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Quelques manques de réalisme le 5 décembre 2021

Il y a un réel manque de cohérence.

Le 5 décembre 2021, c’était le meeting d’Eric Zemmour et il faut croire que, malgré les bonnes intentions de certains, c’était trop pour eux. Il y a un manque de réalisme qui, tout de même, est plus que suspect, vraiment étrange.

On a par exemple Antoine Léaument. Ce n’est pas n’importe qui : c’est le responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon et de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon tenait justement à la Défense, en périphérie de Paris, un meeting le même jour qu’Eric Zemmour. Il y avait un peu plus de 2000 personnes (dans une salle pouvant en accueillir 2500), alors que pour Eric Zemmour il y avait plus de 12 000 personnes (dans une salle pouvant en accueillir 20 000).

Et là que voit-on ? Qu’Antoine Léaument raconte ouvertement n’importe quoi. Voilà ? Voilà le mensonge, oui.

Il y avait également une manifestation contre Eric Zemmour, le même jour, à Paris, partant de Barbès pour rejoindre la Villette. La manifestation était organisée par la Jeune Garde, l’Union Locale CGT de Paris et le syndicat Solidaires. Il a été prétendu d’ailleurs qu’Eric Zemmour avait quitté le Zenith de la Villette pour le parc des expositions de Villepinte en raison de la « pression » sur lui. C’est faux : le Zénith était simplement trop petit, le meeting accueillant finalement pratiquement deux fois plus de monde.

Mais donc, que nous dit une Journaliste de Mediapart, service Politique ? Que Barbès est un « quartier populaire » ! C’est évidemment une vaste blague. C’est un quartier en partie grand bourgeois, en partie bobo, en partie lumpen, avec encore quelques couches populaires. Mais c’est tout sauf un quartier populaire, à moins de comparer avec la plupart des autres quartiers parisiens, peut-être, enfin, bref, c’est de la fiction.

C’est comme le mot d’ordre de la manifestation, « Paris fera taire Zemmour ». Paris ne fera rien du tout parce que la moitié de ses habitants sont des cadres sups, que vu les loyers ou le prix d’achat il faut un certain capital, patrimoine, revenu pour y être, etc.

La manifestation n’a d’ailleurs certainement pas rassemblé 8 000 personnes. Ce n’est pas raisonnable de dire cela. La préfecture dit 2200.

Il y avait d’ailleurs 64 organisations qui appelaient à cette manifestation. Même en comptant 8 000 personnes, cela ferait 125 personnes par organisation. En comptant de manière ultra-optimiste, disons 2500, cela fait moins de 40 personnes par organisation. Dans tous les cas il vaut mieux dire qu’il y a beaucoup de travail de fond à mener, qu’il faut souffrir pour avancer, trouver de nouvelles voies, etc. Mais une dynamique ?

Après, il ne faut pas se leurrer. Les gens restent à 99% imperméables à la politique antifasciste pour l’instant. Le terrain est prisonnier pour l’instant par un aventurisme anti-État, anti-police, anti-racisme, anti-homophobe, anti-etc. à l’infini. Ce sont les « fachos » qui sont dénoncés, pas le fascisme. Et dans cet aventurisme, tous les subjectivismes ont cours, portés par des étudiants hors sol, pétris d’esprit petit-bourgeois et de philosophie américaine même pas digérée. « Dehors les facho-es », sérieusement ?

Mais la palme de l’incohérence revient à SOS racisme, qui en plus de l’inconscience, a ouvert la boîte de Pandore de la violence fasciste. Il y a en effet des gens qui sont allés à Villepinte pour tenter de bloquer le meeting. C’est de l’ultra-gauchisme, mais c’est assumé, et il y a une grande conscience de ce que cela implique. 39 personnes ont été arrêtées par la police dans ce cadre.

SOS racisme a toutefois envoyé des gens au casse-pipe, sortant une banderole anti-raciste en plein meeting. Naturellement, ils se sont fait frappés. Rien d’étonnant malheureusement, une telle provocation ne pouvant passer. Et c’est là que c’est ultra-gauchiste, parce que cela ouvre la banalisation de l’affrontement violent.

Qu’à l’extérieur, l’extrême-Droite se confronte physiquement à des gens cherchant à empêcher le meeting, c’est une norme. Que cela se déroule à l’intérieur, de manière médiatique, c’est un appel d’air, c’est un signal. Les gens de SOS Racisme qui ont voulu se faire une publicité nationale à peu de frais ont concrètement, malgré eux, donné le signal à tous les gens d’extrême-Droite du pays que, désormais, il y avait un parti politique qui était leur fer de lance, que désormais il et possible d’aller à la confrontation.

Pour donner un exemple de quoi on parle, voici une image tirée d’un dossier (en anglais) d’un groupe de journalistes concernant les liens entre les nazis ukrainiens et des groupes français (Ouest casual, les Zouaves, etc.). A un moment donné il faut être sérieux et faire de la politique. Sinon, le fascisme l’emportera comme un rouleau compresseur.

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Guerre

La France participe à l’exercice militaire aéromaritime haute intensité Polaris 21

C’est ouvertement un exercice de guerre.

Polaris 21 est un exercice militaire de « haute intensité » de type aéromaritime, avec l’emploi de forces spéciales et avec en son centre le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle. Cet exercice de l’OTAN, véritable wargame, concerne :

– 6 000 militaires (dont 4 000 marins) ;

– 6 pays (la France, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Royaume-Uni, ainsi que les Etats-Unis) ;

– 24 bâtiments (frégates, ravitailleurs, sous-marin nucléaire d’attaque, le destroyer américain USS Porter, des chasseurs de mines, le destroyer britannique HMS Dragon…) ;

– des forces spéciales.

Cet exercice consiste en :

– 2 semaines d’opération ;

– 6 jours de simulation de combat ;

– 120 tirs de missiles, réels ou simulés ;

– 3 actions amphibies ;

– 428 vols d’aéronefs (de 20 rafales, de 3 hélicoptères, de 2 avions de guet aérien américain…) ;

– 9 actions cyber.

La raison officielle d’être de Polaris 21 est d’être « être prêt à un conflit de haute intensité » entre deux forces de même puissance. Il faut donc considérer que l’exercice visait la Russie et la Turquie, puisque personne d’autre n’est équivalent dans cette zone Méditerranée – Atlantique. Le contre-amiral Christophe Cluzel, commandant du groupe aéronaval avec comme base le porte-avion français, le dit pratiquement ouvertement :

« Nous envoyons un signal clair à tous nos compétiteurs et nous signifions à nos alliés que nous sommes prêts à prendre la tête d’une coalition. »

Cet exercice est d’ailleurs considéré comme le premier d’une série en vue de la prochaine guerre, comme l’explique l’armée française :

« Dans un format qui n’attend qu’à être repris en France et chez les armées alliés, POLARIS 21 marque un changement d’ambition dans la préparation opérationnelle à la complexité de la guerre aéromaritime de demain. »

L’armée française définit en ce sens l’exercice comme un « laboratoire » de la guerre du futur :

« Dans un conflit symétrique, la supériorité opérationnelle ne repose pas que sur la performance des senseurs ou des systèmes d’armes, elle requiert également une synchronisation parfaite des effets. POLARIS renforce de fait les capacités des participants à agir dans le haut du spectre du combat multi-milieux et multi-champs.

En positionnant le GAN [groupe aéronaval] au cœur de ce « lab » de la guerre du futur, les graines de ce que pourront être les tactiques de demain sont plantées. »

C’est une opération qui combine concrètement tous les domaines : l’air, la terre, la mer, à quoi s’ajoutent ceux sous-marin, cyber, exo-atmosphérique, informationnel et électromagnétique. Il y a ainsi la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère qui a agi, ou encore le 54e régiment d’artillerie de l’armée de terre française qui a participé en tant que force sol-air, alors qu’a été intégré dans cet exercice celui propre au commandement de la cyberdéfense, exercice spécifique dénommé pas moins que « E=MC21 ».

Le contre-amiral Christophe Cluzel synthétise ainsi les différents aspects de l’exercice et c’est là quelque chose de très important :

« La haute intensité, ce sont les missiles qui volent et les torpilles qui fondent sur leurs cibles, tout cela dans un environnement paralysé par les cyber-attaques, perturbé par les fake news et les attaques informationnelles et dégradé par le brouillage des GPS, des radars et des radios. 

Pour vaincre, nous devons être capables d’opérer dans de telles conditions tout en s’attachant nous-mêmes à perturber le C2 et l’appréciation de situation adverse »

On soulignera donc la dimension informationnelle, l’armée française simulant les réseaux sociaux afin de les manipuler. Cela est dit ouvertement par l’armée française.

« Le champ informationnel est également intégré, en particulier au travers de réseaux sociaux simulés.

À l’heure où la diffusion d’informations a une influence directe sur les manœuvres militaires et les décisions stratégiques, POLARIS 21 permet d’intégrer l’empreinte de la force aéromaritime dans le champ informationnel dès le niveau tactique, grâce à Mastodon, outil informatique simulant les codes des réseaux sociaux.

