Catégories
Société

De simples menus «sans viandes» à Lyon horripilent la vieille France

La vieille France, qu’elle soit de droite ou qu’elle s’imagine de gauche, fait toute une histoire pour de simples menus temporairement « sans viande » dans les cantines lyonnaises. Cela en dit long sur l’arriération des mentalités de notre pays.

La mairie EELV de Lyon prend prétexte de la crise sanitaire pour distribuer des menus « sans viande » dans les cantines scolaires. On pourrait imaginer qu’il y a en arrière plan une motivation environnementale, mais ce n’est pas assumé. La mairie se cache derrière de prétendues contraintes techniques, avec l’idée « d’accélérer le service » pour « accueillir tous les enfants » dans le cadre d’un nouveau protocole sanitaire.

D’autant plus que la mairie explique qu’il ne s’agit surtout pas de menus volontairement « végétariens », et que d’ailleurs il y aura du poisson ou des œufs, que tout cela n’est que temporaires, etc.

C’est, du point de vue de la question animale, totalement incohérent. Soit on se passe de produits d’origine animale et on l’assume, soit on ne le fait pas. Ce qu’il y a entre les deux ne rime à rien et culturellement une telle incohérence prête le flanc à une démolition en règle par le conservatisme.

Pourquoi ? Parce que tout pas en avant est déjà de trop pour une France arriérée qui n’a comme idéal que les « 30 glorieuses » du capitalisme, où justement la viande et le lait ont été imposés en masse dans l’alimentation des Français. Les cantines scolaires ont justement été un endroit clef de ce dispositif idéologique et culturel visant à faire de la viande et du lait une norme, avec un prétendu équilibre alimentaire allant avec.

La France est tellement empiété dans cette arriération que, si l’on en croit les recommandations sanitaires officielles, il serait même impossible d’être végétalien et vivant !

Le contenu du BTS diététique, par exemple, qui dispense tout un référentiel pour un prétendu équilibre alimentaire, celui-là même qui est imposée aux cantines scolaires (avec des menus supervisés par les infirmières), est incapable d’expliquer pourquoi des gens peuvent être végétalien et en bonne santé !

Il y a pourtant des centaines de milliers de vegans dans le monde, des sportifs de haut niveau, des gens qui sont nés vegan de parents vegan. Mais pour la France, ces gens n’existent pas ! Alors, quand une mairie fait des menus « sans viande », la vieille France monte au créneau et s’insurge.

Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie est lui-même intervenu, rappelant qu’il était également ministre de l’alimentation. Il a expliqué comment il comptait saisir le Préfet pour obliger à servir de la viande, avec au passage tout un cinéma sur les « cantines de la République » devant servir de la viande. Il n’hésite pas à raconter n’importe quoi en prétendant qu’il serait « aberrant » d’un point de vue nutritionnel de ne pas servir de viande, ou encore que ce serait une injustice sociale.

« Je suis ministre de l’Agriculture et de l’alimentation. D’un point de vue nutritionnel, c’est aberrant d’arrêter de servir de la viande dans toutes les cantines de la République.

D’un point de vue social aussi, c’est une honte, car c’est toujours une écologie de l’entre soi où à chaque fois ce sont les plus fragiles qui n’ont pas forcément accès à des repas équilibrés qui sont fragilisés. »

Comme si en 2021 on ne savait pas que la viande n’est pas utile à l’équilibre alimentaire ! Et comme si dans la France opulente de 2021, de par sa société de consommation, on en était à ce que des familles modestes soient « privées » de viande !

Mais la Droite n’est pas la seule à s’insurger ainsi. On a par exemple les JRCF, l’organisation de « jeunesse » liée au PRCF, une structure dont le but est le retour à un PCF des années Thorez, des années 1960, qui fait le même cinéma lamentable sur Twitter :

« Fascinant ce débat sur la #viande ! Maintenant, le progrès consiste à priver des milliers d’enfants de la seule viande qu’ils pourront manger au nom de l’idéologie #écologiste ! Ces individus sont un des grands piliers du Capitalisme. #EELV

Avec leurs discours ils participent au cirque médiatique auquel se prête également la droite fascisante (qui ose se prétendre anti-système). Ils vocifèrent 2 visions du capitalisme, l’un avec un maquillage #vert, l’autre brun, mais en aucun cas ils offrent une réelle solution!

Il faut pouvoir assurer à nos enfants (ainsi qu’au reste de la population) une alimentation saine et de bonne qualité. Ils doivent avoir accès à de la viande et surtout à de la viande digne de ce nom.

Il est inadmissible que dans pays comme le nôtre le principal repas pour certain soit dans les #CantinesScolaires. Il est inadmissible que des milliers de français fassent la queue afin de se nourrir.

Face à un pouvoir capitaliste qui n’a aucunement comme priorité l’intérêt de ceux qui font vivre jour après jour notre Nation, et face aux fausses alternatives que représentent la droite fascisante et cette « gauche », il est urgent de faire renaître une alternative populaire! »

On voit ici à quel point la Droite dispose d’une assise immense dans le pays, comment elle est capable idéologiquement de tout écraser en un rien de temps. Un simple menu « sans viande » anecdotique provoque un tollé et se fait balayer d’un revers de main.

Le capitalisme s’est bien ancré dans les esprits.

C’est pourquoi on ne pourra échapper à une révolution en profondeur sur le plan des mœurs, des mentalités, de la culture, pour balayer le vieux monde. Mais il ne peut y avoir de réels changements que s’ils sont démocratiques, portée à la base par la population voulant réellement changer les choses, améliorer le monde, faire la révolution.

Et ces changements doivent être clairs, entiers. En tronquant la question animale, les bobos tentent d’en nier la signification historique. Il appartient à la Gauche de porter haut et fièrement le drapeau du futur, celui qui célèbre la nature et la compassion pour les animaux. Il faut forger une génération d’enfants qui refuseront de manger de la viande dans les cantines, cette horreur du passé, cette horreur de la vieille France !

Catégories
Société

La Gauche doit stopper le fléau des trafics de drogues

Le trafic de drogues est devenu une immense manne financière qui prospère sur le pourrissement social et la corruption de certains pans des institutions.

En 2018, l’Institut de la statistique française INSEE a intégré le trafic de drogue, de sa production à sa vente en passant par sa consommation, dans le calcul du PIB. Tout un symbole de normalisation pragmatique.

Pour les capitalistes, il y a forcément une énorme manne financière : à la même date, le même INSEE estimait que le trafic générait 21 000 emplois à temps plein. Cannabis, cocaïne et autres drogues dites de « synthèse » représenteraient 2,7 milliards d’euros.

L’emprise de cette économie est telle que certains quartiers tournent pratiquement autour de lui. Serge Castello, ancien commissaire à la tête de la sécurité publique entre 2011 et 2017 en Seine-Saint-Denis, parle du 93 comme « un narco-département ». On a là tout un système qui entretien des réseaux bien établis, avec des offres d’emploi presque officielles, des manières de blanchir et de ré-investir l’argent dans l’économie « officielle ».

Dans le JDD, on peut lire des extraits de l’ouvrage de Frédérique Ploquin intitulé « Les narcos français brisent l’omerta ». Dans un de ces extraits, on lit un dealer qui explique tranquillement :

« Tu achètes un commerce, le kebab du coin. Il génère 2 000 euros de chiffre d’affaires par mois, mais tu déclares 40 000 euros. Si tu veux quelque chose de plus durable et que tu disposes de sommes plus importantes, tu te tournes vers les paradis fiscaux, les Caraïbes par exemple. Le but n’est pas d’échapper à l’impôt, mais de réinsuffler l’argent dans l’économie légale pour pouvoir en profiter. Les banquiers installés dans ces îles ne refusent pas l’argent. Sale ou pas, ils comptent. Si tu arrives avec 5 millions en liquide, c’est une grosse somme, même pour eux. Le banquier va être bien vu de sa hiérarchie, c’est ce qui compte. Tu t’engages à laisser l’argent pendant trois ou quatre ans sur ton compte, tu achètes des Sicav locales [sociétés d’investissement à capital variable], des actions ou des obligations. Trois ans plus tard, la banque a pris sa commission et l’argent est à toi, lavé. »

C’est dire à quel point le pourrissement social est entretenu par le capitalisme. À tel point que les trafics intègrent des enfants marginalisés âgés de 11-12 ans. Des gamins attirés par cette réussite financière glorifiée par la culture « gangsta », ce « nouveau western » dont parlait Mc Solaar en 1994, et qui a pris des proportions hallucinantes… Quoi de plus facile que de monter son business de livraison de drogue à domicile ?

Et la crise sanitaire n’a pas arrangé les choses, formant un terreau « culturel » encore plus propice à l’expansion des trafics. Comme tous les autres secteurs d’activité, le trafic de drogue a fait face à une rupture d’approvisionnement, avec donc des repartages de marchés.

C’est ce qui explique l’extension anarchique de règlements de compte un peu partout en France, et non plus sur quelques gros points concentrés en périphérie des grandes villes et encadré par des réseaux d' »anciens ». Cet été, à Annonay, petite ville de 16 000 habitants en Ardèche, des personnes masquées ont tiré au fusil de chasse sur un groupe pour une histoire de dette de drogue…

Face à ce pourrissement, certains en appellent alors à la légalisation du cannabis, actuellement la principale drogue vendues par les trafiquants, la cocaïne arrivant juste après puis les autres drogues de synthèse. C’est ce que dit par exemple le libéral Gaspard Koenig, responsable du club de pensée « Génération Libre », pour qui « cela permettrait de transformer les petits dealers hors la loi en entrepreneurs agréés ». 

Cette option de la légalisation pour endiguer le trafic illégal est un symbole de toute la déliquescence morale des dominants, soutenue par ses idiots utiles de la « gauche » libérale-libertaire. Une « option » par ailleurs ridicule lorsqu’on sait que la teneur légale THC proposée serait de 7 % lorsqu’il est de 25 à 30 % pour les résines de cannabis illégales…

En fait, la drogue s’est infiltrée dans le quotidien du peuple et elle apparaît maintenant comme un immense rouleau compresseur, comme si rien ne pouvait l’arrêter. La « guerre à la drogue » est une bien fausse expression lorsqu’on sait les affaires de corruption en cascade ces dernières années. Citons là simplement l’affaire Michel Neyret, ancien directeur-adjoint à la direction inter-régionale de la police judiciaire de Lyon, arrêté en 2011 et condamné en 2018 pour corruption et association de malfaiteurs. Ou l’arrestation en 2016 de François Thierry, ex-chef de l’Office central de la répression du trafic illicite de stupéfiants, accusé d’avoir entretenu un réseau d’importation de cannabis par le biais de ses indics.

Il est connu de tous que les mafias savent corrompre des pans de l’appareil d’État, mais aussi de la population. Il suffit ici de se souvenir de l’effroyable assassinat d’Allan Affaguard, docker du Havre, en juin 2020 sur fond de trafic de drogue. Ou à cette sordide affaire mêlant une personne d’un point d’un deal à Saint-Ouen…et le PCF.

Pour se confronter à l’horreur de la drogue, il faut s’en donner réellement les moyens. Ce ne sont ni les faibles ressources données à la police, ni l’état d’esprit libéral qui règne dans l’appareil d’État qui permettront d’éradiquer les mafias.

