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La posture populiste d’Alain Soral à la lumière de son roman « Chute ! »

Comment Alain Soral ose-t-il arborer les symboles du Parti Communiste ? Comment ose-t-il porter l’Etoile Rouge, le Marteau, la Faucille ? Comment a-t-il osé se montrer avec la tenue pénitentiaire gris-rayée des déportés NN, avec le triangle rouge des Résistants Communistes dans les camps de concentration nazis ?

Lui qui n’est ni un marxiste, ni même de gauche, lui qui représente si complètement l’imposture petit-bourgeoise de cette fausse « gauche du travail » ? Comment la gauche sincère peut-elle tolérer l’existence d’un tel espace d’expression pour ce qu’il représente ?

C’est bien que l’audience d’Alain Soral et son envergure même sont le signe de la faillite de la gauche à assumer ses valeurs, à valoriser son héritage, à batailler sans compromission pour la démocratie, au service de notre peuple.

Mais cette faillite est heureusement temporaire, Alain Soral ne peut pas réussir ce véritable braquage de la gauche qu’il tente dans sa vaine tentative, car ce qu’il représente est tout simplement ignoble, relève de la capitulation et ne peut séduire que par le désarroi de l’absence d’une gauche audible, structurée et identifiée.

Ce qui signifie rejeter sans aucune hésitation, sans aucune tergiversation possible toute les immondes soupes populistes, tous les vains bricolages « rouge-bruns » qui trahissent l’esprit et l’honneur de la gauche.

Mais même ce qualificatif de « rouge-brun » est encore trop d’honneur à rendre à Alain Soral, lui qui sous le prétexte de se « réconcilier » avec la « droite des valeurs » pousse l’ineptie de son populisme jusqu’à l’alliance avec les milieux les plus réactionnaires du catholicisme national, verse dans une complète mystique, rejoignant en cela le « chavisme » ou le soutien aux régimes militaristes et corrompus de l’Orient (Lybie de Kadhafi, Iran d’Ahmadinejad…) et autres idéologies frelatées.

Toutes propres à séduire la petite-bourgeoise paniquée de notre pays, prête à tous les paravents anti-révolutionnaires en se donnant un contenu si ridiculement radical, auto-proclamé « dissidence », (à visage découvert, bien sûr), et en se revendiquant de la République.

Comment ne pas être fou de rage de voir cette imposture petite-bourgeoise se réclamer du marxisme, de la Révolution, se donner des airs d’une gauche authentique pour soi-disant mieux la dépasser dans la synthèse bouillie et re-bouillie du populisme ?

Car en pratique qu’est-ce qui sépare la « FI » de « ER » ? Rien. Si ce n’est une affirmation plus assumée de la part des seconds à l’antisémitisme. Mais cela est encore un fossé qui a du sens pour beaucoup de personnes engagées sincèrement à gauche, mais qui tombent dans les nasses de la fausse gauche populiste, suivent les élans de son « combat » des « gens » contre « l’oligarchie » avec un vague sentiment de doute.

Ni droite, ni gauche, gauche du travail/droite des valeurs, populisme de « droite » ou de « gauche »… tout cela est exactement la même chose, mais à des degrés différents, avec des formes différentes.

Depuis les travaux de Zeev Sternhel, les personnes qui pensent, les personnes de gauche savent à quel point notre pays est un bouillon de culture pour ces courants petits-bourgeois tentant à chaque crise de cycle du capitalisme de formuler une synthèse propre à tenter de dévier l’inévitable marche à l’impérialisme et à la guerre, l’inévitable lutte des classes qui en découle chaque jour un peu plus, en leur propre faveur, pour le statu quo, pour « geler » notre pays dans un arrière-monde mythifié.

Alain Soral incarne donc tout ce que doit exécrer une personne sincèrement de gauche, une personne authentiquement progressiste. Encore faut-il clairement identifier ce qu’il représente.

Commençons donc par un ouvrage produit par Alain Soral en 2006, au début de son ascension politique. Il quitte alors formellement la scène des grands médias télévisuels et du Paris mondain, milieu dans lequel il gravitait depuis les années 1980 et entre dans ce qu’il qualifie de « dissidence », de manière ouverte.

C’est-à-dire qu’il va rejoindre le Front National de Jean-Marie Le Pen pour tenter d’en devenir un des principaux inspirateurs, avant de soutenir l’élan parallèle de Dieudonné, tout en fondant son propre mouvement, Égalité et Réconciliation. Celui-ci devient assez rapidement dans les années qui suivent un point central dans les courants poussant au populisme et même ouvertement au fascisme, entendant se situer comme le lieu de la synthèse de la « dissidence » et de la formation de ses cadres.

Voilà pour le contexte. Le livre en question est donc un roman qui marque en quelque sorte la transition entre ce que Alain Soral était jusque-là, une espèce d’esprit maudit de la bourgeoisie parisienne, vivant dans son style décadent avec une sorte de morgue soi-disant intellectuelle et « populaire », en ce qu’il se présente alors comme un « provincial » déclassé.

Le titre même du roman dit tout du contenu. Chute ! est une sorte de confession des désillusions et des errements adressée par un avatar de l’auteur, du nom de Robert Gros, prénom pris pour faire « français » selon Alain Soral, après avoir hésité avec « Oussama Joseph-Maximilien » pour simplement verser davantage dans la pure provocation gratuite et superficielle.

Le récit n’épargne au lecteur aucune forme de la vie décadente et sinistre que mena Alain Soral au sein de ce milieu « branché » de la bourgeoisie parisienne. En cela, il est en quelque sorte le double aboutissement des ouvrages précédents, ce qui justifie le choix de commencer à présenter Alain Soral par cet opus.

Jusque-là Alain Soral s’était mis en tête de dénoncer le libéralisme, qui lui apparaissait surtout en l’espèce sous la forme du féminisme bourgeois, confondus bien sûr avec les légitimes luttes du féminisme en tant que mouvement émancipateur du patriarcat, et celle des lobbys communautaires, ce qui lui permettait d’introduire la question de l’antisémitisme, mais alors encore de manière plutôt indirecte.

La lecture pose immédiatement une question. Peut-on avoir vécu une vie décadente au sein de la bourgeoisie parisienne, pratiquant la zoophilie, consommant de la drogue, multipliant les « expériences » décadentes et la baise et finalement être de gauche ?

A vrai dire, cela dépend du rapport que l’on a avec ce passé, si tant est qu’il en soit devenu un, pour commencer. Une personne de gauche présentera cela de manière critique, et si elle veut le faire sous une forme littéraire, elle le fera en pesant soigneusement ses termes et en construisant impeccablement son récit, de son mieux, pour ne pas verser dans le scabreux, le glauque ou le racoleur.

Il est évident que ce n’est pas là la démarche d’Alain Soral. Prolongeant le titre, le roman a l’aspect tout hypocrite d’une confession où l’on sent que si Alain Soral entend « rompre » formellement avec cette vie en affirmant d’en assumer la vérité, il n’y a pas là matière à regret.

Alain Soral, en digne petit-bourgeois surfant sur la décadence sexuelle post-68, s’est bien amusé. « Quel mec ! », voudrait-il qu’on pense ! Certes, il a mené la vie d’un « vaurien », mais il a tant appris de cette « école » et cela, subjectivement, fait d’autant plus de lui un « vrai mâle dominant » qu’il en assume totalement l’exposition publique. Voilà le premier aspect des choses.

Le second aspect, part apparemment dans l’exacte direction inverse. Toutes ces expériences sont une « Chute » au sens biblique du terme, rappelant ce célèbre passage de la Genèse, où l’Homme et la Femme (sous la forme d’Adam et Eve) après avoir cédé à la Tentation (d’ailleurs en dernière instance sous la pression d’Eve), sont chassés de l’Eden, ce paradis terrestre, mais non sans avoir goûté au fruit défendu de l’Arbre de la Connaissance.

Le parcours de Robert/Alain Soral est donc aussi l’expérience de cette Chute, une tombée en décadence, mais qui produit en quelque sorte la conversion, la connaissance ou la prise de conscience, « l’Eveil » et l’absolution qui légitime le combat à venir. Alain Soral a certes vécu cette décadence, et perdu son Eden, mais comme Adam, le voilà désormais prêt à chercher le Christ pour la rédemption. De la Chute, naît la Résurrection.

Toute la perspective est donc catholique-traditionnelle et la morale hypocrite du catholicisme, en effet, laisse un espace pour produire cette confession paradoxale où Alain Soral avoue si sincèrement, si hypocritement, tout à la fois pour reconnaître là ses fautes et en même temps se faire admirer pour ses transgressions en les exposant de cette façon « authentiquement virile » et « assumée ». 

Dans cette perspective, il est donc attendu notamment que la sodomie soit rangée au rayon des transgressions comme le reste des turpitudes d’Alain Soral, car dans cette perspective catholique, l’homosexualité reste une forme de transgression et pas autre chose. Pour couronner le tout pour ainsi dire, ajoutons que l’éditeur du roman, Franck Splenger et sa maison Blanche, sont spécialisés dans la littérature érotique.

