Catégories
Culture

« Civil War » : une bande dessinée comme fuite intellectuelle et morale

Écrit par Mark Millar et dessiné par Steve McNiven, la série de comics Civil War fait se rencontrer et se confronter l’ensemble des super-héros des éditions Marvel. Publiée en 2006-2007, la série a été considérée comme l’aboutissement de toute une étape de l’histoire des éditions Marvel et a par ailleurs donné naissance en 2016 à un film hollywoodien, Captain America: Civil War.

Le principe de l’histoire est le suivant : l’État américain a décidé au moyen d’une nouvelle loi de recenser et d’encadrer les personnes ayant des super-pouvoirs et, naturellement, en raison de leur libéralisme, toute une partie des super-héros refuse de se soumettre à ce décret « fasciste ».

Les partisans de la loi, regroupés autour d’Iron Man, traquent alors les opposants à la loi, regroupés autour de Capitaine America. La « guerre civile » divise les super-héros, amis ou membres d’une même famille et la série est un grand prétexte à dénoncer les oppositions d’idées au sein d’une société.

Le ton de la série Civil War de Marvel reflète ainsi très précisément celui de la chanson du même titre du groupe Guns N’ Roses, sur l’album Use your illusions II en 1991.

Assimilant guerre en général et guerre civile, la chanson revendique le refus de toute guerre quelle qu’elle soit : « Je n’ai pas besoin de ta guerre civile / Cela nourrit le riche alors que cela enterre le pauvre / Ton pouvoir qui a faim vend des soldats / dans une épicerie humaine ».

Pour cette raison, la bande dessinée fait comme Emmanuel Macron avec son « et… et… ». Tout le monde y a raison, avec des arguments solides, d’ailleurs il y a souvent des rencontres entre responsables des deux camps, ou des gens qui changent de camp.

La religion y a souvent sa place et le thème de la rédemption est permanent, au point d’être le socle de l’histoire. Tout commence en effet par l’intervention de super-héros filmant leur combat pour une émission de télé-réalité, des « super-vilains » faisant alors sauter un quartier pour s’échapper.

La culpabilité ronge alors certains, la fin de la série elle-même se fonde sur un super-héros triomphant mais cessant le combat pour changer de camp et expier ses péchés, etc. Ce qui n’empêche pas, parallèlement, d’avoir des femmes régulièrement déshabillées, avec des poses lascives, correspondant aux clichés du sexisme.

Cette dynamique du choix, reflété par le slogan de la série « Dans quel camp êtes-vous ? », est par ailleurs censé justifier cette aberration : des amis de longue date ayant sauvé le monde s’affrontent d’un coup de manière totale, quitte à s’appuyer sur des super-vilains criminels et assassins.

C’est tellement grossier comme idée qu’il a fallu que le scénariste introduise le personnage du « punisseur » comme sorte d’élément ramenant un équilibre, ainsi qu’un complot à l’échelle mondiale de « hydra », ce que reprendra plus particulièrement le film.

Cela signifie également que le dessin se fonde uniquement sur le spectaculaire d’un côté, une recherche graphique-esthétique lors des discussions de l’autre, le tout avec l’utilisation de la science-fiction la plus massive pour ajouter au pittoresque : les super-héros récalcitrants arrêtés sont placés dans la « zone négative », un « univers » parallèle.

Cela reflète une fois de plus à quel point les comics, de par leur culte de l’élitisme et de l’irrationalisme, relève d’une idéologie fondamentalement opposée à toutes les valeurs de gauche. Tout comme l’heroic fantasy et à l’opposé de la science fiction, le monde des comics invente des problématiques qui n’existent pas, dans des mondes qui n’existent pas, et qui ne sont pas tant imaginaires que sciemment construits sur l’irrationnel, le pittoresque, la négation de la société, une lecture purement individualiste et aventurière de la société.

Civil War est d’autant plus l’aboutissement de cela que les super-héros, auparavant séparés, prétexte à des lectures divertissantes, acquièrent une vie propre, devenant une réalité sociale au point de former une société parallèle, reconnue par l’État, ayant des liens avec celui-ci, avec l’actualité de la société américaine.

Civil War se veut résolument ancré dans la société américaine en général, dans la société américaine post-11 septembre en particulier. C’est un saut qualitatif : la réalité parallèle des comics a cédé la place à la confusion entre le monde réel et le monde virtuel des comics. C’est une fuite intellectuelle, morale, culturelle, entièrement assumée.

Catégories
Culture

Le film « Shoes » (1916)

Shoes est un film de 45 minutes tourné par Lois Weber, réalisatrice phare du cinéma muet, sorti en 1916. Il s’agit encore des début du cinéma, dont l’invention coïncide avec celle du kinétographe (considéré comme la première caméra) par Thomas Edison en 1891.

On y suit Eva, une jeune femme vivant chez ses parents avec ses trois soeurs, et travaillant dans une petite boutique pour subvenir aux besoins de sa famille.

L’histoire repose sur un enjeu très simple : son unique paire de chaussures est totalement usée, trouée, rafistolé avec du carton. Elle attend donc son salaire hebdomadaire de 5$ avec impatience pour s’en acheter une nouvelle paire. Seulement sa mère qui récupère l’argent refuse de lui donner ses 3$ comme prévu, puisque la famille n’a presque plus de quoi s’acheter à manger.

En parallèle à cela un homme aisé lui fait des avances, représentant la tentation de la corruption (ici la prostitution). Tout au long du film Eva tentera de résister à cela malgré la dégradation de sa condition.

Les enjeux sont donc simple et clair, et cela n’est pas sans rappeler les nombreuses luttes sociales du début du XXème siècle, qui avait  souvent pour base des détails de la vie quotidienne.

On est ici plongée dans une réalité terrible, où maintenir sa dignité semble impossible puisque d’un côté il faut nourrir sa famille et de l’autre pour continuer à le faire la seule solution semble être de se compromettre.

Émile Zola, dans Au bonheur des dames, avait également souligné cet aspect sordide de la vie quotidienne où les travailleuses sont dépendantes de rapports de force particulièrement violent.

La seconde figure masculine du film est celle du père, qui se complait dans une forme d’oisiveté malgré la détresse sociale de sa famille et de sa fille.

Le ton du film est résolument réaliste, à l’exception d’une scène qui tend davantage vers l’expressionnisme lorsqu’une main géante avec “POVERTY” inscrit dessus surgit du haut du cadre pour aller essayer de s’emparer d’Eva qui se morfond dans son lit.

On comprend évidemment pourtant le sens allégorique de cela. Le film se termine également avec ces deux panneaux :

This flower had not had a fair chance to bloom in the garden of life. The worm of poverty had entered the folded bud and spoiled it.

Ce qui en français se traduit comme suit :

Cette fleur n’a pas pu s’épanouir dans le jardin de la vie. Le ver de la pauvreté s’était introduit en elle et l’avait pourrie de l’intérieur.

Le second panneau dit :

Whatever happened, life must go on. Whatever boats are wrecked, the river does not stop flowing the sea.

Ce qui se traduit par :

Quoiqu’il arrive, la vie doit continuer. Des bateaux ont beau faire naufrage, cela n’empêche pas le fleuve de couler jusqu’à la mer.

La portée sociale de ces véritables petites sentences est évident.

Le film représente également évidemment un intérêt pour qui s’intéresse au cinéma, les restaurations de film des années 1910 n’étant pas si nombreuses.

Lois Weber est la première réalisatrice d’un long métrage et ose déjà une mise en scène très audacieuse avec l’utilisation de gros plans, de travelling, de plans en plongée et une direction d’acteurs moderne.

A noter que Shoes est disponible en ligne sur Arte+7 (ainsi que Suspense de la même Lois Weber) jusqu’au 7 avril.

Catégories
Politique

Textes d’orientation des socialistes Stéphane Le Foll et Olivier Faure

A la suite du premier tour des élections au sein du Parti socialiste, ce sont Stéphane Le Foll et Olivier Faure (celui-ci étant en tête) qui ont le plus de voix et seront présents au second tour, aux dépens de Luc Carvounas et Emmanuel Maurel. [Stéphane Le Foll s’est désisté dans la matinée.]

Voici leurs textes d’orientation respectifs. On remarquera que dans les deux cas, il est appelé à un Parti socialiste comme « fédération » des gens proches ou bien un  « parti-plateforme » ; la conception d’un parti comme organisation au sens stricte est abandonnée de manière ouverte et rejetée comme relevant du passé.

Cher.e.s camarades,
Le Mans, le 27 janvier 2017

Cher.e.s camarades, c’est à vous qu’il revient de décider maintenant. La défaite de 2017 met en cause notre existence en tant qu’organisation politique. Mais nos idées, nos valeurs sont toujours présentes, toujours d’actualité. Seule question : sommes-nous collectivement capables de retrouver la fierté, la lucidité, la confiance, en somme l’esprit de camaraderie ?

Cher.e.s camarades, nous devons retrouver la confiance en nous, mais aussi retrouver la confiance des Français.es, de nos électeur.ices.s que nous avons perdu.e.s. Les deux ne peuvent pas être dissociés. Car le renouvellement, comme notre adaptation en tant que parti, ne sont possibles que si nous sommes entendus par nos concitoyens. Dans le bouleversement électoral de 2017, l’affaiblissement des partis traditionnels est clair, celui du Parti socialiste acté.

Face aux défis que nous avons à relever rien ne sera possible sans une présence et une voix forte dans le débat public. C’est pour cela que j’ai décidé de me présenter devant vous, de solliciter vos suffrages sans chercher à masquer mon engagement, mes fidélités, ma loyauté à l’égard de François Hollande, ni mon expérience gouvernementale. Tout au contraire, je veux faire de mon histoire, de mes engagements et de ma sincérité un atout pour nous relever tous ensemble.

Cher.e.s camarades, vous-êtes les seul.e.s juges, vous devez retrouver pleinement votre liberté de choix, loin, très loin des accords d’appareil, des signataires de listes de soutien, des réunions parisiennes souvent nocturnes ; c’est votre liberté, quels que soient vos territoires, vos engagements passés qui sont les clefs de notre réussite de demain. Pas pour un poste, pas pour une ambition personnelle, mais pour nous engager, ensemble, sur le chemin de la confiance et de la fierté.

Cher.e.s camarades, mon expérience et ma force de conviction seront utiles pour peser dans le débat face aux autres forces politiques, aux autres personnalités politiques, Jean Luc Mélenchon, Laurent Wauquiez, Marine Le Pen et les figures de la République en Marche d’Emmanuel Macron.

Ma fidélité à nos valeurs, c’est aussi une cohérence politique et une clarté qui nous ont fait défaut depuis plusieurs années. Jaurès disait que « seule la clarté est révolutionnaire ». Le quinquennat aura été miné par une division profonde, une opposition au sein même de la majorité qui aura fragilisé tout l’édifice.

Pire, cette fronde qui nous aura fracturés devant nos concitoyen.ne.s n’offrira, au bout du compte, aucune issue politique. L’échec de Benoit Hamon est celui de tous ceux qui ont cru qu’il était possible de créer une alternative politique au sein même de la majorité à laquelle ils appartenaient. Personne n’a imaginé tout simplement que les Français.es iraient logiquement chercher ailleurs cette alternative. Grave erreur dans un pays aussi politique que le nôtre et qui fait payer cher les divisions au sein d’un même camp, Lionel Jospin en 2002, lui aussi, en a été victime.

Mes cher.e.s camarades, les primaires telles qu’elles ont été conçues auront eu aussi leur propre logique de déstabilisation. Celles bien sûr de 2017 qui auront servi à éliminer plus qu’à choisir une candidature pour la victoire. Celles de 2011 qui auront laissé par son succès populaire, et c’est le grand paradoxe aux battus du premier tour, toutes les raisons d’espérer et de prendre leur revanche durant le quinquennat.

Ce fut le cas d’Arnaud Montebourg qui imposera d’ailleurs une nouvelle primaire, ou de Manuel Valls qui jouera, dans ses fonctions, un rôle de leadership sur une ligne politique pourtant minoritaire. Il faudra revoir complètement ce processus de désignation pour le rendre moins déstabilisant.

Cher.e.s camarades, cette décomposition ne peut pas se renouveler sans des risques, cette fois, de désagrégation. Car, dans une nouvelle majorité qui ne serait unie que sous la bannière du renouvellement sans vraie cohérence, sans solidité, sans véritable envie de partager une ambition collective, le risque de se diviser à nouveau sur de jeunes ambitions individuelles est grand. Il faut une orientation, un rassemblement autour d’une cohérence et une dynamique collective.

Cher.e.s camarades, je m’engage à rassembler et redonner confiance, en réformant notre fonctionnement, en renouvelant les équipes pour que dans deux ans, après les européennes et d’ici les municipales, nous ayons réussi à redresser notre image, nous ayons réussi à retrouver une place dans le débat démocratique. Ce travail est ma responsabilité, il doit permettre ensuite de lancer de nouveaux talents à la reconquête de notre pays et de nos territoires.

Mes cher.e.s camarades, il ne faut jamais laisser tomber le drapeau du socialisme disait François Mitterrand car il y aura toujours quelqu’un pour le reprendre. Oui, les partis peuvent mourir surtout quand ils sont mal dirigés.

Mais nos idées vivent, ce sont les flammes des esprits des hommes et des femmes pour le progrès, la solidarité, l’internationalisme, l’écologie, le refus du nationalisme, de l’enfermement et des réflexes identitaires. Nos idées vivent car il faut porter un espoir pour ceux à qui l’ordre du monde et des choses ne donnent plus d’espoir.

Nous devons faire vivre cet espoir car il doit être concret, inscrit dans la réalité du monde tel qu’il est avec un idéal, une ambition, sans radicalité mais dans l’exercice de la démocratie et de la République. C’est pour cela que nous sommes sociaux-démocrates, issus du socialisme français de Jaurès par le dépassement de la lutte des classes pour porter toute l’humanité.

Nous sommes les héritiers de Schœlcher, de l’aspiration au respect et à l’élévation de Senghor et de Césaire, de Montesquieu et de l’Esprit des lois, de Rousseau et de Voltaire pour sortir de l’ombre la liberté des Hommes, de Condorcet pour son esprit foudroyé par la passion irraisonnée, de Galilée à Buffon pour la planète, de l’esprit de résistance de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, du féminisme de Simone Veil, à Pierre et Marie Curie pour la science au service du progrès, de Molière à Picasso et de tous les autres pour toutes les créations artistiques.

Les socialistes se doivent de redécouvrir les Humanités, l’internationalisme en sortant de l’économisme, porter l’intérêt général de la planète toute entière. C’est aussi le message que nous devons faire passer lors de ce congrès. Comme le disait Jean Jaurès pour rester socialistes, nous ne devons jamais nous enfuir de l’humanité. C’est cela notre mission et notre devoir.

Une histoire entre fierté et lucidité

Fierté

Mes cher.e.s camarades, Jean Jaurès est à l’origine du socialisme français et nous devons en être fiers. Notre histoire est un long chemin avec des compagnonnages d’autres personnalités, d’autres forces  politiques sur la voie de la République. Nous sommes attachés à la liberté quel que soit l’espace dans lequel elle s’exerce : la presse, l’art, le  voyage, la pensée, la science, la conscience.

C’est pour cela que nous défendons notre attachement à la laïcité. C’est aussi la liberté d’entreprendre dans une économie de marché, acceptée, mais avec l’impérieuse obligation de réduire les inégalités pour répondre à cette belle aspiration d’égalité qui sommeille chez tous ceux qui sont les perdants, qui se sentent humiliés.

La fraternité, enfin, parce que les femmes et les hommes doivent toujours conjurer leurs tentations identitaires de repli sur soi, de rejet de l’autre et leurs pulsions violentes. Nous devons, plus que jamais, lutter contre les nationalismes qui fleurissent partout en Europe et dans le monde.

Mes cher.e.s camarades, c’est pourquoi nous pouvons être fiers de notre histoire. Blum, le Front Populaire et les fameux congés payés, la décolonisation, la deuxième gauche de Michel Rocard, celle du mouvement de la démocratie sociale et associative, de la décentralisation ; le projet européen et l’Euro, l’abolition de la peine de mort, la retraite à 60 ans pour François Mitterrand et Pierre Mauroy, les 35 heures, le Pacs avec Lionel Jospin,  le mariage pour tous, l’effort de redressement économique, la COP 21 et la conscience écologique avec François Hollande.

La lutte contre les inégalités, le féminisme, la liberté d’opinion, celle d’entreprendre et de produire, le maintien de notre modèle social, la démocratie, la vie associative et syndicale, l’écologie, l’engagement pour l’Europe sont le cœur battant de notre engagement et de nos valeurs.

Elles sont plus que jamais actuelles, modernes, elles ne demandent qu’à être défendues avec force. Nous devons être fiers de toutes ces avancées et de notre rôle démocratique dans la République et au service de la France.

Lucidité

Mes cher.e.s camarades, nous avons réussi à redresser la France d’une situation catastrophique laissée par Nicolas Sarkozy. Nous avons dû faire face à un contexte d’extrêmes difficultés économiques et budgétaires. Les déficits étaient lourds et il fallait prendre des décisions coûteuses politiquement à travers le sérieux budgétaire et la hausse de la fiscalité.

Sans ces actions courageuses, la France aurait été affaiblie économiquement et politiquement si nous avions suivi les tenants des « toujours plus de déficits budgétaires » pour retrouver la croissance. Nous avons fait des choix difficiles en pleine crise, sans remettre en cause notre modèle social. La preuve : les inégalités se sont même légèrement réduites, dans cette période. C’est unique en Europe.

Le dernier quinquennat s’est soldé par un échec sans précédent à un moment pourtant où les résultats économiques arrivaient, fruit de toutes les mesures prises et qui redonnent de la croissance et surtout des créations d’emplois.

Plus de 300 000 créations d’emplois en 2017. Il faut plus que jamais rester lucide et assumer le quinquennat pour tenter de se relever. Qui peut croire, sinon, que les Français.es reviendront vers nous ? Cela consiste à admettre que des choses ont été réussies et d’autres moins. Etre lucide c’est regarder notre échec honnêtement.

Ainsi, nous avons donné de la force aux entreprises pour endiguer des flots incessants de fermetures et de pertes d’emplois. C’était aussi nécessaire pour les ouvriers, les employés partout en France. Rappelons-nous simplement que PSA était moribond lorsque nous sommes arrivés et que l’entreprise s’est redressée de manière spectaculaire comme beaucoup d’autres entreprises.

Cher.e.s camarades, nous avons voté des avancées sociales importantes : le compte pénibilité, l’égalité femme – homme, combat qui doit se poursuivre, le mariage pour tous, le soutien à l’économie sociale et solidaire etc…

Nous avons également fait adopter deux réformes majeures : le départ à la retraite à 60 ans pour les carrières longues et le tiers payant. Autant d’avancées qui sont aujourd’hui remises en cause. Il est terrible de n’en prendre conscience qu’au moment où le Gouvernement Macron va les supprimer.

Ces mesures existent grâce à nous et elles sont essentielles pour les Français.es les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler tôt et les classes moyennes. Dans le domaine de l’éducation et de la jeunesse, nous avons créé plus de 55 000 postes d’enseignants tellement utiles dans certains quartiers et dans le monde rural. Nous avons fait du budget de l’éducation nationale le premier budget de la Nation.

Enfin, nous avons dû affronter le terrorisme et ses horreurs, la haine la plus vile, le risque de la déstabilisation du pays et de notre modèle républicain. François Hollande a fait face, a conduit la guerre à l’extérieur au Mali, en Syrie, en Irak ; il a renforcé les moyens de sécurité et de renseignement en France.

Face au terrorisme, il a préservé l’unité nationale et les valeurs de la République, il a avec Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira évité tout basculement dans le nationalisme et la haine.

La lucidité, c’est admettre les erreurs pour ne plus les reproduire. Sur la déchéance de nationalité je regrette le processus. J’étais au Stade de France le soir du 13 Novembre. J’ai participé au Conseil des ministres dans la foulée : ce soir-là, je ne savais pas ce qui allait se passer dans le pays. Cela pouvait aller très loin et très mal.

Être lucide c’est aussi admettre que la communication sur l’action du Gouvernement n’était pas bonne et le Président n’a pas assez valorisé ce qu’il a réussi à faire. Ensuite, il aurait fallu, dès le début, dire que la situation était très difficile et que le redressement des comptes publics prendrait du temps.

Ainsi, on aurait pu séquencer le quinquennat en deux temps, d’une part le redressement d’autre part la redistribution des efforts consentis. Autre erreur : cet objectif de « l’inversion de la courbe du chômage » a pesé sur tout le quinquennat pour arriver trop tard pour en tirer des bénéfices politiques.

On s’est également trompé sur la présentation du pacte de responsabilité qui n’est pas qu’une politique de l’offre mais une politique pour le travail et l’emploi dans l’entreprise. On s’est trompé en prônant aussi trop vite l’hypothèse de la reprise qui arrivera fin 2015-début 2016, en n’insistant pas assez sur la lecture sociale des mesures prises. Une erreur, enfin, de calendrier et de méthode a été faite avec la loi travail : présentée trop tard dans le quinquennat, sur le fond, cette loi aurait dû être dans le prolongement des lois Sapin et Rebsamen, enfin, l’utilisation du  49.3  était une erreur.

Cher.e.s camarades, pour être lucide il faut aussi acter que nos divisions, l’opposition résolue des frondeurs, auront coûté cher en donnant l’impression aux Français.es d’une incapacité à être cohérents et à rendre ainsi impossible toute valorisation de ce qui était fait. Tout a été brouillé par le bruit incessant de nos divisions.

Cher.e.s camarades, il faut maintenant se relever, sortir de cet état de choc et dans ce contexte politique nouveau face à la France insoumise et à la République en marche d’Emmanuel Macron, retrouver notre place et construire un avenir ensemble. Retrouver notre place, c’est être dans une opposition résolue sur les sujets qui sont pour nous des questions fondamentales.

La loi de finances votée par la majorité est une loi pour les plus riches avec des dépenses injustes et coûteuses pour l’équilibre de la dépense publique. Face à la réforme annoncée des retraites nous devrons nous mobiliser car le risque est grand de voir remis en cause les acquis sur la retraite à 60 ans que nous avons préservés et étendus aux carrières longues.

Mais notre opposition doit être intelligente et ne pas verser dans l’opposition caricaturale et systématique pour rester en phase avec nos concitoyens qui sont fatigués des querelles politiciennes. Pas non plus de caricatures et de positions qui nous placeraient dans le confort de l’opposition sans possibilité de les mettre en œuvre ensuite lorsque nous seront au pouvoir.

Cher.e.s camarades, cela implique plus que jamais de la cohérence politique et une vraie maîtrise de notre parole collective pour sortir enfin de la cacophonie. C’est notre responsabilité, c’est votre responsabilité de faire le choix de la clarté.  A nous de faire ce travail dans une cohérence politique nouvelle et solide en relevant les défis du monde d’aujourd’hui pour penser l’avenir et le progrès de demain, socialement économiquement et surtout écologiquement.

Enfin, je vous donne rendez-vous dès le mois de septembre 2018 pour un vote après des Assises des socialistes, pour construire un parti rassemblé, renouvelé, tourné vers nos concitoyens. En somme, une nouvelle organisation au service de la confiance.

Proposition sur les cinq grands défis pour demain

I – Le premier grand défi est celui de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique.

C’est parce que nous sommes internationalistes que nous avons à cœur de mener la bataille de la lutte contre le réchauffement climatique, de la préservation de la planète, de l’engagement pour la biodiversité.  Que reste-t-il de cet engagement si on le réduit à une planification nationale ? Rien.  Pire, si avec des discours nationalistes comme « l’Amérique d’abord » on refuse de prendre sa part de l’effort pour sauver l’humanité, que reste-t-il de cette lutte ?

Encore une fois : rien. L’écologie n’est plus une question politique nationale, elle est devenue un engagement international, « citoyens de tous les pays unissez-vous ».  Le marché ne peut pas résoudre ce problème. L’environnement nous coûtera cher lorsque nous serons arrivés à l’épuisement de sa propre capacité à se renouveler, c’est-à-dire trop tard.  Il faut donc agir vite.

La COP 21 fut le point de départ d’une conscience internationale. Sans la détermination de la France, avec une diplomatie ouverte, le succès n’aurait jamais été possible. C’est une leçon que certains à gauche et à droite oublient, ou ne veulent pas voir, en se drapant dans le confort de l’opposition, du jamais suffisant, jamais assez, donnant ainsi la mesure de leur incapacité à assumer des responsabilités qui imposent des compromis, surtout à l’échelle mondiale. La transition doit se faire vers une économie décarbonée, vers les énergies renouvelables, vers la bio économie et l’agroécologie, à travers l’intensification de l’énergie solaire et de la photosynthèse.