Mastodon réunit l’ensemble des parties prenantes du scénario sur une même plateforme, reproduisant le réalisme de la masse de publications et de la diversité des opinions exprimées. Dans la combinaison nécessaire de ses actions, le groupe aéronaval peut ainsi proposer des publications coordonnées à ses manœuvres. »

L’exercice est également de ce fait en lui-même une opération de propagande, car l’entrée dans la guerre mondiale future est un processus au long cours. Voici comment Var-matin valorise cette action commune aéromaritime dans un grand élan militariste :

« Une nécessité au vu de la crispation du monde et du retour des rapports de force. »

Une « nécessité ». Telle est la logique directement à visée impérialiste et masquée par un fatalisme servant à la fois d’excuse et d’appel à la mobilisation. Et cette logique contamine toute la société, dans un discours toujours plus rodé pour s’accélérer quand cela sera considéré comme nécessaire par un capitalisme en décadence cherchant une porte de sortie à sa crise.

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Guerre

Le silence criminel de la Gauche française quant à l’escalade en Ukraine

C’est une passivité qui converge avec un capitalisme allant à la guerre.

Il existe en France une Gauche très diverse, allant d’associations aux partis politiques, en passant par des groupes, des réseaux sociaux (facebook et twitter), des syndicats, bref toute une très large scène qui, à défaut d’être nombreuse, est multiple et jamais avare de remarques, de prises de position, etc.

Or, l’ensemble de cette Gauche français ne dit rien sur l’Ukraine et l’escalade militaire qui s’y déroule. Cela concerne pourtant l’OTAN, une organisation dont la France est membre, cela parle de 250 000 soldats se faisant face, cela touche la vie de dizaines et dizaines de millions de personnes qui habitent dans la région.

Et, au-delà, cela pose la question du conflit armé à grande échelle en Europe. Cela se rapporte ainsi à la question du militarisme, du rapport entre le capitalisme et la guerre. Bref, c’est particulièrement menaçant.

C’est pourtant comme si cela n’existait pas. La seule chose qui existe, c’est la page spéciale sur le conflit en Ukraine sur agauche.org, depuis le tout début avril 2021. Il n’y a rien d’autre, c’est comme si la question n’existait pas ailleurs.

C’est là, disons le, un silence criminel. C’est un mélange de fainéantise intellectuelle et de convergence avec le capitalisme auquel, finalement, pratiquement tout le monde fait confiance. Les gens ne croient pas en la guerre, même quand ils racontent que le capitalisme c’est mal, que la France est impérialiste, que le gouvernement est quasi fasciste, etc. Ils sont dans un confort petit-bourgeois tel quel qu’ils font semblant.

Seulement voilà, avec la guerre on ne peut plus faire semblant. Et là on se souvient qu’en 1914, toute la Gauche française, absolument toute la Gauche française, est passée du jour au lendemain de la dénonciation du capitalisme au nationalisme militariste de « l’Union sacrée ». C’est vraiment la même chose, avec une Gauche française actuelle consistant en le bal des hypocrites.

Parce que ce n’est pas comme si on ne parlait pas de l’Ukraine dans les journaux non plus, comme s’il n’y avait pas internet, comme si tout cela se déroulait dans un pays lointain, totalement inconnu, sur lequel on ne saurait rien et d’où aucune information ne proviendrait. L’Ukraine peut être quelque chose de pittoresque, soit, mais on sait dans les grandes lignes ce qui s’y passe, si on fait l’effort de chercher.

Et, normalement, la Gauche est censée faire cet effort. Ce sens de l’effort est normalement même ce qui la caractérise. Elle ne se fie pas aux apparences, elle ne croit pas ce que disent les capitalistes, elle ne fait pas confiance aux institutions au service de ceux-ci. Elle se forge sa propre vision du monde en se fondant sur son regard critique du capitalisme.

Là, il n’y a rien. On peut considérer qu’il y a trois causes à cela. La première, c’est qu’une partie de la Gauche est gouvernementale. Elle dira ce que dira la diplomatie française, avec certaines nuances. Elle ne veut pas critiquer l’État français, ni remettre en cause la place du capitalisme français sur le plan international. Bref, elle se plie.

La seconde, c’est qu’une autre partie de la Gauche est anti-intellectuelle. Qu’elle soit populiste avec Jean-Luc Mélenchon, syndicaliste d’esprit anarchiste, cela ne change rien : elle est stupide, elle ne veut pas réfléchir, elle ne croit que ce qu’elle voit et elle ne voit rien. Ces gens ne sont même pas capables de remarquer comment les animaux sont maltraités dans leur propre pays, alors savoir où est l’Ukraine…

La troisième, c’est qu’une troisième partie de la Gauche est alignée sur les universitaires américains, avec les principes de « déconstruction », de LGBT, de racialisme ethno-différentialiste, etc. Ces gens réfléchissent, pour le coup. Mais ils sont dans leurs délires et uniquement dans leurs délires. Ils existent parce que le capitalisme leur a proposé des postes universitaires, des réseaux sociaux et de nouveaux secteurs économiques – le turbocapitalisme – qu’ils sont là pour légitimer. Alors, forcément, la guerre, ils ne la conçoivent même pas.

Ce qui compte donc, c’est la réaffirmation des principes et des valeurs de la Gauche historique. Cela exige des efforts, un esprit de rupture avec le mode de vie petit-bourgeois, avec le consumérisme stérile si facile dans un capitaliste développé. Qui ne voit pas que le capitalisme propose sans cesse de la corruption est condamné à se faire avoir. Il faut savoir rompre – et l’enjeu, ce n’est pas moins que s’affronter avec la guerre à venir.

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Guerre

Ukraine : le retour du « scénario cauchemardesque »

Les intérêts impériaux américain et russe s’affrontent jusqu’au bout.

La Russie a affirmé avoir arrêté en Crimée le 2 novembre 2021 trois espions des services secrets ukrainiens (le SBU) avec des armes et des explosifs, et le même jour, Dmitri Peskov, secrétaire de presse du président russe Vladimir Poutine, a clairement expliqué que :

« Le risque d’un conflit armé général dans le Sud-Est de l’Ukraine est extrêmement haut et devient un réel motif d’inquiétude pour la Russie. »

Quant au président biélorusse Alexandre Loukachenko, dans une interview au média russe RIA Novosti, il a expliqué qu’un référendum se tiendrait en Biélorussie le 20 décembre…

« à moins que la guerre ne commence ».

Cela donne le ton et toute solution diplomatique semble définitivement bloquée. La rencontre du 2 décembre 2021 du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avec son homologue américain Antony Blinken, dans le cadre d’une réunion de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), à Stockholm, a en effet échoué.

Elle n’aura même duré qu’une demi-heure, Antony Blinken tenant même des propos qui normalement n’ont pas leur place dans un cadre diplomatique feutré :

« Si la Russie décide de continuer sur la voie de la confrontation, elle subira de graves conséquences. »

C’est une menace brutale, qui puise sa source dans le fait que la superpuissance américaine a les cartes en main. Cette image proposée par l’ambassade russe en Grande-Bretagne est totalement caricaturale, mais elle a sa part de vérité : l’Ukraine est utilisée comme pion par la superpuissance américaine (ainsi que par la Grande-Bretagne) pour étendre sa zone d’influence et de contrôle.

On notera que cette caricature représente de manière stéréotypée l’Ukraine sous les traits d’un cosaque à la Taras Boulba simplet et dépassé par les événéments.
Ce genre de représentation est typique de la propagande expansionniste russe anti-ukrainienne, les Ukrainiens étant considéré comme incapable de raisonnement autonome par rapport au grand frère russe.

La rumeur bien informée veut d’ailleurs que la véritable négociation entre les ministres américain et russe des affaires étrangères avait eu lieu la veille, à l’occasion d’un dîner organisé par la diplomatie suédoise. La mésentente serait allée jusqu’à « l’hostilité ».

La Russie rappelle sa ligne rouge : l’OTAN doit affirmer qu’elle n’intégrera pas l’Ukraine et doit cesser de placer des armements à ses frontières. Les Etats-Unis répliquent qu’ils n’en ont rien à faire. Les Etats-Unis exigent que la Russie cesse d’intervenir directement ou indirectement en Ukraine, la Russie répond qu’elle n’en a rien à faire. La confrontation est objectivement inévitable, et si on ajoute à l’arrière-plan la crise mondiale en raison de la pandémie, la tendance à la guerre l’emporte.

Les dés semblent donc jetés et la question n’est même plus de savoir qui va tirer le premier, car la confrontation est déjà choisie. Reste à mettre en place une narration suffisante pour avoir une image de victime acculée.

D’où les propos très défensifs du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans son discours de neuf minutes le 2 novembre à l’OSCE, comme quoi on était en train de revenir au « scénario cauchemardesque » de la confrontation de l’époque de la guerre froide, mentionnant notamment la possibilité de missiles intermédiaires placés en Pologne (et en Roumanie) et visant la Russie.

D’où la déformation complète de ces propos, les médias occidentaux récitant à tue-tête que Sergueï Lavrov menaçait l’Europe d’un « scénario cauchemardesque ».