Morale hypocrite, décadence sexuelle, « expériences » individuelles exposées narcissiquement comme une initiation. Et surtout, aucun esprit positif, rien qu’un étalage verbieux et glauque. Rien en tout cas là de compatible avec le style et les valeurs de la gauche, pour ne même rien dire du marxisme.

Même au niveau du style littéraire, l’écriture soit disant acerbe et tranchée, le fond même du récit, rappelant par certains passages les ouvrages précédent d’Alain Soral sur la « drague de rue » ou sa prétendue « vie de vaurien » ne sont que des compilations qui se répètent de manière lassante. Et celles-ci d’ailleurs font penser à une libre inspiration, si ce n’est pas même un plagiat, de la vie de l’intellectuel nationaliste russe Édouard Limonov et de son C’est moi Eddie (connu aussi sous le titre directement traduit du russe Le poète russe préfère les grands nègres).

Le parcours d’Alain Soral ainsi présenté par lui-même dans cet ouvrage comme une série quasiment initiatique et mystique, mais aussi assumé ailleurs, relève donc d’une posture petite-bourgeoise, tournée d’ailleurs vers les valeurs bourgeoises elles-mêmes, tant sous leurs formes décadentes, cosmopolites et métropolitaines de manière faussement coupable, que sous leur forme de la pseudo-morale nationale-catholique.

Comme tout cela est loin des valeurs de la gauche, que tout cet esprit borné et décadent, narcissique et hypocrite n’a rien à faire avec le combat pour la démocratie, pour le socialisme, comme nous sommes loin de la lutte des classes et de son contenu, de ses exigences, de sa morale et de son honneur !

Il faut donc au moins laisser à Alain Soral le fait d’avoir « honnêtement » témoigné de ce qu’il représente, un hypocrite décadent qui se rêve en révolutionnaire petit-bourgeois du haut de ses prétentions populistes.

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L’attaque fasciste contre l’occupation à l’université de Montpellier

C’est un fait extrêmement marquant pour toutes les personnes qui connaissent les principes d’organisation à gauche et qui ont une mémoire des luttes : depuis le début des années 1990, il y a eu un effondrement général de la violence.

Les services d’ordre, « outillés » et strictement organisés, ont disparu. Les affrontements parfois très brutaux entre factions politiques ont disparu. La répression policière est parfaitement limitée et en tout cas strictement encadrée.

C’est allé de paire avec un véritable lessivage tant des idées que des principes d’une organisation avec des militants suivant une idéologie bien déterminée. L’individualisme triomphant, avec le libéralisme, impose un mode d’association libre, sans contraintes, temporaire, etc.

Tout pour l’action, rien par la raison, à la carte, sans responsabilité : tel est l’esprit de l’époque.

Les événements de l’université de Montpellier qui soulèvent une partie de l’opinion depuis quelques jours marquent peut-être la fin de cette époque d’absence d’engagement complet et, comme on pouvait se l’y attendre, l’initiative vient de l’extrême-droite liée aux institutions.

L’intervention extrêmement brutale contre des étudiants occupant un amphithéâtre est un saut qualitatif, dans la mesure où elle est carrément soutenue (voire organisée) par le doyen de la faculté de droit, qui a été obliger de démissionner devant la pression de l’opinion publique.

Un commando de personnes cagoulées et armées de bâtons, de matraques et de Taser, menant une opération coup de poing, est quelque chose non pas de nouveau, mais qui n’a pas été vu depuis bien longtemps et c’est pour cette raison un saut qualitatif, un retour au conflit ouvert, franc, assumé.

Le temps de la naïveté, de l’innocence d’une gauche prise en otage par des intellectuels – osons le dire – bourgeois considérant que l’écriture inclusive dépasse la lutte des classes, se clôt.

Voici une vidéo explicative concernant l’attaque, et en-dessous une autre vidéo, celle montrant la brutalité utilisée par les tenants de la chasse à courre contre des opposants il y a quelques jours également.

Il y a lieu de mettre cela en parallèle, car les « veneurs » comme on appelle ceux qui font la chasse à courre ont l’appui du préfet, du maire de Compiègne, ainsi que du président de la République lui-même.

Dans les deux cas, les institutions sont mêlées à des « débordements ». C’est l’esprit du fascisme qui frappe dans les deux cas : l’esprit de la milice, de l’agression, du coup de force, avec l’appui tacite des institutions aux mains de la droite dure.

Voici un témoignage, en provenance du site alternatif montpelliérain Le poing :

 « Je suis arrivé peu avant le début de l’attaque et le doyen a cru que j’étais de son côté. Du coup j’ai tout entendu.

Le doyen a d’abord réuni les étudiants qui étaient contre l’occupation et il leur a sommé de se rassembler dans un coin de l’amphithéâtre. Ils ont compté le nombre de personnes présentes dans l’amphi et ils ont dit ‘‘ok, c’est bon.’’

Ensuite, ils ont fait placer les personnels de la sécurité-incendie en haut de l’amphi et au bord de la porte extérieure qui donne sur la rue. Après, l’un des subordonnés du doyen a ouvert une porte au fond du hall d’entrée qui était restée fermée toute la soirée. Une dizaine de personnes sont arrivées, la plupart cagoulées et armées de bâtons qui ressemblaient à des sortes de bouts de palette.

Le doyen leur a ordonné d’aller dans l’amphi occupé, et ils se sont mis à taper tout le monde. La sécurité-incendie a fait semblant de ne pas trop savoir ce qu’il se passait.

Quand les étudiants ont fui en se faisant taper, le doyen m’a regardé en faisant un pouce levé. J’ai vu quelqu’un se faire tazer au sol.

Quand tout le monde était dehors, les grilles de la faculté se sont fermées, ce qui veut bien dire que les gens cagoulés sont restés avec le doyen.

Il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas comprendre que l’attaque a été mené sur ordre du doyen ».

Voici ce qu’affirme même un site d’extrême-droite, « Réseau libre », assumant le soutien de la police au commando dont aurait fait partie un professeur en droit civil et un professeur d’histoire du droit :

« Le doyen de la fac et les vigiles de l’université ouvrent le chemin à une quinzaine de costauds, cagoulés, planches de bois et barres de fer en mains (…). Le commando est ensuite aimablement raccompagné vers la sortie, remplacé par quelques policiers ».

Tout cela n’est qu’un début. C’est inévitable historiquement. Et rien qu’hier, lorsque 200 personnes étaient présentes devant la préfecture de l’Hérault pour protester contre la réforme de l’accès à l’université, une trentaine d’activistes « identitaires » de la Ligue du Midi était présente également.

Une provocation, une de plus, alors que les « identitaires » voulaient officiellement saluer  la mémoire d’Arnaud Beltrame, ce gendarme qui s’est sacrifié lors de l’attentat islamiste du Super U de Trèbes, en prenant volontairement la place des otages de l’assaillant.

Voici d’ailleurs la page d’accueil du site Le Figaro hier, alors que l’Église catholique a publié par l’intermédiaire d’un prêtre un long texte s’appropriant l’initiative du gendarme. On voit que l’autocollant est celui de « Génération identitaire », ce qui est un choix rédactionnel bien entendu fait exprès, alors qu’en parallèle l’air du temps est au rapprochement entre droite dure et extrême-droite.

D’abord le libéralisme à tout va, puis le fascisme s’instaurant comme représentant de ceux qui ont su émerger du libéralisme sans limites. C’est le même scénario que dans les années 1930.

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Autriche : putsch d’extrême-droite dans les services secrets

A la suite de la formation du gouvernement autrichien où la droite catholique – conservatrice (ÖVP) s’alliait à l’extrême-droite (FPÖ), une série de petits scandales avait marqué les « burschenschaft », les corporations étudiantes pangermanistes, dont l’une des traditions est l’affrontement au sabre, les marques sur le visage et les mains restant à vie des preuves du ralliement à la cause.

Des chansons antisémites faisaient partie de certains répertoire de chansons, ce qui n’est nullement une surprise, mais a provoqué un certain émoi, alors que d’anciens membres des « burschenschaft » sont désormais partout dans l’Etat, ministres, députés, responsables de cabinets ministériels, etc.

Le chef du Parti social-démocrate parle d’ailleurs d’une infiltration de l’État autrichien, et on a pu avoir une preuve de cela avec un événement qui bouscule tout le régime actuellement.

Ces dix dernières années, deux appareils d’État se sont développés sans contrôle. Les services secrets (Bureau pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme – BVT) étaient dépendants de l’ÖVP, la police anti-criminalité urbaine (EGS) du FPÖ. L’État central avait perdu tout contrôle sur ces appareils.

