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Les gilets jaunes, expression complexe d’une crise du mode de vie

Si l’on regarde les gilets jaunes, il y a autant de raisons de les soutenir que de les rejeter. Cela tient à leur double nature, puisqu’ils se révoltent à la fois subjectivement contre la cherté de la vie et objectivement contre l’écologie. De tels exemples de complication ne manqueront pas de se produire à l’avenir.

Lorsque les zadistes sont apparus, ils présentaient une double nature. D’un côté, ils défendaient une zone humide, ce qui était une bonne chose. De l’autre, ils exprimaient la volonté réactionnaire de s’isoler de la société, de vivre avec une petite propriété, d’une petite production. Au départ, la question écologiste prenait le dessus encore, pour finir par disparaître devant l’argumentation littéralement pétainiste sur le retour à la terre.

Les gilets jaunes posent le même type de problème. Leur révolte contre la cherté de la vie est une expression indéniable d’un besoin populaire. L’augmentation du prix de l’essence est une agression ouverte sur le niveau de vie. Comme la voiture est incompressible dans le style de vie imposé par la société, l’architecture, l’organisation spatiale du pays, forcément cela fait mal.

La révolte des gilets a donc le mérite de poser un conflit social. C’est quelque chose d’appréciable. D’autant plus que cela exprime un sentiment de désarroi par rapport à un mode de vie dont les tenants et aboutissants semblent profondément vaciller.

Résumer à cela serait néanmoins du populisme. S’il y a du désarroi, il y a également surtout du ressentiment qui s’exprime, avec une nostalgie profonde sur le fait de pouvoir se comporter comme avant, d’utiliser la voiture sans se préoccuper de rien ni personne. C’est la caricature du type machiste, avec ses cigarettes et son 4X4, son statut de petit entrepreneur disposant de bons moyens matériels.

Cela ne donne évidemment nullement envie de soutenir quelque chose où ces gens ont une part prépondérante dans l’identité. Ces gens sont hyper réactionnaires à tous les niveaux dans leur rapport à l’écologie. La pollution, ils considèrent que ce n’est pas de leur ressort ; le véganisme leur apparaît comme une aberration et ils ont des amis chasseurs, s’ils ne le sont pas eux-mêmes.

On voit le dilemme : si on soutient les gilets jaunes, on fait du populisme ; si on ne les soutient pas, on passe à côté d’une lutte contre la pression des prix sur la vie quotidienne. Il y a pourtant bien quelque chose qui doit primer et permettre à un discours de gauche d’être développé dans une telle situation. Et c’est bien le cas, mais il y a un prix à payer.

Ce prix, c’est la compréhension que le syndicalisme est une plaie dont il faut se débarrasser, car au mieux cela amènerait à appuyer les gilets jaunes sans considération d’autre chose. Et qu’il y a une seconde plaie, l’anarchisme, qui demande la révolte pour la révolte, sans se soucier des réalités matérielles, tant de l’économie que de la nature des gens, aliénés et exploités.

Si on se débarrasse de ces deux plaies – qui paralysent l’histoire de France depuis cinquante ans – alors on pourra avancer, puisqu’il serait alors possible de poser le problème différemment, en prenant en compte non seulement l’économie, mais aussi le mode de vie.

On pourrait alors développer un discours sur le capitalisme comme allant de paire avec un mode de vie, et on verrait alors que les gilets jaunes expriment une crise de ce mode de vie. Ils ne sont pas les protagonistes d’une lutte (comme peut le penser le syndicalisme), d’une lutte inadéquate (comme peut le penser l’anarchisme), mais l’expression historique d’un mur que rencontre le mode de vie dans le capitalisme.

La voiture, c’est comme le réchauffement climatique, c’est un à côté du développement du capitalisme qui devient essentiel et exige une rupture en soi des mœurs, du mode de vie, de la manière d’exister.

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Politique

Les gilets jaunes et la question du fascisme

Peu de gens en France ont vraiment étudié le fascisme et savent qu’il consiste en un mouvement élémentaire d’une base populaire soucieuse de régénérer la société, poussé par une partie de la bourgeoisie. Les gilets jaunes ont tout à fait le profil social correspondant à cela.

Quand une révolte est portée par les couches sociales intermédiaires mais pas les ouvriers, de manière élémentaire et non rationnelle, sur des revendications à l’intérieur du cadre étatique, on sait déjà que la Gauche a perdu.

De manière instinctive, beaucoup de personnes ont à l’origine été très méfiantes du mouvement des gilets jaunes précisément pour cette raison. Les gens davantage conscients en comprennent les modalités, ils connaissent l’expérience du fascisme italien, du national-socialisme allemand, et n’oublions pas les Croix de Feu françaises.

Les violences ayant émaillé le quartier des Champs-Élysées à Paris ce samedi 24 novembre renvoient d’ailleurs directement à l’expérience historique de février 1934 dont les Croix de Feu furent la principale ligue menant l’agitation.

Cela ne tient pas seulement à la présence hier de nationalistes, de drapeaux bleu-blanc-rouge et de l’hymne nationale haranguée entre les appel à aller directement chercher le Président à L’Élysée, mais bien à la nature même de l’événement et du mouvement qui l’a porté.

Les Croix de Feu françaises avaient à l’époque acheté Le Figaro, une fois devenu le Parti Social Français, et il est assez intéressant historiquement de noter que Le Figaro soutient depuis le début le mouvement des gilets jaunes, et ce de manière véhémente.

Ces derniers sont présentés comme la vraie France contre les élites, ce qui est énorme intellectuellement quand on connaît le lectorat du Figaro Magazine et de Madame Figaro le week-end. Mais il est vrai que les élites sont divisées et qu’on reconnaît là le grand conflit entre les bourgeois nationaux-agressifs, et les bourgeois modernistes-cosmopolites représentés par Emmanuel Macron.

Une figure de Droite comme Bruno Retailleau, qui était un personnage de première importance lors de la campagne pour la Présidentielle de François Fillon, représente quant à lui les bourgeois nationaux-agressifs. Ce n’est pas pour rien qu’il justifie ouvertement les violences au Journal du Dimanche :

« Emmanuel Macron récolte ce qu’il a semé. À force de détruire méticuleusement les corps intermédiaires, il se retrouve seul face aux Français. Quand on se prend pour Louis XIV, on peut s’attendre à des frondes ».

De son côté, le gouvernement connaît ses classiques et fait par la voix de son Ministre de l’Intérieur le parallèle avec les affrontements fascistes de 1934, tout en insistant sur le rôle de Marine Le Pen qui représente elle aussi les nationaux-agressifs, tout comme Nicolas Dupont-Aignan.

Dans les années 1920 et 1930, les nationaux-agressifs étaient organisés dans des partis de droite qui se sont vus appuyer par une nouvelle formation, de droite mais populaire et communautaire, les fascistes.

Contrairement aux commentaires que l’on voit régulièrement sur le caractère « socialiste » des nazis, ceux-ci se sont toujours définis comme étant de droite et faisaient par conséquent des alliances à droite. Le fascisme de Mussolini s’est pareillement institutionnalisé avec la Droite.

Il s’agissait de mouvements de masse mais leur victoire a été leur intégration institutionnelle, par les élections, dans l’État. La Droite a été leur porte ouverte pour ce processus, dans le cadre de l’unité contre la Gauche.

Or, ces mouvements populaires fascistes avaient une base sociale surtout composée de petits-bourgeois, de commerçants, d’artisans. Il y avait des ouvriers aussi, mais ce n’était pas le cœur du sujet, très loin de là. Contrairement aux cadres de ces mouvements, très politisés, la base voulait juste un « rétablissement », un « redressement », une « remise en marche ».

Impossible de ne pas voir un parallèle au moins minime avec les gilets jaunes aujourd’hui.

Cela ne remet pas en cause le fait que ceux-ci relèvent de la lutte de classes. Pas du tout, et c’est bien là la question de l’antifascisme, qui a comme but d’unifier le peuple sur une base autre que celle du fascisme.

Il va de soi que l’antifascisme qui se contente de critiquer les « fachos » est représentatif d’un anarchisme en perdition qui n’est d’aucun intérêt ici, pour autant qu’il en ait jamais eu. Il faut parler aujourd’hui du véritable antifascisme, celui des années 1920 et 1930, celui où la Gauche savait s’unir pour être à même d’établir suffisamment d’amplitude pour contrer le fascisme sur son terrain.

Ce terrain, c’est celui de la lutte des classes, celui des luttes sociales et de la perspective d’une société où l’on peut vivre de manière bonne et juste. Pour nous, c’est le socialisme, pour le fascisme, c’est un capitalisme restructuré, avec une dynamique chauvine et militariste.

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Politique

La convergence syndicale avec les gilets jaunes

Les syndicats ont décidé de converger avec le mouvement des gilets jaunes. C’est un cheminement inévitable, l’apolitisme appelant l’apolitisme, le populisme appelant le populisme, le corporatisme appelant le corporatisme.

Mardi 20 novembre, le syndicat FO-UNCP (transport) appelait ses adhérents et sympathisants à rejoindre le mouvement. Le secrétaire général de la branche transports de FO Patrice Clos, qui est candidat pour la direction de FO suite au récent scandale, appelle à venir renforcer les mouvements existants en se posant comme indispensable, menaçant d’un appel à la grève présentée comme une étape supérieure éventuelle.

De son côté, la CGT a lancé un mot d’ordre de manifestation dans ce cadre pour samedi 1er décembre. Elle a changée son fusil d’épaule sous la pression d’une grande partie de sa base, alors que son secrétaire général Philippe Martinez avait refusé de participer aux blocages organisés samedi dernier.

Dans les deux cas, la question est celle du « pouvoir d’achat », avec pour la CGT la revendication d’un SMIC à 1 800 €.

Laurent Berger de la CFDT propose pour sa part une position intermédiaire, s’imaginant là aussi constructif, allant dans le sens de la continuité du capitalisme avec « un pacte social de la conversion écologique » censé être la solution « aux attentes en termes d’aide à la mobilité, au transport, à l’énergie ».

On est là dans une logique qui correspond tout à fait à celle de la Charte d’Amiens, qui au début du XXe siècle faisait de la CGT un syndicat récusant la politique. Le fait que les syndicats se développent non seulement à côté du Parti socialiste, mais même contre lui, a été d’un impact dévastateur sur les mentalités et le niveau de conscience des travailleurs à l’époque, et cela se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

Les syndicats prétendent mieux gérer, vraiment représenter ; minoritaires de manière patente dans le monde du travail, ils n’en sont pas moins d’une prétention sans bornes. Et leur esprit est aussi étroit que celui des gilets jaunes, dans la mesure où de la même manière, ils ne voient qu’à court terme, ils ne raisonnent qu’avec des chiffres et selon des critères de la vie quotidienne tout à fait conformes au mode de vie dominant.