Soulignons d’ailleurs un fait très simple. Voici une carte faite par le média ukrainien nv.ua au sujet des armées russes et pro-russes (sont pris en compte la Biélorussie et le Donbass). C’est énorme, bien sûr.

115 000 soldats, 40 bataillons de groupes tactiques, 1200 tanks, 2900 véhicules blindés, 1600 pièces d’artillerie, 28 systèmes de missiles, 330 avions, 240 hélicoptères, 75 navires, 6 sous-marins (on notera que la liste compte les soldats des « républiques » séparatistes comme intégrés dans l’armée russe)

Mais, inversement, il y a la moitié de l’armée ukrainienne dans le Donbass, soit 125 000 soldats!

La Russie peut attaquer l’Ukraine, c’est un fait. Il y a peu de soldats pour une offensive massive… Mais l’aviation militaire ukrainienne est très faible numériquement et a technologiquement deux générations de retard. La supériorité aérienne russe amènerait une destruction des bases, des principes infrastructures et de la logistique ukrainienne en 72 heures grand maximum.

Tout comme l’Ukraine peut attaquer les deux « républiques » séparatistes, alors qu’elle ne cesse d’utiliser son artillerie par ailleurs et qu’elle aussi cache ses installations militaires aux missions de l’OSCE censés superviser un « cessez-le-feu » dans le Donbass.

Bombardement (les petits points lumineux dans le ciel) de Dokuchaevsk, village de la « république » séparatiste de Donetzk, par l’armée ukrainienne le 2 décembre 2021

Donc, si la Russie est expansionniste, l’Ukraine est forcenée aussi en tant uqe bras armé d’une superpuissance américaine qui s’empresse en ce moment de fermer toutes les portes diplomatiques et d’attiser les braises. Rappelons ici les propos du 30 novembre 2021 du secrétaire de l’OTAN, Jens Stoltenberg :

« La russie n’avait pas de veto, aucun droit d’interférer dans le processus [d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN] ».

Et le président finlandais Sauli Niinistö en a rajouté une couche en disant de son côté que l’adhésion de son pays à l’OTAN était une option et que cela ne regardait pas la Russie.

Tout cela est de la folie. Et cela devient une folie aux proportions toujours plus meurtrières.

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Faut-il avant tout s’opposer physiquement à l’extrême-Droite ?

Cette question a déjà été réglée.

Lors de la montée du nazisme, les communistes allemands ont à un moment employé le slogan « Schlagt die Faschisten, wo ihr sie trefft! », c’est-à-dire « Frappez les fascistes, là où vous les rencontrez ! ». Autrement dit, quand on rencontrait des fascistes, il fallait leur tomber dessus.

Cette approche a ensuite été abandonnée, car elle était trop élémentaire, pas suffisamment politique, et qu’à terme une telle démarche était perdante.

Pourquoi cela ?

Pour deux raisons.

La première, c’est que le fascisme avait atteint une telle dimension de masse, que de toutes façons de telles actions, à un moment, ne sont plus possibles. En Allemagne le fascisme était un mouvement de masse. On ne peut pas rejeter les masses.

Il suffit de penser ici au vote Marine Le Pen dans les quartiers populaires en France : pense-t-on aller insulter des centaines, des milliers d’ouvriers dans le Nord ? Cela n’aurait aucun sens, déjà, et en plus le fascisme est trompeur dans sa substance même : il vise à tromper les travailleurs. Donc, il faut regagner les travailleurs, mais on ne peut pas si on les exclut, si on les insulte…

La seconde, c’est que cela focalise de manière erronée sur les fascistes et non sur le fascisme, réduisant le fascisme à des individus fascistes. On est alors dans un analyse réductrice typique de l’anarchisme (et du trotskisme d’ailleurs). Comme si le fascisme était un coup de force mené par des gangsters fascistes, et non une réorganisation du capitalisme en crise.

« Frappez les fascistes, là où vous les rencontrez ! » est donc un slogan simpliste. Il faut effectivement s’opposer physiquement aux fascistes dans certains cas. Mais cela ne peut pas être la question principale, car la question est toujours politique. D’où l’héroïsme d’antifascistes allant, dans des meetings nazis, aller porter la contradiction.

Il faut imaginer le cran de ces gens-là. Vous êtes en 1931, vous allez dans un meeting de 10 000 personnes organisées par les nazis, vous vous revendiquez antifascistes et vous êtes tout seul ou à deux, au milieu d’une foule fanatisée et hostile. Quelle immense pression ! Mais il faut bien le faire, puisqu’il y a des gens du peuple qui sont présents… Quel courage.

Et donc les communistes allemands, en juin 1930, balancent par-dessus bord leur slogan « Frappez les fascistes, là où vous les rencontrez ! », en expliquant ainsi pourquoi :

« La lutte contre les fascistes doit correspondre à toute la ligne politique du Parti. Solidement liée à la lutte quotidienne des masses laborieuses pour l’amélioration de leurs conditions de vie, celle-ci doit avoir un caractère résolu et offensif.

La désagrégation naissante au sein des partisans ouvriers du mouvement fasciste, qui est sans aucun doute en croissance, rend nécessaire la distinction entre les dirigeants fascistes et les masses induites en erreur de leurs partisans ouvriers.

Par conséquent, l’application schématique du mot d’ordre « Frappez les fascistes, là où vous les rencontrez ! » est inopportune dans la phase actuelle d’intensification de la lutte. Le mot d’ordre principal dans la situation actuelle doit être la lutte de masse politique et défensive du prolétariat et de tous les travailleurs contre le fascisme dans le but de son annihilation complète.

Le fascisme en Allemagne ne se limite en aucun cas aux organisations fascistes de combat et d’assassinat, les nationalistes, les milices des casques d’acier, etc., mais comprend également tous les partis bourgeois importants.

La fascisation de l’Allemagne a lieu à la fois à travers les organisations de combat fascistes et à travers l’appareil d’État bourgeois et ses agents social-fascistes. »

Ce qu’on comprend, c’est que lorsque le fascisme est à ses débuts, lorsqu’il est marginal, cela a un sens que de briser les organisations fascistes, afin de les empêcher de se développer. Mais lorsque le fascisme a atteint un tel niveau qu’il devient de masse… et qu’en plus il s’inscrit dans un contexte historique… alors concentrer l’antifascisme sur l’opposition physique aux fascistes, c’est une erreur anti-politique.

L’antifascisme exige donc la politique. Et la politique, ce sont les idées, les conceptions, les valeurs qui ne peuvent être portées que par des organisations politiques. Il n’y a pas d’antifascisme possible sans alignement sur ces organisations politiques. Sinon, on réduit l’antifascisme à des actions immédiates et élémentaires et on s’imagine qu’une défense syndicale des travailleurs peut suffire face à l’idéologie fasciste. Ce qui est vain.

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5 décembre 2021 : Éric Zemmour du Zénith au Parc des expositions de Villepinte

Comment interpréter ce changement de lieu ?

Le meeting du 5 décembre 2021 est très important pour Eric Zemmour. C’est le premier depuis qu’il s’est déclaré candidat et il va falloir qu’il abatte ses cartes, qu’il présente des soutiens ayant un certain poids. Et il va falloir qu’il fonde un mouvement politique, ce qui est bien entendu une terrible menace d’extrême-Droite de plus. C’est d’ailleurs l’aspect principal de la question.

Cela va en effet jouer sur tous les mois qui suivent, avec le risque d’être un mouvement de masse. D’ailleurs, Eric Zemmour a modifié le lieu du meeting. Initialement, cela devait être au Zénith de Paris, qui a 6 000 places. Mais devant l’affluence de demandes, le meeting est déplacé au parc des expositions de Villepinte, non loin de l’aéroport Charles-de-Gaulle.

Est loué le hall 6, d’environ 45 000 m2 et accueillant 20 000 personnes. C’est là quelque chose de terrible, bien entendu. Car même si Eric Zemmour ne gagne pas la présidentielle, il joue un très grand rôle dans la réorganisation de la Droite, avec l’établissement de troupes de choc prêts à la confrontation.

On notera ici que ce déplacement est interprété différemment par le porte-parole de la Jeune Garde, structure qui appelle à une manifestation de protestation contre le meeting, avec deux structures syndicales : la CGT Paris et Solidaires.

Il va de soi que s’il y a plus de 6 000 personnes à Villepinte, cette argumentation tombe à l’eau. Mais là n’est pas la question : ce qui compte, c’est de voir quelle est la nature d’Eric Zemmour. Faut-il le considérer comme une fin en soi ou comme un outil pour le Fascisme comme tendance historique?

Eric Zemmour fait-il des choix lui-même? Ou bien est-il porté par une tendance historique?

C’est le grand problème de la personnalisation. Il est vrai qu’Eric Zemmour en rajoute à ce niveau. Comme avant lui Donald Trump, ou comme toutes les figures populistes, nationalistes, en appelant à l’irrationnel. Seulement, c’est un piège dans lequel il ne faut justement pas tomber.