Cela exige des institutions qui s’appuient sur le peuple, des comités populaires capables de dresser une morale de fer contre la corruption. De nouvelles institutions, construites par en bas, et capables de réprimer les réseaux de production, tout autant que de construire un horizon culturel alternatif à la culture de la drogue.

Cette exigence, elle commence déjà à se faire sentir comme l’attestent les courageuses mobilisations d’habitants, et surtout d’habitantes, en 2019 à Poitiers, Aubervilliers, Saint-Denis, Villeneuve-Saint-Georges…. Et elle n’étonnera personne qui a l’héritage de la Gauche historique chevillé au corps. Il est maintenant temps que la Gauche relance la lutte populaire contre le fléau des drogues.

Catégories
Société

La Gauche doit promouvoir une Sécurité sociale à 100 %

L’assurance santé est un business important en France, avec une part de plus en plus importante du privé dans la prise en charge des soins médicaux. C’est injustifiable, et ce doit être un point clef du programme démocratique de la Gauche que d’écarter les compagnies privées grâce à une Sécurité sociale prenant en charge 100 % des dépenses de santé.

La Sécurité sociale est un acquis démocratique important, obtenu en raison du poids politique de la classe ouvrière en 1945. Le principe est celui de la cotisation obligatoire de la part des travailleurs au sein d’une caisse publique. Cela permet d’avoir ses frais de santé couverts par la collectivité. En pratique cependant, la Sécurité sociale ne prend en charge qu’une partie des dépenses de santé.

Par exemple, une consultation chez un médecin généraliste en 2021 coûte 25 euros (ce qui est très cher), mais n’est remboursée qu’à hauteur de 16,50 euros par la Sécurité sociale.

Cela n’a rien de nouveau, mais le processus s’est accéléré au 21e siècle. Dans les faits, le secteur privé a en France une main-mise de plus en plus grande sur ce qui est un véritable business de l’assurance santé.

Un moment clef pour les compagnies privées a été la loi ANI de 2016, mise en place par la fausse « Gauche », qui impose à toutes les entreprises de proposer aux salariés une complémentaire santé et de la financer à 50% minimum. Il s’agit ni plus ni moins que d’une privatisation de la sécurité sociale, en orientant ce qui devrait être des cotisations sociales publiques vers le secteur privé.

Cette loi ne fut pas un point de départ, mais plutôt l’aboutissement d’un mouvement de privatisation de l’assurance maladie en France au 21e siècle, avec la montée en puissance de quelques grandes compagnies privées. Elles sont issues en grande partie des « mutuelles » corporatistes du 20e siècles, ainsi que du monde des assurances. Ces différents types de compagnies ont beaucoup fusionnés durant les 20 dernières années, pour former quelques grands groupes très puissants, souvent très agressifs commercialement via la publicité.

La loi ANI de 2016 a permis un bon du marché de l’assurance santé, qui a progressé de 2,3 % en 2017, alors que ces compagnies étaient déjà extrêmement implantées (la plupart des personnes ayant déjà une « mutuelle » ou une assurance santé). Cela donne pour 2017 un marché représentant 37,1 milliards de cotisations privées récoltées.

En 2018, l’association UFC-Que Choisir a publié une étude montrant que ces compagnies ont fait exploser le montant des cotisations récoltées, avec une hausse « trois fois supérieure à l’inflation depuis 2006 » et depuis 2010, une augmentation des frais « deux fois plus vite que les remboursements accordés aux assurés ». La tendance est la même chaque année depuis, avec toujours selon l’UFC-Que Choisir une hausse de + 4% en 2019, + 5% en 2020 et donc + 4,3% cette année.

Tout ceci ne signifie par pour autant que la Sécurité sociale (et ses différentes caisses) soit amenée a disparaître en France sous la pression du capitalisme. Au contraire, elle prend en charge une part immense des dépenses de santé, avec en 2019 470 milliards d’euros de prestations versées. C’est plus que le budget de l’État qui était cette année-là de 350 milliards d’euros.

Cela signifie par contre qu’il y a des compagnies privées qui visent à faire un profit sur une partie des dépenses de santé, alors que la Sécurité sociale pourrait très bien les prendre en charge elle-même, puisqu’elle le fait déjà pour le reste.

Cela revient en fait à faire que ce qui coûte très cher soit pris en charge par la collectivité via la Sécurité sociale, et que par contre ce qui peut être rentable en termes d’« assurance » soit orienté vers le privé.

C’est inacceptable pour la Gauche, alors il n’y a aucune raison que la Sécurité sociale ne gère pas 100 % des dépenses et des cotisations de santé.

Cela pose également la question de la nature de ces dépenses de santé. En effet, il y a derrières toutes ces dépenses de santé assurées par la Sécurité sociale et les compagnies privées, tout un business des cliniques privés, des médecins spécialisés richissimes, des laboratoires pharmaceutiques et des industriels.

Une Sécurité sociale forte, gérant 100 % des dépenses et des cotisations, aurait forcément beaucoup plus de poids pour un meilleur contrôle démocratique de ces dépenses de santé et de leur prix.

Et ce serait un contre-poids de taille à la fuite en avant individualiste.

Catégories
Société

Le populisme et le « centième singe » au lieu de l’avant-garde de gauche

Le populisme renouvelle le concept de minorité agissante par le principe de la « masse critique ». C’est le principe du centième singe.

C’est une révolution intellectuelle, ou plus précisément une régression, qui a été développée ces trente dernières années et qui a torpillé la gauche de la Gauche, au profit de la conception fasciste du « mouvement élémentaire ».

Pour qu’un changement social ait lieu, il ne faudrait pas un regroupement synthétisant la lutte des classes pour donner une direction politique et culturelle. Ce dont on aurait besoin, c’est d’un certain nombre de gens qui aient la même pratique, ce qui conduirait alors à un changement automatique du reste de la population.

Cette pratique consiste en des protestations, des actions symboliques, de la désobéissance civile, à un niveau très bas : du collage d’affiches et d’autocollants, des mises en place de banderole, la présence à des manifestations et des occupations de lieux (comme les ronds-points des gilets jaunes), l’utilisation de fumigènes, le refus de quitter des lieux, écrire des slogans sur les murs, etc.

Ce sont des petites choses faciles à reproduire, tel un prêt-à-porter de la contestation. C’est porte ouverte, un « venez comme vous êtes » de McDonald’s élargi aux « mouvements sociaux ». Tout le reste est considéré comme de la vieille Gauche, comme une haute couture inaccessible et élitiste.

Cette conception de la « masse critique » de gens à obtenir fait désormais partie du paysage en France et dans le monde. C’est le reflet de l’esprit consommateur. Même les protestations en relèvent désormais, d’où l’effacement des partis politiques.

On a Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise, Greta Thunberg, « Extinction Rébellion », les gilets jaunes, les partisans de Donald Trump, les anarchistes, tous ceux qui font des manifestations le prétendu lieu de l’Histoire en France, les tenants de la désobéissance civile face au confinement, les agitateurs d’extrême-Droite Alain Soral et Dieudonné, le groupe écologiste « écodéfense » en France (qui n’a d’ailleurs rien voir avec le principe historique de sabotage clandestin qu’est l’écodéfense), etc.

Changer le monde ce serait faire une page Facebook et un groupe Discord et promouvoir quelques comportements bien ciblés, et les répéter jusqu’à ce que les gens rejoignent la démarche et qu’une « masse critique » de gens soit obtenue. Les idées ? Les concepts politiques ? Le principe d’avant-garde, les luttes de classes ? Cela n’existe pas.

Cette conception anti-historique et anti-populaire a été théorisée en deux fois. La plus récente, c’est celle d’une enseignante dans une université américaine, Erica Chenowet, avec une responsable du département d’État américain (soit le ministère des affaires étrangères), Maria Stephan. L’ouvrage qu’elles ont publié en 2011 s’intitule Why Civil Resistance Works: The Strategic Logic of Nonviolent Conflict (« Pourquoi la résistance civile fonctionne : la logique stratégique du conflit non-violent »).

L’ouvrage est la synthèse du point de vue alter-mondialiste des années 1990. Il prétend que depuis 1900, le meilleur moyen de changer les choses est la mobilisation pacifique d’au maximum 3,5 % de la population : cela suffirait à déclencher un changement social à grande échelle.

Mais cette conception petite-bourgeoise puise en fait dans le mouvement « New Age » établi sur les ruines mystiques du mouvement hippie. Le mouvement « New Age », consistant en le culte du paranormal qui serait présent dans l’univers, a en effet développé le principe du « centième singe ».

Tout part d’un biologiste et zoologiste sud-africain, Lyall Watson, à la fin des années 1970. Il a prétendu qu’un singe, le prétendu centième, avait au Japon lavé sa patate douce avant de l’éplucher et de la manger, et que la pratique se serait généralisée à tous les singes de l’île.

Ce serait la preuve d’une « masse critique », permettant quelque chose de nouveau. Dans une population suffisamment large, une nouvelle pratique peut émerger et être reproduite. Lorsque cette reproduction atteint un certain niveau, elle se généralise. L’auteur américain Ken Keyes Jr., s’occupant de « développement personnel », a repris le principe dans son ouvrage The Hundredth Monkey (« Le centième singe ») et le principe a été adopté par l’ensemble de la scène « New Age ».

Il faut bien comprendre que c’est typique du romantisme réactionnaire que de raisonner en termes de microcosme et de macrocosme entrant en « correspondance ». L’auteur américain Rupert Sheldrake, tourné vers le paranormal, parle de cela comme d’une « résonance morphique ».

De par sa nature, le concept s’est bien entendu élargi à de nombreuses initiatives petites-bourgeoises d’esprit « alternatif », comme la « critical mass », consistant en une manifestation de gens à vélo afin de demander le renforcement des pistes cyclables, l’amélioration de la situation pour les utilisateurs de vélos, etc.

C’est en fait l’esprit des lobbys, de la logique communautariste, bref de toute la vision petite-bourgeoise du monde de la « gauche » post-moderne des universités américaines. Cela vise directement la Gauche historique et le principe de « l’avant-garde » comme lieu de raison, de réflexion, de synthèse.

C’est un renouvellement du principe syndicaliste de la « minorité agissante ». C’est tout à fait en phase avec une époque qui rejette la Démocratie.

Catégories
Société

Le MMA en France, entre télé-réalité, jeu télévisé et show business

Relevant techniquement du sport, le MMA relève surtout du capitalisme excitant le malsain, le grotesque, le sanglant, pour fasciner et faire consommer.

Si on avait dit aux Français en 1990 que la télé-réalité serait particulièrement implantée en France et que le MMA serait officiellement reconnu par l’État, jamais ils ne l’auraient cru. Un pays comme la France se targue de culture et s’il y a une chose qui a toujours été claire, c’est le refus d’une américanisation de la culture.

On sait en effet qu’aux États-Unis, un pays d’immense culture, le capitalisme a largement contaminé la plupart des espaces d’expression. Un marché immense, des investissements lourds disponibles, une infantilisation significative… ont fait des États-Unis un exemple de l’abrutissement des masses.

Nombreux sont les films dénonçant cette tendance au spectacle vide de sens et corrupteur des esprits, jouant sur le malsain et le grotesque pour attirer l’attention, captiver. On peut citer Running man en 1987 avec Arnold Schwarzenegger, satire humoristique des jeux du cirque modernes, où un individu est traqué par des tueurs devant les caméras.