C’est d’autant plus grave que si les gilets jaunes se sont formés sur le tas, les syndicats ont une tradition centenaire, des cadres qui réfléchissent, des avantages matériels et institutionnels extrêmement importants. Leur convergence est d’autant plus significative, d’autant plus grave.

Elles montrent qu’une fraction de la population française est d’accord non pas pour discuter de politique, pour faire de la politique, pour choisir politiquement, mais pour justement ne rien faire de tout cela.

Il faudrait non pas transformer la société, mais la régénérer, la remettre sur son socle. Il faudrait en revenir à ce qui serait réel, par opposition à ce qui ne serait qu’une boursouflure provoquant un déséquilibre social.

Il y a un mot pour une telle approche : le fascisme. Le fascisme est la mort de la société civile, la fin de la politique, la réduction de la vie sociale à un conglomérat d’individus s’unifiant sur une seule base : l’hégémonie de leur regroupement national, afin de mieux profiter de tout et ce aux dépens des autres.

Cela ne veut pas dire que les revendications sociales des gilets jaunes ou des syndicats soient erronées, mais justement que celles-ci sont déviées de leur cours naturel comme lutte des classes. Elles sont précipitées dans le gouffre de l’absence de conscience sociale, de l’affirmation de l’apolitisme, du refus de la lutte des classes, de l’absence de confrontation avec la bourgeoisie.

La preuve de cela est bien sûr qu’une partie du patronat a soutenu le mouvement dès le début, que les enseignes de supermarché se sont empressées de communiquer dans le sens du mouvement avec notamment de l’essence à prix coûtant, étant donné que le « pouvoir d’achat » est leur préoccupation.

Tout n’est pas joué encore, évidemment. Cependant, il ne faut pas sous-estimer ce qui commence à se lancer comme processus, par en bas, comme populisme, comme dépolitisation, et surtout comme refus d’aller dans le sens du socialisme.

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Politique

Le PCF peut-il se maintenir tel qu’il est ?

Le PCF est passé d’une ligne insurrectionnelle à une participation gouvernementale soumise aux socialistes. Devenu un satellite de ces derniers, il est désormais orphelin de ceux-ci. Il est à l’heure des choix : trouver une identité propre, ou disparaître. En a-t-il les moyens ?

PCF Congrès 23 25 novembre 2018

En 1978 avaient lieu des élections législatives en France et elles furent un tournant historique à Gauche. La revue de Droite, L’Express, constatait ainsi le 13 mars 1978 par la voix de Jean-François Revel que :

« Le Parti communiste français était le premier parti de France au temps de Maurice Thorez. Du temps du secrétariat de Waldeck Rochet, il était le deuxième parti de France et le premier parti de la gauche. Sous Georges Marchais, il est devenu le deuxième parti de la gauche et le troisième parti de France. »

La Gauche a connu en effet depuis 1945 deux situations. La première est caractérisée par le refus catégorique des socialistes de se rapprocher des communistes. Les socialistes boycottaient la CGT et assumaient un anticommunisme forcené. Le PCF était le premier parti de France, mais les socialistes participaient au blocus général de celui-ci, aux côtés de la Droite, n’hésitant pas à aider à la naissance de la CGT-Force Ouvrière, ouvertement appuyée par les États-Unis.

Cette situation prévalut jusqu’en 1958, où la Gauche en général fut incapable de s’opposer au coup d’État de De Gaulle instaurant la Ve République. Son échec politique fut d’autant plus puissant qu’avec mai 1968 émergea une nouvelle génération de militants, d’activistes, de syndicalistes. François Mitterrand comprit cela, unifia les socialistes et fit en sorte de phagocyter le PCF.

Les socialistes finirent par dépasser électoralement le PCF, bien que celui-ci disposait d’une base de militants et de sympathisants encore sans équivalents. Et en 1981, François Mitterrand triompha aux présidentielles, plaçant le PCF dans l’orbite socialiste jusqu’à aujourd’hui.

De nombreuses tendances oppositionnelles sont apparues dans le PCF, désireuses d’en revenir aux « fondamentaux ». Depuis le tout début des années 1990 et jusqu’à aujourd’hui, elles ont su attirer un certain nombre de membres du PCF. Mais jamais elles ne furent en mesure d’influer ne serait-ce qu’un peu la tendance du PCF à n’être qu’un simple satellite des socialistes.

Le PCF, de par sa volonté de conserver ses élus, de participer au gouvernement, a une tendance naturelle à accepter les choix des socialistes ; en cela, le PCF est devenu comme Europe Écologie Les Verts.

Mais comme les socialistes se sont effondrés, le PCF doit faire des choix par lui-même. Or, au mieux, il produit des dirigeants comme Ian Brossat. Les membres du PCF se sont auto-intoxiqués, s’imaginant vraiment être le prolongement du PCF du Front populaire, du PCF de la Résistance, du PCF des années 1950, 1960, 1970, etc., alors qu’ils n’ont strictement aucun rapport avec rien de l’histoire de ce parti.

La sphère dirigeante du PCF n’est pas tant issu de la base historique de ce parti, que des éléments institutionnels et universitaires ayant parasité celui-ci et finit par prendre la direction culturelle, puis politique et idéologique. C’est pour cela qu’il y a un jargon universitaire post-marxiste, une esthétique très propre et lisse conforme à l’esprit universitaire, des postures revendicatives offusquées, etc.

Cependant, cela ne saurait être suffisant pour développer une identité propre. Cela peut permettre une affirmation, mais il serait naïf de penser que cela suffit, en soi, pour une affirmation autonome, notamment aux prochaines élections européennes. En même temps, ne pas maintenir une affirmation autonome, c’est inéluctablement disparaître dans la fusion avec d’autres.

Tel est le dilemme du PCF, le dilemme insoluble, car en quittant la classe ouvrière, le PCF a perdu le moteur de l’Histoire.

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Politique

L’appel de L’APRÈS d’Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann

Après avoir quitté le Parti Socialiste, Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann lancent un nouveau parti dénommé APRÈS, qui signifie Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste. Ils ont publié un appel afin d’inviter à les rejoindre.

Appel de l'APRES

Le nom APRÈS et l’appel qui y est afférent montre cependant les grandes limites de leur démarche. Normalement, le socialisme est un terme général qui englobe tout le projet politico-culturel de la Gauche. Ainsi, l’écologie ne doit être qu’un aspect inhérent au programme, tout comme peut l’être la question républicaine si l’on souhaite raisonner en ces termes.

En mettant sur le même plan les notions de « Républicain », « Écologiste » avec celle de «  Socialiste », l’APRÈS fait une grande erreur. Elle dénature totalement le projet Socialiste pour en faire une sorte de synonyme de « politique sociale envers les classes populaires ».

Il n’y a d’ailleurs dans cet appel pas de véritable projet, mais une vague proposition qui se contente de dire « changer la vie » pour montrer la filiation à François Mitterrand en imaginant que cela suffise.

On l’aura compris, il ne s’agit pas d’une nouvelle organisation visant à changer le monde mais d’un rassemblement politique avec des vues électorales, et d’abord les prochaines Européennes. Cela était évident déjà vu la façon dont Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann ont quitté leur propre organisation le Parti Socialiste, en plein vote interne afin de la torpiller puisque leurs positions n’allaient pas être adoptées.

> Lire également : Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Mais franchement, quel sens cela a-t-il de jouer les vierges effarouchées par la désillusion de François Hollande, tout en disant que « depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme » ?

Pourquoi se réveiller maintenant à l’automne 2018, si ce n’est parce que c’est suffisamment tôt mais pas trop tôt non plus pour faire une alliance électorale à Gauche pour les Européennes ? Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann sont tous deux déjà députés européens et risqueraient de perdre leur mandat avec la déroute prévisible au PS, ceci expliquant certainement cela.

> Lire également : Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

Le contenu proposé n’est qu’un keynésianisme intéressé par les questions industrielles, mais ne relevant pas du mouvement ouvrier. C’est une organisation de Gauche de plus, appelant à l’unité certes, mais n’apportant rien de nouveau ni de vraiment concret qui justifierait la démarche autrement que sur le plan électoral.

Voici leur appel :

ap-res.fr/appeldelapres/

Appel de l’Alternative pour un Programme Républicain, Écologiste & Socialiste

Nous nous sommes engagés parce que nous voulions une société plus juste, une société plus libre, une société plus démocratique, parce que nous voulions agir pour améliorer la vie de nos concitoyens, au plus près d’eux évidemment, mais aussi plus largement porter des réformes qui mettent en œuvre un idéal révolutionnaire – Liberté, Égalité, Fraternité – pour changer la vie. Longtemps, il nous est apparu que le PS était le parti capable de transformer le réel dans ce sens. Nous constatons comme beaucoup d’autres avec tristesse et regret qu’il a cessé de l’être.

Depuis 25 ans, la social-démocratie européenne a peu à peu cédé devant le Libéralisme cessant de résister devant les multinationales et les intérêts privés des groupes financiers. Pendant quelques années, le socialisme français a semblé moins atteint par la dérive néolibérale initiée par Tony Blair. Las, le mandat de François Hollande a démontré qu’au pouvoir les dirigeants du PS avaient eux aussi abdiqué. On connaît les conséquences : des réussites ténues, mais une politique injuste socialement, inefficace économiquement, des écarts avec nos valeurs républicaines, une incompréhension puis un rejet par nos concitoyens, par le peuple de gauche. Nombre de dirigeants « socialistes » étaient prêts en 2017 à vendre leur âme pour un soutien du nouveau Président.

On aurait pu imaginer que le PS apprendrait de la double déroute présidentielle et législative : il n’en est rien… aucun bilan du quinquennat, aucune vision politique, l’inertie règne rendant incapable de parler au reste de la gauche et au mouvement social ou d’être entendus par les Français. La « Renaissance » promise aux militants ressemble à une glaciation.

Alors que la majorité de la social-démocratie européenne se montre au mieux ambigüe, au pire complaisante, envers le néo-libéralisme, les dirigeants nationaux du PS ont annoncé qu’ils se plieraient à ses choix pour son programme électoral et son candidat à la présidence de la Commission européenne. Ils refusent l’idée même de proposer à la gauche française de s’unir aux élections européennes, alors que la raison et l’urgence le commandent. Les mêmes logiques produiront les mêmes effets : compromissions avec les droites européennes et des promesses qui n’engagent donc que ceux qui y croient… la crédibilité s’efface devant la duplicité.

Nous, femmes et hommes de gauche, nous nous organisons pour que cela change.