Car le fascisme est une tendance, qui transcende les individus qui sont à son service. Il suffit de se rappeler du parcours originel d’Adolf Hitler, un simple soldat, de Benito Mussolini, un cadre socialiste, ou bien d’Oswald Mosley, un député. Eric Zemmour était quant à lui initialement un journaliste besogneux, qui encore il y a quelques années n’aurait même pas imaginé son parcours actuel. Tous ces gens n’ont pas choisi. Ils sont devenus des outils.

Dans quelle mesure sont-ils des outils, c’est là la vraie question. Et en fondant un mouvement organisé de « droite dure », sur une base nationaliste, Eric Zemmour joue ici un rôle éminent. C’est cela qu’il faut bien voir, en portant un regard profond, allant au-delà des apparences trompeuses.

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Ukraine : la Biélorussie interviendra en cas de guerre

La confrontation englobera toute la région.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a expliqué le 29 novembre 2021 qu’il n’était pas au courant d’une opération russe de l’invasion de l’Ukraine et que, s’il y avait un plan en ce sens, il serait au courant. Puis il a expliqué que si l’ouest provoquait une guerre à la frontière occidentale de la Russie, la Biélorussie ne resterait pas passive, et il était tout à fait clair quant au camp qu’elle choisirait. Ces propos ont été tenus alors qu’il était en uniforme militaire dans le cadre d’une rencontre avec les plus hauts représentants de l’armée.

Ont en même temps été annoncé des manoeuvres militaires Biélorussie-Russie à la frontière avec l’Ukraine.

C’est là bien entendu une contribution puissante à la tendance à la guerre. Et c’est aussi une réponse à l’OTAN. L’élargissement de l’OTAN vise en effet directement à asphyxier la Biélorussie et la Russie. Et Alexandre Loukachenko a raison de dire que s’il y a une guerre régionale, alors l’Union Européenne perdra sa substance en étant amené à s’aligner sur l’OTAN sous l’impulsion américaine.

La superpuissance américaine et la Grande-Bretagne poussent l’Ukraine à la guerre de manière littéralement fantasmatique. Et cela marche, de par la base nationaliste agressive du régime ukrainien. Ainsi, l’Ukraine bombarde comme jamais les territoires séparatistes en ce moment.

Et le président ukrainien Volodymyr Zelensky a joué avec le feu. Le 26 novembre 2021, il répondait à « trente questions pour le président », une émission durant cinq heures. Et comme en passant, il a expliqué qu’un coup d’Etat était prévu le premier décembre. Il en a profité pour accuser un oligarque historiquement proche de la Russie, Rinat Akhmetov, de relever d’une guerre contre l’Ukraine.

Cela a provoqué un gigantesque scandale en Ukraine, alors qu’en plus les médias ayant eu accès à l’émission étaient restreints. Et au milieu de tout cela, le président ukrainien a limogé le 29 novembre 2021, Alexander Rusnak, le chef du département de contre-espionnage des services secrets ukrainiens, le SBU. Autant dire que cela ajoute de l’huile sur le feu d’une ambiance ukrainienne explosive.

Pour ajouter dans le délire, il y a des fous furieux cherchant à se rendre « intéressant ». Il y a les nationalistes qui mènent des opérations incessantes ces derniers jours (destruction filmée d’une stèle en l’honneur de combattants face à l’invasion nazie, attaque d’un bar gay, etc.). Il y a un ancien ministre ukrainien des affaires étrangères, Vladimir Ohrzyko, qui explique que l’Ukraine est préparée à attaquer la Russie à coup de missiles sur des villes et des centrales nucléaires. On a un journaliste ukrainien, Iouri Boutoussov, qui se filme en tenue de soldat en train d’utiliser un obusier pour tirer sur les territoires séparatistes, afin de « venger les morts de l’holodomor » (suivant la théorie que les Russes auraient voulu pendant cent ans génocider les ukrainiens).

Du côté russe, on n’est pas en reste. Il semble que des troupes spéciales aéroportées soient en place et actives dans les territoires séparatistes. Leur rôle est de procéder comme sapeur pour préparer le terrain en cas d’offensive russe. Difficile d’en savoir plus car il existe une mission de l’OSCE afin de procéder à des inspections, mais leur accès aux deux parties est de plus en plus difficile voire impossible ces derniers jours. Il y a d’ailleurs un avion ayant survolé le Donbass… ce qui est normalement interdit. On ne sait pas à quel camp il appartient, les deux camps accusant l’autre.

Il y a également la zone frontalière de la Russie avec l’Ukraine passée sous la coupe des militaires ; elle est fermée à part pour les habitants qui doivent passer des checkpoints. Et l’armée procède encore et encore à l’envoi de matériel à l’ouest. Il y a l’annonce subite le 30 novembre 2021 d’un entraînement de 10 000 soldats à côté de l’Ukraine… Avec également, le même jour l’annonce d’une réunion le soir même du président russe Vladimir Poutine avec les plus hauts responsables militaires et ceux des services secrets.

Il a même attendu une éventuelle prise de parole de Vladimir Poutine à minuit! C’est dire à quel point l’atmosphère est irrespirable, alors qu’en plus ces derniers jours les hauts responsables russes ne cessent de dire que l’Ukraine va tenter une provocation. Ce qui est largement possible, alors que son économie s’effondre littéralement et qu’il y a pénurie de gaz et de charbon…

L’OTAN s’est également réuni le 30 novembre 2021, pour évoquer les sanctions à prendre en cas d’offensive russe. Bref, c’est comme si tout semblait prêt au grand jeu de massacre. Sur le dos principalement du peuple ukrainien, voire de la nation ukrainienne qui risque de se faire dépecer.

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Culture

Décès de Virgil Abloh, fondateur d’Off-White

Il fut emblématique du streetwear intégrant le luxe en version art contemporain.

Le décès de l’Américain Virgil Abloh d’un cancer à 41 ans a ceci de marquant qu’il fut une figure emblématique de l’expansion capitaliste dans la mode. Le développement des forces productives a rendu accessible la production de mode à des franges bien plus larges à partir des années 1990, ce qui a amené un foisonnement d’initiatives plus ou moins réussies, plus ou moins douteuses.

Virgil Abloh forme le pic commercial de cette vague, avec sa marque incontournable Off-White mêlant le streetwear et le luxe, fondée en 2013 comme aboutissement de plus d’une décennie à jouer les rôles de conseiller en création en chef pour le rappeur Kanye West.

En clair il faut être prêt à mettre plus de 400 euros dans un pull, voire 25 000 euros pour des chaussures d’une collaboration Nike et Off-White. Louis Vuitton (ou plus précisément LVMH) y a vu son intérêt en achetant la majorité des parts de la marque et en faisant de Virgil Abloh à la fois un styliste et un directeur artistique pour homme.

Ce qui relève ici d’une forme d’art contemporain, car Virgil Abloh ne connaît rien à la mode, il a une formation dans le génie civil et dans l’architecture : c’est le prototype du « designer » surfant sur l’air du temps, la mode dans tout ce qu’elle a d’ultra-consommateur chez les couches les plus aisées de la société.

Comme dans l’art contemporain on a d’ailleurs une régularité sans faille dans les collages, les reprises, les concepts (comme marquer « pour marcher » sur des chaussures), des collaborations (Nike, Levi’s, Jimmy Choo, IKEA, Browns, Warby Parker, SSENSE, Sunglass Hut, Dr Martens, Champion, Converse, Umbro, Takashi Murakami, Heron Preston, ASAP Rocky, Byredo, Boys Noize, Le Bon Marché, Rimowa, Timberland, le musée du Louvre, le groupe les Guns N’Roses, etc.).

C’est le mélange des genres, sur un mode baroque, qu’affectionne le capitalisme ou plus exactement le turbocapitalisme. On ne peut d’ailleurs pas être un bourgeois branché et cosmopolite sans affectionner Off-White.

Virgil Abloh avait ainsi cinq millions d’abonnés sur Instagram, de par son statut d’icone de la mode et par sa mode que, justement, n’importe qui pourrait faire. C’est l’art contemporain appliqué à la mode, mais avec des marchandises « concepts » restant tout de même des vêtements qu’on peut porter.

Virgil Abloh a d’ailleurs un discours très rôdé. Il se revendique de Marcel Duchamp (avec les « ready-made » comme l’urinoir), considère qu’une oeuvre modifiée à 3% est nouvelle. Il a même eu droit à une rétrospective au musée d’Art contemporain de Chicago en 2018.

Virgil Abloh ne fut ainsi qu’un entrepreneur réussissant, par le biais du streetwear et d’un capitalisme en expansion, à toucher des adolescents et des jeunes ayant un énorme budget, chose n’existant auparavant pas. Il a accompagné la naissance d’un nouveau marché et le capitalisme a reconnu sa capacité à œuvrer au turbocapitalisme pour permettre l’expansion.

Virgil Abloh pensait récemment que le streetwear en mode luxe s’estomperait face à la mode du vintage. Il est bien entendu ensuite revenu sur ses propos afin de maintenir la crédibilité de sa propre marque.