Ce film s’appuie d’ailleurs sur le bien plus sombre Le Prix du danger, film franco-yougoslave de 1983 avec Gérard Lanvin et Michel Piccoli. Il y a également Le jeu des millions, un film des années 1970 qui suit le même principe.

Le Prix du danger a énormément marqué les esprits alors en France, ou plus exactement il avait puissamment troublé de par la dimension de ce qu’il présentait. Il a été un véritable marqueur culturel, un véritable traumatisme à l’échelle de la société.

Mais les gens ont considéré alors que c’était une allégorie, que jamais les médias n’iraient vraiment dans cette direction, avec de la télé-réalité, des actions scénarisées par les producteurs, avec une obsession pour la violence, le sang. N’y avait-il pas une Gauche pour bloquer tout cela ? La France n’était-elle pas un pays où la culture est centrale, où le respect de la dignité humaine est une valeur sacrée ?

Et pourtant la direction a bien été prise. La reconnaissance du MMA en France témoigne du nivellement par le bas par rapport à cette époque ; ce qui semblait une exception est désormais la règle. Les Français ne valent pas mieux que les Américains : ils consomment ce qu’on leur propose. Des produits sucrés aux hamburgers, du MMA à la télé-réalité, même si c’est stupide cela plaît et cela permet de passer le temps.

Dans le capitalisme, tout ne sert plus qu’à cela d’ailleurs, passer le temps. Rien ne reste. Tout est jetable, jusque le partenaire dans les couples. Et, forcément, dans une telle logique de marché, il faut en rajouter toujours plus.

Tout comme la pornographie va toujours plus loin dans l’étrange et le violent, on a donc désormais le MMA, avec des combattants forgés pour la télévision, cognant pour la télévision, gladiateurs des temps modernes occupant les esprits, qui comme cela évitent les vraies questions et la culture.

Le MMA est un sport, disent ses partisans, mais le but est de passer à la télévision, d’accrocher les esprits par la violence, de provoquer des émotions malgré soi, de contribuer au show business avec tout une mise en scène avant et après les combats.

Le MMA en France, c’est un mélange de télé-réalité, jeu télévisé et show business, qui passe par le plaisir de cogner quelqu’un d’autre et de le montrer. C’est de la barbarie mais moderne, conforme aux valeurs et aux besoins du capitalisme.

Catégories
Société

«LGBTQPIA+»

Impossible de suivre l’inflation identitaire à la bourse aux idées délirantes. C’est un véritable empilement de fantasmagories.

Hier on avait la défense des droits des gays et des lesbiennes à mener tranquillement leur vie. C’est une chose, qui concerne des gens concrets, qui ont une certaine attirance et qui veulent la vivre sentimentalement parlant. Cela a sa dignité. Aujourd’hui on a quelque chose de très ressemblant en apparence, mais qui concerne des abstractions et qui est un vecteur du turbocapitalisme. Difficile de faire pire dans l’ultra-individualisme et l’idéalisme, avec la séparation complète du corps et de l’esprit.

Et cela s’accumule comme des richesses capitalistes. On a eu le « LGBTI+ » avec plein de variantes, maintenant on a « LGBTQPIA+ », comme le jeu Animal crossing vient de le mettre en avant. On voit le drapeau « LGBT » mais aussi celui « transgenre » (bleu clair, rose, blanc, cette couleur étant remplacé par du noir pour une version afro-américaine !).

C’est un acronyme pour Lesbiennes, Gays, Bi, Trans, Queer, Pansexuel, Intersexe, Asexuel, le « + » montrant qu’on peut ajouter encore toute une série de termes. Ce qui est d’autant plus marquant dans cette inflation, c’est qu’il est ouvertement assumé que toutes ces « orientations » relèvent à la fois d’un « choix » et d’une réalité concrète. Il serait « naturel » d’être « pansexuel », bien que, bien entendu, le terme de « naturel » soit totalement inadéquat, puisque la biologie est réfutée par l’approche postmoderne.

Il est très intéressant également de noter que toutes ces identités sont interchangeables et ce de manière permanente. C’est du prêt-à-porter identitaire. C’est en même temps communautaire, parce qu’on s’insère en même temps que son identité dans une (pseudo) communauté, ce qui est évidemment rassurant, fournissant une (pseudo) socialisation.

On a alors une communauté dans une communauté, puisque les « LGBTQPIA+ » sont censés avoir le caractère d’une communauté. Et avec le « + » cette communauté est sans limites. Ce qui est alors le rêve capitaliste, des consommateurs aux identités multiples, formant une consommation générale mais bien spécifique à chaque fois. Les « LGBTQPIA+ » c’est littéralement une utopie capitaliste.

Il n’est ainsi pas étonnant que le capitalisme valorise les « LGBTQPIA+ », que toutes les grandes entreprises américaines soient en première ligne pour les mettre en avant, que l’Union européenne en a fait une des valeurs les plus essentielles, au nom d’une société « ouverte ».

Quoi de meilleur pour un régime de se prétendre ouvert, démocratique, acceptant toutes les différentes formes d’expression et surtout de bien-être. Peu importe qu’il s’agisse d’abstractions, de fantasmes individualistes, de rejet de tout ce qui est matériel au nom de choix subjectivistes. Le capitalisme peut se présenter comme tolérant : on ne demande pas aux gens de trouver tout bien, on leur demande simplement d’accepter.

Après tout, s’il n’y a pas préjudice pour autrui, pourquoi irait-on trouver quelque chose de mauvais ? Le capitalisme réduit tout au niveau individuel et les « LGBTQPIA+ » sont pour lui un vecteur de libéralisme, absolument efficace. Et il a su utiliser pour cela les gens ouverts, et surtout une ultra-gauche prête à s’engager pour des opprimés qui n’existent que comme constructions subjectivistes. Cela donne d’autant plus de crédibilité aux poussées turbocapitalistes.

Catégories
Nouvel ordre Société

«La prostitution, plaie et honte de notre civilisation»

Voici un petit article très intéressant, issu d’une rubrique du journal Le Populaire (organe du Parti Socialiste SFIO) daté du 5 juin 1934 et évoquant le sujet de la prostitution.

1934. Une militante socialiste s’adresse à une militante contre la prostitution, qu’elle veut convaincre de rejoindre la lutte politique, générale, contre le capitalisme. Quand elle évoque la prostitution, son point de vue est simple, clair, net et précis : la prostitution est la plaie et la honte de notre civilisation.

Voilà le point de vue de la Gauche historique, affirmant la morale prolétarienne contre la décadence bourgeoise et la corruption des corps et des esprits par le grand marché capitaliste. Voilà qui est littéralement opposé à l’ultra-gauche libérale libertaire et décadente, défendant la prostitution et agressant même des féministes opposées à la prostitution.

Cet article est issu de la rubrique « La militante – tribune des femmes socialistes » du journal Le Populaire daté du 5 juin 1934 :

Le « redressement moral »

J’ai rencontré une protagoniste du droit de vote pour les femmes dans un préau d’école un soir de scrutin. Le lieu n’était pas très propice aux conversations et encore moins aux discussions, car c’était au moment du dépouillement des bulletins de vote. Nous étions dans une atmosphère de grande surexcitation, de sorte qu’entrecoupé par des cris d’une foule houleuse et énervée, notre entretien ne fut pas long.

J’eus juste le temps d’apprendre que mon interlocutrice appartenait également à la Ligue du « Redressement moral ». Cette ligue tient, paraît-il, à rester en dehors de la politique, et ne désire que s’occuper des questions concernant la prostitution. Sa tâche principale est le relèvement de la moralité.

Je regrette la brièveté de notre entretien. Mais dans l’espoir que notre page retient parfois l’attention de mon interlocutrice, j’essayerai de le continuer ici tout en tirant les conclusions logiques. Si j’en avais eu le temps, j’aurais demandé : « Comment cette ligue prétend-elle, dans les cadres du régime actuel, faire un véritable redressement ? Quels remèdes préconise-t-elle pour le relèvement de ces « créatures immorales » que vous dites en marge de la société, de cette société pourtant si coupable envers ces malheureuses ? »

Vous savez sûrement, madame, que l’on ne peut apporter des remèdes efficaces aux maux de toute sorte sans en rechercher les causes. Vous connaissez, bien entendu, les faits principaux amenant ces femmes à la prostitution, plaie et honte de notre civilisation.

Ces pauvres filles sont tantôt des bonnes séduites par le patron ou le fils de la maison et abandonnées à leur sort, tantôt c’est la grande misère de leur famille qui pousse les jeunes filles à faire commerce de leur corps, souvent les travailleuses des magasins ne gagnent qu’un salaire dérisoire, alors qu’elles sont obligées d’être mises plus que correctement.

Nous, femmes socialistes, nous les connaissons tous ces phénomènes aboutissant à l’immoralité forcée ; mais ce que nous savons aussi, c’est que la véritable cause de toutes les misères de l’humanité, y compris la prostitution, réside dans le régime même que nous subissons. C’est seulement en changeant la structure sociale et économique de la société que l’on arrivera à un réel « redressement de la moralité » et non en prêchant simplement une moralité que les circonstances rendent si difficile d’observer.

J’étais d’accord avec mon interlocutrice pour revendiquer le droit de vote.

Mais, contrairement à ce que pensent les féministes, le vote n’est pas pour nous un but, mais un moyen devant servir à l’affranchissement total de la femme. En amenant les femmes sur l’arène politique, surtout celles qui appartiennent à la classe travailleuse, celles qui fournissent le plus grand contingent de ces parias – objet des préoccupations des dames patronnesses – on arrivera à mieux leur faire comprendre leur propre intérêt, et elles verront qu’il est nécessaire pour elles de travailler à l’émancipation des classes opprimées et de préparer l’établissement du régime socialiste, qui, seul, fera disparaître le chômage et la misère, facteurs essentiels de la prostitution.

Ainsi la femme contribuera à l’instauration d’une vie saine et morale, que les conditions actuelles de vie rendent impossible.

Hélène EPSTEIN.

Catégories
Nouvel ordre Société

8 mars, la Cause des femmes: une exigence culturelle

C’est la Gauche politique qui a posé la date du 8 mars. C’est la Gauche politique qui fait vivre cette date. Car la condition féminine est réelle et par conséquent dépend du capitalisme. Promouvoir la libération de la femme implique de passer par le dépassement du capitalisme pour exiger un changement culturel réel.

Le 8 mars est la journée internationale des femmes, qui a été conceptualisée et mise en avant par le mouvement ouvrier, à travers l’Internationale socialiste des femmes. L’URSS, en reconnaissant officiellement cette date en 1921, lui a donné un élan général. La date précise du 8 mars a d’ailleurs été choisie par Lénine, en référence à une grève d’ouvrières du textile au tout début des révolutions russes de 1917.

Tout cela n’est pas que symbolique ou une question de mémoire. C’est une question de culture. Car tout passe pour les femmes par la culture, cette dernière déterminant que tel ou tel comportement soit valorisé, dévalorisé, légal, interdit.