J’ai lancé l’initiative « 4 pour 1 000 » qui a pour but de stocker le carbone dans les sols, d’utiliser les arbres pour l’agroforesterie et permettre ainsi de diminuer le carbone dans l’atmosphère. N’opposons pas la lutte contre le réchauffement climatique avec la recherche du bien vivre et du confort : les deux sont possibles, encore faut-il inventer de nouvelles méthodes.

Le confort n’est pas l’ennemi de l’environnement, la croissance non plus à une seule condition : être efficace collectivement. C’est comme cela que l’on trouve les ressources et les gains de productivité nécessaires pour redistribuer différemment et poursuivre sur le chemin d’une croissance nouvelle que j’appelle « la croissance sûre », celle qui va permettre d’assurer la production de richesse durable nécessaire au progrès de tous, en particulier les perdants de la mondialisation.

Proposition : un grand forum sera organisé pendant les deux ans qui viennent pour construire les bases d’un modèle de développement durable et d’efficacité énergétique, sur le long terme, pour les vingt ans qui viennent.

II – Le deuxième défi est celui du destin de l’Europe

Je garde à l’esprit ce message de François Mitterrand lors de ses vœux à la Nation en janvier 1995 : « ne dissociez jamais la liberté de l’égalité. Ne séparez jamais la grandeur de la France de la construction de l’Europe. »

Notre internationalisme ne se pense pas, là encore, sans mesurer la réalité, celle de la puissance de la Chine, de l’Inde, du décollage inégal, mais réel de l’Afrique, du retour des empires russe et turc, de l’isolationnisme de l’Amérique de Trump. Mais aussi, des menaces qui mettent l’Europe à l’épreuve, celle du terrorisme, de la pression migratoire. Au fond l’Europe et la France sont au cœur des tensions et appellent plus que jamais de la force et de la solidarité dans les réponses.

C’est pourquoi, je ne crois pas à la fin de la social-démocratie en Europe, contrairement à d’autres. Elle doit s’affirmer au moment où les populismes et les nationalismes agitent les peurs, en défendant une Europe solidaire face au défi migratoire, solidaire en son propre sein et solidaire avec ses voisins.

Cela n’a de sens que si l’Europe s’engage dans une formidable action de développement, de stabilisation des pays de tout le pourtour méditerranéen et de l’Afrique. Il faut pour cela un budget européen avec une vraie recette financière. La taxe sur les flux financiers doit financer une grande politique de développement.

La finance au service du développement : c’est notre engagement. Avec le réchauffement climatique, l’Europe et la France doivent s’engager résolument dans un soutien au développement du grand continent africain. L’Europe doit aussi rester, elle-même, exemplaire en tant qu’espace de solidarité.

C’est pourquoi elle ne peut être laissée aux seuls tenants du marché et du commerce mais portée par des sociaux-démocrates déterminés à faire valoir la nécessité d’un budget européen favorables aux politiques de solidarités : fonds socio-structurels pour l’emploi et la jeunesse, l’éducation, la lutte contre la pauvreté, la politique agricole commune, la politique globale de l’énergie, du numérique et la culture.

Avec le Brexit, l’occasion est donnée d’avoir enfin un vrai budget européen avec des recettes propres par pays affectées au budget de l’Europe. Cette nouvelle recette européenne diminuerait d’autant les contributions budgétaires nationales et donc, pour certain pays, leur déficit budgétaire.

S’ouvrirait alors un vrai débat démocratique au sein de l’espace européen qui nécessitera une réforme profonde des institutions européennes au sein même du triptyque Conseil européen, Parlement européen, Commission européenne. Il s’agit de rappeler à l’Allemagne, comme l’avait dit Jacques Delors, que le marché unique ne tient que parce qu’il est complété par une solidarité forte.

Proposition : engager une convention sur l’Europe début octobre 2018 pour construire notre projet européen  de l’après Brexit avec un vote des militants pour engager la campagne des européennes.

III – La lutte contre les inégalités notamment patrimoniales est le troisième grand défi

La France et le socialisme ont une place par leur histoire et l’attachement qu’ils portent aux politiques publiques, à l’idée de l’Etat comme outil des solidarités, à l’acceptation de l’économie de marché mais pas à celle d’une « société de marché » où tout se vaut et tout s’achète comme l’avait dit Lionel Jospin. La question qui nous est posée c’est de réinventer des politiques de redistribution.

Dans de nombreux domaines nous devons inventer, innover repenser de nouveaux emplois. Je propose de réfléchir sur quatre principaux domaines pour créer de nouveaux emplois : l’écologie et la « croissance sûre »; la santé de manière globale et en particulier avec le vieillissement de la population, l’aide à domicile et les aidants; le développement de la vie associative et de l’insertion sociale.

Mais surtout, la culture qui sera à n’en pas douter une des activités majeures de demain, une activité de création à haute valeur ajoutée, mais aussi d’influence française en Europe et dans le monde. En somme, un vecteur de cette identité ouverte que nous défendons.

On ne doit pas en tant que socialistes accepter le dilemme absurde qui veut que les emplois nouveaux soient dans le numérique version start up « en marche » ou bien que le numérique soit lui-même la source de la fin du travail. Le travail est un accomplissement et une dignité pour ceux qui ont peu, il doit-être réinventé mais nous devons réaffirmer notre attachement à cette valeur.

Car contrairement à ce que pensait Benoit Hamon, ce ne sont pas les élites qui ont rejeté le revenu universel, il a été inventé par elles, mais bien les milieux populaires et les classes moyennes qui y voyaient là une forme d’injustice entre ceux qui seraient payés « sans travailler » et ceux qui gagnent le SMIC à temps plein. Perçue comme injuste cette mesure nous a couté politiquement lors de la dernière présidentielle.

La lutte contre les inégalités est le cœur de notre mobilisation dans les années à venir. L’ONG Oxfam a publié une étude qui confirme le creusement des inégalités,  82% de la richesse produite a été captée par les 1% les plus riches dans le monde. Ce n’est plus tolérable.

Ainsi depuis plusieurs dizaines d’années, les sociétés industrialisées, modernes connaissent une accélération de la concentration patrimoniale et l’accroissement des inégalités. Les 10% des Français.es les mieux dotés en patrimoine concentrent près de 50% du patrimoine brut des ménages quand les 10% les plus modestes n’en détiennent que 0,07%.

1% des mieux dotés rassemblent quant à eux 16% de la richesse totale.  Il y a vingt ans, les 500 premières fortunes de France détenaient 6 % du PIB, aujourd’hui elles en détiennent 24 %. En 2018, les inégalités patrimoniales sont 20 fois plus fortes que les inégalités de revenus.

Le rapport entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres va de 1 à 7 en matière de revenus, il va de 1 à 138 quand il s’agit de patrimoine. L’enjeu c’est de mettre en place des politiques publiques qui permettent de lutter contre ce processus de concentration patrimoniale. Dès 2016, j’ai initié une réflexion sur cette question avec la Fondation Jean Jaurès (https://jean-jaures.org/nos-productions/la-nouvelle-dynamique-patrimoniale-trois-patrimoines-pour-renouer-avec-le-progres).

Sous le quinquennat précédent, les prémices d’une politique nouvelle ont été ébauchés avec la fiscalité égale entre le travail et le capital, la prime d’activité qui vient compléter les salaires autour du SMIC, forme la plus aboutie du revenu universel en le liant au travail, la revalorisation des minima sociaux, les aides à l’accès au logement et à la propriété, à l’efficacité énergétique et à l’économie énergétique.

Ma proposition concrète face à cela : donner à la jeunesse un capital de départ pour se lancer dans la vie et des politiques de redistribution patrimoniale en consacrant 1% de notre richesse à cet objectif. Cela permettra d’assurer une dynamique nouvelle de sécurité pour l’avenir et de réduction des inégalités.

C’est là que se joue, pour la France et les socialistes, la combinaison entre l’enjeu international et celui de la redistribution nécessaire pour redonner des perspectives aux perdants de la mondialisation mais aussi pour permettre à la jeunesse, dans toute sa diversité, de renouer avec l’espoir. Les mesures fiscales prises par le gouvernement et votées par l’actuelle majorité vont accentuer cette concentration, vont accélérer même ce processus de concentration, ce qui est le contraire de ce qu’il fallait faire.

Lutter contre les inégalités c’est aussi reprendre la longue marche des socialistes pour l’égalité. Egalité entre les femmes et les hommes : le féminisme est un combat de tous les instants et nous aurons collectivement à faire des efforts, y compris au sein de notre famille politique, pour l’égalité femmes – hommes et pour bannir et prévenir tous les comportements, toutes les attitudes en désaccord avec nos valeurs.

Nous devrons aussi consolider la parité, pas seulement en termes numériques, mais en termes de responsabilités : autant de femmes que d’hommes aux responsabilités stratégiques. Egalité aussi avec la PMA : le débat a eu lieu, le Conseil de bioéthique a rendu un avis positif, il faut maintenant le faire rapidement.

Proposition : lancer une vaste convention juste après les européennes sur les nouvelles redistributions et les évolutions des formes de travail et de protection sociale pour combiner solidarité, économie et écologie.

IV – Le quatrième défi est celui de la laïcité

La France, par son histoire et ce qu’elle vient de vivre avec les attentats, est une cible privilégiée du terrorisme et d’une sourde, mais bien réelle, offensive idéologique de contestation de notre modèle Républicain. La laïcité est, plus que jamais dans cette période de troubles, un enjeu face à tous les extrémismes religieux. On ne transigera jamais sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

La contestation radicale du modèle Républicain et occidental par un soi-disant retour à une origine des textes, n’est autre qu’un mouvement identitaire de plus qui doit être dissocié de l’islam, qui a toute sa place dans la République, comme toutes les autres religions. La démocratie dans la République est redevenue une question avec l’émergence des réseaux sociaux, des interconnections mondiales, de la liberté qu’elles procurent mais aussi des risques qu’ils offrent de diffusion de fausses informations, d’attaques insidieuses, d’expressions brutes et brutales, dangereuses exacerbation des passions.

Proposition : mise en place d’une nouvelle école de formation des socialistes avec un enseignement spécifique sur la laïcité, son histoire et son actualité.

V – Le dernier défi est celui de la démocratie dans la République

L’exercice du pouvoir selon Emmanuel Macron nous amène à réfléchir sur l’équilibre des pouvoirs et sur les principes démocratiques sur lesquels cela doit s’appuyer. Nous devons à nouveau porter un projet démocratique avec trois grands engagements fondamentaux. Premièrement, un nouvel équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif en renforçant la place du Parlement. Cela doit conduire à maintenir le nombre de député.e.s et à proposer non pas une dose de proportionnelle, mais un retour à la proportionnelle de 1986, par listes départementales.

Deuxièmement, préparer une nouvelle étape de la décentralisation pour rapprocher la décision des réalités locales pour ancrer l’économie et le social dans une démarche territoriale avec du pouvoir réglementaire dévolu aux collectivités locales. Enfin, renforcer la démocratie sociale en revenant sur les dispositions des ordonnances qui remettent en cause la présence des syndicats dans les entreprises et en inscrivant dans la Constitution le principe de la démocratie sociale.

Les socialistes, dans l’histoire de la gauche française, ont permis cette synthèse entre la première gauche et la deuxième gauche, entre celle qui revendiquait le primat du politique sur tous les acteurs et celle qui pensait le réformisme comme une mise en mouvement de la société toute entière. Cette belle synthèse c’est notre identité dans ce début de XXIème siècle au sein de la gauche. C’est ce qui nous différencie de la France insoumise et c’est pourtant ce qui fait que nous sommes la gauche.

Proposition : Les élus de la FNESR avec les militants seront chargés au lendemain des Européennes de préparer une convention sur les territoires et la décentralisation avec un vote des militants fin 2019.

Un parti rassemblé, renouvelé, tourné vers nos concitoyens.

Une nouvelle organisation au service des militants pour retrouver leur confiance et celle des Français.e.s

Ce congrès doit-être le vôtre et doit redonner la voix des militant.e.s de base loin des manigances et des accords de sommets.

Notre Parti s’est délité tout au long de ce quinquennat sans qu’il n’ait pu trouver sa place dans le débat démocratique. Il est traversé par des clivages anciens, les primaires de 2011 non cicatrisées, dont les plaies se sont infectées durant l’exercice de la responsabilité, ce qui n’était encore jamais arrivé. La fronde aura ainsi porté sur la place publique un débat, qui était jusqu’alors confiné aux moments réservés des débats de congrès.

Ce congrès est celui d’une remise à flot, une clarification de l’identité dans le contexte nouveau que nous connaissons. Il ne sera pas, à lui seul, la solution du rebond, de la reconstruction, mais doit poser les bases du redressement. A ce titre, il ne peut pas être l’objet d’une querelle de chapelles, de postes ou de conflits de génération. L’enjeu c’est le projet pour l’avenir de la gauche et la préparation des échéances à venir.

Le rôle de ce Congrès sera de voter pour un.e premier.e secrétaire et rassembler en renouvelant les équipes, les méthodes et en intégrant de manière plus significative et directe l’avis des militant.e.s en les sollicitant de manière régulière. Maintenant, c’est à vous de décider.

Le Congrès doit se dérouler en toute clarté sur des textes simples sans multiplier les options, les égos, les postures. Nous devons nous atteler à relever le défi de l’Europe en 2019 et surtout les élections locales en particulier les municipales. Voilà la mission d’ici 2020. Il y aura ensuite une seconde phase qui ira vers 2022.

Pour l’avenir, les socialistes doivent devenir un espace de débat et d’adhésion sous de multiples formes. Notre parti doit être un outil pour fédérer des forces et commencer à concrétiser l’idée d’une fédération souple de différentes sensibilités autour des socialistes. Cette fédération des socialistes, démocrates écologistes et européens a vocation à rassembler par le débat des sympathisants issus de différents horizons. On doit, sur ce sujet du rassemblement, tirer toutes les conséquences de la dernière primaire.

La BAP, conçue par Jean-Christophe Cambadélis comme une rampe de rassemblement, aura fonctionné le temps de la désignation. Moment trop court et pas suffisamment engageant pour la suite de la campagne. Les primaires, à ce titre, ne sont plus acceptables dans leurs formes actuelles car elles ne construisent pas le moyen de créer une dynamique de rassemblement.  Je propose, à travers des temps de débats plus longs et de créer un processus de désignation plutôt qu’un débat de désignation. Les inscriptions seront préalables au vote pour sortir de l’effet d’aubaine de votes au dernier moment qui dénature tout le processus.

Notre parti doit se repenser dans ses structures et ses formes de débats. Ses structures, en repensant notre organisation, en préservant ce qui reste solide, c’est-à-dire les fédérations qui doivent continuer à s’organiser avec un conseil politique départemental regroupant l’ensemble des militants et un exécutif mettant en œuvre les décisions et préparant les activités politiques et électorales.

Il faut revoir nos structures pour les adapter à chaque réalité territoriale. Nos sections, représentant l’unité de base de notre parti, doivent être renforcées en s’adaptant aussi aux nouvelles réalités territoriales (intercommunalités, des métropoles, des régions) afin de mener nos combats politiques avec plus de forces tout en gardant une proximité et un ancrage total avec le terrain. Elles devront permettre l’adhésion avec deux types de cotisations.

Celles des militant.e.s et celles des sympathisant.e.s à l’occasion de débats qui pourront être ouverts à d’autres formations. Des plateformes numériques pilotées par les fédérations et les nouvelles sections seront ainsi développées partout. Le vote, quel que soit le débat, sera électronique et l’initiative des débats ne pourra venir que des militants avec des modalités à définir. Les militant.e.s ont donc une prérogative exclusive : le droit d’initiative politique et le choix final.

Proposition : l’ensemble de ces pistes devront être débattues dans le cadre d’Assises des socialistes qui débuteront dès la fin du congrès.
Mes cher.e.s camarades, le congrès n’est pas une fin en soi mais bien au contraire un point de départ essentiel pour notre avenir. Je vous propose le calendrier suivant :

2018 – 2020

Première phase (avril – aout 2018) : engager une première convention sur notre organisation, le nom du parti et son fonctionnement.  Changer les modalités de vote avec les votes électroniques, ouvrir des plateformes nouvelles de débats, des territoires d’organisation nouveaux : intercommunalités, métropoles, régions. Cette première phase doit se terminer à la fin de l’été 2018 avec à La Rochelle autour de nos élus et de la FNESR un point d’étape avant une convention et un conseil national pour adopter après le vote des militants l’ensemble de notre nouvelle organisation ;

Seconde phase (2018-2019)tout aussi essentielle sera la préparation des européennes avec le lancement d’une vaste réflexion sur l’Europe et une première application des nouvelles règles de débat internes et ouvertes aux sympathisants. Fin février 2019 : adoption du projet et des listes ou de la liste nationale ;

Troisième phase(2019-2020) : lancement de deux grandes réflexions avec une nouvelle convention, un conseil national pour la préparation des municipales avec l’adoption d’un programme commun. Dans le même élan un grand débat sera lancé sur l’analyse des inégalités en France et en Europe et les moyens de la lutte contre les inégalités ainsi que la question des nouvelles formes de redistribution.

2020-2022

Quatrième phase(2020-2022) : préparation des élections Présidentielle et Législatives. C’est-à-dire la phase 2020 – 2022 avec trois grands objectifs : Mise en œuvre d’une fédération de la gauche de gouvernement ; Forme nouvelle de désignation pour l’élection présidentielle ; Plateforme de gouvernement de la France en Europe et d’engagements diplomatiques.

Ainsi nous aurons deux étapes pour reconquérir notre électorat perdu et rassembler la gauche, écologiste et sociale de gouvernement.

*
*   *

C’est ce que je crois être l’enjeu de cette période de débat qui s’ouvre, où se joue l’avenir de notre force politique. Chacun doit y réfléchir, surtout les militant-e-s, ces fidèles de l’engagement socialiste, ceux qui ont passé les épreuves des défaites et les joies des victoires, vous toutes et tous que je connais si bien. C’est à vous de prendre la parole et de redonner un destin et un avenir à notre belle histoire politique, à nos idées.

J’ai conscience que la tâche ne sera pas facile mais si j’ai choisi Jaurès pour l’avenir c’est parce que nos idées restent bien présentes en France et à l’échelle européenne. Nous ne serons plus les préparateurs fébriles du grand soir mais les bâtisseurs des alternances démocratiques qui font avancer toute la société et qui donne un espoir concret à ceux qui l’ont perdu. Mes cher.e.s camarades c’est à vous de choisir.

Stéphane Le Foll

Voici le second texte d’orientation pour le second tour.

Socialistes, Le chemin de la renaissance.

« Ne dissociez jamais la Liberté de l’Egalité. Ne séparez jamais la grandeur de la France de la construction de l’Europe ». François Mitterrand, vœux à la Nation, 31 décembre 1994

Cher(e) camarade, Nous nous présentons devant toi rassemblés pour conduire ensemble la renaissance du Parti Socialiste. Nos combats et nos valeurs restent d’actualité. Si nous voulons prolonger cette histoire nous devons profondément changer : changer nos pratiques et notre organisation, inventer un nouveau Parti Socialiste, mais aussi inventer de nouvelles réponses face aux inégalités et aux injustices sociales, aux défis du futur pour la planète et pour l’humanité. Nous sortons d’une déroute historique qui nous a collectivement ébranlés. La sanction a été sévère.

Nous pourrions la penser injuste, d’abord pour tous les militants et pour les élus locaux et nationaux qui se sont donnés corps et âmes à leur mandat. Mais les citoyens arbitrent et font des choix. Si les Français nous ont désavoués, c’est parce qu’ils ne discernaient plus notre capacité à répondre à leurs attentes et à exercer efficacement le pouvoir.

La politique a horreur du vide et d’autres offres sont venues occuper l’espace que nous avions abandonné. Mais la défaite de 2017 n’est pas que conjoncturelle, elle vient de loin ; elle n’est pas une parenthèse, aucune bulle n’éclatera pour rétablir le paysage politique antérieur. Nous devons reconquérir notre place.

A quoi doit servir notre congrès? Ce congrès n’est pas encore celui du projet. Personne ne croirait que nous allons refonder notre doctrine en quelques mois et qu’une motion y suffirait. Nous devons prendre le temps d’écouter les Français et de travailler sérieusement. Ce congrès doit ouvrir un nouveau cycle, qui conduira à notre renaissance. Aubervilliers doit être le point de départ d’une nouvelle aventure collective et entamer un processus de reconstruction idéologique, programmatique, organisationnelle, avec un préalable : le premier changement à opérer c’est celui des comportements.

Aubervilliers doit être le congrès de la confiance entre nous et de la fraternité retrouvée. La confiance d’abord : les années passées ont mis à rude épreuve notre solidarité. Ce qui doit être clair, c’est que désormais, celles et ceux qui participeront à la reconstruction doivent s’engager à le faire dans la loyauté. Nous ne demandons pas aux camarades d’où ils viennent, mais où ils vont. On ne peut pas être et dedans et dehors. Chacun doit avoir le courage d’assumer ses convictions – toutes sont légitimes- mais le Parti Socialiste est le parti des Socialistes.

La fraternité ensuite : démontrons notre envie du travail commun, retrouvons le goût de militer ensemble, le plaisir de débattre en respectant ensuite la décision collective. Il n’y a pas de force en politique sans solidarité.

Quels sont nos objectifs sur les trois prochaines années? • Incarner dans le pays une opposition de gauche crédible et responsable, une gauche à la fois de gouvernement et de transformation sociale. Il y a une gauche radicale qui n’est pas de gouvernement et un gouvernement qui n’est pas de gauche.

• Rassembler notre famille politique, aujourd’hui dispersée, et redevenir en voix le premier parti de gauche à l’issue du cycle électoral 2019-2020-2021. •

Passer des combats au projet et être prêts, en 2021, à proposer à nos concitoyens une nouvelle ambition et une vision de l’avenir. Nous n’avons pas vocation à être une opposition parmi les autres mais à devenir l’alternative. Dans un monde nouveau, celui de la transition écologique, de la mondialisation, du capitalisme financiarisé, du numérique et de l’individu, naissent des inégalités nouvelles, qui appellent des combats nouveaux et des solutions elles-mêmes nouvelles.

Pour les porter, nous avons besoin d’un nouveau Parti Socialiste qui place au cœur de son identité la passion de l’égalité, un parti européen, écologiste, féministe, qui défend la place du travail, porte les principes de la République, et propose un chemin d’émancipation pour toutes et tous. Notre parti doit être de nouveau une ruche, où l’on a plaisir à militer ensemble et où s’inventent des solutions nouvelles.

Le PS doit devenir un parti-plateforme, ouvert à toutes et tous, un laboratoire collectif, une fabrique d’expérimentations. Le PS doit être un outil au service de ses adhérents et à leur écoute, un parti de proximité ancré dans les territoires, en métropole et outre-mer, qui sait épauler les initiatives locales de refondation et de reconquête.

Que voulons-nous faire ? Rassembler les énergies dans la fraternité et le collectif retrouvé, unir les forces issues de toutes les générations et de toutes les histoires, pour redonner au PS une âme, en faire le carrefour des espérances et le parti des solutions.

1. Pour rendre possible notre renaissance, construisons une nouvelle maison commune, un nouveau Parti Socialiste Soyons fiers de la culture démocratique du Parti socialiste qui permet aux adhérents de définir l’orientation politique, d’élire les dirigeants, d’investir les candidats. Les partis-entreprises, agiles dans leur fonctionnement mais verrouillés dans leur organisation, ne peuvent être un modèle pour les femmes et les hommes de gauche qui savent la valeur de l’engagement collectif.

1.1. Nous avons besoin d’une éthique de l’action collective

Retrouver une authenticité dans notre vie démocratique ne dépend que de nous. Le PS a été le parti où l’on votait souvent mais où le vote des militants n’était pas respecté, soit par des responsables devenus « frondeurs », soit par des personnalités nationales qui se considéraient libres de leurs positions.

Il s’agit désormais de dépasser cette histoire pour unir nos forces et nos différences. Le parti de demain doit connaître un fonctionnement collégial, ancré dans une éthique collective : le respect des règles et du vote, et celui de l’autorité de la direction – en premier lieu celle du premier secrétaire.

Cela va de pair avec le dépassement des vieux clivages internes. Nous avons tous une histoire dans ce parti, nous avons tous notre propre sensibilité. La diversité demeure et justifie le débat mais pas des clivages dont nous avons perdu jusqu’au sens. Nous avons besoin de sincérité dans l’engagement et le travail collectif.

La politique n’est pas une carrière, elle est un choix qui doit toujours être authentique et demeurer désintéressé. Etre un élu ou un responsable du Parti donne une légitimité et un devoir d’engagement dans le travail, pas un statut de privilégié.