Pour nous, la République, l’écologie et le socialisme sont une seule et même chose : la défense du bien commun.

Redonner force à la règle commune contre l’individualisme, protéger notre unique planète contre le productivisme, investir dans les moyens publics d’émancipation contre le libéralisme, tel est le programme. Comme toujours à gauche, il sera débattu et enrichi par tous ceux qui nous rejoindront autour de nos valeurs et de nos buts.

Il n’y a plus de temps à perdre dans la compromission désolée et la morne survie de chacun dans son coin. La résignation est une défaite, l’espoir est une première victoire.

Il est à nouveau temps de parler d’avenir.
Maintenant, c’est A.P.R.É.S !

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Politique

Les gilets jaunes : une colère juste

Le mouvement de contestation du 17 novembre, organisé par le Collectif des gilets jaunes est empreint d’une colère juste, celle d’automobilistes se sentant piégés par le gouvernement.

Gilets jaunes

Ce qui ressort de la grogne est que de nombreuses personnes ont opté pour l’achat d’un véhicule Diesel pour une question de moins de consommation de l’essence, par soucis écologique ; or maintenant il est dit que l’on va taxer le Diesel pour ces mêmes raisons !

Impossibilité pour les gens de changer de véhicule rapidement, cela coûte cher ! Impossibilité de passer au tout électrique, pas d’infrastructures développées ni de prix attractifs. Les gens se sentent bernés ! C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Cette colère mène à une revendication si forte et si épidermique qu’elle dépasse les réflexions d’ordre écologique. A gauche, nous devons entendre cette grogne et la comprendre.

Le mouvement social des Gilets Jaunes est un phénomène rare depuis ces dernières années. Il s’agit d’une mobilisation spontanée de groupes de personnes via un réseau social. Ces personnes ne dépendent ni d’un corps de métiers, ni de syndicats ou de partis politiques.

Nous les croisons et les reconnaissons tous avec leur gilet de sécurité sur le tableau de bord. C’est une mamie, une coiffeuse à domicile, un électricien, une mère, un homme, une femme, un jeune intérimaire. Rien ne les rassemble et pourtant ils ont tous en commun d’être obligés de se servir de leur voiture, quotidiennement.

Oui sans aucun doute, de nombreux petits entrepreneurs ayant répondu aux sirènes du libéralisme se plaignent de la hausse du carburant et feront partie de la mobilisation. Mais il y a aussi des personnes qui, dans des régions dépourvues ou mal desservies par les transports en commun ont fatalement besoin de leur voiture pour se déplacer !

Il est essentiel de prendre en compte cette donnée quand on essaie (et il le faut !) d’analyser ce mouvement : effectivement il y a des entrepreneurs, des personnes qui ne pensent pas à l’écologie, mais aussi des personnes dépendantes de leur véhicule motorisé, à moyen ou faible revenu qui ne peuvent faire sans.

Mettre en avant l’instrumentalisation par des sociétés privées ou des personnes politiques de la vindicte populaire est un manque évident de respect de la mobilisation des masses. Évidemment l’approche des Gilets Jaunes est confuse mais on ne pas en attendre plus ! L’état actuel de l’avancée du capitalisme fait que l’individualisme est à son zénith.

Comment des personnes forcées à réfléchir à être différentes et devant chercher à se définir par leur orientation sexuelle, peuvent réussir à s’unir dans une perspective commune ?

Pourtant les gilets jaunes sont dans le mouvement et cela doit être mis en avant car c’est le mouvement interne du changement du capitalisme, preuve d’une mobilisation de masse qu’il va à sa perte. Lorsque l’on est à gauche, nous devons observer ce mouvement sans pour autant en attendre une envie de révolution, mais s’en réjouir tout de même !

A ce jour, le prix de l’essence est le problème principal de la population. « L’argent est le nerf de la guerre », cette citation est pour le mouvement des gilets jaunes l’étendard. A gauche, nous pouvons déplorer cette mobilisation qui ne va pas dans le sens d’une avancée écologique mais nous devons l’entendre et la comprendre comme une avancée de la décrépitude du capitalisme.

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Culture

Les absurdes accusations de racisme à propos de Kingdom Come: Deliverance

Le jeu Kingdom Come: Deliverance a été victime d’une campagne l’accusant de racisme sous prétexte qu’on n’y trouve pas de personnages « de couleurs ». Cette polémique est une sorte de postface ridicule après les débats hystériques autour du mot-clef #gamergate en 2014. C’est une illustration très précise de comment les positionnements postmodernes ont littéralement pourris le camp des progressistes de l’intérieur et brouillent les pistes par rapport aux réactionnaires.

Quand on est à Gauche, lorsque l’on parle d’une œuvre culturelle, soit l’on considère qu’elle fait partie du problème, c’est-à-dire des choses qu’il faut changer dans la société, soit l’on considère qu’elle va dans le bon sens, c’est-à-dire qu’elle fait partie des choses positives aidant le monde à être meilleure.

Si nous avons mis en avant Kingdom Come: Deliverance dans une comparaison au jeu Red Dead Redemption 2, c’est précisément selon cette considération que le premier va dans le bon sens contrairement au second qui représente tout un tas de choses négatives.

Rien que le fait d’avoir fait un jeu réaliste selon une trame historique précise et détaillée, avec une interface de jeu aboutie, profonde, est un marqueur progressiste. C’est une volonté d’appartenir au champ des productions culturelles qui élèvent le niveau, qui sont intelligentes, qui relèvent du savoir et pas de la consommation passive et improductive.

En l’occurrence, ce jeu vidéo ne relève nullement du mysticisme pseudo-médiéval comme on le voit souvent dans les jeux vidéos ou dans la littérature moderne avec des dragons, de la magie et des histoires rocambolesques négligeant totalement la vie du peuple. C’est au contraire une œuvre présentant un moment d’histoire, les prémices de la constitution de la nation tchèque.

Il présente de manière très fine et précise l’arrière-plan ayant mené à des grands bouleversements sociaux et culturels dans les années qui ont suivi en Bohème, avec l’avènement de la réforme religieuse sous l’influence du prédicateur Jan Hus. Surtout, il le fait du point de vue du peuple, en présentant des villageois et des féodaux locaux comme des acteurs historiques à part entière, avec leurs propres contradictions mais aussi leurs exigences complexes, leur rapport à la foi et aux fléaux de l’époque.

La première quête est d’ailleurs très intéressante, présentant un conflit typique de l’époque avec de jeunes Tchèques s’en prenant à un Germain, puis le père du héros que l’on incarne lui faisant des remontrances contre leur attitude brutale en expliquant qu’il faut savoir utiliser sa tête pour convaincre plutôt que ses poings. Il explique ensuite que l’Empereur Charles VI roi de Bohème était un souverain comme on en voit tous les mille ans, car il a bâti la moitié de Prague, de nombreux châteaux, construit un pont au-dessus de la Vltava, fondé une université, le tout sans partir en guerre.

On l’aura compris, rien de très « fachos » là dedans, bien au contraire. Seulement voilà, cela n’intéresse pas les postmodernes qui n’ont rien à faire ni du peuple, ni de l’Histoire.

Ils ne sont bons qu’à lancer des polémiques stériles en accusant à tort et à travers les gens de tous les maux, avec un catalogue d’« oppressions », de « phobies » et de « -isme » qu’ils agrandissent chaque jour.

C’est quelque chose d’absolument terrible, qui détourne sans-cesse des combats démocratiques pour les enfoncer et les noyer avec cette rengaine de l’« inclusion ».

C’est un phénomène très répandu aux États-Unis qui existe également en France. L’écriture « inclusive » en est le dernier avatar. Cela fait beaucoup de mal à la Gauche et contribue largement à l’éloigner des classes populaires, qui souvent ne supportent pas cela.

C’est précisément là que se situe le cœur de cette grande polémique dans le monde du jeu vidéo autour du mot-clef #gamergate en 2014. Tout un tas de gens se sont mis à critiquer des « Social Justice Warriors » devenus de plus en plus insupportables, imposant des points de vue universitaires par en haut, de manière non-démocratique.

Une histoire de copinage faisant scandale est à l’origine de l’emballement, mais cela n’était qu’un prétexte à une grande et virulente critiques des féministes postmodernes et de leur rhétorique « queer » et « LGBT », faisant le jeu des réactionnaires.

Cela a pris une telle ampleurs que des femmes et des afro-américains ont à leur tour affirmé le mot-clef #Notyourshield (pas votre bouclier), se sentant pris en otages par les postmodernes s’acharnant contre les « mâles blancs cisgenres ».

Le directeur créatif du jeu Daniel Vávra est connu pour avoir été un partisan actif du #gamergate, assumant donc cette critique des postmodernes. Il a été traité de «facho » car il disait beaucoup de choses à l’époque sur Twitter, comme :

« L’avenir de notre industrie [du jeu vidéo] est en jeu et les médias « progressistes » le détruisent avec leur récit plein de haine. »

Cependant, il n’est pas un « facho », et il a pu l’expliquer à des gens ayant pris la peine de l’écouter :

« La différence entre nous, apparemment, c’est que je me qualifie peut-être même de « progressiste », car nous essayons de réaliser beaucoup de choses sur lesquelles vous écrivez. Mais j’essaie d’y parvenir par différents moyens. »

Pourtant, ce sont précisément ces médias dit « progressistes » qui l’ont attaqué en disant qu’il y avait un choix raciste de ne pas « inclure » de personnages qui ne seraient pas « blancs » dans Kingdom Come: Deliverance.

En France, cela a été relayé par un article surréaliste du site Numerama qui conclue :

« Mais, s’il est effectivement possible que tous les habitants d’une aire de jeu de 9km² soient blancs, il serait peut-être judicieux d’assumer qu’il s’agit là d’un arbitrage créatif et non historique. Alors certes, être libre de s’exprimer, c’est aussi être libre de mentir — et d’en subir les conséquences. »

Cela n’a bien sûr aucun sens, ne sert aucune cause démocratique et présente d’ailleurs des « arguments » qui contredisent eux-mêmes la thèse du « choix » raciste.

Il est au passage complètement hallucinant de constater que ces gens de Numerama ne semblent même pas se rendre compte qu’ils sont eux-mêmes tous « blancs ». Sur les 27 photos de la page de présentation de l’équipe, on ne voit aucune personne de « couleur », alors qu’ils sont à Paris en 2018 et pas dans les campagnes d’Europe centrale en 1403.

Daniel Vávra a eu beau expliquer son point de vue à plusieurs reprises, cela n’a rien changé pour la simple et bonne raison que les accusations ne sont pas rationnelles.