Or, il y a une culture de la violence sexiste, dont la prostitution et la pornographie sont des vecteurs – et en même temps des fondements. Le capitalisme véhicule cette culture, comme toutes celles qu’il peut transformer en monnaie sonnante et trébuchante. Le capitalisme produit même des poupées sexuelles « enfant ». Car le capitalisme vend n’importe quoi.

Le féminisme bourgeois admet que le capitalisme est une bourse aux cultures et tente de renverser les tendances, comme les Femen en manifestant torse nue. C’est une conception totalement erronée, à la fois car jouant sur la sexualisation et admettant qu’il y aurait une « bourse aux idées ».

En réalité, il faut une culture fondée sur la civilisation, une culture féministe fondée sur la civilisation, écrasant la culture non féministe fondée sur le capitalisme. La Cause de la femme est toujours concrète : elle est celle des femmes dans la réalité. Et cette réalité n’est pas un « patriarcat » abstrait, mais une culture individualiste où les hommes tirent leur épingle du jeu en profitant des restes du vrai patriarcat ayant existé dans le passé.

Dans une société individualiste, pourquoi les hommes feraient-ils des efforts, si en plus les femmes sont encore largement aliénées par les valeurs du passé elles-mêmes ? Il suffit de regarder les femmes en France en 2020 pour voir que la très grande majorité, voire pratiquement la totalité, accepte les règles du jeu beauf, ne comptent aucunement se remettre en cause pour devenir féministe.

Elles préfèrent savoir dans quelle mesure leur partenaire est beauf pour le manœuvrer individuellement. Le premier ennemi des femmes, c’est elles-mêmes aliénées, car le capitalisme aliène tout le monde, individualise tout. L’enterrement de vie de jeune fille est typiquement une tradition petite-bourgeoise de femmes qui, par définition même, est totalement anti-féministe de par sa dimension régressive.

Seules des femmes offensives, assumant la cause démocratique de l’égalité hommes-femmes, peuvent taper du poing sur la table et exiger une transformation culturelle concrète, car portée par le peuple.

Les mesures institutionnelles comptent, mais tout le monde sait que sans la dimension culturelle, cela ne va pas assez loin, cela s’effrite, cela disparaît. La Cause des femmes peut reculer. Elle recule d’ailleurs dans le monde, comme toute la Cause démocratique, la Cause du Socialisme.

Qui veut la Cause des femmes sait que c’est une Cause démocratique, liée à la question démocratique en général, donc au Socialisme. Le seul féminisme possible porte la culture – et donc se fonde sur la classe ouvrière, qui elle seule peut porter une culture en rupture avec les modèles dominants.

Catégories
Société Vie quotidienne

Quand l’esprit est dans une impasse et bascule dans l’idolâtrie

Parfois l’esprit cherche des refuges, la pensée se raccroche à ce qui se trouve à portée. L’expression la plus connue est celle de personnes qui trouvent un secours dans la religion. On aurait tort de minimiser ce phénomène et de ne pas accorder plus d’attention aux différents niveaux, aux innombrables impasses que la réalité d’un capitalisme, à la fois triomphant et en perdition, produit inlassablement.

Le vie quotidienne du capitalisme empêche de prendre conscience de la réalité. Elle s’immisce dans chaque moment, chaque espace afin d’éroder les corps et les esprits. Contrairement à ce que s’imaginent les anarchistes français, l’ultra gauche et autres populistes, les gens ne sont pas des « moutons » (expression péjorative pour ces animaux). Les esprits cherchent à survivre et le résultat, aujourd’hui, n’est pas beau à voir.

Certains cherchent un certain confort, une certaine sécurité à travers une maison, une voiture, un petit commerce ou même un bout de terrain. D’autres cherchent à tout prix cette paix, mais se font broyer avant d’arriver au but : alcool, drogues… Au-delà de ces stratégies de survie de l’esprit, il y a toutes les petites solutions et tous les détours qui parsèment la vie. Tous les mensonges, à soi et aux autres, toutes les certitudes auxquelles on se raccroche. Les variantes sont infinies : chaque instant, chaque lieu, chaque personne en produit de nouvelles. Toutes ont un point commun : l’égo y est un poison central.

Il est un poison qui empêche de voir réellement un Homme derrière l’autre. Il dégrade l’esprit en fabriquant de fausses haines et de fausses adorations. Il fabriques des idoles et des fétiches.

L’Homme croit aimer une personne alors qu’il s’est réfugié dans l’adoration d’une image, une production de son esprit emprisonné par son égo. Non seulement les sentiments sont faux, mais en plus ils sont tournés… vers soi. L’Homme troublé n’est plus capable de voir une personne en face. La raison s’efface doucement devant ce culte nouveau.

Combien de personnes s’imaginent transportées par des sentiments nobles alors qu’elles ne vénèrent qu’une image ? Combien se complaisent dans cette situation ?

Echo et Narcisse - John William Waterhouse, 1903

Le problème est que cette situation est rassurante. L’idolâtrie, peu importe le niveau, devient un refuge. On se construit un personnage, on le vit, on l’incarne. On décroche à nouveau de la réalité et de ses exigences, avant de se raccrocher à sa petite vie et ses habitudes.

On dira que ce phénomène est la plupart mesuré, que la plupart de ces personnes ne sont pas folles, qu’elles peuvent parfaitement vivre en société, etc. Mais c’est oublier que cette démarche façonne la pensée : elle entretient le culte de l’égo et empêche de saisir le monde tel qu’il est et de saisir sa place, à la fois grande et insignifiante.

Toute personne qui porte en elle une part d’idolâtrie se tourne vers elle-même, sans même s’en rendre compte, vers un monde statique qui se répète indéfiniment. L’esprit se complaît dans cette simplicité et ce confort apparents. Il n’a alors aucune raison de se tourner vers l’avenir qui signifie la fin d’un monde : tel est le problème fondamental du culte des idoles moderne.

Chaque petite moment d’idolâtrie est un refuge et une impasse : il permet de se construire un petit monde à soi, un personnage dans un cadre connu, balisé et prévisible. Mais il s’oppose par essence à toute socialisation, à tout dépassement de soi : il est contre un Homme nouveau.

À chaque bouffé d’auto-intoxication, l’esprit se complaît dans ces échecs, dans sa propre médiocrité, dans les douleurs qu’il se créé de toute pièce. Elle ne cherche même plus une responsabilité extérieure : « les choses sont mauvaises aujourd’hui et le seront toujours, tel est la loi immuable de l’univers ».

Il ne peut y avoir de place pour de telles logiques. Elles sont des poisons à combattre. L’égo est un poison. Mais il est très difficile de s’en défaire et de l’éviter : les générations passées et actuelles sont en quelque sorte condamnées à le côtoyer. Il n’est pas question ici de défaitisme, seulement de réalisme : il faut voir les problèmes en face.

Un ordre nouveau, grandiose et rayonnant est à venir. Mais son avènement ne se fera pas sans difficulté et sans douleur. Un monde sans égo, sans fausse vérité, sans impasses, sans mensonges : un nouveau battement pour un cœur mourant.

Catégories
Société Vie quotidienne

Décadence, vie de bureau et corruption

La vie de bureau est une réalité pour de plus en plus de personnes dans notre pays et dans les autres nations capitalistes : enfermées sept heures par jours, voire plus, derrière un bureau, un écran et un clavier d’ordinateur. Chacun prend ses habitudes, chacun comprend la place de chacun, chacun trouve son rôle et finit par le jouer le plus naturellement possible.

John William Waterhouse - The Lady of Shalott

La vie de bureau intègre totalement les employées à leur entreprise. Ils font et sont la vie de « la boîte ». Ils portent ou défendent la « culture de l’entreprise », quand ce sont pas ses « valeurs ». Les plus chanceux et les plus aliénés auront un poste qui correspond à leurs besoins et à leurs attentes. L’entreprise remerciera ses collaborateurs par des séminaires, des séances de team building, des comités d’entreprise généreux afin de renforcer le lien entre l’entreprise et ses membres. Elle organisera des repas de Noël, elle forgera des liens entre ses collaborateurs grâce au management et aux ressources humaines : elle n’est plus une entreprises, elle est une famille.

Les moins chanceux n’auront pas cette joie d’aller travailler le matin. Tous les matins. Ils en rêveront. Ils accepteront le moindre petit cadeau et seront satisfait, d’avoir accès aux même activités d’entreprises que leurs compatriotes chanceux : pots de départs et alcool gratuit, prendre part aux jeux des relations sans lendemain entre collègues, sorties groupées dans un bar dont on parlera pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Le capitalisme moderne des pays comme la France a ceci de fantastique qu’il repousse toujours plus loin le concept d’offre et de demande : chaque personne peut trouver la vie de bureau qui lui correspond. Mieux : chacun doit trouver la vie de bureau qui lui convient… à chaque moment de sa vie. Tout est possible.

Une personne cynique et prétentieuse trouvera chaussure à son pied, une autre davantage portée sur le sens de son travail trouvera aussi l’entreprise qui lui permettra de s’épanouir et de grandir, selon les termes chers aux défenseurs de l’entreprise.

La bonne vie du bureau devient le rêve, l’idéal de la mauvaise vie de bureau. On galère, et enfin : on trouve sa place. On remercie l’entreprise et les collègues qui nous ont fait confiance. On souhaite le meilleur et plein de succès à tous lorsque l’on quitte le navire : peu importe tous les non-dits, toutes les rumeurs, toutes les choses qui se savent très bien. Et peu importe les piques qui seront lancées dans son dos.

On part ensuite pour une entreprise qui nous correspond davantage : que ce soit en terme de valeurs ou de carrière. On s’intègre à nouveau, on participe à une nouvelle vie dans une nouvelle entreprise. La vie quotidienne continue son travail de destruction, de sape et de corruption.

L’esprit de chacun se fait plier, broyer, écarteler. Peu importe la vitesse, le résultat sera identique: la richesse, la lumière qui brille en chacun sera détruite petit à petit. La vie quotidienne isole et bride les sens, elle restreint l’intelligence au strict minimum : l’entreprise devient le seul horizon. Et si l’entreprise seule n’y arrive pas assez vite, la vie sociale prend le relais.

La moindre nuance de couleur dans le ciel, le moindre changement dans la couleurs des arbres devraient être des sources d’émerveillement et de curiosité continus parmi les innombrables perceptions que nous avons du monde et de l’univers. Mais rien de tout cela n’est nécessaire à la vie de bureau : il faut optimiser les sens et l’esprit afin qu’ils ne perturbent pas le bon déroulement d’une vie de bureau morne.

L’émerveillement et l’attention accordée au sens, et donc à la vie et à l’univers, n’apportent rien à l’entreprise. Tandis que des parties de Call of Duty entre collègues après le travail permettent de souder l’équipe, de fournir des sujets de discussion, de créer des groupes de collègues…

Un divertissement des plus abrutissants pour un travail abrutissant. Un travail abrutissant qui permet de s’offrir des biens abrutissants. La boucle est bouclée : difficile d’en échapper. Les années passent, certains restent dans la même entreprise pendant dix ans, vingt ans… Et finissent complètement démolis.

Deux mille ans d’histoire et certains acceptent, et sont même fiers, de faire rayonner une marque, une entreprise, sur la réseaux sociaux ? De vendre des produits qui n’ont, socialement, aucune utilité ? De développer des applications plus ou moins calamiteuses qui ne servent en réalité à rien ? D’organiser des séminaires, de séances de team-building, tous plus destructeurs culturellement les uns que les autres ? Quand ils ne sont pas des insultes à l’idée même de culture.