L’avenir du PS appelle un cadre de travail exigeant et solidaire, avec des femmes et des hommes à égalité de droits et de devoirs.

Proximité et ouverture aux autres sont essentiels pour renaître. Notre avenir s’invente dans les territoires avec tous les acteurs locaux qui se confrontent au réel, prennent des initiatives et ouvrent de nouvelles voies vers le progrès partagé.

Nous devons être engagés aux côtés des plus fragiles, de celles et ceux qui se battent pour leur dignité, pour leurs droits, pour leur emploi et leur logement. Nous devons être accueillants aux idées et aux innovations mais aussi aux nouvelles luttes et mobilisations. N’ayons pas peur d’être bousculés et interpellés, c’est aussi de cette façon que nous pourrons nous ressourcer.

1.2. C’est en se faisant parti-plateforme et parti des solutions, que renaîtra le Parti Socialiste

Aucune formation ne peut plus s’appuyer sur ses seules ressources internes. Le rôle d’un parti politique est aujourd’hui de faire vivre une plateforme pour animer la relation avec les citoyens, mobiliser leurs contributions, leurs énergies militantes, et renouveler en permanence le vivier des idées, des talents et des candidats sur tous les territoires.

Le parti-plateforme doit être ouvert aux adhérents et militants du Parti Socialiste mais aussi à tous les citoyens qui ne se reconnaissent pas dans les offres politiques actuelles et espèrent une alternative. Notre rôle est de construire avec eux un débouché et un projet politique nouveaux. Nous ferons vivre le débat avec toutes celles et tous ceux qui partagent cette aspiration, et portent des expertises et des propositions.

Ces partenaires sont nombreux : syndicats, ONG, associations, mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, chercheurs, intellectuels, entrepreneurs, artistes et acteurs du monde culturel. Ces forces multiples doivent échanger en permanence, co-élaborer des propositions. Notre parti doit être tourné vers l’expérimentation locale, capter la créativité, valoriser les initiatives et les engagements humains. C’est cela être le parti des solutions.

1.3. Un parti EuroSocialiste qui renoue avec son militantisme européen et international

Nous sommes des Eurosocialistes, membres d’une famille politique qui porte l’espoir d’une alternative progressiste à l’Europe libérale dominée par la droite. Face à l’égoïsme de certains états, face à la montée des nationalismes, l’Europe a besoin d’une nouvelle ambition collective, sociale et solidaire, elle doit rendre le pouvoir aux peuples pour devenir une véritable démocratie.

Le Parti Socialiste Européen est notre parti, nous devons plus activement contribuer à le faire vivre et y défendre avec force nos positions. Le renouveau du socialisme français ne pourra demain être pérenne sans redressement des Socialistes européens.

L’enjeu des élections de 2019 est de construire une victoire des gauches européennes autour d’une coalition progressiste. Cette échéance, nous la préparerons ensemble dans le cadre d’une convention nationale dédiée.

Notre militantisme international s’organisera autour de quatre priorités : remettre l’humain au cœur de la construction européenne ; mener la bataille mondiale pour les biens communs, la transition écologique et énergétique et le respect des droits humains ; aider à construire la paix dans un monde dangereux ; réussir la construction d’un espace de développement solidaire entre l’Europe, l’Afrique et la Méditerranée.

1.4. Un contrat de refondation pour un nouveau Parti Socialiste : De nouvelles méthodes et de nouveaux principes pour travailler ensemble

Au cours des dernières années, le PS a beaucoup travaillé et fait évoluer son corpus doctrinal en plaçant la social-écologie au cœur de ses réflexions.

Hélas, ces textes restent peu connus. Les « forums de la refondation » qui se sont tenus après les défaites de 2017 ont permis de relancer la réflexion collective et de dresser le cahier des charges de la refondation. Les militants n’ont pas travaillé pour rien, leurs plus de 1000 contributions seront publiées et mises à disposition de tous.

Elles ont été et seront un point de départ pour notre travail collectif. Nous proposons que le Parti Socialiste se reconstruise par le socle, avec les militants, et les citoyens qui le souhaiteront, avec la société et dans les territoires. Beaucoup peut être fait dans le cadre des statuts actuels, mais pour réellement transformer nos pratiques nous aurons besoin d’un contrat de refondation et de nouveaux statuts adoptés à l’issue d’un congrès statutaire.

Tous les sujets pourront y être librement abordés. Parmi ceux-ci figureront les conditions d’adhésion, une plus grande souplesse d’organisation pour les fédérations et les sections, les modalités de vote et de représentation, le non cumul dans le temps des responsabilités, la place du tirage au sort et du référendum d’initiative militante dans notre fonctionnement, les nouvelles modalités de la primaire, etc.

Au cours de ce travail nous devrons permettre à des territoires volontaires d’innover dans leur mode d’organisation ; cela peut être le cas de certaines régions, des territoires ultramarins et des français de l’étranger. Il nous faut sans délai déverrouiller le PS et libérer les énergies. Nous le ferons en nous appuyant sur les territoires, creusets de la renaissance des Socialistes.

Les nouvelles solutions émergent souvent des mobilisations et des expériences locales. Un Conseil des Territoires associera directement les élus aux travaux de la direction et à la refondation du Parti.

Le PS doit rompre avec son fonctionnement vertical et bureaucratique pour devenir un parti décentralisé, et renforcer un travail direct entre la direction et les premiers secrétaires fédéraux.

Le droit d’initiative appartiendra aussi aux militants et aux fédérations qui pourront porter des chantiers nationaux.

Plutôt que de multiplier les grandes conventions nationales sur des sujets très larges nous lancerons plusieurs dizaines de chantiers sur des questions précises, pilotés par des équipes paritaires, avec à chaque fois une ouverture à la société, un travail collaboratif, une consultation à toutes les étapes, et in fine un vote des militants.

Une plateforme numérique permettra de dynamiser la participation et les échanges entre Socialistes, mais aussi avec les citoyens, les intellectuels, les acteurs du mouvement social et les autres forces de gauche réformiste. Sur cette plateforme, un atelier des expériences locales permettra d’insuffler dans la réflexion collective les innovations menées dans les territoires.

Une banque des compétences mettra à disposition les ressources militantes et citoyennes trop souvent négligées. Le vote numérique sera développé et les consultations en ligne sur la plateforme généralisées, tout en organisant la médiation numérique et en relayant le numérique par des ateliers physiques pour tous, afin de prévenir la fracture numérique au sein de notre parti.

Les instances nationales, quand elles se réunissent sur une thématique, associeront des camarades tirés au sort parmi ceux qui auront participé au travail sur le sujet. Un droit d’interpellation de la direction nationale sera institué.

La direction issue du congrès, resserrée et paritaire, présentera avant l’été aux militants sa nouvelle organisation et son programme d’action, pour donner naissance à une plateforme numérique digne de ce nom, proposer aux équipes de terrain des outils efficaces d’appui et de communication, garantir un droit à la formation, lancer les chantiers du projet, et faire fonctionner différemment les instances nationales. Elle proposera notamment le lancement d’une campagne nationale d’adhésion et de mobilisation des citoyens. La reconquête des territoires est notre priorité.

Notre engagement est de mobiliser toutes les ressources du Parti pour réussir les élections européennes et les élections municipales de 2020. Le renouvellement ainsi que la détection et la formation des talents est un enjeu crucial. Nous devons faire confiance à de nouveaux profils et combiner renouvellement des équipes, féminisation et diversité. L’égalité entre femmes et hommes sera au cœur de notre action. Un secrétariat national sera directement placé auprès du premier secrétaire.

La lutte contre le sexisme et les violences faites aux femmes fera l’objet d’actions de formation et de sensibilisation. Elle s’inscrira dans une démarche de lutte contre toutes les discriminations et d’accompagnement des victimes. La parité n’est pas pour nous qu’un objectif chiffré, elle implique aussi et surtout l’accès aux fonctions internes les plus stratégiques et aux présidences d’exécutifs locaux.

2. Un congrès d’affirmation : Oui, dans le nouveau paysage politique, les Socialistes ont une place originale à occuper ! Aubervilliers doit être un congrès d’affirmation. Nous n’avons pas à nous positionner en fonction des initiatives de nos concurrents. Les autres partis ne sont forts que de nos faiblesses.

C’est d’abord par notre propre travail, l’affirmation de nos valeurs et de nos propositions que nous nous ferons à nouveau entendre et respecter. Poser aujourd’hui la question des alliances serait se placer en situation de faiblesse et accepter une position de supplétifs. Pour rendre possible la victoire de la gauche demain il faut d’abord redonner de la force au Parti Socialiste. Aubervilliers doit donc être un congrès qui revendique l’autonomie stratégique du PS. Tel est le sens de notre démarche.

2.1. Le socialisme n’a pas été remplacé

Nous devons affirmer ce que nous sommes, nous avons une identité, un projet, une place originale à défendre dans le paysage politique. Le socialisme n’a pas été remplacé.

Ni en France ni ailleurs, aucune des visions du monde qui prétendent lui succéder – libéralisme autoritaire, populisme protestataire, nationalisme identitaire – ne constitue un substitut aux objectifs et aux réponses socialistes : l’émancipation des individus, la lutte contre les inégalités, le combat pour l’écologie et la démocratie, l’engagement européen et internationaliste.

Le néolibéralisme a montré son incapacité à réguler la mondialisation et encadrer les effets des ruptures technologiques. Il se traduit par une montée sidérante des inégalités et des violences sociales qui mettent en danger nos sociétés et brisent des millions de vies. Il déconsidère les réponses collectives et montre son impuissance à répondre à la crise écologique tout en la précipitant.

Face aux nouvelles douleurs contemporaines, face aux nouvelles aliénations, face au sentiment de dépossession et de déclassement, notre rôle est de reconstruire un nouvel humanisme et la confiance dans un progrès maîtrisé, et de 8 redonner sens au commun en menant la bataille pour de nouveaux droits et contre les inégalités.

2.2. Nous sommes, dans ce quinquennat et face à ce pouvoir, l’opposition de gauche et responsable

Au fil des mois, la politique menée par Emmanuel Macron est apparue pour ce qu’elle est : une politique économique libérale qui affaiblit les solidarités et creuse les inégalités. Certains Français attendaient Mendès-France, ils ont eu Giscard.

L’écart entre les discours et les actes est permanent : les déclarations sont calibrées pour paraître justes, mais les actes sont brutaux, aussi durs pour les plus faibles qu’ils sont doux pour les puissants. D’immenses régressions sont actées à bas bruit. Nos concitoyens commencent à en mesurer la portée dans leur vie quotidienne, qu’il s’agisse des emplois aidés, des APL, de la manière dont sont traités ceux qui portent assistance aux exilés, ou de la mise en œuvre des premières « ruptures conventionnelles collectives ». La pratique « jupitérienne » ne tolère pas les contre-pouvoirs.

Un à un, tous les corps intermédiaires sont contournés, les partenaires sociaux sont consultés mais souvent mis devant le fait accompli, les collectivités locales sont méprisées, le Parlement placé sous ordonnances et la majorité caporalisée. Vouloir mener les réformes à la hussarde, sans réel dialogue ni co-construction, ne pourra les conduire qu’à l’échec.

Nos groupes parlementaires ont montré la voie de ce que doit être une opposition de gauche et responsable. Le travail en commun des groupes et du Parti sera demain un élément clé pour porter au Parlement la voix d’une alternative crédible à gauche. Le pays a besoin de cette voix. La faiblesse du Parti Socialiste et la division de la gauche pourraient faire de la droite et de l’extrême-droite, en pleine convergence idéologique, le seul recours face au pouvoir en place.

Nous ne voulons pas d’une vie politique polarisée entre un nouveau centre-droit et une droite radicalisée, avec le Front National en embuscade. Nous n’oublions pas que la droite est notre adversaire dans les territoires. Mener le combat contre la droite et l’extrême-droite c’est être fidèles à ce que nous sommes et redonner tout son sens au débat démocratique.

2.3. Le bilan de notre pratique du pouvoir reste à faire

L’analyse approfondie du mandat de François Hollande devra avoir lieu, tout comme l’analyse des offres politiques de LREM et LFI. Mais il faut nous garder de sombrer dans une querelle sans fin comme celle qui a paralysé une droite qui n’a toujours pas fini de faire l’inventaire du Sarkozysme.

Ce devoir de lucidité est d’autant plus important que notre défaite plonge ses racines dans des causes anciennes dont certaines sont françaises – nous n’oublions pas le 21 avril 2002 et 20 ans de hauts et de bas qui auraient dû nous alerter davantage – et d’autres sont plus globales, dans un contexte de crise de la social-démocratie européenne. Ce travail sera l’objet d’une convention nationale avant la fin de l’année 2018. Les travaux préparatoires seront confiés à un groupe d’experts et de chercheurs.

L’objectif est de mener une démarche rigoureuse permettant un débat serein et utile à la refondation du PS. Mais il reste néanmoins nécessaire d’évoquer cette question dans le cadre du congrès. Chacun gardera à l’esprit avec fierté à quel point François Hollande a su incarner et rassembler la nation face au terrorisme, mener une politique étrangère courageuse et exemplaire pour éradiquer ce fléau. Mais personne n’est plus légitime que les électeurs pour juger de ce mandat.

En nous sanctionnant en 2017 ils nous ont collectivement désavoués et nous devons en tirer toutes les conséquences. Notre manière de gouverner n’a pas été comprise. Les Français ont eu le sentiment de nombreux changements de cap. Ils n’ont pas trouvé dans notre démarche le discours de vérité, l’ambition réformatrice et la détermination dans l’action qu’ils appelaient de leurs vœux.

Nous avons manqué de lieux de dialogue entre nous, perdu le sens des combats communs et du respect de nos règles. Le spectacle que nous avons donné ne pouvait déboucher que sur un rejet, par les militants d’abord, par les Français ensuite. La déchéance de nationalité et l’avant-projet de la loi sur le travail ont été pour beaucoup de douloureux moments de rupture car ils touchaient aux valeurs fondamentales des Socialistes. Les résultats n’ont pas été suffisants pour créer les conditions d’une victoire en 2017.

Pourtant l’évolution du chômage constatée depuis porte la marque des actions de redressement, productif et budgétaire, engagées sous l’autorité de François Hollande. Ce quinquennat a permis de mener à bien de nombreuses réformes importantes, de créer des postes de professeurs, de magistrats, de policiers et de gendarmes là où la droite en avait tant supprimé, et de construire de nouveaux droits pour les citoyens et les salariés (complémentaire santé, mariage pour tous, compte pénibilité,…). Ce bilan sera progressivement plus justement apprécié par les français.

2.4. L’ambition des Socialistes est de réinventer la gauche

Nous voulons réinventer la gauche et pas seulement le Parti Socialiste. Nous voulons rassembler la gauche pour ensuite rassembler les Français autour d’une nouvelle ambition sociale. Nous sommes la gauche qui veut gouverner, se confronter au réel, assumer les responsabilités.

L’idée-même d’une formation politique « et de droite et de gauche » n’a pas de sens et cache une volonté de dépolitisation mortifère pour notre démocratie. Nous ne pouvons réduire le débat public à un dialogue entre la majorité et les extrêmes. Ce discours est aussi habile que dangereux. Il crée la résignation et nourrit les populismes. Nous revendiquons au contraire le pluralisme politique.

Le clivage gauche – droite demeure indissociable de la démocratie dans notre pays. Substituer au clivage gauche – droite le clivage peuple-élites comme le fait Jean-Luc Mélenchon est tout aussi dangereux. Nous avons le devoir de le dire à celles et ceux qui se sont éloignés de nous pour le rejoindre.

La pente du populisme est une pente dangereuse. Cette approche est étrangère à l’histoire de la gauche française, elle conduit à la division et à l’affaiblissement du mouvement social. Pour réinventer la gauche, le Parti Socialiste doit s’adresser à tous et rechercher dialogue et partenariats. Le Parti Socialiste n’est plus, pour le moment, le parti dominant à gauche, et sa place au second tour des élections n’est désormais ni naturelle ni automatique. Aucun coup de balancier ne nous ramènera au pouvoir par le seul jeu de l’impopularité des gouvernants.

Tout est désormais à (re)conquérir. Nous devons nous adresser aux déçus, partis marcher ou déclarer leur insoumission, mais aussi devenus abstentionnistes, et d’abord écouter leur parole et comprendre leurs motivations. Notre capacité de rassemblement devra s’appuyer sur le dialogue, sur la dynamique de nos idées, sur notre aptitude à échanger et coopérer avec les forces en mouvement dans toutes les sphères de la société.

Ce ne sont pas les accords d’appareil qui feront la gauche de demain mais la construction en commun de projets partagés. Redevenir majoritaires suppose de réconcilier des gauches que certains voudraient irrémédiablement séparer, ouvrant ainsi une éternité électorale à la droite. Au moment où le nouveau pouvoir théorise le « et de gauche et de droite », il serait paradoxal de ne plus être capable d’être « et de gauche et de gauche ». De ce point de vue, l’exemple du Portugal doit être pris en compte car c’est bien autour d’un Parti Socialiste au gouvernement que s’est fait le rassemblement des gauches.

Notre volonté de rassemblement de la gauche est intacte, mais aujourd’hui cette question est d’abord posée à Jean-Luc Mélenchon. Son obstination dans la volonté de voir disparaître les autres formations politiques, sa stratégie d’isolement, conduisent à l’effacement de la gauche et à une impasse stratégique. Vouloir rassembler n’est pas taire les divergences. Son évolution souverainiste et la remise en cause du principe même de la construction européenne sont contradictoires avec l’identité des Socialistes.

Enfin, nous sommes la gauche qui veut gouverner et, à ce stade, nous n’avons pas le sentiment qu’il ait la volonté réelle de se confronter au pouvoir et de le faire en partenariat avec d’autres.

3. Les combats des socialistes

Nous venons de vivre un cataclysme et nous engageons une renaissance.

Nous voulons le faire avec détermination, mais aussi patience et humilité. Nous ne proposons pas aujourd’hui un nouveau programme clés en mains, mais des combats prioritaires, des combats pour le présent, mais surtout des combats pour demain, car c’est le futur qu’il faut penser.

Nous n’avons pas de solutions toutes faites, pas de prétention à régler en quelques mois toutes les questions que nous n’avons pas su formuler ou trancher depuis deux décennies. Le programme que les militants attendent, c’est d’abord un programme de travail tourné vers l’avenir.

3.1.L’Europe puissance et protectrice dans la mondialisation

Nous faisons le choix d’un nouvel internationalisme dont l’instrument est une Europe puissance et protectrice, démocratique et solidaire, qui défend ses valeurs et son modèle de société à l’échelle planétaire, qui encadre la finance, porte le combat écologiste, et défend la place de l’Homme et ses libertés faces aux ruptures technologiques. La tentation nationale serait notre tombeau. Souveraineté nationale et souveraineté européenne vont désormais de pair. Si l’Union Européenne n’existait pas, deux raisons justifieraient sa construction et notre engagement européen.

Avec Trump à l’ouest, le Brexit au nord, Poutine à l’Est, et de nombreuses menaces au sud, l’Europe doit prendre conscience d’elle-même et fixer ses frontières. Il s’agit bien aujourd’hui d’assurer la protection et la sécurité d’un espace commun menacé. Il existe évidemment des inégalités et des écarts de développement au sein même de l’Europe. Mais l’Europe a un modèle économique et social singulier dans le monde qui la distingue, un modèle façonné par l’histoire, fondé sur notre conception universaliste des droits de l’Homme, sur la solidarité et le développement durable.

Ce modèle mérite d’être défendu dans la mondialisation, sans quoi demain les états se soumettront aux multinationales et aux GAFA, les droits et libertés seront rognés par la course au profit. Au sein de l’Union Européenne comme à l’échelle de la planète, nous menons le combat contre le néolibéralisme.

Notre engagement européen est total, mais il y a plusieurs chemins possibles pour l’Europe, et le nôtre n’est pas celui de la droite libérale, fut-elle allemande. Les combats des socialistes : L’Europe doit se protéger dans la mondialisation en revoyant sa politique de concurrence et de commerce international, en refusant les échanges inéquitables, non respectueux des droits de l’Homme, de l’environnement, de la souveraineté alimentaire, et de notre création culturelle.

Les accords de libre-échange devront être subordonnés au respect de nos solidarités. L’Europe doit mener un combat impitoyable contre les paradis fiscaux, et fixer de nouvelles règles contre l’optimisation et la concurrence fiscale qui minent l’Etat social.

Au sein même de l’Union il convient d’être intraitable sur le respect de la démocratie et des droits humains, organiser la convergence sociale et fiscale, et mettre pleinement en œuvre le principe « à travail égal, même salaire et protection sociale » pour les travailleurs détachés. L’Europe doit aussi construire des droits nouveaux pour tous les citoyens en matière de santé environnementale, de libertés numériques et de droits des consommateurs. Nous voulons également une Europe qui investit pour préparer l’avenir, dans les transitions numérique, écologique et énergétique, dans la formation et l’insertion, dans la recherche et l’innovation, dans le développement des entreprises et les projets des territoires.

Pour cela l’Europe doit porter une politique industrielle, rompre avec les politiques d’austérité, renforcer le contrôle du Parlement sur la zone Euro, et se donner un budget en cohérence avec ses ambitions, à travers une mobilisation des états-membres et de nouvelles ressources budgétaires propres qui corrigeront les excès du capitalisme financier mondialisé (taxe sur les transactions financières, fiscalité sur les GAFA,…). Depuis la COP21, et plus encore depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, l’Europe a pris le leadership de la cause environnementale. Elle doit continuer à montrer le chemin et défendre sa conception des biens communs.

L’Europe doit également assumer sa relation d’interdépendance avec l’Afrique et la Méditerranée et investir massivement dans leur développement durable qui est la meilleure politique pour prévenir de futures crises des réfugiés. Elle doit mener une politique migratoire qui corresponde à ses valeurs, dans le respect du droit d’asile et des engagements pris pour l’accueil des réfugiés.

3.2.Une transition écologique citoyenne et solidaire

La transition écologique est un choix de société, de transformation des modes de vie et de production, de solidarité et de citoyenneté. L’urgence est là car la destruction de notre planète et de la biodiversité est d’ores et déjà enclenchée. Les Socialistes ont placé la France à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Leurs élus locaux ont mis l’écologie au cœur de leur action. Les avancées en faveur du climat et la « Conférence de Paris » resteront l’un des grands acquis du quinquennat de François Hollande. La mobilisation pour atteindre les objectifs fixés doit être maximale.

Le développement durable, défini par la Socialiste norvégienne Gro Harlem Brundtland, est à la fois la responsabilité vis-à-vis des générations futures et la réponse aux besoins humains fondamentaux, notamment des plus démunis. Pour les Socialistes, l’écologie doit être solidaire et étroitement liée au combat contre les inégalités et les injustices. La précarité énergétique fait partie des enjeux sociaux de la transition.

La santé est ainsi un bon exemple des nouveaux défis de l’écologie et du développement durable. Les maladies chroniques explosent sous l’effet de nos comportements et de la dégradation de notre alimentation et de notre environnement. Les combats des Socialistes : La sortie progressive des énergies carbonées, et notamment la sortie rapide du diesel, la réduction à 50% en 2025 de la part du nucléaire dans notre mix énergétique, et le développement rapide des énergies renouvelables, doivent être menés simultanément. La transition écologique doit permettre de faire émerger de nouvelles opportunités économiques.

Elle doit notamment guider le développement durable des activités maritimes, agricoles, forestières, de la valorisation des bio-ressources, piliers de l’avenir des territoires ruraux, littoraux et ultramarins. Nous avons également besoin d’un nouveau modèle agricole et alimentaire fondé sur la qualité, la proximité, et le lien retrouvé entre producteurs et consommateurs.

L’ensemble de nos politiques publiques devront être systématiquement revues sous le prisme de la nouvelle donne écologique. Nous devrons par exemple aller vers un Étatprovidence social écologique qui mutualise la couverture des nouveaux risques liés aux désordres environnementaux pour lutter contre les inégalités.

Notre combat est également celui de la priorité donnée aux politiques de prévention et de santé publique, avec la reconnaissance des enjeux de la santé environnementale révélatrice des inégalités et des conditions de vie dans l’alimentation, le logement, le travail, etc.

3.3.Le travail et l’entreprise au cœur du lien social et des parcours de vie

Nous défendons la place du travail dans nos sociétés et le rôle central des salariés et de leurs représentants dans la création et la répartition des richesses au sein de l’entreprise. Le travail est un levier d’émancipation, il permet à chacun s’accomplir au sein d’une communauté et de valoriser ses talents. Faire de sa main, comme inventer et concevoir, c’est une grande et légitime fierté.