Ses arguments sont pourtant tout à fait corrects, et suffisent pour n’importe quelle personne rationnelle à comprendre qu’il n’y a aucun racisme ni « choix » spécifique contre les gens de « couleur ». En voici un extrait issu d’un article très intéressant du magazine kotaku, pourtant à l’origine plutôt hostile à Daniel Vávra :

«Notre jeu n’est pas encore terminé, mais ces personnes savent déjà que ce sera raciste, car nous avons dit qu’il n’y aurait pas de gens de couleur dans la Bohême du XVe siècle »

« Peu importe que nous écrivions une histoire traitant de sujets très sensibles et controversés comme la haine entre les Tchèques et les Allemands, l’antisémitisme ou le fanatisme religieux. Peu importe que nous soyons le premier jeu sur la culture et l’histoire tchèques. Ce n’est pas assez ! Nous devons couvrir tous les problèmes de tous les peuples du monde avec ce jeu unique, sinon nous sommes très mauvais. Et c’est A – impossible, B – insensé, C – stupide. Cela m’a pris des années de stress, de travail acharné et de risques pour pouvoir enfin créer un jeu que j’ai toujours voulu faire et que je ferai comme je veux. Si vous voulez quelque chose, faites-le vous-même. Mais ce n’est pas aussi facile que d’aboyer sur les autres. »

C’est très bien répondu, et pas du tout raciste.

En fait, c’est précisément la polémique contre Kingdom Come: Deliverance qui relève du racisme. C’est une hystérisation des questions ethniques, une focalisation raciste sur la couleur de peau des gens.

Le point de vue progressiste est au contraire de dire que cela n’importe peu : une femme « noire » n’aura aucun mal à se reconnaître dans le personnage du jeu même s’il est un homme « blanc », car l’histoire de l’humanité est une et universelle.

Il suffit d’ailleurs simplement de regarder la jeunesse dans ses rapports sociaux habituels et simples pour comprendre tout de suite que la couleur de peau est une chose vraiment pas importante dans la vie de tous les jours, ou en tous cas pas plus que la couleur des cheveux et des yeux.

Le plus terrible dans cette affaire est que les postmodernes, qui ne sont pas des progressistes, se sont focalisé sur la question des gens de « couleurs » et sont passé à côté de ce qu’est réellement ce jeu, de sa charge anti-réactionnaire et de sa dimension universelle.

Ils n’ont pas vu cette scène d’une grande tendresse avec un chien lorsque le héros retourne dans son village ravagé au début de l’histoire. Ils n’ont pas été capables de remarquer cette référence très subtile dans la quête du monastère au grand penseur persan que fut Avicenne, dont un livre est caché dans une armoire par des fanatiques religieux qui ne veulent pas qu’il soit lu.

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11 novembre 1918 : comment Emmanuel Macron n’a pas parlé d’Octobre 1917

Dans son discours lors de la cérémonie du centenaire du 11 novembre 1918, Emmanuel Macron a fait comme tous les journalistes et historiens : il n’a pas mentionné les révolutions russes de février et d’Octobre 1917, qui ont ébranlé la première guerre mondiale.

Emmanuel Macron

Pour faire court, rappelons de manière sommaire les faits. Les empires étaient très faibles, de par leur base moyen-âgeuse, l’Autriche-Hongrie et la Russie étaient incapables de mener la guerre, de par leur intendance lamentable, la faiblesse de leur appareil d’État bureaucratique, etc. La Russie s’effondre avec la révolution démocratique de février 1917. Mais le gouvernement veut continuer la guerre et il est lui-même renversé à l’initiative des bolcheviks de Lénine en octobre 1917, avec le mot d’ordre « pain paix liberté ».

La Russie sort alors de la première guerre mondiale. Qui plus est, comme le drapeau rouge flotte sur le Palais d’Hiver, c’est la panique générale dans toutes les bourgeoisies européennes. Si la guerre continue, que cela se passe mal, n’y a-t-il pas les risque d’un soulèvement général ? La Gauche, brisée par la guerre et intégrée dans les institutions, ne risquent-elles pas de renaître à travers une désobéissance générale ?

Cette peur était accompagnée, effectivement de nombreuses mutineries, de protestations toujours plus nombreuses de la part des soldats. La guerre s’enlisait, la fièvre nationaliste s’était lassée dans les tranchées, les massacres dans les affrontements ne modifiaient pas réellement les lignes de front.

Il fallait donc en terminer la guerre coûte que coûte et c’est l’intervention américaine qui va être décisive, alors que l’Allemagne n’était plus en mesure de pouvoir assurer l’intendance de sa propre armée pour très longtemps. C’est pour cela que la guerre fut terminée d’un coup, sans aller jusqu’à Berlin. Il fallait se débarrasser de la guerre, le plus vite possible, couper court à toute rébellion et faire en sorte que le soulagement de la fin de la guerre se transforme en joie apolitique, sans conséquences pour le régime.

Le silence d’Emmanuel Macron est révélateur de ce qui est masqué. D’ailleurs, les médias et les historiens ne sont-ils pas restés silencieux pareillement au moment du centenaire d’Octobre 1917, un événement qui a pourtant ébranlé l’histoire du monde ?

La manière dont ce silence s’est déployé est révélateur de la hantise, encore aujourd’hui et avec raison, des bourgeois devant le spectre de la révolution sociale, et plus exactement du socialisme, qui représente leur antithèse exacte.

La mobilisation populaire organisée, assumant la gestion du pays, voilà ce qui est leur grande peur. D’où la nécessité de vanter l’État, d’infantiliser les gens, d’effacer les expériences historiques de véritable démocratie, de nier la possibilité même pour le peuple d’être lui-même l’État.

L’État ne pourrait exister que par en haut, au moyen de quelques milliers de spécialistes, en collusion avec les grandes entreprises. Un État par en bas, comme l’État des « soviets », des « comités », n’est même pas présentée comme une absurdité, mais comme une impossibilité, et comme il y a eu une expérience historique, il s’agit de ne pas en parler.

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Week end de mobilisation pour le mouvement des Gilets jaunes

Ce samedi, la mobilisation des Gilets Jaunes a débuté à 6h et s’est terminé dans la soirée. Les chiffres officiels sont de plus de 2 000 rassemblements pour plus de 280 000 manifestants. Des blocages ont été organisés à des péages et des parties d’autoroutes ont été la cible du mouvement comme l’A62 et l’A68 dans le sud est du pays, ou l’A4 (où un péage a été fortement dégradé) et l’A31 dans l’est… Ils ont ainsi été très nombreux et présents partout en France, que ce soit autour de grands axes ou de petits rond-points.

gilets jaunes

Ainsi, le mouvement des Gilets jaunes a été une véritable mobilisation. Cela en dit long sur la nature de la France, qui d’un côté fait face à la cherté de la vie, et résiste, mais de l’autre ne voit la société qu’en termes de gains et de pertes.

Il n’y a aucune mentalité politique, et encore moins une réflexion sur la nature du monde. Pourtant, comment un tel mouvement sera-t-il compris, dans 10 ans, alors que le réchauffement climatique sera vu comme une catastrophe comprise trop tardivement?

Cependant, il faut bien saisir que la révolte des automobilistes est aussi une révolte contre l’automobile. Car la place qu’a prise cette dernière apparaît intenable. Les Gilets jaunes veulent assurer son utilisation, mais leur protestation pose en même temps, de par l’ampleur de la crise, la preuve de sa fin.

Le fait que les gens puissent prendre à tort et à travers la voiture n’est pas tenable écologiquement et c’est valable même quand c’est nécessaire. Par conséquent, il va falloir un monde où l’on peut se passer de la voiture, même pour les choses nécessaires.

Ce que cela veut dire, aussi, c’est que les Gilets jaunes sont des protagonistes d’une chose qui les dépasse. Les esprits critiques diront de manière juste que leur démarche est erronée, que le problème ne se pose pas ainsi. C’est vrai. Mais les Gilets jaunes ne posent pas le problème, ils assument d’être le problème.

Ils ont cherché d’ailleurs justement à s’interposer, les blocages ont été leur manière de revendiquer leur existence. Et là ce n’est pas erroné, il y a la dignité. Celle de l’automobiliste, prolétaire, qui fait le plein et compte ses sous pour cela.

Paradoxalement, les Gilets jaunes qui sont apolitiques sont donc politiques, leur mépris de l’écologie a une grande portée écologiste, si l’on voit en leur réalité la grande crise du capitalisme tant sur le plan de la vie quotidienne et de son prix, que de celui de l’écologie.

Et l’ampleur de leurs initiatives, son caractère décentralisé et national, reflète bien la densité de cette crise, son ampleur, sa vigueur dans les tréfonds de la société.

Bien plus que les zadistes, minorité ayant choisi de contourner les problèmes, les Gilets jaunes reflètent une volonté de combat. Et il faut avoir conscience que ce combat, dans les conditions actuelles, a toutes les chances d’être dévié en soutien au fascisme, à moins que la Gauche assume sa position historique de vouloir établir le Socialisme.

> A lire également : Les gilets jaunes, la révolte pour et contre l’automobile ?

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Société

Les gilets jaunes, la révolte pour et contre l’automobile ?

Les Français sont bien souvent obligés de prendre leur voiture. La cherté toujours plus marquée de cette nécessité provoque une rancœur s’exprimant à travers les « gilets jaunes » entendant organiser des blocages ce 17 novembre 2018. C’est un système intenable qui s’ébranle de l’intérieur.

La vie quotidienne en France est difficile voire impossible sans voiture pour beaucoup de gens. Aller au travail, à l’hôpital, au supermarché, voir sa famille, au restaurant, en discothèque… Tout cela n’est réalisable en pratique qu’avec une voiture, à moins d’habiter dans une grande métropole, et même là les infrastructures de transport sont souvent défaillantes. Cela est particulièrement vrai pour les personnes âgées ou handicapées, ou encore quand on a des enfants.

C’est qu’à partir de la relance du capitalisme dans les années 1950, la voiture a été considérée comme le vecteur du nouveau mode vie. Ce qui a primé, c’est la route, depuis les autoroutes jusqu’aux rocades et au périphérique parisien, ce dernier étant une insulte terrible sur le plan architectural.

Or, ce n’est aujourd’hui plus tenable. La voiture est devenue une prise d’otages. Elles sont de plus en plus technologiques, avec des réparations coûtant toujours plus cher. Le contrôle technique est devenu récemment bien plus pointilleux et si la sécurité a du bon, tout le monde a bien compris que tous ces progrès servent surtout de complications et de levier pour arracher plus de profit.

À cela s’ajoute les incessantes augmentation du prix de l’essence, censées être justifiées par la hausse des prix du pétrole, sauf que les baisses ne se font jamais ressentir.