Les plus chanceux acceptent avec plaisir l’horreur, l’abrutissement quotidien et la négation pure et simple de la complexité et de la richesse de la vie. Mais combien, parmi les moins chanceux, rêvent de cette situation ? En étant bien conscients que tout est faux. Combien acceptent cette petite vie quotidienne faite de corruption dans l’espoir d’avoir un peu mieux plus tard ?

La capitalisme en perdition n’est plus capable de donner le moindre sens au travail. Il ne chercher plus qu’à étendre son emprise sur toujours plus d’aspects de la vie quotidienne. Les sens, la vie intérieure doivent être brisés, pliés et calibrés afin de permettre à un mode de production à l’agonie et gagner ainsi des années d’espérance de vie. C’est une impasse qui ne pourra aboutir qu’à l’avènement d’un monde et d’un homme nouveaux sous le socialisme. Mais cette renaissance ne se fera pas sans douleur : il faudra payer le prix de décennies de corruption.

Catégories
Réflexions Vie quotidienne

La fidélité, une valeur prolétarienne

En tant que classe sociale, le prolétariat est le vecteur d’une morale, de valeurs qui sont liées au quotidien mais aussi à toute une transmission collective, allant de la famille jusqu’aux luttes sociales en passant par les relations amicales et amoureuses. Au cœur de la transmission prolétarienne, il y a valeur cardinale qui est celle de la fidélité.

La loyauté est une valeur qui est difficile à saisir si l’on est pas soi-même issu ou lié à la classe ouvrière. Pour la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, elle apparaît toujours comme quelque chose de « décalé », d’un peu has been. Être moderne, ne serait-ce pas être « libre » de tous les carcans moraux, des normes ?

Cette incompréhension des classes éduquées se voit parfaitement bien lors d’une fermeture d’usine avec des reclassements à la clef ou lors d’une rénovation urbaine d’un quartier HLM délaissé. Bourgeois et petit-bourgeois se disent : « pourquoi ces gens ne sont pas contents de la modernisation ? Cette usine n’était-elle pas le vecteur d’un travail aliénant ? Ce quartier ne tombait-il pas en ruine ? ».

Pour les bourgeois, c’est la preuve du conservatisme des classes populaires, de leur réticence au « changement ». Mais, pour les prolétaires, c’est tout un monde qui s’écroule, un héritage de riches histoires, d’amitiés, d’expériences culturelles à laquelle on est fidèle.

Plus que fidèles à eux-mêmes, à leur propre personnalité, les prolétaires sont loyaux envers leur propre histoire en tant qu’histoire collective partagée dans la morosité et la joie du travail, du quartier, de la zone pavillonnaire, de la campagne. Il n’y a qu’à voir comment Mc Circulaire parle de sa campagne, en refusant le business du rap mainstream. Il y a une forme d’humilité, de respect et c’est cela la fidélité populaire.

Au cœur de la vie quotidienne, on reconnaît la loyauté prolétaire avec par exemple ces personnes qui donnent tant d’attention à leurs grands-parents car ils y voient le vecteur essentiel de la transmission d’une histoire, d’un héritage. Tout comme cela est visible dans cette parole si populaire de « respecter les anciens » ou dans cet attachement au couple amoureux, c’est-à-dire au prolongement dans le temps d’une fidélité à la fidélité elle-même.

Le style ouvrier réside bien dans cette loyauté et l’on peut voir d’ailleurs comme des pans de la Gauche se sont brisés sur cet aspect si essentiel de la vie quotidienne. Ce fut ainsi le cas de la Gauche contestataire dans l’après mai 1968. Si des milliers de gens, d’origine petite bourgeoise, sont allés aux ouvriers, à quoi cela sert-il si c’est pour partir aussitôt qu’on est arrivé ? Quelle fidélité, quelle loyauté, quelle crédibilité ?

Car, sur ce point, les ouvriers sont, plus que tout autre, d’une exigence absolue. À ce titre, la classe ouvrière est le seul contre-feu stable à la décadence d’une bourgeoisie qui valorise la casse de tout ancrage historique ( qu’il soit individuel ou historique ). C’est là le sens du triomphe de la PMA, de sites d’adultère comme Gleeden, de l’art contemporain sonnant comme un reflet de cette grande bourgeoisie cosmopolite en complète trahison de sa propre histoire.

La fidélité est tellement essentielle aux classes populaires qu’elle a été à la base de ses décrochages dans l’Histoire. N’est-ce pas de la fidélité populaire à la nation qu’est née la commune de Paris de 1871 ? N’est-ce pas de la loyauté envers la souveraineté que s’est développée la Résistance des années 1940 ?

Au regard de l’histoire, on peut dire certainement que la fidélité est le style de vie prolétarien dans tous les aspects la vie quotidienne. Elle se réalise ensuite au plan politique dans le Parti.

En effet, dans le mouvement ouvrier, cette fidélité s’est traduite par la discipline et la loyauté envers la SFIO ou la SFIC – Parti Communiste . Être membre d’un Parti de la classe ouvrière, c’est devenir fidèle à la fidélité elle-même incarnée par la discipline partisane.

Bien sûr on peut le critiquer, car sans la critique et l’auto-critique, cela dérive vers un enlisement bureaucratique. Mais d’un autre côté, c’est aussi l’expression de ce style ouvrier car derrière la fidélité il y a la ténacité, l’abnégation, la fermeté.

C’est ce que n’ont jamais compris la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, y voyant là un écrasement de l’individu, tout comme elles voient aujourd’hui la liberté dans l’amour libre, la déconstruction individuelle et bannit toute cadre moral collectif. C’est la raison qui explique que la Gauche, portée par les classes moyennes de centre-ville, s’est faite laminée par le postmodernisme et ses soutiens aux luttes des marges (LGBT, « racialisme », décoloniaux…)

Le danger est qu’il y a un courant, issu des classes dominantes, qui a saisi tout cela et surfe habilement dessus : le fascisme. C’est sa mise en avant de l’ « enracinement », sa valorisation unilatérale de la « famille », de la discipline militaire, de l’honneur de la patrie. Ce n’est qu’un détournement démagogique qui vise à assécher l’élan populaire vers son émancipation.

La Gauche historique se doit de défendre cette valeur de la fidélité dans tous les aspects de la vie quotidienne. C’est une des conditions à la conquête de l’hégémonie culturelle et à la construction d’une nouvelle société démocratique, populaire. S’il y a un sens à défendre la Gauche historique, c’est bien celui-ci : ouvriers, soyez fidèles à vous-même, à votre héritage, celui du Socialisme, du mouvement ouvrier, du drapeau rouge, de ses générations qui ont combattu pour l’émancipation.

Catégories
Société Vie quotidienne

«Le facteur ne passera jamais»

Depuis la privatisation de La Poste, un grand décalage se produit entre la figure historique du facteur servant le peuple et le rôle froid d’exécutant dans lequel il se retrouve enfermé par le capitalisme. C’est aussi un grand vide pour beaucoup de gens dans la vie quotidienne.

Le facteur tenait une place importante dans la vie sociale. C’était le personnage que l’on voyait tous les jours, avec qui on pouvait parler, il amenait les nouvelles, les bonnes et les mauvaises. C’était une personne de confiance, avec qui on pouvait s’arranger pour ne pas rater telle missive urgente. Il savait les habitudes des uns et des autres, pouvait s’inquiéter d’une absence et donner de sa présence.

C’était un petit travail tranquille, ou alors les difficultés étaient compensées par le plaisir d’être là pour les autres.

On imaginait le facteur comme une gentille personne, pas vraiment futée, mais avec un rôle central dans le quotidien.

Tout cela est fini, car ce genre de personnage ne peut exister dans le capitalisme broyant tout sur son passage. Mais les gens ne voient pas cela et la rancœur remplace le bon sentiment.

Le préjugé sur une supposée bêtise se renforce et on s’imagine que si le facteur n’est pas passé, c’est que c’est un fainéant et que décidément « les gens sont de plus en plus cons ».

C’est bien évidemment une manière de tout réduire aux seuls individus et c’est plutôt pratique puisque ça n’engage à rien.

Alors que si on regarde les choses dans leur ensemble, la colère des gens est autant compréhensible que la détresse du facteur, mais ce n’est la faute ni de l’un, ni de l’autre.

La facteur, qui voit sa tournée sans cesse se rallonger et les « clients » s’éloigner. La villageoise, qui n’a pas son journal pendant trois jours.

La Poste a fait repousser les boîtes aux lettres au bout des chemins ou les regrouper par quartier, afin de réduire le temps entre chaque point de distribution et pouvoir ainsi rallonger la tournée. Cela permet de distribuer aussi des colis et puis des publicités, puis faire des prestations diverses et variées.

En plus de distribuer du courrier, de la publicité, des colis et des lettres recommandées, les facteurs doivent parfois placer dans les halls des plaques fibres d’opérateurs téléphoniques, relever le papier à recycler dans les entreprises ou encore apporter des repas à domicile. La Poste, dans ce domaine, est un trésor d’inventivité.

Chaque geste est chronométré de manière à optimiser le temps au maximum. Cela paraît très rigoureux, mais toutes les procédures cachent en fait un système anarchique avec des flux de courrier et de colis qui ne rentrent pas dans les moyennes calculées. Pour faire simple, la majorité du temps, beaucoup de tournées sont impossibles à finir. Parler aux gens, n’en parlons pas.

Les facteurs, livrés à eux-mêmes, prennent alors sur leur temps de pause pour pouvoir finir le travail. Cela donne donc des gens qui travaillent pendant 7h sans s’arrêter, parfois sans manger.

C’est proprement une situation de moins en moins tenable, avec de nombreux burn out et même des suicides. Pour des postiers qui ont le métier dans la peau, en tant que rôle social, cela peut provoquer de grandes souffrances de ne pas être à la hauteur des attentes des gens.

Le capitalisme va vers toujours plus de barbarie et cela se voit dans les hôpitaux, les EHPAD, dans la brutalité de la voiture, la souffrance des animaux ou dans la course vers la guerre…

Et finalement, si tout se dégrade vers toujours pire, c’est la faute d’un peu tout le monde car, corrompu par le capitalisme, on s’accommode du pire.

> À voir ailleurs : l’émission « Envoyé spécial » sur France 2 diffusera demain jeudi 12 septembre 2019 un reportage « La Poste sous tension »

Catégories
Rapport entre les classes Société

La bonhomie, la rondeur, ce qui définit le «prolétaire»

Le prolétaire, c’est celui qui n’a rien, à part ses enfants. L’appel de Karl Marx, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », s’adresse à cette catégorie de gens qui portent véritablement toute la société sur leurs épaules par leur travail. Comment pourtant choisir un terme pour désigner leur nature propre, leur caractère ? On peut prendre celui de bonhomie. Le prolétaire est rond, le bourgeois est carré.

Si l’on prend l’image habituelle, celle du XIXe siècle, alors on a le prolétaire maigre, décidé, décisif, qui fait face au bourgeois ventripotent et incapable de savoir ce qu’est réellement le travail. C’est là un cliché erroné, qui est plus « syndicaliste » qu’autre chose.