Nous voulons unifier le monde du travail autour de droits nouveaux pour tous, droits individuels et garanties collectives, comme nous en avons montré le chemin avec le compte personnel d’activité. Le travail change de forme et de nature, est plus autonome, souvent plus solitaire et plus précaire. Il nous faut inventer une société apprenante, qui crée le modèle social capable de gérer les transitions professionnelles et la formation tout au long de la vie.

Dans cette perspective, nous refusons de déconnecter la question du statut social de celle de l’activité, qu’il s’agisse du travail ou d’activités d’utilité sociale. L’enjeu d’aujourd’hui est de reconnaître de nouveau la valeur du travail, défendre les droits de tous les actifs, reconnaître aussi les souffrances au travail quand l’économie est percutée par l’immatériel et par la fragmentation, l’externalisation et l’individualisation des tâches. Le niveau du chômage n’est pas lié au coût du travail mais à l’insuffisance de l’investissement dans l’humain, notamment par la formation et l’insertion.

Dans un monde qui change si vite, la bataille des droits sociaux n’est pas une vieillerie du 20e siècle. Elle doit être menée partout. Pour les Socialistes, entreprendre est une vertu, c’est prendre des risques pour aller au bout de son projet, de ses idées. Il y a bien des façons d’entreprendre ; les chefs d’entreprise, mais aussi les militants associatifs, les élus locaux, les responsables des services publics, les artistes, sont des entreprenants.

L’entreprise elle-même s’organise selon des modalités très diverses, de la forme la plus classique de la société, aux artisans et indépendants, aux associations, mutuelles, coopératives,… Oui, dans cette vision élargie, l’entreprise est bien un des lieux de création de richesse.

Les combats des Socialistes : Nous portons le combat pour la conquête de droits nouveaux pour les travailleurs précaires, une véritable universalité de la protection sociale, et la réhabilitation du salariat contre le dévoiement du statut d’indépendant.

Nous appelons pour tous à la création d’une véritable sécurité sociale professionnelle qui arme les travailleurs face aux transformations des métiers et au risque de déclassement et de chômage. Lutter contre le chômage, c’est enfin recourir aux emplois aidés lorsqu’ils sont nécessaires. Face à l’ubérisation de la société et aux ravages qu’elle engendre, nous voulons inventer une économie numérique à la française misant sur l’humain, la qualité du travail, la collaboration, la durabilité, et non la compétition sauvage et la tyrannie du court terme. Reconnaître la valeur du travail c’est reconnaître les compétences et les engagements des femmes et des hommes et pas seulement les diplômes et qualifications.

C’est aussi instaurer un droit individuel à la formation qui doit pouvoir profiter à tous, poursuivre la réduction du temps de travail tout au long de la vie, et se mobiliser pour l’amélioration des conditions de travail face à la montée en flèche des maladies professionnelles, de la connexion permanente et du burn out.

Les salariés ont des droits qui doivent être protégés et le démantèlement de ces droits est aujourd’hui allé trop loin avec les ordonnances Pénicaud. Le principe même des ruptures conventionnelles collectives doit par exemple être remis en cause. Nous défendons l’approfondissement du dialogue social dans les entreprises de toutes les tailles, ce qui nécessite de mieux armer les syndicats, la mise en place de procédures de codécision et la présence des salariés dans les conseils d’administration.

Nous plaidons pour la reconnaissance de l’entreprise comme communauté plurielle de production de richesses avec le nouveau statut de société à objet social étendu, le développement de l’économie sociale et solidaire, et la valorisation de la responsabilité sociétale des entreprises. Le soutien aux entreprises s’inscrit dans une stratégie assumée de développement de l’économie productive et de l’industrie. La fiscalité et les règles financières doivent encourager non pas l’accumulation de la richesse mais sa circulation et son réinvestissement, ainsi que la prise de risque.

Notre combat est aussi celui de la montée en gamme de l’industrie française, par la performance et la qualité, par les compétences et l’innovation. La politique d’innovation doit libérer la créativité et explorer tous les leviers de transformation de l’économie, notamment numérique, dont l’innovation sociale et l’économie circulaire et collaborative. 3.4. Des droits nouveaux pour lutter contre les inégalités.

Il est paradoxal de faire de l’égalité un point parmi les autres dans les débats de notre congrès. L’égalité n’est pas une thématique, elle est notre boussole.

L’égalité est le cœur de la République, le fondement même de sa promesse. En bouleversant les structures de l’économie et de la répartition des richesses, la mondialisation et la révolution numérique ont fragilisé les classes moyennes, appauvri les plus modestes, et considérablement renforcé la concentration des richesses. Le niveau atteint par les inégalités est devenu insupportable.

Les 10% des Français les plus riches concentrent près de 50% du patrimoine brut des ménages, quand les 10% les plus modestes n’en détiennent que 0,07%. Les inégalités patrimoniales sont 20 fois plus fortes que les inégalités de revenus. L’accès aux grandes écoles et aux formations supérieures est devenu plus inégalitaire que jamais. Malgré des décennies de combat, le genre, la couleur de peau, l’origine sociale, dictent le cours des vies et creusent les inégalités.

La force des inégalités sape l’adhésion à nos valeurs communes. La France est le pays du grand gaspillage humain. Les inégalités territoriales sont également en pleine explosion, au sein des villes comme entre espaces urbain, péri urbain et ruraux. L’accès, à la santé, à la connexion, aux services publics est redevenu un enjeu central. Oui l’égalité reste un combat neuf, et c’est celui des Socialistes. Il nous revient de mener ce combat, et d’en renouveler les outils comme les mots, car personne ne le fera à notre place.

Les combats des Socialistes : Les violences que subissent les femmes sont les manifestations les plus visibles des inégalités femmes – hommes, nourries par les représentations, les inégalités du quotidien qui mettent les femmes en situation de faiblesse, et le maintien de rapports de domination d’un autre âge. Le PS devra dans ce domaine être exemplaire pour lui-même, faire progresser l’égalité réelle, en droit et en fait, et renouer avec le mouvement féministe et intellectuel qui éclaire les enjeux du combat des femmes et ses implications pour construire une société plus juste et plus respectueuse de chacun.

Parallèlement à la répartition qui permet de limiter les inégalités de revenus, nous devrons travailler à une nouvelle approche des inégalités des patrimoines qui déterminent au quotidien le niveau et la qualité de la vie (logement, culture, santé, et bien sûr éducation).

La lutte contre les fractures territoriales urbaines et rurales est un autre enjeu majeur. Elle implique un soutien renforcé aux territoires les plus fragilisés et un développement solidaire au sein des zones urbaines et entre villes et campagnes. La République doit avoir comme ambition de faire des territoires ultramarins des laboratoires du retour à l’égalité.

Les services publics doivent être réaffirmés comme des outils privilégiés de lutte contre les inégalités. De nouveaux services publics sont nécessaires face aux nouvelles inégalités, afin de lutter contre les déserts médicaux pour lesquels la médecine libérale ne peut être la seule réponse ; assurer le maillage du pays par le très haut débit ; maîtriser localement les données numériques, nouveau minerai du développement territorial.

La lutte contre les inégalités c’est aussi le refus de la marchandisation de la santé, la défense de l’hôpital public et la reconnaissance du rôle spécifique des mutuelles et du secteur non lucratif. Face à la pauvreté, l’État doit assurer la solidarité en garantissant les droits des personnes et les acteurs des territoires doivent mettre en œuvre une solidarité de proximité pour favoriser la dignité et l’autonomie de chacun.

C’est le sens de l’expérimentation du revenu de base engagé par des départements dirigés par les Socialistes. Dans le combat pour l’égalité, l’école est la première ligne de front. Elle sera toujours pour les Socialistes le premier sujet, le premier projet, le premier budget.

Le débat éducatif s’est perdu dans les querelles de chapelles et les sujets à la mode. L’école a besoin d’une politique, pas de polémiques. Nous aspirons tous à un véritable accompagnement des jeunes, permettant à chacun de choisir son parcours en fonction de son projet et de son talent, avec pour tous des possibilités de rebonds et de nouvelles chances.

L’accès aux stages et à la découverte des métiers, la lutte contre le décrochage scolaire, un véritable libre choix des bacheliers pour l’entrée dans l’enseignement supérieur, sont autant de combats à mener. La France n’a pas su faire de l’enseignement supérieur et la recherche une priorité, notamment budgétaire, alors qu’ils sont une clé majeure de l’innovation et de l’emploi. C’est notamment vrai pour l’emploi scientifique et le soutien aux doctorants, car un pays sans chercheurs est un pays sans avenir.

3.5. La République et la démocratie au cœur du combat des socialistes

Pour défendre la République, un nouvel humanisme et de nouvelles lumières Contre toutes les dérives populistes, nationalistes et identitaires, contre les obscurantismes et les fanatismes, nous voulons construire un nouvel humanisme fondé sur la réhabilitation du vivre ensemble et des réponses collectives, sur la valorisation de la création culturelle et de l’esprit critique, la défense de la laïcité et l’extension des libertés publiques.

Certes le mariage pour tous, grâce aux Socialistes, a marqué une étape supplémentaire de progrès. Mais le risque terroriste, la pression communautariste, ou la domination des mastodontes du numérique, conduisent pour la première fois depuis des décennies à un risque réel de recul des libertés individuelles. L’essence même des démocraties est la vitalité des libertés et leur garantie par le droit. Il devient urgent de marquer un coup d’arrêt face aux risques cumulés de régression.

Ce combat n’est pas dépassé, il est la condition du maintien d’une société ouverte et respectueuse de chacun. L’heure est au réveil des Lumières. Égalité, éducation et libertés, dans une République laïque, peuvent se combiner pour nourrir le cercle vertueux d’un nouvel humanisme. Cessons de courber la tête face aux fake news et à l’hystérisation du débat public. Liberté et vérité marchent sur le même chemin car elles sont ensemble la possibilité du débat et de la démocratie.

Les combats des Socialistes : Nous faisons pleinement nôtres les trois principes clefs de la laïcité française, la liberté absolue de conscience, la liberté des cultes, la neutralité de l’Etat. La Laïcité est le socle du vivre ensemble dans la République. L’État a la responsabilité de transmettre, d’enseigner et de faire respecter ces principes.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une offensive fondamentaliste contre la République. Face à celle-ci nous devons faire face et assumer l’application de la Loi de 1905 et de la législation laïque.

La République ne peut plus tolérer les discriminations qu’elle est censée proscrire en droit. Les français qui se trouvent ainsi placés aux marges de la nation en tirent révolte et colère. Nous devons trouver des chemins nouveaux pour mobiliser le corps social dans cette lutte. Le combat républicain est aussi celui de la défense des libertés et de l’État de droit.

Le renforcement de la loi face au risque terroriste est une priorité mais ne peut conduire à un renoncement aux libertés publiques fondamentales. Le respect du droit d’asile et de la dignité humaine doivent être rappelés avec force face à la dérive de l’action du gouvernement vis-à-vis des exilés.

Nous inventerons de nouvelles libertés face aux bouleversements technologiques. La transition numérique appelle la reconnaissance d’un droit à une forme d’intimité numérique, la lutte contre la spoliation des données personnelles et pour leur protection, notamment en matière de santé, ainsi qu’une maîtrise collective des enjeux de l’intelligence artificielle. La révolution biotechnologique en cours, en permettant l’intervention directe sur le génome humain, soulève de nouveaux enjeux bien au-delà des questions classiques de bioéthique.

Une démocratie vivante, une République de la confiance Nous portons avec fierté les principes d’une République décentralisée, vivante et participative, sociale et citoyenne, fondée sur la confiance dans les territoires, dans les acteurs sociaux, sur la mobilisation de la créativité de chacun. La République doit être attentive à tous ses territoires, à leurs initiatives et leur créativité, et construire de nouveaux contrats avec la Corse d’une part et les territoires outre-mer d’autre part.

Elle doit aussi savoir s’appuyer sur les Français de l’étranger et sur la francophonie pour porter dans le monde ses ambitions et ses valeurs. Chacun d’entre nous est aujourd’hui sidéré par le mouvement de régression démocratique en cours. Les corps intermédiaires sont stipendiés, les collectivités locales méprisées, les élus jetés en pâture à l’opinion publique. Le collectif et le contrat sont systématiquement dévalorisés.

A la démocratie césarienne nous opposons la société de confiance. Plus que jamais nous croyons à la mobilisation dans la durée des citoyens organisés dans leurs associations, dans leurs syndicats ; nous croyons au rôle des élus, au travail collectif, à la co-construction avec les citoyens, à l’exercice des responsabilités éclairé par le dialogue et la recherche des compromis. Les combats des Socialistes : Nous en appelons à un ressaisissement collectif, à la remise en cause des pratiques en cours, au retour d’une société de dialogue et de confiance autour de quatre principes :

– La confiance dans le Parlement et la collégialité du travail gouvernemental via un rééquilibrage de nos institutions, un renforcement des droits du Parlement, et une limitation des pouvoirs du Président de la République.

– La confiance dans les territoires et leurs élus, évidente dans une République décentralisée, parce qu’ils portent l’action publique au quotidien et inventent avec les citoyens les solutions de demain. Nous avons besoin pour cela d’un pacte financier et d’une nouvelle étape de décentralisation.

– La confiance dans les partenaires sociaux, dans le dialogue et la démocratie sociale, car les affaiblir serait priver le pays du chemin de coopération dont nous avons cruellement besoin.

– La confiance dans les citoyens, dans une démocratie contributive fondée sur la mobilisation de leur créativité et de leur expertise, sur leur implication dans la prise des décisions, par exemple via le dialogue environnemental ; la confiance dans les corps intermédiaires et dans le mouvement associatif que les citoyens ont construit et qui fait le lien social et l’innovation dans notre pays.

———————————————-

Cher camarade, Ce qui doit nous importer, dans ce congrès, c’est demain et non hier. Pour redonner aux Français l’envie de nous soutenir, nous devons démontrer d’abord notre utilité, notre volonté, et notre capacité à travailler ensemble. C’est tout l’enjeu de ce congrès, c’est le sens de notre démarche collective et de notre motion. Je suis candidat pour être, à la tête d’un nouveau collectif, le premier responsable des Socialistes et mettre en œuvre ce programme de travail, redonner aux Socialistes leur fierté.

Je suis le candidat de l’unité et du rassemblement sans lesquels le PS ne pourra retrouver la force qu’il a perdue ; le rassemblement est la condition du sursaut et de l’espérance. Dans ce congrès, ne vote pas par colère, par fidélité, ou par tradition, mais donne de la force à celles et ceux qui sauront le mieux préparer ensemble la renaissance du Parti Socialiste. Je t’invite à nous rejoindre pour ouvrir à Aubervilliers, avec tous les Socialistes, le chemin de la renaissance.

Catégories
Culture

La gastronomie végan et ses « chefs étoilés »

Au début du mois, une dizaine de chefs étoilés (absolument pas véganes) a signé une tribune dans Libération intitulée « La gastronomie végan a aussi ses chefs étoilés ».

Au rythme des saisons, potagers et vergers sont une source infinie d’inspiration. D’ailleurs, pour le chef Joël Robuchon, il ne fait aucun doute que «la cuisine végétarienne sera celle des dix prochaines années». Aujourd’hui, la gastronomie végétale ne cesse de se développer et de convaincre.

Dans nos restaurants, où la viande et les productions animales ont longtemps tenu une place centrale, la demande pour la cuisine végétalienne est toujours plus forte. Elle n’est plus cantonnée à l’accompagnement ou à la garniture d’un plat principal habituellement carné : elle devient l’essence même d’un plat, d’un menu.

Nous sommes aux commencements d’une nouvelle histoire et d’une nouvelle culture culinaire qui n’ont pas fini de nous surprendre. Peut-être l’intérêt de certains grands chefs pour la cuisine végétale a-t-il de quoi étonner.

Nous-mêmes, restaurateurs, chefs cuisiniers, pourrions être déstabilisés de voir nos habitudes culinaires malmenées et notre apprentissage (largement basé sur les produits d’origine animale) mis à rude épreuve.

Et pourtant ! Quelles belles perspectives s’ouvrent à nous, qui savons qu’en cuisine, tout est affaire de plaisir et de découverte ! Satisfaire sa clientèle, lui proposer un voyage gustatif, partager ensemble de nouvelles saveurs et textures… La cuisine végétale nous engage à relever ces défis.

Qui aurait en effet prédit que les noix de cajou ou les amandes pourraient permettre la confection de fromages végétaux ?

Qu’il serait possible de composer des mousses au chocolat ou des meringues en utilisant du jus de pois chiche à la place des œufs traditionnels ? Ou encore que le soja et le blé offriraient la possibilité de cuisiner des substituts à la viande animale ?

Et les légumineuses, comme les lentilles vertes, qui apportent goût et texture à un pâté végétal ? Enfin, que dire de ces fruits et légumes oubliés ou venus d’ailleurs, pourtant si riches en saveurs, qui apportent couleurs et originalité à notre cuisine, tels le raifort, le yuzu, le citron bergamote, la betterave jaune, la carotte violette ?

Sans compter ces céréales que notre culture occidentale a délaissées ou connaît si peu, alors même qu’elles peuvent réaliser de petits miracles en cuisine : le sarrasin, le petit épeautre, le kamut…

Nous pensons qu’aimer la cuisine, c’est oser relever de nouveaux défis, briser les codes et revisiter sans cesse la gastronomie dite «traditionnelle».

Penser et créer un menu entièrement végétal, c’est s’amuser : jouer sur la présentation, la coupe des légumes, les cuissons, les associations de saveurs et de couleurs.

C’est faire honneur à notre passion, tout en étant conscient des enjeux environnementaux. Vous aussi, laissez-vous surprendre par la cuisine végétale, et surtout soyez curieux !

Signataires : Jean-François Bérard Les Collectionneurs, La Cadière-d’Azur (Var), Jean-André Charial L’Oustau Baumanière, Les Baux-de-Provence (Bouches-du-Rhône), Julien Dugourd La Chèvre d’or, Eze (Alpes-Maritimes), Lionel Giraud La Table Saint-Crescent, Narbonne (Aude), Grégory Hamon Zest, Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), Xavier Isabal Ithurria, Aïnhoa (Pyrénées-Atlantiques), Clovis Khoury Maison Clovis,Lyon, Geoffrey Poësson La Badiane, Sainte-Maxime (Var), Marina Réale-Laden Château de Coudrée – François-Ier,Sciez (Haute-Savoie), Emmanuel Renaut Flocons de Sel,Megève (Haute-Savoie), Christian Sinicropi Hôtel Martinez, Cannes (Alpes-Maritimes), Stéphane Tournié Les Jardins de l’Opéra, Toulouse (Haute-Garonne), Benoît Vidal L’Atelier d’Edmond, Val-d’Isère (Savoie).

Objectivement, que dire de ce torchon? Tout d’abord, la restauration gastronomique est une aberration économique.

Même si l’on adopte un point de vue capitaliste, c’est un investissement catastrophique, qui n’existe que pour deux raisons : a) l’existence d’un marché du luxe visant à satisfaire les exigences d’une clientèle fortunée qui souhaite se distinguer du commun des mortels par ses choix de consommation et b) l’existence de cuisiniers-entrepreneurs qui se prennent pour des artistes, alors que la cuisine est, au mieux, dans sa forme la plus élaborée, un artisanat.

Rappel des chiffres : les repas gastronomiques représentent seulement 1% des repas consommés hors domicile en France.

Le ticket moyen d’un repas pris hors domicile le midi, lui est de 13,10 euros, mais un tiers des ces repas coûte moins de 10 euros… contre 150 euros pour un repas pris dans un deux étoiles.

La restauration gastronomique doit donc être vue comme une vitrine, et quand cela fonctionne, c’est parce que qu’il y a derrière un empire économique composé de lignes de produits en barquettes vendues en grandes surfaces, d’émissions de télé, de complexes hôteliers, de poêles en téflon, d’écoles de cuisine, etc…

La gastronomie a toujours souffert d’une crise d’identité, prétendant être ce qu’elle n’est pas, pour essayer de cacher son vide culturel abyssal. Pour occulter l’essentiel, à savoir qu’elle est un loisir à destination de la bourgeoisie. Et que hors de ce périmètre, elle n’a aucun sens et aucune raison d’être.

Comment peut-on se fantasmer artiste, quand on méprise totalement la vie et qu’on ne voit qu’un « produit » à « travailler »? Il faut être totalement déconnecté du réel, et les protagonistes de la haute cuisine sont passés maîtres dans l’art de se raconter des fables.

A leur décharge, c’est grâce aux bataillons de personnes aliénées volontairement impressionnables à la vue d’un homme en blanc en train de renifler pensivement un bouquet de sarriette, qu’ils trouvent encore une forme de validation culturelle.

Et donc, quel sens accorder à la tribune parue dans Libération « La gastronomie végan a aussi ses chefs étoilés »?

Eh bien d’abord, c’est purement de l’opportunisme, mais comme tous les opportunistes intelligents, ces grands chefs ont tout d’abord eu le soin de développer une passion pour leur nouveau sujet d’étude, car oui évidemment que c’est un plaisir de cuisiner sans souffrance animale.

Ensuite, c’est un constat à la ramasse, avec la fameuse citation de Joël Robuchon, « la cuisine végétarienne sera celle de ces 10 prochaines années », déjà vieille de 4 ans. Dépéchez-vous, il ne vous reste que 6 ans!

Enfin, c’est une provocation. Aux menus de ces chefs-entrepreneurs, on trouve entre autres, « Veau et foie gras » à 75 euros, et « Le Trio: Terrine de la Cheffe, coussin de Pieds de Veau « Tremollette », Foies de Volaille, condiment médiéval », entrée à 22 euros.

Comment, dans ce contexte, peut-on prétendre avoir un quelconque rapport avec le véganisme? C’est grotesque, obscène. D’ailleurs, il n’y a dans la tribune aucune référence à des considérations morales, à des choix de vie, de société.

Ce triste constat n’est que le reflet de ce qui est en train d’arriver au véganisme, qui est vidé de son contenu pour ne devenir qu’un produit de niche, une part de marché, alors que l’exploitation animale se fait chaque jour plus violente au niveau mondial.

Aujourd’hui, une jeune personne végane qui souhaite se former professionnellement au métier de cuisinier doit affronter un véritable parcours du combattant pour être prise au sérieux, arriver à valider son apprentissage, et trouver un emploi.

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des contradictions de notre époque, mais qui illustre bien la nécessité de faire un recadrage de ce qu’est le véganisme, à savoir, un choix de société. Et ces gens-là n’ont rien à dire, rien à apporter qui puisse faire avancer l’humanité et son rapport à la nature.

Catégories
Politique

Autriche : putsch d’extrême-droite dans les services secrets

A la suite de la formation du gouvernement autrichien où la droite catholique – conservatrice (ÖVP) s’alliait à l’extrême-droite (FPÖ), une série de petits scandales avait marqué les « burschenschaft », les corporations étudiantes pangermanistes, dont l’une des traditions est l’affrontement au sabre, les marques sur le visage et les mains restant à vie des preuves du ralliement à la cause.

Des chansons antisémites faisaient partie de certains répertoire de chansons, ce qui n’est nullement une surprise, mais a provoqué un certain émoi, alors que d’anciens membres des « burschenschaft » sont désormais partout dans l’Etat, ministres, députés, responsables de cabinets ministériels, etc.

Le chef du Parti social-démocrate parle d’ailleurs d’une infiltration de l’État autrichien, et on a pu avoir une preuve de cela avec un événement qui bouscule tout le régime actuellement.

Ces dix dernières années, deux appareils d’État se sont développés sans contrôle. Les services secrets (Bureau pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme – BVT) étaient dépendants de l’ÖVP, la police anti-criminalité urbaine (EGS) du FPÖ. L’État central avait perdu tout contrôle sur ces appareils.

Or, fin février, la police anti-criminalité urbaine a mené une grande opération de perquisition chez les services secrets et certains de leurs membres. Lourdement armés, masqués, etc., les policiers ont embarqué plein de matériel (clefs usb, ordinateurs, CD, téléphones portables, dossiers, etc.).

Officiellement, c’était dans le cadre d’une opération anti-corruption… En pratique, l’opération a en fait embarqué plein d’enquêtes sur les « burschenschaft » et les néo-nazis. Et la presse elle-même est unanime pour parler de coup d’État dans les services secrets.

En clair, le ministère de l’Intérieur, désormais d’extrême-droite avec Herbert Kickl, a procédé à la liquidation de la main-mise de la droite sur les services secrets.

Au prix d’un scandale ébranlant l’État de manière profonde, car les experts sont littéralement blémes : des documents classés défense, ultra-confidentiels, y compris transmis par d’autres services secrets, ont été simplement enlevés par des policiers…

Le niveau de crédibilité est passé à zéro, sans parler évidemment, en ce qui nous concerne, la terrible signification de cette opération. Tous les partis de gauche sont vent debout pour tenter d’exiger une enquête parlementaire et il va de soi qu’il y a ici un aspect démocratique fondamental.