Or, fin février, la police anti-criminalité urbaine a mené une grande opération de perquisition chez les services secrets et certains de leurs membres. Lourdement armés, masqués, etc., les policiers ont embarqué plein de matériel (clefs usb, ordinateurs, CD, téléphones portables, dossiers, etc.).

Officiellement, c’était dans le cadre d’une opération anti-corruption… En pratique, l’opération a en fait embarqué plein d’enquêtes sur les « burschenschaft » et les néo-nazis. Et la presse elle-même est unanime pour parler de coup d’État dans les services secrets.

En clair, le ministère de l’Intérieur, désormais d’extrême-droite avec Herbert Kickl, a procédé à la liquidation de la main-mise de la droite sur les services secrets.

Au prix d’un scandale ébranlant l’État de manière profonde, car les experts sont littéralement blémes : des documents classés défense, ultra-confidentiels, y compris transmis par d’autres services secrets, ont été simplement enlevés par des policiers…

Le niveau de crédibilité est passé à zéro, sans parler évidemment, en ce qui nous concerne, la terrible signification de cette opération. Tous les partis de gauche sont vent debout pour tenter d’exiger une enquête parlementaire et il va de soi qu’il y a ici un aspect démocratique fondamental.

Mais cela sera-t-il suffisant ? N’est-ce pas comme dans les années 1930 où la gauche compte les coups, pour finir par se faire liquider ? Si on ne comprend pas l’enjeu, c’est ce qui se passe…

Car ce qui est en jeu ici, ce n’est pas moins que la fascisation de l’appareil d’État. Que l’extrême-droite n’hésite pas à la mise en scène de 80 hommes lourdement armés pénétrant dans la bâtiment des services secrets pour perquisitionner, brisant son prestige et sa crédibilité, en dit long sur son ambition.

Et quand la gauche n’a elle-même pas d’ambition, elle échoue à contrer celle de l’extrême-droite. Et l’ambition de la gauche ne peut être que du même niveau de celle de l’extrême-droite : celle-ci veut le fascisme, il faut vouloir le socialisme !

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Le « Rassemblement National » de Marine Le Pen

Ce week-end avait lieu à Lille le congrès de « refondation » du Front National, après l’échec de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Ce congrès visait à renouveler une ligne stratégique pour les années à venir, notamment en vue des élections européennes de 2019 mais aussi et surtout en vue des élections présidentielles de 2022.

Seulement 500 personnes environ se sont déplacées afin de protester, signe de la banalisation de l’extrême-droite, mais également de l’effondrement de la gauche dans une ville censée en être un bastion. Il ne reste plus que la sincérité, ce qui est déjà pas mal.

Malheureusement, l’extrême-droite sait organiser ses mutations nécessaires. Le renouvellement du Front National passe essentiellement par un changement du nom du parti et la proposition de changement est désormais là avec « Rassemblement national ».

Au-delà du fait que ce nom ait des accointances avec l’ancien mouvement collaborationniste de Marcel Déat, le « Rassemblement National Populaire » actif de 1941 à 1944, ce nom comporte un axe stratégique important.

Marine Le Pen a toujours eu comme stratégie, depuis 2011 et la reprise du FN, la conquête du pouvoir. Avec la déroute du second tour de 2017, il est clair que les critiques internes ont été très fortes, débouchant d’ailleurs sur la sortie de l’aile de « gauche » représentée par Florian Philippot en septembre 2017, aboutissant à la formation des « Patriotes ».

Plus que l’aile« gauche », c’est surtout un réservoir de cadres capables de diriger l’État qui sont partis du parti d’extrême droite. Marine Le Pen s’est alors trouvée coincée : ou bien maintenir la ligne « social-nationaliste » tout en trouvant une solution au déficit de cadres de son parti, ou bien revenir à la ligne du « canal historique », avec Bruno Gollnish en arrière-plan.

La présence du théoricien ultra-conservateur Steve Bannon lors du congrès montre la solution choisie. Cet ancien conseiller de Donald Trump est l’idéologue d’une droite se voulant décomplexée et capable de poser une alternative culturelle.

C’est cela qu’on retrouve à travers le changement de nom. Il a été compris que, comme en Autriche ou récemment en Italie, seule une grande alliance avec les forces de droite conservatrice est à même de porter l’extrême droite, ou une partie, au pouvoir.

Nicolas Dupont-Aignan de « Debout la France » ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a proposé à Laurent Wauqiez (Les Républicains) et à Marine Le Pen un « programme commun », justifiant le fait que sans union aucune force de droite ne « gagnerait seule ». Thierry Mariani, député Les Républicains et ancien proche de Nicolas Sarkozy, s’est lui aussi montré favorable à une telle union.

Des secteurs de la droite « nationale » l’ont compris : seule une grande alliance nationale-conservatrice peut mener à la conquête du pouvoir. Alors qu’une grande partie du centre a été absorbé par La République en Marche d’Emmanuel macron, l’opposition est actuellement portée par le populisme de gauche de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

La droite et l’extrême droite, en pleine recomposition, se cherche un cap. Mais le problème essentiel de cette fondation d’une grande alliance nationale-conservatrice c’est le poids des appareil politiques et le manque de cadre du côté du FN (qui a l’ascendant sur le reste des forces). De plus, la pression exercée à la fois par « Les Patriotes » par en haut et « Bastion Social » par en bas compliquent la situation.

Laurent Wauquiez, président des Républicains, bloque une telle alliance en voulant retenter la stratégique de Nicolas Sarkozy de « pomper » les bases du FN. Mais Marine Le Pen, a au fond le même espoir inverse : pomper les bases de droite radicalisée, et déçues par l’affairisme des Républicains. Les têtes d’appareil bloquent toute alliance permettant à la droite conservatrice d’avoir sa majorité électorale, et au FN d’avoir un réservoir de cadres.

Là où tout va peut se jouer c’est dans la constitution ou non d’un mouvement d’opposition à la modernisation de la loi de bioéthique en pleine année de commémoration des 50 ans de Mai 68.

 

Victoire de Gubernatis, la présidente de la « Marche pour la Vie », qui a rassemblé 10 000 personnes en janvier 2018 contre le droit à l’avortement et contre la PMA, a d’ailleurs déclaré dans le média identitaire « Boulevard Voltaire » que « la PMA sera au cœur de la vie politique en 2018 » (sous-entendu en lien avec la révision de la loi de bioéthique).

« Rennaissance Catholique », est un des groupes catholiques conservateurs, participants à cette « marche pour la vie », oriente d’ailleurs son université d’été de juillet 2018 sur le thème « 1968-2018, une révolution silencieuse ». Des questions abordées comme « la religion du multiculturalisme », « les droits de l’Homme contre les Nations », « la dictature des juges », etc., laissent clairement apparaître la proximité avec l’extrême droite dans sa tradition contre-révolutionnaire anti-lumières et anti-progrès.

On le comprend aisément : seule une mobilisation nationale-conservatrice peut débloquer le verrouillage des appareils incapables d’une alliance. C’est dans le creuset d’un tel mouvement, dans la pression et l’unification des bases populaires à la fois celles conservatrices et réactionnaires, qu’une grande alliance « de sommet » peut se former.

Ce serait une forme de « Front Populaire » de droite, comme pied de nez terrible à l’apathique des forces de gauche, incapable de faire front commun tout en critiquant les aspects « libéral-libertaire » de mai 68.

Marine Le Pen a très bien saisi l’importance de ce futur moment en axant justement toute une partie de son discours sur une critique de l’esprit « libérale-libertaire » de Mai 68, débouchant sur la « marchandisation du vivant » (sous-entendu explicite à la PMA, GPA). Elle a également ciblé le transhumanisme.

C’est là la base d’une dénonciation culturelle du capitalisme au moyen du conservatisme. Le Rassemblement National se positionne de manière à anticiper les futures alliances électorales, mais aussi un possible futur grand mouvement d’opposition conservatrice anti-gouvernement. C’est là un danger réel qui se profile à moyen terme.

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Discours de Marion Maréchal-Le Pen au CPAC 2018

Discours de Marion Maréchal-Le Pen au Conservative political action conference aux États-Unis.

« Aujourd’hui, je suis venue honorer 240 ans d’amitié. Notre amitié a commencé il y a longtemps, avant les plages de Normandie et les tranchées de Belleauwood, où l’écho de la bravoure de vos soldats résonne encore. Notre alliance est formée par la quête commune de la liberté.

Mon pays, la France, fut la première à reconnaître votre indépendance. Ce fut avec le sang français, répandu sur le sol américain, que commença notre amitié. Aujourd’hui, plus de deux siècles plus tard, ici à la CPAC, nous nous tenons à nouveau côte à côte dans une autre bataille pour la liberté.

Cette liberté est un bienfait. Libertés économiques et politiques, liberté d’expression, liberté de conscience sont nos trésors communs. Après 1500 ans d’existence, c’est nous, Français, qui devons à présent nous battre pour notre indépendance.

