Catégories
Restructurations économiques

La grève du 7 mars 2023 sera un échec, car anti-historique

On n’avance pas à rebours de l’Histoire.

Le 7 mars 2023 est censé être le point culminant du mouvement contre la réforme gouvernementale des retraites. Depuis quinze jours, cette date est présentée comme celle de la mobilisation générale, de la grande bataille. Le 2 mars, les secrétaires généraux de cinq fédérations CGT (Ports et Docks, Cheminots, Industries chimiques, Verre et Céramique et Mines-Energie) se sont même réunis au siège de la centrale syndicale, à Montreuil, pour annoncer qu’il s’agit « de mettre à genoux l’économie française ».

« Ce qui va se passer à partir du 7 est hors du commun » a même osé Jean-Luc Mélenchon.

Est-ce possible ? Le 7 mars 2023 sera-t-il caractérisé par une déferlante de grèves et de mouvements de lutte ?

La réponse est non. Tout cela relève de la fiction syndicaliste-révolutionnaire, c’est une tromperie bien française. Les Français aiment se mentir à eux-mêmes !

Il faut une preuve ? En voici quatre !

La première preuve : l’état d’esprit

La grève ne doit pas avoir lieu que le 7 mars. Elle est censée se dérouler en continu par tranche de 24 heures. C’est-à-dire que le syndicalisme révolutionnaire se la joue à la « révolution permanente ».

On est là dans un maximalisme revendicatif. Or, si on regarde la société française, on ne voit rien chez les gens indiquant un niveau de tension corroborant un épisode majeur dans la société.

Pour un conflit, il faut des acteurs, et on ne voit pas du tout des travailleurs français prêts à l’affrontement jusqu’au boutiste.

La deuxième preuve : Dassault

La première preuve semblera trop idéologique pour certains. Alors regardons ce qui se passe avec un exemple concret. Il y a un important mouvement de grève en ce moment chez Dassault. Sont concernés toutes les usines de cette entreprise d’armement, avec également les sous-traitants de mobilisés.

C’est une lutte réelle, avec de l’agitation, des blocages dans les 3/4 des usines, un état d’esprit qui remue et est revendicatif. Niveau revendication, justement, il est exigé 6 % d’augmentation et 250 euros brut.

Anthony Dupuy, délégué syndical CGT Dassault Mérignac dit que c’est dans l’ordre des choses :

« Notre demande est tout à fait acceptable, car le carnet de commandes est plein pour les dix prochaines années. Nous demandons un meilleur partage des richesses ! »

On a donc des ouvriers qui sont… très contents de travailler pour le capitalisme, de produire des armes, de produire des armes qui se vendent, et qui veulent leur part du gâteau.

Jamais de tels travailleurs n’iront au conflit général avec le capitalisme. C’est mal parti donc pour un mouvement de conflictualité qui déborde le cadre institutionnel…

Il y aura du remue-ménage, mais il n’est dans l’intérêt de personne que les choses aillent trop loin. Le 7 mars 2023 vise à « sauver » le cadre institutionnel des retraites, voilà tout.

La troisième preuve : le niveau

Il ne faut pas se leurrer sur le niveau des travailleurs français et des Français en général. C’est l’effondrement culturel généralisé, la passivité dans la corruption capitaliste, un esprit régressif tendant au niais.

Et à gauche tout ce qui existe est simpliste, anti-culturel, anti-intellectuel. Soit dans une version beauf, soit dans une version LGBT moderniste, mais cela ne change rien à la substance de la chose.

Même chez les jeunes il n’y a rien à sauver. Les jeunes sont vifs, mais ils n’ont pas de culture et se laissent aller à suivre le cours des choses. Ils ne veulent surtout pas heurter ou entrer en conflit.

Comment peut-on être jeune et mettre l’amour au même niveau que la retraite à 60 ans ? Humainement, quel désastre.

La quatrième raison : la restructuration économique

Le capitalisme est ce qu’il est. En l’occurrence, le capitalisme français est imbriqué dans le capitalisme américain, et l’heure est à la guerre contre la Russie.

Tout cela demande un certain budget et il faut procéder, en fonction, à une restructuration économique. La question a bien sûr déjà été abordée ici.

Donc tout le délire d’une « bataille pour le repartage des richesses » sans rien contextualiser, à caricaturer le président Emmanuel Macron comme un vilain, à dénoncer les milliardaires qui ne partagent rien, c’est du cinéma.

Il n’y a pas de bataille pour le « repartage » des richesses sans affrontement avec la bourgeoisie. Mais comme personne ne la veut, personne ne mentionne cette classe et préfère parler des milliardaires et de l’affreux gouvernement, en espérant grapiller…

Grapiller quoi ? Des miettes. Ce que le capitalisme voudra bien donner pour assurer la paix sociale, le consensus afin d’aller à l’affrontement militaire contre la Russie.

Et sinon ? Sinon ce sera la violence contre les travailleurs, le fascisme pour porter la guerre aux visées impériales.

Alors, franchement, le 7 mars, il ne tient pas debout. C’est une vantardise anti-historique, une tromperie, qui s’associera aux multiples gueules de bois de plus de la société française et surtout des travailleurs.

Travailleurs qui vont alors s’empresser… d’encore plus pour voter pour l’extrême-Droite. L’absence de substance du 7 mars 2023 est le rêve éveillé de Marine Le Pen pour la prochaine présidentielle.

Catégories
Politique

Retraites: échec de la première sur-enchère syndicaliste

Un net recul.

L’État avait compté 1,272 million de manifestants le 31 janvier 2023, mais il en compte seulement 757 000 le 7 février 2023 : c’est un échec du mouvement. Les syndicats, qui depuis des années et des années agissent mécaniquement de la même façon en multipliant des « journées d’action » pour faire monter la sauce petit à petit, ont loupé leur coup cette fois-ci.

La CGT peut bien prétendre ce qu’elle veut, en avançant 2 millions de manifestant et en parlant de « haut niveau d’engagement des travailleuses et des travailleurs du secteur privé comme du public », personne n’y croira.

Il faut dire qu’ils ne font rêver personne, avec leur style « gueulard » et leur attitude ringarde sur tous les plans. Le soutien de l’opinion publique, ils l’ont pourtant. Car la France est un pays de petits-bourgeois voulant profiter de tout, mais ne jamais rien payer. Alors la retraite à 64 ans, ils n’en veulent pas, peu importe que les comptes soient dans le rouge, ce n’est pas leur problème.

Pour autant, les syndicats ne remportent pas la mise pour l’instant face au gouvernement libéral-démocrate d’Emmanuel Macron, qui s’imagine sauver la France de la crise avec une simple réforme du système des retraites.

Tout cela n’intéresse en effet pas grand-monde dans le fond, à part les syndicalistes et tous les gens pour qui le syndicalisme est l’alpha et l’oméga de la contestation. Dans les grandes villes, il y avait quasiment moitié moins de monde par rapport au 31 janvier, avec parfois des écarts très importants comme à Marseille, avec 15 000 personnes contre 40 000 la semaine dernière. Ou à Paris avec 57 000 contre 87 000 lors de la précédente manifestation.

Il y avait également grosso modo 20 000 manifestants à Nantes et 12 000 à Saint-Nazaire, 17 000 à Brest, 11 000 à Montpellier, Lyon et Grenoble, 9 500 à Lille, Clermont-Ferrand et Bordeaux, 8200 à Tours, 7000 à Strasbourg, Nice et Bayonne, 4500 à Amiens, 3700 à Périgueux, 3400 à Roanne, etc.

Cela reste conséquent indéniablement, mais ne pèse pas lourd politiquement et culturellement, en attendant les prochaines manifestations prévues samedi 11 février.

C’est terriblement décalé sur le plan historique, par rapport à la crise. Et c’est en dessous de tout sur le plan politique, alors que la guerre mondiale se dessine concrètement chaque jour, avec l’Otan en première ligne, dont notre pays la France est un membre actif et déterminé.

Il semble que cette triste comédie, cette mauvaise farce, ce simulacre de luttes de classe, passe déjà à la trappe !

Catégories
Restructurations économiques

Le PCF et la CGT rêvent d’un 19 janvier 2023 de masse

Comme d’ailleurs toute la gauche du capitalisme français.

Si la réforme des retraites passe sans « contestation », le grand risque est que la contestation ne soit plus réformiste, qu’elle s’exprime depuis le capitalisme lui-même. Telle est la grande peur de la bourgeoisie, mais également de tous ceux qui vivotent du « militantisme » misérabiliste au sein d’une des grandes puissances économiques mondiales.

Il faut bien parler de misérabilisme. Voici le texte de la… pétition de la CGT. Une pétition ! Voilà le niveau où est tombé le syndicalisme français. Une pétition pour dire littéralement « Bouh la réforme est vilaine ».

Pétition

Le gouvernement a annoncé le report de l’âge de la retraite à 64 ans avec un allongement accéléré de la durée de cotisation.

Cette mesure est injustifiée : le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) l’indique clairement, le système de retraites n’est pas en danger. Il n’y a aucune urgence financière. 

Cette réforme va frapper de plein fouet l’ensemble des travailleurs, et plus particulièrement ceux qui ont commencé à travailler tôt, les plus précaires, dont l’espérance de vie est inférieure au reste de la population, et ceux dont la pénibilité des métiers n’est pas reconnue. Elle va aggraver la précarité de ceux n’étant déjà plus en emploi avant leur retraite, et renforcer les inégalités femmes-hommes.

Ce projet gouvernemental n’a rien d’une nécessité économique, c’est le choix de l’injustice et de la régression sociale.

Renforcer notre système de retraites nécessite en revanche des mesures de progrès et de partage des richesses.

D’autres solutions sont possibles ! Je soutiens la mobilisation intersyndicale et je m’oppose à cette réforme: « je signe la pétition »

Qu’on ne nous fasse pas croire que la signature de 350 000 personnes est une avancée historique, un progrès des consciences, une avancée sur le plan de l’organisation. C’est juste pathétique. On fonce dans la troisième guerre mondiale et on a ça. C’est fou.

Mais cela a un sens, historique. Le sol se dérobe sous les pieds de tous les alliés objectifs du capitalisme, de tous ceux qui servent à sa pacification sociale, aux accords corporatistes, à la corruption des masses.

Voilà la vraie raison pour laquelle tous les syndicats en intersyndicale (CFDT – CGT – FO – UNSA – FSU – CFE-CGC – CFTC – Solidaires), l’ensemble de la gauche associative et « militante »… se mettent en branle pour que la manifestation du 19 janvier contre la réforme soit une réussite. Il en va de leur crédibilité, de leur légitimité…

Si c’est l’échec – et ce sera l’échec de toutes façons – les choses iront d’elles-mêmes sans eux, et même contre eux.