Inacceptable pour un ressentiment déjà présent et c’est de là qu’émerge le mouvement des gilets jaunes, qui reprend les codes des révoltes françaises anti-fiscales. L’exaspération contre les prix des carburants prend ici une tournure politique, qui a même ébranlé le gouvernement, qui cherche à tout prix à empêcher que cela fasse tâche d’huile.

C’est que le gouvernement est porté par des classes sociales profitant de la mondialisation, vivant plutôt dans les centre-villes, faisant des affaires et voyant en l’Union Européenne une perspective de paix et de développement. Les gilets jaunes sont quant à eux typiquement portés par les artisans, commerçants, petits-bourgeois travaillant de manière plus ou moins indépendante, vivant dans les marges du grand capitalisme et avec toujours une épée de Damoclès sur la tête. Ces gens peuvent gagner beaucoup, ils peuvent vite tout perdre aussi.

Et là dans leur peur, la question de la voiture est absolument vitale ; sans elle, c’est toute leur existence sociale qui est en jeu. Les gilets jaunes sont un mouvement de survie sociale de certaines couches sociales intermédiaires.

Leur réaction interpelle forcément tout le monde qui plus est, parce qu’en France jusqu’à très récemment, l’utilisation de la voiture était banale sur le plan des dépenses, malgré son prix. Tout cela a changé, il y a la fois colère et incompréhension. Et c’est aussi pour cela que les gilets jaunes représentent quelque chose de plus qu’une volonté de baisse des carburants. Ils reflètent l’attraction et la répulsion des gens pour leur propre mode de vie.

D’un côté, ils sont obligés de vivre avec ce qu’il y a, et donc ils exigent de pouvoir le faire comme ils l’ont toujours fait. On bascule ici aisément dans le romantisme d’extrême-droite avec le « c’était mieux avant ». Les gilets jaunes formulent d’ailleurs de manière ouverte surtout la volonté de pouvoir continuer à faire comme ils l’ont toujours fait avec leur voiture.

De l’autre, les gens savent que ce n’est pas tenable, que le découpage des villes et des campagnes est une catastrophe sur tous les plans, que l’utilisation de la voiture, incontournable, n’est qu’un pis-aller. Qu’il y a des problèmes partout : l’absence de postes, de crèches, de banques, de magasins, d’hôpitaux bien sûr. Que les loisirs sont compliqués à aménager, que la pollution se généralise, qu’il y a une dégradation générale du cadre de vie.

C’est en fait le capitalisme qui se ratatine sur lui-même, la crise climatique étant l’expression du caractère devenu absurde du mode d’organisation de l’humanité. Les gilets jaunes représentent une rébellion contradictoire par conséquent : ils veulent vivre comme avant, mais ils expriment le fait que cela n’est plus possible.

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Politique

La première guerre mondiale, les républiques, les empires

Marine Le Pen a affirmé il y a peu que les empires, et non les nations, étaient responsables de la guerre. C’est un discours parallèle à celui d’Emmanuel Macron sur l’unité européenne contre les nations, dans le sens où cela témoigne d’une course à la puissance, au renforcement dans le cadre d’une éventuelle guerre pour le repartage du monde.

Marine Le Pen

Il y a quelques jours, Marin Le Pen a expliqué qu’Emmanuel Macron aurait tort de dénoncer le nationalisme comme cause de guerre. Selon elle, la première guerre mondiale aurait été provoqué par les empires, non par les nations. Et selon elle encore, Emmanuel Macron serait justement partisan d’un empire, l’empire européen, ne pouvant conduire qu’à la guerre.

A l’arrière-plan, on retrouve beaucoup de choses. Marine Le Pen reprend le thème classique comme quoi seuls les empires – l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, voire la Russie – auraient été les forces motrices de la tendance à la guerre. Sauf que la Grande-Bretagne était alors un empire, et que qui plus est la France l’était aussi, en tant que « République » étant un empire colonial.

La France de la première guerre mondiale n’était pas un État national, mais un empire multiculturel ne sachant pas comment faire pour maintenir son emprise, oscillant entre universalisme avec intégration de tous et demi-apartheid.

Il y a également chez Marine Le Pen la seconde idée qu’une France non alliée à l’Allemagne tirerait davantage ses épingles du jeu, alors que les États-Unis et la Chine vont à la confrontation. Une « république » avec une base sociale contrôlée serait plus sûre, plus à même de manœuvrer, qu’une France intégrée dans une Union Européenne centralisée dans sa direction par une tête franco-allemande.

Ce qui revient à cette idée malsaine, fondamentalement malsaine, de placer son pays sur l’échiquier géopolitique des affrontements mondiaux, de raisonner uniquement en termes de partage et de repartage du monde.

Il ne faut pas ici se voiler la face, une partie importante des Français raisonnent déjà ainsi, expliquant que « les Chinois vont nous bouffer », qu’il existe un complot américano-sioniste, que Merkel veut un grand Reich allemand de nouveau, ou bien encore que seule l’Union Européenne peut relancer la France dans la course mondiale.

Un raisonnement du même type explique que l’écologie ne sert à rien en France, car seuls les États-Unis et la Chine compteraient si on s’intéresse à ce domaine.

Le problème de fond est que la France a été une très grande puissance, qu’elles est affaiblie, mais encore très puissante. Il y a donc un complexe et souvent la volonté de la grenouille de se faire plus grosse que le bœuf. Il y a un sentiment inacceptable de perte de puissance impérialiste, qui provoque des réactions épidermiques nationalistes.

Tout cela accumulé risque de transformer le pays en cocotte-minute nationaliste, avec des fractions politiques s’affirmant pour ou contre l’Union Européenne, mais toujours avec comme seule perspective le renforcement de la France.

Jean-Luc Mélenchon, qui ne critique jamais l’armée française comme institution et appelle la France à développer économiques les zones océaniques qu’elle contrôle, est un bon exemple d’une telle variante, ici sociale-impérialiste, c’est-à-dire sociale en parole, impérialiste dans les faits.

Cela n’est pas gai et ce sentiment de frustration impérialiste peut nous péter à la figure, tout comme le ressentiment italien a été marquant après 1918, dans un pays victorieux mais à qui la victoire n’a rien apporté, à part cette impression d’être une puissance de seconde zone.

On sait comment est le patriotisme français, hautain au point d’accepter une critique éventuelle de gens d’autres pays, mais de mauvaise foi et prompt au nationalisme. Il y a là une bombe à retardement culturel.

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Politique

Place publique de Raphaël Glucksmann : les bobos veulent sauver leur peau

« Agir pour lutter contre le réchauffement climatique et préserver le vivant. Agir pour empêcher que la montée des inégalités ne disloque nos sociétés. Agir pour endiguer la vague identitaire et autoritaire qui s’abat sur nos démocraties. Agir pour construire une Europe démocratique, solidaire et écologique. Agir pendant qu’il est encore temps. »

Place publique, Libération

En soi, c’est là agir pour que rien ne change. La société tangue, l’économie capitaliste perd de sa stabilité, le nationalisme se renforce brutalement : c’est de plus en plus la panique pour les classes moyennes intellectuelles habituées à un certain confort, et surtout une certaine tranquillité.

C’est bien là le sens de l’initiative de l’intellectuel Raphaël Glucksmann de fonder un nouveau mouvement politique, dénommé Place publique, dont les lignes citées plus haut forment le début du petit manifeste.

Rien que le nom du mouvement souligne comme il se doit le côté à la fois populaire et démocratique attendu, sans marqueur historique de gauche pour autant (« socialiste », « communiste », « parti », « gauche », etc.). Ce qui fait qu’on se demande obligatoirement pourquoi un nouveau mouvement serait nécessaire, alors que cette perspective est déjà par exemple celle de Génération·s de Benoît Hamon ou d’Europe Ecologie Les Verts.

Ces deux derniers mouvements ont d’ailleurs immédiatement pris contact avec Place publique et ils avaient déjà, par le passé, demander à Raphaël Glucksmann d’être sur leurs listes pour les prochaines Européennes. Il a préféré tenter sa chance seul, suivant ainsi son profil carriériste, sa logique de bobo s’appropriant l’espace public.

Le profil des autres principaux membres est évidemment tout à fait parallèle à celui de Raphaël Glucksmann : Jo Spiegel, maire de Kingersheim, est un ancien socialiste adepte de la démocratie participative, Diana Filippova qui est chef d’entreprises appréciant les nouvelles technologies et les logiques de Think tank, Thomas Porcher est un économiste « hérétique » opposé au libéralisme économique, Claire Nouvian la fondatrice de l’association Bloom opposé à la pêche en eaux profondes.

Ces gens s’imaginent qu’il suffit d’avoir de leur expérience et des choses à dire pour s’inscrire dans l’histoire. Alors qu’il s’agit simplement de bobos étrangers au peuple, cherchant à défendre leur existence en niant le capitalisme et en prétendant que, actuellement, la France verrait sa « démocratie kidnappée par des lobbys qui dévoient chaque jour un peu plus nos institutions ». Le fait que le premier meeting se déroulera à la mi-novembre à Montreuil en Seine-Saint-Denis va de paire aussi, puisque le bas-Montreuil est devenu un important bastion des bobos cette dernière décennie.

On imagine très bien qui sera présent, quant on voit qui l’appel de Place publique présente comme les acteurs véritables de notre époque :

« Coopératives paysannes sur les circuits courts, associations se battant pour préserver les solidarités sociales ou lutter contre les discriminations qui défigurent la République, tiers lieux réinventant l’espace public, collectifs œuvrant à un accueil digne des exilés ou s’opposant aux projets climaticides, élus locaux mettant en place la démocratie participative, ONG luttant contre l’évasion fiscale, tous essaient, à leur niveau, d’infléchir le cours des choses. »

Autant dire qu’il s’agit là, comme EELV et malheureusement de Génération·s, de quelque chose n’ayant aucun sens historiquement. La petite-bourgeoisie, ici intellectuelle a peur de se prolétariser, et a peur de la bourgeoisie en même temps. Inexistante dans le fond, car n’étant que le sous-produit du développement du capitalisme dans toute son ampleur, la petite-bourgeoisie veut sauver sa peau, prétend définir l’actualité, maintenir le statu quo. C’est déjà condamné par l’histoire.

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Culture

Le capitalisme désthétise la vie

Le verbe désesthétiser n’existe pas en français, il est pourtant nécessaire. Car à l’ancienne bourgeoisie, gorgée d’esthétisme et de prétention au raffinement, s’est substitué une bourgeoisie avide de consommation superficielle, d’apparence onéreuse mais sans goût.