Non, la France n’est aujourd’hui plus libre. Les Français ne sont pas libres de choisir leur politique, qu’elle soit économique, monétaire, migratoire ou même diplomatique. Notre liberté est dans les mains de l’Union européenne.

Cette Union européenne n’est pas l’Europe. C’est une idéologique qui ne sait que regarder vers l’avenir tout en souffrant d’amnésie historique. Une idéologie hors-sol, sans peuple, sans racines, sans âme et sans civilisation. L’UE est en train de lentement tuer des nations millénaires.

Je vis dans un pays où 80% – oui, vous avez bien entendu – 80% des lois sont imposées par l’UE. La seule fonction de notre Assemblée est aujourd’hui de valider des lois faites par d’autres.

Que je sois claire : je ne suis pas offensée lorsque j’entends le président Trump dire « America First ». En fait, je veux que l’Amérique passe en premier pour les Américains. Je veux l’Angleterre pour les Anglais. Et je veux la France pour les Français !

C’est pourquoi je me bats pour que la diplomatie française conserve son rôle unique, de lien entre l’Est et l’Ouest. Une longue histoire nous a permis de former des liens privilégiés avec l’Afrique, la Russie, l’Asie et le Moyen-Orient.

Nous devons être capables de garder les capacités de décider pour nous-mêmes sur les sujets militaires et diplomatiques. Nos forces sont complémentaires.

Comme vous, si nous voulons que la France redevienne grande, nous devons défendre nos intérêts économiques dans la globalisation. L’UE nous soumet à une concurrence déloyale face au reste du monde. Nous ne pouvons accepter un modèle qui produit des esclaves dans les pays en voie de développement et des chômeurs en Occident.

Je refuse le monde standardisé proposé par l’UE. Je considère que les peuples ont le droit à une continuité historique.
Ce que je veux, c’est la survie de ma nation, être capable de transmettre, pas seulement mon héritage matériel mais aussi mon patrimoine immatériel.
Les jeunes Français ne sont pas encouragés à découvrir et à aimer cet héritage culturel. On leur fait subir un lavage de cerveaux, à base de culpabilité et de honte de leur pays.

Le résultat, c’est le développement d’une contre-société islamiste en France.

Après 40 ans d’immigration massive, de lobbies islamiques et de politiquement correct, la France est en train de passer de fille aînée de l’Église à petite nièce de l’islam. Et le terrorisme n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ce n’est pas la France pour laquelle nos grands-parents se sont battus.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Parce que l’UE et la France ont oublié un point crucial : « pour s’ouvrir à l’autre, il faut un cœur ferme ; pour accueillir, il faut rester, et pour partager il faut avoir quelque-chose à offrir[RBEJ1] ».

Dans cette perspective, le modèle de société que nous portons est basé sur une conception de l’humain enraciné dans sa mémoire collective et sa culture partagée.

Sans nation et sans famille, le bien commun, la loi naturelle et la morale collective disparaissent cependant que perdure le règne de l’égoïsme.

Même les enfants sont devenus une marchandise ! Nous entendons dans le débat public « nous avons le droit de commander un enfant sur catalogue ». « Nous avons le droit de louer le ventre d’une femme ». « Nous avons le droit de priver un enfant de mère ou de père ». Non, vous ne l’avez pas ! Un enfant n’est pas un droit.

Est-ce cela, la liberté que nous désirons ? Non, nous ne voulons pas de ce monde atomisé de l’individu sans genre, sans père, sans mère et sans nation.

Que voulons-nous alors ?
Comme vous, je veux retrouver mon pays !

Je suis venu vous dire qu’il y a aujourd’hui une jeunesse prête pour cette bataille en Europe : une jeunesse qui croit au dur labeur, qui croit que ses drapeaux signifient quelque-chose, qui veut défendre les libertés individuelles et la propriété privée. Une jeunesse conservatrice qui veut protéger ses enfants de l’eugénisme et des délires de la théorie du genre. Une jeunesse qui veut protéger ses parents de l’euthanasie et l’humanité du transhumanisme.

Comme la jeunesse américaine, la jeunesse française est héritière d’une grande nation. À qui beaucoup est donné, et de qui beaucoup est attendu.

Notre combat ne doit pas être seulement électoral : nous devons diffuser nos idées dans les médias, la culture et l’éducation, afin de stopper la domination des libéraux et des socialistes.

C’est pourquoi j’ai récemment lancé une école de management et de sciences politiques. Le but ? Former les chefs de demain. Ceux qui auront le courage, le discernement et les techniques pour défendre les intérêts de leur peuple.

Le défi est gigantesque, mais les 2 années qui viennent de s’écouler ont montré une chose : ne sous-estimez jamais le peuple ! Une bataille qui n’est pas menée est déjà perdue.

Le Brexit au Royaume-Uni, Manif pour tous en France, et, bien sûr, l’élection de Donald Trump prouvent une chose : quand les peuples ont l’opportunité de reprendre leur pays, ils la saisissent !

Par votre action et votre talent, vous avez réussi à remettre le conservatisme en priorité dans l’agenda politique. Construisons sur ce que vous avez accompli ici, afin que des deux côtés de l’Atlantique un agenda conservateur domine.

Je termine par une citation de Malher que j’aime particulièrement. Une citation qui résume le conservatisme moderne : « La Tradition n’est pas la vénération des cendres, mais la transmission de la flamme. » Vous fûtes l’étincelle. C’est maintenant à nous de nourrir la flamme conservatrice dans notre pays.

Vivent les nations libres, vivent les peuples libres et longue vie à l’amitié franco-américaine.

Merci. »

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Le retour de Marion Maréchal-Le Pen dans la vie politique française

Cela n’est nullement étonnant pour qui suit de près et analyse correctement la vie politique française : le départ de la vie politique de Marion Maréchal-Le Pen était en fait surtout la préparation de son retour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce retour se fait rapidement, et par la « grande porte ».

L’ancienne députée du Front National a fait parler d’elle de deux manières, qui sont liées. D’une part pour la tribune qu’elle a publiée dans le magazine réactionnaire Valeurs Actuelles. D’autre part pour son intervention lors d’une conférence des conservateurs américains.

Valeurs Actuelles est un hebdomadaire qui a pris une grande importance dans les franges les plus réactionnaires de la Droite française. C’est un magazine d’opinion ayant de l’influence et un grand rayonnement depuis le début des années 2010.

La Conservative political action conference durant laquelle elle s’est exprimée, est également de grande importance. Cela représente un courant du parti républicain américain. Ce sont ces gens qui ont fait élire Donald Trump à la présidence. Le Président américain s’y est d’ailleurs exprimé, ainsi que son vice-président, Mike Pence, la veille. Et ce dernier s’exprimait juste avant Marion Maréchal Le Pen. C’est dire l’importance qui est accordée à cette française.

Sa venue a été commentée par les médias américains, avec notamment la chaîne réactionnaire Fox News présentant favorablement ses propos.

L’objet du discours était de dire qu’elle soutient la ligne « America First » porté par Donald Trump, et qu’elle souhaite en quelque sorte la même chose en France. Le but de ce discours était surtout de faire connaître ses opinions, faire parler d’elle. Elle est en ce moment aux États-Unis pour récolter des fonds afin de financer la fondation d’une École de sciences politiques marquée à Droite.

C’est justement de ce projet dont il est question dans sa tribune à Valeurs Actuelle.

Marion Maréchal Le Pen a mis en suspend ses mandats de représentation politiques pour se placer sur le terrain de la bataille idéologique. Elle entend mener un travail en profondeur, pour former la « jeunesse conservatrice de France ».

Valeurs Actuelles utilise le mot « métapolitique » pour qualifier sa démarche. C’est une notion portée en France par le fasciste Alain de Benoist, du courant dit de la « Nouvelle Droite ». Cela exprime l’idée qu’il faut travailler en profondeur dans la société française, pour y diffuser ses idées, sa morale, sa culture.

Marion Maréchal Le Pen a compris l’ampleur de l’échec et la profondeur du revers subi par sa tante Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle 2017. La société française n’est pas prête à accepter l’Extrême-Droite au pouvoir, ni n’est convaincu par les approximations de son projet. La petite-fille de Jean-Marie Le Pen entend y remédier, dans le sens d’une « métapolitique » ultra-conservatrice.

On voit qu’elle a des relais importants, avec une ambition très grande. Il y a clairement de quoi s’en inquiéter et suivre cela de très près.

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Le « Bastion social » et ses locaux à Lyon, Strasbourg, Chambéry, Aix-en-Provence, Marseille

« Si nous voulons incarner la transmission de la flamme devant brûler au sein de chaque âme européenne, alors nous devons être des soldats politiques, tant physiquement qu’intellectuellement. »

Ce discours, on le connaît : c’est celui de l’extrême-droite des troupes de choc, des bandes armées, des milices menant des opérations d’agression. C’est le style des chemises noires italiennes de Benito Mussolini, des chemises brunes d’Adolf Hitler. Et c’est le mythe d’une Europe « nationaliste » qui était le grand projet nazi du début des années 1940.