Mais cela sera-t-il suffisant ? N’est-ce pas comme dans les années 1930 où la gauche compte les coups, pour finir par se faire liquider ? Si on ne comprend pas l’enjeu, c’est ce qui se passe…

Car ce qui est en jeu ici, ce n’est pas moins que la fascisation de l’appareil d’État. Que l’extrême-droite n’hésite pas à la mise en scène de 80 hommes lourdement armés pénétrant dans la bâtiment des services secrets pour perquisitionner, brisant son prestige et sa crédibilité, en dit long sur son ambition.

Et quand la gauche n’a elle-même pas d’ambition, elle échoue à contrer celle de l’extrême-droite. Et l’ambition de la gauche ne peut être que du même niveau de celle de l’extrême-droite : celle-ci veut le fascisme, il faut vouloir le socialisme !

Catégories
Politique

Le « Rassemblement National » de Marine Le Pen

Ce week-end avait lieu à Lille le congrès de « refondation » du Front National, après l’échec de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Ce congrès visait à renouveler une ligne stratégique pour les années à venir, notamment en vue des élections européennes de 2019 mais aussi et surtout en vue des élections présidentielles de 2022.

Seulement 500 personnes environ se sont déplacées afin de protester, signe de la banalisation de l’extrême-droite, mais également de l’effondrement de la gauche dans une ville censée en être un bastion. Il ne reste plus que la sincérité, ce qui est déjà pas mal.

Malheureusement, l’extrême-droite sait organiser ses mutations nécessaires. Le renouvellement du Front National passe essentiellement par un changement du nom du parti et la proposition de changement est désormais là avec « Rassemblement national ».

Au-delà du fait que ce nom ait des accointances avec l’ancien mouvement collaborationniste de Marcel Déat, le « Rassemblement National Populaire » actif de 1941 à 1944, ce nom comporte un axe stratégique important.

Marine Le Pen a toujours eu comme stratégie, depuis 2011 et la reprise du FN, la conquête du pouvoir. Avec la déroute du second tour de 2017, il est clair que les critiques internes ont été très fortes, débouchant d’ailleurs sur la sortie de l’aile de « gauche » représentée par Florian Philippot en septembre 2017, aboutissant à la formation des « Patriotes ».

Plus que l’aile« gauche », c’est surtout un réservoir de cadres capables de diriger l’État qui sont partis du parti d’extrême droite. Marine Le Pen s’est alors trouvée coincée : ou bien maintenir la ligne « social-nationaliste » tout en trouvant une solution au déficit de cadres de son parti, ou bien revenir à la ligne du « canal historique », avec Bruno Gollnish en arrière-plan.

La présence du théoricien ultra-conservateur Steve Bannon lors du congrès montre la solution choisie. Cet ancien conseiller de Donald Trump est l’idéologue d’une droite se voulant décomplexée et capable de poser une alternative culturelle.

C’est cela qu’on retrouve à travers le changement de nom. Il a été compris que, comme en Autriche ou récemment en Italie, seule une grande alliance avec les forces de droite conservatrice est à même de porter l’extrême droite, ou une partie, au pouvoir.

Nicolas Dupont-Aignan de « Debout la France » ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a proposé à Laurent Wauqiez (Les Républicains) et à Marine Le Pen un « programme commun », justifiant le fait que sans union aucune force de droite ne « gagnerait seule ». Thierry Mariani, député Les Républicains et ancien proche de Nicolas Sarkozy, s’est lui aussi montré favorable à une telle union.

Des secteurs de la droite « nationale » l’ont compris : seule une grande alliance nationale-conservatrice peut mener à la conquête du pouvoir. Alors qu’une grande partie du centre a été absorbé par La République en Marche d’Emmanuel macron, l’opposition est actuellement portée par le populisme de gauche de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

La droite et l’extrême droite, en pleine recomposition, se cherche un cap. Mais le problème essentiel de cette fondation d’une grande alliance nationale-conservatrice c’est le poids des appareil politiques et le manque de cadre du côté du FN (qui a l’ascendant sur le reste des forces). De plus, la pression exercée à la fois par « Les Patriotes » par en haut et « Bastion Social » par en bas compliquent la situation.

Laurent Wauquiez, président des Républicains, bloque une telle alliance en voulant retenter la stratégique de Nicolas Sarkozy de « pomper » les bases du FN. Mais Marine Le Pen, a au fond le même espoir inverse : pomper les bases de droite radicalisée, et déçues par l’affairisme des Républicains. Les têtes d’appareil bloquent toute alliance permettant à la droite conservatrice d’avoir sa majorité électorale, et au FN d’avoir un réservoir de cadres.

Là où tout va peut se jouer c’est dans la constitution ou non d’un mouvement d’opposition à la modernisation de la loi de bioéthique en pleine année de commémoration des 50 ans de Mai 68.

 

Victoire de Gubernatis, la présidente de la « Marche pour la Vie », qui a rassemblé 10 000 personnes en janvier 2018 contre le droit à l’avortement et contre la PMA, a d’ailleurs déclaré dans le média identitaire « Boulevard Voltaire » que « la PMA sera au cœur de la vie politique en 2018 » (sous-entendu en lien avec la révision de la loi de bioéthique).

« Rennaissance Catholique », est un des groupes catholiques conservateurs, participants à cette « marche pour la vie », oriente d’ailleurs son université d’été de juillet 2018 sur le thème « 1968-2018, une révolution silencieuse ». Des questions abordées comme « la religion du multiculturalisme », « les droits de l’Homme contre les Nations », « la dictature des juges », etc., laissent clairement apparaître la proximité avec l’extrême droite dans sa tradition contre-révolutionnaire anti-lumières et anti-progrès.

On le comprend aisément : seule une mobilisation nationale-conservatrice peut débloquer le verrouillage des appareils incapables d’une alliance. C’est dans le creuset d’un tel mouvement, dans la pression et l’unification des bases populaires à la fois celles conservatrices et réactionnaires, qu’une grande alliance « de sommet » peut se former.

Ce serait une forme de « Front Populaire » de droite, comme pied de nez terrible à l’apathique des forces de gauche, incapable de faire front commun tout en critiquant les aspects « libéral-libertaire » de mai 68.

Marine Le Pen a très bien saisi l’importance de ce futur moment en axant justement toute une partie de son discours sur une critique de l’esprit « libérale-libertaire » de Mai 68, débouchant sur la « marchandisation du vivant » (sous-entendu explicite à la PMA, GPA). Elle a également ciblé le transhumanisme.

C’est là la base d’une dénonciation culturelle du capitalisme au moyen du conservatisme. Le Rassemblement National se positionne de manière à anticiper les futures alliances électorales, mais aussi un possible futur grand mouvement d’opposition conservatrice anti-gouvernement. C’est là un danger réel qui se profile à moyen terme.

Catégories
Politique

Slogans de mai 1968

À bas les groupuscules récupérateurs
À bas la société de consommation.
À bas la société spectaculaire-marchande.
À bas le crapaud de Nazareth
À bas le réalisme socialiste. Vive le surréalisme.
À bas les journalistes et ceux qui veulent les ménager
À bas l’État.
À bas le sommaire
Vive l’éphémère
Jeunesse Marxiste Pessimiste
Vive l’Association Internationale des Travailleurs
À bas le vieux monde
À bas l’objectivité parlementaire des groupuscules. L’intelligence est du côté de la bourgeoisie. La créativité est du côté des masses. Ne votez plus.
Abolition de l’aliénation.
Abolition de la société des classes.
L’aboutissement de toute pensée, c’est le pavé dans ta gueule, C.R.S.
L’action ne doit pas être une réaction mais une création
L’action permet de surmonter les divisions et de trouver des solutions.
L’âge d’or était l’âge où l’or ne régnait pas.  Le veau d’or est toujours de boue.
L’agresseur n’est pas celui qui se révolte mais celui qui affirme
L’agresseur n’est pas celui qui se révolte mais celui qui réprime
Aimez-vous les uns sur les autres
L’alcool tue.  Prenez du L.S.D.
« Amnistie : acte par lequel les souverains pardonnent le plus souvent les injustices qu’ils ont commises. » (Ambrose Bierce)
L’anarchie c’est Je
L’aptitude de l’étudiant à faire un militant de tout acabit en dit long sur son impuissance.  -Les filles enragées.
Les armes de la critique passent par la critique des armes
Arrêtez le monde, je veux descendre
L’art est mort. Godard n’y pourra rien.
L’art est mort, libérons notre vie quotidienne.
L’art est mort, ne consommez pas son cadavre.
Attention : les arrivistes et les ambitieux peuvent se travestir en « socialards ».
Attention les cons nous cernent. Ne nous attardons pas au spectacle de la contestation, mais passons à la contestation du spectacle.
« Au grand scandale des uns, sous l’oeil à peine moins sévère des autres, soulevant son poids d’ailes, ta liberté. » [André Breton]
Autogestion de la vie quotidienne
Autrefois, nous n’avions que le pavot. Aujourd’hui, le pavé.
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
À vendre, veste en cuir spéciale manifestation, garantie anti-CRS, grande taille, prix 100 F
Ayez des idées
Baisez-vous les uns les autres sinon ils vous baiseront
Bannissons les applaudissements, le spectacle est partout.
La barricade ferme la rue mais ouvre la voie
Le bâton éduque l’indifférence
Belle, peut-être pas, mais ô combien charmant.  La vie contre la survie.
Bien creusé vieille taupe
Le bleu restera gris tant qu’il n’aura pas été réinventé
Le bonheur est une idée neuve.
Un bon maître nous en aurons dès que chacun sera le sien
La bourgeoisie n’a pas d’autre plaisir que de les dégrader tous
Cache-toi, objet
Camarades, 5 heures de sommeil sur 24 sont indispensables : nous comptons sur vous pour la révolution.
Camarades, l’amour se fait aussi à Sc. Po., pas seulement aux champs
Camarades, lynchons Séguy !
Camarades, si tout le peuple faisait comme nous…
Camarades, vous enculez les mouches
Céder un peu c’est capituler beaucoup
Celui qui peut attribuer un chiffre à une (é)motion est un con
Ce n’est pas seulement la raison des millénaires qui éclate en nous, mais leur folie, il est dangereux d’être héritier
C’est en arrêtant nos machines dans l’unité que nous démontrons leur faiblesse.
« C’est parce que la propriété existe qu’il y a des guerres, des émeutes et des injustices. » (Saint Augustin)
C’est pas fini !
Ceux qui ferment les portes à clé sont des froussards donc des ennemis
Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau.
Ceux qui parlent de révolution et de lutte des classes sans se référer à la réalité quotidienne parlent avec un cadavre dans la bouche
Changez la vie, donc transformez son mode d’emploi
Chassez le flic de votre tête.
Le Christ seul révolutionnaire
Colle-toi contre la vitre. Croupis parmi les insectes
« Le combat est père de toute chose. » (Héraclite)
Comment penser librement à l’ombre d’une chapelle ?
Concours du prof le plus bête. Osez donc signer les sujets d’examen.
Le conservatisme est synonyme de pourriture et de laideur
Consommez plus, vous vivrez moins
Construire une révolution, c’est aussi briser toutes les chaînes intérieures
Contestation. Mais con d’abord
Cours camarade, le vieux monde est derrière toi
Cours camarade, le P.C.F. est derrière toi
Cours, connard, ton patron t’attend
Créez.
Crier la mort c’est crier la vie
C.R.S. qui visitez en civil, faites très attention à la marche en sortant
La culture c’est l’inversion de la vie
« Dans la révolution, il y a deux sortes de gens : ceux qui la font et ceux qui en profitent. » (Napoléon)
Dans le décor spectaculaire, le regard ne rencontre que les choses et leur prix.
Dans les chemins que nul n’avait foulés, risque tes pas !  Dans les pensées que nul n’avait pensées, risque ta tête !
Debout les damnés de l’Université.
Déboutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette
Déchristianisons immédiatement la Sorbonne
Déculottez vos phrases pour être à la hauteur des Sans-culottes
Déjà 10 jours de bonheur
Défense de ne pas afficher
Désirer la réalité, c’est bien ! Réaliser ses désirs, c’est mieux
Dessous les pavés c’est la plage…
Dieu, je vous soupçonne d’être un intellectuel de gauche
Le discours est contre-révolutionnaire.
Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend
L’économie est blessée, qu’elle crève !
Écrivez partout !
L’éducateur doit être lui-même éduqué
Élections pièges à cons
L’émancipation de l’homme sera totale ou ne sera pas
Embrasse ton amour sans lâcher ton fusil
L’ennemi du mouvement, c’est le scepticisme.  Tout ce qui a été réalisé vient du dynamisme qui découle de la spontanéité.
L’ennui est contre-révolutionnaire.
Enragez-vous
En tout cas pas de remords !
Espérance : ne désespérez pas, faites infuser davantage.
Est prolétaire celui qui n’a aucun pouvoir sur l’emploi de sa vie quotidienne et qui le sait
Et cependant, tout le monde veut respirer et personne ne peut respirer et beaucoup disent « nous respirerons plus tard ».  Et la plupart ne meurent pas car ils sont déjà morts.
Êtes-vous des consommateurs ou bien des participants ?
Être libre en 1968, c’est participer.
Être réactionnaire c’est justifier et accepter la réforme sans y faire fleurir la subversion
Être riche c’est se contenter de sa pauvreté ?
Et si on brûlait la Sorbonne ?
L’état c’est chacun de nous
Les étudiants sont cons.
Exagérer c’est commencer d’inventer
Exagérer, voilà l’arme
Examens = servilité, promotion sociale, société hiérarchisée.
Explorons le hasard
Fais attention à tes oreilles, elles ont des murs
Faites l’amour et recommencez
Faites la somme de vos rancoeurs et ayez honte
Le feu réalise !
Fin de l’Université.
Un flic dort en chacun de nous, il faut le tuer
La forêt précède l’homme, le désert le suit.
Les frontières on s’en fout.
Les gens qui travaillent s’ennuient quand ils ne travaillent pas.  Les gens qui ne travaillent pas ne s’ennuient jamais
Godard : le plus con des Suisses pro-chinois !
L’homme n’est ni le bon sauvage de Rousseau, ni le pervers de l’église et de La Rochefoucauld.  Il est violent quand on l’opprime, il est doux quand il est libre.
Un homme n’est pas stupide ou intelligent : il est libre ou il n’est pas
D’un homme, on peut faire un flic, une brique, un para, et l’on ne pourrait en faire un homme ?
L’humanité ne sera heureuse que quand le dernier capitaliste sera pendu avec les tripes du dernier gauchiste
L’humanité ne sera vraiment heureuse que lorsque le dernier des capitalistes aura été pendu avec les tripes du dernier des bureaucrates
Hurle.
Ici, bientôt, de charmantes ruines.
Ici, on spontane
Il est douloureux de subir les chefs, il est encore plus bête de les choisir.
Il est interdit d’interdire
Il est interdit d’interrompre
« Il faut porter en soi un chaos pour mettre au monde une étoile dansante. » (Nietzsche)
Il faut systématiquement explorer le hasard
Il n’est pas de pensées révolutionnaires. Il n’est que des actes révolutionnaires
Il n’y a de mortel, de temporel, de limitée et d’exclusif que dans l’organisation et dans les structures
Il n’y aura plus désormais que deux catégories d’hommes : les veaux et les révolutionnaires.  En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires.
Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas la venue du printemps
Il y a, en France, 38 000 communes… nous en sommes à la seconde
« Imagination n’est pas don mais par excellence objet de conquête. » (Breton)
L’imagination prend le maquis
L’imagination prend le pouvoir
L’insolence est la nouvelle arme révolutionnaire
Interdit d’interdire.  La liberté commence par une interdiction : celle de nuire à la liberté d’autrui.
Inventez de nouvelles perversions sexuelles (je peux pus !)
J’aime pas écrire sur les murs.
J’ai quelque chose à dire mais je ne sais pas quoi
Je décrète l’état de bonheur permanent
Je joue
« Je me propose d’agiter et d’inquiéter les gens.  Je ne vends pas le pain mais la levure. » (Unamuno)
J’emmerde la société et elle me le rend bien
Je ne sais qu’écrire mais j’aimerais en dire de belles et je ne sais pas
Je ne suis au service de personne, le peuple se servira tout seul
Je ne suis au service de personne (pas même du peuple et encore moins de ses dirigeants) : le peuple se servira tout seul.
Je participe.
Tu participes.
Il participe.
Nous participons.
Vous participez.
Ils profitent.
Je plane/hashich
Je prends mes désirs pour la réalité car je crois en la réalité de mes désirs
Je rêve d’être un imbécile heureux
Je suis marxiste, tendance Groucho
Je suis venu, j’ai vu, j’ai cru
Je t’aime !!! Dites-le avec des pavés
Jeunes femmes rouges toujours plus belles
Les jeunes font l’amour, les vieux font des gestes obscènes.
Jouissez ici et maintenant
Jouissez sans entraves
Jouissez sans entraves, vivez sans temps morts, baisez sans carotte
Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes… et la peur du noir aux staliniens
Les larmes des Philistins sont le nectar des dieux
La liberté, c’est la conscience de la nécessité
La liberté, c’est le crime qui contient tous les crimes, c’est notre arme absolue
La liberté, c’est le droit au silence
La liberté commence par une interdiction.  Celle de nuire à la liberté d’autrui
La liberté d’autrui étend la mienne à l’infini.
La liberté est le crime qui contient tous les crimes.  C’est notre arme absolue.
La liberté n’est pas un bien que nous possédions. Elle est un bien que l’on nous a empêché d’acquérir à l’aide des lois, des règlements, des préjugés, ignorance…
Libérez nos camarades.
Luttons contre la fixation affective qui paralyse nos potentialités. -Comité des femmes en voie de libération.
Lynchons Séguy ! La marchandise, on la brûlera !
Le mandarin est en vous
Mangez vos professeurs
Manquer d’imagination, c’est ne pas imaginer le manque
La marchandise, on la brûlera
Le masochisme aujourd’hui prend la forme du réformisme
Make love, not war.
La marchandise est l’opium du peuple.
Même si Dieu existait, il faudrait le supprimer.
Merde au bonheur (vivez)
Mes désirs sont la réalité
Métro, boulot, dodo
Mettez un flic sous votre moteur
Millionnaires de tous les pays, unissez-vous, le vent tourne.
Mort aux tièdes
La mort est nécessairement une contre révolution
Les motions tuent l’émotion
Mutation lave plus blanc que révolution ou réformes
Mur baignant infiniment dans sa propre gloire
Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs
N’admettez plus d’être / immatriculés / fichés / opprimés / réquisitionnés / prêchés / recensés / traqués /
La nature n’a fait ni serviteurs ni maîtres, je ne veux donner ni recevoir de lois
Ne changeons pas d’employeurs, changeons l’emploi de la vie
Ne consommons pas Marx
Ne dites plus : Monsieur le Professeur, dites : crève salope !
Ne dites plus : urbanisme, dites : police préventive
Ne me libère pas, je m’en charge
Ne nous attardons pas au spectacle de la contestation, mais passons à la contestation du spectacle.
Ne nous laissons pas bouffer par les politicards et leur démagogie boueuse.  Ne comptons que sur nous-mêmes.  Le socialisme sans la liberté, c’est la caserne.
Ne prenez plus l’ascenseur, prenez le pouvoir
Ne travaillez jamais !
Ne vous emmerdez pas, merdifiez
Ne vous emmerdez plus, emmerdez les autres
Le n’importe quoi érigé en système
Le nihilisme doit commencer par soi-même
Ni maître, ni Dieu. Dieu, c’est moi
Ni robot, ni esclave
Non à la révolution en cravate.
Notre espoir ne peut venir que des sans-espoir
Nous avons une gauche préhistorique
Nous n’avons fait que la 1ère insurrection de notre révolution
« Or, les vraies vacances, c’était le jour où nous pouvions regarder une parade gratuitement, où nous pouvions allumer un feu géant au milieu de la rue sans que les flics nous en empêchent. » Harpo Marx
Nous ne voulons pas d’un monde où la certitude de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir d’ennui.
Nous refusons d’être H.L.M.isés, diplômés, recencés, endoctrinés, sarcellisés, sermonés, matraqués, télémanipulés, gazés, fichés.
Nous sommes des rats (peut-être) et nous mordons. Les enragés
Nous sommes rassurés : 2 + 2 ne font plus 4
Nous sommes tous des « indésirables ».
Nous sommes tous des juifs allemands
Nous voulons : les structures au service de l’homme et non pas l’homme au service des structures. Avoir le plaisir de vivre et non plus le mal de vivre
Nous voulons une musique sauvage et éphémère.  Nous proposons une régénération fondamentale : grève de concerts, des meetings sonores : séances d’investigation collectives, suppression du droit d’auteur, les structures sonores appartiennent à chacun.
Nous voulons vivre.
La nouveauté est révolutionnaire, la vérité aussi
Nul n’arrive à comprendre s’il ne respecte, conservant lui-même sa propre nature, la libre nature d’autrui
L’obéissance commence par la conscience et la conscience par la désobéissance
Occupation des usines.
O gentils messieurs de la politique, vous abritez derrière vos regards vitreux un monde en voie de destruction. Criez, criez, on ne saura jamais que vous avez été castrés.
On achète ton bonheur, vole-le !
On n’a… pas le temps d’écrire !!!
On n’efface pas la vérité (ni d’ailleurs le mensonge)
On ne revendique rien, on prend
On ne revendiquera rien, on ne demandera rien, on prendra, on occupera
L’orthografe est une mandarine
Osons
« Osons ! Ce mot renferme toute la politique de cette heure. » (Saint-Just)
Oubliez tout ce que vous avez appris.  Commencez par rêver
Ou vous vous emparez des usines, des bureaux, des banques, de tous les moyens de distribution, ou vous disparaîtrez sans laisser de traces ! La révolution a besoin d’argent et vous, aussi; les banques sont là pour nous en fournir ! Une organisation, oui ! Une autorité ou un parti, NON ! (Bonnot and Clyde)
Ouvrez les fenêtres de votre coeur
Ouvrons les portes des asiles, des prisons et autres facultés
La paresse est maintenant un crime, oui, mais en même temps un droit
Parlez à vos voisins (et à vos voisines, bordel !)
Participez au balayage. Il n’y a pas de bonnes ici
Pas de liberté aux ennemis de la liberté.
Pas de replâtrage, la structure est pourrie.
« La passion de la destruction est une joie créatrice. » (Bakounine)
Le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui.
Au pays de Descartes les conneries se foutent en cartes
La pègre, c’est nous
Une pensée qui stagne est une pensée qui pourrit
Penser ensemble, non. Pousser ensemble, oui
La perspective de jouir demain ne me consolera jamais de l’ennui d’aujourd’hui
Plébicite : qu’on dise oui qu’on dise non, il fait de nous des cons.
Pluie. Pluie et vent et carnage ne nous dispersent pas mais nous soudent (Comité d’agitation culturelle)
La plus belle sculpture, c’est le pavé de grès. Le lourd pavé critique c’est le pavé que l’on jette sur la gueule des flics.
Plus jamais Claudel
Plus je fais l’amour, plus j’ai envie de faire la révolution. Plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour
La poésie est dans la rue
La politique se passe dans la rue.
Pour mettre en question la société où l’on « vit », il faut d’abord être capable de se mettre en question soi-même.
Pourvu qu’ils nous laissent le temps…
Le pouvoir avait les universités, les étudiants les ont prises.  Le pouvoir avait les usines, les travailleurs les ont prises.  Le pouvoir avait l’O.R.T.F., les journalistes lui ont pris.  Le pouvoir a le pouvoir, prenez-le lui !
Le pouvoir est au bout du fusil (est-ce que le fusil est au bout du pouvoir ?)
Le pouvoir sur ta vie tu le tiens de toi-même
Prenez vos désirs pour la réalité
Prenons la révolution au sérieux, mais ne nous prenons pas au sérieux
Professeurs, vous êtes aussi vieux que votre culture, votre modernisme n’est que la modernisation de la police, la culture est en miette (les enragés)
Professeurs, vous nous faites vieillir
Quand l’assemblée nationale devient un théâtre bourgeois, tous les théâtres bourgeois doivent devenir des assemblées nationales
Quand le dernier des sociologues aura été étranglé avec les tripes du dernier bureaucrate, aurons-nous encore des « problèmes » ?
Quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt (proverbe chinois)
Quand les gens s’aperçoivent qu’ils s’ennuient, ils cessent de s’ennuyer.
Que c’est triste d’aimer le fric.
Qu’est-ce qu’un maître, un dieu ?  L’un et l’autre sont une image du père et remplissent une fonction oppressive par définition
Qui parle de l’amour détruit l’amour.
Le reflet de la vie n’est que la transparence du vécu
Réforme mon cul.
Regarde-toi : nous t’attendons !
Regarde ton travail, le néant et la torture y participent
Regardez en face !!!
Les réserves imposées au plaisir excitent le plaisir de vivre sans réserve.
Le respect se perd, n’allez pas le rechercher
Le rêve est réalité
La révolution cesse dès l’instant qu’il faut se sacrifier pour elle.
La révolution, c’est une INITIATIVE.
La Révolution doit cesser d’être pour exister
La révolution doit se faire dans les hommes avant de se faire dans les choses
La révolution est incroyable parce que vraie
Révolution, je t’aime.
Un révolutionnaire est un danseur de cordes
Nouvelle faculté de médecine
La révolution n’est pas seulement celle des comités mais avant tout la vôtre.
La révolution prolétarienne est l’acte intellectuel par excellence
Une révolution qui demande que l’on se sacrifie pour elle est une révolution à la papa
Un rien peut être un tout, il faut savoir le voir et parfois s’en contenter
Le rouge pour naître à Barcelone, le noir pour mourir (non, Ducon, pour vivre à Paris)
Le sacré, voilà l’ennemi
Savez-vous qu’il existait encore des chrétiens ?
Scrutin putain
Seule la vérité est révolutionnaire.
Un seul week-end non révolutionnaire est infiniment plus sanglant qu’un mois de révolution permanente
Institut des langues orientales
SEXE : c’est bien, a dit Mao, mais pas trop souvent.
Si besoin était de recourir à la force, ne restez pas au milieu
Si tu rencontres un flic, casse-lui la gueule
Si tu veux être heureux, pends ton propriétaire.
Si vous continuez à faire chier le monde, le monde va répliquer énergiquement
Si vous pensez pour les autres, les autres penseront pour vous
La société est une fleur carnivore
La société nouvelle doit être fondée sur l’absence de tout égoïsme, de tout égolatrie.  Notre chemin deviendra une longue marche de la fraternité.
Sous les pavés la plage
Soyez réalistes, demandez l’impossible
Soyez salés, pas sucrés !
Soyons cruels
Staliniens vos fils sont avec nous
Les syndicats sont des bordels
Toi, mon camarade, toi que j’ignorais derrière les turbulences, toi jugulé, apeuré, asphyxié, viens, parle à nous.
Tout acte de soumission à la force qui m’est extérieure me pourrit tout debout, mort avant que d’être enterré par les légitimes fossoyeurs de l’ordre.
Tout ce qui est discutable est à discuter
Tout enseignant est enseigné. Tout enseigné est enseignant.
Tout est Dada
« Toute vue des choses qui n’est pas étrange est fausse. » (Valéry)
Tout le pouvoir aux conseils ouvriers (un enragé).
Tout le pouvoir aux conseils enragés (un ouvrier).
Tout pouvoir abuse.  Le pouvoir absolu abuse absolument.
Tout réformisme se caractérise par l’utopiste de sa stratégie et l’opportunisme de sa tactique
Travailleur : tu as 25 ans mais ton syndicat est de l’autre siècle.
Le vent se lève. Il faut tenter de vivre
Vibration permanente et culturelle.
La vie est ailleurs
La vieille taupe de l’histoire semble bel et bien ronger la Sorbonne.  Télégramme de Marx, 13 mai 1968.
Vigilance ! Les récupérateurs sont parmi nous ! « Anéantissez donc à jamais tout ce qui peut détruire un jour votre ouvrage. » (Sade)
Violez votre Alma Mater.
Vite !
Vive le pouvoir des conseils ouvriers étendu à tous les aspects de la vie
Vive les enragés qui bâtissent des aventures.
Vive les mômes et les voyous
Vivre au présent.
Voir Nanterre et vivre. Allez mourir à Naples avec le Club Méditerranée.
Vous aussi, vous pouvez voler
Vous êtes creux.
Vous êtes en face d’une force. Prenez garde de déclencher la guerre civile par votre résistance.
Vous finirez tous par crever du confort
Zelda, je t’aime !  À bas le travail !