Le secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel a ainsi expliqué dans le Journal du Dimanche que le 19 janvier 2023 était la seule chose qui comptait :

« On n’avait pas vu une telle intersyndicale depuis douze ans. Elle nous oblige, nous, forces de gauche. Communistes, socialistes, Insoumis, Verts, nous sommes aussi unis pour nous opposer au projet du gouvernement.

Dès le 17 janvier, avec les quatre leaders de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale [Nupes], nous lancerons une campagne de meetings communs au gymnase Japy, à Paris. L’enjeu pour la gauche est d’incarner une alternative de progrès. La Nupes appelle à manifester le 19 janvier afin de grossir les cortèges syndicaux.

Public, privé, jeunes, retraités, nous devons tous sortir massivement jeudi prochain pour dire non à cette réforme. Soyons 1 million à déferler dans la rue. Il n’y a que ce rendez-vous qui compte. »

Un million de personnes, quel populisme ! Jamais il n’y aura un million de personnes conscientes dans la rue. Et si on parvient à une telle quantité, cela sera au prix d’une déficit terrible de qualité, avec un esprit gilets jaunes et des gens s’orientant plus par rapport à Marine Le Pen qu’autre chose.

Il suffit de constater le niveau culturel et idéologique des travailleurs dans le pays. Toute la société française est imbibée de capitalisme, à tous les niveaux de la vie quotidienne.

Ces appels à ce que le privé se mobilise sont également d’une immense hypocrisie, alors que les syndicats n’existent somme toute que dans le public et que la manifestation a lieu comme d’habitude en semaine. Rien qu’avec ça on voit qu’on est dans la fiction de secteurs protégés du capitalisme français qui sentent que désormais leur statut à part va être abandonné…

Fabien Roussel a en fait la trouille, comme le révèle le propos suivant :

« Est-il responsable en pleine crise, en peine guerre, en pleines difficultés pour les salariés et les chefs d’entreprise, de mettre à l’ordre du jour un projet aussi dur pour les Français ?

Emmanuel Macron va plonger le pays dans un énorme désordre. Le Medef devrait hurler que cette réforme arrive maintenant ! »

Le désordre, voilà la grande peur d’une gauche du capitalisme qui ne combat nullement l’Otan et soutient tacitement la guerre faite contre la Russie. Ce dont elle rêve, c’est de stabilité, pour maintenir son existence. C’est pour cela qu’il veut que la manifestation du 19 janvier 2023 réussisse à tout prix. Sinon, les fractures au sein de la société capitaliste française vont précipiter des choses bien plus dures…

Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT, ne dit pas autre chose, mais lui ne veut pas un million de personnes, il en veut carrément plusieurs millions, comme il l’a expliqué à BFMTV-RMC :

« Le 19 janvier, il faut des millions de personnes en grève et dans la rue. »

Tels sont les rêves de corrompus ayant bien profité du capitalisme lors de sa croissance depuis 1945. La crise de 2020 les met le dos au mur. Ils sentent qu’ils n’ont plus leur place, ils s’agitent vainement, ils tentent de prétendre représenter quelque chose.

C’est à ces vanités que sert le mythe mobilisateur de la « grève générale ». On peut être certain même que les plus hystériques viseront à du « spectaculaire » afin de se prétendre « révolutionnaire » aux yeux des masses.

Tout cela n’a rien à voir avec la Gauche historique. Tout cela ne fait que relever du panorama de l’effondrement de l’occident.

Catégories
Restructurations économiques

La réforme des retraites 2023 ou le dilemme du petit-bourgeois français

Lutter contre la réforme alors que le monde plonge dans la guerre mondiale?

Les Français ont des espérances petites-bourgeoises ; ils n’ont aucune autre ambition à part celle de profiter d’une vie individuelle, à l’écart de soucis, en passant le temps de manière plutôt agréable. Ce sont des beaufs façonnés par le terrorisme de la société de consommation.

Ce point de vue est juste car il se place d’un point de vue historique, international. La preuve flagrante, c’est que la France est dans l’Otan et appuie à fond le régime ukrainien, sans que cela ne dérange personne dans le pays.

Naturellement, si l’on voit les choses depuis l’intérieur de l’Occident, on s’imagine qu’au contraire les Français sont pauvres et combatifs, et que la France n’est pas vraiment en guerre, voire pas du tout.

C’est là où la question de la réforme des retraites qui se joue au début de l’année 2023 a son importance. Sur le fond, c’est une restructuration économique. Il s’agit de rogner des acquis, parce que les bilans comptables ne sont vraiment pas bons.

Par conséquent, il s’agit de faire passer l’âge de la retraite à 64 ans au lieu de 62, de faire sauter les régimes spéciaux, de jouer sur la pénibilité pour faire vaciller les acquis en place.

Ça, c’est le côté capitaliste de la question.

Sur la forme, c’est une question qui se place sur le terrain du compromis entre travail et capital. Les syndicats font office d’intermédiaire afin de négocier la réforme, l’objectif étant de maintenir le compromis général, pour que les choses ne tanguent pas.

Ça, c’est le côté réformiste – syndical de la question.

Maintenant, y a-t-il un autre aspect? La réponse est non. Cela tient à la nature de la société française. Divisons la en trois catégories.

Il y a les vieux, qui ont 50, 60, 70 ans ou plus. Avec eux c’est très simple, ils n’en ont rien à faire de rien. Après moi le déluge et ils sont bien contents de ne pas avoir à vivre ce qui va les suivre. Ils ne s’en cachent pas du tout. Ceux-là on peut les oublier.

Il y a les adultes, qui ont 30, 40 ans. Avec eux, c’est très compliqué: ils sont dans le feu de l’action du travail, mais ont bazardé tous leurs rêves adolescents et se tournent vers une nostalgie régressive d’autant plus qu’ils ne comprennent rien à ce qui se passe. Ils rêvaient de profiter d’un capitalisme à visage humain. La retraite les angoisse, mais dans un sens petit-bourgeois, car leur rêve c’est d’être propriétaire ou de préserver leur propriété.

Il y a les jeunes, adolescents ou qui ont la vingtaine. Ils sont blasés et ne font confiance en rien, ne croient en rien, ne savent rien. Ils sont une page blanche produite par l’Histoire. Et on voudrait faire de la question des retraites des lignes d’or sur ces pages blanches?

Car c’est bien le but de la gauche de la gauche qui fantasme d’une grève générale en France, qui si elle arriverait serait une caricature bouffonne de mai 1968.

Hors de question de participer à une telle fumisterie. L’actualité c’est la troisième guerre mondiale. Soit l’Occident tombe et la révolution devient possible, soit il gagne et le capitalisme surmonte sa crise devenue générale pour toute une nouvelle période.

Dans le premier cas, la question des retraites n’a aucun sens alors que le pays deviendra instable, jusqu’à devenir à feu et à sang. Dans le second, elle n’a aucun sens, car elle serait juste un accompagnement du capitalisme occidental se relançant pour toute une période.

L’actualité, c’est la chute de l’Occident, c’est cela qui compte. La réforme des retraites n’a aucune réalité à part celle de l’espoir capitaliste de parvenir à une petite restructuration ou d’un songe petit-bourgeois d’un vie individuelle beauf et consommatrice.

Catégories
Politique

La Gauche «programmatique» et sa perplexité quant au mouvement contre la réforme des retraites

Pour trouver une analyse critique, forcément sévère, du combat contre le projet gouvernemental de réforme des retraites, il faut aller du côté de la Gauche « programmatique », qui vit de manière séparée de la Gauche « activiste ».

Muni de tout un arsenal théorique et privilégiant les tournants politiques, la Gauche « programmatique » considère que l’opposition au gouvernement au sujet de la réforme des retraites a été, par définition, mal mise en place, mal organisée. Cette perplexité a en fait un arrière-plan politique, idéologique, dont voici trois exemples, avec les trotskistes de Lutte Ouvrière, les bordiguistes du Parti Communiste International et les maoïstes du PCF (mlm).

Voici l’éditorial de Lutte Ouvrière qui, à son habitude, ne parle pas des syndicats et appelle à témoigner de la volonté de lutte en votant pour les listes Lutte Ouvrière aux municipales.

« Le gouvernement s’apprête à utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour imposer la retraite par points sans vote au Parlement. Avec plus de 300 députés LREM à l’Assemblée, il est pourtant sûr d’avoir la majorité. Il est simplement pressé d’en finir au plus vite avec une réforme qui a mis des centaines de milliers de travailleurs en grève et qui ne passe pas dans le monde ouvrier.

Quels que soient ses discours sur la nouvelle façon de faire de la politique, Macron préfère les bonnes vieilles méthodes autoritaires. Pour lui, comme pour ses députés, prêts à voter cette loi des deux mains, seuls comptent les intérêts des plus riches de ce pays. L’âge de la retraite sera repoussé et les pensions seront diminuées, parce que le grand patronat veut payer de moins en moins.

La Macronie risque de le payer cher politiquement, et cela très vite puisque les élections municipales auront lieu le 15 mars.

Dans les grandes villes, ce sont des élections politiques, dans le sens où l’on vote d’abord pour un parti. Bien des travailleurs souhaitent rejeter les candidats de Macron sans avoir à voter pour d’autres politiciens qui ne valent pas mieux. C’est pourquoi Lutte ouvrière présente ses propres listes dans la mesure de ses forces. Même si elle est loin de pouvoir couvrir toutes les villes, LO sera présente dans près de 240 communes. »

Pour le Parti Communiste International, l’accent doit se porter sur une dénonciation approfondie des directions syndicales qui ont empêché l’affirmation de la lutte dans un sens prolétarien authentique (Pour lutter contre les attaques bourgeoises, il faut rompre avec les orientations des directions syndicales et revenir à la lutte indépendante de classe !).

« Cet échec n’est pas celui des travailleurs ! Il est celui de l’orientation de la lutte décidée par l’intersyndicale.

Dès le départ, les directions syndicales ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour éviter que les prolétaires recourent à des méthodes de lutte classistes : constitution de comités de grève, mise en place systématique de piquets de grève, refus des préavis, envoi de délégations massives aux autres entreprises pour les appeler à rejoindre la lutte, etc.

Ce qui leur importait, c’était d’éviter que le mouvement débouche sur une confrontation générale avec le gouvernement qu’ils n’auraient pas pu contrôler, et qui aurait risqué d’ébranler l’ordre bourgeois.

C’est pourquoi, se refusant à élargir le mouvement sur la lancée de l’entrée en grève des travailleurs des transports, les directions syndicales ont  repris leur funeste tactique des « journées d’action » à répétition et des impuissantes manifestations.

Tout en réaffirmant constamment leur volonté de lutter « jusqu’au retrait » et en multipliant les déclarations combatives démagogiques, elles ont attendu plusieurs semaines, après s’être mises en congé de la lutte pendant les fêtes,  pour appeler à des journées de grève dans les ports ou  déclencher, sous la pression des travailleurs, la grève des éboueurs.