Or, c’est une réalité toujours plus prégnante en France et cela a une cause bien déterminée. Quand la gauche n’est pas capable de développer une ligne culturelle, elle laisse des espaces béants à la confusion qui permet l’émergence de l’extrême-droite, avec des thèmes « sociaux » nationalistes.

On l’a vu avec Alain Soral, avec Dieudonné, ces dernières années, et désormais on peut le voir avec le mouvement « Bastion Social », qui dispose d’un local à Lyon (Le Pavillon Noir), ainsi qu’à Strasbourg (L’Arcadia), Chambéry (L’Edelweiss), Aix-en-Provence (La Bastide), et compte en ouvrir un à Marseille (Le Navarin) le 24 mars 2018.

L’idée de ce mouvement est de fédérer les activistes d’extrême-droite non plus politiquement, mais culturellement, en s’appuyant sur des locaux, si possible sous la forme de ce qui est appelé une « occupation non-conforme ». En clair, l’objectif est si possible de réaliser un squat d’extrême-droite à visée culturelle, associative.

Cette stratégie vise directement à faire un mouvement de contestation non-institutionnel, en se donnant une aura de radicalité, comptant profiter du fait que la gauche universitaire ou anarchiste vit en cercle fermé et profite souvent des espaces culturels et intellectuels institutionnels pour exister matériellement.
Une conférence de presse a ainsi été tenue il y a peu à Strasbourg et celle-ci a été justifiée notamment ainsi par le « Bastion Social » :

« La conférence de presse avait pour objectif de rappeler quelques vérités sur ce torrent médiatique qui a sévit autour de notre local [à Strasbourg]. Je rappelle que M. Ries, maire de Strasbourg, subventionne à hauteur de 23 000€ par an un local d’extrême gauche, le Molodoï, avec l’argent public et qu’il a également financé 500 000€ de ses travaux. »

Voici la version du Molodoï, qui assume tout à fait, sans voir de problèmes, à ce que la mairie soutienne un projet pourtant censé être alternatif, ce qu’il n’est par définition pas, pour recevoir une somme pareille.

« Rapidement, lorsqu’il a fallu chiffrer nos désirs nous nous sommes rendu compte de notre incapacité à financer les travaux. Dès lors nous nous sommes tournés vers la municipalité qui, depuis le premier bail emphytéotique signé en 1991 accompagne financièrement le projet associatif Molodoï à l’aide d’une subvention annuelle de fonctionnement.

Le montage financier, à hauteur de 500 000 euros, nécessitera que la ville de Strasbourg soit porteuse du projet de chantier et donc que nous abandonnions temporairement notre emphytéose.

Muni d’un bail précaire -dûment négocié- dont la durée de validité s’adaptait à la durée des travaux, nous avions ainsi la garanti de retrouver notre emphytéose lors de la remise des clefs de fin de chantier.

Nous y sommes et vous allez découvrir un lieu qui n’est pas métamorphosé mais embelli. La seule concession que nous ayons dû faire est le paiement annuel d’un forfait de 3000€ soit un « loyer » de 250€ mensuel.

Les grincheux/euses parleront d’une augmentation de plus de 200% puisque depuis 1994 le forfait n’était que de….15€ annuels ! Les joyeux/euses souligneront qu’avec un nouveau bail de 20 ans et une salle toute fraîche, ce forfait nous coûtera 60 000€ pour un investissement de 500 000€ de travaux…

D’autres nouveautés vous attendent : nous proposons un service supplémentaire aux associations utilisatrices qui souhaitent vendre de la bière pression. Une tireuse 4 becs est désormais installée en permanence au bar de la salle. Mais attention, le prix de la bière étant beaucoup plus cher au litre (2,40€ à la pression pour 1,32€ en bouteille) les associations n’auront pas d’obligation de fonctionner avec la tireuse et pourront continuer avec le bon vieux système des 75 cl.

Car nous souhaitons instamment que les associations gardent à l’esprit la nécessité de pratiquer des prix les plus bas possible : le Centre Autonome Jeune Molodoï doit rester un lieu de cultures alternatives, abordable pour tous et ne doit pas participer à la gentrification du quartier. Nous serons vigilant.e à ce que les prix d’entrée et les prix des boissons ne s’envolent pas au prétexte de servir des bières exotiques.

Depuis 2004, le Molodoï embauchait de jeunes ingénieurs son en contrat aidé de deux ans, histoire de se former et de faire ses premiers pas dans une salle polyvalente aux événements multiples.

La politique du gouvernement mettant fin aux emplois aidés (sauf pour la police!) les désignant comme des vestiges d’un temps révolus, nous oblige à embaucher en CDD. Les charges financières vont donc augmenter pour la salle et dans cette perspective, nous avons décidé d’augmenter le forfait « grande sono » de 450 à 500€. »

Subventions et contrats aidés, aides massives aux travaux : il est évidemment impossible de prétendre par la suite être en conflit avec un État si généreux avec soi.

Et cette compromission a un prix, car là-dessus, l’extrême-droite peut asseoir sa légitimité. En disant que, finalement, les gens de gauche apparemment les plus contestataires profitent de l’argent de gens qu’ils sont censés haïr, l’extrême-droite en profite pour discréditer la gauche en général.

La démagogie a alors un vaste espace pour affirmer qu’être de gauche, c’est finalement boire sa bière dans des locaux associatifs au milieu d’étudiants et d’universitaires, en cercle fermé, alors qu’être d’extrême-droite serait véritablement une rébellion.

C’est ce que fait le « Bastion Social » en dénonçant la « finance apatride », en se revendiquant d’une « inspiration nationaliste-révolutionnaire », en se voulant une « troisième voie, tant éloignée du capitalisme destructeur des peuples et des civilisations que du marxisme internationaliste. »

Et son succès tient à quelque chose d’également très important. Le grand problème de l’extrême-droite, c’est la révolution française. L’extrême-droite est historiquement liée au catholicisme et récuse 1789 et le principe de république, notamment avec l’Action française.

Or, cela signifie que le nationalisme ne peut pas profiter du drapeau français comme moyen d’expression, ce qui est un grand handicap politique. D’où l’utilisation des croix celtiques comme symboles pour les nationalistes, du trident pour les nationaux-révolutionnaires.

« Bastion Social » est ici, pour la première fois historiquement depuis 1945 si l’on met de côté le Front National qui lui visait directement à être un mouvement de masse, un mouvement nationaliste jouant sur la « préférence nationale » au nom des couleurs bleu – blanc – rouge.

C’est un changement d’une grande importance, permettant d’être davantage fédérateur. Et qui se justifie idéologiquement par un discours nationaliste européen, où chaque patrie viendrait s’intégrer au projet.
Et dont l’objectif est de manière très claire la constitution de brigades de choc, de confrontation, de provocation.

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Fondation des « Patriotes »: un nouveau parti nationaliste

« J’ai beaucoup d sympathie pour les électeurs et sympathisants du FN qui sont déçus, j’en fais partie. »

Voilà la ligne, l’identité du mouvement des « Patriotes » de Florian Philippot, qui vient de tenir son congrès de fondation.

Ce mouvement se veut l’enfant légitime de la ligne tenue par Marine Le Pen lors du débat télévisé face à Emmanuel Macron entre les deux tours des présidentielles. L’échec de Marine Le Pen a fait reculer celle-ci sur la question de la sortie de l’Europe ; Florian Philippot se pose comme canal historique.

Sa ligne est celle du « Frexit », l’équivalent français du Brexit.

Il y a encore beaucoup d’amateurisme, le site du mouvement étant plus que mal sécurisé. Cependant, il ne faut pas se leurrer, ce nouveau mouvement d’extrême-droite a un espace réel pour exister, car Florian Philippot tente de rassembler le plus largement possible en supprimant l’aspect raciste qui, d’une manière ou d’une autre, marquait le Front National.

A cela s’ajoute l’ajout de l’idéologie « sociale » apporté par Florian Philippot, qui a fait du Front National un véritable mouvement d’extrême-droite, au sens où il y a l’alliance du national et du social, alors qu’avec Jean-Marie Le Pen, il n’y avait qu’une ligne pro-libérale.

Florian Philippot, qui tente de chercher à exprimer cela par des formules bien net, résume cela en disant :

« J’ai mis le FN sur des rails gaullistes, on a changé le logiciel, les scores ont augmenté. Mais ça a déraillé, le FN est revenu sur des rails lepenistes. »

Or, on sait très bien comment la démagogie « sociale » nationaliste est difficile à combattre pour la gauche. En jouant sur le repli sur soi, sur l’unité au-delà des classes sociales – des classes sociales par ailleurs niées par la « nouvelle » gauche -, en jouant sur la peur de la compétition de la mondialisation (les « Chinois », les « Américains, etc.), le nationalisme a aisément de la vigueur.