Bruegel - La Tour de Babel
Bruegel – La Tour de Babel

Auparavant, la bourgeoisie était d’un haut niveau culturel, et c’est vrai il y a peu encore. Les bourgeois étaient élevés, à défaut d’être bien élevés, éduqués avec un haut niveau, un esprit particulièrement aiguisé. C’était vrai il y a plus de cent ans quand les bombistes anarchistes comme Ravachol ne voyaient plus de solution à part le nihilisme, comme dans les années 1980 où la Droite profitait de cadres intelligents, ordonnés, tout à fait cohérents.

Quelle différence avec la vulgarité d’un Nicolas Sarkozy, les rodomontades d’un François Fillon ou le populisme stupide d’un Wauquiez. Même Emmanuel Macron s’avère finalement sans véritable fond intellectuel ni moral, sans expression littéraire et esprit d’envergure.

Cela est propre à toute une époque, celle où le capitalisme va tellement loin qu’il porte son joug non seulement sur les attitudes et comportements de la vie quotidienne, mais aussi sur la vie intellectuelle elle-même, asséchée au plus haut niveau.

Van Eyck - Arnolfini
Van Eyck – Les Époux Arnolfini

La stupidité domine dans la bourgeoisie, et donc dans la société ; l’appréciation pour l’art contemporain n’est pas du mauvais goût, mais pas de goût du tout, et voilà pourquoi cette appréciation ne pénètre même pas les masses, tellement c’est vide. La bourgeoisie pouvait faire passer le message comme quoi l’insipide Victor Hugo, le fade Parnasse, le prétentieux impressionnisme, le laid Picasso avaient du sens : au moins il y avait quelque chose à voir. Désormais, il n’y a plus rien.

Il va de soi que cette désthétisation – encore un mot n’existant pas – de la vie n’est pas un phénomène historique nouveau ; on l’a connu dans les années 1920-1930 déjà. Il prend cette fois des proportions et une profondeur bien plus d’envergure pourtant, de par la domination totale du libéralisme, qui amène à tolérer tout et n’importe quoi, pire à l’accepter, à le reconnaître.

Les frères Le Nain - L’Heureuse Famille
Les frères Le Nain – L’Heureuse Famille

Les rares rebelles ne vont d’ailleurs pas dans le sens de l’esthétisme, mais simplement dans le banal de la laideur, du vulgaire. Il y a ceux basculant dans le LGBTQ+ et se modifiant eux-mêmes au lieu de transformer le monde, en cherchant à être le plus baroque possible afin de se donner une preuve d’exister. Il y a ceux tombant dans un Islam rigoriste qui est une insulte culturelle à la civilisation islamique, son architecture et sa poésie, sa philosophie et sa science.

Il y a ceux tombant dans une extrême-droite se prétendant renouveau et traditionnel en même temps, mais qui ne connaît rien à l’héritage culturel français et est au futurisme ce que les punks à chiens d’aujourd’hui sont aux punks de 1980.

Ilya Répine - Les Bateliers de la Volga
Ilya Répine – Les Bateliers de la Volga

Dans ce panorama de la desthétisation, même les villes ne sont plus des villes. Soit elles se vident en leur centre, soit elles avalent leur environnement en perdant leurs cafés, leurs salles de concerts, leurs lieux culturels, bref aux dépens d’un asséchement complet au profit du sens de la propriété.

Déjà qu’il n’y avait pas grand-chose, désormais on tombe dans le vide, le creux, le néant culturel. C’est le règne de la laideur au nom du refus du Beau.

Mucha - Slavnost svatovitova na rujane
Mucha – Slavnost svatovitova na rujane

Dans un tel contexte, si les artistes ne sombraient pas dans la facilité, l’esprit du lucre, l’appât du gain facile en se vendant à la post-modernité, s’ils assumaient le peuple et l’héritage culturel de ce peuple, seraient un outil essentiel de la réaffirmation du socialisme.

Lorsque la classe ouvrière va se replacer sur la scène de l’histoire, il faudra immédiatement aider ce processus, afin que le socialisme puisse dès le départ souligner sa proposition historique comme développement de la culture, des arts et de la littérature, ce grand rétablissement du sens de l’esthétique.

John William Waterhouse - La Belle Dame sans Merci
John William Waterhouse – La Belle Dame sans Merci
John Collier -Marion Collier (née_Huxley)
John Collier -Marion Collier (née_Huxley)
John William Waterhouse - Hylas et les Nymphes
John William Waterhouse – Hylas et les Nymphes

 

 

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Politique

Les « gilets jaunes », colère populaire ou réaction populiste ?

Il est difficile de savoir si les blocages de samedi 17 novembre auront un véritable impact tellement les « gilets jaunes » semblent être un mouvement divers et diffus. Bien qu’il y ait une exaspération certaine dans les classes populaires contre le prix des carburants, qui relèvent de la vie chère en général, il y a aussi une méfiance envers ce qui semble être un mouvement d’automobilistes défendant des intérêts d’automobilistes ne voulant pas changer leurs habitudes.

Gilets jaunes

Le diesel doit augmenter de 6,5 centimes par litre et l’essence de 2,9 centimes par litre à partir du 1er janvier prochain, ce qui s’ajoute aux multiples augmentations, fiscales ou marchandes, de ces dernières années.

Cela est un bouleversement car en France jusqu’à très récemment, prendre sa voiture était un acte tout à fait banal, sans qu’il y ait vraiment l’impression que cela coûte quelque-chose. Mise à part les trajets domicile-travail qui sont plus facilement identifiables, on peut dire que la plupart des gens n’avaient pas l’impression de spécialement dépenser de l’argent quand ils prenaient la voiture pour aller se promener, se rendre au sport, faire les courses, visiter de la famille à une heure de route, etc.

Tel est de moins en moins le cas pour la plupart des familles qui ont de plus en plus conscience du prix de chaque kilomètre parcouru. C’est un changement profond qui concerne la vie quotidienne, ou plus précisément le mode de vie.

C’est précisément sur ce point que s’est exprimé le chef du gouvernement Édouard Philippe en justifiant les prix :

« J’entends parfaitement la grogne, le mécontentement parfois, la colère aussi qui peut s’exprimer, mais je dis aujourd’hui comme je l’ai toujours dit qu’il n’y a pas de solution magique au problème du dérèglement climatique. »

Ajoutant que :

« Il faut pouvoir inciter nos concitoyens à changer un certain nombre de comportements qui sont problématiques du point de vue des équilibres environnementaux. »

Nous sommes en effet confrontés à ce problème majeur que d’un côté le capitalisme a tellement façonné le territoire et les habitudes selon ses intérêts que la population est très dépendante de l’automobile et de l’autre on ne sait que trop bien l’insoutenabilité que cela représente pour la planète.

Il y a donc deux aspects.

L’aspect le plus important est que ce modèle de société organisé autour de l’automobile n’est pas acceptable et devra disparaître le plus tôt possible.

Partant de là, il apparaît compliqué de soutenir la revendication de consommer plus de carburant, ou du moins plus facilement. C’est d’autant plus vrai que « les gilets jaunes » ne représentent pas des gens pauvres au sens strict du terme, qui par exemple se rendent aux « Restaurants du cœur » ou font appel à l’assistance sociale pour payer la cantine des enfants, car dans ce cas les préoccupations sont toutes autres.

On peut même dire que ce mouvement porte en lui en grande partie le point de vue de gens pas forcément très riches, mais n’en ayant pas grande chose à faire de la planète, roulant en SUV ou en grosse cylindrée, faisant de leur automobile un fétiche.

Quel sens cela a-t-il en effet de réclamer une baisse du prix des carburants pour des personnes qui ne sont pas capables de marcher dix minutes ou faire cinq minutes de vélo pour aller chercher leur pain ?

On peut en dire de même des artisans, peut-être pas tous mais une majorité d’entre eux qui râlent contre ce coût incompressible mais ont en fait une conduite très consommatrice, ne respectent pas les limitations de vitesses ni les autres usagers de la route avec leurs camions ou camionnettes.

Il faut bien voir qu’il y a à l’arrière-plan de ce mouvement des « gilets jaunes » une grande frustration depuis la limitation de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire en juillet dernier. C’était une « colère » erronée, soutenue par les populistes, acceptable d’aucune façon quand on est à Gauche.

On ne peut pas négliger cependant ce second aspect qui est que les classes populaires n’ont pas vraiment le choix que de prendre leur automobile et subissent négativement la hausse du prix du carburant.

Cela est d’autant plus insupportable qu’on sait bien que malgré les discours, Édouard Philippe et son gouvernement ne font rien pour améliorer la situation, qui est de pire en pire.

Les premières mesures d’un gouvernement ne serait-ce qu’un minimum soucieux de l’environnement devraient être au moins de sur-taxée le carburant au-dessus d’une certaine cylindrée, d’interdire la publicité pour les SUV et les grosses voitures, d’abaisser la limitation de vitesse sur les autoroutes en renforçant les contrôles, de pénaliser les constructeurs ayants fraudés sur le diesel, de renforcer le réseau de chemin de fer et le fret ferroviaire, de réduire drastiquement le trafic aérien en taxant beaucoup le kérosène et en interdisant les compagnies « lowcoast », de nationaliser Total pour ne plus que ce soit une compagnie motivée par le bénéfice.

Dans ce cas, Édouard Philippe pourrait éventuellement augmenter les taxes et tenir ce discours de « c’est compliqué mais il n’y a pas le choix », puisqu’il y aurait des mesures générales visant à réduire la consommation de carburant autrement qu’en faisant payer les classes populaires autant (donc proportionnellement plus) que les plus riches.

Au lieu de cela, le Président Emmanuel Macron est une personne dont la première action politique connue avait été d’autoriser des compagnies de bus privées sur les routes pour concurrencer le monopole public de la SNCF. Le gouvernement d’Édouard Philippe a quant à lui, entre autre, autorisé Total à raffiner de l’huile de palme sur son site de La Mède.

Les classes populaires n’ont donc aucune confiance en eux pour avancer sur le plan écologique et sont naturellement exaspérées par le prix des carburants.

Les augmentations sont critiquables parce qu’elles ne s’inscrivent pas dans une politique de planification écologique des transports ni ne sont portées par une dynamique de fond dans la société pour un changement de modèle.

Les décisions sont prises par en haut, de manière unilatérale, avec ce sentiment légitime qu’il n’y a pas de considération pour la vie quotidienne et le mode de vie.

La question se posera samedi de voir dans quelle mesure la contestation aurait été populaire, ou simplement une réaction populiste à la marge de la société française.

Dans tous les cas cependant, cela n’aboutira à rien de positif sans une Gauche assumant le socialisme et la planification de l’économie, proposant des mesures drastiques, à la fois démocratiques et populaires mais aussi réellement efficaces pour inverser la tendance dans notre rapport à la nature.