Sans oublier la levée des préavis de grève dans les transports routiers au début de l’année, après l’obtention de quelques miettes, ou l’appel le 28/1 par l’intersyndicale du secteur à la fin de la lutte chez les pompiers – appel qui a suscité la colère des intéressés.

Enfin dans la santé, les appareils syndicaux ont maintenu le mouvement à l’écart de la lutte sur les retraites, et ils noient  les revendications pour les salaires et les conditions de travail du personnel du secteur derrières des revendications interclassistes.

S’il fallait une preuve encore qu’il est impossible de compter sur les directions syndicales, il suffirait de constater qu’elles se sont précipitées le 30/1 pour aller discuter avec le premier ministre du financement de la réforme qu’elles prétendaient combattre – après avoir avancé au mercredi la date de la rituelle « journée d’action » pour ne pas troubler la discussion… »

Pour le PCF (mlm), « Le mouvement contre la réforme des retraites de 2019/2020 a été une fiction », il n’est que le dernier avatar du social-impérialisme représenté en France par le tandem PCF-CGT, par définition totalement honni pour les maoïstes.

« Pourquoi le mouvement contre la réforme des retraites a-t-il été une fiction ?

On doit parler de fiction, car c’est l’aristocratie ouvrière qui a calibré le mouvement contre la réforme des retraites. La forme des luttes, le contenu des revendications, les manière de s’engager intellectuellement et spirituellement dans le mouvement, l’esthétique des informations et des actions… Tout a été paramétré par l’aristocratie ouvrière.

La conséquence en a été une absence totale d’accroche dans la société (…). C’est justement parce qu’il s’agit d’un mouvement de masse qu’on peut et doit parler de fiction. Car le mouvement des retraites n’a été qu’un mouvement de masse de plus dans l’histoire française, dans le cadre d’un capitalisme puissant, très bien organisé, ayant intégré depuis les années 1960 les syndicats au sein même des institutions.

Il suffit de regarder les trente dernières années pour voir que le mouvement contre la réforme des retraites n’est qu’un ajout de plus à une liste déjà longue de mouvement de masse à caractère revendicatif.

C’est une tradition française, qui doit au fait que les rapports d’intégration des travailleurs au sein des institutions ne sont pas aussi bien structurés que, par exemple, en Allemagne, en Suède, en Belgique. Cela tient bien entendu au taux très faible de syndicalisation en France, le pire de tous les pays capitalistes d’ailleurs.

C’est cela la source du style français de négociations au moyen de coups de force symboliques, de rassemblements de masse sans lendemain, de discours contestataires enflammés. Vu de l’extérieur, cela peut impressionner. Quand on voit que cela se répète sans fin, c’est moins convainquant.

Il suffit de prendre l’exemple de la grève contre la réforme des retraites de 2010. La CGT et la CFDT affirment toutes deux que le 23 septembre 2010, trois millions de personnes se sont rendues aux manifestations, dans 239 villes. Qui s’en souvient ? Quel a été l’impact culturel, politique, idéologique ?

Il n’en reste tout simplement rien du tout. De la même manière, personne ne se souviendra qu’il y a eu d’après la CGT 1,8 millions de manifestants en France, le 17 décembre 2019. La raison en est que ce n’est pas de l’Histoire, mais une péripétie relevant de la petite histoire de la pacification des rapports sociaux dans le capitalisme français. »

Catégories
Politique

La Gauche se fourvoie totalement dans sa dénonciation du 49-3

Toute une Gauche pleurniche de manière véhémente contre le recours « anti-démocratique » du gouvernement à l’article 49-3 de la Constitution. Dommage que l’article ait été utilisé déjà 89 fois depuis 58, dont une très grande partie par la Gauche elle-même…

Nous vivons dans un régime qui est celui de la Ve République, né d’un coup d’État. Cela date de 1958. Découvrir en 2020 qu’il n’est pas démocratique ne tient pas debout. D’ailleurs, la Gauche a initialement dénoncé de manière ininterrompue la Ve République, que cela soit de la part du PCF que de celle de François Mitterrand, qui écrivit à ce sujet un fameux ouvrage, Le coup d’État permanent.

De plus, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a déjà été employé à de très nombreuses reprises par des premiers ministres. On a ainsi Manuel Valls qui s’en est servi six fois entre 2014 et 2016. Dominique de Villepin s’en est servi une fois en 2006, Jean-Pierre Raffarin deux fois, en 2003 et 2004, Alain Juppé deux fois en 1995 et 1996, Édouard Balladur une fois, Pierre Bérégovoy trois fois, Edith Cresson huit fois, Michel Rocard… vingt-huit fois.

Auparavant on a également Jacques Chirac (8 fois), Laurent Fabius (4 fois), Pierre Mauroy (7 fois), Raymond Barre (8 fois), Georges Pompidou (6 fois), Michel Debré (4 fois).

Il est donc absolument ridicule de « découvrir » en 2020 que la Droite est la Droite, que l’article 49-3 est anti-démocratique. Surtout qu’en plus, l’opposition au gouvernement d’ Édouard Philippe a déposé… 22 000 amendements, dans l’unique but de pourrir les discussions parlementaires en prétendant être démocratique.

Ni une, ni deux, le gouvernement contourne le « débat parlementaire » – par ailleurs évidemment purement fictif de toutes façons – et dit la loi passe ou je démissionne. La majorité étant pour Emmanuel Macron, le gouvernement est « sauvé » et la loi passe.

Parler donc de « régime autoritaire » comme le fait Jean-Luc Mélenchon n’a aucun sens. Soit il l’est à la base, depuis 1958, et à ce moment-là il n’y aucune raison de se focaliser sur Emmanuel Macron, ce qui est d’ailleurs l’un des travers imposés par la Ve République.

Dans Le coup d’État permanent, François Mitterrand dit justement :

« En remplaçant la représentation nationale par l’infaillibilité du chef, le général de Gaulle concentre sur lui l’intérêt, la curiosité, les passions de la nation et dépolitise le reste. »

François Mitterrand se demandait même alors :

« Magistrature temporaire ? Monarchie personnelle ? Consulat à vie ? Pachalik ? Et qui est-il, lui, de Gaulle? duce, führer, caudillo, conducator, guide ? »

La critique du recours au 49-3 par la Gauche est donc triplement hypocrite. Déjà parce qu’elle l’a utilisé aussi – on parle ici de la Gauche gouvernementale. Ensuite, parce que cela sous-tend qu’il y aurait un réel débat parlementaire au moment de la mise en place des lois, ce qui évidemment n’est que du théâtre.

Ensuite, parce que le régime lui-même fonctionne ainsi depuis 1958. Seulement comme ni le PS ni le PCF ne comptent en revenir à leurs fondamentaux, il leur faut cacher cela sous le tapis.

Et cela montre que la défaite totale dans le combat contre la réforme gouvernementale des retraites cherche le moindre prétexte pour être « justifié ». Tout sauf la remise en cause, voilà le mot d’ordre de ceux qui refusent d’en revenir à la Gauche historique…

Catégories
Politique

Réaction du Parti socialiste au 49.3 sur la réforme des retraites

Voici le communiqué du Parti socialiste suite à la décision du gouvernement de faire usage de l’article 49.3 pour la réforme des retraites :

« 49.3 | Réaction du Parti socialiste

Depuis le début du débat parlementaire sur les retraites, les député.e.s socialistes ont fait preuve d’une opposition résolue et utile à la bonne compréhension d’un projet injuste. Avec leurs 700 amendements, ils ont argumenté pied à pied pour faire apparaître les zones d’ombre et les régressions de ce projet.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a été parmi les premiers responsables politiques à mettre en garde le gouvernement contre l’utilisation de l’article 49.3 pour faire taire l’opposition du pays à son projet de réforme des retraites.

Nous apprenons aujourd’hui avec stupéfaction que le président de la République a utilisé un Conseil des ministres extraordinaire, prévu pour lutter contre le coronavirus, pour autoriser le Premier ministre à déclencher le 49.3. Une telle dissimulation est inacceptable.

Quelle urgence y a-t-il à voter un texte dont personne ne connaît le financement et qui n’a pas vocation à s’appliquer avant 2022 ?

Lundi dernier, Olivier Faure, le premier, a demandé au Premier ministre d’agir dans le sens de l’unité de la Nation, de rassembler les Françaises et les Français au moment où le pays doit faire face à ce qui se présente de plus en plus comme une grave épidémie, voire une pandémie. En utilisant le 49.3, le Premier ministre choisit au contraire d’alimenter les ferments de la division. C’est irresponsable.

Jamais un gouvernement, sous la Cinquième République, n’avait fait preuve d’un tel cynisme. Utiliser la peur pour rogner sur la démocratie marque un tournant inquiétant.

Le Parti socialiste appelle le gouvernement à retrouver la voie de la raison et le sens de l’État. Il déposera une motion de censure dans les prochaines heures avec l’ensemble des forces de gauche.

Au-delà, puisque le gouvernement n’a voulu entendre ni les syndicats, ni les organisations professionnelles, ni les manifestants, et qu’il interdit le débat parlementaire, nous appelons les Françaises et les Français à faire usage de leur bulletin de vote les 15 et 22 mars prochains pour faire entendre leur voix. »

 

 

Catégories
Politique

Retraites: la CGT ne veut pas être écartée de la cogestion du capitalisme

La CGT est dans un situation compliquée : d’un côté elle doit prétendre à une certaine radicalité pour peser, de l’autre elle veut se montrer responsable pour ne pas être écarter définitivement de la gestion du capitalisme, du fait de sa faiblesse. Après une nouvelle « journée d’action », elle met en avant une conférence de financement alternative et continue à prétendre qu’elle a avec elle une mobilisation d’ampleur… tout en participant à la conférence de financement du gouvernement et de la CFDT.

« Des cortèges colorés, dynamiques et intergénérationnels, avec des slogans et des airs de musique engagés qui ont donné la pêche à plusieurs centaines de milliers de manifestants – dont beaucoup de grévistes – ont rassemblé sur plus de 200 lieux de manifestation partout sur le territoire. »

Quand on commence ainsi un communiqué après une journée de grève et de manifestation, c’est qu’on a manifestement plus grand-chose à dire pour faire croire qu’il se passe quelque-chose. Cela devient carrément risible quand il est expliqué ensuite :

« Toujours plus rassembleuses, elles donnent à cette mobilisation – dont la durée est historique – des envies d’en découdre encore et encore : concerts, spectacles, projections de films, retraites aux flambeaux, bals, signatures de pétition, carnavals de luttes… »

La CGT, qui écrit cela dans son communiqué du 20 février 2020, se retrouve en effet en très mauvaise posture, sentant venir à grand pas sa mise à l’écart de la cogestion du capitalisme.