Il faut d’ailleurs souligner deux choses importantes. D’abord, le congrès de fondation des « Patriotes » s’est tenu ce week-end à Arras, histoire de montrer que le but est la conquête du Nord, aux dépens des traditions ouvrières, de gauche.

Font partie des 6500 adhérents revendiqués du mouvement José Évrard, député élu avec le Front National après avoir longtemps été membre du PCF. Mentionnons également le fait que le vice-président des « Patriotes » est Franck de Lapersonne, un tribun de très haute volée avec une vraie connaissance idéologique des principes d’extrême-droite.

Ensuite, le siège des « Patriotes » est à Saint-Ouen, en banlieue parisienne, un bastion de la ceinture rouge, avec un maire PCF de 1945 à 2014. C’est une sorte de vague écho à la tentative de Jacques Doriot, dirigeant communiste de Saint-Denis, qui s’est tourné vers le fascisme dans les années 1930 avec le Parti Populaire Français.

Notons également que le siège est loué à Marcel Campion, le patron des forains, connu pour ses rodomontades médiatiques, ses coups de force en mode blocage des voies, etc.

On a ici tous les ingrédients typiques de l’extrême-droite : des réseaux et des cadres nationalistes, une dynamique « sociale » revendiquée où la nation est présentée comme le seul vecteur possible, une orientation populaire pour affaiblir la gauche en général, tout en prétendant ratisser le plus large possible.

Florian Philippot explique ainsi cela au sujet des membres :

« On a des gens du FN, de DLF, de l’UPR, de la France insoumise, de LR… et deux tiers de nos adhérents ne viennent d’aucun parti. »

Ce n’est pas pour rien que Florian Philippot ne mentionne ni le PS, ni le PCF. Son but est de liquider la gauche et il se positionne comme fer de lance d’un discours capable de faire cela. Les « Patriotes » sont censés agir comme l’éperon du souverainisme, c’est-à-dire du nationalisme.

Au projet d’une France socialiste, le nationalisme des « Patriotes » oppose l’union au-delà des classes sociales. Pour aujourd’hui, cela ne rime pas à grand chose. Mais pour demain – et qui est de gauche sait que le capitalisme est instable, toujours victime de crises profondes, d’une tendance au militarisme, à la guerre – cela peut suffire pour donner naissance à un vaste mouvement nationaliste, dans une fièvre qui suivrait une crise.

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« Les journées ouvrières des 9 et 12 Février 1934 »

Voici un extrait de l’ouvrage de Marc Bernard, Les journées ouvrières des 9 et 12 Février 1934 (« L’appauvrissement révolutionnaire de Paris »). Il fut publié dans la foulée de ces journées qui suivent la tentative de coup d’Etat par l’extrême-droite le 6 février 1934.

«  Depuis plusieurs années le centre de Paris, la ville proprement dite, est devenu réactionnaire. Le 6 février on vit ce phénomène curieux se manifester avec une force d’une puissance inouïe, d’un Paris entièrement soumis aux organisations de droite.

Cette brusque volte-face d’une capitale que l’on avait toujours connue à l’avant-garde des révolutions, de cette ville qui avait fait celles de 1793, de 1848, de la Commune, a étonné certains, qui n’ont pas très bien vu les causes de ce changement d’orientation politique.

Les réactionnaires ont triomphé, prétendant avoir conquis Paris à leurs méthodes ; les gens de gauche et d’extrême-gauche ont été navrés et inquiétés par ce reniement de tout un passé de lutte.

La vérité c’est que Paris, peu à peu, et plus particulièrement au cours de ces vingt dernières années, a vu émigrer vers la banlieue sa population ouvrière.

Ce qu’on appelle « la ceinture rouge » s’est formé au détriment des forces révolutionnaires de la capitale, de jour en jour envahie par l’élément bourgeois qui, débordant certains quartiers du centre de la ville, s’est répandu bien au-delà de ses premières frontières, et par la foule de petits-bourgeois : employés, boutiquiers, etc., dont le nombre n’a cessé de croître.

La population ouvrière, artisanale, des faubourgs Saint-Antoine et même dans un certaine mesure de Belleville, Ménilmontant, etc., est allée se grouper dans la banlieue autour des usines ; une partie de cette population, quoique travaillant aux portes de Paris, s’est exilée dans les innombrables lotissements qui entourent la ville, fort éloignés parfois du lieu de leur travail, les moyens de communications rapides ne faisant plus de cet éloignement un obstacle insurmontable.

Cette émigration, sans cesse croissante, explique le changement d’orientation politique de la capitale ; Paris tend, de jour en jour davantage, à devenir une ville d’intellectuels, de bourgeois, de commerçants et d’employés : et l’on sait bien que ce n’est jamais parmi ces gens-là que le socialisme a recruté de nombreux adeptes.

Il est remarquable que, malgré l’énorme avance du socialisme, qui dura jusqu’à ces dernières années dans le monde entier, et particulièrement en France où le nombre d’élus socialistes au Parlement, au Sénat, dans les conseils municipaux de la presque totalité des villes, Paris à peu près seul, ait vu réactionnaires augmenter avec une constante régularité.

En dehors même de la répartition des sièges – monstrueuse iniquité qui exige plus de dix mille votants dans certaines circonscriptions, alors que moins d’un millier suffisent dans d’autres pour élire un conseiller – il n’en reste pas moins vrai que cette émigration ouvrière dans Paris, avec le glissement vers la droite des étudiants, coupés entièrement aujourd’hui du prolétariat.

Les combats du 6 février furent menés par une foule – en dehors des quelques éléments communistes qui furent rapidement absorbés – où dominait une écrasante majorité bourgeoise. Il suffisait de jeter un regard sur elle pour s’en apercevoir.

Le 12 février devait voir à Vincennes le regroupement des forces prolétariennes et populaires. »

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1934, quand la Droite faisait rêver…

Lorsqu’on pense aux années 1930 et que l’on est de gauche on pense spontanément au fascisme et au front populaire de 1936. Mais, en France, l’Histoire s’apprend de manière découpée, en section altérant la compréhension des processus de moyen long terme.

En effet, c’est souvent sous l’angle d’un « moment », celui de mai-juin 1936 qu’on parle du Front Populaire, ce qui met dans l’ombre la dynamique interne globale qui a vu émerger cette expérience populaire de gauche.

Car l’arrière-plan de l’unité populaire en 1936, c’est évidemment le 6 février 1934 des ligues factieuses et plus généralement c’est la montée du fascisme en France alors que le pays a aux frontières deux pays fascistes, l’Allemagne (janvier 1933) et l’Italie (mars 1922). L’extrême droite française connaît alors un développement massif et populaire, tandis que que les forces de gauche sont affaiblies.

En 1933-1934, au plan des forces numéraires, alors que la S.F.I.C compte environ 60 000 membres et la S.F.I.O 120 000 adhérents, l’Action Française compte près de 60 000 membres, il y a 90 000 « Jeunes Patriotes » et 180 000 Croix De Feu. Il faudrait aussi mentionner les chemises vertes d’Hervé Dorgères, rassemblant près de 400 000 « fascistes ruraux » agissant dans les campagnes…

A la pointée de l’offensive fasciste en janvier-février 1934, ce sont 130 000 hebdomadaires de l’Action Française qui sont vendus avec une agitation de rue permanente dans Paris.

Pendant le Front Populaire, malgré le recul momentané des forces d’extrême droite, deux principaux partis se partagent le terrain réactionnaire : le Parti Populaire Français de Jacques Doriot et le Parti Social Français du Colonel de La Rocque. Avec Le PPF on a là une véritable machine fasciste, sur une ligne violemment anticommuniste et national-socialiste, rassemblant en 1937, 120 000 adhérents. Le PSF est quant à lui un véritable monument de la culture politique nationale, parti réactionnaire de masse avec plus 500 000 adhérents en 1938.

A ces deux principales forces parlementaires réactionnaires s’ajoute bientôt un groupuscule clandestin pratiquant une stratégie de la tension à coup d’assassinats et d’attentats, le Comité Secret d’Action Révolutionnaire ou dit « La Cagoule ». Ce groupuscule lié à certains secteurs de la haute bourgeoisie maintient des liens lointains avec des personnalités plus ou moins proches du Colonel De La Rocque.

La valse des intimidations violentes et des attentats menés par « La Cagoule » et la « dédiabolisation » du PSF issu des ligues Croix de Feu créé une tension sociale et politique profonde sur le peuple de gauche. Tout en noyautant l’armée, l’enjeu stratégique fut bien de favoriser une profonde tension à l’intérieur de la gauche (comme en 1937 à Clichy ) afin d’appeler à un retour militaire à l’ordre sous la direction des forces fascistes.

Dans cette ligne, à l’agitation militaire et politique s’ajoute le pilonnage idéologique de la société par des fascistes qui tissent des liens et développent une presse à scandale, basée sur des faits divers montés en épingle et analysés sous un angle raciste et antisémite, rappelant ce que l’on nomme aujourd’hui « fachosphère ».