Néanmoins, cela reflète bien le fond de sa démarche, qui n’est clairement pas celle d’un styliste, mais celle d’un consommateur ayant pris une position de « créateur », exactement comme dans l’art contemporain. D’où le côté expérimental incessant dans la production d’Off-White, les tentatives ininterrompues de déroger aux formes traditionnelles, d’ajouter des choses ou de les modifier, pour qu’il y ait en quelque sorte ces « 3% » de choses différentes amenant soit disant quelque chose de nouveau.

C’est le summum de ce que le capitalisme, en version turbo, peut proposer dans l’habillement.

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Culture Culture & esthétique

Le cinéma authentique ne repose pas sur la dramaturgie

La vie doit être montrée en elle-même.

Le cinéma tel qu’il est apparu a largement profité du théâtre, dont il a été finalement surtout un prolongement. C’était rendu inévitable par le fait qu’initialement le cinéma était muet et qu’il fallait donc une certaine expressivité forcée, ainsi qu’un scénario qui soit parfaitement accompagnateur du spectateur.

L’irruption du son a modifié la situation, tout comme l’apparition des pellicules en couleur. Cela a permis l’émergence de véritables cinéastes, avant que le capitalisme ne donne la parole à une marée d’opportunistes tournant en masse pour la télévision et les salles de cinéma devenus d’importants centres de consommation. Ce sont les années 1960-1980, avec Ingmar Bergman, Andreï Tarkovski, Akira Kurosowa, Jean-Luc Godard, Satyajit Ray, Im Kwon-taek, Stanley Kubrick, et quelques autres encore.

On parle ici de peu de personnes, car la difficulté était de parvenir à une composition esthétique. Le cinéma est ici vu comme la musique, il faut composer, il ne s’agit pas d’en rester à des principes techniques abstraits, d’autant plus que ceux-ci prolongent le théâtre.

Andreï Tarkovski souligne ici cet important aspect dans Le temps scellé (Cahiers du Cinéma 2004 ou bien Philippe Rey 2014):

« La naissance et le développement d’une pensée obéissent à des lois particulières. Celle-ci requiert parfois pour s’exprimer des formes distinctes de celles de la logique abstraite.

Et je crois la démarche poétique plus proche de cette pensée, donc de la vie elle-même, que ne le sont les règles de la dramaturgie traditionnelle. Pourtant, celles-ci ont été longtemps considérées comme constituant l’unique modèle pour exprimer le conflit dramatique.

Les liaisons poétiques apportent davantage d’émotion et rendent le spectateur plus actif.

Il peut alors participer à une authentique découverte de la vie, car il ne s’en remet plus à des conclusions toutes faites imposées par l’auteur.

Il ne lui est proposé que ce qui peut lui permettre de découvrir l’essence de ce qu’il voit. »

On a ici l’essence du cinéma, à rebours du cinéma capitaliste proposant la passivité comme norme et conduisant tout droit aux séries pour les télévisions ou les ordinateurs.

Une caractéristique insupportable de ce capitalisme télévisuel est la nature stéréotypée des acteurs. Tom Hanks est forcément un homme décent, Bruce Willis un désabusé rentre-dedans, Johnny Depp une personnalité étrange à deux faces, Tom Cruise un malin dans une situation inappropriée, etc. On sait forcément à quoi s’attendre. Et c’est d’autant plus vrai que le scénario est théâtralisé.

C’est particulièrement vrai en France, où la véracité s’efface systématiquement derrière un style surfait, forcé, psychologisant. Ce n’est pas pour rien que les films français, ce sont Taxi, Astérix et OSS 117, c’est-à-dire des constructions, en fait des abstractions, dénuées de vie. C’est bon pour passer le temps ou plus exactement pour le brûler. Le temps perdu dans le capitalisme est gigantesque en effet et toute cette production télévisuelle / cinématographique est l’équivalent d’Instagram ou de TikTok.

Le capitalisme prétend affirmer l’individu : c’est vrai, et c’est aux dépens de la personnalité. Le capitalisme, c’est une avalanche de « créations », mais une absence complète d’auteurs, et donc de productions. Il n’y a pas d’émotion esthétique permise dans le capitalisme, car cela impliquerait une personnalité réelle, alors que le capitalisme ne veut que des fantômes ne laissant rien sur leur personnage, la consommation devant être permanente.

D’où la négation des classiques, d’où la remise en cause permanente de tout et n’importe quoi, au nom de n’importe quoi. Tout doit être fait pour réimpulser la consommation.

Le vrai cinéma peut être une puissante contribution à contrarier cela, à relever le niveau. Pour cela, il doit viser des spectateurs actifs – et peu importe qu’il soit marginal, à l’écart, du moment qu’il ne bascule pas dans le travers d’être cryptique, élitiste, nombriliste. C’est un devoir culturel de notre temps.

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Politique

Eric Zemmour à Marseille : fiasco ou succès politique ?

La visite marseillaise d’Eric Zemmour est révélatrice.

Faites vos jeux ! Parier, c’est moralement erroné, mais la politique rend cela inévitable, parce qu’il faut analyser les tendances et choisir ce qu’on considère juste, repoussant ce qu’on imagine faux, et qu’on mise tout dessus. Et là on a un exemple très parlant.

Le 27 novembre 2021, Eric Zemmour était de passage à Marseille, alors voilà différentes considérations à ce sujet, en provenance de ce dépotoir-défouloir qu’est Twitter, tout un symbole de notre époque. D’un côté, Eric Zemmour tentant d’inventer un mythe mobilisateur, avec le fameux parcours de l’homme providentiel à la rencontre de son peuple. De l’autre l’ultra-gauche qui n’en invente pas un puisqu’elle l’a déjà, avec son substitutisme et son « action directe ».

Qui est le gagnant de cette séquence ? Marseille s’est-elle vraiment soulevée contre Eric Zemmour ? Ce dernier a-t-il vraiment pris un pied au derrière dans la construction de sa figure politique ?

Bien entendu, on peut être horrifié et penser qu’il faut un antifascisme politique, parce que là…

Laetitia Avia est Députée de Paris, vice-présidente du bureau exécutif & Porte-parole LREM.

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Politique

Le premier pari réussi d’Eric Zemmour

La Droite est réactivée.

Eric Zemmour sera au Zénith de Paris le 5 décembre 2021 et l’entrée sera libre. Cela explique aussi pourquoi il n’a pas intérêt à se déclarer candidat jusque-là. Les frais de campagne et le temps de parole médiatique ne sont pas comptabilisés. De plus, peut-être qu’il cédera la place à quelqu’un comme le général de Villiers.

Car Eric Zemmour a déjà réussi son pari. Il a joué son rôle historique : propulser les idées de Droite sur le devant de la scène, de telle manière à passer en force pour remettre en place une offensive politique. C’est une grande réussite, qui a triomphé sans réelle opposition. Les bourgeois modernistes d’Emmanuel Macron n’y ont pas cru et se sont fait débordés, quant à la Gauche elle n’a pas compris le phénomène.

Eric Zemmour a bien perdu de l’élan à la mi-novembre, car un semblant d’opposition à son nationalisme s’est mis en place, mais enfin il est dans la place, il a des partisans, il est intégré au paysage et, surtout, il se fout de savoir que l’opinion publique hégémonique est contre lui. Il est une expression de la crise et il sait que tout peut changer très rapidement, que tout va changer très rapidement. Il compte être là à ce moment-là, avec une proposition stratégique lisible et des partisans.

C’est le contraire d’Anne Hidalgo qui n’a pas saisi les enjeux du temps, elle qui arrive avec le droit de vote à seize ans. Il y a une pandémie, des dettes monstrueuses des États, des ménages et des entreprises, des tensions militaristes en accentuation, une crise climatique, et elle débarque avec cela. C’est un suicide politique, par inadéquation avec les exigences du temps.

On arguera que les exigences du temps ne sont pas vues par grand monde. C’est vrai. On dira que l’extrême-Droite étant populiste, c’est plus facile pour elle de proposer quelque chose de fantasmatique semblant répondre aux défis de notre époque. C’est vrai aussi.

Cependant, avec des efforts on peut triompher de ces obstacles. Encore faut-il faire des efforts prolongés. Or, comme on le sait, le capitalisme a corrompu tout le monde. Seule la haute bourgeoisie fait de réels efforts, car il en va de ses intérêts immédiats dans un paysage nouveau produit par la pandémie et le ralentissement du capitalisme.

Pour prendre un exemple, sur le twitter d’une féministe et syndicaliste, qui se veut donc très radical, on trouve au milieu des dénonciations des fachos des commentaires personnels de l’émission « Danse avec les stars ». Cela veut tout dire. Le capitalisme permet de vivre sur le tas, sans recul, sans exigence de valeurs développées. Il nivelle par le bas. Et même les gens engagés tombent dans une consommation passive, par refus d’avoir une vision historique, de se mettre au niveau culturellement.

Les gens, y compris de gauche, se contentent de consommer, en ayant des positions de gauche ou qu’ils imaginent être de gauche (car bien souvent c’est simplement du turbocapitalisme, comme avec les LGBT). Être à gauche ne les intéresse pas plus que cela : cela implique de se positionner, d’aller à une certaine confrontation, d’établir quelque chose de concret. Le capitalisme propose trop un confort feutré, malgré une certaine précarité (sociale, sentimentale, au niveau du logement…), pour que se produise un tel dépassement de soi.