En réalité, c’est le bourgeois qui est décisif, au sens de borné, étriqué, totalement bloqué dans son esprit, agissant mécaniquement. Le prolétaire est au contraire affable, d’esprit rond, il accepte. Et s’il accepte, c’est parce qu’il a le goût du réel.

Sa vie étant une succession d’expériences concrètes, de transformation de la matière, il sait que la vie a beaucoup d’aspects, que chacun fait son expérience. Le prolétaire a ainsi bon esprit, il est pratiquement bon enfant.

C’est bien pour cela d’ailleurs qu’il se fait tout le temps avoir : il ne lève pas le bout de son nez et ne sort pas de son expérience. La social-démocratie historique l’a toujours souligné, il faut que les prolétaires aient une vision d’ensemble, sans quoi ils se contentent d’être, somme toute, simplement ronds.

Lénine, dans son fameux ouvrage Que faire ?, ne fait que reprendre ouvertement cette conception social-démocrate, qui est le pendant de l’interprétation syndicaliste-révolutionnaire, pour qui le prolétaire est naturellement et forcément incisif, rude, batailleur, rebelle, etc.

Les faits montrent bien que ce sont les sociaux-démocrates qui avaient raison, et pas les syndicalistes-révolutionnaires, pas les anarchistes. La bonhomie, la rondeur, voilà ce qui définit le prolétaire, celui qui n’a rien. On a l’allégorie de cette forme de gentillesse avec l’homme sur le banc.

Cet homme, on l’a tous vu. Il a un certain âge, en tout cas son visage est au moins marqué. Ses habits, si ce ne sont des guenilles, ne ressemblent pas à grand-chose. On dirait qu’il vient de loin et souvent il a un sac, presque une sacoche ou en tout cas quelque chose d’un peu solide, pour ses affaires, peu nombreuses. On voit tout de suite qu’il n’a rien, strictement rien. Il est pourtant éveillé sur son banc, et il a une activité ronde : il donne à manger aux pigeons, avec bienveillance et un regard ému.

Il est impossible de ne pas avoir vu cette image si classique des villes. Elle est une parfaite allégorie du sens du partage, de la rondeur de celui qui veut le partage. Le bourgeois, lui, est vil. Il sait ce qu’il veut et il n’y a de place pour rien d’autre. Il n’a ni compassion, ni empathie. Sa passion est vivace, mais lui fournit un esprit sordide, bassement utilitariste. Il n’y a de place pour rien à part son élan dans son activité ciblée et réduite à sa substance même, lui-même se confondant avec ses propres objectifs, sans aucune distance.

Et face à de tels carrés, il faudra que les ronds sachent être aussi carrés, afin de les mettre de côté. C’est là toute une question de vision du monde et des moyens de faire en sorte qu’elle triomphe.

Catégories
Société Vie quotidienne

Le logement et le mauvais goût

Déjà les romantiques dénonçaient au XIXe siècle le fait que l’art ne soit pas valorisé comme il se doit. Que dire en ce début du XXIe siècle où le capitalisme a défiguré entièrement la notion même d’harmonie ? Cela se lit particulièrement dans les logements. Malgré la révolution de l’accès à des biens matériels de goût, il n’y a pas eu de réalisation sur ce plan.

Le capitalisme propose absolument tout ce qu’on veut niveau objets du quotidien et on peut se débrouiller pour l’avoir pour des sommes si ce n’est modiques, au moins accessibles. On peut disposer de meubles, de fourchettes, d’affiches, de tapis, de théières, de tapisseries, de moquettes… qui reflètent un certain niveau artistique. La qualité ne sera pas forcément exceptionnelle, mais dans l’idée, il y aura un certain niveau.

Or, que voit-on ? Que l’intérieur des logements n’est que le prolongement des logements du passé. Il y a une continuité qu’on peut qualifier de parentale dans les appartements et les maisons. Il y a une véritable reproduction des habitudes, des manières de concevoir le rapport aux objets dans le logement.

Cela ne veut pas dire que cela soit entièrement faux. Il y a des cultures nationales et un logement français n’est pas un logement indien ou japonais, ce qui n’implique pas qu’il n’y a pas des choses justement à apprendre les uns des autres, conformément aux échanges toujours plus grands au sein de l’humanité.

Et il y a bien sûr des objets techniques nouveaux par rapport à auparavant, comme les ordinateurs, les box internet, etc. Cela ne change pas le fond de la question, car ces objets s’intègrent dans le paysage, sans rien changer.

Bien entendu aussi, les gens très riches achètent de leur côté des choses nouvelles, souvent excentriques, beaucoup de choses excentriques, ils remplissent autant qu’ils le peuvent, ou bien restent minimalistes, mais leurs achats proviennent de catalogues de choses à la mode.

Mais pourquoi n’y a-t-il pas pourtant un gigantesque changement à l’intérieur des logements, strictement parallèle à l’accumulation énorme de marchandises disponibles ? Pourquoi les logements d’aujourd’hui n’ont-ils pas un intérieur resplendissant, en comparaison à il y a cinquante ans ?

Pourquoi, dans les logements, n’y a-t-il pas eu un changement total, alors que la société de consommation permet un accès sans comparaison par rapport à il y a cinquante ans ?

La raison est très simple à trouver. La consommation capitaliste est tout comme la production capitaliste, elle est chaos. Les gens achètent n’importe quoi, n’importe comment. Il n’y a pas de prévision, pas de planification. Il n’y a pas de réflexion profonde, il n’y a pas de mise en rapport avec la culture.

Ce qui est acheté l’est en fonction d’un vague goût personnel, c’est-à-dire, pour employer le terme adéquat, en fonction des caprices. Ces caprices expriment souvent la reproduction déformée des caprices parentaux, selon l’adage bien souvent vérifié qu’une fois adulte – une fois qu’un emploi a été trouvé de manière plus ou moins définitive – il y a un grand recul et des retrouvailles avec les vieilles valeurs et cela de manière toujours plus profonde.

Ce n’est pas qu’une question d’éducation. C’est le système même de consommation qui s’impose aux gens, qui les rend prisonniers de tout un style de vie. L’incohérence est totale et flagrante entre ce qu’il serait possible de faire et ce qui est fait. Les logements eux-mêmes sont d’ailleurs totalement dépassés par rapport à ce qu’on pourrait faire.

Les villes elles-mêmes sont terriblement en retard par rapport aux exigences culturelles, écologiques, de rapport à la nature, de mobilité, d’accès aux soins, etc. Elles deviennent toujours plus moches mêmes, le chaos de la propriété privée les défigure, les transformant pour les grandes en bastions cosmopolites de privilégiés et de grandes entreprises, pour les petites en déserts.

Par quelque bout que l’on prenne la vie quotidienne dans le capitalisme, on voit que le mauvais goût est toujours lié au caractère dépassé du capitalisme ; le mauvais goût est le contre-coup d’un chaos qui a pris de telles proportions que tout devient toujours plus déformé. C’est la fin d’une civilisation : le Socialisme est une exigence historique.

Catégories
Rapport entre les classes Société

L’anorexie comme révolte contre soi-même

Le capitalisme rend les gens malades, parce qu’ils les dénaturent. Leur environnement est au service du travail aliénant, de la consommation et cela 24 heures sur 24. Encore faut-il pour cela accepter de voir le capitalisme avec des lunettes humanistes.

L’exemple de l’anorexie, si triste et terrible, illustre parfaitement cela. Le libéral y verra une simple pathologie relevant de l’individu. Un regard sérieux affirmera qu’il s’agit d’une personne broyée de par son emplacement dans la société.

Car du point de vue de la médecine avec sa vision du monde dominante, la chose est entendue : tout est un problème de caractère individuel. Pour l’anorexie, il faudrait ainsi chercher dans les gènes, le parcours propre à la personne, la famille. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui est une institution étatique très importante, explique par conséquent la chose suivante sur son site :

« L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire essentiellement féminin, qui entraîne une privation alimentaire stricte et volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (…).

Contrairement à certaines idées reçues, ce trouble affecte toutes les catégories sociales et non pas seulement les plus aisées. »

Les idées reçues ont bon dos. Si on va sur vidal.fr, un site commercial lié au fameux dictionnaire Vidal donnant la liste des médicaments aux médecins, on lit la chose suivante :

« L’anorexie concerne principalement les adolescentes de 12 à 20 ans (…). Ils surviendraient davantage chez les jeunes filles issues de classes sociales aisées, vivant en milieu urbain. »

Les choses sont dites, mais implicitement. Un article de la revue française de sociologie dit les choses plus clairement :

« L’anorexie mentale et la boulimie, deux troubles du comportement alimentaire, sont appréhendées ici comme des révélateurs de tensions sociales touchant particulièrement des jeunes filles, et plus souvent issues de classes moyennes ou aisées. »

Et cela est vrai. Les couches sociales aisées n’ont pas le sens de la vie, elles sont entièrement au service d’une fuite en avant dans les apparences, les comportements consommateurs, l’activité incessante pour faire fructifier le capitalisme. Dans ces couches sociales, on suit ou on s’écrase. Et les jeunes femmes exprimant leur sensibilité sont brisées.

Elles ne peuvent pas se révolter en exprimant une violence, car elles sont imbriquées dans les couches sociales dominantes et ne peuvent pas le remettre en cause, car elles n’en voient pas le caractère ignoble. Alors elles se révoltent contre elles-mêmes. L’anorexie est une expression de révolte détournée.

Qui connaît la valeur du travail se tourne vers la transformation et non pas vers des modifications de soi censées, de manière idéaliste, changer les choses. C’est malheureusement l’esprit d’une époque : les plus sensibles se changent eux-mêmes, n’importe comment jusqu’au morbide, au lieu de chercher à changer le monde.

C’est le prix à payer, historiquement, pour l’individualisme forcené qui a coupé les gens – surtout des couches sociales dominantes – de tout rapport à la nature, à l’épanouissement, au concret, au travail.

Et ici, il faut bien cerner un aspect également essentiel : le refus non conscient de la viande par beaucoup de jeunes femmes. Au lieu de saisir qu’elles refusent une certaine nourriture, elles vont jusqu’à penser qu’elles refusent toute nourriture, par incapacité à analyser de manière juste leur révolte.

Car tout dans cette société appelle à une révolte. Les aspects aliénants sont incessants et tellement multiples, qu’il faut un haut degré de culture et de conscience pour ne pas sombrer. Qui ne voit pas cela rate totalement la dimension formidablement existentielle du besoin de Socialisme. Et est obligé de réduire tout à une question de « conscience » individuelle, dans le rejet complet des sens, de la nature, du besoin d’épanouissement des sens, de manière naturelle.

Ce dont ont besoin les jeunes femmes des couches aisées ayant basculé dans l’anorexie, c’est de basculer dans le travail, dans les couches populaires, et là elles feront ce que Cyndi Lauper dans la chanson « Girls Just Want To Have Fun » : quand les jeunes femmes ont les parents sur le dos, quand elles rentrent du boulot, elles bataillent pour s’affirmer, parce que s’épanouir va dans le sens de la vie !

Catégories
Rapport entre les classes Société

La France périurbaine, une faillite morale, culturelle et sociale

Dans la France des lotissements, on s’ennuie et on travaille loin de chez soi. Mais on ne veut surtout pas du Socialisme. Les gilets jaunes ont exprimé à l’origine cette forme sociale profondément réactionnaire mise en place par le capitalisme.

