienne ayant un poids quelconque, Israël agit en rouleau compresseur.

La Cisjordanie est devenue un protectorat et l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem le 15 mai 2018, à l’occasion des 70 ans de la fondation du pays, en est le symbole le plus direct.

Quant à Gaza, cette bande de terre de 41 km de long, avec 360 km² pour pratiquement deux millions d’habitants, c’est une enclave en perdition. Qui, à l’horizon 2020, sera invivable sur le plan de l’eau et de l’énergie si le blocus israélien continue.

Et, donc, bien loin des fantasmes sur la résistance palestinienne qui est désorganisée, corrompue, islamiste, l’État israélien s’en moque totalement. Il a le rapport de forces suffisant, ce que justement la gauche palestinienne avait très bien compris dans les années 1970.

C’est la raison pour laquelle elle avait choisi la voie, évidemment erronée, de la prise d’otages dans les pays occidentaux. Cependant, elle avait vu qu’il y avait un décalage terrible entre l’armée israélienne, moderne et financièrement portée par les États-Unis, et les Palestiniens.

Il y avait une véritable réflexion à ce sujet. Ne pas voir cela est meurtrier, surtout alors qu’Israël a le vent en poupe. Aussi, la tentative de passer en force la frontière séparant Gaza d’Israël, le 15 mai 2018, relève d’un acte stratégiquement erroné.

Israël en a profité pour en rajouter dans sa pression militaire, avec le prix du sang. Comme on est loin de l’esprit, ouvert, tolérant, mis en avant par la candidate israélienne lors de l’Eurovision d’il y a quelques jours !

Et rappelons ici que le manifestations ont rapport non pas avec l’inauguration de l’ambassade, mais avec la célébration de l’anniversaire de la « catastrophe », la Nakba, ayant suivi la défaite de l’offensive militaire arabe à la naissance de l’État israélien.

Ce dernier a célébré sa victoire jusqu’à l’ignominie. Mettant un terme symbolique à tout espoir d’accord de paix, de solution à deux États.

Humiliant l’ensemble des Palestiniens, leur déclarant tout un mépris avec un profond sens de l’humiliation.

Mettant aussi un terme définitif, également, au rêve d’un mouvement démocratique unissant tous les pays arabes. Le silence de ces derniers est assourdissant. Désormais, c’est bien chacun pour soi, de manière décidée, et l’alliance entre Israël et l’Arabie Saoudite se fait donc aux dépens des Palestiniens.

D’ailleurs, à la fin avril, le parlement israélien a voté une nouvelle loi : désormais le pays pourra entre en guerre non pas avec l’aval de la majorité des ministres du gouvernement, mais en cas de « conditions extrêmes » simplement sur décision du Premier ministre et du ministre de la Défense.

Israël s’aligne totalement sur Donald Trump, sur les partisans d’une guerre avec l’Iran, l’Arabie Saoudite rejoignant ce tandem militariste.

La guerre, toujours la guerre !

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Culture

Netta et la chanson « Toy » de l’Eurovision

5,16 millions de téléspectateurs ont regardé avant-hier soir l’Eurovision, cette entreprise de spectacle, plutôt beauf ou au moins kitsch, dans la veine de l’institution italienne du festival de Sanremo.

Artistiquement, c’est souvent faible, même si certaines années ont vu des artistes d’envergure tels que l’auteur-compositeur Serge Gainsbourg y proposer des titres ; plus récemment, c’est devenu une sorte de prétexte à un délire sans trop de prétention, avec costumes délirants, représentations culturelles nationales présentées sous un axe sympa, esprit bon enfant, etc.

Il y a quelque chose de ridicule mais d’irrésistiblement attirant, une sorte de minimalisme régressif mais pas trop. Justement, cette année, il semble que l’accent a été mis sur les chansons à message.