Cela a donné lieu mercredi à une cacophonie pathétique avec Catherine Perret, chargée du dossier des retraites à la CGT, annonçant dans la matinée qu’elle claquait la porte de la « conférence de financement », puis son syndicat nuançant les choses quelques heures plus tard en expliquant qu’il fallait attendre que ses propositions soient entendues.

Pour justifier sa position, Catherine Perret a dénoncé un « compromis impossible » avec le gouvernement. Elle joue la carte du poing sur table, en espérant que cela puisse suffire à revenir à la table des négociations par la grande porte. La direction de la CGT a cependant vite réagit, jugeant ce coup de poker trop risqué.

D’ailleurs, le secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, a immédiatement fait un appel du pied à la CGT pour qu’elle rentre dans le rang de la cogestion et qu’elle se montre raisonnable :

«Il n’y a pas que la CGT dans le paysage. Mais je regrette qu’un grand syndicat claque la porte à ce type de dialogue car elle a toute sa place. Ceux qui restent ont du travail».

La CGT s’est donc montrée raisonnable et a expliqué que rien n’était définitif, qu’elle voulait surtout que ses propositions soient entendues. Et des propositions, elle en a beaucoup, alors elle s’évertue à se présenter comme le meilleur élève en mesure de gérer la bonne marche du capitalisme.

On est pas ici dans la lutte des classe, portée par la Gauche historique et dirigée par la classe ouvrière assumant le Socialisme, mais dans le train-train du capitalisme devant perdurer.

Catherine Perret de la CGT a donc très bien travaillé son dossier pour réussir à « dégager à peu près 85 milliards d’euros par an » comme elle l’a expliqué à la radio, le communiqué de la CGT suite à la mobilisation du 20 février expliquant pour sa part :

« Après la première réunion de la Conférence sur le financement des retraites où nous avons porté notre analyse argumentée sur l’enfumage des chiffres de déficit en mettant en face nos propositions, nous sommes dans l’attente d’une réponse du gouvernement. »

Dans cette optique de se montrer raisonnable et utile pour le capitalisme, il est expliqué qu’une « Vraie conférence » sera organisée fin mars avec l’intersyndicale (CGT, FO, SOLIDAIRES, FSU).

Le syndicalisme tente ainsi de se maintenir, mais il a avec lui une base de plus en plus faible et isolée du monde du travail. Le gouvernement parle d’à peine 100 000 manifestants ce jeudi 20 février 2020 et la CGT ne donne même pas de chiffre national du nombre de manifestants… pas plus que du nombre de grévistes, dont elle prétend pourtant qu’ils sont nombreux.

Catégories
Politique

Le député PCF André Chassaigne dans la revue américaine Jacobin

Interviewé par la principale revue de la Gauche américaine, Jacobin, André Chassaigne  du PCF prône le suivisme par rapport aux syndicalistes et aux gilets jaunes. C’est là assumer de nier la primauté de la Politique.

La revue Jacobin est très bien faite, très bien écrite, avec une mise en page aérée, bref c’est une revue de très haute qualité. Elle est américaine, elle est de gauche, donc c’est plutôt sympathique. Le souci c’est que c’est de la Gauche américaine, donc c’est simplement « progressiste », coupé du mouvement ouvrier, et sans les expériences importantes comme on en a fait en Europe. Mais c’est une Gauche qui fait l’effort de se tourner vers le monde ouvrier, ce qui est déjà totalement différent d’en France.

Toutes les limites de la démarche se reflètent à la lecture d’une interview d’André Chassaigne, député du PCF depuis 2002 (traduite en français ici). En effet, cela n’a aucun sens de demander quelque chose au sujet de la lutte contre la réforme des retraites à quelqu’un relevant de la Gauche politique. Car la Gauche politique n’a pas été présente dans cette lutte. Bien entendu, il y a des gens de gauche qui se sont mobilisés. Mais sur le plan de l’initiative, des idées, de la culture, des mentalités, il n’y aucune dimension politique. C’est une lutte syndicaliste de bout en bout.

Jacobin le sait d’ailleurs et explique son intérêt par la défense du « modèle social français ». Et, naturellement, le député André Chassaigne est ravi de pouvoir répandre ce qui est son propre discours également, consistant précisément en un « système social français » qui serait né en 1945 et qu’il faudrait défendre contre le libéralisme. Sauf que ce faisant, il oublie que c’est le capitalisme lui-même qui a développé l’État-providence, notamment par l’intermédiaire d’une social-démocratie abandonnant toute référence au Socialisme.

Le « modèle social français » est tout autant suédois, autrichien que belge. Parce que cela a été une tendance irrépressible du capitalisme lui-même. Ayant suffisamment grandi, devant de toutes façons lâcher du lest en 1945, il a littéralement intégré la classe ouvrière dans le capitalisme par la consommation de masse et l’institutionnalisation des syndicats. Résumer cela à des « acquis » conquis de haute lutte, alors que le capitalisme était ravi, c’est ne pas voir les faits en face.

D’ailleurs, le capitalisme n’entend nullement supprimer l’État-providence, ce qu’il cherche, c’est à le réorganiser, le pressuriser, le pousser dans tel ou tel sens. Mais tout comme la gratuité de l’école ou pratiquement des études en général en France, il ne va pas démonter des structures totalement en sa faveur, tant sur le plan de l’organisation des gens que des idées inculquées. Le discours misérabiliste prétendant que les gens sont, dans un État capitaliste très puissant, au bord de la misère, est totalement mensonger.

Que révèle précisément ce misérabilisme ? Qu’on est dans la fiction, et André Chassaigne est tout content de pouvoir la vendre à la revue américaine Jacobin, qui ne peut pas deviner qu’il raconte n’importe quoi, comme lorsqu’il dit au sujet des gilets jaunes :

« Il faut le dire, les syndicalistes ont initialement vu le mouvement avec un certain degré de suspicion. Ils ont vu des gens dans la rue alors qu’ils ne manifestaient jamais et se sont dit « mais nous avons déjà manifesté pour ça. »

André Chassaigne ment-il sciemment, ou est-ce de la mauvaise foi ? Car évidemment les syndicalistes ne se sont jamais dit cela, tout simplement parce qu’ils n’ont jamais manifesté contre l’augmentation du prix de l’essence. La vérité est que les syndicalistes n’ont pas réagi en syndicalistes, mais en gens de la Gauche politique dont ils relèvent aussi souvent, et qu’ils ont immédiatement compris que les gilets jaunes était un mouvement plébéien, relevant de ce qu’on appelle le Fascisme.

Et, par incapacité à assumer la Gauche, une partie des syndicalistes a finalement convergé vers ce mouvement rétrograde, ultra-populiste, hostile à la classe ouvrière dans sa nature même, ce que les ouvriers ont très bien compris en n’y participant à aucun moment.

Parler alors comme le fait André Chassaigne d’un rapprochement entre le « mouvement social » et les gilets jaunes, c’est très précisément refuser d’assumer la lutte des classes – lutte des classes n’ayant rien à voir ni avec le mouvement syndicaliste contre la grève des retraites, ni avec les gilets jaunes. D’où justement le suicide anti-politique proposé par André Chassaigne :

« [Question:] Qu’est-ce que votre groupe a prévu de faire à l’Assemblée nationale ces prochaines semaines ?

Nos centres d’activités politiques est d’agir en tant que porte-parole du mouvement social. Au parlement, nous passons en revue les demandes du mouvement social et disons la vérité sur l’ampleur du mouvement — toujours très fort, même si certaines personnes nous font croire le contraire. Dans tout ce que nous disons, nous respectons pleinement les choix pris par le mouvement social. C’est aux syndicats et aux travailleurs de décider dans quelles luttes ils s’engagent et comment ils s’y engagent.

Notre travail implique aussi de collaborer avec d’autres organisations progressistes pour trouver des propositions pour améliorer le système actuel, comme je viens juste de le décrire. Nous devons être bien plus qu’une simple opposition. »

Améliorons le système, mais ne le critiquons pas. Soyons simplement à la remorque des syndicats. C’est là fort bien résumé la position de la Gauche en France, à part peut-être du Parti socialiste initialement, ainsi que de Lutte Ouvrière ou des Maoïstes, de par leur méfiance, voire leur hostilité aux syndicats. Mais il n’est guère compliqué de deviner que jamais la Gauche n’avancera ainsi et que d’ailleurs elle n’a jamais procédé ainsi. Historiquement, la Gauche politique a toujours primé sur le syndicalisme.

En quoi les syndicalistes ou les gilets jaunes défendraient-ils d’ailleurs le « modèle social français », alors que c’est le cadet de leurs soucis ? Il suffit de lire leurs revendications, qui combinent revendications économiques d’une part, dénonciation plébéienne d’Emmanuel Macron de l’autre. Ni les uns ni les autres ne raisonnent en termes politique, ni ne raisonnent tout court d’ailleurs. Et il faudrait pourtant les suivre ?

Jamais la Gauche ne s’en sortira en agissant ainsi. Il faut des idées, il faut de la culture. Les syndicalistes et les gilets jaunes ne veulent ni les idées, ni la culture. Ils sont donc à mettre de côté et n’ont qu’un seul droit, celui de s’incliner devant la Gauche politique. C’est aussi simple que cela.

Catégories
Politique

Après le mythe de la grève générale, le populisme du référendum

La grève générale n’étant clairement pas en vue, il fallait trouver un autre mythe mobilisateur de la part du PCF et de La France insoumise pour sauver la CGT. C’est l’Humanité qui s’est chargée de la mission, avec un grand appel à un référendum. Il faut sauver le soldat CGT.

Si la CGT coule, alors tout un pan de la Gauche s’écroule. Pas celle liée au Parti socialiste, car elle s’appuie de son côté sur des valeurs, un programme. Mais celle liée au PCF, à La France insoumise, au NPA, c’est-à-dire « à la gauche de la gauche », qui vit de surenchère.

S’il n’y a plus la CGT, il n’y a plus le levier de la surenchère. Et c’est la fin de tout. Il ne reste alors que les idées, le programme, les valeurs, et cela ne pèse pas lourd, tellement le populisme a fait des ravages.

L’ultra-gauche peut bien de son côté commencer à dénoncer une CGT qu’elle a entièrement soutenu jusque-là. Elle ne fait que revenir à son culte de la marginalité après un traditionnel suivisme syndical à la première occasion. Hier, les chasubles CGT, les cortèges CGT, aujourd’hui les postures de regret du manque d’élan, de la « trahison » des dirigeants. Rien de plus classique. On connaît l’adage : « la crise est une crise de la direction révolutionnaire ». L’ultra-gauche connaît son Léon Trotski.