Il y a donc au mieux des dénonciations bruyantes de l’extrême-Droite, mais dans un grand mélange où le gouvernement est associé au fascisme, voire identité à lui. C’est de l’ultra-gauche et il y a donc toujours du triomphalisme, un grand aveuglement quant à la dimension populaire historique du fascisme, comme lorsque le porte-parole de la « Jeune Garde » dit que « l’extrême-droite n’est audible que dans les zones bourgeoises ou sur les chaînes du milliardaire Vincent Bolloré ».

Eric Zemmour intervient donc dans une telle situation avec d’autant plus de facilité. Il s’est installé, simplement, sans confrontation réelle, à part quelques petits accrochages. La prochaine étape sera par contre évidemment bien plus rude, bien plus politique, bien plus agressive, bien plus violente.

Pour avancer, Eric Zemmour doit polariser. Ce sera l’alliance d’une vague électorale et de coups de force par les petits groupes d’extrême-Droite. Et peu importe si cela tourne mal, car l’idée c’est au pire de tellement tout déstabiliser que l’armée intervienne rétablir l’ordre, ou en tout cas une figure tombée du ciel comme le général de Villiers.

C’est typiquement français historiquement. Qui ne le voit pas a été lessivé par l’américanisation de la société.

Les choses vont commencer à tanguer : il faut être prudent et intelligent politiquement, tout étant ici une bataille de positions qui exige des raisonnements tactiques et stratégiques qui ne peuvent être que ceux de la Gauche historique.

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Écologie

Vidéo « Une semaine au refuge de Morainvilliers »

Une présentation de l’activité du refuge.

Le refuge de Morainvilliers en Île-de-France relève de la Fondation Assistance aux Animaux.

Rappelons que tous les refuges et centres de soin n’ont pas les moyens de faire ce genre de vidéos et de les diffuser, et qu’ils n’ont pas à le faire en raison de leurs priorités. C’est à vous de faire le pas dans l’empathie et d’aider les animaux et également les gens des refuges, qui sacrifient le plus souvent leur vie au service de la compassion. Et dans le soutien apporté, le travail difficile moralement, physiquement, matériellement… implique de savoir mettre son ego de côté, pour ne pas devenir une partie du problème au lieu d’une partie de la solution.

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Guerre

Ukraine: l’avertissement russe

Il est clair, mais formulé indirectement.

Fyodor Lukyanov est un journaliste russe qui est notamment membre du Club Valdai, un organe de réflexion sur le rôle de la Russie mis indirectement en place par les institutions elles-mêmes. Il est professeur d’Économie mondiale et de Relations internationales et depuis 2002 rédacteur en chef de Russia in Global Affairs journal.

Autant dire que ce qu’il dit… ne doit rien au hasard quand il s’agit de certains thèmes à certains moments, comme évidemment celui qu’on connaît en ce moment. Son article du 24 novembre 2021, NATO’s Mistake Is That It Still Thinks It’s Dealing with the Weakened Russia of the 1990s, a donc été compris en ce sens.

Le titre choisi par Fyodor Lukyanov dit déjà pratiquement tout. L’OTAN fait une erreur en considérant que la Russie est toujours le pays faible des années 1990. Car, à l’époque, de par le vide provoqué par l’effondrement de l’URSS, il était dans l’ordre des choses que l’Union européenne et l’OTAN s’étendent.

Cependant, c’était là une situation tout à fait particulière, et temporaire. Il ne saurait en effet exister une situation où un pays organise des alliances comme bon lui semble, sans se préoccuper des conséquences « géopolitiques ».

C’est d’autant plus vrai alors que l’Union européenne et l’OTAN se chevauchent au niveau des pays membres… Alors que le centre de gravité n’est pas le même, puisque dans le premier cas il est en Europe, dans le second cas il est aux États-Unis. Cela renforce les complications.

Aussi, la meilleure solution est la « finlandisation » de l’Ukraine, c’est-à-dire sa reconnaissance par les « blocs » comme un pays neutre, comme la Finlande durant la guerre froide. Pour donner un exemple de ce que cela implique, on peut prendre l’Autriche au statut similaire : aujourd’hui encore il est possible d’y espionner le pays qu’on veut, du moment qu’on n’espionne pas l’Autriche elle-même!

Et s’il n’y a pas la « finlandisation » de l’Ukraine, que va-t-il se passer? Fyodor Lukyanov prévient alors que la Russie devra faire comme avec la Géorgie en 2008. Ce pays, sous la présidence de Mikheil Saakachvili, a voulu adhérer à l’OTAN, s’est rapproché plus que fortement de l’Union européenne et des États-Unis.

La Russie a alors déstabilisé le pays en soutenant des séparatistes, diffusé massivement des passeports russes, et maintient une situation très délicate dans la région.

Autrement dit, la Russie ne tolérera pas de nouvel élargissement de l’OTAN à ses frontières. L’Ukraine et la Géorgie doivent voir leur statut gelé, et officiellement gelé du côté de l’OTAN.

Le message est clair. Il est compréhensible du point de vue russe, qui n’a aucune envie de voir une tête de pont de l’OTAN à ses frontières, peuplé de 45 millions d’habitants et avec un régime fanatiquement anti-russe et d’idéologie ultra-nationaliste faisant du fasciste historiquement pro-nazi Stepan Bandera un héros. Pour dire le délire, en Ukraine on raconte que la Russie extermine par millions les Ukrainiens depuis cent ans, etc.

Qui plus est, l’OTAN est très satisfaite d’utiliser l’Ukraine comme chair à canon… car l’arrière-plan, c’est le conflit sino-américain, et il s’agit d’affaiblir la Russie, alliée de la Chine, pour isoler cette dernière.

En même temps, la Russie a déjà fait en sorte d’occuper la Crimée ukrainienne, de fomenter des troubles avec les « républiques populaires » séparatistes, et elle a dominé le pays pendant des années en le transformant en satellite après la chute de l’URSS. Et la Russie raconte elle-même officiellement que la nation ukrainienne n’existe pas, que c’est une petite-Russie annexe, etc.

La Russie utilise donc également la question comme prétexte pour justifier son expansionnisme.

En un sens, l’affrontement est décidé et là on a une mise en scène pour se « couvrir » devant l’opinion du pays, l’opinion internationale… Exactement comme en 1914.

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Culture

Résumé sommaire du parcours historique de l’Ukraine

Une début d’approche pour qui se tourne vers ce pays.

  1. L’Ukraine a la même origine que la Biélorussie et la Russie : la Rus’ de Kiev, un État slave qui a existé au moyen-âge avant de se faire écraser par l’invasion mongole. Il y a un grand dénominateur commun entre ces trois pays, les « trois sœurs ».
  2. Contrairement à la Pologne (avec une composante litanienne) et la Russie cependant, l’Ukraine n’a pas formé d’État et s’est retrouvé coincée entre ces deux puissances s’affrontant (la Pologne parvient même momentanément à prendre le contrôle de la Russie). A cela s’ajoutent les invasions tatars. L’Ukraine est alors grosso modo devenu un terrain de passage pour des soldats et en réaction apparaissent les cosaques luttant contre les uns et les autres, comme le raconte le fameux roman de Gogol, Taras Boulba.
  3. Finalement, l’Ukraine passe sous la coupe russe dans une sorte d’accord conte la Pologne et les Tatars, devenant une « petite Russie » victime du chauvinisme russe dans l’empire tsariste. L’Est du pays connaît en même temps une immigration russe, voire une colonisation, avec une grande influence de la langue russe.
  4. Une intense affirmation nationale ukrainienne a lieu au 19e siècle, avec comme principale figure Taras Chevtchenko. La révolution russe d’Octobre 1917 permet ensuite la reconnaissance de l’affirmation de la nation ukrainienne : le pays est reconnu tel quel, la langue est enfin développée, la culture se développe, etc.
  5. L’affirmation nationale ukrainienne a eu une tendance à tourner au nationalisme, qui est réprimée mais se réaffirme pendant la seconde guerre mondiale avec un mouvement nationaliste s’alliant aux nazis sous l’égide de Stepan Bandera.
  6. La victoire sur les nazis permet une récupération des territoires ukrainiens encore possédés par la Pologne et la Tchécoslovaquie. Ils sont historiquement les plus éloignés de la culture russe et du mouvement ouvrier, formant le bastion des ultra-nationalistes.
  7. L’effondrement de l’URSS amena l’indépendance de l’Ukraine, qui devint un satellite de la Russie. Le pays est dominé par des oligarques comme en Russie, mais étant en plus soumis à la Russie, il est totalement corrompu, l’économie s’effondre, etc.
  8. Le développement de l’OTAN dans l’Est de l’Europe ainsi que des entreprises occidentales amènent la formation d’un camp pro-occidental en Ukraine. Se tourner en Europe apparaît comme un espoir de développement dans un pays gelé socialement, économiquement, culturellement.
  9. En 2012-2014, une vague de révolte qui fut appelée Euromaïdan amène le renversement du régime pro-Russie. Elle est portée par les gens en ayant assez de la corruption et de l’oppression, par le camp pro-occidental qui prend le contrôle, par les petites mouvances anarchistes et par les puissants mouvements ultra-nationalistes.
  10. Une partie tout à l’Est du pays fait alors sécession en formant des « républiques populaires » de Donetzk et de Louhansk, dans un soulèvement armé touchant toute la région. La Russie en profite pour annexer la Crimée.
  11. Le nouveau régime interdit tout ce qui est relatif à l’URSS et promet le nationalisme le plus agressif, alors que les « républiques populaires » mêlent nostalgie de l’empire soviétique et nationalisme russe.
  12. En 2020-2021 les États-Unis font passer l’Ukraine dans leur orbite et poussent le pays à une adhésion à l’OTAN et à l’affrontement avec la Russie, tandis que cette dernière vise toujours à en faire un satellite de nouveau, sinon à au moins en annexer une partie.