Catégories
Culture

Les liquidateurs de Tchernobyl vus par Igor Kostin

Sur cette photographie se lie l’urgence. Les liquidateurs est une synthèse de la catastrophe de Tchernobyl. Dès le 29 avril 1986, soit trois jours après l’explosion nucléaire, Igor Kostin commence son premier reportage sur le sujet qui sera le fil rouge de toute sa carrière.

L’ambiance générale de la scène est presque lunaire. Des personnages dans d’étranges combinaisons s’activent sur un sol à l’aspect chaotique. Rien n’est vraiment nette sur l’image. La profondeur de champ semble mal maîtrisée, la mise au point paraît réglée sur l’objet au centre de l’image, derrière le personnage au premier plan. Autant d’indices d’une prise de vue précipitée.

La confusion du spectateur est néanmoins limitée grâce au soin apporté à la composition. La lecture est guidée suivant une ligne diagonale partant de l’angle inférieur gauche : la main droite du personnage de premier plan, puis sa main gauche, le brancard, le deuxième personnage, vers le troisième. On a affaire à des travailleurs manutentionnaires.

L’ensemble est imparfait et les anomalies sont notables. L’horizon ondule. Le grain de l’image est grossier, comme si le film avait été forcé au développement pour rattraper en laboratoire une sous-exposition causée par une prise de vue incorrecte. Des marques blanches en halo sont présentes au bas de l’image laissent penser que le dos du boîtier présentait des puits de lumière.

En cette fin avril 1986, les liquidateurs, civils et militaires, se relaient sur les toits de la centrale, à quelques dizaines de mètres du cratère laissé par l’explosion. Équipés de masques à gaz et de tablier de plomb, les travailleurs charrient les débris contaminés. Au hurlement de la sirène, huit équipiers se ruent sur le chantier pour un poste de 40 secondes.

En une semaine, Igor Kostin retourne cinq fois sur les toits pour des séances de prise de vue de deux à trois minutes. Chaque fois, ses films sont noirs, comme brûlés par les radiations. Il applique alors des plaques de plomb sur son boîtier, et varie les temps d’exposition sans tenir compte des mesures de lumière. Ce procédé lui permet de ramener des images exploitables.

Les quatre boîtiers utilisés pour réaliser le reportage dont est tiré cette photographie sont ensevelis avec les débris nucléaires dans le cratère du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl.

Catégories
Politique

Guerre d’Espagne : affiches du PSUC et de l’UGT

Le Parti socialiste unifié de Catalogne est né en juillet 1936, quelques jours après le coup d’État de Franco, en tant que fusion des socialistes et des communistes. Il dirigeait également l’Union générale des travailleurs (UGT). Voici quelques unes de leurs affiches durant la guerre d’Espagne.

Catégories
Culture

Winter d’Amebix (1983)

Amebix est un groupe culte de punk anglais de la toute fin des années 1970 et qui se sépara en 1987, avant de se reformer pour quelques années en 2008. Le groupe produira deux albums (Arise ! et Monolith), et trois EPs (Who’s the Ennemy, Winter et No Sanctuary) – nous ne comptons pas ici leurs productions pendant la reformation.

Amebix émerge d’une partie de la scène punk anglaise tournée vers le metal et les courants post-punk et gothique. Leurs débuts seront plus post-punk tandis qu’à partir de l’album Arise ! le groupe se tournera vers le metal et sera d’ailleurs une influence notable pour de nombreux groupes de thrash et de black metal comme Sepultura, Bathory ou Celtic Frost.

A ce moment la scène punk anglaise est en plein foisonnement : à côté des groupes plus « No future » comme The Exploited, se trouve tout un mouvement de punk pacifiste qui ira explorer de nouveaux horizons tant musicalement qu’esthétiquement : parfois expérimental comme Crass ou Dirt (qui aura aussi un son plus pop), ou plus novateur et brutal comme Discharge, ou encore plus teinté de metal avec des groupes que l’on qualifiera de « stenchcore » ou plus généralement de crust. Amebix se situe dans cette dernière catégorie.

Si Arise ! aura marqué beaucoup plus de groupes que Winter, ce dernier restera le summum du groupe en terme de synthèse. Le EP est composé de deux chansons : Winter et Beginning of the end. Deux chansons de punk glacial et post-apocalyptique.

Cet EP est comme hors du temps : à l’écart dans le mouvement des premiers groupes punk au son de plus en plus metal, à part dans l’histoire du groupe.

Ce qui frappe en premier lieu est la place centrale de la basse. La batterie n’est là que pour la soutenir, l’appuyer. Tandis que la guitare vient davantage pour créer une atmosphère glaciale que pour donner une mélodie.

A cela s’ajoute un chant lointain, comme un écho qui parviendrait difficilement jusqu’à nous. Cette combinaison créée une atmosphère dense et envoûtante à la fois. Comme si cet hiver sera le dernier, comme si le monde était au bord de l’implosion et que personne ne voulait voir la vérité en face.

La dignité d’Amebix est de ne pas avoir sombré dans le nihilisme décadent d’une partie de la scène punk. Le monde tel qu’il avançait, tel qu’il était (et qu’il est encore aujourd’hui) est rejeté en bloc. Il n’y a pas de perspective, mais le rejet est complet.

«The machine has grown to crush the world, the walls are getting higher
The youth will be the first to throw themselves upon the pyre
The reason for living seems so fruitless in the aftermath
When we’ve finally walked to the end of the path

Looks like the beginning of the end »

Ce qui peut se traduire par :

« La machinerie est lancée et prête pour briser le mode, les murs se dressent toujours plus hauts
La jeunesse sera la première à se jeter au bûcher
Les raisons de vivre semblent si minces à présent
Lorsque nous avons finalement marché jusqu’au bout du chemin

Cela ressemble au début de la fin »

A ce moment-là, Amebix est une sorte de Joy Division de toute une frange de la scène punk anglaise : moins gothique, moins romantique, mais avec une esthétique et un son si particuliers et uniques.

Catégories
Politique

Célébration des femmes du 8 mars 2018

Les femmes ne sont pas présentes partout. Soit parce qu’elles sont exclues, soit parce qu’elles décident de ne pas être présentes. Prenons la chasse à courre. Le site venerie.org décrit la participation de la femme à la chasse comme un « apport chaleureux dans les équipages ».

Les femmes représentent 20% des veneurs. Les seules femmes participant à la chasse à courre sont issues des milieux grands-bourgeois le plus souvent parisiens. Pourtant, c’est d’une pratique féodale dont il s’agit ici. Les rôles de chacun durant la chasse sont immuables, tout est ritualisé, codifié, hiérarchisé à la manière des castes : le maître d’équipe, noble le plus souvent, les piqueurs, hommes influents triés sur le volet et les suiveurs appartenant aux classes populaires.

Il n’y a pas de suiveuses. Chacun doit tenir sa place dans ce qui est la traque d’un animal, sans relâche et à mort. Le spectacle est sanguinaire. Le système de valeurs est réactionnaire.

Les femmes refusent la violence gratuite. C’est pour cela qu’elles sont aussi rarement présentes dans les tribunes des supporters ultras de football. Pourtant, les femmes aiment le football. Elles pratiquent le jeu, mais rejettent le côté beauf « apéro-barbecue » d’avant match !

Voilà un exemple de la clairvoyance des femmes et de leur aptitude à trancher. Contrairement aux hommes qui se laissent entraîner, par faiblesse morale, de la tribune à la bière et de l’insulte à la ratonnade, les femmes coupent court. Dans le fatras de la culture foot, elles prennent le sport, le spectacle éventuellement, mais elles rejettent massivement le hooliganisme et la culture beauf.

D’ailleurs ce côté beauf, elles le fuient également dans les milieux syndicaux et leurs cortèges bières-merguez. Les femmes ne sont présentes qu’à hauteur de 7,5% dans les syndicats français.

Ces derniers prétendent négocier l’égalité entre hommes et femmes. Ils ne s’intéressent qu’aux salaires. C’est bien, mais cela ne remet pas du tout en cause la base sociale ! Les syndicats ont brillé par leur absence dans le mouvement #balancetonporc, qu’ils n’ont pas compris, alors qu’il concernait en premier lieu les violences sexistes au travail.

Un grand nombre de femmes s’est emparé de ce hashtag, et au-delà des réseaux sociaux, un véritable élan s’est amorcé pour dénoncer ce qu’elles subissent au quotidien, au boulot ou dans la rue. Ce n’est pas grâce aux syndicats si la peur a, partiellement et pour un temps seulement, changé de camp.

La barbarie est omniprésente. Et moins les femmes s’expriment et moins les femmes sont là, et plus la barbarie s’affirme. La société entretient les lieux de la barbarie et étouffe la voix des femmes, la voix sensible.

Prenons les relations sentimentales. Soit elles n’existent pas et les rapports entre les individus sont voués à la brutalité, soit elles sont d’une pauvreté lamentable. Même s’il n’y a pas toujours violence physique, la violence émotionnelle est bien là. Du fait d’un isolement causé par le mode de vie, une solitude qui détruit moralement se répand. Les rencontres se réduisent alors aux coups d’un soir, la drague à Tinder et l’amoureux n’est qu’un sexfriend. C’est toute notre sentimentalité qui se trouve ratatinée à la mode 50 nuances…

Cela la bourgeoisie semble ne pas l’avoir perçu.

Son indignité est à l’image d’Aurore Bergé, député La République en Marche, qui s’est illustrée dernièrement à la télévision. Elle s’est présentée dans un talk-show dans une toilette qui a fait polémique.

Il est évident que, vu de gauche, le problème n’est pas de savoir si une femme peut apparaître dénudée en public. La femme doit pouvoir se vêtir comme elle le souhaite, y compris en public, sans subir aucune violence quelle qu’elle soit. Mais les gens qui font de la politique à ce niveau savent que leur carrière est en partie déterminée par leur popularité. Aurore Bergé a choisi son image en conscience, pour « se vendre ». Elle a tout raté.

Car le corps des femmes est engagé politiquement. Pour les sentiments véritables, pour la dignité, contre la violence gratuite, les femmes veulent changer la vie parce qu’elles en connaissent la valeur.

Les femmes du 8 mars 2018, ce sont ces femmes de l’Oise qui comptent parmi les opposants à la chasse à courre. Après la journée de travail, leur corps se fait barricade, elles s’unissent par conviction à des actions, parfois violentes, afin de protéger un autre être, de la violence barbare. Ces femmes doivent gagner le pouvoir politique.

Catégories
Écologie

Chasse à courre et répression (tribune)

Tribune publiée originellement sur mediapart et dont agauche.org est signataire. Pour rappel : le facebook et le site du groupe AVA (Abolissons la vénerie aujourd’hui).

Depuis le mois d’octobre 2017, le mouvement d’opposition à la chasse à courre (aussi appelée vénerie) prend de l’ampleur dans le pays.

Mais, malgré les 84% de français opposés à cette pratique (sondage IFOP/Fondation Brigitte Bardot), l’abolition ne tombe pas du ciel.
Dans l’Oise, les habitants des villages ont décidé de s’organiser pour la défense de la Nature, mais aussi pour le simple respect de leurs droits et de leur quiétude.

Car les incidents continuent de se multiplier dans les villages : Bonneuil-en-Valois fin décembre, Choisy-au-Bac début janvier, Pont-Sainte-Maxence début février… A chaque fois, ces scènes donnent lieu à des affrontements entre les habitants et les veneurs, repoussés  souvent avec l’appui des maires.

Ces derniers sont de plus en plus nombreux à adopter des arrêtés municipaux interdisant le passage de la chasse à courre dans leur commune, mais ceux-ci sont constamment violés. La contestation gagne maintenant la forêt elle-même.

Chaque mercredi et samedi, des habitants se réunissent sous la bannière d’AVA (Abolissons la Vénerie Aujourd’hui) jusqu’à être parfois une soixantaine. Ils suivent les chasses à courre et en documentent les méfaits. Les méthodes d’action sont clairement pacifiques : une charte proscrit toute violence, injure ou dégradation.

Au grand dam des veneurs, les policiers qui assistent à ces sorties depuis le mois de novembre n’ont relevé aucune infraction.

Privés de recours légaux, la Fédération des Chasseurs de l’Oise saisit alors le préfet Louis Le Franc.

Celui-ci les assure immédiatement de « son entier dévouement » : « La sécurité et le bon déroulement de ces chasses traditionnelles sont, pour le représentant de l’Etat que je suis, une priorité. Face à cette situation, j’ai donné des instructions précises à la Gendarmerie Nationale pour que soient interpellés et poursuivis les individus pris en flagrant délit d’entrave au droit de chasse ».

Samedi 17 février, Guy Harlé d’Ophove, président de la FDC60, invite le préfet sur place, à l’arrière de son 4×4.

Ils tentent ensemble d’intimider les habitants. Mis en file indienne à un carrefour de forêt, certains d’entre eux subissent menaces et contrôles d’identité. Des brigades de Gendarmerie de tout le département sont mobilisées pour une séance d’intimidation. « Je veux que cela cesse, laissez-les chasser ! ».

Les veneurs, les encerclant à cheval, se délectent de la scène. Mais comme d’habitude, aucun délit n’est constaté, et à peine la mise en scène terminée, les activités reprennent des deux côtés. Le préfet, quant à lui, ne communique pas aux médias sa présence ce jour là. Loin de calmer le jeu, cette démonstration de force, hors de tout cadre légal, vient arbitrairement renforcer une position contre une autre, et ainsi aggraver le climat de violence.

Car deux jours avant, un événement est survenu, symptomatique du sentiment d’impunité des veneurs qui va crescendo.

Lors d’une promenade, quatre personnes tombent sur un rassemblement d’une centaine d’entre eux dans un lieu public, apprécié des familles le week-end.

Reconnus comme des opposants à la chasse à courre, les quatre personnes (trois femmes et un homme) sont frappées, et poursuivies jusqu’à leur voiture par une quinzaine d’hommes armés de fouets.

Ceux-ci leur volent un téléphone, et prennent en photo leurs plaques d’immatriculation. Moins d’une semaine plus tard, le propriétaire du journal « Oise hebdo » signera un article révélant l’identité d’un des militants, ainsi que des informations sur sa vie privée, son métier et sa famille. Celui-ci est depuis victime de menaces quotidiennes.

Quand la sécurité des personnes n’est pas assurée, la liberté d’expression n’est plus qu’une chimère.

Beaucoup craignent que cette situation se généralise dans l’Oise, car le plus inquiétant reste à venir. Le département est le théâtre d’une expérimentation inédite en France. La préfecture vient de signer un partenariat avec la Fédération des Chasseurs locale : les « Chasseurs Vigilants ».

Une véritable milice armée de deux cents hommes recevra le rôle d’assister la Gendarmerie dans les « zones forestières » et de « campagne profonde ».

Satisfait, Guy Harlé d’Ophove qualifie ce nouveau détachement de « RG des campagnes », et prévient les critiques : « si ces gens ne sont pas contents, qu’ils restent dans les villes ».

Le sentiment de toute-puissance des veneurs ne peut alors que se renforcer, finissant d’enterrer tout débat d’idées.
Par la présente tribune, nous affirmons notre solidarité aux personnes intimidées et violentées. Nous exigeons la fin de ce climat de menace constante dans nos campagnes.

Nous demandons au préfet l’arrêt immédiat du protocole « Chasseurs Vigilants », dont la partialité est insupportable, donnant le pouvoir de loi à un groupe d’intérêt de manière anti-démocratique.

Nous demandons expressément que le préfet de l’Oise, Louis Le Franc, donne des garanties de liberté d’expression aux personnes opposées à la vènerie et mette tout en œuvre pour les protéger des violences lors de leurs actions pacifiques, comme à leur domicile, faisant respecter l’ordre républicain dont il a la charge.

Les signataires :

– One Voice

– L.214

– Fondation Brigitte Bardot

– Réseau-Cétacés

– Collectif pour l’Abolition de la Chasse à Courre

– SAMA Protection Animale (Saint-Quentin)

– Laterredabord.fr

– PicardiePopulaire.net

– AGauche.org

– Parti Animaliste

– ASPAS

– Xavier Renou (Les Désobéissants)

– Aymeric Caron (auteur, Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant)

– Eric Damamme (VASARA, fondateur de 269 Life France)

– Pierre Athanaze (Action Nature Rewilding France)

– Gérard Charollois (Convention Vie et Nature)

– Christophe Leprêtre (Parti Antispéciste Citoyen pour la Transparence et l’Éthique)

– Marc Vallaud (Collectif Contre l’Exploitation et l’Expérimentation Animales)

– Yves Bonnardel (auteur et chercheur, SFR université de Grenoble)

– Marc Giraud (journaliste, auteur)

– Rémi Gaillard (humoriste)

– Jean-Marc Sauvagnargues, Laurent Honel et Paul Léger (Fatals Picards)

Govrache (chanteur)

– Djamel Vice (rappeur)

– Pierre Rigaux (auteur)

MAN (dessinateur)

– Brigitte Bardot (actrice)

– Xavier Matthieu (acteur, ancien syndicaliste chez Continental-Clairoix)

– Gérard Filoche (Gauche Démocratique et Sociale)

– Cédric Maisse (Aube Nouvelle)

– Laurence Parisot (chef d’entreprise)

– Jean-Luc Mélenchon (député des Bouches du Rhone)

– Michel Larive (député de l’Ariège)

– Bastien Lachaud (député de Seine-Saint-Denis)

– Eric Coquerel (député de Seine-Saint-Denis)

– Muriel Ressiguier (députée de l’Hérault)

– Maud Petit (députée du Val de Marne)

– Maud Assila (secrétaire nationale du Parti de Gauche)

– Lionel Ollivier (maire de Clermont de l’Oise)

– Marie-Laure Darrigade (conseillère municipale d’Agnetz, Oise)

– Stéphane Coville (conseiller municipal de Venette, Oise)

– Corinne Morel-Darleux (conseillère régionale Rhone-Alpes)

– Laurent Grenier et Martin Battaglia (France Insoumise Oise)

– Matthieu Ricard (auteur)

– Guillaume Meurice (animateur radio)

Catégories
Société

L’alcoolisme : d’un petit verre à la dépendance.

Socialement, l’alcool est un problème. Il faut avoir des œillères pour ne pas le reconnaître. Pourtant, les boissons alcoolisées sont accessibles partout, à toute heure : il s’agit probablement du type de produit qu’il est le plus simple d’acheter peu importe le lieu et l’heure de la journée.

Tout le monde en vend, tout le monde en achète. La plupart en consomme toute leur vie avec au pire des lendemains difficiles, mais ce n’est pas toujours le cas. Certaines personnes deviennent dépendantes et se retrouvent dans une situation catastrophique.

On commence à boire adolescent, on commence par « tremper ses lèvres », puis « juste un verre » avec ses parents et sa famille. On continue avec ses amis à l’adolescence lors de soirée. Les premières cuites, les premières gueules de bois. On continue les fêtes, les sorties, les soirées, toujours avec de l’alcool. Avant et pendant. Certaines personnes lèvent le pied, d’autres sont sur le fil du rasoir et enfin d’autres plongent.

Les boissons alcoolisées sont au coeur des toute la vie sociale : on « prend un verre » dans un lieu qui vend des litres et des litres d’alcools par soirée, on « va à une soirée » qui se fait des bénéfices notoires sur la vente d’alcool, etc. Ne parlons même pas des écoles de commerce et d’ingénieurs et de leurs week-ends d’intégration (voire de « désintégration ») où les étudiants sont loin d’être sobres. Et tout est pris avec tant de légèreté.

L’alcoolisme est une vraie maladie. Beaucoup trop de personnes s’amusent à se qualifier d’alcooliques parce qu’elles boivent beaucoup en soirée. C’est irrespectueux envers les personnes qui le sont vraiment et leurs proches. Se retourner le tête trois fois par semaine ce n’est pas être alcoolique.

L’alcoolique est celui qui a toujours de un verre d’alcool à la main, celui qui a commencé l’air de rien à 14h, celui qui se verse un verre de vin le midi parce que c’est devenu normal : l’alcoolique est celui dont la vie tourne autour de l’alcool. L’alcoolique est celui qui est devenu dépendant. L’étudiant en école de commerce qui est saoul tous les vendredis soirs n’est pas alcoolique, même s’il trouve drôle de se qualifier ainsi – c’est un crétin voilà tout.

Le problème est d’autant plus difficile à combattre lorsqu’il s’immisce aussi profondément dans la vie quotidienne : tout le monde fait la fête pendant sa vingtaine, et petit à petit tout le monde se met en couple et se pose. Et l’alcool est masqué derrière la vie de couple, du moins en apparence.

Quand les amis refusaient de voir qu’un des leurs prenaient une pente glissante sous prétexte que tout le monde faisaient la fête, le conjoint se retrouve à présent avec une personne en train de dévaler la pente à toute vitesse : à l’image de la société, l’entourage ferme les yeux.