La France périurbaine, c’est le plus souvent cette horreur architecturale de maisons individuelles en série, correspondant au rêve de petite propriété de pans entiers de la société française aliénée par le capitalisme, y compris dans la classe ouvrière. Même quand il n’est pas réalisé, le rêve est considéré comme à mettre en œuvre dès que possible.

Cette fascination pour la zone pavillonnaire comme refuge face au reste du monde exprime à la fois un besoin de s’arracher à la brutalité des villes qu’un repli individualiste forcené. L’égoïsme prime toutefois comme aspect principal, car avoir des enfants dans de tels endroits, c’est les condamner à une souffrance psychique et physique très importante.

Il n’y a rien pour eux. Pas de transports, pas de lieux culturels, pas de centres sportifs, juste de longs boulevards, avec des habitations individuelles à l’infini, entre les ronds points. C’est l’anéantissement de toute perspective de civilisation comme première prise de conscience de l’adolescence. Un véritable cauchemar, qui de par les faiblesses structurelles de la vie culturelle française, ne produit ni Nirvana, ni Minor Threat, deux groupes de musique d’une intensité sans pareil nés précisément d’un tel terreau aux États-Unis.

Ici en France, la seule révolte contre cet enfermement connu par plus de 15 millions de Français, c’est le Front National, désormais le Rassemblement National. Les instituts de sondages appellent cela « le vote des haies de thuyas », en référence à cet esprit petit propriétaire d’enfermement sur sa parcelle.

Avec les gilets jaunes, on a bien vu comment cette France de petits propriétaires ne peut pas supporter de faire face à l’effondrement économique. Elle sait bien que le Socialisme n’a qu’une chose à lui proposer : sa destruction. Il faut détruire ces zones, tout refaire. Elles ne sont ni des villes, ni des campagnes. Alors qu’il faut combiner les deux, avec les zones pavillonnaires on n’a justement ni la ville, ni la campagne.

La France périurbaine ne peut que le constater : elle n’a ni culture de la ville, ni sa densité en termes d’infrastructures médicales, scolaires, universitaires, administratives. Elle n’a pas non plus d’accès à la nature, d’environnement non bétonné. Aller plus loin ne servirait pas à grand-chose non plus : les représentants des chasseurs n’ont-ils pas expliqué que les forêts sont à eux et que si on n’aimait pas la chasse, il ne fallait pas habiter la campagne ?

Le souci fondamental dans toute cette histoire de toutes façons, c’est que la France périurbaine ne peut exprimer qu’un terrible ressentiment qui va renforcer le fascisme.

Parce qu’à la base, on a la même histoire que la Grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf. Pleins de petit-bourgeois ou de bourgeois petits ont voulu mener la vie de château à peu de frais, achetant une grande maison et un terrain, pour s’apercevoir que finalement il n’y avait rien dans le coin, que les crédits s’éternisaient, que le terrain ne sert à rien en soi et demande de l’entretien, que la maison consommait beaucoup d’énergie et que sa qualité laissait à désirer.

On a également des prolétaires qui les ont imités, faisant la même-chose en moins grand et moins cher, dans des quartiers encore moins intéressants.

Ces gens-là sont tellement déçus de ne pas être devenus des sortes de petits châtelains qu’ils sont aigris, alors que leur vie privée a subi les contrecoups de cet isolement, que ce soit avec la perte de vue d’amis, le divorce, etc. Les prolétaires, de par leur rôle dans la production, expriment moins cette aigreur car ils ont plus facilement conscience de la nature sociale du problème. Mais dans sa substance, cette aigreur n’en est pas moins présente chez eux également.

Ce schéma est reproductible dans pleins de variantes, que l’investissement à l’origine ait été important ou pas. Dans tous les cas, la déception prédomine et désormais il y a la hantise de ne pas basculer socialement dans le prolétariat, ou de se voir assumer sa condition prolétaire de manière franche. Cette inquiétude est un grand moteur du fascisme, alors qu’elle devrait se transformer en une volonté de changement, pour le Socialisme.

Catégories
Réflexions

La disparition de la retenue dans l’intimité

L’ultra-libéralisme fait tomber toutes les frontières, toutes les limites, tous les principes, toutes les politesses. L’intimité disparaît ainsi également : le capitalisme a besoin d’individus, pas de personnes, de personnalités.

Echo et Narcisse, John Willian Waterhouse, 1903

L’irruption de la pornographie, du voyeurisme, de l’exhibitionnisme… est désormais une chose tout à fait acquise dans les mentalités françaises. Il y a évidemment un grand décalage entre les générations plus âgées et des jeunes pétris de la culture Instagram. Cependant, le triomphe de Facebook a suffi à exprimer le culte de l’ego qui était déjà solidement installé dans les esprits. Faire de sa vie une pièce de théâtre, un film, un show, ou plus exactement la présenter telle quelle, est une norme.

Naturellement, cela implique une fuite en avant pour se faire remarquer, d’où les phénomènes les plus extrêmes et les démarches les plus grotesques pour apparaître comme différent, au-dessus du lot, unique, totalement à part. Ce qui est ici frappant, c’est que ce n’est jamais par la culture qu’il est cherché à se distinguer, car cela prend trop de temps dans une société capitaliste qui exige de la rapidité, toujours plus de rapidité. Il faut que tout se déroule de manière courte, pour recommencer tout de suite après.

Les egos s’expriment donc surtout par l’axe du vêtement, où le combo Louis Vuitton x Supreme représente le nec plus ultra, la sexualité ou la présentation de son intimité. Il faut se souvenir ici de ce qui s’est dit en France au moment de l’arrivée de la téléréalité. Cela ne marcherait pas, c’est juste anecdotique, la France n’est pas l’Allemagne ou les Pays-Bas ou l’Angleterre, avec leur goût pour le trash. Et pourtant, la digue a bien cédé ; la télé-réalité est désormais incontournable à la télévision, et pas seulement, puisque avec internet, les possibilités d’exhibition sont très faciles, que ce soit avec des vidéos en ligne ou que l’on s’envoie au moyen des smartphones.

Les mœurs ont naturellement été radicalement modifiées par tout cela et il existe ici une différence très marquée entre les générations. Celles nées à partir de 2000, qui n’ont jamais connu aucun cadre normatif un tant soit peu serré, représentent la tendance la plus franche, l’avant-garde pour ainsi dire du libéralisme. Elles acceptent tout, ne refusent rien, faisant de chaque acte quelque chose qui ne doit pas être évalué par la morale, l’histoire, la philosophie, mais simplement par l’envie ou l’utilité. La seule opposition à cette démarche est au mieux religieuse.

Le retour en force des religions s’appuie beaucoup sur cette question de l’intimité. Les religions qui ont du succès sont des variantes ascétiques, anti-exhibitionnistes, des religions historiques. Il y a ainsi l’évangélisme, comme variante du protestantisme, le salafisme, comme variante de l’Islam, les Loubavitch, comme variante du judaïsme. Elles insistent particulièrement sur la défense de l’intimité. Elles n’insistent nullement sur son développement, sur l’affirmation de la personnalité, comme figure rationnelle, sensible, éduquée et ouverte à la nature. Bien au contraire, elles réduisent l’intimité à une chose non seulement privée, mais également tellement unique qu’elle doit être radicalement séparée de tout.

Le levier des religions est ainsi encore l’ego, tout autant que la critique de l’exhibitionnisme, de la pornographie, du voyeurisme. Les religions ne dépassent pas ces formes décadentes, elles les évitent, en s’appuyant tout comme celles-ci sur le ressort de l’ego. Avec les religions, on n’a pas des gens refusant le voyeurisme, mais l’évitant, se disant qu’ils valent mieux que ça. Or, ce dont on a besoin, c’est bien d’un rejet de exhibitionnisme, du voyeurisme, de la pornographie.

Cependant, et malheureusement, beaucoup de gens de gauche sont ici imprégnés de libéralisme. Ils pensent qu’il n’est pas besoin de combattre cela, car finalement chacun aurait le droit de faire ce qu’il veut, même si c’est erroné. Tout serait une question de points de vue, et par conséquent mieux vaut discuter, faire évoluer les points de vue. C’est là ne pas comprendre la dynamique à l’arrière-plan : celle du capitalisme qui a besoin d’individus faisant sauter toutes les frontières, pour élargir le marché.

C’est exactement comme les gens cherchant à faire évoluer les points de vue au sujet de l’achat de 4×4 ou bien de viande. Ils ratent ce qui se déroule à l’arrière-plan : une intense activité du capitalisme pour trouver de nouvelles choses à vendre, de nouvelles choses qui puissent être achetées. Le capitalisme trouve d’ailleurs très bien qu’il y ait de nouveaux consommateurs de vélos ou d’alimentation végétalienne. Du moment qu’il y a des consommations nouvelles, que les consommations rentrent en compétition, tout cela est très bon.

Même les religions ne présentent pas un obstacle, car il y en a plusieurs, qui se concurrencent, et qui concurrencent la disparition de l’intimité, ce qui renforce d’autant l’esprit de concurrence, de diversification, de choix de consommation possibles. Voilà pourquoi il faut il considérer l’exhibitionnisme, la pornographie, le voyeurisme non pas simplement comme des phénomènes, mais comme des réalités idéologiques, vecteurs d’agression contre la personnalité, visant à la déformer pour la façonner en fonction des besoins du marché.

La retenue dans l’intimité est une valeur qu’il est par conséquent essentiel de protéger, à tout prix, car elle est la base de l’intégrité, psychique et physique, de chaque personne qui ne veut pas se voir réduit au statut d’individu, aliéné, formé par le marché, disponible pour la consommation.

Catégories
Société

Rétablir le Droit en le rendant universel

Tout régime prétend que le droit qu’il met en place est à la fois neutre et consacré à l’égalité de tous. En réalité, il s’agit là d’un droit relatif, bien éloigné du Droit comme système de référence universelle que seule la Gauche peut porter.

Le droit est quelque chose de compliqué : quand on lit le code pénal ou bien des propositions de loi, le langage est tourné de manière tellement bizarre que l’on y comprend rien. Pourtant, le droit ce n’est pas les juges, les avocats, les experts ; le droit c’est la civilisation et donc l’humanité elle-même.

Une vrai droit serait un Droit porté par chaque personne en tant que telle, et c’est d’ailleurs là l’idéal des Lumières. Emmanuel Kant est sans doute celui qui a écrit les lignes les plus intéressantes à ce sujet, avec son fameux « impératif catégorique ». Il faut que chaque individu ait assez de maturité pour se comporter de manière naturelle en citoyen, refusant ce qui ne devrait pas être fait, faisant ce qui doit être fait.

C’est là une exigence universelle propre à qui croit que le droit doit exister en amont, comme intégrité morale, et non pas en aval, comme punition d’un comportement dérangeant la société. Or, le droit aujourd’hui n’est vraiment plus que cela. Il est une sorte de rattrapage de ce qui provoque trop de troubles, sans rien de plus.