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Société

Série d’autocollants et affiches pour l’Ukraine

La solidarité est internationale.

Les quatre affiches (au format pdf), puis les modèles d’autocollants.

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Société

Eric Zemmour se prononce contre le pass sanitaire

Ce qui est cohérent avec sa posture.

Si l’on regarde la vaccination, on voit qu’elle était une norme, au sens d’une obligation, dans les pays se revendiquant du communisme dans les années 1940 et 1950, alors qu’inversement le nazisme avait supprimé l’obligation, au nom à la fois d’un esprit individuel libéral et d’une valorisation du mysticisme quant aux guérisons (au nom d’une biologie « aryenne », etc.).

On ne sera guère étonné qu’étant placé à l’extrême-Droite, Eric Zemmour soit contre la vaccination obligatoire concernant la pandémie actuelle. Le nationalisme et le militarisme se posent comme expression du capitalisme, par conséquent il n’y a pas de remise en cause de la base individualiste, même dans des projets capitalistes collectifs comme les grandes entreprises ou… la guerre.

D’où son affirmation sans ambiguïtés comme quoi le pass sanitaire mis en place en France est « excessif », qu’il n’en « voit pas l’intérêt », et d’ailleurs :

« Depuis un an et demi, on a beaucoup joué avec la peur des gens, c’est très excessif, on en fait trop et on en fait trop depuis le début. Lors du premier confinement, on avait l’impression que c’était le blitz, qu’on était bombardé à Londres par l’armée allemande tous les jours, et cela rend service au gouvernement« 

Et de surenchérir :

« Si j’étais président, la dose de rappel, c’est uniquement pour les gens de plus de 65 ans. »

Eric Zemmour joue d’ailleurs sur l’irrationalisme en disant que la pandémie n’est pas « prioritaire », que la question actuelle de la pandémie ne serait finalement qu’un plan machiavélique ; ce serait :

« une habileté tactique d’Emmanuel Macron, de la gauche et des médias que de vouloir en reparler et de vouloir remettre cette question sur le tapis, pour pouvoir changer de sujet. »

Ce sujet étant bien entendu l’immigration ou plus exactement le « grand remplacement », annoncé comme thème monomaniaque et mobilisateur. Seule cette conception permet en effet une modification très prononcée de l’appareil d’État, de la vie intérieure du pays et des stratégies françaises.

Eric Zemmour sait – subjectivement ou du moins objectivement – que plus la pandémie dure, plus c’est la fragilité du capitalisme qui est flagrante. La destruction de la Nature, qui continue d’ailleurs, bouleverse la vie humaine, à cela s’ajoute le réchauffement climatique, la condition animale, la crise économique avec la pandémie, la tendance au militarisme et même les conflits… La pandémie a été la boîte de Pandore de tous les maux capitalistes.

Alors, forcément, comme Eric Zemmour veut réformer la France dans un sens nationaliste et militariste, il doit être monomaniaque, comme l’extrême-Droite l’est toujours. Il s’agit de casser les esprits, de les dresser de manière unilatérale dans une seule direction, adéquate pour faire de la France un pays agressif dans la bataille pour le repartage du monde.

Et en cela il est aidé par une ultra-gauche qui, en ayant combatte le pass sanitaire (tout comme en ayant soutenu les gilets jaunes), a contribué à renforcer l’irrationnel, le refus de la collectivité et donc de l’option socialiste, jouant le rôle de 5e colonne pour Eric Zemmour.

Après tout, Eric Zemmour n’est-il pas un zadiste ayant poussé son raisonnement jusqu’au bout ?

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Politique

Interview d’un Français parti au Rojava

Très utile pour connaître une vision du monde irriguant l’ultra-gauche.

L’idéologie du Rojava – la petite région autonome de Syrie à majorité kurde – irrigue très largement l’ultra-gauche. Cette idéologie est façonnée par le PKK agissant en Turquie et son dirigeant emprisonné Abdullah Öcallan (surnommé Apo).

Le PKK est pourtant né sur une base marxiste-léniniste, mais il l’a rapidement abandonné pour une démarche patriotique (ou nationaliste de gauche) se tournant finalement vers le principe confédéral / décentralisé (du moins officiellement), considérant qu’Abdullah Öcallan a formulé la solution à toutes les questions révolutionnaires du monde, au moyen du « municipalisme libertaire » et du « confédéralisme démocratique ».

L’ennemi, c’est très clairement ici la Gauche historique et en général c’est comme si tout ce qui a existé avant les années 1990 aurait été invalidé et ne serait même pas à prendre en compte. Une large partie de l’ultra-gauche post-anarchiste et post-trotskiste s’est d’ailleurs, depuis quelques années, d’une manière ou d’une autre reconnue dans cette approche (c’est par exemple une référence pour la « Jeune Garde »).

De nombreux Français ont de ce fait rejoint le Rojava pour combattre aux côté des Kurdes dans les YPG (Unités de protection du peuple), afin de combattre Daech, mais également par sympathie pour le projet au Rojava (mis concrètement en place par le PYD – Parti de l’union démocratique, lié au PKK). Ils sont intervenus das un contexte régional de guerre et pour cette raison la situation a été complexe, teinté parfois de pragmatisme de la part des forces kurdes, les États-Unis couvrant le Rojava depuis quelques années (il y a pratiquement mille soldats américains dans la région), des experts militaires français ayant également aidé à la formation des YPG, etc.

Voici justement une interview d’un Français parti là-bas, réalisé par le média d’ultra-gauche Lundi matin (qui consiste en la « suite » de la mouvance de « l’insurrection qui vient » de Julien Coupat).

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Guerre

Escalade en Ukraine: la France se lance dans la sinistre partie

La France s’aligne sur l’OTAN.

Le 20 novembre 2021, le média institutionnel russe RT, dans sa version anglophone, a publié un article d’un universitaire norvégien intitulé… « La guerre Russie – OTAN devient toujours plus inévitable ». C’est un message d’une agressivité très claire. Naturellement, l’article dit que la situation est imposée par l’expansion de l’OTAN – ce qui est une partie de la vérité. Même s’il n’y avait pas l’expansionnisme russe, l’OTAN vise de toutes façons à faire tomber la Russie. Pour cela, l’Ukraine sert littéralement de porte-avions et l’OTAN ne cesse d’envoyer du matériel, de fournir des instructeurs militaires, etc.

Le président russe Vladimir Poutine a tenu un discours portant notamment voire principalement sur ce sujet, le 18 novembre 2021, au ministère russe des Affaires étrangères. Il a expliqué que l’OTAN cherchait la confrontation et qu’elle ne portait pas attention aux inquiétudes russes quant à son élargissement en Europe de l’Est. Les « lignes rouges » dont il avait parlé récemment ne sont prises en compte que de « manière superficielle » et il a souligné l’importance de ce qui se passe en mer Noire.

« Nos partenaires occidentaux aggravent la situation en livrant des armes modernes et létales à Kiev et en menant des exercices militaires provocants en mer Noire et dans d’autres régions proches de nos frontières, a déclaré le président russe. 

En ce qui concerne la mer Noire, cela dépasse vraiment certaines limites. Des bombardiers stratégiques volent à 20 kilomètres de nos frontières et transportent, comme on le sait, des armes très dangereuses. »

Et que fait l’École de guerre française dans la foulée ? Elle annonce que vient d’avoir lieu une simulation d’une intervention de l’armée française dans la région de la mer d’Azov, c’est-à-dire en mer Noire (la mer d’Azov, peu profonde, est imbriquée entre différents pays depuis la mer Noire). C’est une affirmation ouverte du militarisme français, avec un alignement sur l’OTAN et un soutien au militarisme du nationalisme ukrainien.

De leur côté, les médias américains considèrent que la guerre est prévue pour janvier (plus ou moins au plus tard) et qu’en tout cas il est clair et net qu’en l’état de la situation, il y aura un conflit.

Il faut bien saisir ce que cela implique. Vu le degré de conflictualité, il est clair alors que la Russie visera à récupérer toute la partie orientale de l’Ukraine, là où les locuteurs russes sont majoritaires, et encore au sens le plus large possible, puisqu’il s’agit d’aller jusqu’à la Transnistrie et de protéger tout le flanc nord de la Crimée.