On pense notamment à Mercy des français Madame Monsieur qui évoque le sort d’une enfant réfugiée et le titre de l’Italie chanté par Ermal Meta et Fabrizio Moro en hommage aux victimes des attentats djihadistes. Il y a aussi l’israélienne Netta Barzilai qui a brodé un titre électro sur le thème de #metoo, gagnant finalement l’Eurovision.

Il s’agit d’une pastille très colorée, comme nous y a habitué la pop internationale depuis l’époque de MTV. Des danseuses y changent de tenue à chaque plan dans un décor fait d’artifices visuels, dans un montage découpé à l’extrême. Pendant ce temps-là, la chanteuse explique que les « poules » ne sont pas des jouets, dénonçant le machisme et sa stupidité.

Les références, ou récupérations, sont nombreuses, dans l’imagerie bien davantage que dans la profondeur de l’ambition artistique, on aura parlé de Beth Ditto et de Björk.

Mais le titre Toy a surtout pour objectif principal de faire danser, dans l’esprit simpliste de l’Eurovision. Cette musique electronique est clairement formatée pour les clubs et la diffusion commerciale.

Le texte présente donc par contre plus d’aspérité et cela a frappé les esprits, cela a été vraiment apprécié.

On note ainsi que le clip de Netta ne présente que des femmes, ce qui parait évident vu le thème de Toy, mais marque donc un certain essentialisme : on parle de femmes, pas de genre ou de queer. L’expression des corps -féminins donc- s’impose dans la danse et d’une certaine manière dans une moindre mesure par le chant au travers des onomatopées.

Netta est une femme qui interpelle les hommes, pour leur apprendre des choses, pour les obliger à voir.

Elle rejette l’homme qui se comporte comme un prédicateur des temps modernes et rejette du même geste la superficialité dans les relations (elle moque les smartphones, le bling-bling et les femmes potiches).

Avant tout, elle affirme que les femmes ne sont ni des jouets pour les hommes (d’où le titre !), ni de perpétuels enfants. Netta affirme le caractère puissant et sacré de la femme, les femmes doivent avoir confiance en elles-mêmes!

L’un des ressorts littéraires du texte est l’utilisation du terme d’argot anglophone « buck », qui qualifie les mâles du règne animal en particulier dans le vocabulaire des chasseurs, mais aussi dans l’imaginaire machiste. Netta joue avec ce terme, pour se moquer des hommes au comportement inapproprié et le renverse au profit des femmes pour qualifier son rythme de « motha-bucka beat ».

L’Eurovision est de plus un évènement très populaire qui rassemble probablement plus de 100 millions de téléspectateurs (il n’est pas possible d’avoir des chiffres fiables) dans plus de 40 pays. On doit donc considérer comme positif qu’un tel message, qui dénonce le comportement inapproprié qu’ont des hommes, soit diffusé de manière positif aussi largement.

On retrouve là un mouvement dit « d’empowerment », de prise de parole, de pouvoir comme à pu l’être #metoo sur les réseaux sociaux.

Avec ses limites également, car Netta y fait un constat très subjectif, un point de vue d’artiste en somme, qu’il n’est pas possible de généraliser quand on est une femme du quotidien. C’est dommage, mais c’est un fait : le féminisme se réduit ici surtout à un show et à des bons sentiments.

D’où d’ailleurs l’appréciation unilatéralement favorable de la chanson par la scène « LGBTQ+++ » toujours prompte à récupérer ce qui est démocratique pour célébrer la marge et l’ultra-individualisme. Netta joue il est vrai beaucoup là-dessus également, avec le fétiche du surprenant, de l’étrange, etc.

Le problème qui est la cause de cela, c’est bien entendu que Netta voit les choses avec un prisme qu’on peut qualifier de « Tel Aviv », de cette ville israélienne de fête et de vie sociale bien différente du reste du pays, cultivant une approche festive décadente.

Là on s’éloigne, avec cette esthétique sortant du fun pour passer dans le difforme, du démocratique pour passer dans la mise en scène.