La société française ne vise plus à éduquer, à former les esprits. Libérale, elle se contente de stopper ce qui est trop perturbant pour l’ordre dominant, avec un dédain pour le droit comme principe de formation morale. Elle a abandonné le principe selon lequel « nul ne doit ignorer la loi » dans le sens d’une explication en amont à tout le monde de ce qui est légal ou pas ; elle est juste répression.

Une répression mal gérée, où l’on peut être un récidiviste sans permis et drogué écrasant une adolescente en récoltant juste quelques mois de prison, avec des prisons par ailleurs totalement surpeuplé, aux conditions innommables. Rien que cela reflète bien que la société française pétrie par le capitalisme n’a aucune idée de ce qu’elle doit faire du droit.

Gageons ici qu’elle avancera immanquablement vers la solution américaine, avec la privatisation du système des prisons. Personne n’en a parlé jusqu’à présent, mais on peut être certain que cela va arriver sur la table. C’est dans la logique propre au libéralisme, c’est aux entreprises de gérer ce qui relève des choix individuels, et le crime est un choix individuel selon lui.

La Gauche doit par conséquent réaffirmer le droit, non pas simplement en disant qu’il est mal géré par la droite, ou bien qu’il faut construire des écoles pour ne pas avoir à construire des prisons, comme l’avait formulé le chrétien-démocrate Victor Hugo. La Gauche doit poser l’universalisme du droit, réfutant son tronçonnage d’un droit à la carte (droit des entreprises, droit du travail, droit de ceci, droit de cela), qui divise la société.

Elle doit aussi briser l’inégalité du droit, c’est-à-dire le fait que selon qu’on soit puissant ou non, on n’ait pas le même résultat. Elle doit casser le langage obscur du droit, qui ne sert que les experts au même service des classes dominantes pour empêcher qu’on le saisisse.

Elle doit, surtout, réaffirmer la croyance en l’Homme, rétablir l’exigence des Lumières mais avec le matérialisme propre à la classe ouvrière. Cela signifie qu’elle doit exiger de chaque personne une haute mentalité citoyenne, et bien souligner que cette haute mentalité est la caractéristique d’une société socialiste.

Qu’est-ce que le communisme d’ailleurs selon Marx si ce n’est une société où il n’y a plus d’État ? Tout simplement une société où le droit est partout, assumé partout, dans un sens universel, ce qui fait qu’il n’est plus besoin de policiers ni de militaires pour s’opposer au crime, car il n’y a plus de crime, plus de crime possible.

Le capitalisme prétend bien entendu que c’est impossible, que c’est là une utopie, que l’Homme est mauvais par nature, que chacun ne cherche qu’à défendre ses intérêts particuliers. C’est là un point de vue de classe, qui reflète la compétition capitaliste. C’est une idéologie qui vise à empêcher l’affirmation de l’universel et de l’universalisme.

La Gauche donc avoir conscience de cela et comprendre la dimension essentielle du droit, qui doit devenir le Droit. C’est là un élément essentiel de toute affirmation d’un programme de société démocratique, fondé sur le peuple. Démolir la domination des experts et faire en sorte que le peuple saisisse le droit, c’est la base d’une ligne de Gauche.

Le capitalisme ne craint rien de plus que la justice populaire. Il ne veut surtout pas que le peuple se fasse juge. C’est pourquoi il présente le peuple comme infantile, brutal, opposé au droit. A la Gauche d’affirmer au contraire que le peuple c’est le Droit et le Droit le peuple, et que la classe ouvrière est la clef pour y parvenir.

Catégories
Société

Grandes villes et décadence

Les grandes villes amènent avec elles des mœurs qui, de par la nature de la concurrence et de la compétition propre à une société capitaliste, sont particulièrement acharnées dans l’individualisme.

Paris (Bastille)

Évidemment, c’est sous le drapeau de la liberté et de l’individu que ces mœurs cherchent à masquer leur caractère fondamentalement décadent. Le Monde, dans un article sur le film franco-italien « Laura nue » de 1961, adopte une posture libérale-libertaire bien connue :

« Laura voit bien que, partout, l’exclusivité réclamée par le mariage rend malheureux »

Merveilleuse philosophie que celle du capitalisme triomphant ! Et on sait à quel point les homosexuels sont sciemment utilisés dans cette philosophie. Enfin, quand on parle ici des homosexuels, on parle d’une caricature : celle de l’hypersexualité la plus extrême, d’un culte de l’apparence à la fois ultra-narcissique et très hautement superficiel, avec un esprit consumériste sans limites.

Car qu’est-ce qu’en réalité un homosexuel ? C’est un hétérosexuel, sauf qu’il est homosexuel, c’est-à-dire que c’est un être humain comme un autre. Il veut la paix, il veut l’amour, il veut la nature. Être un homosexuel ne signifie pas avoir une autre « substance », une autre nature. L’être humain existe sous une forme naturelle, générique, il n’y a pas de zone « à part ».

Tel n’est bien entendu pas le point de vue du capitalisme le plus moderne, qui n’envisage les choses que sous l’angle d’une homosexualité vecteur de la décadence.

Libération est toujours exemplaire dans la valorisation de la décadence : l’État aurait, en 1978, osé condamner pour « outrage public à la pudeur » des gens interpellés alors qu’ils se sodomisaient la nuit dans un bosquet du bois de Vincennes !

Quel sens des valeurs… Impossible de ne pas faire le rapprochement d’une telle mentalité avec la Rome décadente allant à son effondrement.

Pareillement, dans le même article, Libération se montre scandalisé par « l’affaire du Manhattan » : la police a osé intervenir, la même année, dans un bar du très chic Ve arrondissement pour arrêter les hommes présents dans une « backroom », c’est-à-dire, pour parler vulgairement, un « baisodrome ».

Là encore, c’est l’esprit de Rome. Et cet esprit de Rome existait déjà dans les années 1930, avec une haute bourgeoisie décadente, célébrant l’alcool et les drogues, les soirées à la sexualité déformée et fondée sur la performance, la prostitution, le consumérisme niant la personnalité.

La Gauche, à l’époque, combattait cette haute bourgeoisie et ses valeurs. Pourquoi en serait-il autrement, alors que ces valeurs de la haute bourgeoisie sont devenues également celles de couches urbaines à la vie vide de tout sens culturel et social ?

La réponse d’Aides à un article d’À Gauche témoigne d’ailleurs bien de cet esprit anti-prolétarien, incapable de prendre quoi que ce soit au sérieux et s’imaginant que la classe ouvrière a disparu, tant historiquement que matériellement.

agauche.org facebook - réaction d'AIDES

Le problème n’est pas que ces gens seraient mauvais en eux-même. Il s’agit surtout du fait qu’il y a un contexte économique et social permettant une telle attitude. Il y a un déséquilibre dans la partage des richesses, économiques et culturelles, qui fait que certains peuvent vivre de manière improductifs dans les grandes villes en monopolisant les tâches intellectuelles pendant que d’autres doivent assurer les travaux manuels en étant privé de substance intellectuelle.

Si les travailleurs manuels doivent faire l’effort d’évoluer sur le plan intellectuel en s’appropriant les connaissances et les postes de direction,  l’inverse est également indispensable. Les comportements improductifs menant à la décadence doivent être combattus pour faire évoluer l’ensemble du corps social.

Du point de vue de la classe ouvrière, il n’y a pas d’autre choix que de mettre tous ces décadents au travail. Ce sera l’un des devoirs d’une société devenue socialiste et capable de briser ces mœurs libérales-libertaires qui détruisent la civilisation !

Catégories
Politique

À gauche, et non pas simplement « de gauche »

Le plus grand souci de la Gauche, c’est que depuis le triomphe de la « nouvelle gauche » avec d’un côté François Mitterrand et de l’autre les milieux universitaires, c’est l’idée d’être de gauche qui a triomphé sur le principe d’être à gauche.

Que ce soit avec les socialistes regroupés dans la SFIO avant 1920 ou bien la SFIO et le Parti Communiste – SFIC puis le PCF, il y a toujours eu le principe suivant : une organisation s’appuie sur des principes et une analyse de la société. Il fallait travailler pour être à gauche, en comprenant la situation historique et les rapports économiques.

Avec le pragmatisme gouvernemental, la corruption électoraliste, la soumission au coup d’État de 1958 marquant la fondation de la Ve République, tout cela a disparu. Il s’agirait d’être « de gauche », face à la Droite. Il suffirait finalement d’écouter ce que disent les gens de Droite… et de dire le contraire !

Le souci bien entendu, c’est qu’il y a plein de moyens d’être opposé à la Droite. Il y a ainsi l’extrême-droite, pas les « fachos » mais la vraie extrême-droite, qui veut le triomphe d’un certain idéalisme nationaliste. Il y a aussi la Droite modernisatrice, qui a en horreur la Droite conservatrice. Ce n’est pas pour rien qu’historiquement il y a eu le RPR et l’UDF comme principaux partis de droite en France ! La République En Marche est d’ailleurs une réactivation de l’UDF.

Cela aboutit à ce que des gens s’imaginent de gauche, alors qu’ils ne sont finalement que pour moderniser le capitalisme et c’est cela qui explique que beaucoup de monde se définissant comme de gauche a apprécié les débuts d’Emmanuel Macron, qui allait secouer le « vieux monde » ! Cela reflète une perte de valeurs et un grand problème d’orientation !

François Hollande a été le dernier avatar d’ailleurs de ces menteurs appelant à voter pour eux avec le chantage suivant : si ce n’est pas moi, cela sera la Droite! Il faut se rappeler la véritable démonisation de Nicolas Sarkozy au moment de l’élection de François Hollande. Un tel populisme a liquidé la rationalité à gauche.

Quant à Emmanuel Macron s’oppose à la Droite classique, traditionnelle, mais il n’est pas à gauche pour autant. Il y a plusieurs droites, il y a celle qui préfère le calme du catholicisme et celle qui fait un fétiche de la frénésie des start ups. Il ne suffit pas de dire qu’on n’aime pas les conservateurs : la finance ne les aime pas non plus !

Ce constat est finalement facile à faire une année après l’élection d’Emmanuel Macron comme président, cependant il fallait déjà avoir compris cela avant pour bien en saisir la portée et être capable d’indiquer des chemins pour ramener les gens de gauche à gauche, pour commencer ! L’opposition à la chasse à courre est ici un marqueur incontournable, parce qu’elle attaque les notables dans l’arrière-pays, qu’il remet en cause l’appropriation de la nature par les traditions réactionnaire, et également qu’il exige un rapport nouveau, harmonieux, avec les animaux.

Pourquoi cela arrive-t-il seulement en 2018, alors qu’après 1968 s’est produit toute une critique des valeurs de la société industrielle façonnée par les grandes entreprises et un État à leur service ?

Ce qui s’est passé est finalement simple : les forces intellectuelles ont trahi et se sont précipitées dans les institutions, dans l’art contemporain, dans un véritable business associatif. La classe ouvrière a quant à elle été entièrement bloqué dans des initiatives par l’esprit de cogestion de la CGT et les rêveries autogestionnaires de la CFDT.

Ce qui compte par conséquent, c’est l’esprit de remise en cause de la vie quotidienne dans le capitalisme, mais pas pour aller en arrière, comme le font les zadistes ou les nostalgiques de la France des années 1960. Il s’agit d’assumer la société comme collectivité, c’est-à-dire le socialisme. Et d’être présent sur le terrain de la vie quotidienne!