Comment gérer la maladie d’une personne que l’on aime ? Difficilement. On fait des erreurs, des choses qui auraient dû être faites ne l’ont peut-être pas été. Parfois le couple tient, parfois le couple craque.

Parfois le malade a l’air tout ce qu’il y a de plus normal, à une bouteille de whisky par jour près, parfois le maladie est difficile à cacher. Parfois le malade arrête, parfois il replonge. Souvent la dépendance est physique, elle est parfois psychologique.

Mais dans tous les cas les ravages continuent années après années. On n’est plus la même personne lorsque l’on absorbe de telles quantités d’alcool au cours de la journée. Si l’effet n’est pas visible directement, l’organisme, lui, encaisse les coups.

Quelle image renvoie-t-on à ses enfants lorsqu’on est alcoolique ? Quelle image a-t-on de soi lorsque replonge ? Comment arrêter lorsque l’on est isolé socialement ?

Contrairement à d’autres drogues, une personne qui a développé une dépendance physique à l’alcool l’aura toute sa vie.

Il n’y a pas de machine arrière, il faudra faire avec toute sa vie : passer devant les rayons interminables d’alcools pendant les courses, les verres de vins pour les « pots de départs » au travail, les réunions familiales plus ou moins arrosées, etc.

On pourra toujours débattre des siècles sur la question du goût, du plaisir procuré par les boissons alcoolisées. Mais le fait est là, très concret, sous nos yeux : l’alcool brise des vies.

Par respect pour les personnes alcooliques et pour tous leurs proches, il faut avoir une position ferme à ce sujet : l’alcool doit disparaître. Être de gauche, ce n’est pas faire des campagne de prévention d’un côté et la vente de poison de l’autre.Être de gauche, c’est : personne sur le côté de la route !

Catégories
Politique

Discours du pasteur Martin Luther King à Washington le 28 août 1963

Le fameux discours de Martin Luther King concluait une marche sur Washington pour l’emploi et la liberté, à laquelle avait participé environ 300 000 personnes, en majorité des Afro-américains.

Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre nation.

Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre Proclamation d’Émancipation. Ce décret capital se dresse, comme un grand phare illuminant d’espérance les millions d’esclaves marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce décret est venu comme une aube joyeuse terminer la longue nuit de leur captivité.

Mais, cent ans plus tard, le Noir n’est toujours pas libre. Cent ans plus tard, la vie du Noir est encore terriblement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination.

Cent ans plus tard, le Noir vit à l’écart sur son îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans plus tard, le Noir languit encore dans les coins de la société américaine et se trouve exilé dans son propre pays.

C’est pourquoi nous sommes venus ici aujourd’hui dénoncer une condition humaine honteuse. En un certain sens, nous sommes venus dans notre capitale nationale pour encaisser un chèque.

Quand les architectes de notre République ont magnifiquement rédigé notre Constitution de la Déclaration d’Indépendance, ils signaient un chèque dont tout Américain devait hériter.

Ce chèque était une promesse qu’à tous les hommes, oui, aux Noirs comme aux Blancs, seraient garantis les droits inaliénables de la vie, de la liberté et de la quête du bonheur.

Il est évident aujourd’hui que l’Amérique a manqué à ses promesses à l’égard de ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple Noir un chèque en bois, qui est revenu avec l’inscription “ provisions insuffisantes ”.

Mais nous refusons de croire qu’il n’y a pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance, en notre pays. Aussi, sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous donnera sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.

Nous sommes également venus en ce lieu sacrifié pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de l’heure présente. Ce n’est pas le moment de s’offrir le luxe de laisser tiédir notre ardeur ou de prendre les tranquillisants des demi-mesures. C’est l’heure de tenir les promesses de la démocratie.

C’est l’heure d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale. C’est l’heure d’arracher notre nation des sables mouvant de l’injustice raciale et de l’établir sur le roc de la fraternité.

C’est l’heure de faire de la justice une réalité pour tous les enfants de Dieu. Il serait fatal pour la nation de fermer les yeux sur l’urgence du moment. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité.

1963 n’est pas une fin, c’est un commencement. Ceux qui espèrent que le Noir avait seulement besoin de se défouler et qu’il se montrera désormais satisfait, auront un rude réveil, si la nation retourne à son train-train habituel.

Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu’à ce qu’on ait accordé au peuple Noir ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse.

Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui donne accès au palais de la justice : en procédant à la conquête de notre place légitime, nous ne devons pas nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.

Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique.

Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté noire ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs, car beaucoup de nos frères blancs, leur présence ici aujourd’hui en est la preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre.

L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée bi-raciale. Nous ne pouvons marcher tout seul au combat. Et au cours de notre progression il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière.

Il y a des gens qui demandent aux militants des Droits Civiques : “ Quand serez-vous enfin satisfaits ? ” Nous ne serons jamais satisfaits aussi longtemps que le Noir sera la victime d’indicibles horreurs de la brutalité policière.

Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos corps, lourds de la fatigue des voyages, ne trouveront pas un abri dans les motels des grandes routes ou les hôtels des villes.

Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos enfants, même devenus grands, ne seront pas traités en adultes et verront leur dignité bafouée par les panneaux “Réservé aux Blancs”.

Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps qu’un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New-York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits et ne le serons jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable.

Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduis ici par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine d’étroites cellules de prison. D’autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les orages de la persécution et secoués par les bourrasques de la brutalité policière. Vous avez été les héros de la souffrance créatrice. Continuez à travailler avec la certitude que la souffrance imméritée vous sera rédemptrice.

Retournez dans le Mississippi, retournez en Alabama, retournez en Caroline du Sud, retournez en Georgie, retournez en Louisiane, retournez dans les taudis et les ghettos des villes du Nord, sachant que de quelque manière que ce soit cette situation peut et va changer. Ne croupissons pas dans la vallée du désespoir.

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain.

Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”.

Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.

Je rêve qu’un jour, même l’Etat du Mississippi, un Etat où brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour, même en Alabama, avec ses abominables racistes, avec son gouverneur à la bouche pleine des mots “ opposition ” et “ annulation ” des lois fédérales, que là même en Alabama, un jour les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour toute la vallée sera relevée, toute colline et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire du Seigneur sera révélée à tout être fait de chair.

Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud.

Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre nation en une superbe symphonie de fraternité.

Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de défendre la cause de la liberté ensemble, en sachant qu’un jour, nous serons libres.

Ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter ces paroles qui auront alors un nouveau sens : “ Mon pays, c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante. Terre où sont morts mes pères, terre dont les pèlerins étaient fiers, que du flanc de chacune de tes montagnes, sonne la cloche de la liberté ! ” Et, si l’Amérique doit être une grande nation, que cela devienne vrai.

Que la cloche de la liberté sonne du haut des merveilleuses collines du New Hampshire !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des montagnes grandioses de l’Etat de New-York !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des sommets des Alleghanys de Pennsylvanie !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des cimes neigeuses des montagnes rocheuses du Colorado !
Que la cloche de la liberté sonne depuis les pentes harmonieuses de la Californie !

Mais cela ne suffit pas.

Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Stone de Georgie !
Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Lookout du Tennessee !
Que la cloche de la liberté sonne du haut de chaque colline et de chaque butte du Mississippi ! Du flanc de chaque montagne, que sonne le cloche de la liberté !

Quand nous permettrons à la cloche de la liberté de sonner dans chaque village, dans chaque hameau, dans chaque ville et dans chaque Etat, nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual : “Enfin libres, enfin libres, grâce en soit rendue au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres !”

Catégories
Société

Lichess, le jeu d’échecs en ligne

Entièrement gratuit, Lichess.org est incontournable pour qui apprécie de jouer aux échecs. Il est d’une accessibilité complète, puisqu’une inscription n’est pas nécessaire. Celle-ci permet cependant de conserver l’historique de ses parties, parties qui sont d’ailleurs évaluées au moyen du puissant logiciel stockfish permettant une évaluation de ce qu’on a fait, afin de progresser.

Les parties peuvent être classées ou non, on peut décider contre quel niveau on veut jouer et de très nombreux exercices d’entraînement sont disponibles, on a les statistiques sur ses parties. C’est une excellente occasion de se mettre ou de se remettre à un jeu intellectuellement très intéressant et qui malheureusement dispose dans notre pays d’une mauvaise image.

Les échecs ne sont pas vus comme un jeu élaboré et populaire, comme dans l’Est de l’Europe, mais comme un exercice intellectuel stérile pour intellectuels. C’est fondamentalement dommage.

Lichess.org, de par sa gratuité et son accessibilité complète (depuis tous les smartphones) avec des gens de tous les continents – on passe aisément d’une partie contre une personne en Iran à elle contre une vivant au Brésil ou en Ukraine – est un vrai témoignage qu’un produit de consommation de masse peut permettre la rencontre de gens de tous les pays, des échanges internationaux, bref un esprit qui va à l’encontre de tout nationalisme.

Lichess, développé par un Français par ailleurs, Thibault Duplessis, est d’ailleurs open source de bout en bout.

Il y a cependant deux défauts majeurs, très secondaires il est vrai. Le premier est qu’en plus de périodes classiques de jeu (5, 10, 15+15 mn, ou davantage), il y a cette fascination anti-jeu pour les parties ultra-rapides ou bien les formes baroques.

Parmi celles-ci, qu’on n’est nullement obligé de choisir, il y a la victoire obtenue en faisant trois fois échec, celle obtenue en amenant le roi sur une des quatre cases centrales, celle en amenant le roi sur la dernière ligne, celle où les blancs disposent de 32 pions au lieu des pièces normales, celle où les pièces capturées vont au camp adverse pouvant les replacer à n’importe quel moment, celle où les pièces sont placées au départ selon le hasard, la version atomique où une capture provoque une « explosion » détruisant les pièces alentour, etc.

Ces variantes sont insipides et reflètent une course à la victoire qui pollue l’effort de réflexion. Des gens contournent les vrais échecs avec des variantes et ce type d’approche produit une plaie bien connue des jeux d’échecs en ligne : la triche.

Depuis le départ des jeux en ligne et déjà sur l’interface très rudimentaire proposé par Yahoo en ligne, il y a des gens ouvrant un programme pour jouer ce que joue l’adversaire en ligne, eux refaisant ce que fait l’ordinateur calculant les meilleurs coups.

Leur victoire, pleine de vanité et absurde, est alors assurée. Lichess surveille ce genre de choses, en écoutant attentivement les réclamations faites. Mais on ne peut pas toujours le prouver, ni même le voir ou le deviner et cela nuit forcément à l’esprit sympathique du fait de vouloir jouer simplement une partie.

C’est que la population jouant aux échecs est elle-même corrompue par l’esprit de compétition, de victoire à tout prix, de vanité, etc. Comment en serait-il autrement ? On peut toutefois éviter ces désagréments en se mettant ami avec des partenaires sympathiques avec qui on aura joué.

En se rappelant que, de toutes façons, aux échecs, c’est la partie qui compte, sa beauté, la victoire ou la défaite étant indifférente. On doit savoir s’émerveiller d’un beau coup adverse, décisif, autant que de son propre coup victorieux.

Catégories
Culture

« Mon nom est Rouge » d’Orhan Pamuk (1998)

« Mon nom est Rouge » est ce qu’on appelle un roman policier, ou plutôt une enquête sur un crime, mais ce serait presque injuste de réduire ce livre à cela.

D’autant plus que le genre policier est souvent le cheval de Troie de la littérature vers une plus grande accessibilité, vers un public plus large. Nous connaissons tous quelqu’un dans notre entourage qui ne lit que des romans policiers, n’est-ce pas? Et Orhan Pamuk est un immense écrivain turc de notre époque, il est à Istanbul ce que Balzac était à Paris.

Hiver 1591 : un homme dénommé Le Noir, tout juste rentré de la guerre à l’est, retrouve son Istanbul natale sous la neige, et c’est une ville pleine de mélancolie et de poésie qu’il nous décrit :

« Parmi les quartiers et les rues où je me promenais dans ma jeunesse, certains se sont, avec les incendies, envolés en cendres et en fumée, laissant à leur place des terrains vagues calcinés où l’on croise des chiens, et des clochards illuminés qui font peur aux enfants. »

Intrigue : le cadavre d’un enlumineur de miniatures persanes a été retrouvé au fond d’un puits, et Le Noir doit enquêter pour le compte du sultan. Malheur à lui s’il échoue…

L’empire ottoman est en pleine expansion. Mais les peintres de miniatures persanes, dépositaires d’un art sacré et ancien, sentent le vent tourner : ils ont déjà pu observer les portraits peints à la manière occidentale rapportés par les marchands de Venise.

Certains ne cachent pas leur consternation à la vue de ces images profanes, mais d’autres sont intrigués, comme ce vieux peintre qui raconte dans ces pages arrachées au livre:

« Il s’agissait, avant toute chose, de l’image de quelqu’un, quelqu’un comme moi. Un Infidèle, évidemment, pas quelqu’un comme nous; et pourtant, en le regardant, je me sentais son semblable. Il ne me ressemblait pas du tout, au demeurant (…) et pourtant, devant ce tableau, je sentais mon cœur s’émouvoir comme si c’était moi (…).

Il avait fait représenter, dans ce tableau, tout ce qui lui était cher dans la vie ; sur la table, une montre, des livres, le temps, le mal, la vie… et enfin, à côté de son père, une jeune fille ravissante de beauté.

Quelle était donc l’histoire pour laquelle ce tableau avait été peint? En le contemplant, je compris qu’il racontait sa propre histoire. Ils appellent cela faire un Portrait. Ce n’était pas l’illustration, le prolongement ou l’ornement d’un récit, mais un objet pour lui-même.

Si l’on peignait ne serait-ce qu’une seule fois ton visage de cette manière, plus personne ne pourrait t’oublier. Et même ceux qui ne t’auraient pas connu de ton vivant auront le sentiment de ta présence, et d’être en face de toi, bien des années après ta mort. »

Nulle part ailleurs qu’à Istanbul à la fin du XVIème siècle (calendrier chrétien, oups) un « érudit » n’aurait pu se faire des réflexions pareilles. On sent vraiment le bouleversement de la nouveauté! Et une grande finesse d’observation.

Combien il est difficile pour nous, qui vivons à l’ère des auto-portraits instantanés, de s’imaginer le choc culturel qu’a du représenter la rencontre entre les héritiers de l’art persan et la peinture des maitres flamands et italiens de la Renaissance.

Et combien il a du être encore plus difficile d’en faire un roman policier… Mais cela fonctionne, et on est avide de comprendre pourquoi la contradiction des approches artistiques est un enjeu important au point de déboucher sur un meurtre, lui même suivi d’une enquête conduite par ordre du Sultan.

De nombreux personnages donnent chacun leur version des faits, pauvres, artistes, puissants, colporteuses, hommes et femmes, un peu comme dans Rashomon de Kurosawa.

Cela donne un roman riche et foisonnant comme on en fait peu, avec une réflexion de haute volée sur « le dialogue entre l’Orient et l’Occident », un thème qui est devenu un cliché à lui tout seul certes, mais qui est rarement aussi bien articulé que dans « Mon nom est Rouge ».

Et puis il y a un meurtre, une enquête, et bien sûr une histoire d’amour, obligé! Sinon ce ne serait pas un grand roman, on est bien d’accord.

Catégories
Politique

« Jeunes dirigeant.e.s et élu.e.s du PCF » : « c’est le moment ! »

Ce texte signé par des « Jeunes dirigeant.e.s » (sic) du PCF vise le Congrès extraordinaire de celui-ci, du 24 au 26 novembre 2018. Sous la houlette de Igor Zamichei, le secrétaire de la fédération de Paris du PCF, il s’agit ni plus ni moins que d’un appel d’une sorte de nouvelle génération d’élus et d’intellectuels à prendre le contrôle du PCF.

On notera qu’il n’est pas parlé de capitalisme mais de « capitalisme mondialisé et financiarisé » ; s’il est dit que « La critique populaire progresse et la pensée de Marx retrouve une place dans la production intellectuelle », on ne trouve dans le texte ni le mot ouvrier, ni le mot bourgeoisie, ni le mot exploitation, ni le mot prolétariat, etc.

Comme nous y invite notre congrès, nous prenons ensemble la parole pour porter une haute ambition : poser les bases d’un communisme du XXIe siècle et révolutionner notre parti, sa stratégie, son organisation.

Cela implique de faire lucidement le bilan de nos difficultés pour les dépasser. Soyons francs : malgré toute l’énergie des militant.e.s et des élu.e.s communistes, malgré toutes les initiatives prises pour répondre aux intérêts populaires, notre parti perd pied dans la vie politique nationale.

Notre recul de plusieurs centaines de milliers de voix aux dernières élections législatives et le caractère inaudible de nos décisions nous conduisent à une marginalisation que la recomposition politique en cours peut rendre durable. Comme une majorité de communistes, nous ne nous y résignons pas.

Jeunes dirigeant.e.s et élu.e.s du PCF, nous sommes convaincu.e.s que notre parti peut et doit redevenir une force politique nationale influente au regard de l’évolution du monde. Nous n’avons pas toujours fait les mêmes choix stratégiques par le passé mais nous nourrissons ensemble de grandes ambitions pour le combat communiste. C’est le moment de notre propre révolution pour hisser le PCF à la hauteur des défis de notre temps. Il faut saisir ce moment car il ne reviendra pas.

À mesure que le capitalisme mondialisé et financiarisé semble écraser tout sur son passage, il génère dans le même mouvement des critiques et des aspirations toujours plus fortes pour son dépassement. La critique populaire progresse et la pensée de Marx retrouve une place dans la production intellectuelle.

Dans nos travaux résident beaucoup de clés de compréhension et de solutions face aux impasses du système : l’égalité et la lutte des classes, rendues incontournables par l’aggravation des inégalités et l’accumulation sans précédent de richesses par une minorité ; l’écologie, à l’heure où le changement climatique enfanté par le mode de production capitaliste menace l’humanité ; la libération du travail du coût du capital et la sécurisation de l’emploi pour en finir avec le chômage, la précarité et la souffrance au travail, qui ne cessent de progresser avec l’utilisation capitaliste de la révolution informationnelle.

C’est sur tous ces enjeux qu’il nous faut travailler à réidentifier le PCF.

Notre société y est prête. Le récent mouvement contre la loi travail, portant le mot d’ordre « On vaut mieux que ça », jusqu’aux luttes contre les ordonnances Macron ; la mobilisation des salarié.e.s de l’hôpital public et des EHPAD pour que la qualité de leur travail soit respectée, le droit fondamental à la santé garanti et pour que notre société prenne soin de nos aînés ; la montée en puissance d’un mouvement féministe, qui constitue un des plus puissants leviers pour l’égalité ; la mobilisation d’associations de solidarité et de tant de citoyens individuellement pour un accueil digne des migrants ; et d’autre part l’émergence d’initiatives comme les projets alternatifs à l’ubérisation des activités à l’image de Coopcycle ; la création de coopératives ou la reprise de l’activité sous cette forme par les salarié.e.s dans de nombreux secteurs ; l’action de collectivités pour promouvoir le logement social ou pour une nouvelle maîtrise publique par le retour en régie publique de la gestion de l’eau.

Et tant d’autres ! Avec les grandes conquêtes que constituent le droit du travail, la Sécurité sociale et la fonction publique, toutes ces initiatives constituent autant de « morceaux de communisme » à faire grandir pour de nouvelles victoires au XXIe siècle.

Avec ces forces vives, une voie nouvelle, faite de combats offensifs et d’ambitions révolutionnaires pour la France se cherche. Contre le « tout État » et le « tout marché », visons l’appropriation par chacun.e des avoirs, des savoirs et des pouvoirs.

Visons un nouveau mode de production basé sur des critères de gestion sociaux et écologiques et sur une appropriation sociale des moyens de production. Visons le développement de services publics démocratisés et de promotion des communs.

Pensons la combinaison des oppressions capitalistes, sexistes, racistes pour les surmonter. Visons l’émancipation culturelle, qui brise le carcan des identités. Visons un nouvel internationalisme, qui s’appuie sur la coopération des individus et des peuples pour un développement partagé et la paix. Ce communisme a de l’avenir si nous le prenons au sérieux.

Le prendre au sérieux, c’est passer à l’offensive politique. Passer à l’offensive, c’est relever d’importants défis stratégiques et organisationnels.

Nos difficultés stratégiques débouchent sur un gâchis d’énergie. Un doute se répand sur l’utilité de nos actions militantes. Nous avons souvent un coup de retard. Au lieu de subir un agenda, il s’agit de penser la manière dont chaque lutte, chaque initiative peut contribuer à nous faire progresser sur la base d’un cap politique national clair, d’objectifs réalistes mais ambitieux. Cessons d’opposer rassemblement et affirmation de notre parti.

À l’approche des européennes, retenons la leçon des échéances présidentielles et législatives : chercher à rassembler sans affirmer nos idées et sans rapport de force revient à nous positionner comme une force d’appoint et conduit in fine à l’échec d’un rassemblement pourtant indispensable. Par ailleurs pensons-nous encore qu’un rassemblement majoritaire est possible sans intervention populaire consciente de ses intérêts ?

Le PCF a un rôle décisif à jouer pour aider à cette intervention par la mise en débat de propositions radicales et la construction d’espaces politiques ouverts, pluralistes, concentrés sur la production d’alternatives crédibles.

Conséquence organisationnelle : nous devons revaloriser la place des adhérent.e.s et des structures locales pour construire des réseaux d’actions à l’échelle nationale capables de déployer des campagnes politiques fortes, efficaces et visibles sur tout le territoire. Et tout à la fois, nous devons revaloriser le rôle de direction, en perte de crédibilité.

Cela implique d’utiliser le meilleur de ce que nous produisons comme pratiques militantes dans les quartiers et les campagnes, les lieux de travail, d’expérimenter, de tirer profit de la révolution numérique, de prendre appui sur nos actions de solidarités concrètes, sur les batailles de nos parlementaires et sur les avancées obtenues dans les collectivités que nous dirigeons.

Cela implique une mise en commun nationale sans précédent, un renouvellement de notre communication politique et de profondes transformations de nos directions, dont le bilan témoigne de dysfonctionnements entraînant des difficultés à produire positionnements, outils militants et initiatives nationales.

Pourquoi ne sommes-nous pas, par exemple, capable de mener une campagne dans la durée ? Ou encore pourquoi ne nous donnons-nous pas tous les moyens d’une offensive médiatique pourtant plus indispensable que jamais ?

Dans le grand débat politique qui s’ouvre, toutes les questions doivent être sur la table, sans céder aux tendances qui rétrécissent le débat et sans tabou aucun sur notre projet et notre stratégie, jusqu’aux femmes et aux hommes qui se verront confier la tâche d’animer la nouvelle ambition qui sera fixée. Sans quoi nous nous serons payés de mots, en l’occurrence du beau mot de révolution.

Notre parti est à un moment clé de son histoire. L’idée communiste, qui a été le moteur de l’engagement de générations de militants, frappe à la porte du XXIe siècle. C’est le moment d’en prendre pleinement la mesure, d’écrire un nouveau manifeste.