Netta s’insère ainsi donc aussi dans le soft power israélien. Lorsqu’elle dit de manière féministe  « Wonder Woman, n’oublie jamais que / Tu es divine et lui, il s’apprête à le regretter », c’est aussi une allusion l’actrice israélienne Gal Gadot ayant joué Wonder Woman.

Lorsqu’elle dit à la fin de l’Eurovision, après la victoire, « J’aime mon pays, l’an prochain à Jérusalem! », elle met littéralement les pieds dans le plat alors que Donald Trump a rendu ultra-sensible la question de la capitale israélienne.

Ce faisant, elle rate l’universel, que devrait amener l’Eurovision : le dépassement du particulier dans un grand brassage féérique et populaire. Dommage !

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Guerre

Non à l’intervention militaire, aux bombardements en Syrie!

La guerre, la guerre et toujours la guerre ! A force de se tourner vers le protectionnisme et le nationalisme comme seules solutions « accessibles », les pays les plus développés assument la compétition « géopolitique », avec l’assentiment d’une partie significative de la population.

Ce que cela signifie, c’est simplement la guerre, il faut bien le dire. Et on est tellement dans un jeu malsain que c’est par un message Twitter que Donald Trump l’escalade, disant à la Russie de se tenir prête face à l’intervention américaine en Syrie.

« La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents” ! Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela. »

Il n’a pas hésité à écrire, pour en rajouter :

« Notre relation avec la Russie est pire maintenant qu’elle ne l’a jamais été, et cela inclut la Guerre froide. »

C’est là préparer l’opinion publique à la guerre, avec des cibles désignées : la Syrie tout d’abord, mais également l’Iran, ainsi que la Russie elle-même.

La visite du prince héritier saoudien,  Son Altesse Royale le prince Mohammed ben Salman ben Abdulaziz al-Saoud, à Paris ces derniers jours – il a pu manger son repas avec Emmanuel Macron devant le tableau « La liberté guidant le peuple », quelle honte – participe à ce mécano militariste, puisque l’Arabie Saoudite prône la guerre contre l’Iran.

L’Arabie Saoudite a même reconnu que les Israéliens avaient droit à un territoire, rompant avec sa position officielle traditionnelle, montrant qu’on est désormais dans le dur, dans le concret, dans la « realpolitik ».

La Grande-Bretagne l’a bien compris et Theresa May a ordonné l’envoi de sous-marins à proximité de la Syrie, alors qu’un autre sous-marin fait des manœuvres avec deux navires américains dans la zone arctique, pour la première fois depuis dix ans.

Cela va cogner et il faut avoir suffisamment de réseaux, d’alliances, de participations ici et là pour tenir. Ne pas comprendre que cela va cogner ou pire le nier est une faillite intellectuelle et morale – la guerre est inévitable, à moins de changements de régimes dans les pays concernés.

C’est bien pour cela, justement, que l’Europe comme projet politique a eu tellement de succès chez les peuples. L’Europe permet, en théorie, de dépasser les nationalismes, les patriotismes étriqués, et il y a 25 ans tous les Français pensaient qu’il y aurait à moyen terme un passeport européen, et bientôt un gouvernement européen, des États-Unis d’Europe.

C’est pour cela que beaucoup de gens croient encore en l’Union Européenne comme moyen d’éviter les conflits, tout en espérant souvent, en même temps, de manière directement impérialiste, que cela soit un empire face aux États-Unis et à la Chine.

Naturellement, c’est au nom des droits de l’homme encore une fois que les missiles sont présentés comme essentiels. L’hypothèse d’une attaque chimique en Syrie à Douma du 7 avril sert ici de prétexte à une immense campagne en faveur de la guerre, tout comme la question kurde pour l’intervention française annoncée il y a quelques jours.

Il ne s’agit pas ici, naturellement, de dédouaner la Syrie, l’Iran et la Russie. Ces régimes sont odieux. Cependant, l’ennemi c’est toujours notre propre nationalisme, notre propre chauvinisme, notre propre impérialisme. Les prétextes pour refuser cela ont permis la guerre de 1914-1918, alors qu’une révolte dans un pays aurait produit des révoltes dans les autres.