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La cérémonie du 11 novembre 2018 et l’incohérence si française

La cérémonie du 11 novembre, avec sur les Champs-Élysées de très nombreux chefs d’État, est la preuve que la France est entièrement enserrée dans une idéologie à la fois républicaine et guerrière, chauvine et libérale. Une incohérence qui lui fournit cependant une vraie dynamique.

Cérémonie 11 novembre 2018. Emmanuel Macron.

Il est difficile de faire de la politique en France, car les Français sont incohérents. Ils sont plutôt contre le libéralisme économique, mais dans tous les cas pour le libéralisme politique et culturel. Ils sont opposés au nationalisme, mais pratiquent un chauvinisme maquillé en fierté de la « grande nation ». Ils détestent le système social américain, mais adorent Apple et McDonald’s, les films de gangsters et la course à l’argent.

Ils sont contre les impôts, mais pour la sécurité sociale. Ils sont pour les grandes idées et la culture, voire pour le communisme, mais pratiquent le cynisme, consomment des choses culturellement stupides, ne lisent plus de livres. Ils sont pour l’égalité hommes-femmes, mais acceptent le machisme « latin ». Ils sont contre le racisme, mais ne quittent pas le terrain des préjugés sur les autres peuples.

Quand ils sont catholiques, ils pensent que le pape peut dire ce qu’il veut et que cela ne change pas grand-chose ; quand ils sont juifs et musulmans ils pensent pareillement que c’est l’intention qui compte. Le Parisien adore les musées de sa ville, mais n’y va pas. Le Français râle contre chaque président, mais votera passionnément pour le prochain.

Toute cette incohérence fait qu’on ne sait pas comment s’y prendre pour aborder les Français, et Emmanuel Macron, qui se veut un grand modernisateur, tout étant un ardent défenseur de la chasse et des chasseurs, correspond à cette incohérence française.

La cérémonie d’hier du 11 novembre en dit beaucoup à ce sujet également. Les Français considèrent la première guerre mondiale comme une boucherie, mais en même temps ils acceptent sans broncher le discours républicain patriotique. Il suffit pour cela qu’il soit parlé de paix.

Les Français ont donc accepté et apprécié. Sur les Champs-Élysées, de très nombreux chefs d’État entouraient Emmanuel Macron, pour des petites cérémonies militaires, des intermèdes musicaux, des lectures de documents d’époque, etc. Ce sont des lycéens de Seine-Saint-Denis qui lisaient les documents, il y a eu un petit intermède musical d’Afrique, avec une femme en tenue traditionnelle d’un peuple de ce continent, Emmanuel Macron a vanté l’armistice : tout est parfait pour un confort national ouaté.

Qu’importe s’il a proféré le mensonge comme quoi la guerre de 1914-1918 était une bataille pour la patrie et la liberté, avec des gens du monde entier venant rejoindre les rangs de l’armée française, car « la France représentait ce qu’il y a de plus beau dans le monde ».

Tout cela ne compte pas, car les Français ont capitulé devant l’État et son appareil, son armée et son administration. Du moment qu’il est possible de râler, d’être mécontent, de recevoir des aides de l’État à certains moments, le contrat est signé et l’État peut faire ce qu’il veut.

Cette attitude n’a pas changé depuis 1914, il y a la même confiance méfiante en l’État et si l’État disait de nouveau : il faut la guerre, les Français donneront pareillement leur blanc-seing. Si c’est ainsi, c’est qu’il n’y a pas le choix, tout le monde n’est-il pas raisonnable ?

C’est exactement ce raisonnement qui a coulé la Gauche en 1914, qui était contre la guerre et l’armée, mais a fait confiance en l’État, considérant que l’administration et l’armée devaient forcément être raisonnables face à une telle crise.

Cette capacité à protester, râler, rager, combattre quelque chose, tout en faisant finalement tout de même confiance, en dernier recours, est la vraie caractéristique de l’attitude des Français. Tant que n’est pas brisée une telle démarche, la Gauche sera toujours engloutie dans les sables mouvants d’une République qui est un simple appareil de la bourgeoisie, dont la prétention humaniste et universaliste, raisonnable et généreuse, pour fausse qu’elle soit, hypnotise avec force, encore et toujours.

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Société

La première guerre mondiale, ce grand non dit en France

Malgré son importance et son caractère de boucherie générale, de militarisme et de fanatisme, la première guerre mondiale est considérée en France comme une petite période à part, dont finalement personne ne serait responsable.

Soldats français à l'assaut sortent de leur tranchée pendant la bataille de Verdun, 1916.

La première guerre mondiale a été une horreur, et surtout une horreur où les Français ont participé avec beaucoup de bonne volonté. Le patriotisme a été tellement généralisé qu’il n’y a eu aucune opposition à la guerre ; les socialistes de la SFIO et les syndicalistes de la CGT sont eux-mêmes passés dans le camp de l’affrontement.

On a beau jeu de dire aujourd’hui que les soldats sont partis la fleur au fusil, car ils pensaient revenir vite. C’est là un raccourci qui masque que, concrètement, tous les Français faisaient confiance à la « République », considérée comme critiquable peut-être, mais objective en ce qui concerne les questions générales.

C’est tellement vrai qu’il ne reste aucune mémoire de cela. Normalement, la guerre laisse des traces, en littérature, dans les films, dans la culture en générale. Non pas sous la forme générale de la guerre, mais dans le détail, dans le vécu, dans des anecdotes, des mémoires.

Or, là il n’y a rien. C’est comme si la guerre avait été celle de la République, qu’on a gagné en 1918, et que cela s’arrête là. Cela a d’autant plus été vrai que la guerre a été gagnée.

Le seul roman de grande valeur sur la guerre, c’est Le feu, journal d’une escouade, de Barbusse, mais il a été publié pendant la guerre elle-même. Il y en a eu d’autres et il y a également eu des films, cependant ils parlent de la guerre comme d’un phénomène comme un autre. Aucun ne touche sa dimension réelle : des millions de morts, une boucherie, la militarisation complète de la société, le fanatisme nationaliste, etc.

Même le roman de Barbusse ne le fait pas par ailleurs. Et après la guerre, la Gauche n’en parlera pas non plus, les socialistes étant trop heureux de faire oublier leur soutien, les communistes s’imaginant que la France commence en 1920 avec leur apparition.

Pourquoi tout cela ? Parce que la France a réussi à imposer la vision unilatérale que la seule responsable de la première guerre mondiale, ce serait l’Allemagne. Même pas d’ailleurs l’Allemagne impériale, non l’Allemagne tout court. La France a réussi ainsi à entièrement encadrer l’opinion publique, tout en donnant également des ailes aux nationalistes allemands, notamment les national-socialistes, sans parler des réparations énormes coulant la république allemande née des décombres de l’empire.

On a ici affaire à un véritablement problème, celui de la lecture historique et de la mémoire. Sans Gauche organisée, les idées l’emportant sont celles des classes dominantes, et celles-ci racontent les choses du passé selon leurs intérêts du présent.

La France est en réalité un pays coupable autant que l’Allemagne de la première guerre mondiale ; ce sont les banques, la grande bourgeoisie, les industriels liés aux fabriques de matériel pour la guerre qui ont poussé les choses jusqu’au point de non-retour, précipitant le pays dans la guerre.

Il y a ici une autocritique française à faire quant à la direction du pays. Une autocritique ne pouvant aboutir qu’à la conclusion suivante : c’est à la classe ouvrière, au prolétariat, de diriger le pays, en tant que classe, et non pas à une bourgeoisie prête à l’aventure militaire pour satisfaire ses intérêts, ses besoins de profit.

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Société

Il y a 80 ans, la Nuit de Cristal

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 se déroule la progromnacht, connue en France sous le nom de nuit de cristal. Il s’agit d’un véritable pogrom à l’échelle du 3e Reich entier.

Synagogue de Karlsruhe, après la nuit de cristal

Ce progrom a été présenté comme réaction spontanée à la mort du diplomate nazi Ernst von Rahm tué courageusement par un jeune juif allemand d’origines polonaises de 17 ans à Paris. En effet Herschel Grynszpan, tua un des secrétaires de l’ambassade nazi à Paris en s’écriant : « vous êtes un sale boche et au nom de douze mille Juifs persécutés, voici le document. ». Les nazis ont joué de cela pour lancer leur campagne antisémite de la Nuit de Cristal.

Ce sont pas moins de 200 synagogues détruites, plusieurs milliers de commerces saccagés pour la seule raison qu’ils étaient exploités par des personnes juives. Plusieurs centaines de Juifs sont tués par les barbaries nazies, d’autres se suicident ou décèdent des suites de leurs blessures.

Les nazis cherchaient un prétexte depuis quelque temps pour lancer leur projet antisémite et ont maquillé leur projet en une révolte populaire, comme le présentera Goebbels le 10 novembre :

« Je présente les faits au Führer. Il décide : laisser les manifestations se poursuivre. Retirer la police. Les Juifs doivent sentir pour une fois la colère du peuple. C’est justice. Je donne aussitôt les consignes correspondantes à la police et au Parti. Puis je fais un bref discours en conséquence devant les dirigeants du Parti. Tempêtes d’applaudissements. Tout le monde se précipite immédiatement sur les téléphones. Maintenant, c’est le peuple qui va agir. »

Les nazis ont organisé cette nuit là

Il y aura à la suite de la Nuit de Cristal plus de 20 000 déportations. Rappelons cependant, que la Nuit de Cristal n’est pas non plus spontanée chez les dignitaires nazis, et elle s’inscrit dans un véritable projet :

  • Le programme de 1920 du NSDAP stipule déjà que les Juifs ne sont pas des citoyens, car n’étant pas des « camarades de race ».
  • Dans Mein Kampf, Adolf Hitler parle à plusieurs reprises d’une « Allemagne sans Juifs », « libérée des Juifs ».
  • Il y a un lynchage ainsi qu’un boycott des Juifs avant même que le NSDAP n’arrive au pouvoir.
  • En 1933, des premières lois antisémites sont mises en places, jusqu’en 1935 où sont mises en places les dites « lois de Nuremberg ».
  • En 1937 est diffusé « der Ewige Jude » dans les cinémas allemands, l’année d’après les passeports des Juifs sont confisqués, leurs prénoms réglementés, etc.

Le déroulement de la progromnacht

Goebbels finit son discours à Munich en début de soirée puis les membres de la Stosstrupp Adolf Hitler se déchaînent contre une synagogue à Munich. Dans les heures suivantes, la plupart des villes et villages allemands sont atteints par le pogrom.