L’hebdomadaire L’Ami du Peuple, fondé par le parfumeur François Coty et qui revendiquait plus de 3 millions de lecteurs est un bon exemple de cette presse populiste. François Coty fonde d’ailleurs en 1933 son propre mouvement appelé « Solidarité Française » , mouvement qui aura une forte implication dans les émeutes anti-parlementaires du 6 février 1934…

Il serait erroné de saisir cette montée du fascisme comme simple « caisse de résonance » des dynamiques étrangères, car c’est bien une dynamique interne au pays qui l’alimente. Un exemple de cela est l’échec des « chemises bleues » fondées en 1926 par Georges Valois, ancien syndicaliste révolutionnaire puis acquis au nationalisme de l’Action Française. Les « Chemises bleues » qui comptent alors 25 000 membres, disparaissent pourtant en 1927, preuve qu’un simple décalque du fascisme italien ne prend pas dans les mentalités et les valeurs françaises.

Ce qui marchera en France, c’est le national-catholicisme , comme le prouve ensuite la politique du régime de Vichy fondée sur un corporatisme maurassien : défendre le « pays réel » identifié aux villages ruraux cimentés par la morale du clergé et le conservatisme de « La Terre ». La prégnance des « chemises vertes » rurales dans les années 1930 a ainsi fourni l’armature politique et idéologique au pétainisme.

Aborder le Front Populaire de 1936-1938 c’est donc nécessairement prendre en compte la vitalité et l’importance des forces fascistes françaises développées sur une base nationale. Il est peu étonnant que la réaction antifasciste unitaire de 1934 se soit élancée essentiellement des campagnes , comme illustration de l’agitation profonde que connaît le cœur de la société française de l’époque.

Les années 1930 ont été l’histoire de la gauche autant que l’histoire de l’extrême droite, et c’est en cela d’ailleurs qu’elles constituent un puissant miroir de notre époque actuelle…

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Autriche : l’extrême-droite obtient l’intérieur, les affaires étrangères et la défense

L’Autriche de l’après-guerre a connu un régime marqué par un grand compromis, entre la droite du Parti autrichien du peuple et le Parti social-démocrate.

Les postes étaient partagés, les deux camps coexistant parallèlement, toute la société se divisant suivant cette ligne. Symbole de ce compromis, l’aigle nationale se voyait coiffé d’une couronne en forme de tour, symbole de la ville, du bourg, du bourgeois.

Et, dans ses pattes, il tient un marteau et une faucille, se libérant de chaînes : c’est le symbole de la social-démocratie, de la classe ouvrière, du socialisme.

Ce compromis était contre-nature, mais la social-démocratie l’acceptait, car elle préférait les Etats-Unis au communisme. Il n’a été remis vraiment en cause que dans les années 1980-1990 avec l’irruption du FPÖ, le parti de la liberté d’Autriche, avec à sa tête Jörg Haider.

Mais l’alliance du Parti autrichien du peuple et du FPÖ, en 2000, avait provoqué un cordon sanitaire international, l’Autriche connaissant un isolement diplomatique, l’extrême-droite n’obtenant de toutes façons que des postes ministériels secondaires.

L’époque a changé et le nouveau gouvernement qui vient de se former en Autriche correspond au cauchemar de tous les gens de gauche. Non seulement l’extrême-droite arrive au gouvernement, non seulement elle obtient six ministères, mais en plus parmi ceux-ci il y a l’intérieur, les affaires étrangères et la défense.

C’est très exactement le genre de moment où l’on se dit : cela recommence, ce sont de nouveau les années de crise de l’après-première guerre mondiale, avec tout ce chantage nationaliste, cette crispation de la société.

Quelle personne de gauche ne peut pas trembler à l’idée que le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre des affaires d’étrangères, soient d’extrême-droite, membres d’un parti fondé par le chef de brigade SS Anton Reinthaler ?

Une extrême-droite dont les parlementaires, lors des sessions, portent un bleuet. Cette fleur était le symbole de reconnaissance des nationaux-socialistes à partir de 1933, année de leur interdiction.

Une interdiction mise en place par… les nationalistes-catholiques autrichiens, ayant comme dirigeant Engelbert Dollfuss, le dictateur de « l’État des corporations » de 1932 à 1934.

Engelbert Dollfuss qui avait encore, jusqu’à il y a quelques mois et la rénovation du parlement, son portrait dans le club parlementaire de la droite !

Cerise sur ce gâteau indigeste, l’annonce de l’alliance formant le nouveau gouvernement, entre le Parti autrichien du peuple et le Parti de la liberté d’Autriche, s’est faite sur le mont Kahlenberg, lieu du camp de base des armées de l’empire ottoman devant Vienne, symbole de leur dernière grande offensive en Europe centrale, mis en échec en 1683.

C’est une alliance contre-nature, puisque le Parti autrichien du peuple, formant la droite, est de tradition nationaliste – catholique, alors que le Parti de la liberté d’Autriche, l’extrême-droite, représente le courant nationaliste – pangermaniste.

Mais les descendants des austro-fascistes et des nationaux socialistes ont su s’entendre, disposant d’une majorité largement suffisante, puisque aux élections législatives la droite a obtenu 31,5 % des voix, l’extrême-droite 26 %.

L’occasion était trop belle et de toutes manières, droite et extrême-droite sont d’accord pour se tourner ouvertement vers la Russie, tout en restant dans l’Union Européenne.

Qui plus est, avec un chancelier de droite, Sebastian Kurz, qui n’a que 31 ans, le gouvernement peut se prétendre comme représentant une Autriche se modernisant, au moyen d’une équipe nouvelle. Le dirigeant d’extrême-droite Heinz-Christian Strache, âgé de 48 ans, est quant à lui vice-chancelier.

L’Autriche s’enfonce donc dans la droite et l’extrême-droite de manière significative.

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Ces gens de gauche qui passent à droite selon Sternhell

Si on se rappelle des travaux de l’historien Zeev Sternhell, on a froid dans le dos sur ces gens de gauche qui, par perte des valeurs de tout un mouvement historique, basculent dans des idées troubles, populistes, nationalistes.

Sternhell dresse un panorama historique montrant que le fascisme est né en tant qu’idéologie portée par les éléments décomposés de la gauche qui, incapables de trouver un chemin de gauche qui convainc et mobilise, cherche ailleurs un chemin qui persuade et agite.

Il l’a fait dans plusieurs ouvrages, dont Ni droite ni gauche L’idéologie fasciste en France, qui lui a valu une haine générale des historiens français, qui ont tous une ligne très simple au sujet du fascisme français « Circulez, il n’y a rien à voir ».

Voici un passage représentatif de ce que dit Sternhell, dans La droite révolutionnaire (Les origines françaises du fascisme, 1885-1914).

« C’est aussi en France que l’on constate dans toute son ampleur ce phénomène-clef du fascisme : le passage de gauche à droite d’éléments socialement avancés, mais violemment opposés à l’ordre libéral.

Car le fascisme est allé puiser tant dans la gauche que dans la droite et, parfois, dans certains pays, beaucoup plus dans la gauche que dans la droite.

Il ne s’agit point ici d’un phénomène spécifique à la France : le comportement du ministre travailliste Oswald Mosley, la pléiade de syndicalistes italiens autour de Mussolini ou l’accueil réservé au nazisme par Henri de Man recoupent les réactions des militants du Parti populaire français ou du Rassemblement national populaire.

Cependant, depuis les radicaux d’extrême gauche, au temps du boulangisme, jusqu’à Déat et Doriot et les milliers de militants socialistes et communistes qui gravitent autour d’eux, en passant par Sorel, Lagardelle et Hervé, nul autre pays que la France n’enregistre de revirements aussi nombreux et aussi spectaculaires. Nul autre parti ne perd en faveur d’un parti fasciste un tel nombre de membres de son bureau politique que le PCF (…).

Un fascisme qui est une révolte contre les bassesses de la vie bourgeoise, contre ses valeurs et son régime, et un fascisme qui découle en droite ligne d’une crise du socialisme, provenant elle-même de l’impuissance du marxisme à répondre au défi que présente la crise du capitalisme.

La littérature fasciste de l’entre-deux guerres – Drieu, Brasillach, Rebatet ou Céline – n’a que fort peu de choses à ajouter aux thèmes développés par Barrès, Le Bon, Drumont, Berth ou Sorel. Mis à part le motif ancien combattant et les références à Rome ou à Berlin, on croirait avoir sous les yeux une version modernisée du Testament d’un antisémite ou des Cahiers du Cercle Proudhon. »

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Gérard Filoche est indéfendable

Être de gauche, c’est se mettre au service des gens, vouloir leur bonheur, et réfléchir avant d’agir. Une fois que l’on a dit cela, on sait que dans l’histoire il y a eu des grands combats d’idées, des différences, la plus connue étant celle ayant provoqué la scission suite au Congrès de Tours de 1920.