Mais le PCF et LFI ont de l’ambition. Sans la CGT, il n’y a plus les moyens de cette ambition. Il faut donc agir avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui se lit ici, c’est l’étrange rapport, très pervers, entre la gauche de la gauche et le syndicalisme. Il y a des non-dits, des zones réservées, un équilibre précaire mais en même temps une grande connivence, etc. Il y a un accord masqué qui, véritablement, pourrit la primauté de la politique et ce depuis les débuts de la CGT.

Il y a par conséquent une dépendance à la CGT, que le PCF et LFI la reconnaissent comme essentielle. Il faut donc sauver la CGT, qui va dans le mur. Mais comment faire pour ne pas la compromettre, pour qu’elle sauve la face ? D’où l’idée de demander un référendum, avec une pétition en ce sens, signée des principales figures de la « gauche de la gauche ».

La CGT, anti-politique, ne le signera pas, surtout lancée dans la grève, du moins officiellement. Si elle le fait, elle remettrait en cause sa propre logique syndicaliste. Elle ne peut donc pas vraiment être vexée. Surtout que c’est l’Humanité qui lance la pétition. On a aussi parmi les signataires Patrick Le Hyaric, qui est directeur de l’Humanité, ainsi que Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT.

Les angles sont donc arrondis. Et pour sauver le soldat CGT, on a Ian Brossat du PCF, ainsi que Adrien Quatennens et Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise. On a Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel de la Gauche républicaine et socialiste et Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale.

On a Julien Bayou, qui est secrétaire national d’EELV, et Alain Coulombel, porte-parole d’EELV. On a Clémentine Autain de La France insoumise et Guillaume Balas, coordinateur de Génération-s.

On a également des figures d’arrière-plan, comme Pouria Amirshahi, ancienne figure majeure du syndicalisme étudiant et actuel directeur de publication de Politis, Willy Pelletier qui est coordinateur général de la fondation Copernic, Alain Obadia qui est président de la fondation Gabriel-Péri.

La liste initiale comporte également des avocats, des intellectuels, des chercheurs, des artistes, des économistes, etc. avec quelques ambulancier, sans profession et chauffeur poids lourd pour donner un côté populaire.

Est-ce que cela suffira ? Certainement pas. C’est même plus un signe d’effondrement qu’autre chose. Car la véritable actualité n’est pas dans ces noms. Elle est dans le fait que les hauts cadres du Parti socialiste ont également signé la pétition, et notamment Olivier Faure, qui est secrétaire national du PS, et Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire.

Qu’Olivier Faure veuille faire bien, soit. Mais que viennent faire les autres signataires, et notamment Jean-Christophe Cambadélis ? Ce dernier a un regard extrêmement précis et aguerri. Il disait tout récemment, avec justesse, au sujet des municipales :

« La gauche, elle, va toucher le fond de la piscine alors que le PS gardera pour l’essentiel ses bastions. Le PCF aussi, grâce à une alliance jugée hier impossible avec le PS. Même si ce sera l’arbre qui cachera la forêt des reculs du premier tour, la rupture avec la France insoumise va coûter chère au PCF et à la France insoumise.

Les écologistes seront globalement très hauts et devant les socialistes là où la gauche n’est pas sortante. Dans les villes de Besançon, Bordeaux etc. où la gauche est unie avec eux, ils peuvent même virer en tête. Reste que l’écologie est un vote de 1er tour, pas ou pas encore de rassemblement.

Quant à la France insoumise, elle est réduite à une posture de témoignage protestataire, ayant du mal à exister dans ce scrutin qui est pour elle encore plus difficile que les européennes. »

Et il ajoutait, présentant sa solution :

« Mais, encore une fois, le problème de la gauche c’est la faiblesse et le manque d’attractivité du PS. Ce n’est pas un problème de personnes mais une question structurelle. La marque est obsolète, il faut la refonder (…). Ce renouveau, cette réinitialisation du PS nécessite de dépasser le PS. »

Jean-Christophe Cambadélis croit-il qu’une Gauche, qu’il qualifie de « réformiste », peut naître d’un appel populiste à sauver une CGT antipolitique qui a mené un mouvement de protestation dans le mur ?

Cet appel au référendum est un suicide pour la Gauche politique. Il est une énième tentative de contourner les problèmes, les questions de politique, d’économie, de morale, de société, de valeurs. Il n’est aucunement possible d’échapper à la seule solution possible : constituer une Gauche consciente, organisée, structurée, établie de manière stricte.

Cela n’est pas possible avec une Gauche populiste, libérale culturellement, refusant l’organisation au nom de « mouvements », ne cherchant jamais à établir des structures locales menant un travail sur le long terme.

Le signe qu’on a ici, c’est que le Parti socialiste lui-même agonise – pas qu’il va contribuer à une structuration à Gauche. Sinon il ne se retrouverait pas là.

Catégories
Politique

Retraites: les syndicats en mode «repeat»

Une nouvelle « journée d’action » syndicale avait lieu ce jeudi 6 février 2020 contre la réforme des retraites. C’est toujours le même ronronnement, avec des défilés dans les grandes villes, une grève que personne ne voit depuis que les transports parisiens circulent et des syndicats qui bombent le torse en prétendant que la mobilisation est massive.

 

Il a fallu attendre 21h30 pour avoir le communiqué de l’intersyndicale CGT, FO, SOLIDAIRES et FSU (ainsi qu’UNEF, UNL, FIDL et MNL) : c’est que les débats ont dû être bien longs et compliqués à Montreuil hier soir après cette nouvelle journée de manifestation désormais routinière.

Les syndicats doivent en effet être bien ennuyés : d’un côté ils ont une base petite mais solide d’au moins 121 000 personnes, ainsi que le soutien tacite d’une grande partie de la population, de l’autre il ne se passe absolument rien et, au fond, tout cela n’intéresse personne. Mais hors de question de se remettre en cause pour autant. Le choix a donc été fait de garder le doigt appuyé sur le bouton « repeat », en espérant qu’à force de dire qu’il se passe quelque-chose la prophétie s’auto-réalisera.

On apprend donc comme d’habitude que « le rejet de la réforme et la détermination d’obtenir le retrait sont intacts et se propagent de manière inéluctable » et qu’ils sont « persuadés que cette mobilisation inédite, historique, vaincra ».

L’intersyndicale n’hésite pas à mentir éhontément pour appuyer son propos :

« Chaque semaine et ce depuis le 5 décembre, des A.G se multiplient sur les lieux de travail, dans les lycées et universités malgré les diverses pressions. »

De la même manière, la CGT explique dans son propre communiqué d’hier de manière surréaliste que :

« Ce sont plusieurs centaines de milliers de manifestants, dont une grande partie d’entre eux étaient en grève (portuaires et dockers, salariés de la Tour Eiffel nécessitant une fermeture du site, salariés des incinérateurs de déchets de l’Ile de France…) qui se sont rassemblés partout en France, dans les grandes villes comme les plus petits bourgs. »

Philippe Martinez avait d’ailleurs prétendu de manière délirante hier matin, face caméra :

« dans l’agroalimentaire par exemple, les jours de mobilisation interprofessionnelle, on dépasse les 100 000 salariés en grève ».

Peu importe si les chiffres de la participation aux manifestations n’ont rien d’extraordinaire (la CGT ne donne pas de chiffre national, le police parle de 121 000 personnes hier), que personne n’a remarqué que le pays est en grève : ce qui compte est de prétendre qu’il se passe quelque-chose.

Le leader de la CGT Philippe Martinez avait de toutes façons déjà dit la messe en début d’après-midi en tête du cortège parisien :

« La mobilisation est là. Ceux qui refusent de la voir doivent ouvrir les yeux ».

On a appris également que l’intersyndicale entendait s’organiser pour pourrir la journée internationale des femmes le 8 mars avec leur ronronnement syndical. Les femmes « seraient les plus grandes perdantes avec ce projet de loi », alors ils se sont dit qu’il y a peut-être là une opportunité et ils appellent donc à faire quelque-chose.

D’ici là, « une nouvelle journée de convergence, de grève et de manifestation » est appelée par l’intersyndicale pour le 20 février, dans 15 jours.

Une « contre-conférence » est également prévue pour le mois de mars, pour faire des propositions concrètes sur la question des retraites, en s’imaginant peut-être avoir l’appui du Conseil d’État, qu’ils n’arrêtent pas de mettre en avant depuis quelques jours. C’est que, toujours plus rejetées et ignorées par la bourgeoisie qui n’a plus besoin d’elles, les organisations syndicales remuent ciel et terre pour se rendre indispensable et avoir leur place dans la cogestion du capitalisme, comme avant.

Tout cela est vain ! Leur tour est passé, comme le prouve leur incapacité à mobiliser contre la réforme de retraites. C’est la lutte de classes qui va reprendre ses droits, sans eux, contre eux, comme en mai 1968, comme en 1936. C’est la politique, assumée par la Gauche historique affirmant le Socialisme, qui sera alors sur le devant de la scène, portée par la classe ouvrière et la jeunesse.

Catégories
Politique

Début février 2020: mais où est la grève?

Les syndicats, CGT en tête, nous ont promis monts et merveilles. L’ultra-gauche voyait même se pointer la crise de régime. En ce début février 2020, on peut constater cette simple chose : la mobilisation contre la réforme des retraites s’est fracassée sur la réalité du quotidien de la société capitaliste, entre indifférence et corporatisme bien calculé. Il n’y a pas que les patrons qui ont peur de la lutte des classes, les gens en ont tout autant peur.

Il ne s’agit nullement d’être pessimiste, bien au contraire. Tout mouvement populaire de lutte, même défait, apporte des enseignements aux gens. Ce qui est dommage ici, c’est que la défaite était prévisible et qu’à aucun moment, les syndicats n’ont cherché à se remettre en cause pour essayer de débloquer la situation.

On dit souvent à Gauche, dans le mouvement ouvrier, que les patrons ont peur de la lutte des classes. Que le drapeau rouge fait trembler le bourgeois. Mais c’est vrai également des gens. Les gens ont la trouille. S’il fallait définir la mobilisation contre la réforme des retraites, on doit dire qu’il s’agit aussi d’une mobilisation contre la mobilisation.

C’est une lutte conçue par les gens comme un moyen de ne pas lutter. Tout a été fait pour contourner la lutte des classes et on le voit très bien à ces signes qui ne trompent pas. Comme au moment des gilets jaunes, le capitalisme n’a pas été critiqué, pas plus que la bourgeoisie n’a été mentionnée.

On a une critique « anticapitaliste » qui affleure parfois, mais cela n’a rien à voir avec l’affirmation du Socialisme et du principe d’une société avec une hégémonie à tous les niveaux de l’esprit collectif. Les gens protestent parfois contre le capitalisme, car le capitalisme leur semble mal fait, ou parce que le capitalisme les dérange, ou bien même les agresse.