Dans certaines petites villes des SS se font passer pour des civils et assassinent des Juifs supposés influents. Dans certaines villes la population assiste à des autodafés. Les Juifs sont humiliés publiquement, on les force à baiser le sol en étant frappés, à danser, à chanter, etc.

Cette nuit fut d’une cruauté…

La grande partie des masses populaires allemandes eut un comportement passif.

Cela ne doit plus jamais se reproduire. Alors que l’antisémitisme se fait de plus en plus virulent à notre époque, il faut connaître et reconnaître ce qui s’est déroulé en cette tristement célèbre nuit du 9 au 10 novembre 1938.

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Politique

Le syndicaliste : « On réussit sans vous »

Les syndicalistes n’ont aucune perspective socialiste, car ils refusent de se soumettre à la Gauche politique. Les propos tenus à Maubeuge par un syndicaliste à Emmanuel Macron fournissent un exemple de plus de cela.

Emmanuel Macron

Dès qu’un syndicaliste l’ouvre, on sait que ce qu’il va dire va torpiller la Gauche. Car la prétention des syndicalistes est incroyable : ils pensent pouvoir mieux gérer que tout le monde, représenter réellement les salariés. Alors qu’en réalité, ils ont une petite minorité sans réel écho, à part pour le patronat qu’ils aident de toutes leurs forces.

Voilà pourquoi un syndicaliste de Sud, alors qu’Emmanuel Macron était dans une usine Renault près de Maubeuge, accompagné de PDG du groupe Carlos Ghosn, a réagi de manière critiquable :

Emmanuel Macron : « On est là tous ensemble pour réussir. »

Le syndicaliste : « On réussit sans vous. »

Ce discours sur la réussite de l’entreprise comme critère de la valeur des ouvriers, on le retrouve à la CGT comme à la CGT-FO, à SUD comme à la CNT ou à la CFDT. Car les syndicalistes ne raisonnent pas en tant que classes, mais en défense de « salariés », c’est-à-dire de gens employés par et pour les entreprises capitalistes ou l’État.

Le raisonnement est donc fait de l’intérieur du capitalisme, sans jamais le dépasser. Le syndicalisme n’a un horizon que totalement borné, et voilà la raison pour laquelle la social-démocratie allemande, au 19e siècle, était scandalisé des socialistes français qui se mettaient à la remorque de la CGT, alors que les syndicalistes doivent inversement être soumis à la Gauche politique.

Un autre propos du syndicaliste en dit long par ailleurs sur la mentalité restreinte, bornée de celui-ci :

« M. Macron, vous n’êtes pas le bienvenu ici. M. Ghosn se donne du mal. Mais avec l’augmentation de l’essence vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. »

Le syndicaliste a tout faux, il ne peut pas voir ni l’écologie, ni le rapport aux campagnes ; en syndicaliste, il veut juste aider à produire des voitures. Comme d’autres veulent plus de fermes-industrielles, de centrales nucléaires, de constructions d’autoroutes, etc.

On retrouve évidemment la problématique de fond : le syndicalisme voit des individus, qu’il compte défendre, il a perdu entièrement de vue la notion de classe. On dit souvent ici que la CFDT représente le syndicalisme le plus adapté à cette perspective individualiste : pas du tout, c’est la CGT-FO qui depuis le départ représente cette tradition, qui est par ailleurs la vraie tradition syndicaliste française.

La CNT n’est d’ailleurs qu’une forme radicalisée de la CGT-FO, la CFDT étant issue du syndicalisme chrétien devenue autogestionnaire puis moderniste, SUD étant un prolongement autogestionnaire de cette tradition CFDT. La CGT est quant à elle les restes des restes de la CGT produite par la vague du Front populaire, qui a obligé la CGT à s’unir et à soutenir celui-ci, avec une tradition d’ouverture à la politique avec le PCF des années 1930 et 1950.

Cela fait qu’au final, c’est le syndicalisme à la CGT-FO qui prend inéluctablement le dessus, comme syndicalisme des salariés, des individus. Et il ne s’agit pas de parler d’un syndicalisme de classe, dont le sens est flou ; ce qu’il faut exiger, c’est la soumission des syndicalistes à la Gauche politique.

Seule la Gauche politique a l’envergure pour faire avancer la société ; les syndicalistes doivent en faire partie, mais leur activité ne leur donne nullement la primauté, c’est à la politique que celle-ci doit revenir.

Sans cela, comme on peut le voir, les syndicalistes soutiennent les entreprises et l’État, diffusent l’apolitisme, ne servent en rien la cause du socialisme, de la classe ouvrière, de la population salariée.

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Politique

Un référendum en Nouvelle-Calédonie qui n’en était pas un

La Nouvelle-Calédonie a connu dimanche dernier un référendum sur l’indépendance : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».

Nouvelle Calédonie

Tout au moins en apparence. En réalité, tout était joué à la base même. Le colonialisme français en Nouvelle-Calédonie, à 16 000 km de la métropole, a bloqué toute perspective, afin de conserver le territoire, les zones réservées dans l’océan (1,4 million de kilomètres carrés de zone exclusive), ainsi que les 25 % des réserves mondiales de nickel.

En effet, les Kanaks ne sont plus qu’une minorité sur l’île, ils ont voté en masse pour l’indépendance, mais ils plafonnent à 43,6  %, ils sont bloqués par la majorité d’origine européenne, mais aussi wallisienne et tahitienne, ainsi qu’asiatique.

De plus tout le monde sait bien que dans le cas d’une indépendance, la situation est telle que le pays nouveau basculerait immédiatement sous la coupe de la Chine ou de l’Australie. Il y a des revendications anti-coloniales, mais aucune dynamique démocratique réelle, pour ne pas parler de dynamique pour le socialisme.

L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie n’apparaît donc que comme une aventure que, logiquement, dans tous les cas, la majorité ne veut pas essayer. Et en proposant l’indépendance telle quelle, les dirigeants kanaks ne font que servir l’inscription toujours plus prononcée de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Les indépendantistes du Parti travailliste et de l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE) ont d’ailleurs parfaitement compris la situation et n’ont pas participé au référendum. Ils ont tout à fait compris que tout était joué d’avance et n’ont pas manqué de le dire. Seulement ils font face au problème de fond, celui du grand choix.

Le grand slogan de l’USTKE est « usines tribus même combat ». Sauf qu’il va falloir choisir. Soit c’est le choix des tribus et alors la seule revendication possible va être identitaire et ethnique, en appelant à couper le pays en deux, puisque le nord est kanak, contrairement au sud où la colonisation de peuplement a pris le dessus. Ou alors en appelant à expulser les autres, comme l’a fait le FLN algérien, sauf que là ce sera matériellement impossible.

Soit c’est le choix des usines, de faire des kanaks, qui sont socialement marginalisés de manière très brutale, le fer de lance des revendications démocratiques, voire socialistes, mais cela signifie accepter la formation d’un peuple calédonien, dont les Kanaks seraient une minorité.

Or, de par l’idéologie racialiste diffusée par les féodaux et les courants universitaires post-modernes, le choix démocratique et socialiste n’a strictement aucun espace.

Cela fait que la principale force sociale, les Kanaks, ne soutiennent pas la cause démocratique, socialiste, et que donc forcément les autres composantes du peuple préfèrent se rattacher au colonialisme français.

On reconnaît ici, en arrière-plan, une question essentielle, celle de la priorité donnée à la Cause démocratique, socialiste, sur un « droit des peuples » abstrait qui n’a jamais eu sa place à Gauche. L’histoire n’est pas l’histoire des ethnies et de leur affirmation, mais celle de la lutte des classes.

Tant qu’il n’y aura pas une génération d’avant-garde saisissant cela en Nouvelle-Calédonie, il n’y aura aucune perspective, à part le triomphe du colonialisme français et un repli identitaire kanak basculant dans le romantisme réactionnaire.

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Politique

« A l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique »

Emmanuel Macron est très présent dans les médias à l’occasion du centenaire du 11 novembre 2018 et dans une interview pour Europe 1, il est encore revenu sur ce qui est bien un leitmotiv : l’armée européenne.

Emmanuel Macron

Cette fois, il nomme expressément les ennemis potentiels. Et fort logiquement, on trouve les États-Unis, car Emmanuel Macron représenter la bourgeoisie pro-européenne, à l’opposé de la bourgeoisie gaulliste, qu’il appelle de son côté les « nationalistes ».

Emmanuel Macron a la même idéologique que l’UDF, cette frange libérale et moderniste (Valéry Giscard d’Estaing, Simone Veil…), et s’oppose à l’idéologie qui était celle du RPR. L’alliance RPR-UDF qui a marqué plusieurs décennies est désormais impossible, de par le contexte international.

Être de gauche et ne pas voir cela, c’est soit tomber dans le piège des modernistes – qui a fonctionné impeccablement puisque Emmanuel Macron a siphonné une large partie des socialistes – soit rater qu’il se passe quelque chose d’extrêmement important dans la société française, une rupture au sein de la bourgeoisie, de l’État lui-même.

Regardons les propos d’Emmanuel Macron, qui sont incompréhensibles pour qui n’a qu’un regard schématique :

« Ces élections vont permettre de voir quels sont les projets européens. On ne protège pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne et si on a pas une Europe qui sache protéger ses entreprises, ses travailleurs face aux géants du numérique. »

« Nous avons besoin d’une Europe plus forte, qui protège. Il s’agit d’avoir conscience de ce que nous sommes et de ce que nous vivons : la paix et la prospérité dans laquelle vit l’Europe depuis 70 ans est une parenthèse dorée dans notre histoire. »

« nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique. »

« Une colère contre une Europe ultra-libérale qui ne permet plus aux classes moyennes de bien vivre. On a besoin d’une Europe qui protège les salariés. »

Emmanuel Macron a un vrai projet. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen veulent une armée française forte et interventionniste, Emmanuel Macron veut lui une armée européenne forte, car il pense qu’il faut passer à une autre échelle.

Il profite de la question de la paix avec le 11 novembre pour prétendre défendre celle-ci, alors qu’en fait il veut la constitution d’un nouveau bloc militaire dans le repartage du monde.

Cela fait de la question du militarisme une chose essentielle, car sinon on tombe dans un camp ou dans un autre, on en revient à soutenir un militarisme ou un autre, au lieu de défendre la paix. C’est au nom du refus du militarisme allemand que les socialistes ont soutenu l’Union sacrée en 1914, ce qui était une erreur grossière.

Et cela est d’autant plus important qu’on voit bien la dramatisation qui se profile pour les prochaines élections européennes, où apparaît déjà que tournent autour de 20 % tant les modernistes d’Emmanuel Macron que les nationalistes de Marine Le Pen, tous les autres étant loin derrière.

Il y a ici un moment de tension historique.