Dans la tradition socialiste comme dans la tradition communiste cependant, qui puisent à une même source, le mouvement ouvrier, on réfléchit avant d’agir. On choisit ce qu’on fait, de manière rationnelle, après avoir débattu.

C’est le principe du parti, du débat d’idées dans le parti, du fait d’assumer tous ensemble ce qui a été décidé de manière démocratique, de considérer que les idées mises en avant portent le progrès et de se poser comme locomotive de l’histoire.

On sait à quel point tout cela a été galvaudé et l’erreur fatale de Gérard Filoche sonne comme un avertissement. Quand on se coupe des traditions de la gauche historique, quand on n’est pas au niveau culturellement, on bascule du mauvais côté.

Gérard Filoche

C’est un avertissement parce que Gérard Filoche s’est posé justement comme le grand gardien des traditions historiques au sein du Parti Socialiste. Il avait même créé sa propre fraction, « Démocratie & Socialisme », qui prônait une sorte de retour aux sources.

Seulement le problème, c’est que Gérard Filoche est comme Jean-Luc Mélenchon : c’est un tribun. Tant lui que Jean-Luc Mélenchon balancent des idées, des propositions, mais ils ne réfléchissent pas, ils ne pensent pas, ils n’ont pas de socle bien déterminé.

Cela en fait des populistes de gauche, qui au pire apparaissent comme des Don Quichotte de la cause sociale, comme Georges Marchais en son temps, au mieux comme des sortes de nouveaux François Mitterrand.

Gérard Filoche a été d’une grande complaisance avec son propre populisme. Il faisait figure de trouble-fête, pas réellement pris au sérieux par la direction du Parti Socialiste, mais toujours utile pour donner une image de gauche à ce parti gouvernemental.

Acceptant ce rôle, prenant régulièrement la parole dans les médias ou sur son blog, Gérard Filoche a toujours cherché à apparaître comme spontané, emporté, émotif, voire aux bords des larmes même.

On pouvait alors la puce à l’oreille, tout de même, en se rappelant qu’il a une expérience politique énorme, étant l’un des principaux cadres de la Ligue Communiste Révolutionnaire dès les années 1960, appartenant pendant 25 ans à sa direction.

En ce sens, en tant que membre du Parti Socialiste qui plus est depuis 1994, il ne saurait y avoir de hasard dans son choix d’une image à caractère nazi. En publiant une telle image sur tweeter, Gérard Filoche savait pertinemment ce qu’il faisait.

A moins de le prendre pour un imbécile, ce qu’il n’est certainement pas, une autre explication est impossible.

Ayant échoué à rompre sur une base révolutionnaire avec le Parti Socialiste, il ne lui restait plus qu’une option : la fuite en avant de type ultra-populiste. Sa trajectoire est, en fait, une sorte de condensé de ce qu’a fait Jean-Luc Mélenchon sur plusieurs années.

Voir cela en se rappelant ce que raconte l’historien Sternhell sur les gens de gauche qui passent à droite fait très peur quand on voit la nature de l’image qu’a posté Gérard Filoche sur Tweetter, lui valant une exclusion quasi-immédiate du Parti Socialiste. Au grand dam de Gérard Filoche, qui prétend avoir agi vite et mal, mais être de bonne foi, dénonçant un « procès en sorcellerie », une « cabale » (cette expression étant historiquement issue de l’imaginaire antisémite, ce que quelqu’un de cultivé comme Gérard Filoche ne peut pas ne pas savoir).

Nul ne peut prétendre pourtant, comme Gérard Filoche le fait, que « l’image Macron + argent est totalement banale ». Encore moins dans une image associant l’argent, les États-Unis et Israël. On est là dans une argumentation typiquement nazie, tout comme en témoigne ce que Gérard Filoche a lui-même écrit :

« Un sale type, les Français vont le savoir tous ensemble bientôt »

Cette opposition entre « les Français » et les parasites extérieurs est un thème essentiel de l’antisémitisme. On est ici dans l’idéologie du « ni Washington ni Tel Aviv » historiquement porté en France par les courants « nationaux-révolutionnaires ».

Le message posté sur twitter par Gérard Filoche, reprenant une image de propagande antisémite

Par ailleurs, les personnes que l’on voit à côté d’Emmanuel Macron sont le PDG d’Altice Patrick Drahi, le banquier Jacob Rothschild et l’ancien conseiller de François Mitterrand Jacques Attali.

Le choix de leur présence vise à associer Emmanuel Macron à la figure nazie des « banquiers juifs » dont il serait la marionnette.

On a même des billets de banque en arrière-plan, et une planète, avec marqué « en marche vers le chaos mondial », ce qui correspond clairement à l’imaginaire fasciste. Qu’Emmanuel Macron ait un brassard nazi, où la croix gammée est remplacée par un dollar, est bien entendu ici une provocation servant de cerise sur le gâteau.

Que cette image ait été produite par « Égalité & Réconciliation », qui pour une fois a maille à partir avec la justice pour cela (Alain Soral est convoqué au tribunal en janvier pour cela), n’a rien d’étonnant et Gérard Filoche ne pouvait pas ne pas voir la dimension antisémite.

Il a joué avec le feu, il a agi sans réfléchir. Cela l’exclue par définition de la gauche, et encore plus quand cette actions sans réflexion converge avec l’extrême-droite.

Gérard Filoche est indéfendable et pourtant il y en a qui font semblant d’être naïfs, comme dans cette pétition de soutien, également mise en avant dans l’Humanité.

L’honneur d’un militant, Gérard Filoche

Oui, Gérard Filoche a retweeté un montage photo mettant en cause Emmanuel Macron dont, dans la précipitation, il n’a pas immédiatement perçu le caractère antisémite. Il s’est rapidement rendu compte de son erreur, a retiré le tweet, s’est excusé publiquement, a répondu aux journalistes. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais le tweet a été relayé sur la Toile pendant plusieurs jours, au point de devenir une affaire d’État.

Les condamnations, sans la moindre prise de recul, ont abondé. Le PS qui, ces temps-ci, peine tant à parler d’une seule voix, a retrouvé son unité pour exclure à bon compte une de ses dernières voix de gauche, sans autre forme de procès.

Voilà le plus inquiétant : les réseaux sociaux sont devenus le procureur le plus expéditif et le plus implacable, et, derrière eux, certains médias aussitôt aboient à l’unisson. Filoche est donc antisémite : la sentence de Facebook est tombée. Qu’il disparaisse sur-le-champ ! Nous ne pouvons accepter cette accusation scandaleuse, cette atteinte portée à l’honneur d’un militant qui a consacré sa vie entière à défendre les libertés syndicales et le Code du travail, à lutter contre le racisme et l’antisémitisme (il fait partie des fondateurs de SOS ­Racisme).

Cette polémique, comme celle qui oppose Charlie Hebdo et Mediapart, témoigne d’une extraordinaire dégradation du débat public. Journalistes et politiques rivalisent dans la surenchère et dans l’anathème. Il faudrait admettre une bonne fois que Twitter ne favorise pas l’intelligence dans le temps long, qui est celui de toute pensée politique digne de ce nom. Gérard Filoche a aujourd’hui l’occasion cuisante de s’en rendre compte, tandis que ses détracteurs continuent de tapoter furieusement sur les claviers de leurs smartphones.

Pendant ce temps, l’antisémitisme et le racisme répandent leur poison. Manuel Valls, si prompt à dénoncer l’antisémitisme, affirmait cette semaine encore que les musulmans « sont un problème ». Ce n’est pas la première fois, et il n’a jamais été inquiété pour ce type de propos. Ça suffit.

Pour signer ce texte : http://pour-lhonneur-de-gerard-filoche.org

Premiers signataires : Guy Bedos, artiste, Christine Blum, consultante, Jacques Bidet, philosophe, Patrick Brody, syndicaliste, Patrick Chamoiseau, écrivain, Annick Coupé, syndicaliste, Jean-Baptiste Del Amo, écrivain, Christine Delphy, sociologue, Christian de Montlibert, sociologue, Annie Ernaux, écrivaine, Karl Ghazi, syndicaliste, Jean-Marie Harribey, économiste, Anne Hessel, Danièle Kergoat, sociologue, Pierre Khalfa, économiste et syndicaliste, Jean-Marie Laclavetine, écrivain et éditeur, Philippe Marlière, politiste, Gus Massiah, économiste, Gérard Mauger, sociologue, Christiane Marty, altermondialiste, Jean-Pierre Mercier, syndicaliste, Gérard Mordillat, écrivain, Gérard Noiriel, historien, Willy Pelletier, sociologue, Michel Pialoux, sociologue, Michel Pinçon-Charlot, sociologue, Monique Pinçon-Charlot, sociologue, Louis Pinto, sociologue, Patrick Raynal, écrivain, François Ruffin, réalisateur.

Cela n’a pas de sens. Gérard Filoche a choisi une approche populiste, qui a été aveugle sur sa propre nature. Il est indéfendable.