Mais ils ne veulent pas s’en débarrasser. Ils ne considèrent pas qu’ils sont aliénés, exploités. Tous pensent qu’ils peuvent tirer leur épingle du jeu dans le capitalisme. Tous pensent que le capitalisme est stable, qu’il va continuer comme avant, avec moins de droits certainement, mais sans changement en ce qui concerne le quotidien.

Les gens sont heureux de consommer sans recul, de se procurer le dernier matériel technologique mis à la disposition du public, de regarder des émissions de divertissement aussi stupides que les films hollywoodiens, de partir en vacances en se comportant comme de simples touristes.

Et ceux qui ne peuvent pas, parce qu’ils sont marginalisés socialement – et ceux-là forment une minorité de la société – ne rêvent que d’une chose : vivre comme les autres. La teneur du rap montre très bien quel est le degré de corruption qui prévaut.

Aucun régime n’est jamais menacé par des gens avec une morale aussi faible, une capacité d’engagement d’une faiblesse inouïe et la plupart du temps inexistante. L’extrême-gauche est composée de la petite-bourgeoisie intellectuelle, le monde associatif est sous contrôle de l’esprit bobo de manière complète, les ouvriers ne font rien ou, quand ils agissent, se placent au mieux de manière passive sous les ordres syndicaux.

Le niveau démocratique des masses est ce qu’on doit qualifier de catastrophique. Qui ne part pas de là vit dans un fantasme et est en total décalage avec la réalité de la société française. Est-ce à dire qu’il n’y aura rien ? Pas du tout et au contraire, car la lutte des classes se produit malgré les prolétaires s’il le faut. Mais qu’on s’imagine quel traumatisme cela va être quand la lutte des classes va reprendre ses droits, quelle fracture cela va être dans une société paralysée depuis les années 1960.

L’enfantement de l’époque qui s’ouvre va être terriblement douloureux.

Catégories
Politique

29, 30 et 31 janvier: le coup d’épée dans l’eau de la CGT

À l’issue de la grève du 24 janvier la semaine dernière, la CGT avait annoncé une nouvelle journée de grève et de manifestation pour ce mercredi 29 janvier suivie de deux jours d’initiatives les 30 et 31 janvier. Ce triptyque n’a rien donné, à part une énième manifestation syndicale mercredi aussi déprimante qu’inutile de part son caractère répétitif et improductif. Pour le reste, il n’y a aucune capacité à se tourner réellement vers les classes populaires dans leur ensemble, ce que la CGT ne sait pas faire (et ne veut pas faire).

Dans un communiqué la semaine dernière, la CGT avait annoncé qu’elle prévoyait pour cette semaine « le renforcement et l’élargissement de la mobilisation » et il devait y avoir des « initiatives les 30 et 31 janvier en direction des populations. »

Qu’a-t-on vu hier et avant-hier à ce sujet ? Rien, absolument rien. Cela n’est même pas un échec puisqu’en réalité la CGT n’envisageait pas de faire quoi que cela soit. Ni sa direction, ni ses bases militantes n’ont pour habitude d’avoir une véritable démarche démocratique en se tournant vers la population concrètement.

Même lors de différentes opérations de blocages, par exemples sur les récurrents blocages de ports autonomes depuis le début de l’année, qui en général ont lieu en amont dans des zones industrielles, les syndicalistes bloqueurs sont incapables de venir échanger avec les prolétaires de la zone, de les convaincre politiquement, de chercher la convergence par la discussion fraternelle. Les bloqueurs se contentent de bloquer dans leur coin, puis lèvent les barrages parfois, sans que personne ne sache jamais ni pourquoi, ni comment.

Cela est dans la nature même du syndicalisme, qui se prétend au-dessus de la politique et pour qui seul l’activisme compterait. La grève générale serait donc un modèle en soi, et il n’y aurait qu’à le suivre, en rejoignant la CGT et en lui signant un chèque en blanc pour qu’elle négocie avec le gouvernement au nom de tout le monde.

Quand on dit « tout le monde » ici, il faut bien voir qu’il s’agit en effet de tout le monde, dans le sens de toutes les couches de la population. La CGT est censée être une expression prolétarienne, s’inscrivant dans la lutte de classe. Mais cela n’intéresse plus la CGT, alors si elle n’a pas le soutien des ouvriers, elle s’imagine qu’au moins c’est très bien d’avoir à ses côtés les avocats, cette corporation bourgeoise.

On avait ainsi le droit mercredi soir sur la page Facebook officiel de la CGT à la célébration d’une stupide chorégraphie d’avocats (reprenant le très viril et brutal « haka » des rugbymen néo-zélandais) pendant la manifestation parisienne, avec le commentaire suivant :

« 👏🏼 Belle scène de convergence ou quand les #AvocatsEnGreve enseignent au cortège #AcauseDeMacron leur Haka ! »

D’ailleurs, les manifestations elles-mêmes ce mercredi 29 janviers 2020 ont été très faibles, tant numériquement que dans le contenu, toujours plus routinier et sans perspective. La CGT n’a même pas donné de chiffre national cette fois (le gouvernement annonçant quant à lui 108 000 personnes contre 249 000 la semaine dernière), se contentant de prétendre que tout va bien :

« Les organisations syndicales CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, MNL, UNL se félicitent de l’importance des mobilisations pour le retrait du projet de réforme des retraites du Gouvernement. Le soutien de la population au mouvement social s’amplifie, des initiatives unitaires sont prises sur tout le territoire, les journées de grèves et de manifestations du vendredi 24 et du mercredi 29 janvier ont encore rassemblé des centaines de milliers de personnes. C’est la preuve d’un rejet massif des propositions portées par le Gouvernement. »

Quant à la grève, elle n’est plus qu’anecdotique, concernant quelques syndicalistes dans certains secteurs, de manière très isolée, avec des coups de force tentés ici et là (par exemple sur l’incinération des déchets en Île-de-France).

La CGT et l’intersyndicale n’ont rien d’autre à proposer qu’une nouvelle journée de grève, sans véritablement de travail destiné à organiser celle-ci, et surtout de nouveaux défilés dans les villes, jeudi 6 février.

Tout cela tourne en rond et ne mène à rien bien entendu, à tel point que les médias finissent pas ne quasiment plus en parler et le gouvernement ne semble même plus y prêter attention. Le Premier ministre vient d’ailleurs d’annoncer sa candidature aux municipales au Havre, cet ancien bastion ouvrier que son prédécesseur avait arraché à la Gauche en 1995. La conférence de financement, cette soi-disant victoire obtenue par la CFDT pour faire tampon et qui a démarré ce jeudi, ne s’avère être qu’un jeu de rôle mettant en scène syndicats et « patronat », sans aucune utilité.

La CGT est en fait tellement faible qu’une telle parade gouvernementale est devenue inutile. La CGT, dont le rôle de pacificateur social est considéré comme désuet par le capitalisme français version 2020, se retrouve maintenant éjectée du cours de l’histoire. C’est à la Gauche de prendre main, pour remettre la lutte des classes sur la table et ouvrir à nouveau la perspective politique du socialisme.

Catégories
Politique

Les pro-CGT retournent leur veste: l’ultra-gauche à son habitude

Voici le moment plein d’évidence, mais toujours surprenant de par son ampleur, celui du retournement de veste. Après avoir littéralement baisé les pieds de la CGT pendant deux mois, l’ultra-gauche se met du jour au lendemain à dénoncer sa démarche, pour tenter de ne pas couler avec elle.

Aucune fierté, de l’opportunisme sur toute la ligne, de la démagogie à en veux-tu, en voilà. Ce que fait l’ultra-gauche est impressionnant de mauvaise foi. Après avoir donc salué la démarche de la CGT depuis le départ, elle l’attaque désormais. Comment faire cependant pour garder la face, pour ne pas que ce soit trop gros ? Comment faire alors que depuis le départ, la réduction syndicaliste de la bataille a été appréciée, saluée, soutenue ?

Eh bien, à son habitude, l’ultra-gauche invente qu’il pourrait se passer bien plus de choses, qu’on est à la veille de la révolution, que tout est possible… Mais que, malheureusement, les directions syndicales trahissent. On serait à la veille de la reprise du mouvement, là où tout serait possible… Seulement voilà, tout serait un problème de direction. Cela avait bien commencé, mais les choses s’arrêteraient en route… Si l’ultra-gauche avait été à la tête du mouvement… Alors, là cela aurait fonctionné ! Si les gens avaient compris… etc.

En voici quelques exemples, peu importe leur source puisque c’est partout le même refrain.

« Or, à l’inverse des travailleurs qui reprennent leur souffle pour mieux envisager de repartir, l’intersyndicale semble en passe d’entériner une stratégie totalement minimale de temps « forts », calés sur le calendrier parlementaire et ses différentes échéances. »

« Le sort du mouvement n’est pas scellé, loin de là. Plus de cinquante jours après son démarrage, on en ignore encore l’issue. Mais force est de constater qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’isolement du gouvernement, le rejet majoritaire de la réforme et la mobilisation des centaines de milliers de salariéEs n’a pas encore crée le rapport de force suffisant pour faire céder Macron (…).

Alors que jusqu’à présent, l’intersyndicale interprofessionnelle avait plus ou moins bien joué son rôle moteur (sauf pendant les congés de Noël) de la mobilisation avec des appels à la grève, aux actions et aux manifestations, le dernier appel au mercredi 29 janvier est loin très loin d’être à la hauteur. En effet, choisir un mercredi, c’est pour le coup mettre en dehors de la grève un des secteurs les plus dynamiques de ces derniers jours : l’Éducation nationale. De plus, ne pas manifester et être en grève le jour de la conférence de financement de la CFDT, participer à cette conférence, c’est laisser penser que cette commission est d’importance alors que nous savons qu’elle ne pourra que remettre en selle « l’âge pivot à 64 ans » forçant à partir en retraite deux ans plus tard, ou allonger le nombre d’années travaillées nécessaire pour partir à la retraite. »

« D’un côté, les syndicats réformistes et opportunistes, révisionnistes, tentent d’encadrer les actions dans le « symbolique » : coupure de courant temporaire de lieu de pouvoir, jet de symboles du métier aux pieds d’un politicien, manifestations avec pour seul but le nombre, etc. Mais la partie la plus prolétarienne du mouvement elle se bat avec ses moyens : coupures d’électricité de zones industrielles entières, paralysie des transports, affrontements violents (comme les pompiers), envahissements et occupation, piquets de grève tenus par la force… »

Tout cela ne tient pas debout, mais cela maintient de manière littéraire la fiction comme quoi tout aurait été possible. L’ultra-gauche en a besoin. Car elle a paré le mouvement de la CGT de merveilleux, afin de se faire une place. Elle l’a accompagné. Jamais elle n’a critiqué la CGT, dont on sait pourtant le degré de corruption à la direction. Jamais elle n’a critiqué le manque de dimension politique, le refus de dimension politique même.