Les signataires :

Simon Agnoletti, membre de la direction départementale du Nord (59), 26 ans ; Pierric Annoot, membre du CN (92), 34 ans ; Aurélien Aramini, professeur de philosophie (90), 38 ans;

Pierre Bell Lloch, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne (94), 40 ans ; Hélène Bidard, membre du CN en charge du féminisme et des droits des femmes et adjointe à la Maire de Paris (75), 36 ans ; Thibaut Bize, secrétaire de la fédération du Doubs (25), 33 ans ; Vincent Boivinet, secrétaire de la section de Bègles, membre du CN (33), 33 ans ; Nicolas Bonnet Oulaldj, membre du CN et président du groupe PCF – FG au Conseil de Paris (75), 43 ans ; Caroline Brebant, adjointe au Maire de Saint-Maximin (60), 38 ans ; Ian Brossat, membre du CN et adjoint à la Maire de Paris en charge du Logement (75), 37 ans;

Maxime Cochard, membre de la direction départementale de Paris (75), 33 ans ; Nicolas Cossange, membre du CN et secrétaire de la fédération de l’Hérault (34), 32 ans;

Raf Debu, membre du CN et secrétaire de la fédération du Rhône (69), 36 ans ; Ismaël Dupont, secrétaire de la fédération du Finistère (29), 38 ans;

Pierre Garzon, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne (94), 43 ans ; Aurélien Guillot, secrétaire de la fédération d’Île-et-Vilaine (35), 35 ans ; Florian Gulli, professeur de philosophie (25), 40 ans;

Mina Idir, membre de la direction départementale du Vaucluse (84), 42 ans;

Maud Jan-Brusson, dirigeante départementale de la Mayenne (53), 32 ans;

Sébastien Laborde, membre du CN et secrétaire de la fédération de Gironde (33), 43 ans ; Clara Laby, membre de la direction départementale du Nord (59), 22 ans ; Cédric Lattuada, secrétaire de la fédération de la Marne (51), 42 ans;

Elsa Maillot, vice-présidente de la communauté d’agglomération du Grand Besançon (25), 32 ans ; Céline Malaisé, membre du CEN et présidente du groupe FG à la région Île-de-France (75), 38 ans ; Pierre Miquel, membre du CN et secrétaire de la fédération du Puy-de-Dôme (63), 38 ans ; Yannick Monnet, membre du CN et secrétaire de la fédération de l’Allier (03), 43 ans ; Yannick Nadesan, président de la collectivité eau du bassin rennais (35), 34 ans ; Fred Mellier, membre de la direction départementale de la Gironde (33), 45 ans;

Sébastien Prat, secrétaire de la fédération du Cantal (15), 26 ans ; Anne Sabourin, membre du CEN en charge des affaires européennes (75), 33 ans ; Aymeric Seassau, membre du CN et secrétaire de la fédération de Loire Atlantique (44), 40 ans;

Adrien Tiberti, membre du CN et secrétaire à l’organisation de la fédération de Paris (75), 36 ans;

Bora Yilmaz, membre du CN et secrétaire de la fédération de Meurthe-et-Moselle (54), 38 ans;

Igor Zamichiei, membre du CEN en charge du projet et secrétaire de la fédération de Paris (75), 32 ans…

Catégories
Politique

La raison pour laquelle Jean-Luc Mélenchon défend Laurent Wauquiez

Jean-Luc Mélenchon a défendu Laurent Wauquiez contre le « parti médiatique ». Comment quelqu’un se voulant engagé contre la droite peut-il défendre des propos ultra-populistes dits par le président des Républicains, le grand représentant de la droite dure ?

La raison en est simple, finalement : le populisme va au populisme. Car Laurent Wauquiez a joué les Donald Trump, jouant sur la corde du « peuple » contre l’élite, comme hier au salon de l’agriculture.

Ce n’est pas pour déplaire à Jean-Luc Mélenchon, qui prône un populisme de gauche.

Rappelons les faits : jeudi 15 février 2018, Laurent Wauquiez a tenu des propos devant des étudiants de l’une des trois meilleures écoles de commerce, l’EM Lyon, où il est professeur, sachant pertinemment qu’ils seraient enregistrés et qu’ils provoqueraient un tollé.

Il dit d’ailleurs alors pertinemment à ses élèves :

« La caractéristique quand on est un élu, surtout dans le monde actuel, c’est que tout ce que vous dites, à tout moment, peut être utilisé, repris, et détourné contre vous. En gros, dans ma vie politique, dès que j’ai plus deux personnes autour de moi, il faut toujours que je me dise que tout ce que je dis va sortir. »

Il ne peut pas par la suite prétendre ne pas se douter qu’il aurait été enregistré, et d’ailleurs sur BFMTV où il était interviewé par la suite pour s’expliquer, il était pratiquement mort de rire en écoutant chaque extrait, tout en feignant après d’être une victime.

Voici quelques uns de ses propos tenus à l’EM Lyon, sur un mode populiste extrême, exactement comme Donald Trump.

« Si j’ai la moindre interface qui sort par le moindre élève, là pour le coup ça se passera très mal.

Si on veut que ce lieu soit un lieu de liberté, il faut que tout ce que je dise reste entre nous. Donc, pas de tweets, pas de posts sur les réseaux sociaux, pas de transcription de ce que je dis. Parce que sinon, ça ne peut pas être un espace de liberté et ce que je vais vous sortir sera juste le bullshit que je peux sortir sur un plateau médiatique. »

« Le président de la République actuel, Macron, lui, pour faire cool, il fait comme moi ! Il se met en chemise, bras de chemise. Jamais un président ne s’était mis en bras de chemise. »

« On parlera beaucoup d’enjeux de sécurité. Je ne suis pas un adepte de la thèse du complot, mais je pense qu’il est assez vraisemblable que dans les trois à quatre ans, ça va péter très très mal et très très dur. »

« Nicolas Sarkozy en était arrivé au point où il contrôlait les téléphones portables de ceux qui rentraient en conseil des ministres. Il les mettait sur écoute pour pomper tous les mails, tous les textos, et vérifiait ce que chacun de ses ministres disait au moment où on rentrait en conseil des ministres. »

« Par exemple, les associations syndicales recevaient à peu près 5 millions d’euros chaque de la région. La CGT se faisait un joli chèque de 3 millions d’euros sur le budget de la région, chaque année. Moi je les ai reçues, et je leur ai dit : ‘Je suis extrêmement attaché à l’indépendance des syndicats. Et donc, comme je ne veux surtout pas que vous dépendiez de moi et bah c’est zéro.’ Et le pire, si on est très honnêtes entre nous, c’est que les plus catastrophiques, c’est le Medef et c’est la CGPME. Eux, c’est le pire de tout. C’est-à-dire, eux ils n’en ont rien à foutre de savoir si on augmente les cotisations sur les entreprises, si on augmente le truc. La seule chose qu’ils veulent, c’est encaisser l’argent. »

« L’équilibre des pouvoirs… Ça, ça fait vraiment partie d’une illusion. Vous croyez qu’un parlementaire a le moindre pouvoir aujourd’hui ? Vous avez vu les guignols d’En Marche !, là ? Ils sont tous avec le petit doigt sur la couture, et ils doivent tous voter la même chose. Quand ils osent apporter la moindre dissonance, ils se font taper dessus avec une matraque. Il n’y a aucun équilibre des pouvoirs en France. Donc il y a une dictature totale en France ! L’alignement entre l’exécutif et le législatif, c’est une vaste foutaise. »

Le régime est une dictature avec des gens qui de toutes façons ne pensent qu’à encaisser, MEDEF comme CGT, et tout ce qui peut être dit publiquement ne serait que du « bullshit médiatique ».

De tels propos sont tels risibles venant de la part d’un responsable d’une formation de droite, qui a fait comme études Sciences-po, l’Ecole Normale Supérieure et l’ENA, qui est Président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, qui a été Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que Ministre chargé des Affaires européennes, Porte-parole du gouvernement, deux fois secrétaire d’État, etc. etc.

Cette révolte « de l’intérieur » contre le système est un exemple flagrant de populisme, allant de pair avec le style « parka rouge » de Laurent Wauquiez, pour faire « classes moyennes », élaboré mais pas raffiné, cultivé mais pas sophistiqué, etc.

Alors, pourquoi plus d’une semaine après, Jean-Luc Mélenchon s’est-il lancé dans la défense de Laurent Wauquiez ?

Parce que lui fait pareil, mais à gauche. D’où sa défense de son alter-ego, avec des propos sans ambiguïtés sur le plan populiste : le « parti médiatique », des « seaux de boue », « on ne peut plus nulle part parler librement »…

« Wauquiez s’est pris une lourde attaque globale du parti médiatique. « L’affaire » est ridicule : trois phrases volées dans une conférence. Mais « l’affaire » a tenu cinq jours de médias. Sans aucun contenu, l’opération est destinée à empêcher la droite de se regrouper autour de son parti traditionnel au moment où l’opération « Macron chef de toutes les droites » a du plomb dans l’aile du fait des sondages.

On sent que cette équipe Wauquiez n’est pas encore rodée. Elle a eu du mal à trouver la réplique aux seaux de boue. Mais elle a fini par trouver son registre. Et les rangs se sont reformés. La salve est de mauvaise qualité. Elle fonctionne donc comme un vaccin pour la nouvelle direction de la droite.

Déjà, Wauquiez a appris l’essentiel : ne pas reculer. Et même prendre appui sur l’effet voulu par la pauvre cloche de journaliste à la manoeuvre. En effet, la plupart d’entre eux ne connaissent de l’art du combat que les méthodes des coups tordus des salles de rédaction.

Ils ne savent rien de la façon avec laquelle se construit l’opinion populaire qui nous intéresse. Leur culture de classe les handicape. Dans l’épisode des « écoutes aux portes », Wauquiez a fortifié son autorité et s’est débarrassé d’une nouvelle poignée de traitres. De son point de vue il s’est renforcé. Autant de tireurs dans le dos de moins pour le prochain épisode.

Mais la leçon reste. Dorénavant, on ne peut plus nulle part parler librement. La presse est ainsi la première ennemie de la liberté d’expression qui ne se confond pas avec la liberté de « tout répéter » ni avec le délire névrotique de la transparence absolue que réclament les médias (et qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes).

Mais le fondamental est que, petit à petit, la scène politique à droite retourne à sa configuration ancienne RPR/UDF. D’un côté la droite de toujours, les bourgeois flanqués de petit bourgeois qui s’y croient. De l’autre le marais avec Macron. »

Jean-Luc Mélenchon a été malin : il a conclu sa défense de Laurent Wauquiez en disant que la droite ce sont des bourgeois. Sauf que lui-même est un bourgeois, que tous les gens autour de lui en sont.

Leur style de vie, leur manière de concevoir la vie quotidienne, leurs salaires, leur sens de la propriété, leur rapport à l’argent, leur rapport au travail surtout, tout cela en fait des bourgeois.

Mais vu que Jean-Luc Mélenchon oppose ces bourgeois au camp d’Emmanuel Macron, on comprend qu’il ne veut pas dire bourgeois au sens classique du terme, comme la gauche le fait historiquement, mais le bourgeois comme bourgeois conservateur, celui de Neuilly-Auteuil-Passy, tourné vers le catholicisme de manière marquée.

Les autres bourgeois ne seraient alors plus des bourgeois… Cependant, comment se masquer ? En dénonçant justement une prétendue « oligarchie » qui contrôlerait le pays, la presse, etc., comme il le fait dans le même article où il défend Laurent Wauquiez :

« Macron est là comme candidat à être le chef raisonnable de toutes les droites raisonnables. Une sorte de Giscard mâtiné de Sarkozy… L’oligarchie le soutient fermement et ne veut pas d’autre champion. Le coup monté des « écoute aux portes » à l’école de commerce de Lyon montre comment le parti médiatique, qui est dans la main des neufs milliardaires, est prêt à le hacher menu. »

On est là dans la théorie du complot orchestré par les médias au service d’une oligarchie contrôlant le pays… C’est le genre de fantasme de l’extrême-droite, des gens critiquant le capitalisme, mais sans reconnaître les classes sociales.

Inévitablement, avec une telle vision du monde, Laurent Wauquiez « victime » du « système » devient alors une sorte d’allié objectif aux yeux de Jean-Luc Mélenchon, qui n’avait pas appelé, au second tour des présidentielles, à voter Emmanuel Macron pour barrer la route à Marine Le Pen.

Tout cela pourquoi ? Parce qu’au fond, Jean-Luc Mélenchon n’est jamais sorti du trotskysme et de son machiavélisme forcené. Il est dans le calcul, pas dans les valeurs. Cela va jusqu’à ne pas appeler à voter Emmanuel Macron… Ou jusqu’à défendre le style Donald Trump de Laurenz Wauquiez.

Afin de mieux apparaître comme le rebelle « anti-système ». Ce qui contribue au populisme ambiant, se renforçant, et amenant la société française droit dans le mur.

Catégories
Culture

La « sexualisation agressive » et iconique de la femme ukrainienne

Si les régimes des pays de l’Est étaient au mieux insupportables, au pire d’une répression brutale, on ne dira jamais assez à quel point leurs populations ont après 1989 été la cible d’une réorganisation de leur mode de vie de manière particulièrement méthodique.

Les femmes, notamment, ont été la cible d’une véritable opération de captation de leur image et de leur corps. L’image de la « pornstar » hongroise ou tchèque, de la « call-girl » ukrainienne, de la « poupée » russe, de la mannequin polonaise, reflète une offensive tous azimuts sur une partie significative de la population féminine des pays de l’Est.

Si l’on ne comprend pas cela, on rate un aspect fondamental dans l’apparition d’une frange ultra-nationaliste, aigrie et revendicative, développant tous les thèmes du « romantisme national ».
C’est particulièrement vraie de l’Ukraine, un pays malheureusement coupé en deux désormais de par l’expansionnisme russe, mais qui dans tous les cas a basculé dans une sexualisation démesurée de la femme.

L’exemple le plus connu, ce sont bien entendu le groupe des « femen », fondé en 2008 à Kiev par Anna Hutsol, Oksana Chatchko et Alexandra Chevtchenko.

S’il se revendique du grand classique du mouvement ouvrier sur le féminisme – La Femme et le Socialisme du social-démocrate allemand August Bebel, publié en 1883 – le groupe puise directement dans les pratiques de l’art contemporain et de ses happenings.

Les actions sont individuelles, il n’y a jamais de liaison assumée avec la gauche ni le mouvement ouvrier, les soutiens viennent d’entrepreneurs « alternatifs » se voulant pro-modernité « occidentale », l’idéologie assumée étant le « sextrémisme ».

On retrouve ici la figure de l’Ukrainienne « sexualisée », avec tout un jeu sur la blondeur, les fleurs dans les cheveux, les poses fermes mais lascives correspondant à l’image qu’on a des « filles de l’est », etc.

Impossible de ne pas rapprocher cette idéologie d’ailleurs de la « sexualisation agressive » de NikitA. Ce groupe de musique – en fait évidemment construit par un producteur qui avait déjà fait un pas dans cette direction avec A.R.M.I.A -, également apparu en 2008, revendique la « sexualisation agressive ».

Musicalement, il s’agit de cette techno relativement lourde et électronique typique qu’on peut trouver à l’est du côté de la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie, etc. ; sur le plan de l’esthétique, ce sont des vidéos exprimant justement une dimension ultra-sexualisée.

Il va de soi que NikitA a cherché et trouvé avec succès un terrain de la provocation, au moyen des cliché dégradants les plus standards possibles, utilisant l’érotisme comme moyen d’abuser des esprits.

Dans la vidéo suivante, la femme qui se promène nue est à un moment suivie par des hommes noirs démonstratifs : c’est une allusion typique exprimant le racisme anti-noirs particulièrement puissant à l’est de l’Europe.

Les autres vidéos suivent le même principe, avec tous les clichés « érotiques » patriarcaux allant du fait de manger des animaux au pole dance, etc.

Il est évident qu’une telle tendance décadente reflétant la véritable captation de l’image de la femme ukrainienne ne pouvait que donner naissance à haut-le-cœur dans la société. Malheureusement, c’est le nationalisme agressif qui l’a emporté comme réponse, avec par conséquent un simple décalage de la sexualisation de la femme ukrainienne.

Inexistante sur le terrain politique, inexistante sur le terrain des photos innombrables montrant des gens en armes, la femme ukrainienne est, lorsqu’elle est montrée, mise en scène comme icône portant les attributs et symboles du nationalisme, pratiquement comme trophée, comme ici avec les symboles du régiment Azov.

Il était évident que des gens se revendiquant du camp nazi lors de la seconde guerre mondiale ne pouvait assumer le féminisme. Et ainsi, du côté des femmes, la volonté de ne pas céder aux exigences de la captation sexuelle « occidentale » s’est placé sur le terrain d’un captation sexuelle nationaliste.
Avec un important succès sur internet, voire dans certains médias, comme le montre cet extrait de la revue française « Elle », qui a provoqué un certain émoi de par sa « glamourisation » du nationalisme, du fascisme.

Voici une photographie montrant une salle de sport ouvert par le régiment Azov – d’idéologie nationale-socialiste et intégrée officiellement à l’armée ukrainienne – dans la ville de Kharkiv. Si les hommes dessinés sont musclés et en action, la femme doit se contenter d’être « fit », d’être une icône.

Il y a ici une très profonde incohérence, montrant par ailleurs la vraie dimension fasciste en Ukraine, au sens d’un détournement d’une exigence populaire. Les nazis assumés sont profondément conservateurs et refusent tout féminisme ; aussi anodines et secondaires que soient ces représentations, elles leur sont déjà insupportables.

Or, en Ukraine, il s’agit d’un vrai mouvement de masse, dans le cadre d’une mobilisation nationale de défense du pays déformé en idéologie fasciste. Il y a donc une vraie poussée d’en bas, tendant à générer des vrais engagements, y compris féminins, comme le reflète cette photographie.

On n’est pas ici dans le cadre d’une démarche iconique ; la femme est en uniforme avec le symbole du régiment Azov, elle est tatouée. On est ici dans un vrai romantisme, dont le dessin suivant est finalement le grand symbole.

C’est une allusion à toute une série de photographies où de jeunes Ukrainiens s’enlacent, avant que l’homme n’aille au front, étant masqué car relevant des régiments de choc des nationalistes sur le front, avec à l’arrière-plan toute une série d’actes plus ou moins criminels, jusqu’aux crimes de guerre.

Ici encore la femme est tatouée et aussi surprenant que cela paraisse, cette mise sur le même plan, même avec une division des rôles, est déjà inacceptable pour l’extrême-droite. On est ici dans le fascisme idéalisé, romantique.

L’homme est tatoué, la femme aussi, ils partagent un idéal ; naturellement par contre, l’homme est combattant et actif, la femme plus passive, cependant il y a l’esthétique de l’égalité et de la rébellion, à défaut du contenu.

Voici un autre exemple de romantisme, extrêmement rare par ailleurs de par sa dimension naturelle en décalage avec le culte de la mécanisation, de la violence, du rejet du véganisme, etc. propre à l’extrême-droite. Elle n’est pas ici ukrainienne et relève du nationalisme des pays de l’Est, notamment dans l’esprit se voulant païen du national-socialist black metal.

Ce romantisme a naturellement ses limites et ne fait qu’exprimer un courant inévitablement condamné à être asphyxié tant devant la sexualisation que le conservatisme. Les photographies suivantes, où on retrouve de tatoué le soleil noir de la SS allemande, – la première est de source inconnue, la seconde d’une marque moscovite – montre bien le rabaissement de la femme à une icône.

Car la sexualisation agressive et iconique de la femme des pays de l’est, au-delà de l’Ukraine, est devenue un standard de la propagande d’extrême-droite sur internet. En voici un panorama, si l’on peut parler ainsi pour des photographies d’êtres humains.

Dans tous les cas, c’est le style se voulant slave q qui l’emporte, de par la base de masse à l’est de l’Europe, permettant de nombreuses personnes actives, donc davantage de culture, de photographies tout simplement aussi, etc.

Les cheveux blonds et si possible les tresses se veulent gage d’authenticité…

Cette captation de l’image de la femme comme icône est typiquement patriarcale ; si bien entendu il y a une différence avec les nazis, on retrouve la même approche tant chez tout ce qui relève de l’idéologie hooligan de gauche, que chez les Kurdes du PKK notamment avec la guerre en Syrie où il est vrai toutefois que les femmes participent à la guerre.

La femme est ici symbole et non protagoniste ; son action même se voit réduit à un symbole, à un rôle subalterne, passif, bloqué dans le symbolique.

La femme passive, « pure », portant les symboles, à la fois mère et trophée, tout cela n’est pas sans rappeler bien sûr la figure de la Vierge Marie. La genèse de cette forme tient-elle au culte des icônes existant en Ukraine, tant dans la religion religion orthodoxe que celle gréco-catholique?

N’est-ce pas également une déformation du puissant matriarcat s’étant maintenu en partie chez les peuples slaves?

Les risques de ce modèle sont en tout cas terribles pour la femme, tant en Ukraine que dans les autres pays.

Catégories
Écologie

La chasse à courre : une véritable néo-féodalité

La chasse à courre nous a rappelé son existence ces mois derniers, avec des incidents opposant des équipages à la population. A La Croix Saint-Ouen en octobre dernier, un cerf trouve refuge dans le jardin d’un lotissement. Le Maître d’équipage sautera le grillage pour le tuer et emporter le corps.

Cet incident est le début d’une mobilisation inédite en France : 450 habitants se rassemblent la semaine suivante pour exprimer leur opposition à cette pratique. Ils jurent de transformer leur quartier en « sanctuaire pour les animaux ». Et les événement qui suivent témoignent d’un engagement soutenu.

Fin décembre à Bonneuil-en-Valois, un cerf traqué se réfugie lui aussi dans un quartier résidentiel. Les habitants, qui font face aux chasseurs tout l’après-midi pour sauver l’animal, sortiront victorieux.

Un mois plus tard, à Pont-Sainte-Maxence, même ambiance : un cerf fuyant la meute de chiens entre dans le centre-ville et est protégé par les habitants, qui resteront pour veiller sur lui jusqu’à la tombée de la nuit. Les pompiers le soigneront et le raccompagneront en forêt, groggy.

Et le mouvement gagne maintenant les forêts, avec des habitants qui sortent chaque mercredi et samedi pour surveiller les chasses (jusqu’à une soixantaine certains jours).

Depuis, deux propositions de loi ont été déposées au Parlement pour obtenir l’abolition : une à l’initiative de Laurence Rossignol, du Parti socialiste, et une autre à l’initiative de députés de la France Insoumise.

Si de prime abord, il semble évident pour toute personne de gauche de rejeter cette pratique, au niveau des partis politiques les choses sont plus compliquées.

Dans les années 1970, le PCF, alors même qu’il finissait de rejeter son cœur idéologique, tenait une position étrangement neutre vis à vis de la chasse à courre.

Pour George Marchais, c’est « le vecteur d’une certaine culture qui se perpétue depuis des centaines d’années. Elle fait l’objet de fêtes et de rassemblements populaires, et à ce titre dépasse la seule pratique de la chasse. En toute conscience, peut-on interdire cela ?».

Pareillement, pour les sociologues Michel Pinçon et Monique Charlot, membres du même parti, « la chasse à courre réalise ce miracle de faire partager la même passion par des ducs, des grands bourgeois, des banquiers, des facteurs, des cantonniers ».

Aujourd’hui, les seuls refusant de s’engager contre la chasse à courre sont ceux dont l’électorat comprend potentiellement un grand nombre de chasseurs, comme par exemple François Ruffin à Amiens, qui n’a pas signé la proposition de loi déposée par son groupe parlementaire.

Maxime Gremetz, lui, s’était opposé à la chasse à courre, mais en la distinguant clairement de celle à tir, toujours sur l’argument que cette dernière serait « populaire ».

Pourtant, parmi les « saboteurs » de chasse à courre, beaucoup sont aussi issus des milieux populaires. Si on voit du « peuple » de chaque côté, comment choisir son camp ? En se plaçant sur le terrain des valeurs, en distinguant les pratiques culturelles qui appartiennent à l’ancien monde, et celles qui portent le progrès. Et du point de vue des valeurs, l’évidence est là.

L’idéologie portée par la chasse à courre est héritée du féodalisme, de l’époque précédant le capitalisme. Chaque forêt est considérée comme un fief, réservé à un seul équipage par animal, et logiquement les promeneurs ou les automobilistes sont traités comme des intrus, des « manants ».

Le débordement des veneurs sur la vie des habitants est constant : embouteillages, accidents de voiture, invectives, mise en danger d’animaux domestiques, invasion de jardins ou de centre-villes… De manière générale, les gens qui habitent en lisière de forêt sont accusés d’empiéter sur leur territoire ancestral.

Du côté des animaux, ils sont considérés soit comme des outils (chiens, chevaux) soit des proies, mais toujours des objets dont la sensibilité importe peu.

Ils n’existent que pour le bon plaisir des veneurs, et leur population est gérée selon ce simple critère.

La vie des animaux sauvages est hiérarchisée selon une valeur arbitraire : les cerfs sont les plus chers, puis viennent les chevreuils et les sangliers, puis les renards, et enfin les lièvres.

Dans cette logique, les équipages de chasse les plus huppés veulent s’attaquer à un animal digne de leur rang, donc le cerf, souvent considéré comme le « Roi des forêts ».

Socialement, le modèle d’organisation de la vénerie est aussi très parlant. Le prix d’entrée au sein d’un équipage (au moins 1.000€ par an et plusieurs autres milliers pour l’entretien du cheval, l’achat des accessoires, de l’uniforme…) sélectionne les pratiquants selon leur niveau de vie.

Cela fait de la vénerie un outil de réseau très important entre les notables des campagnes françaises. C’est là qu’on rencontre un avocat, un notaire, un industriel, un bon cardiologue… Les employés de l’équipage sont, encore aujourd’hui, appelés des « valets ». Les suiveurs, souvent des milieux les plus populaires, ne sont que les spectateurs de cette Cour, et n’ont aucune autonomie dans cette pratique.

Pour y voir clair autour de nous, il s’agit de distinguer ce qui constitue la force motrice de l’histoire et ce qui constitue la force d’inertie dont nous devons nous extraire.

Une fois abandonné le prisme grossier du populisme, un consensus devient évident à gauche : la chasse à courre doit disparaître. Il faut revendiquer son abolition et appuyer le mouvement qui naît en ce sens !