L’idée est qu’en effet l’Ukraine va basculer dans l’Otan, donc autant jouer le tout pour le tout. Les troupes russes qui s’accumulent à la frontière avec l’Ukraine rendent cette hypothèse tout à fait plausible… Plus que plausible. Il faut ici rappeler que pour la Russie, l’Ukraine n’existe pas en tant que nation et que le texte de Vladimir Poutine à ce sujet doit même être étudié par les soldats.

Le massacre à la tronçonneuse de l’Ukraine espéré notamment par le courant « eurasien« 

Dans tous les cas, l’Ukraine est une nation qui serait la première victime de la guerre. Aux mains des nationalistes et d’une sorte de couche capitaliste ultra-bureaucratique dans un pays pauvre et entièrement corrompu, elle bascule dans le giron américain, avec en face une Russie qui ne reconnaît pas la légitimité de son existence.

Et il est devenu clair que la France est devenue partie prenante et qu’elle n’est plus dans l’attentisme comme l’est l’Allemagne, qui aimerait ménager la Russie. La France espère la défaite de la Russie et s’aligne pour profiter du gâteau. C’est de l’impérialisme comme à la veille de 1914.

Il faut que tous les partisans de la Gauche historique saisissent l’importance de ce qui se déroule et joue le rôle d’aiguillon pour faire progresser les consciences dans ce moment dramatique de l’Histoire. Ce n’est pas pour rien que personne – à part agauche.org – n’aborde ce thème. C’est trop brûlant, c’est trop essentiel, il y a trop de choses en jeu.

C’est justement de là qu’il faut partir (et non pas y arriver péniblement en constatant qu’il y a une guerre, ce que feront les populistes et l’ultra-gauche qui vivent dans leur bulle, déconnectés de la réalité, totalement hors-sol). L’Histoire existe et elle a une ampleur immense. Qui n’est pas à la hauteur est condamné intellectuellement, moralement, politiquement, culturellement, psychologiquement, physiquement même, de par l’ampleur des désastres.

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Société

Un exemple du caractère collective de la pandémie : les mesures autrichiennes

Le collectivisme s’impose coûte que coûte historiquement.

L’Autriche avait déjà décidé de confiner les non-vaccinés. Désormais, il y aura une période confinement pour tout le monde, puis elle ne concernera que les non-vaccinés, qui d’ici févier auront obligation de se vacciner. C’est une mesure forte, d’ampleur collective, quelque chose que le capitalisme voulait éviter coûte que coûte afin de maintenir le libéralisme dans les mœurs. Mais c’est l’échec, la pandémie force au collectivisme.

Que le Tadjikistan et le Turkménistan obligent à la vaccination, cela n’a que peu d’incidence idéologique. Ce sont des pays au régime conservateur autoritaire, des pays dépendants économiquement, et loin des pays capitalistes. Mais qu’un pays capitaliste membre de l’Union européenne prenne une telle mesure « autoritaire », voilà qui ébranle les fondements du libéralisme de manière profonde.

Rappelons ici que des figures « autoritaires » comme Marine Le Pen et Eric Zemmour ne sont pas pour la vaccination obligatoire. L’extrême-Droite a toujours prôné l’individualisme, l’individu « acteur », même dans le cadre du nationalisme, du militarisme et de la guerre. Ils n’ont jamais prôné de valeurs de dimension collective, justement par refus du collectivisme. Ni l’Allemagne hitlérienne ni l’Italie fasciste n’ont été « totalitaires » – les seuls « totalitaires », c’est la Gauche historique, et c’est bien.

On le voit très bien aujourd’hui. Si l’humanité avait été unifiée mondialement et capable d’agir collectivement, alors elle aurait affronté la pandémie avec efficacité. Au lieu de cela, cela a été le chacun pour soi. Cela a été le problème en Autriche d’ailleurs, car si initialement le pays a largement évité les vagues de COVID-19, la décentralisation du pays et le refus d’une large partie de la population à se faire vacciner a fait pencher la balance du mauvais côté.

Remarquons ici l’idiotie capitaliste : contents de fournir des vaccins empêchant les crises graves, ils ont oublié que les vaccinés pouvaient être porteurs de la maladie et la diffuser. Tant qu’une large partie de la population n’est pas vaccinée, le risque reste présent, avec notamment en plus ceux chez qui les vaccins font moins d’effet.

En Autriche, c’est bien entendu l’extrême-Droite qui lutte depuis le départ contre la vaccination et le pass sanitaire. Comme d’ailleurs partout dans le monde… à part en France, où l’ensemble de l’ultra-gauche (anarchistes, trotskistes, etc.) s’y est opposée aussi, ce qui en dit long sur sa nature. Il ne faut pas s’étonner d’avoir des Eric Zemmour et des Marine Le Pen qui ont du succès quand on voit que des idiots « ultra-révolutionnaires » soutiennent les gilets jaunes et s’opposent au pass sanitaire.

De toutes façons, que vont faire ces gens quand le vaccin sera obligatoire, qu’il faudra le renouveler tous les neuf mois ? Rien, parce qu’ils brassent du vent. Et ils le font dans un pays qui n’en a rien à faire d’eux, d’ailleurs, comme il n’en a rien à faire de rien. C’est que la France est un pays de petits-bourgeois et on voit mal d’ailleurs comment elle ferait face à une nouvelle vague de COVID-19. Les gens sont las, ils ont une seule envie : qu’on les laisse tranquille dans leur petite vie. Mais la pandémie est là, car le capitalisme bouleverse les équilibres planétaires. Qu’elle le veuille ou non, l’humanité – et les Français y compris ! – devront remettre en cause leur mode de vie.

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Culture

Ukraine et Donbass séparatiste : les mysticismes « romantiques »

Le fascisme est une idéologie ici hautement développée.

Lorsqu’il y a eu la guerre civile en Yougoslavie, l’extrême-Droite a été très partagée. Certains sont partis rejoindre les forces armées serbes, d’autres les forces croates. On peut résumer la différence de sensibilité comme suit :

– la Serbie avait une identité nationale bien identifiée, il y avait une forte dimension conservatrice avec l’Eglise orthodoxe, voire étatique-autoritaire avec un Etat fort déjà en place ;

– la Croatie était une nation posant une indépendance avec d’autant plus d’idéalisme et par conséquent on pouvait plaquer dessus beaucoup de rêves.

La même césure s’est déroulée au moment de la crise dans le Donbass. Certains activistes d’extrême-Droite ont rejoint les pseudos « républiques populaires », parce que c’était l’Eglise orthodoxe, la Russie sacrée avec ses rêves impériaux, l’idée d’un continent eurasiatique comme puissance mondiale. C’est ici un romantisme à la fois religieux et impérial. L’article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne» présente de manière incontournable cette idéologie.

En voici un exemple aussi avec une vidéo d’un Français ayant rejoint les forces armées séparatistes et s’étant converti au catholicisme orthodoxe, exposant à travers une chanson mystique – chevaleresque sa vision du monde.

Ceux qui sont partis en Ukraine ont un autre profil. Déjà, il ne faut pas tant parler de volontaires militaires que de cadres politiques rejoignant l’idée d’une Ukraine comme base pour un nationalisme européen. On parle ici de visites, de fréquentations, d’échanges d’expérience, d’inspiration. On est ici aussi dans la mystique national-socialiste extrêmement puissante en Ukraine en raison des multiples organisations fascistes et de l’idéologie de l’Etat ukrainien, qui valorise Stepan Bandera, qui s’était allié aux nazis pendant la seconde guerre mondiale pour tenter de former une Ukraine fasciste.

Il y a ainsi un Français qui a été arrêté en Ukraine en 2015 alors qu’il comptait revenir avec 125 kilos d’explosifs et 5 fusils d’assaut (il a été condamné à six ans de prison pour terrorisme, la justice française y voyant par contre un simple trafiquant d’armes…). Il y a surtout le groupe de metal « Peste Noire » qui est régulièrement valorisé en Ukraine, de mouture identitaire, nihiliste et élitiste (qui ne correspond pourtant pas du tout à l’idéologie national-socialiste « populaire » voire « basiste » promue en Ukraine).

Si l’on veut vaincre le fascisme, il faut avoir conscience de ces idéologies, notamment de leur rôle en France dans la réactivation de l’extrême-Droite, dans la cristallisation de son idéologie. Mais ce n’est pas tout : le fascisme a besoin de porter un faux romantisme, un romantisme idéaliste, pour parvenir à concurrencer la Gauche historique et lui enlever sa base.

Cela, bien entendu, la gauche caviar ne le voit pas en raison de ses préoccupations gouvernementales, tout comme la gauche kebab des « antifas » dans leur version d’ultra-gauche ne le comprennent pas, car leur camp est finalement celui des libéraux et des turbocapitalistes. Ceux-là sont finalement bien souvent autant opposés à l’extrême-Droite qu’à la Gauche historique.

Cependant, les gens portant les valeurs de la Gauche historique ne doivent pas perdre cela de vue. Il s’agit de changer la vie et d’être à la hauteur de la promotion d’un idéal amenant tous les êtres humains à changer dans le plus profond de leur être. C’est une humanité nouvelle qui est à l’ordre du jour.