Elle est donc responsable autant que la CGT de la défaite en cours. Ses retournements de veste n’y feront rien : les paroles s’envolent, les écrits restent. L’ultra-gauche n’échappera pas à la critique de la Gauche historique.

Catégories
Politique

La Gauche et la question syndicale fin janvier 2020

La grève lancée par les syndicats le 5 décembre 2019 se transforme en échec complet et la question de leur rapport à la Gauche revient logiquement à la surface. La politique reprend ses droits et les points de vue sont assez variés.

Comme la grève a été surtout portée par la CGT, celle-ci est au cœur de l’attention… ou pas. Tout est justement une question de valorisation de celle-ci ou non. Du côté du Parti Communiste Révolutionnaire de France, qui se revendique pour résumer du PCF des années 1960, il n’y a de la place que pour la CGT et si défaite il doit y avoir, c’est en raison de son manque de force. En l’occurrence, c’est la CFDT qui a le mauvais rôle :

« La CFDT n’a donc jamais basculé dans la trahison de classe, puisqu’elle a toujours été une organisation syndicale de collaboration de classe. »

L’idée tient debout, mais paradoxalement l’explication est assez alambiquée. La CFDT est à la base la CFTC, le syndicat chrétien. Mais l’article ne dénonce pas la CFDT comme son prolongement, elle attribue au groupe Reconstruction (qui a impulsé la transformation en CFDT) l’objectif de « créer un syndicat capable de rivaliser et d’écraser la CGT » au moyen de la ligne autogestionnaire. Ce n’est toutefois pas vrai. Reconstruction a toujours assumé à la fois de ne pas être communiste et de ne pas être anticommuniste. La CFDT, ce n’est pas Force Ouvrière (qui elle est ouvertement anticommuniste).

Ce qui compte évidemment toutefois, c’est la dénonciation de la CFDT. C’est une tendance omniprésente du côté de ceux soutenant la CGT. On ne la trouve toutefois pas du côté des anarchistes, qui ont eux vu des tendances intéressantes dans la démarche de la CGT, une sorte de retour aux sources. L’Union Communiste Libertaire y consacre un long article où une circulaire interne de la CGT est même présentée comme le parfait manuel du syndicaliste autogestionnaire. Ce qui revient à dire que la CGT est devenue la CFDT des années 1970. L’article demande même que les sections syndicales soient revivifiés. Il y a beaucoup d’espoir dans une « nouvelle » CGT :

« Dans la CGT, les débats sont ouverts, et ils le sont tout autrement qu’il y a dix ans, si l’on compare la gestion confédérale de Thibault en 2010, refusant explicitement d’accélérer vers la généralisation, et les appels de Martinez en 2020, qui peinent hélas à être suivis. La reconstruction d’un syndicalisme de combat commence aujourd’hui ! »

On a aussi quelque chose d’intéressant avec le dernier éditorial des bulletin d’entreprises de Lutte Ouvrière. Ce mouvement trotskiste a une double tradition : d’un côté rejoindre les syndicats, de l’autre ne pas trop chercher à les mettre en avant. La raison est simple à comprendre : il est considéré que la direction bureaucratique des syndicats est trop pesante et que s’il faut être dans les syndicats, il est nécessaire à un moment de les déborder pour parvenir à quelque chose.

C’est une ligne inspirée du Programme de transition de Léon Trotsky et qui tient également à l’origine de l’organisation, née à Renault d’un comité de grève extérieur à la CGT. Ce mouvement extérieur à la CGT (et au PCF) rejoindra ce qui donnera alors Force Ouvrière. Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis, mais c’est une tradition qui est restée.

Et que voit-on justement ? Qu’il est parlé de « l’exaspération des classes populaires », de la « colère » dans les entreprises privées qui va finir par éclater. L’éditorial a même comme titre « Les travailleurs ont commencé à rendre les coups, il faut continuer ! ». Cependant, l’éditorial ne mentionne pas une seule fois la CGT ! Même le mot « syndicat » n’est pas présent. C’est bien sûr un choix effectué sciemment et il l’est même depuis le départ du mouvement. Il n’y a aucune confiance en la CGT.

Pour résumer, ces trois points de vue sont parfaitement représentatifs des points de vue actuels. Il y a ceux pour qui la CGT doit être renforcée pour maintenir ses positions. Il y a ceux pour qui la CGT s’est lancée dans quelque chose l’amenant à se transformer. Il y a ceux qui n’ont pas confiance en la CGT, car ils n’ont jamais eu confiance en elle de toutes façons.

Catégories
Politique

Échec du 24 janvier 2020: la cause est la fascination de la CGT pour les mythes mobilisateurs

Les syndicalistes prétendent être mieux que les politiques, car ils auraient le sens du concret. En réalité, ils mobilisent sur des fictions, prétendant qu’il y aura un déclic. C’est la négation de la politique et de la culture et la CGT s’enlise dans ses propres mensonges, tout cela pour sauver sa peau dans une situation inextricable.

Remontons à la source du problème, à savoir la prétention des syndicalistes à faire tout mieux que tout le monde, à porter l’avenir, à être les seuls qui soient purs, objectifs, sincères. Pour tout cela, il faut étudier Les Réflexions sur la violence de Georges Sorel, paru en 1908.

Bien entendu, c’est un ouvrage qui n’a jamais été lu par les syndicalistes eux-mêmes à l’époque, parce que ceux-ci étaient déjà anti-intellectuels comme ils le sont aujourd’hui. Même aujourd’hui, ils ne l’ont pas vraiment lu, pas plus que d’autres ont d’ailleurs lu Lénine ou même Marx. En France on a une culture à la Sciences-Po : si on a lu des fiches de résumé, on pense que cela suffit.

Les Réflexions sur la violence forment donc surtout un prétexte à une méthode, assez facile à comprendre même tellement elle est française. Pour gagner socialement, pas besoin de réflexion, on fait du rentre-dedans et on annonce que tout va craquer. On ne sait pas si c’est vrai, mais en rentrant dedans on galvanise les combattants et, à force, le mythe mobilisateur de « ça va péter » est censée devenir une prophétie autoréalisatrice.

Voilà ce que fait la CGT en ce moment. Évidemment, au fond, elle n’y croit pas, elle espère surtout que le privé va lutter pour ses propres intérêts et que la situation aura alors tellement changé que les compteurs vont être à remis zéro. Mais elle fait semblant et même on peut soupçonner certains de croire en leur propre mensonge. Par exemple, lorsque Laurent Brun, Secrétaire Général de la Fédération CGT des Cheminots, fait le 24 janvier une analyse rapide comme quoi Emmanuel Macron est sur la pente savonneuse menant à la dictature du maréchal Pétain.

Le type sait que c’est n’importe quoi, c’est obligé. Mais il le dit, histoire de faire monter la sauce, au mépris de tout sens des réalités et du respect de la raison. Foutu pour foutu, autant y aller !

Et que dire de la centaine d’avocats en robe noire en train de chanter à Bordeaux une version au texte modifié du Chant des partisans, ce 24 janvier ? Sans conviction aucune, heureusement, on devine une initiative forcée, comme tout ce qui a trait d’ailleurs au mouvement contre la réforme des retraites. Mais quelle ignominie !

Ceci dit la honte est partout, car la version originale de la chanson a été chantée un peu partout lors de marches au flambeau, comme à Angoulême. Une marche au flambeau… Est-ce une tradition du mouvement ouvrier, ou de l’extrême-Droite, qui plus est ? On a atteint un niveau de faiblesse qui n’a comme équivalent que celui de l’auto-intoxication.

Il faut lire l’article de Libération sur la grève sur le barrage EDF de Grand’Maison, la centrale hydroélectrique la plus puissante de France. Le délégué syndical explique à fierté :

«Avec Grand’Maison, on est à la tête d’une centrale de 1 800 MW de puissance, l’équivalent de deux réacteurs nucléaires classiques ou d’un EPR. C’est le moyen de se faire entendre de l’Etat mais aussi de l’opinion publique.»

Soit ! Mais quand RTE passe un coup de fil en disant : on a besoin d’électricité, allez bosser de telle heure à telle heure, il est obtempéré. On peut penser que cela est juste, qu’il faut éviter les révocations, cela va même de soi. Cela étant, il y a un décalage énorme entre dire que tout est sous contrôle ouvrier et qu’en réalité, cela ne le soit pas.

Les premiers perdants sont les ouvriers. La CGT les amène droit dans le mur. Elle ne peut en effet plus reculer. Elle est obligée de se prétendre la garante de tout le système social, elle est obligée de prétendre que la victoire est en train d’être obtenue. Elle est obligée d’utiliser des mythes mobilisateurs.

En faisant cela, elle mobilise ses propres rangs et ses sympathisants, mais empêche toute mobilisation en mode « lutte de classes ». Tout tourne alors sur soi-même… jusqu’à l’épuisement. Jusqu’au vide politique qui sera occupé par l’extrême-Droite, à moins qu’une Gauche unie vienne sauver le tout.

Catégories
Politique

Mobilisation du 24 janvier 2020: des chiffres invraisemblables

Le mouvement de contestation contre la réforme des retraites est en perte de vitesse. La grève s’est enlisée, alors qu’elle n’a pas pris ailleurs qu’à la SNCF et à la RATP, que même dans des secteurs mobilisés comme à EDF-Enedis, elle n’a été que minoritaire. Pourtant, la CGT triomphe et s’imagine qu’en annonçant des chiffres de manifestants invraisemblables, cela suffira à ce qu’il se passe quelque-chose.

Le gouvernement a adopté ce matin le projet de loi sur la réforme des retraites en conseil des ministres en ignorant totalement la contestation et les syndicats. Mais la CGT triomphe : « Qui a parlé d’essoufflement de la mobilisation sociale ? » titre son communiqué.

C’est sûr que quand on raconte ce qu’on veut sans aucune vraisemblance pour le nombre de manifestants, il est facile de triompher… Il y aurait eu ce vendredi 24 janvier d’après la CGT entre 350 000 et 400 000 personnes manifestants à Paris. Cela ferait donc 100 000 personnes de plus que la semaine dernière le 16 janvier. Mais d’où viennent ces 100 000 néo-manifestants, qu’on avait pas vu depuis le 17 décembre et le 9 janvier, au plus fort du mouvement, où la CGT annonçait autant à Paris ?

Cela ne tient pas la route, alors que la Préfecture ne parle que de 31 000 personnes hier et que le chiffre des médias est de 39 000 manifestants. Rappelons que le 17 décembre 2019, la Préfecture avait annoncé 76 000 manifestants, ce qui est plus du double que le nombre annoncé hier, et que le 9 janvier elle annonçait 56 000 manifestants.

On se demande également comment à Marseille la CGT peut avoir vu 180 000 personnes là où la police n’en annonce que… 8000. Même chose à Toulouse où la CGT voit 95 000 manifestants quand la police n’en voit que 5000. C’est tout simplement ridicule.