Il ne faut jamais accepter les initiatives militaires, militaristes, de la part de son propre pays !

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Politique

« Youpi j’ai compris ! » et l’existence d’Israël

Toute personne de gauche sait très bien que le peuple palestinien connaît une situation humainement extrêmement difficile, de par la raison de la politique de l’État israélien. Même la droite israélienne la plus cynique le reconnaît elle-même.

Le souci qu’il y a, c’est qu’avec l’histoire de l’antisémitisme, Israël est devenu un prétexte pour une sorte de folie furieuse, de véritable passion totalement déconnectée de la réalité.

Ainsi, lorsque Donald Trump a décidé de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem, tous les médias se sont empressés de dire que le président américain avait reconnu cette ville comme capitale israélienne. Le titre du Monde est ainsi « Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, une décision historique et unilatérale ».

La presse internationale a fait de même. Or, c’est entièrement faux, parce que cela fait bien longtemps que les États-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël.

Le congrès américain avait ainsi voté en 1995 un « Jerusalem Embassy Act » annonçant le transfert de l’ambassade américaine dans les quatre ans. Le vote avait été écrasant, tant au Sénat (93 voix contre 5) qu’à la Chambre des représentants (374 contre 37).

Barack Obama avait déjà affirmé que Jérusalem était la capitale d’Israël lors de sa candidature à la nomination comme candidat du parti démocrate, ainsi que lors de sa candidature aux présidentielles. C’était même déjà une promesse électorale de Bill Clinton en 1992.

On peut tout à fait critiquer cela, en disant que cela rentre en conflit avec le projet de partition de l’ONU fait en 1947.

La gauche a d’ailleurs historiquement soutenu cette partition et l’URSS sera le premier pays à reconnaître juridiquement l’État israélien.

Mais si critique il doit y avoir, alors il faut le faire de manière rationnelle, sans quoi, on est dans la mise en scène, pas dans une aide quelconque au peuple palestinien.

Ce qui se passe réellement n’intéresse pas des gens qui ont intérêt à se présenter comme faisant face à une ignominie immédiate, apparue de nulle part, eux-mêmes faisant office de justicier.

Les faits sont niés, pour apparaître comme « radical » – une démarche qui relève historiquement de l’extrême-droite, pas d’une gauche fondée sur les idées. Cela montre à quel point l’antisémitisme est si puissant qu’il se sert de la question israélo-palestinienne pour ses projections.

Un exemple significatif de cette course à l’échalote se trouve dans le dernier numéro du magazine pour enfant de 5-8 ans « Youpi j’ai compris ! », dont Bayard Presse – la grande maison d’édition catholique française, éditrice notamment de Babar, Pomme d’Api, Okapi, J’aime Lire, Phosphore, etc. – a annoncé hier le retrait devant des protestations.

La raison en est que l’existence de l’État israélien est niée, malgré sa reconnaissance par les Nations-Unies en 1948, dans la foulée de la réalisation du plan de partage de la Palestine du 29 novembre 1947.

Tout cela totalement absurde : on peut exiger un État nouveau sous la forme d’une fédération israélo-palestinienne, ou sous la forme d’une République laïque unifiée. Mais nier les faits en disant : cela n’existe pas, cela n’a pas de sens.

Les seuls qui ont adopté cette démarche, ce sont les partisans du panarabisme, du parti Baath comme en Syrie et en Irak, qui ont toujours parlé de « l’entité sioniste ». Avec les résultats que l’on sait : la manipulation démagogique des opinions publiques arabes, l’antisémitisme forcené.

Sans que rien ne change pour le peuple palestinien, qui perd chaque jour davantage du terrain depuis 1947, étant qui plus est dominés par les islamistes ou une OLP totalement corrompue.