C’est la même chose pour les chiffres nationaux, la CGT annonçant 1,3 millions de manifestants, soit presque autant que le 5 décembre (1,5 millions et 800 000 selon le gouvernement), alors que le gouvernement annonce 250 000 manifestants dans tout le pays.

Cela paraît d’autant plus improbable que beaucoup de manifestations en France ont réuni bien moins de personnes qu’en décembre :

à Lyon, 9000 manifestants selon la police et 20 000 selon la CGT,
à Bordeaux,7500 manifestants selon la police,
à Nice, 2900 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Nantes, 5500 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Rennes, 4000 personnes selon la presse,
au Havre, 6000 manifestants selon la police,
ou encore à Boulogne-sur-mer, 500 manifestants selon la police et 1000 selon la CGT.

La CGT prétend s’en sortir avec l’idée, qu’elle avait annoncée avant la journée d’hier, qu’il y aurait en fait eu beaucoup plus de rassemblements.

On notera pourtant que même avec ses chiffres invraisemblables, la CGT n’est pas cohérente quand elle prétend qu’il n’y a pas d’essoufflement : 1,3 millions, c’est moins que le pic d’1,8 millions du 17 décembre (615 000 selon le gouvernement) et les 1,7 millions d’après les fêtes le 9 janvier (452 000 selon le gouvernement).

Mais peu importe, car ce qui compte ici n’est pas la cohérence, mais la surenchère. C’est du même ordre que les opérations coup de poing isolées menées contre la CFDT ou les coupures d’électricité : il s’agit de bomber le torse, avec l’espoir que cela suffise. C’est une terrible erreur, et c’est d’autant plus terrible qu’il y a beaucoup de personnes qui y croient, ou qui choisissent d’y croire si l’on veut.

La déception va être d’autant plus terrible, générant surtout de la rancune, et pas de la volonté de changer le monde. Marine Le Pen, qui depuis le début a pris soin de ne pas critiquer le mouvement, tout en critiquant la CGT, se tient évidemment prête pour récupérer toute cette amertume…

Catégories
Politique

«Un 24 massif et déterminé pour le retrait»

Voici le communiqué des organisation syndicales CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaire, Fidel, MNL, UNEF, UNL pour la grève de ce vendredi 24 janvier 2020 :

« Un 24 massif et déterminé pour le retrait

Le Président de la République a donné son feu vert à l’examen en Conseil des ministres du projet de loi sur les retraites le 24 janvier 2020. Ce projet renvoie à de nombreuses ordonnances et décrets qui définiront ultérieurement et sans débat les dispositions structurantes du régime prétendu universel qui impliqueraient des conséquences désastreuses pour toute la population. Nous sommes donc face à un projet qui est toujours totalement flou mais dont l’analyse des grandes lignes, y compris par des experts indépendants, montre qu’à l’opposé de la communication gouvernementale sur une réforme de justice sociale, son objectif est de nous faire travailler plus longtemps et de baisser les pensions. La population n’est pas dupe et continue à être opposée à cette réforme et à soutenir majoritairement la mobilisation contre ce projet absurde et injuste.

L’absence de transparence du Gouvernement sur les impacts individuels et globaux est inadmissible. Après un simulacre de dialogue social de 2 ans avec les organisations syndicales, le gouvernement méprise les salarié-e-s, les grévistes, la population et la jeunesse et maintenant les prérogatives du Parlement.

Les actions et les grèves se multiplient sur l’ensemble du territoire. Nos organisations se félicitent du succès annoncé des nombreuses mobilisations organisées jeudi 23 au soir, notamment des retraites aux flambeaux. Nos organisations appellent à une mobilisation maximale le 24 janvier par la grève et les manifestations massives pour rejeter cette réforme, pour obtenir le retrait de ce projet de Loi et de véritables négociations sur la base des revendications portées par l’intersyndicale majoritaire.

Le Parlement devrait commencer à discuter du projet de Loi. D’ici là nos organisations appellent à poursuivre et amplifier les actions, y compris en multipliant les arrêts de travail, en interpellant les parlementaires et en organisant des actions de dépôt des outils de travail dans des lieux symboliques.

La détermination à faire retirer ce projet de loi est entière. Nos organisations décident de se revoir dès le 24 janvier matin pour décider ensemble des suites. »

 

Catégories
Politique

Deux arrestations suite aux coupures de courant par la CGT en Dordogne le 10 janvier 2020

La CGT Mines et Énergie a connu un premier avertissement avec deux agents d’Enedis (l’ancienne Électricité Réseau Distribution France, formée dans le cadre de la privatisation du secteur) arrêtés dans le cadre d’une enquête pour mise en danger de la vie d’autrui. Face aux coupures de courant, le gouvernement réagit exactement comme le faisait celui du début du 20e siècle face exactement aux mêmes problèmes.

L’idée de couper le courant pour produire de la nuisance n’a rien de nouveau ; la toute jeune CGT l’a déjà massivement employé à Paris au début du 20e siècle. Émile Pataud, le syndicaliste dirigeant la Fédération, était présenté par la presse de l’époque comme « le roi de l’ombre » de par sa capacité de nuisance. Cette pratique se situe dans le cadre de l’action directe pour la grève générale et lui valut une répression sévère.

Pour cette raison, la pratique disparut plus ou moins, les annales de l’électricité constatant en 2008 dans l’article « Un siècle de coupures de courant dans les grèves des électriciens. De la centralité à la marginalisation (1905-2004) » :

« L’utilisation originelle de la coupure remonte aux premiers conflits du travail majeurs des électriciens qui se produisent en 1905-1907 à Paris, avec pour objectif prioritaire l’assimilation au personnel municipal. Les grands moyens sont utilisés dans cette bataille pour le statut . Ces mouvements sont dirigés par Émile Pataud, l’une des figures de proue du syndicalisme d’action directe qui oriente alors la CGT.

Il décide donc d’initier l’utilisation d’une technique de grève qui s’avère d’abord efficace et frappe les esprits : la coupure de courant. Historiquement, c’est en effet entre 1905 et 1910 que cette pratique est la plus usitée. »

Le Émile Pataud en question pensait même que les travailleurs de l’énergie combinés à ceux du bâtiment seraient la proue de la grève générale renversant le capitalisme. Il a écrit un ouvrage science-fiction racontant cette épopée, Comment nous ferons la Révolution, rédigé en commun avec Émile Pouget, un dirigeant de la CGT, et republié en 1995 aux éditions Syllepse.

Ce goût anarchiste pour le grand soir – cette calamité française – fut calmé par la police, l’armée et les révocations. En 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe a lancé une première salve d’avertissement en ce sens.

C’est en effet une affaire déjà passée qui est au centre des deux arrestations, puisque c’est le 10 janvier que l’entreprise Interspray, qui s’occupe de produits chimiques et est classée Seveso, a été privée de courant durant trois heures. Et on parle ici d’arrestations en mode brutal, du type la gendarmerie qui débarque très tôt le matin, dans une ambiance tendue.

C’est donc un avertissement du gouvernement, qui sait très bien que les syndicats, refusant de faire de la politique, basculent au mieux dans du syndicalisme « dur », avec comme seul appui une ultra-gauche sans impact dans le pays.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, alors à la centrale nucléaire de Gravelines lorsqu’il a appris la nouvelle, n’a pas été dupe et a affirmé en réponse que c’était « jeter de l’huile sur le feu » que de mener une telle répression. La CGT et FO ont également organisé un rassemblement devant la gendarmerie de Neuvic en protestation.

Parallèlement, la CGT continue de lancer toutes ses forces. La Fédération CGT du Commerce a menée hier une petite manifestation à Paris et l’action menée la nuit au 22 janvier au Centre administratif du Grand Port Maritime du Havre en dit long sur le fond de la question : c’est une bataille identitaire qui se joue.

On comprend que, de plus en plus, l’affrontement réel qui existe à l’arrière-plan dans le refus de la réforme des retraites prend place : celui entre la CGT, ainsi que FO, et le gouvernement entendant « moderniser » les partenaires sociaux, abandonner les vieilles formes de cogestion sociale.

Le capitalisme de la « start up » nation n’a plus besoin de centrales syndicales formant une partie des institutions (tout en prétendant être hors de l’État). Il coupe donc les vivres. Pour la CGT, et pour FO, c’est simplement une question de vie ou de mort.

Catégories
Politique

Le site nosretraites.org par des partis de gauche

De nombreux partis et organisations de gauche ont lancé le site nosretraites.org, sur lequel sont faites des propositions unitaires sur la question des retraites et en opposition à la réforme gouvernementale.

Le site nosretraites.org est une plateforme commune, dans un style gestionnaire typiquement keynésien, avec une orientation sociale. Cela ne soulèvera probablement pas les foules et ne fera rêver personne, mais en attendant la démarche a le mérite d’exister et de rassembler assez largement.

Les organisations signataires de ce site et des propositions qui y sont formulées sont :

Ensemble, Europe Écologie-Les verts, Gauche démocratique et sociale, Gauche républicaine et socialiste, Génération-s, Les Radicaux de gauche, Nouvelle donne, PCF, Parti socialiste, Place publique, Pour une écologie populaire et sociale, République et socialisme, ainsi que Union des démocrates et écologistes.

Six « piliers concrets » sont formulés. On notera cependant qu’à défaut d’être véritablement « concrets », ils consistent surtout en une formulation inverse à la réforme gouvernementale, de manière quasi-symétrique  :

1- Améliorer le système par répartition ;
2- Garantir un droit à la retraite en bonne santé, pour toutes et tous ;
3- Une règle d’or (assurant la parité du niveau de vie entre les retraités et les travailleurs) ;
4- Meilleure prise en compte de la pénibilité ;
5- Une retraite minimum au niveau du SMIC ;
6- Réaliser l’égalité femmes-hommes.

Six « pistes de financement » sont également formulées. Là encore, ce n’est pas le « grand soir » de la lutte des classes, mais des mesures gestionnaires assez floues, n’engageant finalement à pas grand-chose :

1- mobiliser le fonds de réserve des retraites (un fonds d’investissement sur les marchés financiers, tout comme le très critiqué Blackrock, mais en version « public », c’est-à-dire géré par l’État) ;
2- assurer la compensation financière de l’État à la Sécurité sociale pour les pertes de recettes liées aux mesures d’exonérations de cotisations sociales ;
3- réflexion sur l’élargissant l’assiette de financement aux revenus du capital, et en particulier aux revenus financiers ;
4- maintien de la cotisation à 28,1 % jusqu’à 27 000 € de revenus par mois ;
5- création d’emplois, notamment dans les services publics
6- augmentation des salaires et l’application réelle de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes

Le site est à retrouver à cette adresse : nosretraites.org